<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">En 2005, les Laboratoires Théa, <span style="font-family:"Calibri",sans-serif">groupe</span> pharmaceutique français basé à Clermont-Ferrand spécialisé dans les produits d’ophtalmologie, sont victimes d’une campagne de déstabilisation utilisant notamment la désinformation et la manipulation de la connaissance. Cette attaque informationnelle cible leur produit phare : l’Abak, un collyre fabriqué sans conservateur. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Mis au point en 1996, l’Abak est le 1<sup>er</sup> flacon multidose capable de délivrer des gouttes sans conservateur. Rapidement, cette innovation devient l’un des produits ophtalmiques les plus utilisés au monde. Ses ventes représentent alors<i> </i>20 % du chiffre d’affaires total de Théa, soit environ 110 millions d’euros. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Les Laboratoires Théa sont, au début des années 2000, le premier groupe ophtalmologique d’Europe et le 8<sup>ème</sup> laboratoire d’ophtalmologie mondial. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Par sa réussite, Théa attise les convoitises, dont celle d’un concurrent, Europhta, basé à Monaco. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><i>« L’industrie pharmaceutique est un bon terrain de dissémination de rumeurs. Les enjeux financiers sont colossaux, l’appétit des concurrents aiguisé et le domaine délicat, car il touche à la santé, joue sur la peur de la maladie. Affirmer, ou même insinuer, qu’un fabricant de médicaments est un escroc, que son dernier produit miracle ne marche pas, qu’il peut blesser, tuer ou provoquer des dommages irréversibles, c’est déjà remporter une première manche »</i> (Aron & Cognard, 2014).</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Fin 2005, les dirigeants d’Europhta décident de lancer une campagne de déstabilisation informationnelle contre l’Abak. L’objectif : arrêter sa commercialisation en jouant sur le principe de précaution, et favoriser leur produit équivalent.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Quelles formes la désinformation scientifique et la manipulation de la connaissance ont-elles pris ? Comment cette opération a-t-elle été orchestrée ? Comment s’est-elle déroulée ?</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Au cours de cet article, nous détaillerons cette attaque informationnelle. Nous utiliserons pour cela la théorie de la traduction, aussi appelée théorie de l’acteur réseau (en anglais : « Actor Network Theory »). </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">En effet, si les Laboratoires Théa ont été en mesure d’identifier l’attaque, ils ont surtout su mobiliser un ensemble d’acteurs variés et experts. Par ailleurs, d’autres réseaux personnels ont été sollicités, comme ceux d’Henri Chibret, président de Théa, et de Jacques Fournet, alors directeur général de l’entreprise. La mobilisation de ces acteurs autour de la défense du groupe pharmaceutique, a permis de reconstituer le modus operandi de l’attaque, d’identifier les auteurs à l’origine de la polémique, et de mener une contre-offensive à la fois économique et juridique. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Cette stratégie-réseau est l’une des clés de voûte de l’intelligence économique (Moinet, 2010, Marcon, 2014). </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Le cas Théa met en avant la nécessité de mettre en place des dispositifs d’intelligence économique au sein d’une organisation, afin de détecter les menaces qui pèsent sur elle, les contrer et assurer sa sécurité économique. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Il prouve également que toutes les structures peuvent être victimes de manipulation de la connaissance et de désinformation scientifique, y compris dans des territoires ruraux comme le Puy-de-Dôme. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif">Enfin, nous terminerons cet article en expliquant comment les Laboratoires Théa ont réussi à reprendre le contrôle de la situation et inverser le rapport de force à son avantage. </span></span></span></p>