Le développement du design web et l’évolution des modèles commerciaux en ligne ont fait émerger des nouvelles formes de figures de rhétorique de type interactif. Comme les figures verbales ou les figures visuelles, les figures interactives, généralement à base de clic, peuvent contribuer à persuader les individus de modifier leurs comportements et leurs habitudes (Bogost, 2008, 2010; Eyal et Hoover, 2018; Bonenfant et Philipette, 2018). Si certaines figures interactives sont strictement esthétiques, renouvelant les formes ornementales les plus anciennes (Paquin, 2006), d’autres donnent corps à une idéologie particulière ou visent à tromper sciemment les internautes. On peut ici donner l’exemple des outils captologiques (Fogg, 2003), tel que le défilement infini (infinite scroll) qui maintient les internautes presque captifs de leurs dispositifs, ou bien des dark patterns (Brignull, 2010; Caccamo, 2019) intégrés à certaines plateformes dans le but bien étudié de manipuler les destinataires. Employées dans le langage humain-machine, ces « nouvelles » figures de rhétorique peuvent être appréhendées comme les outils d’une « nouvelle sophistique ». Souvent peu remarquées, se faisant passer pour autre chose qu’elles-mêmes, ces figures posent de nombreux défis à la littératie numérique. Sur les fondements de la rhétorique classique et des études sémiotiques, cet article propose de faire le point sur la typologie de dispositifs rhétoriques fallacieux employés par les plateformes web, en particulier par les médias socionumériques. Poursuivant les travaux entamés sur le sujet (Bogost, 2008, 2010; Eyman, 2015; Hess et Davisson, 2017; Bonenfant et Philipette, 2018; Boyle et al., 2018), il vise à rassembler les propositions théoriques concernant cette « nouvelle rhétorique », à montrer comment elle poursuit et renouvelle les techniques rhétoriques fallacieuses ainsi qu’à discuter des enjeux posés à la littératie. Références citées :   BOGOST, I. (2008). « The Rhetoric of Video Games », dans K. Salen (dir.), The Ecology of Games: Connecting Youth, Games, and Learning, Cambridge, The MIT Press. BOGOST, I. (2010). Persuasive Game: The Expressive Power of Videogames, Cambridge, The MIT Press. BONENFANT, M. & T. PHILIPPETTE (2018). « Rhétorique de l’engagement ludique dans des dispositifs de ludification », Sciences du jeu, n° 10. En ligne <<a href="http://journals.openedition.org/sdj/1422" style="color:blue; text-decoration:underline" target="_blank">http://journals.openedition.org/sdj/1422</a>>. BOYLE, C., J. J. BROWN Jr. & S. CERASO (2018). « The Digital: Rhetoric Behind and Beyond the Screen », Rhetoric Society Quarterly, vol. 48, no 3, p. 251-259. BRIGNULL, H. (2010), Dark Patterns. En ligne <<a href="http://darkpatterns.org/" style="color:blue; text-decoration:underline" target="_blank">http://darkpatterns.org/</a>>  CACCAMO, E. (2019) « Médias socionumériques alternatifs. Étude sémiotique et rhétorique de diaspora* », Cygne noir, n° 7. En ligne <http://revuecygnenoir.org/numero/article/caccamo-medias-socionumeriques-alternatifs> EYAL, N. et R. HOOVER (2018). Hooked : comment créer un produit ou un service qui ancre des habitudes, trad. de l’anglais (États-Unis) par P.-M. Deschamps, Paris, Eyrolles. EYMAN, D. (2015). Digital Rhetoric: Theory, Method, Practice, University of Michigan Press, FOGG, B. J. ( 2003). Persuasive Technology: Using Computers to Change What We Think and Do, San Francisco, Morgan Kaufmann. HESS, A. et A. DAVISSON (dir.). (2017). Theorizing Digital Rhetoric, New York, Routledge. PAQUIN, L. C. (2006). Comprendre les médias interactifs, Montréal, Isabelle Quentin éditeur.