<p>R2IE « Les guerres pour, par, et contre l’information"</p>
<p>Vincent CHAGNEAU</p>
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<p><b>fact checking : une guerre par l’information qui ne dit pas son nom ?</b></p>
<p><b>1/ la fakenews, « objet de guerre » ?</b></p>
<p>Depuis quelques années, les fake news que l’on peut définir comme la diffusion d’informations fausses, ou biaisées font l’objet d’une attention particulièrement forte dans les rédactions. La principale raison serait qu’elles sont un outil d’influence utilisé par des personnalités politiques ou des lobbyistes pour convaincre souvent le plus grand nombre. A ce titre, elles entrent naturellement dans le champ du discours politique. Mais l’homme politique, et particulièrement en démocratie, tente d’avoir raison sur le plus grand nombre, rassemblant de fait le plus grand nombre d’électeurs.</p>
<p>Si la fake news est différente de la rumeur car elle est affichée et véhiculée par des médias. Son mode d’action entre dans le domaine de la désinformation ou de la manipulation. Elle renvoie les auditeurs, internautes ou lecteurs face à leurs critères de distanciation autant que l’émetteur comme acteur de confiance. Les fake news travestissent volontairement ou par omission la réalité et une vérité. Une autre caractéristique de la fake news est qu’elle reste au service d’un objectif stratégique qu’il soit politique, électoral, géostratégique. Ces fake news existent depuis de nombreuses années. Ils sont le produits étonnants de rumeurs, de phénomènes d’amplification et d’auto-persuasion.</p>
<p>Ce phénomène des fake news a toujours existé. Déjà Arthur Schopenhauer le décrivait dans son traité « l’art d’avoir toujours raison ». Dans l’introduction puis la déclinaison de sa dialectique éristique, le philosophe allemand expose longuement à quel point l’être humain cherche à avoir raison dans un art de la controverse. Schopenhauer illustre le bien fondé de la fake news, en invoquant la <i>»vanité innée »</i> de l’humanité. Julien Giry rappelle d’ailleurs que la fake news renvoie à la responsabilité de l’émetteur, du récepteur, du transmetteur. Pour Schopenhaueur, avec beaucoup de cynisme, peut importe, l’important est d’avoir raison. Dans un monde d’informations démultipliées, vouloir réguler l’information n’est-il pas une gageure : où commence la vérité ? ou commence la censure ? où commence la connaissance ? Ces questions d’ordre philosophiques posent à la fois un rapport de force et un affrontement des volontés. Elles nous éclairent sur la fonction d’objet de guerre de la fake news pour ceux qui veulent gagner une bataille de la « vérité ».</p>
<p>Dans cet affrontement des volontés où chacun veut vaincre par la parole. Les orateurs poussent leurs arguments, comme le stratège pousse ses armées, face à l’autre ou les récepteurs dans une série de séquence de communication.</p>
<p>L’emploi de la fakenews nous approche donc de l’étymologie de stratégie, avec <i>stratos</i>, l’armée et <i>agein</i>, conduire. « direction d’une expédition armée » écrit Jean-Paul Charnay. En terme de communication publique, armes pourrait être la parole, l’expédition d’un discours ou d’une interview pour convaincre.</p>
<p>Ce phénomène est-il plus grave depuis l’avènement des réseaux sociaux qui en réalité sont des médias sociaux ? C’est en quelques le présupposé de l’étude du centre d’analyse de prévision et de stratégie et l’institut de recherche stratégique de l’Ecole Militaire. Suite aux manipulation de l’information observés lors des élections présidentielles des Etats-Unis d’Amérique en 2016 et française en 2017. Leurs réflexions issues de grands organismes et de spécialistes pose d’ailleurs d’emblée le problème cognitif et géostratégique. Le récepteur apparaît comme la cible d’une « guerre d’une nouvelle génération ».</p>
<p><b>2/ en réaction, le fact checking !</b></p>
<p>Face à cet objet de guerre, d’une nouvelle génération, le fact checking est une des recommandations théoriques du rapport du CAPS/IRSEM. Dans leur écriture du rapport le rôle de la société civile tient volontairement une place importante, montrant que l’Etat ne peut pas tout.</p>
<p>Comme première réponse pour décrire le fact checking, prenons en compte la plateforme regroupant de nombreux médias comme celle qui s’intitule « vrai du faux » de France Info, dans l’extrait qui suit annonce leur mode d’intervention.</p>
<p><i>« "Vrai ou Fake" est la plateforme de fact-checking et de debunking de l'ensemble de l'audiovisuel public. Elle rassemble des contenus produits par Arte, l’Institut national de l’audiovisuel, France Médias Monde, France Télévisions, Radio France et TV5 MONDE.</i></p>
<p><i>Nos journalistes débusquent les erreurs factuelles ou les mensonges des responsables publics et des politiques. Ils décryptent et déconstruisent les rumeurs et les "fake news" (…), qui circulent notamment sur les réseaux sociaux, dans tous les domaines de l'actualité (…).</i></p>
<p><i>Ils travaillent selon une méthodologie conforme au "code de principes" de l’International fact-checking network (IFCN), un réseau international de médias spécialisés dans la vérification de faits. »</i></p>
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<p>L’utilisation du terme « débusquer » créé une connexion avec la chasse, la recherche d’une cible : la fake news ou son auteur.</p>
<p>La notion de mensonges, de décryptage et de code de principes sont aussi rattachables au renseignement et à la propagande.</p>
<p>Pour cette plateforme, il s’agit du regroupement de journalistes avec des enjeux pleins de promesse contre les mensonges, les manipulations. Quand on connait la fonction de la propagande dans les guerres, cette présentation est presque une alliance martiale et justicière. Le texte précise même le champ de bataille, connexe aux médias traditionnels : les réseaux sociaux.</p>
<p>L. BIGOT explique le <i>fact checking</i> contemporain qui <i>« s’apparente davantage à ce qui a été appelé watchdog journalism (journalisme de dénonciation, vigilant quant aux abus et mauvaises pratiques des organisations et personnels politiques notamment), et aussi, de manière plus certaine, au ad watch journalism, format journalistique qui, à compter des années 1990, s’est attaché à évaluer l’exactitude des publicités politiques »</i>.</p>
<p>Cette forme de journalisme n’est cependant pas nouvelle. Déjà le Times dans les années 1920 portait une équipe de <i>fact checking</i> non pas pour remettre en cause des responsables publics mais les informations de ses équipes, elles-mêmes au contact des personnalités publiques.</p>
<p>Cette nouvelle forme de <i>fact checking</i> vient des amériques depuis 10 ans, il s’agit donc là d’une pratique importée. Elle puise son origine entre autres avec une habitude de pratiques politiques controversées devant la vérité voire la réalité. La différence avec notre monde post-contemporain est que la vérification des informations est maintenant a postériori et non plus a priori.</p>
<p>Enseigné maintenant dans les écoles de journalisme, le <i>fact checking</i> s’appuie sur l’essor des médias liés au numérique dans la diminution des coûts de production, la multiplication des plateformes et la croissance des médias sociaux.</p>
<p>En parallèle, le <i>fact checking</i> est devenu une page, un moment médiatique incontournable des journaux de références, des chaines d’infos ou des radios nationales. Dans la même tendance que la <i>fake news </i>qui est utilisée de manière large, le <i>fact checking</i> suit une perspective similaire.</p>
<p>Cette tendance des deux phénomènes vient certainement que l’information est devenu un flux indénombrable, donc impossible à contrôler encore moins à maîtriser. Notre environnement informationnel s’est transformé en 40 ans de 3 chaînes à l’accès de 250 chaînes, les médias sociaux auxquels s’ajoutent une vingtaine de plateformes de streaming, qui peuvent diffuser de l’information en direct. L’information à l’ère du numérique est devenu, le sou du moyen-âge. Il faut l’avoir, en disposer pour monnayer une discussion, un échange.</p>
<p>Laurent BIGOT rappelle aussi que « ce phénomène de renouveau du <i>fact-checking</i> apparaît dans un contexte de forte perte de crédibilité des médias ». De plus cette vérification à posteriori a un impact sur cette guerre par l’information. Si l’on peut comparer de manière légèrement abusive une information dans le monde numérique à un projectile, une fois l’information envoyée, il convient de disposer de protection avancée pour ce protéger du projectile. Si la protection est la capacité à prendre de la distance, à naturellement remettre en cause ou une culture solide, la proportion de personnes protégées est naturellement faible.</p>
<p>L. Bigot conclut « l’apparition d’un univers hyperconcurrentiel dû à « l’infobésité » et à la multiplication des producteurs d’information les enjoignent de se différencier, afin de valoriser (jusque sur le plan pécuniaire) l’information qu’ils livrent. » Le fact checking, est aussi le résultat de la capacité à tracer, à enquêter grâce au numérique qui laisse bien plus de trace que le papier. Les journalistes d’investigations ont maintenant la possibilité de pouvoir enquêter et d’obtenir une quantité d’informations démultipliées. Une clé USB contient au moins un millions de fois plus de données qu’un simple dossier et prend bien moins de place dans une mallette.</p>
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<p>Le <i>fact checking</i> d’ailleurs échappe en grande partie pour des raisons éditoriales aux médias critiques comme acrimed ou arrêt sur image. Ces médias se sont posés comme des acteurs du <i>fact checking</i>. Ils apparaissent aussi comme innocents et irréprochables. A ce titre, les émissions en charge de porter la critique des responsables politiques sinon des personnalités publiques font partie de la même catégorie, immunisée de toutes critiques. Là se pose déjà une première question sur la légitimité du jugement, de l’immunité médiatique. C’est là le deuxième enjeu du fact checking, la légitimité des auteurs tant dans leur pratique que pour la corporation.</p>
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<p><b>3/ les limites du fact checking</b></p>
<p>Un exemple, très récent, montre que l’enfermement méthodologique et l’approche du fect cheking reste à consolider. Le 18 avril 2021, suite à une prise de parole du président de la République, la plateforme pré-citée prenait le temps de passer à sa méthodologie une phrase :</p>
<p><i>« Je ne parle même pas des effets (du canabis) de glissements vers des drogues plus dures. »</i></p>
<p>S’en suit 50 lignes d’un argumentaire pour démontrer l’erreur de cette phrase. Pour cela sont convoqués deux médecins l’un psychiatre, l’autre chef du service addictologie d’un CHU. Ceux-ci vont aller dans un seul sens… celui de démonter l’argument présidentiel en exprimant un angle de spécialistes.</p>
<p>Premier constat il n’y a pas d’argument favorable. C’est une démonstration à charge, avec une ouverture sous un sens unique à la fois médical et sociétal.</p>
<p>Cette démonstration qui remet en cause une phrase de l’interview du chef de l’Etat pose la question du discrédit des propos de l’homme politique. S’il nous trompe sur ce sujet, où veut-il nous emmener ? Est-il sincère ? Nous rompe-t-il sur tout ?</p>
<p>Pour le général Beaufre, « la stratégie est une dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflit » pour « atteindre la décision en créant et en exploitant une situation entraînant une désintégration morale de l’adversaire suffisante pour lui faire accepter les conditions qu’on veut lui imposer ». Le fact checking pose-t-il le journalisme comme opposant aux responsables publics ? Il y a là, l’affrontement de deux volontés avec l’intention de faire plier une des parties ou de convaincre par les arguments, comme l’a développé ce même général ?</p>
<p>En utilisant, un champ sémantique autour de la propagande, de recherche du mensonge, de chasse, il se créée un rapport de force ou plus exactement une dialectique (comme posé par Schopenhauer) des volontés sur la diffusion d’informations, la création d’informations. C’est ici l’ébauche d’une forme de guerre par l’information. Car c’est bien l’information qui est au coeur de ce rapport de force pour avoir raison d’une part, donc poser la vérité d’autre part.</p>
<p>Pourtant le fact ckecking qui veut vérifier l’information, n’observe que partiellement cette situation. En effet cet application de la méthodologie de fact checking ne s’applique seulement à ce sujet. Pourquoi celui-là ? Pourquoi un seul argument est-il décortiqué ? Cela pose une seconde interrogation de légitimité de cette méthodologie. Ce questionnement se confirme au visionnaire de l’entretien de Cnews avec Alain BAUER.</p>
<p>L’intervention, sur la chaine d’information en continue qui est d’ailleurs la cousine de France Info, d’Alain Bauer, criminologue au CNAM sur Cnews le 20 avril 2021 démontre que l’argument posé par le Président de la République mérite plus que l’intervention de deux médecins même spécialiste en addictologie. Ici, s’érige une nouvelle question de légitimité le choix des sources en argument et contre-argumentation.</p>
<p>Au final se dessine un nouvel affrontement informationnel avec des personnalités publics qui essaient de convaincre mais maîtrisent mal des dossiers toujours plus complexes, plus techniques. A cela d’autant plus que la libre critique est multipliée par les nombreux canaux d’information et de communication avec les réseaux sociaux, les chaines et radios d’informations.</p>
<p>Un triple problème du fact checking se pose dans un contexte scientifique des émetteurs auto-accrédités, un choix auto-proclamé des sujets vérifiés, le choix des sources d’analyse. A cela s’ajoute que le checking moderne se comporte avec une vérification a postériori. Dans une guerre de l’information, c’est la plus mauvaise position pour la cible. Le fact-checking n’est donc pas sans conséquence sur les auteurs, les personnalités publiques et surtout les auditeurs.</p>
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<p><b>4/ conséquences ou causes du Fact Checking.</b></p>
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<p>Le <i>fact checking</i> est un donc discours a posteriori qui cherche à convaincre l’auditeur, le lecteur, le téléspectateur de l’erreur commise par le responsable politique. Il entre clairement dans le champ stratégique de l’<i>animus hostis</i>. Cette situation glisse progressivement en <i>opus belligerandi</i>, la guerre par désignation de l’ennemi. Ce dernier oscille entre le responsable public et la fake news. Il oscille entre dans une logique de décryptage ou de propagande ? La question renvoie avec les aspects de méthodologie et non de méthode. D’une certaine manière, la méthodologie est une logique d’analyse stricte selon des bases à la fois solides et considérée comme incontournable. Quand la méthode relève plus de la pratique d’analyse, un guide qui porte l’analyse de manière plus empirique donc susceptible d’évoluer comme Imre Lakatos le propose dans une ébauche de la complexité.</p>
<p>Derrière les aspects d’une bonne volonté et du souhait de faire triompher une vérité qui pourrait vouloir remettre en cause cette action présentée comme d’intérêt général ?</p>
<p>Mais au gré d’une première analyse de la méthodologie évoqué aux deux premiers paragraphes, cette réapparition d’une fonction du journalisme devient un affrontement entre journalistes avec les responsables publics.</p>
<p>D’ailleurs le journalisme peut-il faire l’objet d’un auto-fact-checking ou d’un contre-fact-checking ? Exemple du journaliste nouvelle mode Hugo Clément entre émissions chocs et publications dans les réseaux sociaux accepterait-il d’être confronté aux professionnels qu’il met en cause ?</p>
<p>Face aux acteurs du <i>fact checking</i>, plusieurs questions surviennent : quelle légitimé de l’auteur ? Pourquoi prendre telles sources ? L’ensemble d’une rapide remise en cause amène à questionner en prenant de la distance sur la légitimité du choix des sources, avec telle étude, ou telle association productrice d’études.</p>
<p>Comme stratège le fact checker se pose, il conduit son argumentaire vers un objectif que nous pourrions interroger. En effet, pourquoi essentiellement les responsables politiques ceux sont exposés à la pression populaire et légitimes dépositaires de la représentation démocratique.</p>
<p>Au final, il s’agit là d’une guerre par l’information du faible au fort, au sens où le responsable politique a besoin du média pour passer ses messages, ses arguments, ses orientations politiques. Les médias se positionnent naturellement dans la position du fort dans le dispositif médiatique car situés entre le personnage politique et les électeurs. Par sa position d’intermédiaire, il se situe dans une position supérieure. Pour reprendre l’analogie de SUN-TZU dans son art de la guerre, sur la configuration des terrains, tous les médias deviennent un ou plusieurs des 9 terrains décrit à l’article XI. Le journalisme, comme le reste de la société, évolue avec le développement des médias sociaux ou réseaux sociaux. Les blogueurs, influenceurs, e-journalistes émettent leurs informations propres, selon leurs critères, leurs lignes éditoriales. Comment les médias traditionnels peuvent-ils les remettre en cause ? Ce qui est critiqué c’est l’émetteur ; celui qui est éduqué, c’est le récepteur. Aussi dans cette classification éthique ou morale comment se positionne le média, un intermédiaire neutre, un acteur invisible ?</p>
<p>Une autre guerre par l’information se profile. C’est une guerre par l’information qui s’insère dans un écosystème de communication où l’émetteur se démultiplie, les vecteurs deviennent trop nombreux pour être dénombrés et les récepteurs au final choisissent leur source.</p>
<p>Au final nous revenons à une guerre par l’information où les récepteurs choisissent leur source non plus par affinité idéologique (comme on choisissez son journal en fonction de son électorat) mais par ses affinités très personnelles. 64 % des français utilisent le plus souvent les réseaux sociaux pour s’informer de l’actualité, 80 % la télévision et 30 % la presse papier.</p>
<p>Le fact checking devient un nouvel outil de la guerre par l’information. Il est l’instrument d’influence de ceux qui n’ont ni le temps, ni les moyens de mettre à distance toutes ces informations. Une information est délivrée, critiquée. Les hommes publics sont mis sur le sellette avec la volonté de regarder les coulisses pour rendre compte d’une mise en scène, des montages. La remise en cause de la posture d’autorité et de légitimité des représentants.</p>
<p>Les questions de la légitimité et de la méthodologie employées restent posées comme celle de prise de parole publique et de l’engagement euristique.</p>
<p>Autre cause de cette nouvelle guerre par l’information : les médias classiques discréditent les médias sociaux pour se re-légitimiser. Il y a là un affrontement des anciens avec les nouveaux. A l’opposé du comportement du Prince Salina, l’ancien système médiatique, « les guépards » se rebellent et veulent lutter pour sauver leur « système ».</p>
<p>En réalité qu’est le fact checking ? Une critique des homme publics ? Une tentative pour moderniser le journalisme « classique » (papier, TV, radio). Est-ce une tentative pour limiter l’influence grandissante des réseaux sociaux dans « l’information » du public ?</p>
<p>Le fact checking est une guerre par l’information contre les responsables publics, contre l’information dans les médias sociaux, contre les influenceurs !</p>
<p>Mais en réalité ce fact checking n’a pas empêché Donald Trump d’être élu et même d’être presque élu de nouveau. Même si cette personnalité politique a plusieurs fois été prise en flagrant délit de fake news.</p>
<p>Le fact checking qui se veut être une protection n’enferme-t-il pas les lecteurs dans une approche qui passe de la méthodologie au dogmatisme ? Existe-t-il des options stratégiques d’optimisation du fact checking ?</p>
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<p><b>5/ Proposition de stratégies </b></p>
<p>Comme le reconnait la responsable de la section de Libération, le fact checking montre ses limites pour modifier les discours des responsables politiques. Son impact sur les résultats électoraux apparaît particulièrement limité. Est-ce un outil sans efficience ? Oui. Sans efficacité ? Il est permis d’espérer qu’il participe à l’éducation collective et nécessairement permanente de chacun devant les flux d’informations.</p>
<p>Le fact checking montre l’incapacité des journalistes d’agir sur l’opinion. Elle montre la volonté des médias traditionnels à reprendre une maîtrise sur l’information alors qu’ils ne traitent qu’une partie infime de celle-ci. Elle ne peut pas non plus être un facteur de la vérité. C’est une nouvelle guerre du faible face au fort. En voulant avoir une action directe, dans la confrontation, dans l’affrontement, la stratégie directe du faible au fort peut difficilement aboutir. Il s’agit là bien d’une guerre par l’information des anciens contre les modernes.</p>
<p>D’ailleurs les acteurs du fact checking sont aussi assimilés à une « caste politico-médiatique ». Comment peuvent-ils espérer affronter un monde en infobésité où la quantité d’informations, de données n’est plus quantifiable, ni humainement traitable ?</p>
<p>Une guerre par l’information du faible au fort est l’assurance d’un échec. pour autant les options qui se proposent sont à la fois minces et économiquement pas garanties.</p>
<p>Deux options s’ouvrent :</p>
<p>1/la stratégie indirecte : le contournement qui passe par non plus un fact checking de croisade mais une forme d’oubli, de refus de citer les parties fausses. La stratégie indirecte passe aussi par un média dépendant directement de ses lecteurs. En effet il se créé ainsi une relation d’information. La délégation du traitement et de l’analyse de l’information a des spécialistes de confiance, pour un gain de temps et d’aide à la compréhension permet de revenir à la fonctionnalité initiale du journalisme, d’une profession intermédiaire.</p>
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<p>2/ la stratégie d’anticipation : Certains élus mentent, détournent la vérité. Faut-il les inviter ? Faut-il exprimer le refus ou le fermeture à l’accès pour certaines tribunes de presse ? Mais à ce titre les exemples d’« exclusion » de personnalités publiques ont été males perçues car réalisées comme une attaque directe. L’argumentation ne doit pas paraître comme une revendication syndicale ou une posture idéologique. Mais comme la prise de position éthique, au-dessus d’une corporation, la prise de position d’un organe de presse qui assume une position politique.</p>
<p>L’anticipation est-il dans l’exclusion, le refus ? N’est-il pas dans l’intégration, le commentaire ajouté, et anticipé ?</p>
<p>Il serait utile par cette nouvelle disposition, le fact checking devient une arme, un outil par l’information pour contrer un ennemi auto-déterminé. Il pose le journaliste dans une légitimité qu’il s’est donné et non que le peuple ou la loi lui donne. Par ce principe, le fact checking se transforme en éthique journalistique et non en guerre contre les responsables publiques et particulièrement politiques.</p>
<p>Une seule certitude, l’absence de prise de légitimité des journalistes qui se maintiendrait dans un fact checking militant de la vérité, conjugué avec la perte d’influence des journaux traditionnels : ce sont les médias sociaux qui sortent vainqueurs avec les GAFAM.</p>
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<p>Bibliographie :</p>
<p>SUN TZU, L’art de la guerre, Economica, Paris, 1999</p>
<p>CHARNAY, J-P, Critique de la stratégie, L’Herne, Paris, 1990</p>
<p>SCHOPENHAUER, A., L’art d’avoir toujours raison, Hade, Paris, 2015</p>
<p>GIRY, J. et NICEY, J., entretien avec l’ANR sur le projet VIJIE, Paris, février 2015</p>
<p>BIGOT, L., Le <i>fact-checking</i> ou la réinvention d’une pratique de vérification, Communication & Langaes, 2017/2, N°192, 2017</p>
<p>MATHIOT, C., le fact-checking ou journalisme de vérifications, <a href="http://CLEMI.fr">CLEMI.fr</a>, 2017</p>
<p>LAKATOS, I., Histoire et méthodologie des Sciences, PUF, Paris, 1994</p>
<p>BEAUFRE A., Introduction à la stratégie, Pluriel, Paris, 1963</p>
<p>FRANCETVINFO, section « vrai ou fake », <a href="https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/">https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/</a></p>