<p class="LCNRsum" style="text-align:justify; margin-left:38px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Comment une littératie numérique des discours publicitaires s’est-elle constituée depuis plus de 25 ans ? Nous postulons qu’elle a pu se développer grâce au substrat d’une littératie publicitaire préexistante bâties sur les formes, formats et logiques en évolution et pérennisation depuis bientôt deux siècles en France.</span></span></p>
<p class="LCNRsum" style="text-align:justify; margin-left:38px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Nous proposerons d’abord une définition de la littératie publicitaire, conçue comme « autodidacte » et populaire, développée par une fréquentation quotidienne de la publicité et nourrie par les discours médiatiques qui permettent une forme de contrôle et/ou de distanciation des codes publicitaires quel que soit le support médiatique. Nous explorerons le développement de discours critiques communs qui ont forgé la capacité du public à repérer les publicités, à les prendre comme telles et à s’en distancier sans forcément la rejeter. Après une courte histoire des formes et formats numériques de la publicité, nous analyserons plus particulièrement les questions que posent, en termes de littératie, les interventions des marques sur les réseaux sociaux, l’intervention des algorithmes dans les choix publicitaires, le retour de formes problématiques comme la réclame et le matraquage publicitaire. Enfin, nous poserons la question du rôle des <i>dark patterns</i> dans l’évolution contemporaine de la littératie numérique de la publicité</span></span></p>
<p class="LCNInter1" style="margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold">1. Exploration de la publicité sur le web : une littératie ?</span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Les plateformes marchandes, les médias en ligne, les moteurs de recherche, les réseaux socio-numériques, pour ne citer que quelques exemples, sont fortement fréquentés, usités, commentés, loués mais aussi critiqués car ils donnent une place conséquente à la publicité sous toutes ses formes. Cette omniprésence des discours publicitaires est si forte que l’on peut se demander s’il est possible de concevoir une littératie des discours numériques qui ne les prenne pas en compte. Tout comme il est peu envisageable de penser la littératie de certains médias sans celle des différentes formes publicitaires qui en font partie intégrante (Patrin-Leclère, 2000). Cette interconnexion est à l’origine de commentaires qui vilipendent la colonisation du web par « la publicité ».</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Les réponses aux requêtes associant, sur Google, les termes « publicité » ou « pub » à « internet » ou « web » donnent un premier panorama. Sans prétendre à une quelconque représentativité, ce type d’exploration liminaire permet cependant d’esquisser une idée suffisamment nourrie des discours circulant et des acteurs qui y participent<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span style="font-family:"Garamond",serif">[1]</span></span></span></span></a>. On obtient ainsi une sorte d’instantané du discours commun autour de « publicité et numérique » au début de l’été 2022.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">La présentation des réponses Google reprend globalement la structure générale actuelle d’une première page de réponse. Elle comporte ainsi, dans sa partie droite, des éléments renvoyant, sous le terme de « publicité en ligne », à Wikipédia. Cependant, les réponses, classiquement présentées sous forme de liste à gauche de l’écran, ne commencent pas par la fréquente proposition d’une sélection d’images, de vidéos ou d’extraits médiatiques mis « à la une ». Les résultats sont un mélange qui réunit : </span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">1/des propositions de définition, émanant, la plupart du temps, de sites produits par des professionnels de la publicité et du marketing et destinés à d’autres professionnels ou des étudiants dans le domaine. La visée est publicitaire car il s’agit de faire connaître une offre de prestation ou didactique dans des contributions qui donnent des conseils pour réussir une publicité sur internet,</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">2/ des liens vers des sites d’associations de consommateurs ou antipublicitaires qui dénoncent l’hyperprésence numérique de la publicité et indiquent comment et/ou pourquoi les bloquer,</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">3/ des sites médiatiques (France Info, TF1), qui, d’une part, affirment le fait que les enfants sont les cibles privilégiées de la publicité en ligne et que, d’autre part, il y a un « ras-le-bol » des Français face à « l’invasion de la pub sur Internet ».</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Du côté des recherches, alors que la critique de la marchandisation des activités des internautes se déploie depuis plus de 20 ans, notamment dans le champ des sciences de l’information et de la communication, le développement de réflexions autour d’une littératie des formes numériques de la publicité est beaucoup moins prolixe. Nous participons cependant à leur développement par l’animation, depuis 2018, avec Eneus Trindade, d’un groupe de chercheurs internationaux en sciences dont les travaux ont une quadruple visée :</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">- au niveau micro, il s’agit de répertorier et analyser les formes contemporaines de la littératie numérique liée à la publicité et aux marques,</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">- au niveau méso, l’interrogation portent sur les logiques marchandes et communicationnelles produites, instituées et instituantes pour la production d’autres formes,</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">- au niveau macro, l’enjeu est de comprendre comment ces formes et logiques participent des phénomènes économiques, sociologiques et communicationnels contemporains,</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">- enfin, d’un point de vue méta, nous interrogeons ce que ces formes nous disent de la littératie numérique, de la littératie publicitaire, numérique ou non, et du développement d’une culture liée à la publicité.</span></span></p>
<p class="LCNInter1" style="margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold"><a name="_Toc473629908">2. Quelle littératie pour la publicité ?</a></span></span></span></span></p>
<p class="LCNInter2" style="text-align:justify; margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold"><span style="font-style:italic">2.1. Littératie défensive contre une publicité manipulatrice</span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Notre approche de la littératie publicitaire ne se place pas sous l’égide de l’éducation aux médias. Nous allons donc à l’encontre du point de vue dominant initié par des institutions telles que l’UNESCO ou, en France, le CLEMI (Centre pour l'éducation aux médias et à l'information). L'éducation à l'information et aux médias, impactée par les innovations technologiques et les évolutions de format constantes, est en expansion continue ; elle inclut désormais, comme le conseille l’UNESCO "l'éducation aux réseaux sociaux". Elle englobe des "littératies sociales" connexes, à savoir les littératies scientifique, politique, familiale et culturelle parmi lesquelles s’inscrit l’éducation à la publicité. </span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Il en résulte une forme de littératie publicitaire que nous qualifierons de « défensive » dont la mission essentielle est de donner à un public, essentiellement d'enfants et d'adolescents, les moyens de se défendre contre l'influence, supposée néfaste, de la publicité. Cette littératie défensive, liée à la "lutte contre la désinformation et la mésinformation", s'appuie, sur une tradition de recherche qui considère que la publicité est un puissant moyen de manipulation psychologique et comportementale au service du capitalisme. Pour protéger les publics de la manipulation publicitaire, il faut à la fois combler un <span style="color:black">déficit présupposé de reconnaissance et développer des compétences d’auto-défense.</span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Ce point de vue sur la publicité et sa littératie résultent d’une tradition théorique d'analyse critique qui prête à la communication marchande de puissantes capacités d’action sur des foules définies comme un rassemblement de récepteurs passifs, inactifs et mécaniquement réactifs à des messages destinés à produire de faux besoins. (Adorno, T., Horkheimer, M. 1997, Habermas, J. 1989, Marcuse, H. 1964, 2006, Galbraith, J.K. 1962). La conception d’une publicité manipulatrice et créatrice de faux besoins se développent particulièrement à partir des années 1940. Ainsi, Tchakhotine affirme que les techniques de persuasion publicitaire produiraient un conditionnement psychologique provoqué par la répétition et la scansion des slogans. Les travaux de l'école de Francfort attribuent également à la publicité une influence mécanique et psychologique, créatrice de faux besoins, permettant aux entreprises d'absorber leurs excédents de production. Elle empêcherait, en même temps, sur le plan économique, l’exercice de la concurrence car son coût financier fermerait le marché aux petits acteurs.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Dans cette perspective, la publicité est absolument nécessaire au développement de la culture et de la consommation de masse. En synergie avec les médias, elle manipulerait les consommateurs pour qu'ils adoptent les normes de la culture de masse. Cette approche théorique est proche du point de vue de l’UNESCO et justifie la nécessité d'éduquer dès le plus jeune âge à la reconnaissance et à la compréhension des enjeux des messages publicitaires pour assurer une résistance à la manipulation.</span></span></p>
<p class="LCNInter2" style="text-align:justify; margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold"><span style="font-style:italic">2.2 Vers une autre littératie des médias de masse et de la publicité</span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Ce type d’approche ne prend pas en considération l’activité critique commune que développent les récepteurs comme le montrent les analyses de réception<span style="background:white"><span style="color:#4d5156">.</span></span> Sans nier les aspects manipulateurs de la publicité, ces recherches permettent de postuler que les récepteurs la traitent vraisemblablement comme les autres productions médiatiques de masse qu’ils rencontrent et que leur activité critique sera d'autant plus forte que les messages sont ouvertement manipulateurs. </span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Les recherches sur " les usages et la gratification " postulent, à la fin des années 1980, une activité de décodage des récepteurs des communications de masse (Katz et Liebes, 1990) ; elles soulignent méconnaissance de ce processus et l'absence "d'une théorie adéquate de la nature de la participation des téléspectateurs". Une variation du sens nait de la réception qui n'est pas "une expérience individuelle, mais quelque chose qui se fait -avant, pendant ou après- avec les autres". Les récepteurs produisent ainsi un métadiscours, une réception critique du programme au-delà du récit qu’il propose. Ils sont capables de faire la distinction entre les énoncés critiques syntaxiques qui "se réfèrent aux "thèmes" et aux "messages" qui figurent dans l'histoire" et les énoncés critiques pragmatiques qui expriment "la conscience du spectateur de son expérience ou de sa "position" par rapport au programme, et/ou une conscience des fonctions et des effets du programme sur les autres." Le décodage d'un message manipulateur est, de plus, "hautement impliquant" et les récepteurs se révèlent particulièrement doués pour cela. Katz et Liebes soulignent, à cet égard, que "les capacités des téléspectateurs sont sérieusement sous-estimées par les producteurs, les critiques et les universitaires". Nous postulons ici qu’il en est de même pour la publicité ce qui permet de penser une autre littératie publicitaire.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">En effet, si les récepteurs sont capables d’exercer une activité critique spontanée sur les communications de masse, ils doivent l’être d’autant plus pour des messages aussi manipulateurs que ceux de la publicité. Il en découle donc que le sens des messages publicitaires n’est ni prédéterminé ni fixe, car il résulte de l’interprétation qui varie d'une sphère culturelle à l’autre. On retrouve là un postulat est proche de celui des réflexions sémiotiques qui établissent la polysémie de tout message et donc celle du message médiatique et publicitaire. Les contextes dans lesquels les messages sont émis et reçus construisent ainsi des probabilités de signification. Il en résulte que si le message publicitaire n'est pas "injecté" au récepteur il n’est pas, non plus, entièrement soumis aux interprétations individuelles ; sa signification résulte d'une négociation permanente des signes, de la culture et de la littératie médiatique étendue à la publicité. Ce processus de coproduction du sens né de la rencontre entre le message et le contexte culturel, social et personnel de chaque récepteur est particulièrement développé par Eco (1972). La réception du message publicitaire, comme celle de tout message, est le produit d'une sémiose, dont une partie peut être anticipée, notamment par l'utilisation de formes largement partagées, comme les stéréotypes.</span></span></p>
<p class="LCNInter2" style="text-align:justify; margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold"><span style="font-style:italic">2.3. Littératie publicitaire : connaissance et maîtrise des codes</span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Nous pouvons désormais partir du principe que la publicité, consubstantielle aux médias de masse dans sa conception et ses circulations, est traitée de façon critique par les récepteurs, d’autant que sa visée manipulatrice est généralement franche (Barthes, 1964). Les travaux de Hoggart (1957) vont maintenant nous permettre de poser les bases d'une autre définition de la littératie publicitaire.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Dans les approches des <i>cultural studies</i> (Jensen, K.B., Rosengren, K.E. 1990), les communications de masse sont liées à des pratiques sociales et culturelles qui combinent l’action individuelle de production de sens au rôle qu’elle joue dans la vie sociale. La culture se trouve ainsi définie comme un processus de production de sens et non comme un ensemble d'œuvres de référence. Ainsi entendue, la littératie selon Hoggart se différencie de la littératie comme " lettrure ", liée à la littérature, la lecture et l'écriture (Goody, 1968). La culture populaire, dont les productions médiatiques de masse font partie, se développe<i> via</i> des schémas d'interprétation alternatifs développés par certains publics, comme le montre Hoggart dans <i>The Uses of Literacy</i>. Il s’agit maintenant de savoir si cette littératie peut s’appliquer aux productions publicitaires qui sont, avec leurs spécificités, des productions médiatiques de masse, pour penser une littératie publicitaire. </span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">La littératie se définit ainsi comme la maîtrise socialement valorisante de codes et de compétences acquises par l'expérience plus que par l'éducation. Pour Hoggart, comme le souligne Jeanneret (2008, 2014), la littératie désigne la capacité à reconnaître et identifier des documents et leurs statuts avec une attention oblique. Ce dernier point est d’autant plus important que la publicité ne bénéficie, en général, d’une attention rétive. La littératie est la mise en œuvre d'un ajustement à la fois pratique et critique ; elle donne la capacité d'avoir une vision évaluative et de développer un point de vue. </span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Dans son analyse de la littératie à partir des travaux d’Hoggart, Jeanneret rappelle qu’en partant des questions culturelles propres à la classe ouvrière, cette approche propose une analyse des pouvoirs culturels qui ne postule pas le primat des contenus ou des croyances et met en avant l’importance des postures d'adhésion des publics. Les acteurs des industries culturelles fondent leurs productions sur ces dernières et cherchent à capter cette forme d'expérience vers leurs objets et leurs logiques. Bien que Hoggart s'inquiète de la montée d'une "culture sans visage", le phénomène n’engendre pas pour autant la disparition de la culture populaire. Il reconnaît, en effet, la liberté des récepteurs et formule ce que Jeanneret appelle une « sémiotique de la défiance », permise par cette attention oblique qui instaure, sans pour autant mettre fin à l’adhésion, une distance dans laquelle réside la qualité du savoir-faire populaire.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Reprenant et continuant la perspective de Hoggart, Jeanneret (2014) introduit alors la publicité et le développement, en France à partir des années 80, d’une sémiotique publicitaire reposant également sur la présupposition d’un public actif. La réception est repensée comme un regard évaluatif sur la qualité de la production <span style="color:black">médiatique. </span>Le public de la publicité est, dans cette perspective, porteur d'attentes et donc accessible à une sollicitation, une provocation, une complicité collective. Les messages publicitaires peuvent être décalés ou aberrants, ou encore mettre en scène des adhésions et des rejets du public. La réaction et l'activité interprétative des publics sont ainsi recherchées, voire provoquées. L'ajustement pratique et critique vis-à-vis de la publicité est exploité et il nourrit ainsi en retour la culture médiatique. </span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="color:black">Partant de cette conception ouverte de la " réception ", la littératie médiatique et publicitaire peut être conçue comme une acquisition progressive de connaissances et de maîtrise des codes, reposant sur une vision critique et distanciée plutôt que comme une méthode d'autodéfense. Nous définissons donc la littératie publicitaire comme la capacité des publics à produire et mettre en œuvre, sur la publicité en général, des connaissances, des compétences de lecture, d'interprétation, de critique et de commentaire. </span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="color:black">Il s'agit maintenant d'explorer comment les publics de la publicité, depuis plusieurs siècles en France, développent et mettent en œuvre une culture du domaine. </span></span></span></p>
<p class="LCNInter1" style="margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold">3. Formation de la littératie publicitaire</span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Afin d'aborder les formes contemporaines et plus particulièrement numériques de littératie publicitaire, il est nécessaire de retracer ses développements au fil des transformations des formes publicitaires et de leurs discours d’accompagnement, positifs autant que négatifs. Nous proposons une enquête rétrospective, une sorte archéologie, de la littératie publicitaire permettant de comprendre les formats, numériques ou non, de la publicité contemporaine, et la façon dont les publics ont acquis et forgé des capacités d'analyses et de distanciation. En effet, au-delà du développement et de la stabilisation de grands types publicitaires reconnus par les publics, un examen des formes de réactions et de critiques du discours publicitaire est essentiel pour bien comprendre la littératie publicitaire contemporaine en France, ses réceptions obliques et défiantes. </span></span></p>
<p class="LCNInter2" style="text-align:justify; margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold"><span style="font-style:italic">3.1. Littératie par fréquentation des formes traditionnelles de la publicité </span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Nous explorerons, dans un premier temps, les formes d’une littératie publicitaire pré-numérique car la littératie publicitaire contemporaine est profondément liée aux transformations historiques des formes et formats publicitaires et aux développements de discours critiques qui ont forgé la capacité du public à repérer les publicités, à les prendre comme telles et à s’en distancier.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Les médias traditionnels de la publicité ont, au cours d’un temps déjà long, créé et stabilisé des formats qui contraignent les discours publicitaires tout en les rendant, souvent instantanément, reconnaissables. Certains éléments sont attendus, d'autres sont obligatoires, ce qui transforme certains formats en stéréotypes, au sens de formes fixes qui programment leur lecture et façonnent les messages " selon les impératifs d'un modèle préfabriqué " (Amossy, 1991).</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">L'affiche est l'un des plus anciens supports publicitaires et elle est encore d'importance aujourd'hui en France, pour diverses raisons historiques. L’affiche publicitaire commence vraiment à se développer au cours de la première moitié du XIXe siècle, période où règne de l'affiche du libraire mettant en valeur les romans susceptibles de plaire à un large public (Martin, 2012). Elle est alors principalement, sinon uniquement, composée de texte, avec quelques variantes typographiques. A partir de 1840, les affiches connaissent une transformation et un développement importants grâce à la technique de reproduction par lithographie qui permet la reproduction à plus grande échelle et l'utilisation d'images, en couleur à partir des années 1850. L'affiche publicitaire illustrée commence son âge d'or, elle est très omniprésente dans le paysage urbain et jusque dans les petits villages. A Paris, l'affiche gagne une place qui est toujours exceptionnelle à la faveur des travaux de transformation urbaine d'Haussmann qui transforment assez longuement la ville en une palissade géante très propice à l'affichage publicitaire. De plus, un mobilier urbain est créé pour l'affichage de spectacles, et les quais du métro sont conçus avec des espaces dédiés à la publicité.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">L’affiche fait donc partie très tôt du paysage quotidien et elle offre des spectacles de qualité grâce aux artistes qu’elle attire ( Lautrec, Mucha, Bonnard) et aux grands illustrateurs publicitaires qu’elle génère (Loupot, Cassandre, Carlu, Colin, etc.). Leurs styles sont reconnaissables, connus et appréciés du public.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Après la Seconde Guerre mondiale, l'affichage publicitaire doit s'adapter à l'avènement des banlieues et des voitures particulières. Les emplacements sont placés le long des routes principales, et les affiches deviennent géantes pour être visibles depuis un véhicule. Dans le même temps et pour la même raison, les dessins deviennent plus simples et la photographie entame son ascension avec une intense recherche de sophistication, surtout dans les années 1980, comme en témoignent les productions publicitaires de l'artiste français Jean-Paul Goude.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Au-delà de la stabilisation des différentes formes d'affiches publicitaires, en termes de tailles, de formats et d'organisations de l’espace, une culture publicitaire émerge et des connaisseurs développent une appréciation esthétique des affiches créées par des artistes reconnus. Le mouvement de collectionneurs dit "affichomanie", dans les années 1880, entièrement consacré aux affiches publicitaires, en est une manifestation qui témoigne d'une reconnaissance artistique de l'affiche publicitaire ainsi introduite dans le patrimoine français.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">1836 est la date officielle de l’introduction de la publicité dans les colonnes et le modèle économique de la presse par l’action d’Emile de Girardin. Rapidement, des formats canoniques se mettent en place et certains donnent lieu à des dérives qui déclenchent des réflexions éthiques et des régulations tant par la profession que par la législation. Ainsi, en l’espace d’un siècle, les formats de la publicité de presse ont émergé, se sont transformés puis stabilisés.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Par la suite, au cinéma, à la radio comme à la télévision, d’autres formats filmiques, chantés, avec des dictions spécifiques à la publicité se mettront en place, tout au long du 20<sup>ème</sup> siècle. Leur reconnaissance sera petit à petit facilitée par leur encadrement imposés par de petits génériques dédiés annonçant le début et la fin des messages publicitaires, les fameux « jingle pub » (Berthelot-Guiet, 2015).</span></span></p>
<p class="LCNInter2" style="text-align:justify; margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold"><span style="font-style:italic">3.2. Littératie, antipublicité et médias </span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">En France, la publicité est, de fait, une activité très réglementée qui fait également l’objet d’un jugement social ancien, généralement défavorable et largement répandu dans les différentes catégories sociales. En résumé, le sentiment antipublicitaire n’est pas l’apanage d’une élite intellectuelle et parisienne. Dès 1920, les publicitaires eux-mêmes soulignaient le discrédit populaire dont souffraient déjà leur profession et leurs productions. Ils reliaient cette " résistance " de la population dans son ensemble à un supposé " esprit français " fait " d'indépendance de caractère et de refus de se laisser imposer des jugements tout faits" (Martin, 2012).</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Cet esprit trouve, dès 1836, son origine dans les cercles intellectuels, politiques et industriels : les uns tiennent des propos méfiants et parfois violents à l’encontre de la publicité, soupçonnée de manipulation, quand les autres sont convaincus qu’un bon produit se suffit à lui-même et doutent de l’utilité de la dépense (Sacriste, 2009). Ces critiques furent portées hors de leur cercle initial, de 1850 jusqu’aux années 1950, par trois groupes professionnels particulièrement hostiles à la publicité , présents sur tout le territoire et très proches des populations : les épiciers et petits commerçants, les colporteurs et autres représentants de commerce, les médecins de famille et les pharmaciens (Martin, 2012). Les premiers voyaient dans la publicité le bras armé des producteurs et industriels cherchant à les transformer en simples dépositaires de produits de marque, réduisant à la fois leurs profits et leur rôle social ; les deuxièmes ne souhaitaient pas devenir de simples relais publicitaires, tandis que les troisièmes, prescripteurs et fabricants de spécialités pharmaceutiques, redoutaient la mise en danger de leurs patients par de nombreuses publicités pour des produits aux bénéfices douteux, voire dangereux.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Alors que les années 1950 voient la fin de la résistance à la publicité de ces professions, la relève de l’antipublicité est assurée par la montée en puissance des associations de défense, terme révélateur, des consommateurs. La publicité, attaquée en justice, est perçue et présentée comme mensongère, manipulatrice et de créatrice de faux besoins, elle entrave la libre concurrence et préempte l'information du consommateur. (Parasie, 2010). Ces associations développent « un système de jugement permettant aux militants de faire le tri entre les messages publicitaires dans l'intérêt du consommateur » et le font connaître notamment <i>via</i> le magazine <i>50 millions de consommateurs</i>, qui, de 1973 à 1983, publiait chaque mois, sur sa quatrième de couverture, le décryptage à charge d'une publicité.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Après une courte pause, durant laquelle la publicité semble devenir un spectacle de masse relativement apprécié (1985-1995), la France renoue avec cette tradition antipublicitaire dans la foulée d’un mouvement international critiquant à la fois la publicité et les marques. La publicité est accusée d'envahir les espaces public et privé, de s'étendre à des domaines qui devraient en être protégés (politique, humanitaire), de manipuler les esprits, créer de faux besoins et limiter le libre arbitre. Elle est communément comparée à une drogue, une source de pollution, un déchet. Ces idées sont souvent reprises par le système médiatique, qui y trouve un moyen d'informer tout en critiquant la consommation et surtout les marques qui contribuent grandement à son financement par leurs achats d’espace publicitaire. La dénonciation médiatique de la publicité s’étend dès lors bien au-delà du discours des associations de défense des consommateurs (Herpin, 2001) (Berthelot-Guiet, 2015).</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Ainsi, depuis le début du 21<sup>ème</sup> siècle, la critique de la publicité et des marques dans les médias d’information français est en progression constante depuis la parution et le succès d’ouvrages tels que le roman français <i>99 francs</i> de l’ex-publicitaire Frédéric Beigbeder et l'essai <i>No logo : La tyrannie des marques</i> de la journaliste canadienne Naomi Klein. Toutes ces parutions connaissent en général un large relais médiatique tout comme, en 2009, le film d’animation français <i>Logorama</i> qui reçoit, de plus, de nombreuses distinctions (Cannes, Oscar, César). Au-delà de la reconnaissance du succès, cela permet aux médias de développer un discours critique envers les marques sur lesquelles repose leur modèle économique. La présence des discours critiques à l’encontre de la consommation et de la publicité fait désormais partie du quotidien médiatique, en ligne comme hors-ligne. L'industrie de la publicité, partie prenante du système, en prend acte et s’ingénie alors à proposer une redéfinition, parfois hâtive, des contours de la publicité classique désormais présentée comme un mode de communication problématique.</span></span></p>
<p class="LCNInter1" style="margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold">4. Vers une littératie numérique de la publicité</span></span></span></span></p>
<p class="LCNInter2" style="text-align:justify; margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold"><span style="font-style:italic">4.1. Littératie numérique : 25 ans de fréquentation des formats publicitaires sur le web </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-left:48px"> </p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">La publicité sur le web est apparue depuis 25 ans, il est donc possible, et même nécessaire pour penser une littératie numérique publicitaire, de revenir sur les formes et formats qui sont apparues et ont évolué durant ce quart de siècle (Berthelot-Guiet, 2015, 2020).</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Les débuts « officiels » de la publicité sur Internet remontent à 1994, date de la diffusion de la première bannière sur un site américain ; c’est une publicité intégrée dans une page web et destinée à produire du trafic vers le site de l'annonceur. Ce type de publicité, relais de croissance d’importance pour les agences de communication, s’est très vite développé. Dès 1995, le site Yahoo ! comportait des publicités. En 1996, la première bannière publicitaire est lancée en France. En 1998, alors que Hewlett Packard propose la première publicité interactive, des systèmes de suivi de "l'efficacité publicitaire", commence à être proposés. En 2000, arrivent les formats "pop up", "flash" et "rich media" ainsi que la première publicité sur téléphone portable.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Dès 1996, l'Interactive Advertising Bureau, créé aux États-Unis, propose au fur et à mesure de leur apparition, une définition et une normalisation des formats (Bannières, Boutons, <i>Leaderboards, Billboards, Square, Skyscraper, Pop Up</i>, etc.). Le travail est d’envergure autant qu’incessant tant les formats évoluent rapidement au fil opportunités ouvertes par les nouveaux systèmes informatiques. Dès 2000, grâce à un accord avec Yahoo !, Google devient le leader du marché de la publicité en ligne. En 2008, les bannières et les liens sponsorisés sont les formats les plus courants, alors que de nouvelles possibilités apparaissent : blogs, jeux en ligne, sites comme Second Life, sites communautaires et téléphones portables.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Durant cette première période de 15 ans, une littératie de la publicité numérique s’est mise en place malgré ou à cause des lancements continus de différents formats. Elle est reconnue et traitée par les professionnels sous le nom de « cécité aux bannières » (Benway, Lane, 1998). Dans le même temps, émerge la possibilité de bloquer, grâce à des logiciels souvent gratuits, la publicité numérique. Non seulement la « pub en ligne » est connue et reconnue, une littératie s’est donc instaurée et elle est accompagné d’un jugement de valeur négatif qui qualifie lesdites publicités de trop nombreuses, gênantes ou intrusives. </span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Tout en continuant de faire évoluer les formats en ligne, notamment pour déjouer les logiciels de blocage, les professionnels du domaine cherchent les moyens de contourner cette littératie critique dont ils ont conscience, sans la nommer ainsi. C'est en partie pourquoi, à partir de 2006 en France, ils s’engagent dans un mouvement, déjà en cours aux USA, de recherche d'autres moyens de faire de la publicité et de promouvoir les marques en ligne. Arguant de l’émergence d’un nouveau paradigme de communication lié à ce qui est qualifié largement de « web 2.0 », ils mettent en avant et promeuvent les notions de conversation avec les marques et de « brand content » comme alternatives supposément non publicitaires (Berthelot-Guiet, 2015). Sous l'impulsion de quelques consultants américains auteurs d’un texte intitulé <i>Clue Train Manifesto </i>aujourd'hui donné comme point de départ de cette évolution, le monde de la communication marketing et commerciale connaît alors une conversion massive aux supposés vertus de la conversation (Marti, Berthelot-Guiet, 2019), pensée comme une sorte de panacée communicationnelle. Ce texte promeut une vision idéalisée et consensuelle, préindustrielle, d’une société où la vente était la simple conclusion d'une conversation entre personnes dans un lieu physique appelé marché. Les auteurs concluent que cet état enviable pourrait être retrouvé grâce à l’émergence du web dit « 2.0 » présenté comme le moyen d’une communication "horizontale déhiérarchisée". La conversation ainsi redéfinie se pare de toutes les qualités que la publicité n'a pas : ce serait une communication pacifiée, égalitaire, qui mettrait marques et consommateurs sur le même plan. Sous l'action conjuguée des agences, les marques se mettent alors à produire des « espaces communicationnels », elles ouvrent des comptes Facebook, Twitter, et autres, sans toujours avoir quelque chose à dire. Dans les discours professionnels, le terme publicité est délaissé au profit de « contenu », « participation » et « co-production ».</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">L’analyse, <i>a posteriori</i>, des discours professionnels et des formes de communication de marque produits depuis le milieu des années 2000 en France met en évidence à quel point est revendiquée la nécessité de trouver de nouvelles voies et formes pour les discours des marques en raison de la littératie publicitaire (Berthelot-Guiet, K., Marti de Montety, C., Patrin-Leclère, V., 2014). Les affinités de publics d’une amplitude générationnelle de plus en plus larges avec les technologies de l'information et de la communication et l’utilisation des réseaux "sociaux" conduit les professionnels de la publicité à conclure, assez radicalement, que la publicité classique, bien que difficile à abandonner, doit parfois être évité ou <i>a minima</i>, cohabiter avec d’autres formes d’expression en ligne.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">C’est ce phénomène que nous avons, avec Valérie Patrin-Leclère et Caroline Marti, proposé d’envisagé sous les catégories non figées de <i>dépublicitarisation </i>et <i>d’hyperpublicitarisation. </i>La<i> dépublicitarisation</i> fait référence à un ensemble de tactiques de communication visant à se démarquer des formes de publicité les plus reconnaissables et classiques en passant à des formes censées, du point de vue des professionnels, être plus discrètes et donc susceptibles, en théorie, de déjouer la littératie publicitaire, classique comme numérique, déjà en place. La dépublicitarisation utilise principalement trois tactiques :</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">- Entrer dans une production médiatique déjà existante, comme le placement de produits dans les émissions et séries télévisées, les films et les jeux ou le sponsoring de programmes.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">- Imiter des produits médiatiques ou culturels existants (magazines de consommateurs, séries web, films de marque, livres).</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">- Essayer de profiter de formes de communication en ligne qui sont censées redistribuer les rôles communicationnels (blogs, contenu coproduit, médias sociaux). La conversation entre dans cette catégorie.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">De plus, ces propositions de communication sont accompagnées de discours d’escorte dans lesquels les professionnels se bercent de proposer autre chose que de la publicité. A l’inverse, l’analyse sémio-communicationnelle de ces productions montrent à quel point elles restent éminemment publicitaires, voire hyperpublicitaires. L’hyperpublicitarité comme le pendant de la dépublicitarisation, elle se caractérise par une hypertrophie des aspects publicitaires reposant sur une recherche de maximisation de la présence publicitaire qualitativement, par une densification sémiotique des messages et un travail créatif et/ou esthétique. Dès qu’une production est dépublicitarisée, il s’avère, la plupart du temps, que ce qui est plus discret provoque une présence accrue des certains des attributs de marque et aboutit à un effet hyperpublicitaire.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Au cours de notre recherche, nous avons questionné le présupposé de l'existence d'une littératie numérique publicitaire qui, en quelque sorte, préside au développement des « nouvelles » propositions publicitaires des marques sous l’impulsion des agences de communication. Les productions communicationnelles analysées en termes de dépublicitarisation et d'hyperpublicitarisation reposent sur des figures présupposant la connaissance/reconnaissance des formats de la publicité afin de la contourner ou de l'utiliser. </span></span></p>
<p class="LCNInter2" style="text-align:justify; margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold"><span style="font-style:italic">4.2. Flou dans la littératie numérique publicitaire ?</span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Ainsi, les messages publicitaires et les formes dépublicitarisés tendent à démultiplier la présence des messages des marques dans la vie quotidienne, en ligne et hors ligne. C'est pourquoi il est nécessaire de mener une réflexion sur la littératie numérique publicitaire afin de comprendre comment, dans un contexte de production accélérée des formats, elle peut se constituer et fonctionner. Ces nouvelles variations autour de la publicité et ces brouillages rencontrent les compétences développées par les publics pour repérer, voire écarter, les messages publicitaires. Ceci est d’autant plus flagrant qu’il existe une divergence forte, en ce qui concerne la publicité, entre les définitions professionnelles et « profanes ». En effet, ce qui est défini, par les professionnels, de façon circonscrite comme une communication de masse réalisée pour le compte d'un émetteur clairement identifié qui paie des médias (presse, TV, radio, affichage, Internet, cinéma) pour insérer ses messages promotionnels dans des espaces distincts du contenu éditorial et les diffuser auprès d'audiences médiatiques sélectionnées<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span style="font-family:"Garamond",serif">[2]</span></span></span></span></a>, s’avère beaucoup plus large pour le reste de la population qui, dans la vie quotidienne, rencontre de nombreuses occurrences et discours liés aux marques et a tendance à les qualifier globalement de " publicité ". Ce faisant, ils font preuve d'une remarquable littératie qui élargit considérablement la définition de la publicité. Dans ce cas, tout peut être publicité, ce qui permet de mieux comprendre l'opinion communément admise selon laquelle la publicité est trompeuse et influence les gens à leur insu. A cet égard, si les débuts de la publicité en ligne proposaient des formes basiques, reconnaissables, évitables, et ne convoquait qu’une transposition aux formes numériques de la littératie publicitaire liées aux médias traditionnels, le Web 2.0 a généré de nouvelles opportunités pour les professionnels de la publicité pour cherche à flouter les marqueurs classiques d'identification.</span></span></p>
<p class="LCNInter1" style="margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold">5. Fragments d'une littératie numérique de la publicité</span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Les nouveaux formats, malgré leur inventivité, leur renouvellement rapide et leurs lancements en cascade ne parviennent à troubler longtemps la perception des récepteurs, que ce soit par le jeu d’une littératie rodée et/ou outillée par différents acteurs médiatiques. Des traces et des preuves de l'évolution de la littératie apparaissent, à propos de formes aussi différentes que le régime de discours des comptes des marques sur les réseaux socio-numériques, la résurgence de la « réclame » sous le nom de <i>« native advertising », </i>le matraquage induit par les algorithmes publicitaires qui réactivent le spectre de la manipulation que viennent encore renforcer les <i>dark patterns</i>. Nous en proposons une première exploration de ces éléments, qui ne prétend pas à l’exhaustivité car d’autres formes émergentes de publicité accroissent le champ d’action de la littératie numérique publicitaire.</span></span></p>
<p class="LCNInter2" style="text-align:justify; margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold"><span style="font-style:italic">5.1. Manifestations d’une littératie numérique de la publicité : déjouer le flou sur les réseaux sociaux</span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">En ce qui concerne les réseaux dits sociaux, une étude menée sur les comptes Facebook d'une marque française et d'une marque américaine (Oasis et M&M’s), nous a permis de montrer que les participants et abonnés sont, pour nombre d’entre eux, pleinement conscients du caractère publicitaire des messages mis en ligne par les marques et du statut de professionnels de la communication de ceux qui participent, au nom de la marque, à ces échanges et les produisent.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Les pages Facebook de M&M's et OasisBeFruit (Berthelot-Guiet, 2015, Marti, Berthelot-Guiet 2019) sont bien perçues comme les productions publicitaires qu’elles sont. Les marques y sont omniprésentes et les contenus discursifs très fortement liés à leurs discours publicitaires dans les médias traditionnels. D’une certaine façon, les messages mis en ligne sont autant de déclinaisons de leur « offre » publicitaire. Le spectacle publicitaire est flagrant, et ceux, parmi les inscrits, qui réagissent ou commentent, rendent par écrit leur appréciation souvent par de simples interjections, de la mise en écrit de la joie du spectacle et du rire, des émojis représentant des mains en train d’applaudir ou des personnages hilares. Quand le propos est un peu plus développé, les participants écrivent aux "auteurs" de ces messages, et non à la marque, en les désignant par leur métiers (les publicitaires, le marketing, etc.).</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">La nature publicitaire de ces communications est pleinement reconnue, à l’opposé de la supposée conversation exempte de publicité promue par les services de communication des marques. La littératie pleinement à l’œuvre montre que des participants peuvent suffisamment apprécier une marque et sa publicité pour choisir de faire l’acte volontaire de s’inscrire sur une plateforme de réseau socionumérique et recevoir de leur plein gré, plusieurs fois par semaine, les contenus publicitaires de la part des marques qu'ils ont choisies. Nous ne pouvons pas savoir si tous sont consommateurs et/ou acheteurs, mais il est certain qu'ils sont des consommateurs volontaires de leur discours publicitaire et de leurs signes. </span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">La consommation des signes de la marque s'accompagnes souvent d'une évaluation, par ce même public, de la qualité publicitaire des messages produits démontrant des capacités de jugement esthétique, narratif, voire stratégique quant à ce qui peut être considéré comme une bonne publicité pour une marque spécifique (Berthelot-Guiet, 2020). Le spectacle publicitaire s'accompagne du développement d'une critique amateure qui s'enracine dans une culture publicitaire. Ainsi, les audiences interagissent avec les marques sur les réseaux sociaux de manière informée et consentie. Cette littératie extrêmement développée est à double tranchant. De manière plus agonistique, le grand public a également vite compris que la présence des marques sur les réseaux sociaux permet d'exprimer facilement à leur encontre, auprès d'une large audience, des critiques, ou des plaintes. C’est pourquoi, pour certaines marques, les réseaux sociaux sont devenus le lieu d'un nouveau type de communication de crise que l'on peut qualifier de " permanente ".</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Un autre phénomène de littératie démontrant également la capacité des publics à tenir à distance le « flou » concerne les productions supposées « dépublicitarisées » que sont les films de marque et autres contenus de prestige En effet, les productions publicitaires, assumées ou non, se font sur le calcul d’un retour sur investissement <i>a minima </i>symbolique : comment alors assurer une audience élargie aux productions " non publicitaires " des marques. Il est, en effet, très probable que seules les personnes déjà intéressées par une marque trouvent facilement les courts-métrages et autres messages sur les réseaux sociaux. Elles y sont déjà abonnées. La probabilité que les autres internautes tombent sur ces productions " par hasard " ou même " par algorithmes " est beaucoup plus faible. Paradoxalement, c'est alors régulièrement la bonne vieille publicité (presse, affichage, télévision) dans les médias traditionnels qui est choisie pour sa capacité à faire connaître, à rendre public, à promouvoir. Nous qualifions cet usage de la publicité pour promouvoir les formes dépublicitarisées de " retour du refoulé " (Berthelot-Guiet, 2021). Les productions publicitaires classiques sont alors dédiées à l’orientation du public vers l’offre dépublicitarisée en ligne et non vers les produits ou services des marques. Le message est une publicité utilisant la méthode classique de "teasing", qui consiste à donner accès à une partie du message, suffisamment longtemps pour attirer et inciter le spectateur à regarder le reste qui se trouve sur le web ; le message prend souvent la forme publicitaire d'une affiche de film, consacrant ainsi la forme spectaculaire. </span></span></p>
<p class="LCNInter2" style="text-align:justify; margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold"><span style="font-style:italic">5.2. Manifestations d’une littératie numérique publicitaire : le « native advertising » ou la retour de la réclame</span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Une autre forme de publicité, baptisée par les publicitaires "Native advertising" (Berthelot-Guiet, 2021) (Bullich, 2021) et particulièrement répandue sur le web, pose des questions éthiques car elle cherche à tromper l'internaute sur la nature du message. Cette insertion publicitaire discrète ou plutôt déguisée est généralement fondue dans l’éditorial, dont elle imite les formes discursives. Elle est spécialement conçue pour tromper, en ressemblant au reste du site web et en s'adaptant au ton autant qu’aux formes. Certaines ressemblent à des écrits journalistiques, et l'idée repose sur le fait que, pris dans sa lecture, l'internaute ne s'interrogera pas sur l'origine de ce qu'il lit.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">La volonté de produire un message publicitaire qui se fond dans l'environnement journalistique au point de tromper sur sa nature n'est pas nouvelle. Avec le <i>native advertising</i>, l'ancienne "réclame", la forme la plus ancienne et la plus controversée de publicité cachée réapparaît sous de nouveaux habits, peut-être plus sophistiqués. Cependant, le principe de fonctionnement reste le même : le contexte profite à l’introduction subreptice de contenu publicitaire.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">En France, la "réclame" était très courante dans les journaux à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle. Ces textes apparaissaient surtout les rubriques mondaines et financières. Ils étaient plus chers à l’achat qu’un emplacement publicitaire déclaré en fin de publication, dans la mesure où ils étaient censés bénéficier de la confiance que les lecteurs donnaient à la publication. Ce qui était sans grande conséquence, autre que morale, pour un couturier, un restaurant ou des objets de décoration, pouvaient avoir de graves conséquences dans les domaines de la santé et de l’épargne. Ainsi, un certain nombre de malversations financières suivies de la ruine de petits et grands épargnants<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span style="font-family:"Garamond",serif">[3]</span></span></span></span></a> ainsi que de graves problèmes sanitaires causés par des produits pseudo-pharmaceutiques ont dévoilé et mis au ban ces pratiques, perçues comme malhonnêtes. </span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Conscients du problème, les dirigeants des entreprises de presse et les membres de la profession émergente des publicitaires ont alors souhaité une moralisation de l'activité publicitaire (Martin 2012, Berthelot-Guiet 2015). L'association française d'autorégulation de la publicité a mené, à partir des années 1920, une campagne appelée "vérité dans la publicité" destinée à débarrasser la publicité française des réclames qui lui donnaient une très mauvaise image tant auprès des annonceurs que du public. L’action conjuguée des professionnels et de la législation instaura, pour ce qui est désormais nommé « publirédactionnel » une mention explicite (publicité, publireportage, publireportage, éditorial) et parfois une forme visuelle et typographique dédiés. </span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Bien que ce type de procédé soit interdit en France et dans l’Union Européenne, la ligne est cependant restée mince dès lors qu’il s’agit d’organes de presse concernant la mode, les sorties culturelles et touristiques, dans la mesure où le simple fait de présenter une marque, un film ou une destination plutôt qu’une autre constitue une action publicitaire en soi. Même si la mention explicite de la nature du discours s’impose également aux les réseaux sociaux, l'émergence constante de nouvelles formes de communication numérique rend la publicité difficile, pour quelques temps à identifier et le flou peut s’installer. Comme le souligne, en 2012, l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), des difficultés accrues apparaissent concernant l'identification précoce du discours publicitaire. En effet, un texte intitulé " Information et publicité : clarifier la nature de l'émetteur "<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span style="font-family:"Garamond",serif">[4]</span></span></span></span></a> montre à quel point les formes contemporaines de communication numérique des marques soulèvent trois types de questions en termes d'éthique publicitaire : " La question de l'identification de l'émetteur, la nature de l'information émise, son statut (information, publicité, communication, expression spontanée) ". La profession est donc parfaitement consciente que de nombreuses productions publicitaires numériques peuvent être " susceptibles de semer le doute dans l'esprit des consommateurs ".</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Cependant, ce type de publicité, malgré ses évolutions constantes, est rapidement détectée par les internautes et ajouté à la littératie publicitaire par le moyen même de son développement car les réseaux sociaux et les plateformes relaient également les discours de dénonciation. Les publics ne sont donc crédules que peu de temps mais ces productions réactivent fortement l’idée selon laquelle la publicité est mensongère et fonctionne sur le principe de la tromperie. </span></span></p>
<p class="LCNInter2" style="text-align:justify; margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold"><span style="font-style:italic">5.3. Manifestations d’une littératie numérique de la publicité : algorithmes et matraquage publicitaire</span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Parallèlement, les premières formes de publicité sur le Web ont également évolué, non pas tant dans les formes que par les moyens utilisés pour mettre les bonnes annonces devant les bonnes personnes. Ainsi, la publicité en ligne, pour laquelle les annonceurs paient un "espace média", a connu une forte évolution avec les algorithmes (Berthelot-Guiet, 2021)]. En effet, à la simple publicité sur les sites web ou les écrans et à la chasse aux mots-clés s'est ajouté l'achat d'espaces publicitaires automatisés, ou programmatiques, gérés par des algorithmes qui calculent "en temps réel" quelle publicité conviendra le mieux à l'internaute en fonction de son parcours sur le web. Cette intrusion des machines et des calculs dans l'équation publicitaire a permis aux entreprises et à leurs agences de communication d'entrevoir le Graal : comprendre ce qui se passe dans la tête du consommateur et ne lui proposer que ce qui est susceptible de lui plaire et de le faire acheter. L'idée secrète de la manipulation du cerveau réapparaît à l'horizon.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Les algorithmes s'ajoutent donc au système publicitaire en tant que nouveaux venus numériques, auréolés, du côté des professionnels, d’une aura mêlant possibilités réelles et imaginaires allant de l’adaptation totale à la surveillance en passant par l'objectivité. De fait, de nombreux systèmes informatiques et algorithmes ont été développés, affinés et expressément conçus pour faciliter l'identification des "consommateurs" lors de leur navigation et permettre, hypothétiquement, la production et la diffusion de messages publicitaires sur mesure. Notre exploration de la cohabitation, sur le web, de différentes formes publicitaires liées aux algorithmiques, met en évidence des formes de communication plus proches du matraquage et de la course à la promotion que d'un raffinement du message publicitaire. Elles sont, de ce fait, l’objet de la littératie publicitaire numérique active et plutôt négative.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">L'utilisation intensive d'algorithmes dans presque tous les domaines du web aboutit à une présence massive de la publicité, forme contemporaine de matraquage publicitaire, résultat des calculs effectués. Les algorithmes ont tendance à mettre encore et encore les publics face aux mêmes publicités ou aux mêmes types de produits. Ils réintroduisent ainsi une répétition et une monotonie potentiellement contre-productives dont les spectateurs s’étaient affranchis grâce aux activités domestiques pendant les encarts publicitaires et aux télécommandes des téléviseurs. De fait, actuellement, plus on passe du temps en ligne, plus la sensation de matraquage publicitaire apparaît et s'impose, que l'on soit sur Google, Safari, les sites d'influenceurs, les sites de vente, les forums de santé, les sites médias, les applis, Facebook, Instagram, TikTok, Pinterest, etc. La publicité, ramenée à la promotion et à un pur adjuvant de la vente, est réduite, d’un point de vue stratégique et créatif, à sa plus simple expression ; elle sert essentiellement à rediriger vers des plateformes commerciales. On revient à l'idée que la répétition est la clé de l'influence. Il en découle, la plupart du temps, un inconfort important de la navigation, auquel s'ajoute l'idée d'être privé de toute forme de libre arbitre au profit de messages qui sont de l'ordre de la promotion pure. </span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Le matraquage publicitaire est, par essence, évident. Toute navigation sur le web sans logiciel adblocker nous plonge dans un monde à la fois familier, car les publicités que nous voyons sont liées à nos centres d'intérêt, et extrêmement monotone car la plupart des algorithmes construisent un univers basé sur l'idée de " similitude ", privilégiant le « même » et ne permettent que rarement la surprise et la découverte même quand la sérendipité est proposée. Dès lors, la sensation du matraquage publicitaire devient rapidement écrasante car les offres de vente, ou publicités, sont toutes les mêmes. Le sentiment de surveillance et de harcèlement n'est pas loin car ces publicités sont dérangeantes et/ou intrusives tout en offrant un contenu pauvre : le nom de la marque, un visuel minimaliste, une incitation forte à saisir la promotion, à " en savoir plus " ou, tout simplement à "Acheter". Ces publicités souvent dépourvues de créativité et nous ramènent au sentiment d'être une machine à cliquer. Le stimulus-réponse n’est jamais loin.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">La sensation de matraquage peut également être due au visionnage imposé et répétitif d'une même publicité en un temps limité. Les plateformes et systèmes de replay tels que Youtube génèrent ce type d’effet. Les internautes qui consomment (binge watch) des vidéos les unes après les autres, doivent visionner les mêmes publicités, épisode après épisode. Aucune publicité, même réussie et créative, ne peut survivre à ce type de traitement sans déclencher un agacement intense lors de tout visionnage ultérieur.</span></span></p>
<p class="LCNInter2" style="text-align:justify; margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold"><span style="font-style:italic">5.4. Manifestations d’une littératie numérique publicitaire : déjouer la manipulation des dark patterns :</span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Nous avons vu comment la presse et les médias en général participent à la construction de la littératie publicitaire des formes hors lignes. Nous allons maintenant analyser, dans cette perspective, le traitement médiatique par la presse française de la question des <i>dark patterns </i>(Berthelot-Guiet, 2022). Le rôle de la presse est d’autant plus important qu'il s’agit de techniques encore peu connus du public non professionnel. Les <i>dark patterns</i> sont apparus dans les médias entre 2016 et 2018 quand d'anciens employés des GAFAM ont commencé à dénoncer ces pratiques estimant qu’elles allaient trop loin, notamment dans la création d'une " économie de l'attention ". La grande majorité des articles rappelle que la notion, sa première description, sa définition et sa typologie ont été proposées en 2010 par Harry Brignull<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span style="font-family:"Garamond",serif">[5]</span></span></span></span></a>, spécialiste du design d'interface numérique et soulignent la valence négative qui leur est attachée.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Depuis 2015 à 2022, 27 articles sur les "black patterns " ont été publiés dans la presse nationale française, 9 dans des publications professionnelles, et 18 dans des publications grand public. Des journaux de référence comme Le Monde, Le Figaro et La Croix ont abordé la question à plusieurs reprises. L'analyse de leurs titres et sous-titres indique immédiatement le jugement critique négatif et une volonté de dénoncer. Le vocabulaire est explicite : tromper, manipuler, abuser, piéger, enfer, côté obscur, ruser, gâcher, etc. sont les termes courants pour les décrire et inciter le public à la méfiance. Les dark patterns sont présentés comme "des éléments trompeurs qui sont intentionnellement conçus pour inciter les utilisateurs à faire des actions qu'ils ne feraient pas autrement. Ces modèles sont conçus pour bénéficier à certaines parties prenantes, et non à l'utilisateur" (Ducato, 2018). </span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Conçus pour tromper, répandus dans tous les espaces du web et prenant des formes multiples, parfois difficiles à détecter même pour des spécialistes, les <i>dark</i> <i>patterns</i> sont une sorte de défi pour la protection des consommateurs et leur capacité à développer une littératie. Si les articles dénoncent abus et tromperie, ils se terminent souvent par des listes présentant les différentes formes possibles tant il leur est difficile de donner les moyens de les reconnaître. La volonté de donner au grand public les moyens de se prémunir contre les <i>dark patterns</i> ou de les utiliser consciemment est donc difficile à mettre en œuvre. Une étude internationale sur le traitement médiatique en ligne des <i>dark patterns</i> donne des résultats similaires (Cara, 2019) et conclue que les " dark patterns peuvent être décrits selon trois critères : le but stratégique, la popularité auprès des médias et le degré de nocivité". </span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Les questions éthiques liées aux <i>dark patterns</i> sont d’autant plus importantes, d’autant qu'ils sont présents presque partout sur le web. Une règlementation est apparue en Europe : le règlement général sur la protection des données dans. Sur son site, l'Union européenne présente le RGPD, entré en vigueur en 2018 et plus précisément obligatoire pour les applications mobiles et les sites web depuis le 31 mars 2021, comme la " loi la plus dure au monde en matière de vie privée et de sécurité ". En France, le RGPD s'inscrit dans la continuité de la loi informatique et libertés (1978) et renforce les droits des personnes, responsabilise les acteurs traitant les données, et crédibilise la réglementation grâce à une coopération renforcée entre les autorités de protection des données définies comme " toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable ", qu'il s'agisse d'une identification directe (nom, prénom, etc.) ou indirecte (identifiant, numéro, etc.). En vertu du RGPD, les cookies/traceurs qui ne sont pas strictement nécessaires au fonctionnement de base d'un site web ne doivent être autorisés que si les utilisateurs donnent préalablement leur consentement explicite par une action positive claire, comme le fait de cliquer sur "J'accepte". Dans ce cas, aucun traceur non indispensable au fonctionnement du service ne doit être déposé sur l'appareil de l'utilisateur et une information doit être faite pour permettre une forme de consentement éclairé.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Cependant, entre la règle et sa mise en œuvre, des <i>dark patterns</i> dédiés entrent encore en jeu car beaucoup est fait pour contraindre les internautes à autoriser les cookies. De ce fait, une question qui peut sembler réduite à la question de l’accès aux données personnelles doit être envisagée sous l’angle de la littératie publicitaire car une grande partie des traceurs est à finalité marketing et publicitaire, et fournit des données aux algorithmes déjà évoqués.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Quand les <i>dark patterns </i>entrent en jeu, la première distorsion apparaît dès l'arrivée sur un site : l'accord et le refus ne sont pas toujours mis sur le même plan. La possibilité de refus est reléguée au profit de la demande de renseignements complémentaires ; il faut la chercher, donc savoir qu'elle existe et avoir de la persévérance. Le visiteur peut, par défaut, se rabattre vers la demande de renseignements complémentaires et il entre alors dans un système dont la présentation est souvent des plus confuses, on y retrouve les immenses listes et leur lecture fastidieuse. Sans coercition apparente, la liste fait le travail de sape et ramène le visiteur du site à un comportement propice, c'est-à-dire celui qui consiste à choisir le bouton "tout accepter".</span></span></p>
<p class="LCNInter1" style="margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold">6. Conclusion : littératie numérique publicitaire et fin des illusions de gratuité du Web</span></span></span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">En conclusion, nous aimerions revenir sur les voies par lesquelles les applications et les plateformes parviennent à obliger certains internautes récalcitrants à choisir sur le signe passeur "accepter tout". Lorsqu'il s'agit d'une plateforme média, l'utilisateur est brutalement ramené à une réalité qu'il souhaite parfois ne pas voir : le web n'est pas gratuit. Si l'accès à de nombreux sites peut sembler gratuit, c'est parce qu'ils accueillent la publicité sous ses formes, des plus classiques aux <i>dark patterns</i>. Lorsque l'utilisateur d'un site, d'une plateforme ou d'une application média commence sa navigation, conformément à la règle du RGPD, il lui est d'abord proposé de tout accepter, de demander plus d'informations et, souvent à un autre endroit de l'écran, de tout refuser. Un clic sur ce dernier point le conduit alors à un autre écran qui, cette fois, lui propose de s'abonner ou de revenir sur la question de l'acceptation des cookies et autres trackers.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Cette interface bouscule la mythologie de la gratuité du web, bien ancrée puisqu'elle remonte aux débuts du réseau. Elle rappelle à l'internaute une vérité qui existe pour les médias depuis deux siècles en France et qui fut, en 2004, rappelée crûment, par l'ancien président-directeur général du groupe de télévision français TF1, Patrick Le Lay, lors d'une interview dans laquelle il déclarait : "Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible". Dans le cadre du RGPD, refuser de donner du " temps de cerveau " disponible nécessite d'accepter de payer le contenu médiatique que l'on souhaite consulter. Dans certains cas, la logique de financement des médias par la publicité est alors brièvement expliquée.</span></span></p>
<p class="LCNTextecourant" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-bottom:8px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Face à cet imaginaire du web, ancré dans des débuts utopiques, et curieusement maintenu malgré la forte présence de la publicité, la réglementation dite RGPD conduit les médias en ligne à rappeler très directement, en proposant à l'internaute récalcitrant de prendre un abonnement, que le refus des traceurs les prive des subsides du financement publicitaire. Le choix de refuser l’abonnement conduit ensuite vers un autre écran permettant alors d’accepter les cookies, ce qui <i>a minima </i>retarde la consultation. Dans certains cas, l’écran proposé n’est pas un simple retour en arrière et les <i>dark patterns</i> sont au bout du chemin pour " punir " l'internaute récalcitrant en ne lui laissant plus que deux choix : " payer " ou " tout accepter " ; l'accès à " en savoir plus ", qui permet de choisir les cookies n’est plus disponible. Paradoxalement, comme c'est souvent le cas dans le domaine de la publicité, la profession contourne la contrainte et parvient à réintroduire les <i>dark patterns</i> dans le système même qui devrait en protéger les internautes.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p class="LCNInter1" style="margin-top:24px; margin-bottom:16px"><span style="font-size:11pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="font-weight:bold">Bibliographie </span></span></span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Adorno, T., Horkheimer, M. (1997), <i>Dialectic of Enlightenment</i>, Verso, Milano.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Amossy, R.(1991<i>), Les idées reçues : sémiologie du stéréotype</i>, , Nathan, Paris.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Baillargeon, D., Coutant, A., Carignan, M.-E., Tourigny, M., Dionne, E. (2018), Informer ou promouvoir : la variété des formats de publicité native sur Internet et les enjeux qu’ils charrient, ZLITNI S. et LIÉNARD F., <i>Médias et communication électronique : enjeux de société</i>, Éditions Lambert-Lucas, Limoges, pp. 211-222.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Barthes, R. (1964), Rhétorique de l’image, <i>Communications</i>, 4, pp.40-51.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Benway, J. P. (1998), Banner blindness: The irony of attention grabbing on the World Wide Web. <i>Proceedings of the Human Factors and Ergonomics Society 42nd Annual Meeting, </i><b>1</b>, 463-467. </span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Berthelot-Guiet, K. (2013), Paroles du pub, Éditions Non Standard, Le Havre.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Berthelot-Guiet, K. (2015), 80 ans d’autorégulation publicitaire, <i>Avis à la publicité</i>, Wolton, D., Cherche-Midi, Paris.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Berthelot-Guiet, K. (2020), The Digital Advertising Call: An Archeology of Advertising Literacy. Meiselwitz G. (eds) <i>Participation, User Experience, Consumer Experience, and Applications of Social Computing</i>, pp.278-294, Springer (2020). </span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif"> Berthelot-Guiet, K. (2021), Advertising on the Web; Soft Narration or Hard Promotion. Meiselwitz G. (eds) <i>Social Computing and Social Media. Applications in Marketing, Learning, and Health</i>. HCII 2021. Lecture Notes in Computer Science, vol 11579, pp.417-433, Springer.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Berthelot-Guiet, K. (2022), <span style="background:white">Hints of Advertising Digital Literacy: Fragments of Media Discourses</span>. Meiselwitz G. (eds) <i>Social Computing and Social Media. Applications in Marketing</i>. HCII 2022, Springer.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Berthelot-Guiet, K., Marti de Montety, C., Patrin-Leclère, V. (2014), <i>La Fin de la Publicité ? Tours et Contours de la Dépublicitarisation</i>, Bord de l'eau, Lormont.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><span style="color:#323232">Bullich</span><span style="background:white">, V. (2021). Les trois états du « </span><i>native advertising</i><span style="background:white"> ». Usages sociaux et régimes de circulation d’une innovation terminologique. </span><i>Communication & management</i><span lang="EN-US" style="background:white">, 18, 115-133.</span> </span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Cara, C. (2019), Dark Patterns in the Medias; a Systematic Review, <i>Network Intelligence Studies Volume VII</i>, Issue 14.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Ducato, R., Marique, E. (2018), Come to the Dark Side: We Have Patterns. Choice Architecture and Design for (Un) Informed Consent, Gikii Conference 2018, Vienna, Austria.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Eco, U. (1972), <i>La Structure Absente, Introduction à la recherche sémiotique</i>, Mercure de France, Paris.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Flichy, P. (2008), <i>The Internet Imaginaire</i>, The MIT Press, Cambridge. </span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Galbraith, J.K. (1962), <i>Economic Development in Perspective</i>, Harvard University Press, Cambridge.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Goody, J. (1968), <i>Literacy in Traditional Societies</i>, Cambridge University Press, Cambridge. </span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Habermas, J. (1989), <a href="http://93.174.95.29/_ads/A115CE4946D12A3B0D62ABD379ECCBCC" style="color:blue; text-decoration:underline"><i><span style="text-decoration:none"><span style="text-underline:none">The structural transformation of the public sphere: an inquiry into a category of bourgeois society</span></span></i></a><span style="color:black">, MIT Press, Cambridge.</span></span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Herpin, N. (2001) <i>Sociologie de la consommation</i>, La Découverte, Paris.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Hoggart, R. (1957-1990), <i>The Uses of Literacy. Aspects of Working-Class Life</i>, Penguin Books, London.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Jeanneret, Y. (2014), <i>Critique de la Trivialité. Les Médiations de la Communication, Enjeu de Pouvoir</i>, Éditions Non Standard, Le Havre.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Jeanneret, Y.(2008), <i>Penser la Trivialité. La Vie Triviale des Êtres Culturels</i>, Hermès-Lavoisier, Paris.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Jensen, K.B., Rosengren, K.E. (1990), Five Traditions in Search of the Audience, <i>European Journal of Communication</i> 5(2), pp.207-238.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Katz, E., Liebes, T. (1990), Interacting with “Dallas": Cross-Cultural Readings of American TV, <i>Canadian Journal of Communication</i>, 1, pp.41-66.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Marcuse, H. (1964, 2006), <i>One-Dimensional Man</i>, Routledge, London.</span></span></p>
<p class="LCNBiblio" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-bottom:8px; margin-left:19px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif">Tchakhotine, S. (1940, 2007), <i>The Rape of the Masses; the Psychology of Totalitarian Political Propaganda</i>, George Routledge, London.</span></span></p>
<p class="LCNRsum" style="text-align:justify; margin-left:38px"> </p>
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<hr align="left" size="1" width="33%" />
<div id="ftn1">
<p class="LCNNotesbasdepage" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Garamond",serif">[1]</span></span></span></span></a> Ce corpus exploratoire est composé des premières pages de résultats qui sont, généralement, les seules parcourues par les internautes.</span></span></p>
</div>
<div id="ftn2">
<p class="LCNNotesbasdepage" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Garamond",serif">[2]</span></span></span></span></a> https://www.cep-pub.org/avis/avis-du-cep-communication-et-information/</span></span></p>
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<div id="ftn3">
<p class="LCNNotesbasdepage" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Garamond",serif">[3]</span></span></span></span></a> Voir sur ce point le roman d’Emile Zola <i>L’argent</i> paru en 1891</span></span></p>
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<div id="ftn4">
<p class="LCNNotesbasdepage" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Garamond",serif">[4]</span></span></span></span></a> <span style="background:white">La lettre d'information de l'autodiscipline publicitaire, n° 4, janvier 2012</span></span></span></p>
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<div id="ftn5">
<p class="LCNNotesbasdepage" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Garamond, serif"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Garamond",serif">[5]</span></span></span></span></a> http://darkpatterns.org</span></span></p>
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