La rapidité des développements technologiques dont ceux liés à l’information, la complexité et le caractère aléatoire de l’économie mondiale, imposent désormais à l’entreprise et par extension à l’État, étant donné que c’est un acteur important de l’environnement de l’entreprise, d’avoir une réflexion stratégique afin de prévoir l’évolution des marchés, de minimiser les incertitudes, d’aboutir aux choix qui prépareront l’entreprise aux risques et qui lui permettront également de saisir les opportunités pour faire face, dans les meilleures conditions possibles, aux évolutions incessantes. Plus que jamais, le développement et même la survie des entreprises passent par la maîtrise d’une information toujours plus « complexe », toujours plus présente, toujours plus nécessaire (Dou, 1992).  Les informations issues des documents brevets sont une source d’information scientifique et technique importante à plusieurs égards (De Rassenfosse et van Pottelsberghe, 2008 ; OCDE, 2009 ; Fisch, Sander et Regner, 2017). Le dénombrement des brevets déposés auprès des offices et l’analyse statistique de leurs caractéristiques fournissent une mesure de l’activité de recherche dans la quasi-totalité des secteurs (Barée et Laville, 1994). Que ce soit pour un pays ou pour une grande entreprise, il est fondamentalement nécessaire d’avoir des indicateurs généraux qui permettront de mesurer la capacité d’innovation dudit pays ou de ladite grande entreprise pour connaître leurs forces et leurs faiblesses respectives. Si ces indicateurs s’attachent à évaluer l’innovation d’une grande entreprise, le champ d’étude peut se restreindre au secteur d’activité de cette dernière. Par contre, s’ils sont appliqués au niveau macroéconomique comme la détermination de la puissance d’innovation dans un pays, le champ d’étude s’élargit et concernera tous les domaines d’activités : hydrocarbure, pharmaceutique, agriculture, industrie, etc.  La problématique de notre recherche s’inscrit dans cette dernière perspective (macroéconomique) et a pour questionnement général : comment l’État algérien (les acteurs décisionnels) peut se donner les moyens de pilotage concernant sa puissance d’innovation, notamment celle qui concerne les secteurs clés de son tissu économique ?  Ce travail de recherche s’inscrit dans une réflexion générale sur les moyens de pilotage. Par moyen de pilotage, nous entendons la manière par laquelle l’Algérie peut suivre l’état de l’évolution technologique de ses secteurs stratégiques et peut déterminer la présence de « dépendance stratégique » (Dou, Juillet, Clerc, 2018) par rapport au monde extérieur (pays étrangers) dans l’un de ses secteurs.  Dans notre article, nous nous intéresserons aux expériences que les inventions engendrent, non pas au sens de la réutilisation des technologies existantes (innovation frugale) mais au sens de l’exploitation de la production informationnelle qu’elles contiennent (les brevets) pour créer des connaissances stratégiques, utiles au système de décision de l’une des composantes essentielles à l’essor économique d’un pays, les institutions.  Les études qui se sont intéressées au domaine de l’innovation algérienne (Amdaoud, 2017 ; Djeflat, 2006 ; Hammoutene et Ferfera, 2015 ; Haudeville et Bouacida, 2006 ; Mancer, 2011), estiment que le pays n’a pas su entreprendre la politique nécessaire pour réussir ce transfert technologique et accéder au rattrapage économique espéré. C’est par ce constat que nous nous sommes intéressés au domaine de l’innovation algérienne.   Nous analyserons dans cet article les domaines d’application des brevets déposés en Algérie. Le recueil des brevets se fera par le biais d’un outil open source, Patent2Net. Ce dernier permet d’interroger la base de données Espacenet (110 millions de documents brevet).  L’objectif est de déterminer, selon le principe de Dou, Juillet et Clerc (2018), d’éventuelles dépendances stratégiques technologiques dans les secteurs d’activités clés de ce pays. En effet, nous avons constaté dans notre corpus que les dépôts prioritaires, c’est-à-dire les brevets déposés en Algérie par les Algériens, sont très faibles (102 brevets), soit une contribution de 5,81% par rapport au total des dépôts (1753 brevets). Nous postulons dès lors que l’Algérie a une forme de « dépendance stratégique » par rapport aux technologies détenues par les brevets déposés sur son territoire. Nous proposerons ensuite des recommandations pour le pilotage de l’innovation en Algérie à travers l’information scientifique et technique. En effet, nous estimons que l’exploitation de l’information brevet dans le cadre d’une démarche d’intelligence économique reposant sur les mécanismes du cycle de renseignement peut constituer un moyen efficace de description des forces et enjeux de l’industrie nationale algérienne ainsi que la définition de nouvelles stratégies de développement.       Bibliographie AMDAOUD M., « Le Système National d’Innovation en Algérie : entre inertie institutionnelle et sous-apprentissage », Innovations, Vol.2, N°53, pp. 69-104, 2017. BARRÉ R., LAVILLE F., « La bibliométrie des brevets : une mesure de l'activité technologique », Économie et statistique, Vol.275, N°1, pp. 71-81, 1994. DJEFLAT A., L'économie fondée sur la connaissance : état des lieux et perspectives pour l'Algérie, Éditions Dar El Adib, Oran , 2006. DE RASSENFOSSE G., VAN POTTELSBERGHE DE LA POTTERIE B., « A Policy Insight into the R&D Patent Relationship », Research Policy, Vol.38, N°5, pp. 779-792, 2008. DOU H., La veille technologique : L’information scientifique, technique et industrielle, Dunod, Paris, 1992. DOU H., JUILLET A., CLERC P., L’intelligence économique du futur 2 : Une nouvelle approche de la fonction information, ISTE Éditions, Londres, 2018. FISCH, C., SANDNER, P., REGNER, L., « The value of Chinese patents: An empirical investigation of citation lags », China Economic Review, Vol.45, pp. 22-34, 2017. OCDE, Manuel de l’OCDE sur les statistiques des brevets, Les Éditions de l’OCDE, Paris, 2009. HAMMOUTENE O., FERFERA M.Y., « Politiques publiques pour le soutien des PME innovantes en Algérie : Bilan et perspectives », Revues EcoNature, N°1, pp. 1-10, 2015. HAUDEVILLE B., BOUACIDA R.Y., « Les relations entre activités technologiques, innovation et croissance dans les PME algériennes : une étude empirique basée sur un échantillon d’entreprises », Actes du colloque international de l’Institut Supérieur de Gestion et de Planification (ISGP), Alger, 2006. MANCER I., « L’entreprise algérienne et l’innovation : un essai d’analyse », Les Cahiers du CREAD, N°98/99, pp. 31-47, 2011.