<p>Intégrer des données au sein de l’espace numérique associé au patrimoine (Cultural Heritage) dans son acception étendue (à savoir des processus d’appropriation de l’histoire de points de vue situés – une construction collective d’un récit historique) hérite d’une multitude de processus ou méthodes d’analyse du document numérique (digital document), que celui-ci comprenne des images, du texte ou d’autres caractéristiques associées au document lui-même ou au contexte de sa fabrication. Plus avant, tenter d’authentifier les informations contenues ou subsumées du document numérique comme assertion issue de la méthode historique (Beretta - 2017) – i.e. une preuve - conduit différentes disciplines à construire des méthodes, ici la modélisation conceptuelle des données (MCD – Bruseker - 2017), dont l’instanciation contribue à la diffusion des connaissances sur les objets de recherche ou de patrimoine.</p>
<p>La problématique posée d’une articulation entre donnée et trace, et plus avant, des modalités de production de connaissances certifiées issues de celles-ci suppose de croiser les notions de document, d’information, de symbole et de donnée au prisme de l’image qui est l’objet étudié ici. Précisément, le point de départ de cette contribution est la capture de signes sur un support papier par une mécanique de numérisation – (en)codage, et son appréhension par le lecteur ou la lectrice d’une image (et écrits) d’écran. Faire référence à Georges Pérec ou Yves Jeanneret permet d’instruire la pertinence de l’approche sémiologique proposée au sein d’une tentative de dialogue pluri-disciplinaire autour de concepts situés dans une approche épistémologique de l’image photographique (le document numérique plat accessible à la vue).</p>
<p>Ainsi le document – ici l’image photographique d’une source archivistique – est pris comme référence (Exposition L'ineffacé – IMEC – 2016, R.T. Pedauque - 2006). L'information est définie à la fois comme entité conceptuelle, composante du processus associé à l’assertion en histoire (Beretta – 2017) et physique, l’inscription matérielle en ingénierie des connaissances (Bachimont – 2004) ou encore comme information en informatique (Varenne – 2009). Elle est formée sur le support d’inscription à partir de données – Datum qui est une entité relationnelle, le symbole et l’entrelacement de la syntaxe et du sens au sein des automates computationnels (ordinateurs) permettant d’introduire le méta-symbole, fragment de sens d’une information dont l’existence sur le document est connue sans pour autant être intelligible (Varenne – 2009). Un tel processus – en l’absence de l’informé, n’est toutefois pas suffisant pour instancier une métadonnée associée au MCD.</p>
<p>L’approche par l’informé de l’objet lui-même procède ici de trois considérations principales. La première est un préalable à la question complexe de savoir ce qu’est l’image photographique, ou la photographie numérique; hors la condition d’accéder à une entité visuelle sur un écran, l’image photographique – partagée, importe peu dans son essence mais plutôt dans ce qu’elle fait et ce que nous en faisons (Gunthert – 2015). Sa lecture par l’informé·e – ici l’historien·ne, induit non seulement des aspects techniques, mais aussi une forme d’appropriation de l’image photographique "post-moderne" ; en ce sens, la seconde considération est que la prise de vue photographique de l’image de la source archivistique est restituée sur l’écran selon trois régimes : éthique, poétique et esthétique (Rancière – 2000). Enfin, la troisième considération est que la trace – tracé, ici graphique, est définie selon quatre principes, le Documentum (Leleu-Merviel – 2013) complétant le tryptique barthésien (Barthes – 1980) Spectrum, Res et Studium.</p>
<p>Enfin, contribuer à modéliser une trace au sein de modèles de données, les ontologies informatiques, suppose d’appréhender ces dernières dans le contexte de leur fabrication (Roudaut – 2020). Le choix de l’ontologie de haut niveau DOLCE s’inscrit simultanément dans le paradigme de la description en logique formelle de l’objet technique pris comme artefact (Kassel – 2009), et celui d’une perspective constructiviste de la connaissance dans les relations qu’elle entretient avec l’ensemble des entités d’un domaine considéré. L’ambition et la complexité du problème ainsi posé permet d’ébaucher une méthodologie de modélisation de la réponse à une question précise de recherche associée à l’étude du transbordeur, figure de la modernité au 19ème siècle, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. La proposition est celle de contribuer à un dialogue pluri-disciplinaire autour d’une tentative d’identification et de modélisation d’une trace du geste de l'auteur d’un dessin technique et, ce faisant, de bâtir un récit en histoire des sciences et techniques en tentant de répondre à la question : qui de l’ingénieur des arts et métiers normand ou de l'architecte urbaniste basque a réellement inventé le transbordeur ?</p>
<p style="text-align: center;"><img height="429" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_17_2021_0412_Krummeich_transbordeur.jpg" width="599" /></p>
<p>Beretta F., (2017) L'interopérabilité des données historiques et la question du modèle : l'ontologie du projet SyMoGIH. Brigitte Juanals et Jean-Luc Minel. Enjeux numériques pour les médiations scientifiques et culturelles du passé , Presses universitaires de Paris Nanterre, Notions et méthodes, 978-2-84016-268-1. ⟨halshs-01559816⟩</p>
<p>Bruseker G., Carboni N., Guillem A. (2017) Cultural Heritage Data Management: The Role of Formal Ontology and CIDOC CRM. In: Vincent M., López-Menchero Bendicho V., Ioannides M., Levy T. (eds) Heritage and Archaeology in the Digital Age. Quantitative Methods in the Humanities and Social Sciences. Springer, Cham </p>
<p>Exposition L'ineffacé – IMEC – 2016, [en ligne] https://www.imec-archives.com/activites/exposition-linefface</p>
<p>Pédauque R.T., (2006) Le document à la lumière du numérique, Version imprimée, ISBN 2-915825-04-1, C&F éditions</p>
<p>Bachimont B., (2004) Arts et sciences du numérique : ingénierie des connaissances et critique de la raison computationnelle, HDR – Université de Technologie de Compiègne</p>
<p>Varenne F., (2009), Qu’est-ce que l’informatique ?, Vrin éditeur</p>
<p>Gunthert A., (2015) L’image partagée. La photographie numérique, 2015, cité par E. Blaschke, revue Le Transbordeur, Editions Macula, 2017</p>
<p>Rancière J., (2000) Le partage du sensible, esthétique et politique, La fabrique éditions</p>
<p>Leleu-Merviel S. (2013), Traces, information et construits de sens. Déploiement de la trace visuelle de la rétention indicielle à l’écriture, Intellectica. Revue de l’Association pour la Recherche Cognitive, n°59, 2013/1</p>
<p>Barthes R., (1980), La chambre claire. Note sur la photographie, édition Cahiers du Cinéma, Gallimard, Seuil.</p>
<p>Roudaut S., (2020), Sur l’implication ontologique des ontologies. Débats et enjeux de la représentation des connaissances à l’ère numérique, revue Implications philosophiques, Espace de recherche et de diffusion</p>
<p>Kassel G. (2009), Vers une ontologie formelle des artefacts. 20es Journées Francophones en Ingénierie des Connaissances, Hammamet, Tunisie. ⟨hal-00380978⟩</p>
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