<p>La contribution proposée entend apporter un éclairage juridique sur les ressorts et les effets du recours par Pôle emploi à la figure de la plateforme numérique pour assurer, auprès de certains de ses usagers, la mission de service public qui lui est dévolue.</p>
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<p>Depuis 2015, les services adressés par Pôle emploi aux demandeurs d’emploi reposent pour partie sur l’Emploi store. Inspiré par les magasins d’applications apparus il y a une quinzaine d’années sur les terminaux mobiles et les places de marché proposées par les acteurs du commerce en ligne, l’Emploi store est une plateforme permettant l’accès à un panel de services destinés à assurer le rapprochement entre une offre et une demande d’emploi ou une offre et une demande de formation. Concrétisation de l’<i>« approfondissement de la transformation de Pôle emploi […] s’appuyant sur une politique d’innovation ouverte »</i> prévu par la convention tripartite État - UNEDIC - Pôle emploi pour la période 2019 - 2022, l’Emploi store vise à permettre la réalisation de l’objectif, qualifié de stratégique dans la convention précitée, tenant à <i>« accélérer et faciliter le retour à l’emploi durable des demandeurs d’emploi, en adaptant la personnalisation et l’intensification de l’accompagnement aux besoins de chacun »</i>.</p>
<p>L’Emploi store devient ce faisant l’une des modalités d’accomplissement de certaines des principales missions assignées au service public de l’emploi : assurer la mise en relation entre les offres et les demandes d'emploi et accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel (C. trav., art. L. 5312-1, 1° et 2°).</p>
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<p>La délivrance des prestations aux usagers de Pôle emploi <i>via</i> une plateforme sous-tendue par des logiques d’optimisation et d’individualisation est pourvue de caractéristiques remarquables. D’un point de vue organique, le service se trouve désormais pour partie confié à des <i>« partenaires »</i> privés poursuivant un but lucratif. Certains d’entre eux assurent son exécution <i>via</i> l’emploi de leur propre plateforme sur laquelle se trouvent orientés les usagers de Pôle emploi. Ces derniers se trouvent ainsi dirigés vers un espace de médiation privé, parallèle au marché de l’emploi régulé par Pôle emploi, animés par des opérateurs relevant de la sphère marchande mus par la recherche de profits. D’un point de vue fonctionnel, si les partenaires se trouvent astreints au respect du principe de gratuité des activités relevant du placement (C. trav., art. 5312-1), leur intervention paraît au surplus être bien peu encadrée en considération tant des objectifs qui leur sont assignés dans la délivrance du service aux usagers que des finalités poursuivies par le service public de l’emploi.</p>
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<p>L’article envisagé propose de rendre compte de la recherche conduite sur l’Emploi store dans le cadre du projet Digep’s - Digitalisation, emploi et protection sociale / étude sur l’effectivité des droits sociaux de l’assuré social-actif en contexte de digitalisation et plateformisation numérique - conduit dans le cadre de l’appel à projets de la DREES <i>Usages des technologiques numériques dans le champ de la santé, de l’autonomie et de l’accès au droit</i> et dont l’objet est de mettre en évidence les transformations et les reconfigurations qu’induit le recours à des outils technologiques pour diffuser une dimension servicielle de la protection sociale.</p>
<p>Il entend en premier lieu mettre en évidence les caractéristiques du service délivré par l’Emploi store aux usagers de Pôle emploi au regard du contenu obligationnel des contrats de référencement permettant l’accès des éditeurs à l’Emploi store d’une part, et au moyen de l’examen des activités lucratives et du modèle économique de certains de ces derniers d’autre part.</p>
<p>Il envisage en second lieu les reconfigurations opérées ou annoncées par le recours à l’outil plateforme dans les conditions décrites précédemment selon deux axes. Le premier se rapporte aux effets produits sur le placement envisagé en tant que service public, qu’il s’agisse de l’altération de ses contours ou de la consistance de la prestation délivrée aux usagers. Le second a trait aux caractéristiques propres au domaine l’économie de plateforme et à l’influence que ces dernières peuvent exercer sur l’évolution du service : mouvement vers une réinternalisation de celui-ci ou, à l’inverse, vers une privatisation complète, qu’elle soit conduite avec l’assentiment de Pôle emploi ou à ses dépens.</p>
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<p>L’analyse proposée repose sur l’exploitation et l’analyse des documents contractuels accessibles : le contrat de référencement définissant les droits et obligations de l’éditeur présent sur la plateforme et le contrat relatif à l’accès au dispositif ‘Pôle emploi connect’ autorisant la communication aux éditeurs tiers des données relatives aux demandeurs d’emploi détenues par Pôle emploi. Elle mobilise par ailleurs les données publiquement accessibles relatives à l’activité exercée par les partenaires de Pôle emploi.</p>
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<p><b>Bibliographie</b></p>
<ul>
<li>ALGAN Y. et CAZENAVE T., <i>L’État en mode start-up</i>, Eyrolles, 2016 ;</li>
<li>CAMAJI Laure, ISIDRO Lola, <i>La dématérialisation des services publics : quels impacts sur les droits sociaux des salariés ?</i>, Revue de droit du travail 2021 p.569 ;</li>
<li>CHEVALLIER Jacques, <i>Vers l’État-plateforme ?</i>, Revue française d’administration publique, 167, École nationale d’administration, 2018 ;</li>
<li>COLIN N. et VERDIER H., <i>L’âge de la multitude. Entreprendre et gouverner après la révolution numérique</i>, Armand Colin, 2ème éd. 2015 ;</li>
<li>DE BUSTILLO LLORENTE Rafael M., <i>Digitalization and social dialogue: Challenges, opportunities and responses</i> in VAUGHAN-WHITEHEAD Daniel, GHELLAB Youcef et DE BUSTILLO LLORENTE Rafael, <i>The New World of Work</i>, Edward Elgar Publishing, 2021 ;</li>
<li>DELPECH (dir.), <i>L’émergence d’un droit des plateformes</i>, Dalloz, 2021 ;</li>
<li>EUROFOUND, Automation, digitisation and platforms: Implications for work and employment, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2018 ;</li>
<li>GRANJON Fabien, <i>Classes populaires et usages de l’informatique connectée</i>, Transvalor - Presses des Mines, 2022 ;</li>
<li>JEANNOT Gilles, <i>Vie et mort de l’État plateforme</i>, Revue française d’administration publique, N° 173, p. 165, 2020 ;</li>
<li>JEANNOT Gilles et COTTIN-MARX Simon, <i>La privatisation numérique</i>, Éditions Raison d’Agir, 2022 ;</li>
<li>MAZET Pierre, <i>Vers l’État plateforme. La dématérialisation de la relation administrative</i>, La Vie des idées, 04/04/2019 ;</li>
<li>TÜRK Pauline, <i>L’État plateforme numérique</i>, RDP 2020.1189.</li>
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