<p><b>L'influence comme lien entre géopolitique et intelligence économique en Afrique : étude de cas de l’influence russe au Sénégal et à Madagascar</b></p>
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<b>Introduction</b></p>
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<p>Depuis les soupçons d’ingérence russes dans la campagne présidentielle américaine (Cadwalladr, 2018; Isaak & Hanna, 2018), populations et États ont pris conscience du risque que représentaient les campagnes d'influence visant à déstabiliser un État, notamment en divisant sa population et en augmentant les polarisations politiques. En effet, ces opérations se multiplient, atteignant des États de toutes tailles et sous toutes latitudes. Par exemple, la campagne présidentielle française fut touchée par des leaks visant le candidat Macron, les campagnes allemandes furent également impactées (Stelzenmüller & Robert Bosch, 2017) de même que le vote sur le Brexit (Staal, 2016). On pourrait également parler des élections présidentielles à Taïwan en 2020 (Ho-Chun et al. 2021). Si la finalité première de ces opérations sur le terrain ne semble pas économique, il nous apparaît néanmoins pertinent de s’intéresser à leur effet collatéral sur le tissu économique et l’équilibre des marchés sur les zones ciblées.</p>
<p>Les exemples précédemment cités, bien que délicats à attribuer, font pour la plupart peser les soupçons sur la Fédération de Russie, célèbre pour ses usines à trolls (Linvill & Warren, 2020) et ses campagnes massives d’opérations informationnelles (Geers, 2015, Dugoin-Clément, 2018). Ces exemples ne traitent pas l’espace majeur que représente le continent africain qui n’est pas épargné par les opérations d’influence visant à modifier la perception des populations envers les gouvernements et alliés de ces derniers. Si ces opérations d’influence représentent en soi un risque sécuritaire majeur pour les États et notamment ceux impliqués militairement dans la bande sahélienne, il ne faudrait pas négliger la portée économique de ces opérations. Au travers des campagnes d’influence à finalité géopolitique se jouent des enjeux économiques qui recoupent les piliers traditionnels de l’intelligence économique que sont la veille, la sécurité et l’influence (Marçon & Moinet, 2011), et du cyber souvent compté dans cette discipline (Dou, Juillet, Clerc, 2018). Dans cet article, nous traiterons du champ informationnel cyber et de ses conséquences économiques. </p>
<p>Dans le cas de la Russie, les campagnes informationnelles s’inscrivent dans des stratégies de longue date. Si le propos n’est pas ici de reprendre les concepts développés dans l’<i>agit prop</i> ou de la maskirovka (Smith, 1988; Mitrokhine, 2005; Dugoin-Clément, 2015), il n’en demeure pas moins que les architectures perdurent. En outre, ces dernières ont été modernisées suite à la directive-cadre de 2000 où Moscou définissait ce qu’était un espace informationnel et approfondies suite aux opérations menées en Ukraine et à la refonte de la doctrine de sécurité informationnelle de 2016.</p>
<p>En outre, porter un œil attentif au continent africain est un point d’intérêt économique majeur au vu des ressources naturelles s’y trouvant et de son potentiel de développement (Pezzini, 2019). Selon le FMI, les perspectives de croissance de l’Afrique seront des plus intéressantes au monde entre 2020 et 2023 (Odusola, 2019). Ces caractéristiques en font à n’en pas douter un marché à même d’aiguiser les appétits de nombreux secteurs industriels.</p>
<p>Dans ce cadre, cet article propose que l’influence géopolitique poussée par la Russie en Afrique, si elle est indéniable, n’a peut-être pas encore un impact fort à même d’altérer la relation commerciale avec les entreprises française. Aussi, après avoir présenté les campagnes informationnelles perpétrées sur certains d’Afrique par la Fédération de Russie en mettant en lumière leurs architectures et finalités, nous tenterons d’évaluer l’influence réelle de ces campagnes sur le développement économique des entreprises françaises dans deux pays spécifiques, le Sénégal et Madagascar. Pour ce faire, nous analyserons deux aspects. Le premiers portera sur les conséquences économiques des campagnes présentées précédemment en observant les évolutions connues par les marchés nationaux de ces États soumis à des opérations informationnelles. Le second s’appuiera sur l’analyse d’entretiens de professionnels développant leurs entreprises sur ces territoires précis.</p>
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<p><b>1. L’enjeu africain pour la Russie et les campagnes informationnelles</b></p>
<p>Les influences supposées d’origine russes ont défrayé la chronique, qui fait souvent fi du travail de fond réalisé en Afrique. Si l’intérêt montré par la Russie envers l’Afrique semblait assez léger dans les années 2000, il a pris un nouvel essor suite aux sanctions imposées à la Russie en 2014 (Christie, 2016). Cette situation a incité la Russie à s’ouvrir à d’autres marchés économiques (Elzein, 2014), comme formulé par des membres du parlement russe annonçant que Moscou était prête à contester la “domination” de la France dans la partie ouest de l’Afrique (Sukhankin, 2019). </p>
<p>En parallèle, Moscou organisait le sommet Russie-Afrique, premier du genre, à Sotchi en octobre 2019 réunissant 43 chefs d’États africains et montrait la Russie comme alternative possible aux grandes puissances et mettait en avant ses industries dans l’idée d’amorcer ou de développer des partenariats déjà engagés. Outre cet aspect géopolitique et économique, ce fut également l’occasion d’une annonce d’Alexey Voloshin, vice-ministre de la communication, invitant les journalistes africains à venir à Moscou se former à l'engagement des médias sociaux avec la société d'État RT et Spoutnik, mais aussi, d'envoyer des spécialistes de RT et de Spoutnik en Afrique pour mettre en place des master classe sur place (Illyushina, 2019). Il apparaît que le continent africain est devenu un centre d'intérêt informationnel pour la Russie qui voulait s’y implanter au mieux afin de pouvoir en tirer des bénéfices géopolitiques et économiques. Cela pouvait signifier par ruissellement affaiblir d’autres pays entretenant une relation de longue date avec certains de ces États. La France, fortement implantée dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest dont le Sénégal, a analysé cette influence dans cette vision rappelant l’approche de <i>"containment":</i> contenir une éclosion de concurrents économiques qui pourrait affaiblir son commerce. </p>
<p>Il apparaît que deux approches se dégagent de l’influence russe en Afrique. L’une concerne les pays où la Russie ne dispose pas de reprise ou d’appui pouvant être réactivé au sein du pouvoir en place. Dans ce cas, elle utilise des dialectiques contextuelles telles que l’anticolonialisme ou la lutte contre l’ingérence. Ces argumentaires permettent d’alimenter le discours de figures locales portant ces idées tout en leur octroyant des moyens logistiques qu’ils n’ont pas afin d’ensuite utiliser les dividendes résultant de la diffusion de ces rhétoriques.</p>
<p>L’autre concerne les pays dans lesquels la Russie s’appuie sur les liens tissés par le passé. Il s'agit notamment des pays qui ont eu des velléités révolutionnaires, et dont une partie des anciennes élites avaient été formée à l’université Patrice-Lumumba de Moscou. Dans ce cas, outre les discours développés dans une vision contextuelle, l’influence dispose de réseaux de reprise forts, parfois occupant des postes importants, que ce soit au niveau politique, industriel ou dans la structure sociale et sociétale des États visés. Dans la seconde approche, outre des dividendes économiques directs, l'influenceur pourra espérer utiliser ces États comme caisse de résonance et relais d'influence au sein du continent. </p>
<p>Si certains aspects devenus récurrents de la stratégie d’influence russe apparaissent au premier abord, une analyse plus poussée est nécessaire afin d’analyser les effets économiques de ces stratégies. Pour ce faire, nous proposons une analyse portant sur deux pays emblématiques de ces approches où la France a des intérêts importants: le Sénégal et Madagascar. Cette analyse s'appuiera sur des entretiens avec des professionnels du monde économique et diplomatique afin de saisir la réalité du terrain.</p>
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<p><b>1.1. Première approche : renforcer la présence et affaiblir et les concurrents</b></p>
<p>À l’exception de certains pays bénéficiant d’une résurgence du passé, car ils entretenaient alors avec la Russie un lien dû à l’histoire et notamment à l'idéologie communiste partagée, Moscou avait opéré un relatif désengagement de la zone africaine depuis l'effondrement de l’URSS. Aussi le pivot africain opéré depuis 2014 par Moscou devait passer par une opération de reconquête souvent corrélée à un affaiblissement des acteurs majeurs du territoire visé. Ce fut notamment le cas dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest dont le Sénégal et le Mali, jusqu’alors particulièrement liés avec la France, et alors que le président Macron désignait Russia Today (RT) et Sputnik, les médias financés par l’État russe, comme des « organes d’influence » qui auraient « produit des contre-vérités » pendant sa campagne (Jambot, 2017), l’Afrique devenait le terrain de campagnes informationnelles. Pour ce faire, plusieurs approches ont été développées de manière parfois concomitante.</p>
<p>Avant de présenter les thématiques abordées, parlons stratégies d’ensemble et mutualisation de l’effort. En effet, un premier effort fut porté sur les pages francophones Facebook de ces médias, qui avaient compris que sur les 300 millions de francophones, 60 % vivent en Afrique (Crétois, 2019). Les pays visés étant francophones, renforcer ce support permettait une économie d’échelle en visant tout à la fois la population française et les populations francophones d’Afrique. Ainsi si l’on observe l'origine de l’augmentation des likes des pages Facebook de RT France entre novembre 2017 et janvier 2018 (soit une augmentation de 350 000) plusieurs milliers venaient du Sénégal et du Mali contre 1 000 de France (Limonier, 2018). Outre l’augmentation de cette fréquentation, on aura pu observer une reprise des informations diffusées par RT et Sputnik sur plusieurs sites internet, dont des sites institués ou d’autres affichant des partis pris plus tranchés. Néanmoins, cette diversité de sites reprenant les informations et items des médias russes permettait de diversifier et d'accroître leur audience.</p>
<p>En outre, un investissement a été réalisé dans le domaine de la publicité notamment sur Facebook qui estimait le montant à quelque 90 000 dollars. En parallèle, une stratégie de marketing digital a été développée sur d’autres réseaux sociaux qui se prêtent bien au contexte africain, où de nombreux utilisateurs ont recours à Facebook comme source d’information.</p>
<p><b><i>Dialectique utilisée</i></b></p>
<p>De manière générale, le discours employé en Afrique par la Russie s'appuie sur l’argumentaire anticolonial (Sukhankin, 2019), allant parfois jusqu’à mettre en avant le rôle de libérateur de peuple joué par l’URSS, ainsi que sur le soutien russe apporté aux armées de ces États indépendants. En parallèle, l’accent est mis sur la différence entre les stratégies russes et occidentales en Afrique, des derniers étant qualifiés de faire usage de pression, les menaces et de chantage des pays souverains (TASS, 22 octobre).</p>
<p>Sans surprise la Russie met donc l’accent sur son absence de passé colonial en agitant en contrepoint les liens français qualifiés de paternalistes à malhonnêtes et sur la position de l’URSS favorable à la décolonisation, en faisant le lien dans le présent avec les propositions de coopérations pragmatiques faites par Moscou sans tentative d’ingérence dans les États aidés ou de pression pour une démocratisation des gouvernements. Si le Sénégal est connu pour une pratique modérée et tolérante de l’islam , les arguments développés par l’influence russe sont également ceux repris par les fondamentalistes notamment ceux à l’origine de troubles dans la zone, notamment au Mali où la France est militairement engagée. Aussi, certains craignent que les auditeurs sensibles à ces contenus ne puissent glisser par porosité vers une approche de l’islam plus rigoriste que celle traditionnellement pratiquée par ce pays à 94% musulman, ce qui pourrait être à l’origine de troubles à plusieurs niveaux.</p>
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<p><b>1.2. Seconde approche : retisser le lien, capter des ressources et créer des relais d’influence</b></p>
<p>En octobre 2019, Facebook et Instagram annonçaient avoir supprimé trois réseaux de comptes, pages et groupes qui participaient à une ingérence que la firme attribuait à la Russie et qui visaient plusieurs pays, dont Madagascar. La société suspectait dans ces comptes la main de Yevgeniy Prigozhin, accusé dans le rapport Muller d’avoir financé l’usine à trolls d'Olgino impliquée dans les tentatives d’ingérences des élections américaines de 2016, et d’être parti prenant dans l'<i>Information Research Agency</i> (IRA) souvent cité dans le cadre d’opérations d'influence menées par Moscou. Dans le cas malgache, il s’agissait de comptes non authentifiés, et de comptes authentiques gérés depuis la grande île, s’inscrivant dans la stratégie de masquage de l’origine réelle de la campagne informationnelle. Après la purge effectuée par Facebook d’un réseau comprenant 35 comptes et 53 pages en 2019, The Guardian constatait que dans le même temps, la page Facebook d’un service d’information en langue française implantée dans la capitale malgache, Afrique Panorama, avait cessé de fonctionner (Harding, 2019).</p>
<p>En outre, le pays offrait déjà un terrain propice, car une partie des élites est russophone et a étudié dans des universités soviétiques dans les années 1980. Enfin, comme au Sénégal des éléments de discours contextuels sont mis en œuvre de manière à pouvoir être repris par des activistes locaux ou bien implantés. Ainsi, on notera la présence de Kémi Séba connu pour des opérations d’influence sur le continent africain, dans l’océan indien et suivi au Sénégal; dont le discours repose sur l’attisement des tensions entre les autorités locales et la France. </p>
<p>L'intérêt de la Russie pour le pays remonte au moins à 2017 (Rozhdestvensky & Badanin, 2018). En matière d’influence, des actions russes ont pu être observées dans diverses ingénieries électorales. Lors de l'élection présidentielle de novembre et décembre 2018, un reportage de la BBC a révélé que des conseillers politiques russes liés à Evgueni Prigozhin auraient financé 11 candidats, dans l’optique de favoriser dans un premier temps la candidature du président sortant Hery Rajaonarimampianina, en dispersant les voix des petits candidats. Cette campagne a été menée via le financement d’heures d’antenne et de campagnes de désinformation sur les réseaux, mais aussi par la distribution massive de journaux dans les campagnes. À l’issue du 1er tour, quand la défaite du candidat sortant ne faisait plus de doute, les conseillers russes auraient demandé des reports de voix vers le candidat en tête, Andry Rajoelina, finalement sorti victorieux. Pragmatique dans l’approche, avec un effet d’opportunité, mais sans doute confrontée à une réalité terrain plus difficile à appréhender que prévu, la stratégie russe a été de miser sur tous les candidats à la fois, en s’assurant une bonne relation de travail avec le vainqueur dans tous les cas de figure. En outre, on notera une capacité à garder des appuis non négligeables dans les hautes sphères du pouvoir. Ainsi, à la veille de sa démission, le président Hery Rajaonarimampianina a nommé en Conseil des ministres un ancien élève de l'institut des mines de Moscou, ex-ministre auprès de la Présidence chargé des Mines et du pétrole, Ying Vah Zafilahy ambassadeur en Russie. Or, cet homme d’État sensible à la culture russe a également bénéficié du soutien de l’actuel président, Andry Rajoelina. </p>
<p>Cette ingénierie et les leviers utilisés correspondent bien à la seconde approche informationnelle déployée par la Russie sur le continent africain. Il est d’autant plus intéressant d’analyser la dialectique utilisée puis les effets en matière d'économie.</p>
<p><b><i>Dialectique utilisée</i></b></p>
<p>Comme le rappelle la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), une partie des élites malgache avait étudié dans des universités et écoles soviétiques en faisant des russophones (Tchoubar, 2019). L’approche de la grande île se révéla donc plus simple. Il s’agissait plus de retisser des liens anciens que d’en tisser de nouveaux, en les renforçant, en ravivant les “amitiés” passées et l’entraide favorisant le multilatéralisme économique. La tentative d’influence partiellement ratée lors des dernières élections présidentielles relève en partie de cette visée. Sur le plan de la mémoire collective, la Russie est associée par les Malgaches à l’image des dessins animés berçant leur enfance (puisque seuls diffusés sur l’unique chaîne nationale de télévision jusqu’en 90). Cependant pour les jeunes n’ayant pas connu cette période, les Russes sont associés à l’image véhiculée par les films hollywoodiens, leur octroyant une image de puissance et de violence. </p>
<p>Si cette vision de la Russie paraît ambiguë, dans la mémoire collective, le discours porté contre la mémoire coloniale de la France, ainsi que les répressions menées en 1947 reste efficace dans les milieux populaires. Ce discours est assez proche de celui utilisé dans le reste de l’Afrique avec un accent mis sur le renforcement des tensions avec la France, sujet de critique pour sa politique et son passé colonial mis en exergue. </p>
<p>Moscou investit également dans des campagnes Google Adwords afin que les moteurs de recherche fassent remonter en priorité les contenus des agences et médias russes.</p>
<p>Comme exemple de cette dialectique dans le cyber, on peut noter l’apparition de différentes pages média comme "Ino maresaka eto Madagasikara" (quoi de neuf à Madagascar) qui partagea un dessin animé diffusé en Centrafrique représentant la Russie comme un ours sauvant l'Afrique des hyènes occidentales. D’autres pages étaient créées pour imiter des sites locaux fiables et présentait une vision pro gouvernement, mais en alignant le propos avec la politique étrangère russe.</p>
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<p><b>2. Analyse des évolutions commerciales</b></p>
<p>En parallèle de cet overview de l’approche informationnelle russe au Sénégal et à Madagascar, observons l'évolution des balances commerciales entre ces deux pays et la France. Cette analyse précédera l’analyse des entretiens initiés pour définir si des liens peuvent être observés entre ces campagnes informationnelles et l’évolution des relations d’affaires avec la France qui est par nature une des cibles de ces campagnes.</p>
<p><b>2.1. Sénégal</b></p>
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<p>La croissance économique du Sénégal a été parmi les plus élevées d’Afrique entre 2014 et 2018, en étant au-dessus de 6% par an (contre 3,5 % en 2013), ce qui en fait un partenaire commercial particulièrement intéressant. </p>
<p>Concernant la relation commerciale avec la France, le Sénégal est un partenaire primordial pour Paris en Afrique de l’Ouest, en effet la moitié de l’excédent commercial de 2 Mds Euros de la France avec la zone UEMOA tient à la balance commerciale avec le Sénégal.</p>
<p>Néanmoins, en 2019, si le Sénégal était le second client de la France (notamment grâce au matériel ferroviaire et aéronautique), les exportations françaises semblaient stagner d’après les services de douanes françaises.</p>
<p>En outre, si tous les pays de la zone annonçaient une augmentation des importations françaises, le Sénégal affichait une chute de -12,6% (en glissement annuel) bien que la balance commerciale demeure excédentaire.</p>
<p> En parallèle, il convient d’analyser l'évolution des échanges commerciaux entre la Russie et le Sénégal, corollaire logique des campagnes d'influence russes. On y observe une augmentation des produits importés par le Sénégal depuis la Russie : tous produits confondus, les chiffres permettent une balance commerciale déficitaire au profit de la Russie de 553 145 000 USD. D’après COMTRADE, si la France reste le premier fournisseur du Sénégal (15,6% des parts -1,22 milliard USD), la Russie est maintenant en 6e position alors qu’elle ne faisait pas partie des 10 principaux fournisseurs en 2013.</p>
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<p>À l’analyse de ces chiffres, le Sénégal est un partenaire économique important pour la France, et si la relation reste solide, elle stagne quand la relation économique avec la Russie connaît une croissance régulière. Il est donc pertinent d’affiner les raisons de ces évolutions et ses potentiels facteurs externes par l’entremise d’entretiens avec des intervenants sur la zone à même d’apporter des clefs de lecture échappant à la seule observation de chiffres.</p>
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<p><b>2.2. Madagascar</b></p>
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<p>Réputée pour sa richesse en ressources naturelles, l’île rouge fait partie des pays les plus pauvres du monde. Longtemps entravée, l’activité économique a repris une phase de croissance depuis 2013, pour atteindre en 2019 près de 4.8% du PIB (14,12 milliards USD en 2019), grâce notamment aux investissements publics et privés dans le secteur des infrastructures. Poursuivant les différents programmes de réforme demandés par le FMI depuis 2016, le pays continue à mettre l’accent sur la maîtrise de son inflation (estimée à 5.6% en 2019), des dépenses courantes et l’augmentation des recettes, au travers d’un meilleur contrôle des importations. Dans ce domaine, le commerce extérieur représente 63% du PIB de la grande île et constitue une part importante des recettes, au travers des droits de douane, des taxes à l’importation et de la TVA sur les importations. </p>
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<p>L’Union européenne est de loin le plus gros importateur de produits venant de Madagascar. Cette analyse met clairement en évidence le lien commercial fort entre l’île rouge et l’Europe, particulièrement avec la France. Cependant, les chiffres ne montrent pas de liens avec la Russie. </p>
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<p>Cette première macro-analyse mérite cependant d’être relativisée, au vu de “signaux faibles” de la volonté russe de s’implanter sur la grande île. La Russie était peu impliquée à Madagascar avant 2017, mais on a pu observer des rapprochements à partir de 2018 notamment avec un accord d’exploration géologique accordé à Rosgeo par le ministère des Mines et de l’Industrie du pétrole. La même année, l’entreprise Ferrum Mining liée à Prigozhin a fondé une joint-venture avec l’entreprise malgache Kraoma, principale entreprise d’exploitation de chrome à Madagascar. Les conditions de ce rapprochement donnent une forte majorité aux Russes et un endettement élevé de la partie malgache envers ces derniers alors que l’identité des actionnaires restait obscure et que des soupçons de corruption et malversations suscitaient de fortes manifestations de la population locale (Rabenasolo, 2019).</p>
<p>Enfin, au-delà de cette présence récente, d’autres groupes tels que Norilsk Nickel, Severstal, Nordgold sont aussi présents à Madagascar.</p>
<p>L’empreinte commerciale russe sur la grande île est donc faible, mais forte de la connaissance des ressources malgaches il se pourrait qu'ils fassent un pari sur l’avenir soit fait qui nécessiterait de disposer d’un maximum d’atouts afin de pouvoir affaiblir à court et moyen terme son concurrent principal sur l’île, la France. </p>
<p><b>3. Entretiens: méthodologie et analyse </b></p>
<p>Une fois constatées les évolutions des balances commerciales, nous avons réalisé des entretiens pour observer en profondeur les effets sur le business des campagnes d'influence. Nous avons réalisé 6 entretiens qualitatifs également ventilés entre les deux pays, occupant des postes comparables en termes de responsabilité et d’implications dans le tissu économique. </p>
<p>Afin d’avoir la vision la plus fine possible en lien avec notre sujet, nous avons entendu des personnes travaillant dans ces pays avant 2014, encore actifs aujourd’hui. Les sujets sont des diplomates, des businessmen, des patrons de syndicats d'investisseurs en prise directe avec le terrain. Ces positions permettent aux sujets de donner une vision enrichie des informations qu’ils recueillent auprès de leurs nombreux interlocuteurs du tissu économique ce qui modère la taille modeste de l’échantillon. Les entretiens bien qu’ouverts étaient composés de questions récurrentes permettant une recherche nourrie et une approche comparative de l’efficacité des stratégies d'influences dans ces deux zones. Les entretiens ont été encodés avec NVIVO en double aveugle pour se prémunir de biais d'interprétation. Enfin, les entretiens ont été réalisés sous couvert d'anonymat afin de libérer la parole.</p>
<p><b>3.1. Analyse des data </b></p>
<p>Les sujets entendus sur la zone sénégalaise pensent majoritairement que l’influence des campagnes informationnelles russes sur le business est assez faible, voire très faible. Comme nous le disait l’un d’entre eux “<i> l'essai est assez peu transformé il manque un petit peu d'efficience dans la transformation en termes économique des campagnes informationnelles menées</i>”. Selon eux, l'effet est surévalué par la France et ses ressortissants (ce que corrobore l’analyse des chiffres présentée précédemment), surévaluation pouvant parfois aller jusqu’à “ <i>la paranoïa".</i> Néanmoins, tous s’accordent sur un aspect : ces campagnes et leur potentiel effet induit seraient surtout contextuels. Ainsi, elles bénéficieraient de plusieurs facteurs, dont un démographique. Un interviewé expliquait que “<i>la population change, elle est très jeune[...] 75% des Sénégalais ont moins de 35 ans et sont perméables à des idées extérieures, ce qui est en corrélation avec un chômage endémique, avec une crise de l’éducation qui laisse la place aux idées virales et véhiculées sur les réseaux”. </i>Ceci est en ligne avec une autre explication disant que “<i>le bruit qui est fait autour d'opérations parfois ridiculement petites renvoie les jeunes à cette idée de recolonisation qui crée une réaction viscérale immédiate. Quand il voit certains investissements, certaines largesses données aux Français, ils se disent qu'il y a un problème.[...]Cela correspond aussi à des aspirations de jeunes étudiants ils sont hyper informés. C'est ça qui fait la dangerosité de la situation, les jeunes ne voient que la France même si ce n’est pas le plus gros investisseur”.</i> Un autre déclarait qu’“<i>il y a bien eu un déploiement informationnel de la part de la Russie au Sénégal, mais qui est adapté à la contestation, au foyer favorable pour le recevoir. Au final, la France n'a pas su s’adapter”.</i> </p>
<p>Cette idée de manque d’adaptation française plus que d’efficacité de campagnes informationnelles russes et unanimement partagées. Le premier expliquait que “<i>on s’est éloigné des états et des peuples, des réalités structurelles et sociétales de ces populations</i>”, le second partage ce sentiment, déclarant que nombre de conseillers français “<i>sont des recyclages d'anciens influenceurs du système économique français. Ce sont des gens qui sont dans l'idée d'un partenariat affectif et exclusif assez déphasé</i>”. Cette vision est corroborée par cette déclaration “ <i>l'approche française est obsolète. Le contexte actuel n'a strictement rien à voir avec le contexte antérieur or la France a toujours exactement les mêmes méthodes qu'il y a 20 ans</i>” ce qui se traduirait notamment par “ <i>une coopération qui n'a pas été intelligente, la façon dont cela a été fait n'est pas intelligente, la France veut toujours passer par le haut. Maintenant le top Down c'est fini, on est dans le bottom up</i>” faisant que “<i>notre influence tient massivement sur la patience dont nos partenaires font preuve avec nous</i>”. </p>
<p>Cette méconnaissance amènerait à des erreurs de communication “<i>Les Français en affaires font du bruit pour des peanuts… Ils font tellement de pub qu'on croirait qu’à chaque fois ils refont le plan Marshall alors qu’au final c'est quoi? 50 000 ou 100 000 €, mais ils font du bruit comme s' il s'agissait de milliards, c'est ça le problème</i>”. Et ces erreurs seraient lourdes de conséquences “<i>la posture que la France prend lui attire des inimitiés principalement auprès des jeunes. Or la population sénégalaise est très jeune et sensible. Si vous regardez les images de mai 68 ce ne sont pas des adultes qui sont au premier rang ce sont des étudiants, des jeunes</i>”.<b> </b></p>
<p>Ces “ratés” auraient participé à “<i>laisser la place à d’autres de s’immiscer parce que notre méconnaissance a permis des gaffes qu’il était facile d’utiliser dans des discours allant à l’encontre des intérêts français”</i>, et à faciliter la pénétration de communications apte à s’adapter aux évolutions du contexte même si son impact reste faible. Comme le résume ce verbatim “<b> </b><i>on peut sortir un argument postcolonial hyper basique qui va atteindre les Français en réputation et/ou en interprétation, je ne dis pas que ce que les Russes font est fin, mais ils ont une souplesse dans l’ingénierie”.</i></p>
<p><i>In fine</i>, il ressort majoritairement de ces entretiens que “<i>la France n'a pas su s'adapter à un changement culturel, et social du pays qui est renforcé par les opérations informationnelles russes : en clair ils travaillent principalement sur notre incapacité à sortir de représentations dépassées</i>”. Pire, au lieu de remettre en question cette obsolescence d’analyse, l’aveuglement aurait été renforcé : “<i>au lieu de se remettre en cause quand il voit qu'il y a un problème c'est beaucoup plus facile de dire que c'est de la faute des autres notamment que ça va être de la faute des campagnes informationnelles russes, mais ce n'est pas forcément le cas du moins ce n'est pas comme cela que je le perçois</i>”.</p>
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<p>Concernant Madagascar, les sujets entendus pensent largement que les campagnes informationnelles russes ne touchent que très faiblement la sphère économique. Il est ainsi noté par exemple que “<i>les Russes sont très discrets à Madagascar</i>” et que “<i>le nombre de créations d’entreprises russes à Madagascar a très peu évolué, même si certaines ont eu par moment un impact médiatique, notamment dans un contexte d’élections présidentielles</i>”. Cela corrobore les données chiffrées présentées dans le paragraphe 2.2. Ce constat doit néanmoins être relativisé, car “<i>les bases de données économiques dont on dispose sont parcellaires et il n’y est pas fait mention de l’origine des entreprises</i>”. De ce fait, localement, une partie de la présence russe pourrait ne pas être totalement appréhendée, générant pourtant un sentiment local qu’il serait intéressant de pouvoir analyser.</p>
<p>Par ailleurs, aucun des experts interviewés ne fait mention d’un sentiment de changement dans la perception de ces campagnes par les entreprises françaises qui semblent relativiser leur impact, tant sur le plan des retombées business que dans les éléments de négociation. En revanche, “<i>la question des îles éparses est importante et hautement stratégique [...] notamment dans les possibles exploitations des gisements qui sont probablement présents [...], mais c’est une question sensible, surtout politiquement</i>”. Cette analyse révèle que les campagnes russes, dont les effets ne sont pas réellement démontrés, pourraient avoir une visée de plus long terme, tant d’un point de vue économique, que stratégique, notamment dans la zone des îles éparses.</p>
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<p><b>Conclusion</b></p>
<p>Il ressort de cette étude un décalage fort entre la perception des investisseurs français concernant l'impact des opérations informationnelles russes et leur réalité mise en lumière par l’analyse de la pénétration russe des marchés et par l’analyse des acteurs de terrain qui ne perçoivent pas de lien direct. </p>
<p>Un point important est que les campagnes informationnelles sont majoritairement opportunistes, et contextuelles, même si sur la grande Île elles bénéficient d’une reprise par des élites locales teintée d’une amitié héritée des années 80. </p>
<p>En réalité, l'efficacité (toute relative) de ces campagnes dans le business serait surtout le fruit de la maladresse française, d’une inadaptation aux réalités du terrain doublée d’un immobilisme dans la pensée et les approches. Cela aurait pour doubles conséquences de prêter le flanc à des campagnes dont la plus grande qualité serait d’alimenter des dialectiques déjà présentes localement et reprises par “<i>quelques artisans spécifiques et têtes de pont comme Kémi Séba</i>”, mais cela permettrait aussi de renforcer la posture de stase française qui ne verrait l’évolution défavorable du marché le fruit d’une campagne de dénigrement plutôt que des erreurs permettant à cette dernière d’exister et un immobilisme dommageable. En quelque sorte, outre son efficacité limitée, ces campagnes pourraient devenir un élément utilisé pour cacher la réalité d’une stratégie d’approche et de négoce française ayant besoin d’être repensé pour s’adapter à des contextes africains fondamentalement modifiés.</p>
<p>S’il apparaît que les campagnes d'influence bien qu’existantes ont un impact business faible, l'analyse mérite néanmoins d’être poussée au-delà de la situation présente. Les implantations économiques russes se focalisent sur le secteur énergétique notamment sur la Grande Île où les énormes ressources en nickel, en cobalt, en uranium revêtent un intérêt fort, de même que les réserves de pétrole et de gaz identifiées dans l’offshore très profond, autour de Juan de Nova. En outre, à long terme affaiblir la France dans l'île pourrait relancer le débat sur les îles éparses dont le contrôle a des conséquences directes sur la zone exclusive dans le Mozambique. Il est ici à rappeler que cette zone revêt également un intérêt géostratégique dans la mesure où elle se situe sur une importante route maritime reliant l’Asie et le Moyen-Orient à l’Europe et aux Amériques. C’est d’ailleurs entre autres une des raisons de la présence militaire française au travers des navires de la Marine nationale et des appareils de l’Armée de l’air qui en assurent à la fois la surveillance de la ZEE et le ravitaillement des garnisons et stations météorologiques présentes.</p>
<p>En outre, la dialectique de ces campagnes pourrait concourir à renforcer le discours porté par des agitateurs locaux bien implantés. En surfant sur un mécontentement et des aspirations de renouveau d’une population très jeune, on pourra s’interroger sur l’effet obtenu lors des prochains votes appelant aux urnes nombre de primovotants particulièrement sensibles à ce type d’arguments. Néanmoins, là encore définir le poids de ces campagnes sur un scrutin pourrait s’avérer une gageure, particulièrement si elles ne font qu’accompagner un mouvement populaire qui leur préexistait.</p>
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