Faciliter les interactions dans l’accompagnement à la Validation des Acquis de l’Expérience : la piste du numérique Eya Mamlouk, psychologue du travail, F- 67000 Strasbourg, France Céline Hoffert, doctorante, Univ. Strasbourg, UR231 - LISEC – Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de l’Éducation et de la Communication, F- 67000 Strasbourg, France Florence Spitzenstetter, maitre de conférences, Univ. Strasbourg, UR 4440 - LPC – Laboratoire de Psychologie des Cognitions de Strasbourg, F-67000 Strasbourg, France Emmanuel Triby, professeur des universités émérite, Univ. Strasbourg, UR231 - LISEC – Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de l’Éducation et de la Communication, F- 67000 Strasbourg, France Depuis 2002, la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) reconnait la dimension formative de l’expérience professionnelle, bénévole et syndicale. Elle constitue une troisième voie d’accès au diplôme, à côté de la formation initiale et continue. Le seul prérequis pour engager une telle démarche est de pouvoir justifier d’un an d’expérience en lien avec le diplôme visé. L’évaluation en vue de la diplomation porte sur un dossier dans lequel le candidat démontre avoir acquis, sur le terrain, les compétences inscrites au référentiel de la certification. Afin de constituer ce dossier, le candidat peut s’appuyer sur un accompagnement. Celui-ci est envisagé comme ressource (Paul, 2020) et se décline en une variété de modalités individuelles et collectives, présentielles et distancielles. Dans l’enseignement supérieur, les ingénieurs de l’accompagnement à la VAE ont construit des dispositifs numériques d’accompagnement, qu’il s’agisse de Mooc ou encore de plateformes de ressources (Hoffert, Triby & Pagoni, 2020). Ceux-ci répondent à la nécessité de développer l’autonomie des candidats, ainsi qu’au besoin des candidats de dynamiser une démarche éprouvante notamment du fait de son caractère solitaire. Notre recherche a été réalisée dans le cadre d’une réorganisation de l’activité d’accompagnement à la VAE à l’Université de Strasbourg, liée à une réduction des effectifs affectés à ce service. Cette réorganisation a conduit à la suppression d’ateliers d’accompagnement et à la rénovation de la plateforme numérique d’accompagnement. Les ateliers supprimés ont été digitalisés et scénarisés, de manière à ce que leur contenu reste accessible aux candidats. Ce contenu porte sur des aspects méthodologiques de la réalisation d’une VAE. Il s’agit d’accompagner le candidat à revenir sur son parcours, afin qu’il sélectionne les situations pertinentes à analyser, de manière à mettre en exergue les savoirs et compétences construits sur le terrain. Il s’agit ensuite d’intégrer les spécificités d’un écrit de VAE (écriture à la première personne du singulier par exemple) et d’un écrit universitaire (avec notamment l’appel à des concepts, la constitution d’une bibliographie et le dialogue avec des auteurs). Il s’agit également de se saisir des outils d’analyse de l’activité, permettant la mise au travail des situations d’expérience retenues. Il s’agit enfin de se préparer à la présentation au jury de VAE. Outre leur contenu, la force relationnelle de ces ateliers résidait dans leurs modalités d’organisation, favorisant l’interaction entre les candidats, que celle-ci se fasse en présentiel ou en distanciel. Avec la digitalisation, le risque était que l’absence d’interaction nuise au cheminement réflexif des candidats. La recherche menée a eu pour ambition d’interroger l’impact de cette évolution d’ingénierie et de pédagogie. Walckiers & De Praetere (2004) expliquent que l’auto-formation et l’activité asynchrone, ici portée par la plateforme numérique d’accompagnement VAE, présentent l’avantage d’une flexibilité de temps et de lieu qui contribue à stimuler l’autonomie des acteurs et leur réflexion. Toutefois, l’effacement du collectif dans le dispositif présente des inconvénients tels que la perte du groupe comme source d’informations, d’intérêt et de motivation, ou encore le manque d’occasion de se comparer pour s’auto-évaluer. La comparaison sociale est en effet le  processus cognitif permettant de s’auto-évaluer en se comparant à autrui (Festinger, 1954), notamment en situation d’incertitude (Verduyn & al., 2020). La démarche de VAE étant particulièrement singulière et spécifique, nous pouvons faire l’hypothèse d’un fort besoin de comparaison sociale chez les candidats. Ce processus permettant également l’auto-amélioration (Sheperd & al., 2015), il semble d’autant plus pertinent de le faciliter dans un dispositif visant le développement de l’autonomie. Ainsi, afin d’explorer l’intérêt pour les possibilités de comparaison, des entretiens semi-directifs ont été menés auprès de candidats ayant bénéficié d’ateliers d’accompagnement et/ou d’un accès à la plateforme. Une analyse qualitative de contenu thématique a été réalisée. Nos résultats montrent que le collectif est une modalité plébiscitée par les candidats. Bien que perçue comme chronophage, les candidats y trouvent un moyen d’obtenir des informations méthodologiques, mais aussi des informations sur la démarche menée par les autres candidats : leur parcours, les difficultés qu’ils rencontrent par exemple. La dimension collective de la plateforme devrait ainsi être ressource pour la comparaison sociale. Nos résultats montrent également que le collectif est identifié comme un lieu potentiel de partage émotionnel. Ainsi, si le collectif participe à assurer le candidat (au sens de l’affirmation de ses compétences) via le processus de comparaison sociale, il contribuerait aussi à le rassurer (au sens de réduire son stress), via un processus de partage social des émotions. Ce dernier correspond à la ré-évocation des émotions sous la forme d’un langage socialement partagé, adressé à un partenaire réel ou symbolique (Rimé, 2009) ; il contribue à réduire le sentiment d’isolement (Mo & Coulson, 2014). Trois pistes sont ainsi envisagées pour développer le collectif sans avoir recours à des ateliers d’accompagnement. La première serait de proposer un espace dédié aux témoignages sur la plateforme. Ces témoignages devraient rendre compte de la démarche de manière objective, en pointant ses atouts mais aussi les difficultés rencontrées par les candidats. Pour que la comparaison sociale puisse s’opérer, il est en effet important que le candidat puisse identifier des similarités entre son expérience de la VAE est celles des autres (Festinger, 1954). Une deuxième piste serait la mise en place d’un forum de discussion, qui pose néanmoins la question de l’indispensable modération de contenu. Une troisième piste serait de faciliter les échanges sur le vécu de l’expérience de VAE, éventuellement au travers d’un café virtuel. Concourant ainsi à une production relationnelle par la plateforme, ceci serait particulièrement utile pour pallier à l’isolement inhérent à une démarche de VAE. Bibliographie Festinger, L. (1954). A Theory of Social Comparison Processes. Human Relations, 7(2), 117-140. https://doi.org/10.1177/001872675400700202 Hoffert, C., Triby, E., Pagoni, M. (2021). La VAE, un dispositif modèle pour les apprentissages à venir. Colloque AUPTIC éducation, 17-19/11/2021, Sierre (Suisse). Mo, P. K. H., & Coulson, N. S. (2014). Are online support groups always beneficial? A qualitative exploration of the empowering and disempowering processes of participation within HIV/AIDS-related online support groups. International Journal of Nursing Studies, 51(7), 983-993. https://doi.org/10.1016/j.ijnurstu.2013.11.006 Paul, M. (2020). La démarche d’accompagnement : Repères méthodologiques et ressources théoriques. Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur. Rimé, B. (2009). Chapitre 4. Le partage social de l’émotion. In Le partage social des émotions (p. 85-110). Presses Universitaires de France. https://www.cairn.info/le-partage-social-des- emotions--9782130578543-p-85.htm Shepherd, M. M., Briggs, R. O., Reinig, B. A., Yen, J., & Nunamaker Jr., J. F. (2015). Invoking Social Comparison to Improve Electronic Brainstorming : Beyond Anonymity : Journal of Management Information Systems : Vol 12, No 3. https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/07421222.1995.11518095 Verduyn, P., Gugushvili, N., Massar, K., Täht, K., & Kross, E. (2020). Social comparison on social networking sites. Current Opinion in Psychology, 36, 32-37. https://doi.org/10.1016/j.copsyc.2020.04.002 <h2>Walckiers, M., & De Praetere, T. (2004). L’apprentissage collaboratif en ligne, huit avantages qui en font un must. Distances et savoirs, 2(1), 53-75. https://doi.org/10.3166/ds.2.53-75 </h2>