<section class="level2" id="introduction"> <h2 style="text-align: justify;">Introduction</h2> <p style="text-align: justify;">Que signifie &eacute;crire en contexte num&eacute;rique&nbsp;? Quelle est l&rsquo;influence des nouvelles technologies sur la forme de nos contenus scientifiques&nbsp;? Quelles pratiques d&rsquo;&eacute;criture les chercheurseuses en Sciences humaines (SH) doivent-elles d&eacute;velopper afin de produire des documents qui garantissent &agrave; la fois la rigueur scientifique et la p&eacute;rennit&eacute; de leurs &eacute;crits&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;&eacute;criture en environnement num&eacute;rique &ndash; destin&eacute;e &agrave; l&rsquo;impression ou &agrave; la diffusion num&eacute;rique &ndash; s&rsquo;est aujourd&rsquo;hui totalement banalis&eacute;e&nbsp;: personne n&rsquo;&eacute;crit un article &agrave; la main pour le faire ensuite dactylographier. Pourtant, la r&eacute;flexion sur les enjeux li&eacute;s &agrave; cette &eacute;criture demeure peu d&eacute;velopp&eacute;e, et nos usages des technologies num&eacute;riques s&rsquo;av&egrave;rent limit&eacute;s au regard de leurs potentialit&eacute;s.</p> <p style="text-align: justify;">Par ailleurs, les outils disponibles pour &eacute;crire en contexte acad&eacute;mique ne sont pas nombreux, ils demeurent souvent propri&eacute;taires et sont rarement con&ccedil;us et adapt&eacute;s aux besoins des chercheurs.euses en SH. Concr&egrave;tement, la quasi-totalit&eacute; de la production scientifique en SH passe aujourd&rsquo;hui par un seul logiciel et un seul format&nbsp;: Word et le format docx, propri&eacute;t&eacute;s de Microsoft. Con&ccedil;u pour tous les usages, ce duo se trouve mal adapt&eacute; aux besoins sp&eacute;cifiques des auteures universitaires.</p> <p style="text-align: justify;">Stylo est un projet que la Chaire de recherche du Canada sur les &eacute;critures num&eacute;riques a entam&eacute; en partenariat avec le diffuseur &Eacute;rudit afin de palier ce manque de r&eacute;flexion et de diversit&eacute;. Il s&rsquo;agissait &ndash; et il s&rsquo;agit encore, &eacute;tant donn&eacute; que le projet est encore en phase de d&eacute;veloppement &ndash; d&rsquo;une part d&rsquo;analyser et de documenter l&rsquo;impact et l&rsquo;influence des technologies d&rsquo;&eacute;criture sur la production de documents scientifiques en SH, et d&rsquo;autre part de d&eacute;velopper un outil d&rsquo;&eacute;criture et d&rsquo;&eacute;dition sp&eacute;cifiquement destin&eacute; &agrave; la r&eacute;daction scientifique en SH en se fondant sur cette r&eacute;flexion.</p> <p style="text-align: justify;">Stylo est &agrave; la fois un outil de r&eacute;daction de texte scientifique, et un outil d&rsquo;&eacute;dition de document scientifique, sp&eacute;cialement con&ccedil;u pour r&eacute;pondre aux enjeux de l&rsquo;&eacute;dition num&eacute;rique savante. Utilis&eacute; ou exp&eacute;riment&eacute; par plusieurs revues savantes et en passe d&rsquo;int&eacute;grer le panel de service d&rsquo;Isidore.science, Stylo demeure encore un prototype, dont le d&eacute;veloppement reste fortement li&eacute; &agrave; une r&eacute;flexion th&eacute;orique sur l&rsquo;&eacute;criture en environnement num&eacute;rique. L&rsquo;ambition du projet n&rsquo;est pas tant de cr&eacute;er un enni&egrave;me outil, mais de penser les enjeux &eacute;pist&eacute;mologiques des pratiques d&rsquo;&eacute;criture en environnements num&eacute;riques. Comment ces nouvelles &eacute;critures structurent-elles la pens&eacute;e&nbsp;?</p> </section> <section class="level2" id="considérations-préliminaires"> <h2>Consid&eacute;rations pr&eacute;liminaires</h2> <p>Nos outils d&rsquo;&eacute;criture exercent un impact majeur sur la production des connaissances. En effet&nbsp;:</p> <ol type="1"> <li>Ils influencent la structuration des contenus.</li> <li>Ils d&eacute;finissent les crit&egrave;res d&rsquo;accessibilit&eacute; des contenus.</li> <li>Ils d&eacute;terminent la p&eacute;rennit&eacute; ou l&rsquo;obsolescence des contenus.</li> </ol> <p style="text-align: justify;">La quasi-totalit&eacute; des contenus scientifiques reste produite avec un logiciel de traitement de texte propri&eacute;taire qui n&rsquo;est pas pens&eacute; et con&ccedil;u pour des usages acad&eacute;miques, &agrave; savoir Microsoft Word. Or cet outil grand public pr&eacute;sente des lacunes probl&eacute;matiques pour l&rsquo;&eacute;dition scientifique en SH&nbsp;:</p> <ol type="1"> <li style="text-align: justify;">Le principe du WYSIWYG (_What You See Is What You Get_) entretient une confusion entre structuration et mise en forme&nbsp;: pour faciliter la lecture et le traitement d&rsquo;un article ou d&rsquo;un ouvrage, il faut dissocier la valeur s&eacute;mantique des fragments de leur rendu graphique, par exemple&nbsp;: un titre de niveau 2 et son rendu graphique dans une taille de police importante,</li> <li style="text-align: justify;">Le format&nbsp;<em>docx</em>&nbsp;ne permet pas une structuration scientifique des contenus. Les contenus produits en&nbsp;<em>docx</em>&nbsp;sont pauvrement balis&eacute;s et difficilement accessibles, car peu index&eacute;s. &Agrave; une &eacute;poque o&ugrave; la production de textes n&rsquo;a jamais &eacute;t&eacute; aussi foisonnante, il devient crucial que les documents soient correctement structur&eacute;s pour am&eacute;liorer leur indexation et permettre leur requ&ecirc;te par des outils de recherche avanc&eacute;e.</li> <li style="text-align: justify;">Les &eacute;diteurs sont dans l&rsquo;obligation de faire un long et fastidieux travail de reprise des textes afin de r&eacute;introduire une couche s&eacute;mantique et de corriger les nombreuses erreurs introduites par ces traitements de texte.</li> <li style="text-align: justify;">La p&eacute;rennit&eacute; des documents de format&nbsp;<em>docx</em>&nbsp;d&eacute;pend de la bonne volont&eacute; de Microsoft &agrave; maintenir ce format propri&eacute;taire. Or la p&eacute;rennit&eacute; ne constitue pas la mission et la priorit&eacute; d&rsquo;une entreprise commerciale. Rien ne garantit que les contenus au format&nbsp;<em>docx</em>&nbsp;seront accessibles dans le futur.</li> </ol> <p style="text-align: justify;">En &eacute;tudiant plus pr&eacute;cisemment les pratiques &eacute;ditoriales des revues scientifiques en SH, il appara&icirc;t que, de l&rsquo;auteur au diffuseur en passant par l&rsquo;&eacute;diteur, l&rsquo;article scientifique passe par des &eacute;tats et des formats fortement disparates. Ce processus engendre tout &agrave; la fois une perte consid&eacute;rable de temps, de donn&eacute;es et de signification.</p> <p style="text-align: justify;">Il est donc urgent de penser et d&rsquo;exp&eacute;rimenter de nouveaux mod&egrave;les d&rsquo;&eacute;criture, plus adapt&eacute;s aux besoins de la production des connaissances en SH.</p> </section> <section class="level2" id="état-de-lart"> <h2>&Eacute;tat de l&rsquo;art</h2> <p style="text-align: justify;">La dimension mat&eacute;rielle de l&rsquo;&eacute;criture a &eacute;t&eacute; mise entre parenth&egrave;ses aux XIX<sup>e</sup>&nbsp;et XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cles, notamment au sein de tendances th&eacute;oriques rassembl&eacute;es de fa&ccedil;on parfois arbitraire sous le nom de &ldquo;post-structuralisme&rdquo;. Ces tendances th&eacute;oriques ont pu contribuer &agrave; v&eacute;hiculer une conception id&eacute;alis&eacute;e du texte, transcendant sa dimension proprement inscrite. Que l&rsquo;on pense en particulier aux travaux sur l&rsquo;intertextualit&eacute; de Kristeva&nbsp;(1969), ou &agrave; l&rsquo;id&eacute;e de &ldquo;texte&rdquo; d&eacute;fendue par Derrida ou Barthes. Ces penseurs ont d&eacute;termin&eacute; une omnipr&eacute;sence de la notion de texte qui a contribu&eacute; &agrave; nuire &agrave; la compr&eacute;hension et la consid&eacute;ration de sa mat&eacute;rialit&eacute;. La g&eacute;n&eacute;ralisation massive de l&rsquo;&eacute;criture num&eacute;rique dans les derni&egrave;res d&eacute;cennies a suscit&eacute; un nouvel int&eacute;r&ecirc;t pour cette th&eacute;matique, et une prise de conscience aigu&euml; de la mat&eacute;rialit&eacute; du texte ainsi que de l&rsquo;influence des technologies d&rsquo;&eacute;criture sur la pens&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;">Le rapport entre outil d&rsquo;&eacute;criture et structuration de la pens&eacute;e a fait l&rsquo;objet de plusieurs recherches. Jack Goody a montr&eacute; comment l&rsquo;&eacute;mergence de l&rsquo;&eacute;criture a permis le d&eacute;veloppement des formes de raisonnement abstrait&nbsp;<span class="citation" data-cites="goody_raison_1979">(Goody,&nbsp;1979)</span>. Dans un m&ecirc;me ordre d&rsquo;id&eacute;e, Christian Vandendorpe a observ&eacute; les changements de structures de pens&eacute;e lors du passage du rouleau (volumen) au codex, puis &agrave; celui de l&rsquo;hypertexte&nbsp;<span class="citation" data-cites="vandendorpe_du_1999">(Vandendorpe,&nbsp;1999)</span>.</p> <p style="text-align: justify;">La naissance des&nbsp;<em>Software Studies</em>&nbsp;et des&nbsp;<em>Critical Code Studies</em>&nbsp;<span class="citation" data-cites="marino_critical_2020">(Marino,&nbsp;2020)</span>&nbsp;t&eacute;moigne de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t pour ces questions. Dans la tradition des&nbsp;<em>Media Studies</em>&nbsp;initi&eacute;e par McLuhan&nbsp;<span class="citation" data-cites="mcluhan_pour_2013">(2013)</span>, des auteurs comme Friedrich Kittler, Lev Manovich, Alexander Galloway, Geert Lovink, Espen Aarseth, Matthew Fuller ont travaill&eacute; sur la signification et les enjeux culturels des outils num&eacute;riques&nbsp;<span class="citation" data-cites="aarseth_cybertext_1997 galloway_interface_2012">(Aarseth,&nbsp;1997&nbsp;; Galloway,&nbsp;2012)</span>. Les logiciels &ndash; et plus g&eacute;n&eacute;ralement le code &ndash; ne sont pas neutres&nbsp;: ils portent et promeuvent des valeurs, et conditionnent ainsi le d&eacute;veloppement de nos soci&eacute;t&eacute;s.</p> <p style="text-align: justify;">Malgr&eacute; ces nombreuses recherches consacr&eacute;es &agrave; l&rsquo;effet culturel des technologies num&eacute;riques, nous constatons une quasi-absence de travail ciblant sp&eacute;cifiquement les logiciels d&rsquo;&eacute;criture. &Agrave; l&rsquo;exception notable de Matthew Kirschenbaum qui a d&eacute;di&eacute; un ouvrage entier &agrave; l&rsquo;usage des traitements de texte comme Word dans le domaine de l&rsquo;&eacute;criture litt&eacute;raire&nbsp;<span class="citation" data-cites="kirschenbaum_track_2016">(Kirschenbaum,&nbsp;2016)</span>, aucune &eacute;tude ne traite de l&rsquo;influence de ces logiciels sur la production scientifique. On peut tout de m&ecirc;me citer l&rsquo;initiative de&nbsp;<span class="citation" data-cites="maxwell_mind_2019">Maxwell et al. (2019)</span>&nbsp;recensant les plateformes d&rsquo;&eacute;dition et de diffusion en milieu acad&eacute;mique, ou celle de&nbsp;<span class="citation" data-cites="dehut_en_2018">Dehut (2018)</span>&nbsp;proposant une analyse critique des traitements de texte.</p> </section> <section class="level2" id="les-principes-de-stylo"> <h2>Les principes de Stylo</h2> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;hypoth&egrave;se th&eacute;orique &agrave; la base du d&eacute;veloppement de Stylo est la suivante&nbsp;: les technologies num&eacute;riques, loin de constituer des outils neutres, conditionnent profond&eacute;ment les pratiques, mais aussi les valeurs et les cultures&nbsp;<span class="citation" data-cites="doueihi_grande_2008">(Doueihi,&nbsp;2008)</span>. Le traitement de texte (et plus sp&eacute;cifiquement le logiciel Microsoft Word) est l&rsquo;outil par d&eacute;faut pour la r&eacute;daction et l&rsquo;&eacute;dition scientifique. L&rsquo;approche WYSYWYG et les formats associ&eacute;s promeuvent le rendu graphique &agrave; la structuration logique des contenus. Ainsi, au lieu de consid&eacute;rer une cha&icirc;ne de caract&egrave;res comme un titre ou comme le nom d&rsquo;un auteur et de l&rsquo;exprimer comme tel, le format n&rsquo;associe &agrave; cette cha&icirc;ne de caract&egrave;res qu&rsquo;un style visuel d&eacute;fini par un type de caract&egrave;re, une taille, etc. Le sens de ces fragments stylis&eacute;s n&rsquo;est jamais exprim&eacute; s&eacute;mantiquement, ni encod&eacute; en tant que tel dans le document. L&rsquo;&eacute;diteur est ainsi contraint de concevoir son texte &agrave; partir de sa repr&eacute;sentation graphique imprim&eacute;e, et &agrave; le structurer en cons&eacute;quence. Cela d&eacute;termine l&rsquo;illusion d&rsquo;une d&eacute;sinterm&eacute;diation et d&rsquo;une continuit&eacute; entre la repr&eacute;sentation &agrave; l&rsquo;&eacute;cran et le document final imprim&eacute;. En r&eacute;alit&eacute; cette illusion cache la situation inverse. Plut&ocirc;t que rapprocher l&rsquo;&eacute;crivain du document final en diminuant le nombre de m&eacute;diations, l&rsquo;approche de Word implique une multiplication de m&eacute;diations invisibles &agrave; l&rsquo;utilisateur mais structurantes sur le contenu. Souvent converti et import&eacute; dans le logiciel Indesign en vue d&rsquo;une restructuration et d&rsquo;une mise en forme, le sens du texte se voit ainsi&nbsp;<em>d&eacute;legu&eacute;</em>&nbsp;&agrave; des instances plus ou moins opaques - et, dans le cas de Word - propri&eacute;taires et ferm&eacute;es.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;illusion de d&eacute;sinterm&eacute;diation s&rsquo;accompagne par ailleurs d&rsquo;une illusion de litt&eacute;ratie&nbsp;: Word donne l&rsquo;impression que n&rsquo;importe qui, sans comp&eacute;tences particuli&egrave;res, peut choisir un gabarit de page, d&eacute;finir ses marges, &eacute;tablir une police de caract&egrave;res, etc., soit se faire &eacute;diteur au d&eacute;triment de cinq si&egrave;cles du savoir-faire &eacute;ditorial et typographique de l&rsquo;imprim&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">A contrario, des formats con&ccedil;us selon une approche WYSIWYM (<em>What You See Is What You Mean</em>) encouragent la structuration logique avant le rendu graphique&nbsp;: l&rsquo;&eacute;diteur de texte s&eacute;mantique Stylo s&rsquo;inscrit dans ce type d&rsquo;iniative, en lien avec le mouvement des&nbsp;<em>Software Studies</em>&nbsp;<span class="citation" data-cites="fuller_software_2008">(Fuller,&nbsp;2008)</span>.</p> <p>En tenant compte de ces consid&eacute;rations, la philosophie de Stylo repose sur trois principes&nbsp;:</p> <ol type="1"> <li style="text-align: justify;">Redonner aux chercheurseuses la possibilit&eacute; d&rsquo;exprimer la s&eacute;mantique du texte. C&rsquo;est au chercheur d&rsquo;assurer la signification et la structuration de son texte et de ses m&eacute;tadonn&eacute;es scientifiques. La cha&icirc;ne &eacute;ditoriale doit par ailleurs en garantir la continuit&eacute; r&eacute;elle.</li> <li style="text-align: justify;">Produire des donn&eacute;es plus significatives. Dans un environnement o&ugrave; les &eacute;critures et les publications se multiplient et se concurrencent, les documents riches en donn&eacute;es sont susceptibles d&rsquo;une meilleure visibilit&eacute; et accessibilit&eacute;.</li> <li style="text-align: justify;">Utiliser des standards et des technologies simples et p&eacute;rennes. Cette approche&nbsp;<em>lowtech</em>&nbsp;facilite la maintenance de l&rsquo;&eacute;diteur mais aussi son interop&eacute;rabilit&eacute; avec d&rsquo;autres environnements, garantissant l&rsquo;ind&eacute;pendance des utilisateurs et des documents vis-&agrave;-vis d&rsquo;un logiciel ou d&rsquo;un format.</li> </ol> <p style="text-align: justify;">Publi&eacute;s sur le web, les textes num&eacute;riques sont destin&eacute;s &agrave; &ecirc;tre lus autant par des humains que par des machines. Ainsi, &eacute;diter un livre num&eacute;rique ne consiste plus seulement &agrave; travailler sa mise en forme, mais requiert en premier lieu de le structurer selon un balisage s&eacute;mantique. S&rsquo;il existe aujourd&rsquo;hui un certain consensus autour des formats et des protocoles num&eacute;riques les mieux adapt&eacute;s aux contenus savants (balisage XML, protocole OAI-PMH, etc.) la mise en oeuvre de bonnes pratiques reste l&rsquo;un des plus grands d&eacute;fis de l&rsquo;&eacute;dition scientifique dans les humanit&eacute;s&nbsp;: &eacute;crire directement en XML se r&eacute;v&egrave;le souvent probl&eacute;matique pour les chercheurseuses en SH. La solution que propose Stylo est d&rsquo;offrir un environnement simplifi&eacute; pour produire un document au format HTML enrichi s&eacute;mantiquement et convertible vers n&rsquo;importe quel format standard de sortie.</p> <p style="text-align: justify;">Concr&egrave;tement un document Stylo est bas&eacute; sur trois fichiers sources, le corps de texte, les m&eacute;tadonn&eacute;es du document et les r&eacute;f&eacute;rences bibliographiques, respectivement aux formats Markdown/YAML/BibTeX. Le corps du texte est &eacute;crit en Markdown, une syntaxe simplifi&eacute;e du HTML, permettant d&rsquo;int&eacute;grer pendant la r&eacute;daction un balisage minimaliste pour sp&eacute;cifier le sens des diff&eacute;rents fragments du texte. Ce format est de plus en plus adopt&eacute; pour les &eacute;critures en ligne, et son usage se d&eacute;mocratise dans l&rsquo;&eacute;dition savante. Plus simple que le HTML, il a le m&eacute;rite de rendre accessible une structuration rigoureuse du texte. Les &eacute;l&eacute;ments principaux d&rsquo;un texte peuvent ainsi &ecirc;tre sp&eacute;cifi&eacute;s&nbsp;: niveaux de titres, citations, notes, figures, etc. Un titre de niveau 1 est sp&eacute;cifi&eacute; par un croisillon&nbsp;<code>#</code>&nbsp;en d&eacute;but de ligne, le niveau 2 par&nbsp;<code>##</code>, et ainsi de suite. Une citation sera indiqu&eacute;e par un chevron&nbsp;<code>&gt;</code>&nbsp;en d&eacute;but de ligne. Il est aussi possible d&rsquo;enrichir s&eacute;mantiquement un terme ou une phrase. Le balisage suivant sp&eacute;cifie que la phrase est une&nbsp;<code>definition</code>&nbsp;et le terme&nbsp;<code>signe</code>&nbsp;est un&nbsp;<code>concept</code>&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'courier new', courier;">[Un [signe]{.concept id=&quot;1&quot;} est un ph&eacute;nom&egrave;ne perceptible ou observable qui indique la probabilit&eacute; de l&#39;existence ou de la v&eacute;rit&eacute; d&#39;une chose.]{.definition}</span></p> <p>Cela donnera en HTML&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'courier new', courier;">Un signe</span> est un ph&eacute;nom&egrave;ne perceptible ou observable qui indique la probabilit&eacute; de l&#39;existence ou de la v&eacute;rit&eacute; d&#39;une chose.</p> <p style="text-align: justify;">Le choix du HTML permet d&rsquo;adapter l&rsquo;&eacute;criture &agrave; une multiplicit&eacute; de mod&egrave;les et de structures de donn&eacute;es. Stylo n&rsquo;impose pas un mod&egrave;le de donn&eacute;es et permet au contraire d&rsquo;augmenter un mod&egrave;le selon les besoins d&rsquo;un &eacute;diteur ou d&rsquo;une plateforme de diffusion. Conform&eacute;ment aux principaux environnements de diffusion scientifiques, le document HTML peut &ecirc;tre transform&eacute; via une feuille de style XSL dans un format XML, qui sera alors valid&eacute; contre le sch&eacute;ma XML du diffuseur.</p> <p style="text-align: justify;">Le format YAML permet de d&eacute;finir les m&eacute;tadonn&eacute;es du document. Stylo int&egrave;gre nativement la plupart des m&eacute;tadonn&eacute;es employ&eacute;es par les diffuseurs scientifiques et par les moteurs de recherche grand public ou sp&eacute;cialis&eacute;s. Un travail est en cours pour aligner certaines de ces m&eacute;tadonn&eacute;es, comme les mot-cl&eacute;s ou les auteur&middot;e&middot;s du document, avec des autorit&eacute;s, en exploitant notamment l&rsquo;API mise &agrave; disposition par le moteur de recherche Isidore.science.</p> <p style="text-align: justify;">Le format BibTeX enfin permet de structurer les r&eacute;f&eacute;rences bibliograhiques. Stylo offre la possibilit&eacute; de synchroniser son document &agrave; une collection Zotero.</p> <p style="text-align: justify;">Ces trois fichiers sont ensuite utilis&eacute;s dans une cha&icirc;ne de conversion Pandoc et XSLT, pour produire plusieurs fomats de sortie.</p> <p style="text-align: justify;">Maintenir la transparence sur ces trois fichiers sources est au coeur de la philosophie de l&rsquo;outil. Cette transparence et cette accessibilit&eacute; &agrave; la source sont en effet davantage garantes de p&eacute;rennit&eacute;, de modularit&eacute; et de litt&eacute;ratie, invitant les usagers &agrave; exploiter eux-m&ecirc;mes ces sources, hors de la cha&icirc;ne Stylo. Ainsi, si Stylo facilite le processus d&rsquo;&eacute;dition, de&nbsp;<em>versionning</em>, d&rsquo;indexation et de conversion vers les formats d&rsquo;usages, le choix a bien &eacute;t&eacute; de conserver un acc&egrave;s direct &agrave; la mat&eacute;rialit&eacute; du texte num&eacute;rique. Outre la question de la p&eacute;rennit&eacute; des donn&eacute;es, ce principe va dans le sens d&rsquo;une technique ouverte, c&rsquo;est-&agrave;-dire visible. Cette transparence du media est un premier pas pour une transmission d&rsquo;une litt&eacute;ratie du num&eacute;rique, &agrave; contre-sens des formats propri&eacute;taires ferm&eacute;s.</p> <p style="text-align: justify;">Chaque version d&rsquo;un document est accessible en ligne dans un format HTML de pr&eacute;visualisation, expos&eacute; via une URL p&eacute;renne, permettant &agrave; un auteur ou un &eacute;diteur de partager son texte. La pr&eacute;visualisation est outill&eacute;e du module d&rsquo;annotation de la plateforme Hypothesis, ouvrant la voie &agrave; divers protocoles &eacute;ditoriaux de relecture et/ou d&rsquo;&eacute;valuation.</p> </section> <section class="level2" id="conclusion"> <h2 style="text-align: justify;">Conclusion</h2> <p style="text-align: justify;">Dans la cha&icirc;ne num&eacute;rique d&rsquo;&eacute;criture et d&rsquo;&eacute;dition des revues savantes en SH, il est de plus en plus clair que l&rsquo;&eacute;diteur ne poss&egrave;de plus la ma&icirc;trise sur l&rsquo;existence culturelle, sociale ou technique de ses contenus dans un environnement d&eacute;pendant de plus en plus des donn&eacute;es li&eacute;es au texte. En effet, faire exister un texte dans l&rsquo;environnement num&eacute;rique suppose d&rsquo;exposer des donn&eacute;es suffisament riches et pertinentes pour que les contenus soient index&eacute;s par les moteurs de recherche. Stylo d&eacute;fend la vision selon laquelle chacun des acteurs, de l&rsquo;auteur au diffuseur, est susceptible d&rsquo;intervenir dans un processus de production garantissant la continuit&eacute; des donn&eacute;es. Cela est possible gr&acirc;ce au partage d&rsquo;un format pivot unique, simple d&rsquo;acc&egrave;s et d&rsquo;utilisation, et suffisament riche pour l&rsquo;&eacute;dition de textes scientifiques en sciences humaines.</p> <p style="text-align: justify;">Dans cette vision, l&rsquo;&eacute;criture ne se r&eacute;sume plus seulement &agrave; &eacute;crire.&nbsp;<em>&Eacute;crire dans l&rsquo;environnement num&eacute;rique</em>&nbsp;s&rsquo;inscrit d&eacute;j&agrave; dans une dynamique d&rsquo;&eacute;dition, autrement dit l&rsquo;acte d&rsquo;&eacute;criture s&rsquo;accompagne n&eacute;cessairement d&rsquo;un acte d&rsquo;&eacute;dition. Cette id&eacute;e que&nbsp;<em>&eacute;crire&nbsp;= &eacute;crire&nbsp;+ structurer</em>&nbsp;nous rapproche d&rsquo;une culture de l&rsquo;&eacute;ditorialisation en tant que processus de production de l&rsquo;espace num&eacute;rique. Cette culture n&rsquo;est rien d&rsquo;autre que la litt&eacute;ratie num&eacute;rique qui ajoute au&nbsp;<em>savoir-lire-et-&eacute;crire</em>&nbsp;la ma&icirc;trise du milieu d&rsquo;&eacute;criture et une capacit&eacute; &agrave;&nbsp;<em>inscrire</em>&nbsp;l&rsquo;espace autant qu&rsquo;&agrave; le structurer. Il s&rsquo;agit &agrave; la fois de savoir &eacute;voluer dans cet environnement (l&rsquo;habiter) et de le faire &eacute;voluer (le designer).</p> <p style="text-align: justify;">Men&eacute; comme une recherche-action au plus pr&egrave;s des praticiens de l&rsquo;&eacute;criture et de l&rsquo;&eacute;dition savante, le d&eacute;veloppement de Stylo tend certes &agrave; une &eacute;volution et un enrichissement de ces pratiques, mais aussi &agrave; la r&eacute;flexivit&eacute; des praticiens sur ces derni&egrave;res.</p> </section> <section class="level2 unnumbered" id="bibliographie"> <h2>Bibliographie</h2> <div class="references" id="refs"> <div id="ref-aarseth_cybertext_1997"> <p style="text-align: justify;">Aarseth, Espen J. (1997).&nbsp;<em>Cybertext: Perspectives on Ergodic Literature</em>. UK ed. edition. Baltimore, Md: Johns Hopkins University Press.</p> </div> <div id="ref-dehut_en_2018" style="text-align: justify;"> <p>Dehut, J. (2018). &laquo;&nbsp;En finir avec Word ! Pour une analyse des enjeux relatifs aux traitements de texte et &agrave; leur utilisation&nbsp;&raquo;. Carnet de recherche.</p> </div> <div id="ref-doueihi_grande_2008" style="text-align: justify;"> <p>Doueihi, M. (2008).&nbsp;<em>La Grande conversion num&eacute;rique</em>. Traduit par Paul Chemla. Paris, France: &Eacute;d. du Seuil.</p> </div> <div id="ref-fuller_software_2008" style="text-align: justify;"> <p>Fuller, M., &eacute;d. (2008).&nbsp;<em>Software Studies: A Lexicon</em>. Cambridge, &Eacute;tats-Unis d&rsquo;Am&eacute;rique: MIT Press.</p> </div> <div id="ref-galloway_interface_2012" style="text-align: justify;"> <p>Galloway, A. R. (2012).&nbsp;<em>The Interface Effect</em>. Cambridge, UK ; Malden, MA: Polity Press.</p> </div> <div id="ref-goody_raison_1979" style="text-align: justify;"> <p>Goody, J. (1979).&nbsp;<em>La Raison Graphique. La Domestication de La Pens&eacute;e Sauvage.</em>&nbsp;Le Sens Commun. Les Editions de Minuit.</p> </div> <div id="ref-kirschenbaum_track_2016" style="text-align: justify;"> <p>Kirschenbaum, M. G. (2016).&nbsp;<em>Track Changes: A Literary History of Word Processing</em>. Cambridge, &Eacute;tats-Unis d&rsquo;Am&eacute;rique: The Belknap Press of Harvard University Press.</p> </div> <div id="ref-kristeva__1969" style="text-align: justify;"> <p>Kristeva, J. (1969).&nbsp;<em><span class="math inline"><em>&Sigma;</em><em>&eta;</em><em>&mu;</em><em>ϵ</em><em>&iota;</em><em>&omega;</em><em>&tau;</em><em>&iota;</em><em>&kappa;</em></span>ὴ: recherches pour une s&eacute;manalyse</em>. Paris, France: &Eacute;ditions du Seuil.</p> </div> <div id="ref-marino_critical_2020" style="text-align: justify;"> <p>Marino, M. C. (2020).&nbsp;<em>Critical Code Studies: Initial(Methods)</em>. Cambridge, Massachusetts: The MIT Press.</p> </div> <div id="ref-maxwell_mind_2019" style="text-align: justify;"> <p>Maxwell, J. W., Hanson, E., Desai, Tiampo, C. O&rsquo;Donnell, K., Ketheeswaran, A., Sun, M., Walter, E., &amp; Michelle, E. (2019).&nbsp;<em>Mind the Gap: A Landscape Analysis of Open Source Publishing Tools and Platforms</em>.</p> </div> <div id="ref-mcluhan_pour_2013" style="text-align: justify;"> <p>McLuhan, M. (2013).&nbsp;<em>Pour comprendre les m&eacute;dias: les prolongements technologiques de l&rsquo;homme</em>. Traduit par Jean Par&eacute;. Paris, France: Points.</p> </div> <div id="ref-sanders_co-creation_2008" style="text-align: justify;"> <p>Sanders, E. B.-N., &amp; Jan Stappers, P. (2008). &laquo;&nbsp;Co-Creation and the New Landscapes of Design&nbsp;&raquo;.&nbsp;<em>CoDesign</em>&nbsp;4 (1):5‑18.&nbsp;<a href="https://doi.org/10.1080/15710880701875068">https://doi.org/10.1080/15710880701875068</a>.</p> </div> <div id="ref-vandendorpe_du_1999"> <p style="text-align: justify;">Vandendorpe, C. (1999).&nbsp;<em>Du papyrus &agrave; l&rsquo;hypertexte: essai sur les mutations du texte et de la lecture</em>. Paris, France: La D&eacute;couverte.</p> </div> </div> </section> <div style="clear: both; float: none; display: block; visibility: hidden; width: 0px; font-size: 0px; line-height: 0;">&nbsp;</div>