<p>R2IE &laquo;&nbsp;Les guerres pour, par, et contre l&rsquo;information&quot;</p> <p>Vincent CHAGNEAU</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>fact checking : une guerre par l&rsquo;information qui ne dit pas son nom ?</b></p> <p><b>1/ la fakenews, &laquo;&nbsp;objet de guerre&nbsp;&raquo; ?</b></p> <p>Depuis quelques ann&eacute;es, les fake news que l&rsquo;on peut d&eacute;finir comme la diffusion d&rsquo;informations fausses, ou biais&eacute;es font l&rsquo;objet d&rsquo;une attention particuli&egrave;rement forte dans les r&eacute;dactions. La principale raison serait qu&rsquo;elles sont un outil d&rsquo;influence utilis&eacute; par des personnalit&eacute;s politiques ou des lobbyistes pour convaincre souvent le plus grand nombre. A ce titre, elles entrent naturellement dans le champ du discours politique. Mais l&rsquo;homme politique, et particuli&egrave;rement en d&eacute;mocratie, tente d&rsquo;avoir raison sur le plus grand nombre, rassemblant de fait le plus grand nombre d&rsquo;&eacute;lecteurs.</p> <p>Si la fake news est diff&eacute;rente de la rumeur car elle est affich&eacute;e et v&eacute;hicul&eacute;e par des m&eacute;dias. Son mode d&rsquo;action entre dans le domaine de la d&eacute;sinformation ou de la manipulation. Elle renvoie les auditeurs, internautes ou lecteurs face &agrave; leurs crit&egrave;res de distanciation autant que l&rsquo;&eacute;metteur comme acteur de confiance. Les fake news travestissent volontairement ou par omission la r&eacute;alit&eacute; et une v&eacute;rit&eacute;. Une autre caract&eacute;ristique de la fake news est qu&rsquo;elle reste au service d&rsquo;un objectif strat&eacute;gique qu&rsquo;il soit politique, &eacute;lectoral, g&eacute;ostrat&eacute;gique. Ces fake news existent depuis de nombreuses ann&eacute;es. Ils sont le produits &eacute;tonnants de rumeurs, de ph&eacute;nom&egrave;nes d&rsquo;amplification et d&rsquo;auto-persuasion.</p> <p>Ce ph&eacute;nom&egrave;ne des fake news a toujours exist&eacute;. D&eacute;j&agrave; Arthur Schopenhauer le d&eacute;crivait dans son trait&eacute; &laquo;&nbsp;l&rsquo;art d&rsquo;avoir toujours raison&nbsp;&raquo;. Dans l&rsquo;introduction puis la d&eacute;clinaison de sa dialectique &eacute;ristique, le philosophe allemand expose longuement &agrave; quel point l&rsquo;&ecirc;tre humain cherche &agrave; avoir raison dans un art de la controverse. Schopenhauer illustre le bien fond&eacute; de la fake news, en invoquant la&nbsp;<i>&raquo;vanit&eacute; inn&eacute;e&nbsp;&raquo;</i> de l&rsquo;humanit&eacute;. Julien Giry rappelle d&rsquo;ailleurs que la fake news renvoie &agrave; la responsabilit&eacute; de l&rsquo;&eacute;metteur, du r&eacute;cepteur, du transmetteur. Pour Schopenhaueur, avec beaucoup de cynisme, peut importe, l&rsquo;important est d&rsquo;avoir raison. Dans un monde d&rsquo;informations d&eacute;multipli&eacute;es, vouloir r&eacute;guler l&rsquo;information n&rsquo;est-il pas une gageure : o&ugrave; commence la v&eacute;rit&eacute; ? ou commence la censure ? o&ugrave; commence la connaissance ? Ces questions d&rsquo;ordre philosophiques posent &agrave; la fois un rapport de force et un affrontement des volont&eacute;s. Elles nous &eacute;clairent sur la fonction d&rsquo;objet de guerre de la fake news pour ceux qui veulent gagner une bataille de la &laquo;&nbsp;v&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p>Dans cet affrontement des volont&eacute;s o&ugrave; chacun veut vaincre par la parole. Les orateurs poussent leurs arguments, comme le strat&egrave;ge pousse ses arm&eacute;es, face &agrave; l&rsquo;autre ou les r&eacute;cepteurs dans une s&eacute;rie de s&eacute;quence de communication.</p> <p>L&rsquo;emploi de la fakenews nous approche donc de l&rsquo;&eacute;tymologie de strat&eacute;gie, avec <i>stratos</i>, l&rsquo;arm&eacute;e et <i>agein</i>, conduire. &laquo;&nbsp;direction d&rsquo;une exp&eacute;dition arm&eacute;e&nbsp;&raquo; &eacute;crit Jean-Paul Charnay. En terme de communication publique, armes pourrait &ecirc;tre la parole, l&rsquo;exp&eacute;dition d&rsquo;un discours ou d&rsquo;une interview pour convaincre.</p> <p>Ce ph&eacute;nom&egrave;ne est-il plus grave depuis l&rsquo;av&egrave;nement des r&eacute;seaux sociaux qui en r&eacute;alit&eacute; sont des m&eacute;dias sociaux ? C&rsquo;est en quelques le pr&eacute;suppos&eacute; de l&rsquo;&eacute;tude du centre d&rsquo;analyse de pr&eacute;vision et de strat&eacute;gie et&nbsp; l&rsquo;institut de recherche strat&eacute;gique de l&rsquo;Ecole Militaire. Suite aux manipulation de l&rsquo;information observ&eacute;s lors des &eacute;lections pr&eacute;sidentielles des Etats-Unis d&rsquo;Am&eacute;rique en 2016 et fran&ccedil;aise en 2017. Leurs r&eacute;flexions issues de grands organismes et de sp&eacute;cialistes pose d&rsquo;ailleurs d&rsquo;embl&eacute;e le probl&egrave;me cognitif et g&eacute;ostrat&eacute;gique. Le r&eacute;cepteur appara&icirc;t comme la cible d&rsquo;une &laquo;&nbsp;guerre d&rsquo;une nouvelle g&eacute;n&eacute;ration&nbsp;&raquo;.</p> <p><b>2/ en r&eacute;action, le fact checking !</b></p> <p>Face &agrave; cet objet de guerre, d&rsquo;une nouvelle g&eacute;n&eacute;ration, le fact checking est une des recommandations th&eacute;oriques du rapport du CAPS/IRSEM. Dans leur &eacute;criture du rapport le r&ocirc;le de la soci&eacute;t&eacute; civile tient volontairement une place importante, montrant que l&rsquo;Etat ne peut pas tout.</p> <p>Comme premi&egrave;re r&eacute;ponse pour d&eacute;crire le fact checking, prenons en compte la plateforme regroupant de nombreux m&eacute;dias comme celle qui s&rsquo;intitule &laquo;&nbsp;vrai du faux&nbsp;&raquo; de France Info, dans l&rsquo;extrait qui suit annonce leur mode d&rsquo;intervention.</p> <p><i>&laquo;&nbsp;&quot;Vrai ou Fake&quot; est la plateforme de fact-checking et de debunking de l&#39;ensemble de l&#39;audiovisuel public. Elle rassemble des contenus produits par Arte, l&rsquo;Institut national de l&rsquo;audiovisuel, France M&eacute;dias Monde, France T&eacute;l&eacute;visions, Radio France et TV5 MONDE.</i></p> <p><i>Nos journalistes d&eacute;busquent les erreurs factuelles ou les mensonges des responsables publics et des politiques. Ils d&eacute;cryptent et d&eacute;construisent les rumeurs et les &quot;fake news&quot; (&hellip;), qui circulent notamment sur les r&eacute;seaux sociaux, dans tous les domaines de l&#39;actualit&eacute; (&hellip;).</i></p> <p><i>Ils travaillent selon une m&eacute;thodologie conforme au &quot;code de principes&quot; de l&rsquo;International fact-checking network (IFCN), un r&eacute;seau international de m&eacute;dias sp&eacute;cialis&eacute;s dans la v&eacute;rification de faits.&nbsp;&raquo;</i></p> <p>&nbsp;</p> <p>L&rsquo;utilisation du terme &laquo;&nbsp;d&eacute;busquer&nbsp;&raquo; cr&eacute;&eacute; une connexion avec la chasse, la recherche d&rsquo;une cible : la fake news ou son auteur.</p> <p>La notion de mensonges, de d&eacute;cryptage et de code de principes sont aussi rattachables au renseignement et &agrave; la propagande.</p> <p>Pour cette plateforme, il s&rsquo;agit du regroupement de journalistes avec des enjeux pleins de promesse contre les mensonges, les manipulations. Quand on connait la fonction de la propagande dans les guerres, cette pr&eacute;sentation est presque une alliance martiale et justici&egrave;re. Le texte pr&eacute;cise m&ecirc;me le champ de bataille, connexe aux m&eacute;dias traditionnels : les r&eacute;seaux sociaux.</p> <p>L. BIGOT explique le <i>fact checking</i> contemporain qui <i>&laquo;&nbsp;s&rsquo;apparente davantage &agrave; ce qui a &eacute;t&eacute; appel&eacute; watchdog journalism (journalisme de d&eacute;nonciation, vigilant quant aux abus et mauvaises pratiques des organisations et personnels politiques notamment), et aussi, de mani&egrave;re plus certaine, au ad watch journalism, format journalistique qui, &agrave; compter des ann&eacute;es 1990, s&rsquo;est attach&eacute; &agrave; &eacute;valuer l&rsquo;exactitude des publicit&eacute;s politiques&nbsp;&raquo;</i>.</p> <p>Cette forme de journalisme n&rsquo;est cependant pas nouvelle. D&eacute;j&agrave; le Times dans les ann&eacute;es 1920 portait une &eacute;quipe de <i>fact checking</i> non pas pour remettre en cause des responsables publics mais les informations de ses &eacute;quipes, elles-m&ecirc;mes au contact des personnalit&eacute;s publiques.</p> <p>Cette nouvelle forme de <i>fact checking</i> vient des am&eacute;riques depuis 10 ans, il s&rsquo;agit donc l&agrave; d&rsquo;une pratique import&eacute;e. Elle puise son origine entre autres avec une habitude de pratiques politiques controvers&eacute;es devant la v&eacute;rit&eacute; voire la r&eacute;alit&eacute;. La diff&eacute;rence avec notre monde post-contemporain est que la v&eacute;rification des informations est maintenant a post&eacute;riori et non plus a priori.</p> <p>Enseign&eacute; maintenant dans les &eacute;coles de journalisme, le <i>fact checking</i> s&rsquo;appuie sur l&rsquo;essor des m&eacute;dias li&eacute;s au num&eacute;rique dans la diminution des co&ucirc;ts de production, la multiplication des plateformes et la croissance des m&eacute;dias sociaux.</p> <p>En parall&egrave;le, le <i>fact checking</i> est devenu une page, un moment m&eacute;diatique incontournable des journaux de r&eacute;f&eacute;rences, des chaines d&rsquo;infos ou des radios nationales. Dans la m&ecirc;me tendance que la <i>fake news </i>qui est utilis&eacute;e de mani&egrave;re large, le <i>fact checking</i> suit une perspective similaire.</p> <p>Cette tendance des deux ph&eacute;nom&egrave;nes vient certainement que l&rsquo;information est devenu un flux ind&eacute;nombrable, donc impossible &agrave; contr&ocirc;ler encore moins &agrave; ma&icirc;triser. Notre environnement informationnel s&rsquo;est transform&eacute; en 40 ans de 3 cha&icirc;nes &agrave; l&rsquo;acc&egrave;s de 250 cha&icirc;nes, les m&eacute;dias sociaux auxquels s&rsquo;ajoutent une vingtaine de plateformes de streaming, qui peuvent diffuser de l&rsquo;information en direct.&nbsp; L&rsquo;information &agrave; l&rsquo;&egrave;re du num&eacute;rique est devenu, le sou du moyen-&acirc;ge. Il faut l&rsquo;avoir, en disposer pour monnayer une discussion, un &eacute;change.</p> <p>Laurent BIGOT rappelle aussi que &laquo;&nbsp;ce ph&eacute;nom&egrave;ne de renouveau du <i>fact-checking</i> appara&icirc;t dans un contexte de forte perte de cr&eacute;dibilit&eacute; des m&eacute;dias&nbsp;&raquo;. De plus cette v&eacute;rification &agrave; posteriori a un impact sur cette guerre par l&rsquo;information. Si l&rsquo;on peut comparer de mani&egrave;re l&eacute;g&egrave;rement abusive une information dans le monde num&eacute;rique &agrave; un projectile, une fois l&rsquo;information envoy&eacute;e, il convient de disposer de protection avanc&eacute;e pour ce prot&eacute;ger du projectile. Si la protection est la capacit&eacute; &agrave; prendre de la distance, &agrave; naturellement remettre en cause ou une culture solide, la proportion de personnes prot&eacute;g&eacute;es est naturellement faible.</p> <p>L. Bigot conclut &laquo;&nbsp;l&rsquo;apparition d&rsquo;un univers hyperconcurrentiel d&ucirc; &agrave; &laquo; l&rsquo;infob&eacute;sit&eacute; &raquo; et &agrave; la multiplication des producteurs d&rsquo;information les enjoignent de se diff&eacute;rencier, afin de valoriser (jusque sur le plan p&eacute;cuniaire) l&rsquo;information qu&rsquo;ils livrent.&nbsp;&raquo; Le fact checking, est aussi le r&eacute;sultat de la capacit&eacute; &agrave; tracer, &agrave; enqu&ecirc;ter gr&acirc;ce au num&eacute;rique qui laisse bien plus de trace que le papier. Les journalistes d&rsquo;investigations ont maintenant la possibilit&eacute; de pouvoir enqu&ecirc;ter et d&rsquo;obtenir une quantit&eacute; d&rsquo;informations d&eacute;multipli&eacute;es. Une cl&eacute; USB contient au moins un millions de fois plus de donn&eacute;es qu&rsquo;un simple dossier et prend bien moins de place dans une mallette.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Le <i>fact checking</i> d&rsquo;ailleurs &eacute;chappe en grande partie pour des raisons &eacute;ditoriales aux m&eacute;dias critiques comme acrimed ou arr&ecirc;t sur image. Ces m&eacute;dias se sont pos&eacute;s comme des acteurs du <i>fact checking</i>. Ils apparaissent aussi comme innocents et irr&eacute;prochables. A ce titre, les &eacute;missions en charge de porter la critique des responsables politiques sinon des personnalit&eacute;s publiques font partie de la m&ecirc;me cat&eacute;gorie, immunis&eacute;e de toutes critiques. L&agrave; se pose d&eacute;j&agrave; une premi&egrave;re question sur la l&eacute;gitimit&eacute; du jugement, de l&rsquo;immunit&eacute; m&eacute;diatique. C&rsquo;est l&agrave; le deuxi&egrave;me enjeu du fact checking, la l&eacute;gitimit&eacute; des auteurs tant dans leur pratique que pour la corporation.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>3/ les limites du fact checking</b></p> <p>Un exemple, tr&egrave;s r&eacute;cent, montre que l&rsquo;enfermement m&eacute;thodologique et l&rsquo;approche du fect cheking reste &agrave; consolider. Le 18 avril 2021, suite &agrave; une prise de parole du pr&eacute;sident de la R&eacute;publique, la plateforme pr&eacute;-cit&eacute;e prenait le temps de passer &agrave; sa m&eacute;thodologie une phrase :</p> <p><i>&laquo;&nbsp;Je ne parle m&ecirc;me pas des effets (du canabis) de glissements vers des drogues plus dures.&nbsp;&raquo;</i></p> <p>S&rsquo;en suit 50 lignes d&rsquo;un argumentaire pour d&eacute;montrer l&rsquo;erreur de cette phrase. Pour cela sont convoqu&eacute;s deux m&eacute;decins l&rsquo;un psychiatre, l&rsquo;autre chef du service addictologie d&rsquo;un CHU. Ceux-ci vont aller dans un seul sens&hellip; celui de d&eacute;monter l&rsquo;argument pr&eacute;sidentiel en exprimant un angle de sp&eacute;cialistes.</p> <p>Premier constat il n&rsquo;y a pas d&rsquo;argument favorable. C&rsquo;est une d&eacute;monstration &agrave; charge, avec une ouverture sous un sens unique &agrave; la fois m&eacute;dical et soci&eacute;tal.</p> <p>Cette d&eacute;monstration qui remet en cause une phrase de l&rsquo;interview du chef de l&rsquo;Etat pose la question du discr&eacute;dit des propos de l&rsquo;homme politique. S&rsquo;il nous trompe sur ce sujet, o&ugrave; veut-il nous emmener ? Est-il sinc&egrave;re ? Nous rompe-t-il sur tout ?</p> <p>Pour le g&eacute;n&eacute;ral Beaufre, &laquo;&nbsp;la strat&eacute;gie est une dialectique des volont&eacute;s employant la force pour r&eacute;soudre leur conflit&nbsp;&raquo; pour &laquo; atteindre la d&eacute;cision en cr&eacute;ant et en exploitant une situation entra&icirc;nant une d&eacute;sint&eacute;gration morale de l&rsquo;adversaire suffisante pour lui faire accepter les conditions qu&rsquo;on veut lui imposer &raquo;. Le fact checking pose-t-il le journalisme comme opposant aux responsables publics ? Il y a l&agrave;, l&rsquo;affrontement de deux volont&eacute;s avec l&rsquo;intention de faire plier une des parties ou de convaincre par les arguments, comme l&rsquo;a d&eacute;velopp&eacute; ce m&ecirc;me g&eacute;n&eacute;ral ?</p> <p>En utilisant, un champ s&eacute;mantique autour de la propagande, de recherche du mensonge, de chasse, il se cr&eacute;&eacute;e un rapport de force ou plus exactement une dialectique (comme pos&eacute; par Schopenhauer) des volont&eacute;s sur la diffusion d&rsquo;informations, la cr&eacute;ation d&rsquo;informations. C&rsquo;est ici l&rsquo;&eacute;bauche d&rsquo;une forme de guerre par l&rsquo;information. Car c&rsquo;est bien l&rsquo;information qui est au coeur de ce rapport de force pour avoir raison d&rsquo;une part, donc poser la v&eacute;rit&eacute; d&rsquo;autre part.</p> <p>Pourtant le fact ckecking qui veut v&eacute;rifier l&rsquo;information, n&rsquo;observe que partiellement cette situation. En effet cet application de la m&eacute;thodologie de fact checking ne s&rsquo;applique seulement &agrave; ce sujet. Pourquoi celui-l&agrave; ? Pourquoi un seul argument est-il d&eacute;cortiqu&eacute; ? Cela pose une seconde interrogation de l&eacute;gitimit&eacute; de cette m&eacute;thodologie.&nbsp; Ce questionnement se confirme au visionnaire de l&rsquo;entretien de Cnews avec Alain BAUER.</p> <p>L&rsquo;intervention, sur la chaine d&rsquo;information en continue qui est d&rsquo;ailleurs la cousine de France Info, d&rsquo;Alain Bauer, criminologue au CNAM sur Cnews le 20 avril 2021 d&eacute;montre que l&rsquo;argument pos&eacute; par le Pr&eacute;sident de la R&eacute;publique m&eacute;rite plus que l&rsquo;intervention de deux m&eacute;decins m&ecirc;me sp&eacute;cialiste en addictologie. Ici, s&rsquo;&eacute;rige une nouvelle question de l&eacute;gitimit&eacute; le choix des sources en argument et contre-argumentation.</p> <p>Au final se dessine un nouvel affrontement informationnel avec des personnalit&eacute;s publics qui essaient de convaincre mais ma&icirc;trisent mal des dossiers toujours plus complexes, plus techniques. A cela d&rsquo;autant plus que la libre critique est multipli&eacute;e par les nombreux canaux d&rsquo;information et de communication avec les r&eacute;seaux sociaux, les chaines et radios d&rsquo;informations.</p> <p>Un triple probl&egrave;me du fact checking se pose dans un contexte scientifique des &eacute;metteurs auto-accr&eacute;dit&eacute;s, un choix auto-proclam&eacute; des sujets v&eacute;rifi&eacute;s, le choix des sources d&rsquo;analyse. A cela s&rsquo;ajoute que le checking moderne se comporte avec une v&eacute;rification a post&eacute;riori. Dans une guerre de l&rsquo;information, c&rsquo;est la plus mauvaise position pour la cible. Le fact-checking n&rsquo;est donc pas sans cons&eacute;quence sur les auteurs, les personnalit&eacute;s publiques et surtout les auditeurs.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>4/ cons&eacute;quences ou causes du Fact Checking.</b></p> <p>&nbsp;</p> <p>Le <i>fact checking</i> est un donc discours a posteriori qui cherche &agrave; convaincre l&rsquo;auditeur, le lecteur, le t&eacute;l&eacute;spectateur de l&rsquo;erreur commise par le responsable politique. Il entre clairement dans le champ strat&eacute;gique de l&rsquo;<i>animus hostis</i>. Cette situation glisse progressivement en <i>opus belligerandi</i>, la guerre par d&eacute;signation de l&rsquo;ennemi. Ce dernier oscille entre le responsable public et la fake news. Il oscille entre dans une logique de d&eacute;cryptage ou de propagande ? La question renvoie avec les aspects de m&eacute;thodologie et non de m&eacute;thode. D&rsquo;une certaine mani&egrave;re, la m&eacute;thodologie est une logique d&rsquo;analyse stricte selon des bases &agrave; la fois solides et consid&eacute;r&eacute;e comme incontournable. Quand la m&eacute;thode rel&egrave;ve plus de la pratique d&rsquo;analyse, un guide qui porte l&rsquo;analyse de mani&egrave;re plus empirique donc susceptible d&rsquo;&eacute;voluer comme Imre Lakatos le propose dans une &eacute;bauche de la complexit&eacute;.</p> <p>Derri&egrave;re les aspects d&rsquo;une bonne volont&eacute; et du souhait de faire triompher une v&eacute;rit&eacute; qui pourrait vouloir remettre en cause cette action pr&eacute;sent&eacute;e comme d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral ?</p> <p>Mais au gr&eacute; d&rsquo;une premi&egrave;re analyse de la m&eacute;thodologie &eacute;voqu&eacute; aux deux premiers paragraphes, cette r&eacute;apparition d&rsquo;une fonction du journalisme devient un affrontement entre journalistes avec les responsables publics.</p> <p>D&rsquo;ailleurs le journalisme peut-il faire l&rsquo;objet d&rsquo;un auto-fact-checking ou d&rsquo;un contre-fact-checking ? Exemple du journaliste nouvelle mode Hugo Cl&eacute;ment entre &eacute;missions chocs et publications dans les r&eacute;seaux sociaux accepterait-il d&rsquo;&ecirc;tre confront&eacute; aux professionnels qu&rsquo;il met en cause ?</p> <p>Face aux acteurs du <i>fact checking</i>, plusieurs questions surviennent : quelle l&eacute;gitim&eacute; de l&rsquo;auteur ? Pourquoi prendre telles sources ? L&rsquo;ensemble d&rsquo;une rapide remise en cause am&egrave;ne &agrave; questionner en prenant de la distance sur la l&eacute;gitimit&eacute; du choix des sources, avec telle &eacute;tude, ou telle association productrice d&rsquo;&eacute;tudes.</p> <p>Comme strat&egrave;ge le fact checker se pose, il conduit son argumentaire vers un objectif que nous pourrions interroger. En effet, pourquoi essentiellement les responsables politiques ceux sont expos&eacute;s &agrave; la pression populaire et l&eacute;gitimes d&eacute;positaires de la repr&eacute;sentation d&eacute;mocratique.</p> <p>Au final, il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;une guerre par l&rsquo;information du faible au fort, au sens o&ugrave; le responsable politique a besoin du m&eacute;dia pour passer ses messages, ses arguments, ses orientations politiques. Les m&eacute;dias se positionnent naturellement dans la position du fort dans le dispositif m&eacute;diatique car situ&eacute;s entre le personnage politique et les &eacute;lecteurs. Par sa position d&rsquo;interm&eacute;diaire, il se situe dans une position sup&eacute;rieure. Pour reprendre l&rsquo;analogie de SUN-TZU dans son art de la guerre, sur la configuration des terrains, tous les m&eacute;dias deviennent un ou plusieurs des 9 terrains d&eacute;crit &agrave; l&rsquo;article XI. Le journalisme, comme le reste de la soci&eacute;t&eacute;, &eacute;volue avec le d&eacute;veloppement&nbsp; des m&eacute;dias sociaux ou r&eacute;seaux sociaux. Les blogueurs, influenceurs, e-journalistes &eacute;mettent leurs informations propres, selon leurs crit&egrave;res, leurs lignes &eacute;ditoriales. Comment les m&eacute;dias traditionnels peuvent-ils les remettre en cause ? Ce qui est critiqu&eacute; c&rsquo;est l&rsquo;&eacute;metteur ; celui qui est &eacute;duqu&eacute;, c&rsquo;est le r&eacute;cepteur. Aussi dans cette classification &eacute;thique ou morale comment se positionne le m&eacute;dia, un interm&eacute;diaire neutre, un acteur invisible ?</p> <p>Une autre guerre par l&rsquo;information se profile. C&rsquo;est une guerre par l&rsquo;information qui s&rsquo;ins&egrave;re dans un &eacute;cosyst&egrave;me de communication o&ugrave; l&rsquo;&eacute;metteur se d&eacute;multiplie, les vecteurs deviennent trop nombreux pour &ecirc;tre d&eacute;nombr&eacute;s et les r&eacute;cepteurs au final choisissent leur source.</p> <p>Au final nous revenons &agrave; une guerre par l&rsquo;information o&ugrave; les r&eacute;cepteurs choisissent leur source non plus par affinit&eacute; id&eacute;ologique (comme on choisissez son journal en fonction de son &eacute;lectorat) mais par ses affinit&eacute;s tr&egrave;s personnelles. 64 % des fran&ccedil;ais utilisent le plus souvent les r&eacute;seaux sociaux pour s&rsquo;informer de l&rsquo;actualit&eacute;, 80 % la t&eacute;l&eacute;vision et 30 % la presse papier.</p> <p>Le fact checking devient un nouvel outil de la guerre par l&rsquo;information. Il est l&rsquo;instrument d&rsquo;influence de ceux qui n&rsquo;ont ni le temps, ni les moyens de mettre &agrave; distance toutes ces informations. Une information est d&eacute;livr&eacute;e, critiqu&eacute;e. Les hommes publics sont mis sur le sellette avec la volont&eacute; de regarder les coulisses pour rendre compte d&rsquo;une mise en sc&egrave;ne, des montages. La remise en cause de la posture d&rsquo;autorit&eacute; et de l&eacute;gitimit&eacute; des repr&eacute;sentants.</p> <p>Les questions de la l&eacute;gitimit&eacute; et de la m&eacute;thodologie employ&eacute;es restent pos&eacute;es comme celle de prise de parole publique et de l&rsquo;engagement euristique.</p> <p>Autre cause de cette nouvelle guerre par l&rsquo;information : les m&eacute;dias classiques discr&eacute;ditent les m&eacute;dias sociaux pour se re-l&eacute;gitimiser. Il y a l&agrave; un affrontement des anciens avec les nouveaux. A l&rsquo;oppos&eacute; du comportement du Prince Salina, l&rsquo;ancien syst&egrave;me m&eacute;diatique, &laquo;&nbsp;les gu&eacute;pards&nbsp;&raquo; se rebellent et veulent lutter pour sauver leur &laquo;&nbsp;syst&egrave;me&nbsp;&raquo;.</p> <p>En r&eacute;alit&eacute; qu&rsquo;est le fact checking ? Une critique des homme publics ? Une tentative pour moderniser le journalisme &laquo;&nbsp;classique&nbsp;&raquo; (papier, TV, radio). Est-ce une tentative pour limiter l&rsquo;influence grandissante des r&eacute;seaux sociaux dans &laquo;&nbsp;l&rsquo;information&nbsp;&raquo; du public ?</p> <p>Le fact checking est une guerre par l&rsquo;information contre les responsables publics, contre l&rsquo;information dans les m&eacute;dias sociaux, contre les influenceurs !</p> <p>Mais en r&eacute;alit&eacute; ce fact checking n&rsquo;a pas emp&ecirc;ch&eacute; Donald Trump d&rsquo;&ecirc;tre &eacute;lu et m&ecirc;me d&rsquo;&ecirc;tre presque &eacute;lu de nouveau. M&ecirc;me si cette personnalit&eacute; politique a plusieurs fois &eacute;t&eacute; prise en flagrant d&eacute;lit de fake news.</p> <p>Le fact checking qui se veut &ecirc;tre une protection n&rsquo;enferme-t-il pas les lecteurs dans une approche qui passe de la m&eacute;thodologie au dogmatisme ? Existe-t-il des options strat&eacute;giques d&rsquo;optimisation du fact checking ?</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>5/ Proposition de strat&eacute;gies </b></p> <p>Comme le reconnait la responsable de la section de Lib&eacute;ration, le fact checking montre ses limites pour modifier les discours des responsables politiques. Son impact sur les r&eacute;sultats &eacute;lectoraux appara&icirc;t particuli&egrave;rement limit&eacute;. Est-ce un outil sans efficience ? Oui. Sans efficacit&eacute; ? Il est permis d&rsquo;esp&eacute;rer qu&rsquo;il participe &agrave; l&rsquo;&eacute;ducation collective et n&eacute;cessairement permanente de chacun devant les flux d&rsquo;informations.</p> <p>Le fact checking montre l&rsquo;incapacit&eacute; des journalistes d&rsquo;agir sur l&rsquo;opinion. Elle montre la volont&eacute; des m&eacute;dias traditionnels &agrave; reprendre une ma&icirc;trise sur l&rsquo;information alors qu&rsquo;ils ne traitent qu&rsquo;une partie infime de celle-ci. Elle ne peut pas non plus &ecirc;tre un facteur de la v&eacute;rit&eacute;. C&rsquo;est une nouvelle guerre du faible face au fort. En voulant avoir une action directe, dans la confrontation, dans l&rsquo;affrontement, la strat&eacute;gie directe du faible au fort peut difficilement aboutir. Il s&rsquo;agit l&agrave; bien d&rsquo;une guerre par l&rsquo;information des anciens contre les modernes.</p> <p>D&rsquo;ailleurs les acteurs du fact checking sont aussi assimil&eacute;s &agrave; une &laquo;&nbsp;caste politico-m&eacute;diatique&nbsp;&raquo;. Comment peuvent-ils esp&eacute;rer affronter un monde en infob&eacute;sit&eacute; o&ugrave; la quantit&eacute; d&rsquo;informations, de donn&eacute;es n&rsquo;est plus quantifiable, ni humainement traitable ?</p> <p>Une guerre par l&rsquo;information du faible au fort est l&rsquo;assurance d&rsquo;un &eacute;chec. pour autant les options qui se proposent sont &agrave; la fois minces et &eacute;conomiquement pas garanties.</p> <p>Deux options s&rsquo;ouvrent :</p> <p>1/la strat&eacute;gie indirecte : le contournement qui passe par non plus un fact checking de croisade mais une forme d&rsquo;oubli, de refus de citer les parties fausses. La strat&eacute;gie indirecte passe aussi par un m&eacute;dia d&eacute;pendant directement de ses lecteurs. En effet il se cr&eacute;&eacute; ainsi une relation d&rsquo;information. La d&eacute;l&eacute;gation du traitement et de l&rsquo;analyse de l&rsquo;information a des sp&eacute;cialistes de confiance, pour un gain de temps et d&rsquo;aide &agrave; la compr&eacute;hension permet de revenir &agrave; la fonctionnalit&eacute; initiale du journalisme, d&rsquo;une profession interm&eacute;diaire.</p> <p>&nbsp;</p> <p>2/ la strat&eacute;gie d&rsquo;anticipation : Certains &eacute;lus mentent, d&eacute;tournent la v&eacute;rit&eacute;. Faut-il les inviter ? Faut-il exprimer le refus ou le fermeture &agrave; l&rsquo;acc&egrave;s pour certaines tribunes de presse ? Mais &agrave; ce titre les exemples d&rsquo;&laquo;&nbsp;exclusion&nbsp;&raquo; de personnalit&eacute;s publiques ont &eacute;t&eacute; males per&ccedil;ues car r&eacute;alis&eacute;es comme une attaque directe. L&rsquo;argumentation ne doit pas para&icirc;tre comme une revendication syndicale ou une posture id&eacute;ologique. Mais comme la prise de position &eacute;thique, au-dessus d&rsquo;une corporation, la prise de position d&rsquo;un organe de presse qui assume une position politique.</p> <p>L&rsquo;anticipation est-il dans l&rsquo;exclusion, le refus ? N&rsquo;est-il pas dans l&rsquo;int&eacute;gration, le commentaire ajout&eacute;, et anticip&eacute; ?</p> <p>Il serait utile par cette nouvelle disposition, le fact checking devient une arme, un outil par l&rsquo;information pour contrer un ennemi auto-d&eacute;termin&eacute;. Il pose le journaliste dans une l&eacute;gitimit&eacute; qu&rsquo;il s&rsquo;est donn&eacute; et non que le peuple ou la loi lui donne. Par ce principe, le fact checking se transforme en &eacute;thique journalistique et non en guerre contre les responsables publiques et particuli&egrave;rement politiques.</p> <p>Une seule certitude, l&rsquo;absence de prise de l&eacute;gitimit&eacute; des journalistes qui se maintiendrait dans un fact checking militant de la v&eacute;rit&eacute;, conjugu&eacute; avec la perte d&rsquo;influence des journaux traditionnels : ce sont les m&eacute;dias sociaux qui sortent vainqueurs avec les GAFAM.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Bibliographie :</p> <p>SUN TZU, L&rsquo;art de la guerre, Economica, Paris, 1999</p> <p>CHARNAY, J-P, Critique de la strat&eacute;gie, L&rsquo;Herne, Paris, 1990</p> <p>SCHOPENHAUER, A., L&rsquo;art d&rsquo;avoir toujours raison, Hade, Paris, 2015</p> <p>GIRY, J. et NICEY, J., entretien avec l&rsquo;ANR sur le projet VIJIE, Paris, f&eacute;vrier 2015</p> <p>BIGOT, L., Le <i>fact-checking</i> ou la r&eacute;invention d&rsquo;une pratique de v&eacute;rification, Communication &amp; Langaes, 2017/2, N&deg;192, 2017</p> <p>MATHIOT, C., le fact-checking ou journalisme de v&eacute;rifications, <a href="http://CLEMI.fr">CLEMI.fr</a>, 2017</p> <p>LAKATOS, I., Histoire et m&eacute;thodologie des Sciences, PUF, Paris, 1994</p> <p>BEAUFRE A., Introduction &agrave; la strat&eacute;gie, Pluriel, Paris, 1963</p> <p>FRANCETVINFO, section &laquo;&nbsp;vrai ou fake&nbsp;&raquo;, <a href="https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/">https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/</a></p>