<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><b>Introduction</b></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Il est admis que la trace repose sur un jeu entre logistique et sémiotique (Jeanneret, 2011). Son pouvoir réside habituellement dans sa capacité à articuler la matérialité d’une inscription à une forme socialement partageable. Il s’agit en effet d’une part d’une marque, d’une altération de matière qui n’est pas faite au hasard dans la mesure où elle est causalement liée à un événement selon la théorie peircienne de l’indice, comme la fumée est liée au feu ou l’empreinte du pas à l’animal qui est passé (Peirce, 1978). Et d’autre part la trace s’inscrit souvent également dans l’ordre du symbolique en ce sens qu’elle appelle l’interprétation (Ginzburg, 1989) : quelqu’un, à un moment, cherche à faire de la trace un indice, comme le chasseur dans les bois ou le psychanalyste qui traque les lapsus. La trace est donc présentée comme une relation « entre le plan matériel de l’inscription et le plan interprétatif de l’explication. » (Jeanneret, 2011, p.47) Elle est à la fois matérielle, logistique et symbolique, herméneutique.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Bien entendu, ce caractère biface de la trace est, jusqu’à un certain point, également valable, en reprenant la théorie peircienne, pour le symbole ou l’icône. Un symbole en effet doit bien être inscrit quelque part pour exister ; et pour être compris, il dépend d’un ensemble de conventions. La colombe, symbole de la paix par exemple, comprend une dimension matérielle et une dimension culturelle. Il en va de même de l’icône qui mime le réel : le peintre qui dessine une colombe, recopiant celle qu’il a en face de lui, opère une inscription sur un support, qui peut être comprise par quiconque la regarde et y reconnaît l’oiseau. Mais contrairement à la trace, ni l’icône, ni le symbole ne sont liés physiquement à l’événement qu’ils représentent. La trace quant à elle renvoie au fait qu’un événement a eu lieu et a marqué un support, ou pour le dire avec Barthes (1980), elle renvoie à un « ça a été ». Un geste interprétatif peut donc consister à voir dans la trace, un indice, à en faire la preuve d’un « ça a été », mais j’aimerais ici proposer de la considérer dans sa pure conception logistique, comme altération de matière qui n’est pas faite au hasard et laisser sa part sémiotique un temps de côté.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Cette manière de comprendre la trace comme inscription matérielle n’est pas neuve. Elle rejoint les travaux de Louise Merzeau (2008, 2009a, 2009b, 2013) – et des médiologues plus largement qui s’intéressent au pouvoir d’enregistrement et de dissémination des médias. C’est bien la logistique de la circulation qui y est considérée, certes au prix d’une occultation dépolitisante du social (Granjon, 2020) et du sémiotique (Jeanneret, 2011). Cette conception logistique de la trace – en particulier numérique – permet cependant de clarifier les différences entre traces et données, elle permet également d’aménager une place à cet objet technique qu’est l’ordinateur dans le processus de production de connaissances, et par là de répondre à certaines critiques formulées par les sciences humaines et sociales (SHS) à l’encontre des méthodes digitales. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Dans un premier temps, je vais approfondir cette conception logistique de la trace et montrer en quoi elle est particulièrement pertinente pour appréhender la trace numérique – qui diffère de la donnée numérique. Dans un deuxième temps, je présenterai certaines des critiques majeures faites à l’encontre des travaux qui cherchent à produire de la connaissance à partir de la collecte et du traitement de données numériques. Enfin, je montrerai en quoi il peut être intéressant de travailler avec les traces numériques sans en faire tout de suite des données, de se laisser troubler (Haraway, 2016) par elles, cultivant par là une forme d’artisanat haute technologie (Ghitalla, 2014). Je montrerai, à l’aide d’un cas concret, que cette étape de trouble auprès de la trace numérique est importante pour ne pas oublier la technique, ici l’ordinateur, dans le processus de construction des connaissances.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><b>Une conception logistique de la trace </b></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">La trace, dans sa compréhension logistique, qui est celle retenue à partir de maintenant, est donc une altération de matière, une matérialité affectée par une action. C’est une marque liée à un événement, causée par lui, qui atteste donc de la singularité d’un « ça a été ». Barthes explique à ce propos que, affecté par la perte de sa mère, il se retrouva foudroyé en regardant la <i>Photo du Jardin d’Hiver </i>: non pas parce qu’il y aurait reconnu sa mère, mais parce qu’il l’y a retrouvée. Dans la photographie, écrit-il, « je ne puis jamais nier que la chose a été là. » (1980 ; cité par Merzeau, 2009b, p. 138) La trace atteste donc de la singularité d’une présence qui a été. Mais presque immédiatement, elle est aussi une marque abandonnée, dont l’une des caractéristiques principales est la <i>déliaison</i>. La trace en effet est d’emblée rupture avec son contexte de production.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Cette déliaison et cette décontextualisation constitutives de la trace sont fidèles à la pensée de Derrida. Pour lui, tout acte de communication – toute écriture – excède par définition son contexte, aussi bien du côté de l’émetteur de la trace que de son destinataire. Du côté du destinataire d’abord, la notion de contexte n’a pas de sens puisque toute écriture signe l’absence du destinataire. « On écrit pour communiquer quelque chose à des absents. » (Derrida, 1971, p. 372) Des absents qui le sont radicalement. « Un signe écrit s'avance en l'absence du destinataire. Comment qualifier cette absence ? On pourra dire qu'au moment où j'écris, le destinataire peut être absent de mon champ de perception présente. Mais cette absence n'est- elle pas seulement une présence lointaine, retardée ou, sous une forme ou sous une autre, idéalisée dans sa représentation ? (...) Il faut, si vous voulez, que ma « communication écrite » reste lisible malgré la disparition absolue de tout destinataire. » (Derrida, 1971, p. 373-374) Toute trace, pour être ce qu’elle est, doit fonctionner « en l’absence radicale de tout destinataire empiriquement déterminé en général. » </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Quant à l’émetteur, il n’est pas moins absent « à la marque qu’il abandonne, qui se coupe de lui et continue de produire ses effets au-delà de sa présence et de l’actualité présente de son vouloir- dire, voire au-delà de sa vie même, cette absence qui appartient pourtant à la structure de toute écriture – et, j’ajouterai plus loin, de tout langage en général » (Derrida, 1971, p.376) Il y a donc une <i>dérive essentielle </i>de la trace, « qui se trouve coupée de toute responsabilité absolue, de la conscience comme autorité de dernière instance ». C’est-à-dire que la trace est une marque abandonnée, qui excède ce qu’a pu vouloir dire son émetteur et qui mène une vie autonome, qui pourra continuer à fonctionner – être comprise – au-delà de son contexte de production ; qui pourra travailler d’autres situations et être interprétée ailleurs, autrement – différemment. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Pour Derrida, la trace fonctionne en l’absence de l’émetteur, qui est radicalement non-présent, non-présent à un quelconque vouloir-dire dans la mesure où, pour le philosophe, tout acte de communication convoque une hétérogénéité de signes et de gestes qui, pour fonctionner, doivent être reconnus, c'est-à-dire rapportés à des conventions, à des formes instituées. Ces signes donc ont une autonomie, ils exposent des significations et des intentions déjà établies, qui « ne sont pas exclusivement les nôtres » (Cooren, 2013, p. 68), qui n’appartiennent pas en propre à l’énonciateur. Et c’est à cette absence de l’énonciateur que renvoie le concept de trace – ainsi qu’à celle du destinataire – déconstruisant par là toute la familiarité du carcan conceptuel de la subjectivité, de l’interaction, de l’identité, de la présence à soi et aux autres. La trace est une inscription, une altération de matière qui n’est pas du tout l’expression de l’intention d’un quelconque sujet mais qui s’autonomise pour fonctionner comme une « unité discrète de sens » (Merzeau, 2008, p. 155). La trace est essentiellement dérive, marque abandonnée qui peut être insérée dans des chaînes de significations qui ne sont pas celles de son « contexte » de production. De ce point de vue, la trace excède toujours et par définition son contexte, à jamais absent. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><b>Une conception logistique de la trace numérique</b></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Cette compréhension logistique de la trace, qui est aussi une déconstruction de la métaphysique de la présence et de la subjectivité, est particulièrement adéquate pour appréhender la trace numérique – cela pour une raison à la fois factuelle et plus métaphysique. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Factuellement d’abord, il y a <i>trace numérique </i>dans la mesure où toute action dans un environnement informatisé est aussi une interaction avec des machines computationnelles. Toute action volontaire comme écrire un <i>tweet</i>, naviguer sur le web ou préparer un diaporama se fait sur un support numérique et avec des outils numériques, elle est médiée par un système technique, « par l’interposition d’un programme informatique » (Bouchardon, 2014). Elle passe par un codage qui en rend certains aspects manipulables. Autrement dit, les activités dont la forme est socialement partageable (poster un commentaire, partager une photographie, enregistrer un son, etc.) se doublent « toujours d’un code traductible en données calculables » (Jeanneret, 2011, p.68). Ainsi, les activités en ligne génèrent des traces numériques, car « l’informatique exige que les objets et les actes passent par l’inscription pour exister » (Jeanneret, 2011, p. 68). </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Ces traces numériques endossent les propriétés du numérique. Pour les mettre au mieux en évidence, un passage même bref par l’histoire de l’informatique est bienvenu. Comme l’a largement décrit Bruno Bachimont (1999, 2000, 2004, 2010), l’informatique est le fruit de deux étapes fondamentales : la cybernétique et le formalisme hilbertien. La cybernétique a permis de comprendre les systèmes physiques en termes d’information et d’autorégulation plutôt que simplement en termes de transformation d’énergie. Le formalisme scelle quant à lui la possibilité de raisonner non pas à partir du contenu des symboles mais à partir de leur forme, ce sont les premiers pas de l’informatique. À partir du moment, en effet, où le raisonnement a pu être arithmétisé et ramené à de la pure manipulation de symboles vides de sens, alors il a pu être mécanisé : d’abord de manière abstraite avec la machine de Turing universelle (1936) puis concrètement avec l’ordinateur (Von Neumann, 1945) « cette machine concrète réalisant dans l’effectivité physique le principe abstrait de la calculabilité turingienne » (Bachimont, 1999, p.4) Finalement, ce que certains appellent la « révolution numérique » ne repose sur rien d’autre que sur ce principe de manipulation de symboles vides de sens dans le cadre d’opérations syntaxiques où seule la forme compte et qui peuvent être exécutées mécaniquement. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">À partir de cette histoire, on peut comprendre quatre propriétés fondamentales du numérique – mises en évidence dans les travaux de Bruno Bachimont – que l’on retrouve dans les traces numériques : désémantisation, manipulabilité, discrétisation et authotéticité. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">D’abord, tout signe informatique « n’existe pas en vue de sa signification mais en vue de sa manipulation » (Bachimont, 2004, p. 101), d’où une « ascèse du signe », une expulsion de la signification. Le signe informatique n’est donc pas le signe de la sémiotique puisqu’on y a « suspendu le processus d’interprétation sémiotique [...] Le signe ininterprété de l’informatique s’oppose au signifiant de la sémiotique.» (Bachimont, 2012). <i>Stricto sensu</i>, la trace numérique ne représente donc rien, il y a rupture sémantique, mais elle se prête au calcul et à la manipulation combinatoire. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Cette asignifiance essentielle est solidaire de la seconde propriété : la manipulabilité. En effet, ce n’est qu’à partir du moment où l’on ne tient compte que de la forme indépendamment du sens que l’on peut traiter les symboles – les traces – dans le cadre d’un calcul formel. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Si manipulabilité et asignifiance vont de pair, elles ne peuvent être séparées d’une troisième propriété du numérique : la discrétisation. On ne peut « désolidariser le calcul du discret : il n’y a de calcul que sur du discret, et du discret que pour du calcul » (Bachimont, 2004, p. 102). On ne peut en effet calculer que sur des unités discrètes et ces unités discrètes ne prennent de valeur que dans leur combinatoire, c’est-à-dire par calcul. Le signe informatique asignifiant est une valeur relationnelle, non pas dans un réseau de significations, « mais dans un réseau d’unités discrètes ». </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Après l’asignifiance, la manipulabilité et la discrétisation, l’on peut mettre en évidence la quatrième propriété du numérique, à savoir son authotéticité. Le signe informatique ne renvoyant à rien d’autre que lui-même – puisque, ne comptant que pour sa forme, il ne représente rien – il est autothétique, c’est-à-dire qu’il ne pose rien d’autre que lui-même (Bachimont, 2004, 2012). « Si le symbole informatique sortait de l’autothétique pour acquérir une signification, un sens, une intentionnalité, les lois auxquelles il serait soumis en tant que signe ne permettraient pas de concevoir une machine physique dont la description au niveau informationnel prendrait la forme d’un algorithme. » (Bachimont, 1999, p.6)</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">La trace numérique est donc l’inscription répondant aux impératifs techniques des machines computationnelles<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span lang="FR-CH" style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Calibri",sans-serif">[1]</span></span></span></span></a> qui double les activités humaines inscrites dans l’échange symbolique et social dès lors que celles-ci ont lieu dans des environnements numériques. Elle échappe toujours au moins en partie à l’intentionnalité de l’agent et au contexte de sa production car elle est asignifiante, manipulable, calculable et intrinsèquement déliable. La numérisation radicalise le caractère logistique de la trace, elle en précipite l’autonomisation en en radicalisant le principe. Son caractère calculable et manipulable permet de la décontextualiser, de l’arracher au contexte énonciatif et de l’insérer dans de nouvelles chaînes de calcul et de significations. La trace, dans sa compréhension logistique, est ainsi particulièrement appropriée pour saisir les spécificités de la trace numérique, cela en raison des propriétés du numérique. Mais la trace, dans sa compréhension logistique, permet également et en raison du geste déconstructionniste qui l’habite, d’aménager conceptuellement, métaphysiquement, la possibilité d’un accueil : celui de la machine computationnelle dans la composition du monde commun et dans le processus de production de connaissance. Or la question de cet accueil, et plus largement du statut de la technique dans le processus de construction des connaissances, est centrale pour interroger les résultats de recherche produits à l’aide de méthodes digitales. Voyons d’abord dans quelle mesure le concept de trace défendu ici aménage une place à cet objet technique qu’est la machine computationnelle, avant de passer aux considérations plus directement épistémologiques sur les méthodes digitales et leurs résultats. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><b>Une conception logistique de la trace numérique comme disposition aux interactions avec des machines computationnelles</b></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">La conception logistique de la trace numérique comme inscription profondément déliable héberge un geste de déconstruction de la métaphysique de la présence et de la subjectivité qui ouvre sur la possibilité d’un accueil : celui de la machine computationnelle dans la composition du monde commun. Énoncer cela revient à articuler le travail philosophique à des considérations empiriques. J’ai tâché ici de montrer en quoi les spécificités de la trace, comprise au sens de Derrida (travail philosophique), se retrouvaient précipitées par les propriétés du numérique (considérations empiriques). J’aimerais à présent mettre en évidence comment la trace, toujours dans sa compréhension derridienne, en déconstruisant l’identité comme présence à soi ouvre sur l’acceptation du surgissement de l’altérité au cœur même de l’identité, telle qu’elle a pu être pensée par Jean-Luc Nancy. Accepter philosophiquement ce geste de déconstruction du sujet, comme exposition à l’étrangeté de l’altérité, amène – telle est ma proposition – à une posture de recherche intéressante lorsque l’on travaille avec des méthodes digitales et que j’appellerais volontiers, après Franck Ghitalla (2014), un « artisanat haute technologie » et que je développerai dans le dernier chapitre de cet article. Mais d’abord, il faut présenter en quoi le geste de déconstruction embarqué dans le concept logistique de trace numérique débouche sur une pensée de la communauté qui peut très bien accueillir le non-humain computationnel.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Jacques Derrida et Jean-Luc Nancy sont tous les deux des penseurs de la déconstruction. Il n’est pas possible ici d’entrer dans un commentaire précis de leurs textes, mais il est intéressant de noter que l’on trouve chez ces auteurs de la déconstruction de l’identité et de la subjectivité une pensée particulièrement radicale de la communauté qui permet d’aménager une place au non-humain dans la composition du monde commun. C’est peut-être dans <i>L’intrus</i> (Nancy, 2000), que cette idée apparaît dans sa forme la plus aisément saisissable. Dans ce livre, Nancy revient sur son expérience de malade ayant eu à recevoir une greffe du cœur. Le propos philosophique y est passionnant : pour vivre, le corps doit héberger en lui le cœur d’un autre, une altérité, une greffe qui est rejetée comme du non-propre et dont sa vie pourtant dépend. Il faut donc abaisser l’immunité du corps pour que le greffon ne soit pas rejeté, on abaisse donc les barrières de l’identité, ce qui fait sortir au grand jour les bactéries et virus (comme le zona) que le corps héberge et qui le co-constituent. <i>L’intrus</i> traite de front la question de l’altérité qui toujours déjà fissure l’identité. C’est l’autre-que-soi qui permet au « je » de continuer à vivre. Le corps, écrit Michela Marzano (2005), « devient le lieu d’une rupture existentielle et fait basculer « je » dans un autre univers, celui d’une identité en pleine recomposition. »</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">C’est donc le retrait identitaire, l’effacement subjectif comme disposition au partage, qui nous mène au seuil d’une pensée de la communauté – qui peut très bien accueillir le non-humain. La déconstruction du sujet et de l’identité est une désabsolutisation qui crée la possibilité du rapport, du rapport à l’altérité, tout en inscrivant l’inachèvement au cœur de la condition humaine. À partir du moment, en effet, où le sujet n’est plus posé comme un absolu qui se suffit à lui-même, il devient – en tant qu’inachevé – capable de l’en-rapport, de l’être-avec d’autres, des autres qui le définissent en tant qu’être ouvert, inachevé, exposé. « Par là, c'est <i>l'être « </i>lui-même » qui en vient à se définir comme rapport, comme non-absoluité, et si on veut — c'est en tout cas ce que j'essaie de dire — <i>comme </i>communauté. » (2004, p. 21-22) À partir du moment où l’on accepte de déconstruire l’identité, la présence à soi du sujet, l’on ouvre sur la possibilité d’un être-avec, d’une recomposition de l’être comme rapport avec d’autres (que Nancy appelle <i>être singulier pluriel</i> 1996). À partir du moment où l’être n’est plus une belle totalité, close en elle-même, il n’est plus auto-suffisant, il est disposition au rapport – c’est-à-dire relation – comme ouverture à son dehors. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’être comme ex-tase, comme exposition à l’en-dehors de soi. Si l’absolu est clos dans son auto-suffisance, l’inachevé tout entier relationnel est ouverture à ce qui – dans le geste même de la disposition – se construit comme dehors. Car en effet, il n’y a pas de dehors qui soit toujours déjà là. Le dehors est constitué par le mouvement de désubjectivation qui expose la singularité comme ouverture, comme disposition aux rapports. De façon presque paradoxale, il n’y a de dehors que parce que l’être s’ouvre. Le dehors n’est pas ce contre quoi l’être est fermé, c’est ce avec quoi il communique. Et qui le constitue.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">La base théorique qui sous-tend la conception logistique de la trace numérique, comme déconstruction du sujet et de l’identité, s’articule donc bien à une compréhension de l’être comme rapport à l’altérité, de la subjectivité recomposée dans sa relation avec l’autre, un autre qui – ici – peut prendre la forme de cet objet technique qu’est l’ordinateur. Concrètement, cette base philosophique a des conséquences sur la manière de comprendre la trace numérique et de travailler avec elle.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">En effet, lorsque nous communiquons dans un espace numérique, l’acte d’énonciation autant que l’énoncé se trouvent démembrés en unités discrètes dont la consistance syntaxique est assurée par des actants logiciels qui ont également la charge de spécifier à quelles articulations et opérations algorithmiques elles se prêtent. Nos clics et partages, commentaires, navigations, mails, <i>bookmarks </i>ou <i>retweets</i>, etc. génèrent des traces qui se signalent par leur <i>déliaison</i>. Dès leur production, elles « sont agrégées à d’autres données, stockées dans des réservoirs distants, disséminées dans quantité de sites » (Merzeau, 2013, p. 124) excédant ainsi largement leur contexte de production et menant leur vie dans une certaine autonomie relativement à la présence singulière à l’origine de l’énonciation. Ainsi démembré en traces volatiles et autonomes, l’énoncé se retrouve délié de son auteur dont l’intentionnalité est (au moins en partie) disséminée. La plupart des plateformes web, notamment lorsqu’elles disposent d’une API permettant le partage de l’accès aux données entre différentes applications, profitent – tout en la radicalisant – de la volatilité des traces si spécifique au code numérique. Manipulabilité, asignifiance, calculabilité permettent en effet d’offrir les traces à leur profonde décontextualisation et à diverses réappropriations. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Si certains ont pu y voir une des effets expropriants (Merzeau) ou le déploiement néfaste d’une gouvernementalité algorithmique (Rouvroy & Berns, 2013), il s’agit avant tout – avec la production de ces traces numériques – d’un être-avec l’ordinateur. En effet, toute action dans un environnement informatisé est aussi une interaction avec des machines computationnelles, qui implique des traces numériques car “l’informatique exige que les objets et les actes passent par l’inscription pour exister” (Jeanneret, 2011, p. 68). Ou, pour le dire avec les mots qui cadrent ce numéro d’<i>Intelligibilité du numérique</i>, « les traces peuvent être considérées à la fois comme une condition et un résultat de la numérisation de notre environnement et de nos milieux socio- techniques : les outils numériques nous amènent à produire à foison des traces dont on se saisit comme données. » La trace numérique, comme inscription déliable, est donc à la fois la condition et le résultat d’activités qui ont lieu dans un monde où nous <i>sommes-avec</i> des ordinateurs. Autrement dit, la compréhension logistique de la trace – héritée en partie de Derrida – implique l’acceptation d’une déconstruction de la subjectivité humaine comme exposition à un dehors, à une altérité qui ici prend la forme d’ordinateurs avec lesquels nous faisons communauté. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Ces ordinateurs ont leurs exigences et leur échelle. Les traces numériques sont imperceptibles pour les humains. Elles peuvent certes être textualisées, c’est-à-dire mise en signes – par exemple sous la forme d’une écriture binaire faite de 0 et de 1, sous celle d’un tableau Excel structurant une base de données ou encore indirectement comme organisation particulière d’une page web. Mais sans médiatisation, elles sont inaccessibles simplement parce que l’<i>anthropos </i>ne dispose pas de l’appareil perceptif adéquat pour faire la différence entre 0 et 5 volts, différence de potentiel pourtant parfaitement significative pour la machine puisqu’il s’agit du binaire structurant la façon dont elle stocke et traite les données. Mais elles sont aussi inaccessibles à l’humain parce que l’activité électrique d’inscription se déroule à une échelle spatio-temporelle sur laquelle il n’a pas prise. En effet et à titre informatif, avec un processeur contemporain, une instruction s’effectue en un dimilliardième de seconde et ce dans un espace de moins de 100mm2. Il s’agit donc bien d’ordres de grandeur non appréhendables – sans médiatisation – par les humains. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">On comprend dès lors que les traces numériques sont à la fois condition et résultat d’interactions avec des machines computationnelles. Et il est important de noter que ces traces numériques <i>doublent </i>l’activité dans des environnements informatisés. Nous sommes dans une logique de supplément, non de translation – cette dernière véhiculant une conception naturalisante de la trace numérique, comme c’est le cas dans certains discours qui accompagnent parfois le <i>big data </i>ou les <i>digital humanities</i>, laissant supposer qu’il suffirait de déployer un gigantesque dispositif de collecte de traces pour parvenir à produire des « <i>représentations vraiment représentatives </i>» (Jeanneret, 2011, p. 65) du réel. Les traces numériques s’inscrivent dans une logique de supplément et il faut insister sur les couches textuelles médiatrices nécessaires à la collecte et la mise en signes et en données de ces traces. Il est nécessaire d’insister sur cette dimension sous peine de prêter le flanc à toute une série de critiques à l’égard des méthodes digitales. Je vais maintenant présenter brièvement ces critiques principales avant de montrer en quoi elles me paraissent s’adresser à la mise en données des traces numériques – voire à la confusion entre données et traces numériques – mais qu’il est possible d’y échapper en partie, non seulement en soignant bien le travail de mise en donnée de la trace (et donc de ne pas immédiatement prendre la trace pour de la donnée), mais aussi en acceptant de travailler avec la trace elle-même, comprise comme trace, dans tout ce que la démarche peut avoir de troublant.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><b>Mettre en données la trace numérique ? </b></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">De nombreux chercheurs en sciences humaines et sociales (SHS) ont critiqué la mise en donnée de la trace numérique. Contrairement à la trace (“Un like n’a pas besoin de théorie” (Boullier, 2015)), la donnée porte déjà en elle toute une série d’hypothèses et d’interprétations, elle n’est jamais neutre et embarque toujours des décisions en amont de sa collecte ou de sa production : quels sont les attributs ou les variables que l’on considère comme intéressants, lesquels peuvent être ignorés, etc. Latour (1993) affirme même que plutôt que de parler de “données”, on devrait parler d’ “obtenues”. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Parmi les critiques qui visent la mise en données en SHS des traces numériques, on trouve le reproche d’un biais quantitativiste, scientiste et néo-positiviste (Rebillard, 2011), où le calcul automatisé couplé à l’héritage en SHS de théorisations qui viennent des sciences du vivant et des sciences exactes (la “nouvelle science des réseaux”) se retrouvent au coeur de recherches qui finissent par dénier la composante humaine et sociale des phénomènes. D’autres critiques visent la qualité des données issues des traces numériques : les indicateurs sont superficiels (Rebillard, 2011), ces données sont limitées et biaisées même si elles sont présentées comme très nombreuses (“bigger isn’t better” (boyd & Crawford, 2012)), elles sont souvent réduites à ce qui peut rentrer dans un modèle mathématique (boyd & Crawford, 2012), elles ne débouchent que sur des analyses qui aplatissent les phénomènes (Rieder, 2007), elles proviennent de plateformes qui les ont générées pour des buts marketing et qui se retrouvent détournées à des fins scientifiques (c’est le <i>repurposing</i> de Rogers, 2010) menant soit à “un déficit plus général de problématisation en amont de la recherche” (Rebillard, 2011), soit à la pré-construction par les plateformes numériques des questions de recherche (boyd & Crawford, 2012). </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Conscients des problèmes méthodologiques et épistémologiques que posent la mise en données des traces numériques, les chercheurs en SHS ne sont toutefois pas dans une posture réactionnaire. Ils essaient au contraire de faire preuve d’ouverture, moyennant le déploiement de précautions méthodologiques conséquentes, et formulent des propositions. Certains estiment que les données issues des traces numériques ne sont pas incompatibles avec des approches qualitatives : Paul Gerbaudo (2016) applique par exemple une herméneutique de la donnée, Josiane Jouët et Coralie Le Caroff (2013) déploient une forme d’ethnographie en ligne. D’autres chercheurs, selon des degrés variables militent en faveur d’une articulation entre approches quantitatives et qualitatives en SHS (Rebillard, 2011 ; Venturini, 2012). Certains chercheurs, enfin, estiment que le travail à partir de traces numériques constituées en données permettent la construction de nouveaux objets de recherche. Boullier (2015) estime ainsi que les traces numériques, qui ne sont pas des données structurées socio-démographiquement significatives, peuvent donner lieu à une nouvelle sociologie, une sociologie des vibrations : “c’est une autre strate du social qui affleure grâce à ces dispositifs de traçabilité à haute fréquence.” (Boullier, 2015) Boyd et Crawford (2012) estiment quant à elles, après Latour, qu’en changeant les instruments, c’est toute la théorie du social qui change également. La disponibilité des <i>big data</i> (ou, pour le dire avec les termes définis dans cet article, la disponibilité des traces numériques, exploitées comme données en SHS), débouchent selon elles sur l’analyse de deux types de réseaux sociaux particuliers : les réseaux articulés et les réseaux comportementaux - qui ne doivent pas être confondus avec les réseaux personnels, par ailleurs bien connus de la sociologie. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Les chercheurs en SHS qui s’emparent des problématiques épistémologiques et méthodologiques liées au déploiement des méthodes digitales, qu’ils critiquent les biais quantitativistes ou proposent un renouvellement des questions de recherche, s’intéressent à la mise en données des traces numériques. Des données dont le processus de mise en données doit être critiqué ou des données qui ouvrent sur de nouvelles analyses, mais il s’agit toujours bien de données – et non pas de traces numériques, au sens logistique défini ici, comme altération de matière, asignifiantes et manipulables. Or j’aimerais ici proposer une manière de travailler non pas avec de la donnée numérique, mais avec de la trace. Il s’agit d’une invitation à la patience, à la capacité à se laisser troubler par la disposition aux interactions avec les machines computationnelles (dont nous avons vu combien elle est inhérente à une conception logistique de la trace), qui débouche sur une posture de recherche que Franck Ghitalla (2014) qualifiait « d’artisanale » tout en étant équipée technologiquement et qui peut mener au design d’outils numériques dont je donnerai un exemple ici.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><b>L’artisanat haute technologie : pour une culture technique de la trace numérique</b></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Avant le processus de mise en donnée de la trace numérique, il est possible de travailler avec la trace elle-même. La trace numérique asignifiante et manipulable, qui ne contient aucune hypothèse et qui traduit simplement la présence de machines computationnelles, qui ont besoin d’inscriptions pour fonctionner et calculer. Travailler avec les traces numériques <i>en tant que traces</i> appelle autant que suscite le développement d’une culture technique, plus qu’une forme d’expertise scientifique. Une culture technique de l’informatique au sens où il s’agit de comprendre comment fonctionne un ordinateur, de saisir ce qu’il exige pour fonctionner, de composer avec cela et d’essayer d’apprendre de cet être technique. Cette manière de travailler implique des tâtonnements, elle relève d’une forme d’artisanat, de fabrication au sens que Tim Ingold donne à ce mot. Pour fabriquer un panier écrit-il « l’on doit plier et entrelacer des fibres qui peuvent opposer une résistance considérable […] En résumé, la forme du panier résulte d’un jeu de forces provenant à la fois de l’intérieur et de l’extérieur du matériau dont il est constitué […] le tisserand est impliqué dans un dialogue réciproque et assez musclé avec le matériau. » (2013, p. 280) La forme réelle et concrète du panier ne vient pas de l’esprit du tisserand, de ses idées. « Elle apparaît plutôt à travers le déploiement progressif de ce champ de forces qui se met en place suite à l’interaction active et sensuelle de l’artisan et du matériau. » (2013, p. 281)</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Lorsqu’un chercheur travaille avec des traces numériques, qui ne sont pas encore mises en données, il est engagé dans un travail artisanal où il interagit avec son matériau, qui lui propose son propre champ de forces. Afin de donner un peu de corps à ces propos, j’aimerais à présent donner une illustration concrète d’un tel travail avec de la trace en m’arrêtant sur un exemple. Un exemple qui implique des graphes. Il consiste en un outil de collecte de données appelé <i>Aleph Search Clear</i>, développé dans le cadre d’un projet de recherche intitulé DRONES (dispositif d’observation des nouveaux écosystèmes sociaux) et financé par l’AID (agence de l’innovation de défense), qui réunit des chercheurs en SHS ainsi que des PME spécialisées dans la collecte et la représentation de données sous forme de graphe. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Aleph Search Clear est un outil de veille qui permet à chacun de constituer un champ de recherche de sources personnalisé. Il permet de cartographier un environnement informationnel, de le construire progressivement et inclut un moteur de recherche au sein de cet environnement informationnel. Concrètement, l’utilisateur entre l’URL d’un domaine qui l’intéresse dans une barre de recherche comme dans la capture d’écran ci-dessous (fig. 1).</span></span></p>
<p align="center" style="text-align:center"><img height="602" src="https://www.numerev.com/img/ck_732_17_image-20210914085834-1.png" width="1265" /></p>
<p align="center" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><i><span lang="FR-CH" style="font-size:10.0pt">Fig.1 Capture d’écran de l’interface d’Aleph Search Clear présentant la barre de recherche.</span></i></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Une fois l’URL entré, l’utilisateur peut activer les <i>crawlers</i> (des robots chargés d’explorer le web) afin qu’ils aillent identifier tous les liens sortants et entrants du domaine en question. Leurs trouvailles sont représentées sous forme de graphe, comme dans la capture d’écran ci-dessous (fig. 2) L’URL source est au centre du graphe, qui ressemble à un pissenlit.</span></span></p>
<p> </p>
<p align="center" style="text-align:center"><img height="570" src="https://www.numerev.com/img/ck_732_17_image-20210914085834-2.png" width="1244" /></p>
<p align="center" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><i><span lang="FR-CH" style="font-size:10.0pt">Fig. 2. Capture d’écran de l’interface d’Aleph Search Clear, présentant sous forme de graphe les premiers domaines collectés par les crawlers.</span></i></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Rapidement, le graphe peut prendre de l’ampleur. Les <i>crawlers</i> peuvent en effet collecter de nombreux domaines, avec un degré de profondeur variable et qui est en partie établi par l’utilisateur. C’est ce que nous pouvons voir dans la capture d’écran ci-dessous (fig. 3).</span></span></p>
<p align="center" style="text-align:center"> </p>
<p align="center" style="text-align:center"><img height="590" src="https://www.numerev.com/img/ck_732_17_image-20210914085834-3.png" width="570" /></p>
<p align="center" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><i><span lang="FR-CH" style="font-size:10.0pt">Fig. 3. Capture d’écran de l’interface d’Aleph Search Clear présentant les domaines collectés par les crawlers, après les avoir laissés travailler quelques minutes.</span></i></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">La spatialisation des objets (nœuds et liens) dans Search Clear suit une logique de sobriété, au sens où le seul critère qui la guide est la lisibilité. L’algorithme (qui est un algorithme d’intégration de Verlet) répartit les objets dans l’espace de manière à éviter qu’ils ne se chevauchent, nous ne sommes pas du tout ici dans une logique de fouille où il est intéressant d’appliquer diverses manières de spatialiser. D’autre part, l’utilisateur peut colorer à la main les nœuds en rose, bleu, vert ou jaune pour en proposer une première qualification selon ses propres critères, mais le mode par défaut est le noir.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Si l’outil est toujours en cours d’amélioration, il est déjà intéressant car il permet de saisir la manière dont le web est organisé (ici, le <i>clear</i> et le <i>deep</i> web mais l’outil existe également pour le darkweb). C’est bien l’organisation « souterraine » qui est donnée à voir, celle qui fait « sens » pour une machine computationnelle, et non pas l’organisation signifiante des pages web, qu’Emmanuel Souchier et Yves Jeanneret appellent les « écrits d’écran » (1999). C’est bien une manière de rendre visibles certaines traces numériques, ici la façon dont des domaines sont reliés entre eux, sans que cela ne soit forcément textualisé, c’est-à-dire sans que cela ne traduise par un signe à l’écran. En revanche, ces liens entre domaines laissent des traces car en informatique l’inscription est nécessaire pour être traitée. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Certains nœuds du graphe semblent intéressants en raison de leur place dans le réseau, par exemple ceux qui sont en position de pont (Granovetter, 1973) et connectent plusieurs <i>clusters</i>. Sans savoir de quel domaine il s’agit, le chercheur peut décider d’activer les nœuds qui lui paraissent importants. Ainsi, les <i>crawlers</i> vont travailler sur le nœud fraichement activé et faire émerger les domaines qui lui sont liés. Durant cette phase du travail, le chercheur est en position d’exploration. Il ne sait pas à quoi renvoient les nœuds, il lance les <i>crawlers</i> qui parfois font remonter de nouveaux domaines, parfois pas. Il tâtonne, il essaie, il tisse (Ingold) un graphe et son matériau lui propose tout un champ de forces avec lequel il compose. DJ Patil, un grand <i>data scientist</i>, a parlé de « data jujitsu » pour faire référence à la posture d’humilité du chercheur engagé dans un travail avec un set de données. Il en va de même pour le travail avec la trace numérique : il appelle une humilité, une ascèse, une souplesse, un décentrement, aussi.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">L’humilité est essentielle, elle passe par une ascèse méthodologique qui consiste à ne pas formuler d’hypothèses pour se laisser surprendre par le jeu de traces numériques. Il faut également une forme de souplesse pour explorer le graphe en fonction des nouvelles trouvailles des <i>crawlers</i>. La capacité à se décentrer est également très importante car lorsqu’on travaille avec de la trace numérique, on travaille avec un matériau qui appartient plus au monde des machines computationnelles qu’à celui des humains. On apprend à essayer de saisir les phénomènes de la manière dont ils existent pour des machines, dans un monde constitué de traces asignifiantes. Nous ne sommes plus des chercheurs ayant une expertise scientifique, qui constituent des corpus de données. Nous devenons des chercheurs engagés sur un terrain problématique où il faut travailler avec le trouble – pour détourner une expression de Donna Haraway (2016) – c’est-à-dire accepter d’évoluer dans un monde étrange où l’on est pris dans des relations avec des êtres computationnels qui ne valorisent pas les mêmes choses que nous, ne voient pas les mêmes choses que nous et dont nous pouvons apprendre. Ce travail avec la trace numérique, qui n’est pas la donnée numérique, a tendance à troubler les chercheurs en SHS, qui font valoir « l’indispensable "contrôle qualitatif" de "l’expert" dans la constitution d’un "corpus", le nécessaire "travail critique" qui doit accompagner la conception d'outils ou de process ou, encore, la démarche critique qui doit présider à la mesure de "l'exhaustivité" et la "pertinence" des données de départ. » (Ghitalla, 2012)</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Le travail avec la trace numérique relève plus d’une culture technique que d’une expertise scientifique et c’est d’ailleurs sans doute en partie ce qui le rend si troublant voire indésirable en tant que tel, comme l’écrivait Franck Ghitalla (2012) « Je le vois bien, presque tous les jours : la culture des data et l'ingénierie qui l'accompagne ne semblent acceptables que si l'on y voit (seulement) l'auxiliaire transparent des « sciences » (ou de "LA" science) où le sociologue, comme le philosophe ou le chercheur en sciences de l'information retrouvent inchangés leurs objets de prédilection, et leurs prérogatives "d'experts". » Travailler avec des traces numériques en tant que traces implique d’accepter de déconstruire en partie le statut d’expert du chercheur, qui devient un artisan, qui tâtonne et explore un monde où les éléments ne font pas sens uniquement pour lui. C’est également cette posture ascétique et qui aménage de la place aux machines computationnelles que l’on retrouve lorsque l’on travaille avec des logiciels comme le bien connu Gephi, qui permet de visualiser et analyser des réseaux. Si l’on aura pu critiquer la « prétention cartographique » (Jeanneret, 2013) des graphes produits avec Gephi, alerter sur les effets de fascination qu’ils peuvent créer en alimentant le mythe d’une science automatisée, force est de constater que produire un graphe à partir d’un set de traces numériques n’est jamais un processus évident ni même parfaitement maîtrisé. Là aussi, l’on procède de manière artisanale. Il faut nettoyer la base de données, appliquer des filtres et des calculs qui ne donnent aucuns résultats, en essayer d’autres, jusqu’à commencer à apercevoir des lignes se dessiner, une lisibilité apparaître. Il ne s’agit pas de science, mais d’ingénierie, d’artisanat, de technique, de composition avec un champ de forces proposé par le matériau. Ce n’est qu’après coup que des hypothèses peuvent être formulées, les expertises convoquées et les traces mises en données. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Dans le cas d’Aleph Search Clear, une fois que l’on a tissé un graphe avec les <i>crawlers</i> qui nous paraît suffisamment dense et clos, l’on peut activer certaines informations liées aux domaines, à commencer par leur nom. La petite icone « i » sur la droite de l’écran permet d’afficher les noms de domaines et de prévisualiser la page en question, comme le montrent les deux captures d’écran ci-dessous (Fig.4 et Fig.5)</span></span></p>
<p><img height="711" src="https://www.numerev.com/img/ck_732_17_image-20210914085834-4.png" width="1380" /></p>
<p align="center" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span lang="FR-CH" style="font-size:10.0pt">Fig. 4. Capture d’écran de l’interface Aleph Search Clear montrant que l’on peut afficher les noms de domaine associés aux nœuds.</span></span></span></p>
<p> </p>
<p><img height="632" src="https://www.numerev.com/img/ck_732_17_image-20210914085834-5.png" width="1356" /></p>
<p align="center" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span lang="FR-CH" style="font-size:10.0pt">Fig. 5. Capture d’écran de l’interface Aleph Search Clear motrant que l’on peut prévisualiser la page web associée au nœud.</span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Lorsque l’on affiche les noms de domaine et les pages web associés aux nœuds, nous pouvons apprendre et comprendre comment un réseau est organisé non seulement au niveau du web et des traces numériques mais aussi au niveau plus qualitatif des signes et des contenus. Dans le cas présenté ici, il a été possible de cartographier le réseau des domaines français de la droite racialiste, antisémite, homophobe et violente – en grande partie censurée. Des éléments intéressants sortent, en particulier lorsque l’on envoie les <i>crawlers</i> dans certains niveaux de profondeurs. On repère ainsi non seulement les sites webs liés entre eux mais également les réseaux sociaux utilisés qui laissent des traces via des plugins et qui ne sont aucun des biens connus Facebook, Twitter, Instagram, etc. On peut noter des liens entre ces acteurs français et des chercheurs en anthropo-généalogie, des blogs de désinformation liés au covid, des pages grand public portant sur la génétique des célébrités ou encore des médias américains. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Travailler avec des traces numériques, avant d’en faire des données ou de les rendre signifiantes, permet d’élargir notre champ de vision en co-construisant avec des robots un réseau de domaines qui ne sont pas nécessairement accessibles aux seuls clics et yeux humains. Le chercheur peut décider d’activer ou non certains nœuds afin que les <i>crawlers</i> explorent leurs écosystèmes et ce qui guide cette décision n’est en rien une quelconque expertise ou hypothèse puisque le chercheur ne sait pas de quoi il est question. Ce qui guide cette décision repose sur les trouvailles des <i>crawlers</i> et la position des nœuds dans le réseau. Et c’est précisément cette posture ascétique où le chercheur déconstruit son statut d’expert, cette posture artisanale dans laquelle le chercheur compose avec des objets techniques, qui rend le travail si fructueux. Elle permet une exploration augmentée d’un rapport computationnel au monde et délestée des hypothèses qui préconstruisent les trouvailles qu’il est possible de faire. Ici, travailler avec des graphes et des <i>crawlers</i> permet d’explorer le monde du numérique et de ses traces. C’est une démarche très différente de celle qui passerait par des signes, par exemple sous forme de mots-clés à entrer pour constituer une base de données ou requêter le web indexé. DJ Patil (2012) expliquait qu’il existe les choses que l’on sait savoir (« there are known knowns; there are things we know we know »), les choses que l’on sait ne pas savoir (« the known unknowns ») et les choses qu’on ne sait pas ne pas savoir (« the unknown unknowns »). Dans une démarche scientifique, l’on cherche souvent à produire des données pour apprendre à savoir ce qu’on sait ne pas savoir. La démarche artisanale haute technologie proposée ici consiste plutôt à chercher ce qu’on ne sait pas ne pas savoir. C’est en ce sens qu’elle est tâtonnante et qu’elle se satisfait très bien d’un travail avec des traces numériques qui ne sont pas encore des données.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Cette posture artisanale et technologique, qui consiste à travailler avec le trouble, n’est pas facile à tenir. Elle implique de déconstruire le statut d’expert du chercheur et d’accepter, comme le font les ingénieurs, de travailler avec des machines qui ont leurs propres exigences, leurs propres manières d’exister, leurs propres mondes et dont nous pouvons apprendre. Elle implique, <i>in fine</i>, d’accepter de travailler avec des traces – qui, conceptuellement depuis Derrida, permettent de déconstruire la présence à soi du sujet et de nous mener au seuil d’une pensée radicale de la communauté qui permet d’accueillir l’être non-humain computationnel. Elle implique d’accepter de travailler avec des traces numériques qui ne sont pas (encore ?) des données scientifiques et qui aménagent une place aux machines computationnelles dans la composition du monde commun et dans le processus de production de connaissances.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><b>Bibliographie</b></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Bachimont, B. (2010). <i>Le sens de la technique. Le numérique et le calcul</i>. Paris : Les Belles Lettres. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Bachimont, B. (2004). Arts et Sciences du numérique: ingénierie des connaissances et critique de la raison computationnelle (Mémoire d’Habilitation à diriger les Recherches). UTC, Compiègne. En ligne sur : http://www.utc.fr/~bachimon/Livresettheses_attachments/HabilitationBB.pdf </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Bachimont, B. (2000). L’intelligence artificielle comme écriture dynamique : de la raison graphique à la raison computationnelle. In<i> </i>J. Petitot & P. Fabbri : (éds.), <i>Au nom du sens</i>. Paris : Grasset. En ligne sur : http://www.utc.fr/~bachimon/Publications_attachments/BachimontCerisy1996.pdf </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Bachimont, B. (1999). De l’hypertexte à l’hypotexte : les parcours de la mémoire documentaire. <i>In </i>C. Lenay & V. Havelange (dir.), <i>Mémoire de la technique et techniques de la mémoire</i>. Toulouse : Érès, 195-225. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Barthes R. (1980). <i>La chambre claire</i>. <i>Note sur la photographie</i>. Paris : Seuil. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Bouchardon S. (2014). L’écriture numérique: objet de recherche et objet d’enseignement. <i>Cahiers de la SFSIC</i>, 225-235.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Boullier, D. (2015). Les sciences sociales face aux traces du big data : Société, opinion ou vibrations ?. <i>Revue française de science politique</i>, 5(5-6), 805-828. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Boyd, d. and Crawford, K. (2012). Critical Questions for Big Data: Provocations for a Cultural, Technological, and Scholarly Phenomenon. <i>Information, Communication, & Society</i>, 15:5, 662-679. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Collomb C. & Goyet S. (2019). Meeting the machine halfway. In : Sanna Karkulehto, Aino-Kaisa Koistinen, Essi Varis (dir.) <i>Reconfiguring Human, Nonhuman and Posthuman in Literature and Culture</i>. New York : Routledge.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Cooren, F. (2013). <i>Manières de faire parler. Interaction et ventriloquie</i><i>.</i> Lormont : Le Bord de l'eau.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Derrida, J. (1971). Signature, événement, contexte. <i>Communication au Congrès international des Sociétés de philosophie de langue française</i>, Montréal. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Gerbaudo, P. (2016). From Data Analytics to Data Hermeneutics. Online Political Discussions, Digital Methods and the Continuing Relevance of Interpretive Approaches. <i>Digital Culture and Society</i>, Vol. 2, Issue 2. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Ghitalla, F. (2014). Data Intelligence, un projet d’atelier. L’atelier cartographie [blog de recherche]. En ligne sur : https://ateliercartographie.wordpress.com/2014/12/07/data-intelligence-un-projet-datelier/ </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Ghitalla, F. (2012). Converser avec les données numériques. <i>L’atelier de cartographie </i>[<i>blog de recherche</i>]. En ligne sur : https://ateliercartographie.files.wordpress.com/2011/04/postdatav2.pdf </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Ginzburg, C. (1989). <i>Mythes, emblèmes, traces</i>. Paris : Flammarion. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Granjon, F. (2020). Pour une critique des approches “média-techniques”. Théorie-Écologie-Archéologie des médias, médiologie et question de la technique. In : Alexander Neumann (dir.), <i>Désintégrer Heidegger</i>. Paris : Presses des Mines. Disponible sur : fabiengranjon.eu/publications/articles-chapitres.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Granovetter, M. (1973). The Strength of Weak Ties. <i>American Journal of Sociology</i>, 78/6, 1360-1380. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Haraway, D. (2016). <i>Staying with the Trouble. Making Kin in the Chthulucene</i>. Duke : Duke University Press. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Jeanneret, Y. (2013). Les chimères cartographiques sur l’Internet : Panoplie représentationnelle de la « traçabilité » sociale. In Galinon-Melenec, B., & Zlitni, S. (Eds.), <i>Traces numériques : De la production à l’interprétation.</i> CNRS Éditions, 235-267.</span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Jeanneret, Y. (2011). Complexité de la notion de trace. De la traque au tracé<i>. </i>In<i> </i>:<i> </i>B. Galinon-Mélénec (dir.), <i>L’homme trace</i>. Paris : CNRS Editions. </span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Jeanneret, Y. & Souchier, E. (1999). Pour une poétique de « l’écrit d’écran ». <i>Xoana</i>, n°6, 97-107. </span></span></p>
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<p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Calibri",sans-serif">[1]</span></span></span></span></a> Par <i>machines computationnelles</i>, il s’agit d’entendre l’ensemble des objets techniques dont le fonctionnement repose sur du calcul binaire intégré dans une machinerie électronique. Voir Collomb & Goyet (2019).</span></span></p>
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