Introduction   L'Afrique, continent aux défis et opportunités diversifiés, se situe au c&oelig;ur d'un écosystème mondialisé, marqué par des guerres économiques et informationnelles- guerres hybrides-, ainsi qu'un potentiel de développement où l'intelligence économique (IE) joue un rôle clef dans les analyses et dispositifs géopolitiques (Jeanne-Beylot, 2021; Mortier et al., 2022). Alors que l'Afrique compte 15% de la population mondiale, l'accès à l'électricité n'est actuellement disponible que pour 46% de la population, représentant 3,2% de l'énergie primaire utilisée mondialement (https://www.who.int/).   L'intelligence économique est un levier stratégique de compétitivité, grâce à la mobilisation de l'information, des connaissances et des compétences (Saïd, 2006). Elle sert de support à la prise de décision pour la société civile et les territoires africains (Delbecque, 2017), en développant des stratégies et des processus renforçant la compétitivité des acteurs, tout en densifiant les dynamiques territoriales (partenariats multiples) (Harbulot, 2019; Guerraoui, 2019; Tchetchoua Tchokonde, 2020). Des politiques d'influence en découlent, avec un modèle adapté où intégration et unité sont renforcées (Le Gouriellec, 2022) dans un environnement en mutation, propice à l’insertion du continent africain dans l’économie mondiale (Banque mondiale, 2022).   Dans ce contexte, l'énergie apparaît comme un vecteur central pour l'IE en Afrique, où les acteurs développent des approches adaptées, en s'inspirant des systèmes extra-africains tout en tenant compte des disparités et des spécificités locales. La société civile, à travers les territoires, met en place une IE où l'énergie est prépondérante dans les dispositifs en construction (Castel du, 2022; Haoudi et al., 2020). Néanmoins, le continent africain est confronté à des défis, tels que les réseaux d’influence, la dépendance informationnelle, la nécessité de conserver ses valeurs ajoutées.   Les sources scientifiques traitant de l’IE en Afrique basées sur le vecteur énergétique font apparaître une politisation de l’information et de l’économie ainsi que les pressions politiques, technologiques et financières de puissances étrangères. L’insertion de l’Afrique dans la géo-énergie (géopolitique de l’énergie) est un enjeu de développement essentiel pour un continent, riche mais où la gouvernance n’est toujours pas optimale. Certains Etats sont ainsi freinés par des problématiques endémiques tant économiques que sécuritaires. L’énergie apparaît alors comme une « arme diplomatique et économique » plus que comme un facteur de prospérité. Certaines parties prenantes de l’Afrique adoptent l’IE comme un levier de politique de développement stratégique, où l’énergie est une source de convoitises de puissances étrangères, accru depuis la guerre de la Russie en Ukraine (2022). La démarche analytique est fonctionnelle pour contextualiser les défis et opportunités de l’IE pour l’insertion de l’Afrique sur la scène économique mondiale.   Il est, dès lors, important de s’interroger les enjeux de l’énergie comme problématique centrale sous le prisme de l’IE en Afrique, tant pour la société civile que pour des états et des territoires concernés. Ainsi, quelles politiques énergétiques la société civile et les territoires doivent-elles développer afin d’accroître leur développement et leur compétitivité ? Quelles stratégies d’influence appliquer au continent pour favoriser son insertion sur la scène internationale ? Sur quels leviers le continent s’axe afin de résister aux pressions des puissances étrangères sur ses ressources énergétiques ?   Ces questions sont d’autant plus sensibles et complexes, que le continent africain n’est pas une entité en soi, mais un agglomérat d’intérêts : - politiques et publics (représentés par les Etats eux-mêmes), - économiques (sous couverts des entreprises financières et non financières présentes), - ainsi que sociaux et sociétaux (avec l’intérêt majeur des populations et des organisations à but non lucratifs pouvant agir sur certains pans de l’économie sociale et solidaire). Finalement, l’énergie étant l’affaires de tous, toutes les organisations et parties prenantes sont concernées. Les enjeux reposent à la fois sur la nécessité de coalitions pro-africaines face à des complexités d’intérêts divergents et individuels des acteurs.   Les apports de cette communication s’orientent sur une agilité de la société et des territoires de l’Afrique face aux mutations de l’écosystème. Les performances induites influent sur leur développement et leur compétitivité. L’énergie est un vecteur de rayonnement qui, adossé à des politiques publiques d’IE adaptées favorisent l’insertion du continent sur le scène internationale.   D’un point de vue méthodologique, cette communication repose sur une approche macro-stratégique, intégrant la géoéconomie et la géopolitique. Notre analyse va, ainsi, reposer sur l’analyse des pratiques de l’IE des acteurs majeurs de l’Afrique autour des enjeux et défis d’optimisation et de valorisation de l’énergie, face : - à des leviers d’influence de la Russie avec les partenariats dans le nucléaire ; - au développement d’une stratégie de conquête et de propagation de son modèle par la République populaire de Chine (RPC) avec les « nouvelles routes de la soie ». D’autres puissances étrangères (ex. : Etats-Unis, pays européens, Inde, etc.) sont également actives en Afrique mais elles ne seront pas envisagées ici afin de ne pas alourdir le texte.   Cette communication vise à approfondir la compréhension et les interactions des enjeux et opportunités pour l'Afrique à travers le prisme de l'énergie, où les pratiques d'IE favorisent le développement et la compétitivité du continent. Les questions clefs abordées incluent les politiques énergétiques, les stratégies d'influence et les leviers pour résister aux pressions des puissances étrangères sur les ressources énergétiques africaines.   La présentation est structurée en deux parties. La première partie se concentre sur les politiques stratégiques d'influence (1), tandis que la seconde partie examine l'adaptabilité anticipatrice du continent aux mutations de l'écosystème pour une insertion sur la scène internationale (2).     1. L'essor de l'intelligence économique en Afrique et l'importance de l'énergie   Dans le domaine de l'intelligence économique (IE), l'Afrique est confrontée à divers défis, tels que la création de connaissances liées au développement, la dépendance à l'information stratégique, les réseaux d'influence internationaux et leur extension sur le continent, la préservation de la valeur ajoutée africaine et l'accélération de la numérisation face à la cybercriminalité (Bondu, 2020). Face à ces enjeux, l'Afrique déploie des politiques d'IE à travers les entreprises, la société civile et les politiques publiques (Jacquemot, 2013).   Dans cette analyse, deux aspects sont explorés : le premier concerne la contextualisation de l'IE en Afrique du point de vue théorique, tandis que le second examine deux exemples concrets et pratiques pour illustrer ces concepts.   1.1. L'africanisation de l'intelligence économique   L'africanisation de l'intelligence économique (IE) englobe à la fois les concepts et les méthodes d'IE adaptées aux enjeux et opportunités stratégiques du continent africain. Les pays africains reconnaissent l'importance de mettre en place des politiques publiques d'IE, tant sur le plan stratégique qu'opérationnel. Parallèlement, certaines puissances étrangères mènent des politiques de conquête, de diplomatie économique et de réseaux. Pour exemples (<a href="https://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/juillet-2021" style="color:#0563c1; text-decoration:underline">https://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/juillet-2021</a>) : - les États-Unis avec l'Africom permettant de déployer un dispositif militaire américain en Afrique, principalement dans les pays de l'Union Africaine (UA) pour garantir l'approvisionnement en matières premières stratégiques, et le CTA, une ONG regroupant environ 200 entreprises, fonctionnant comme une dynamique de guerre économique (réseaux, communication, renseignement) et offrant un accès aux richesses du continent africain ; - la République populaire de Chine (RPC) développe, pour sa part, des stratégies d'appropriation des matières premières et d'influence à travers les nouvelles routes de la soie  ; - la Russie, quant à elle, exerce son influence à travers des groupes tels que Wagner, opérant sous un angle informationnel et paramilitaire.   1.1.1. Des politiques publiques stratégiques adaptées   Ces politiques publiques stratégiques publiques sont liées à l'attractivité du continent africain, entraînant des guerres économiques entre les grandes puissances sur la société civile et les territoires africains (Frimousse et al., 2021). Le développement économique africain est non inclusif, l'économie informelle représentant 40% du PIB global du continent, comme au Nigéria avec 60% ; la corruption représente, quant à elle, 25% du PIB du continent africain (https://www.banquemondiale.org/).   Ces stratégies spécifiques s'appuient sur des piliers de l'IE, tels que la veille stratégique, la sûreté et l'influence (Delbecque, 2027). Des pays tels que le Maroc depuis 2004, le Sénégal depuis 2005, l'Algérie, la République de Côte d'Ivoire (RCI) et le Cameroun ont lancé des politiques publiques d'IE axées sur la définition, la mise en place et le développement de stratégies sectorielles spécifiques et anticipatrices (https://www.banquemondiale.org/). Cela favorise l'amélioration de la compétitivité, le renforcement des compétences et de la coopération, la revitalisation des territoires, la préservation des industries stratégiques et l'accompagnement des entreprises et des institutions dans les politiques d'IE. À titre d'exemple, on peut citer l'information, la formation, les think tanks et l'accroissement de l'intégration africaine dans les institutions internationales, comme les assises africaines et francophones de l'intelligence économique (https://www.assises-africaines-ie.org/).   Dans ce contexte, l'Union africaine apparaît comme un cadre propice pour permettre au continent de s'imposer sur la scène géopolitique en tant que grande puissance économique, zone de libre-échange et institution publique (Aubin, 2022). Parallèlement, l'économie informelle et le renseignement humain sont essentiels pour développer la volonté d'autonomisation vers une culture stratégique africaine (Addy, 2022).   Cette IE est adaptée, car elle encourage les initiatives privées et associatives, le développement de la conscience de l'IE, les solidarités, la résilience, la culture traditionnelle et le poids de l'oralité. Ainsi, des enjeux économiques de l'IE se dégagent. Il convient de citer à titre illustratif la maîtrise des forces politiques : puissances actives - grandes puissances (États-Unis, Chine, Japon, France, Royaume-Uni, Allemagne) et moyennes puissances (Brésil, Turquie, Israël, Arabie saoudite, Qatar) (Ammar, 2023).   1.1.2. Des leviers et des écosystèmes à concilier   Le rayonnement de l'Afrique passe par le développement des énergies renouvelables (solaire, hydroélectricité, biomasse, éolienne, terres disponibles, etc.) et l'efficacité énergétique pour des fins productives (fourniture d'énergie, exploitation du potentiel, solutions décentralisées), afin de répondre aux nouveaux défis auxquels le continent est confronté. L'électrification de l'Afrique est un des axes de solution (Castel du, 2022).   Les leviers reposent sur un pouvoir coercitif, souvent militaire (hard power), associé à l'influence (soft power) et une combinaison des deux (smart power). Deux cas concrets sont emblématiques : - la stratégie des États-Unis avec la diplomatie économique via Africom et CTA ; - et la stratégie de la Chine recourant à l'aide sans condition pour une coopération économique et commerciale, une véritable stratégie de long terme ; la politique des  « cadeaux de souveraineté », comme la construction du siège de l'UA (avec un système informatique qui envoie des données à l'extérieur !) (Bondu, 2020).   Parallèlement, le climat des affaires et la corruption entraînent une mauvaise évaluation du risque, un manque de transparence et une gouvernance dégradée. Pour contrer ces défis, l'IE en Afrique tend à développer la numérisation des données et l'indépendance informationnelle, tels que la compliance et la Due Intelligence (Tchetchoua Tchokonde, 2020). La guerre économique en Afrique menée par les États-Unis représente une menace pour la Chine, voire pour les pays de l'UE. À titre d'exemple, il convient de citer la collecte des GAFAM et l'extraterritorialité du droit américain, qui sont liées au manque de prise de conscience dans les domaines stratégiques (Tchounand, 2022).   Des risques persistent, tels que l'imitation des pratiques économiques sans prendre en compte les spécificités africaines, la segmentation par ethnie et le manque de prise de conscience des domaines stratégiques (gestion de données, ports, minerais). Dans le même temps, l'Afrique ne peut pas développer seule une IE performante. De ce fait, elle reste vigilante quant à la force du multilatéral en lien avec la recherche d'une souveraineté (Macron, 2023).   1.2. La République Populaire de Chine (RPC) et la Russie, deux acteurs majeurs   La Russie et la Chine renforcent leur influence en Afrique, notamment au détriment de la France, comme en témoignent les situations au Mali (depuis juin 2019), en République du Congo (depuis mai 2019) et au Burkina Faso (depuis 2022), entre autres. La Russie exploite les faiblesses de la gouvernance démocratique sur le continent (cooptation des dirigeants, mercenaires du groupe Wagner, désinformation, etc.) (Rozon, 2022). De son côté, la RPC établit des relations solides et approfondies avec les pays africains (partenariats, échanges commerciaux, énergie, minéraux, produits agricoles, etc.). Cette coopération se concentre principalement sur les secteurs industriels et agricoles, notamment avec la mise en place de zones de coopération économique et commerciale dans certains pays africains, et en favorisant une croissance endogène chinoise en Afrique (fonds chinois pour le développement des infrastructures, coopérations consolidant les investissements, notamment dans la construction). Ainsi, la Chine recourt à l'économie et à la diplomatie, en particulier avec la République du Congo, l'Angola et Djibouti (Garcia Herrero et al., 2022). Actuellement, la RPC est le premier partenaire économique de l'Afrique et figure également parmi les principaux bailleurs de fonds. La RPC se positionne en Afrique afin de devenir leader sur la scène internationale.   Au vu de leur importance géostratégique, nous allons analyser l’impact de ces deux pays-clefs pour l'avenir de l'Afrique.   1.2.1. La République Populaire de Chine (RPC) : pour un ciblage des intérêts stratégiques chinois   La diplomatie économique de la RPC se manifeste par une coopération économique et commerciale étroite avec les pays africains. En effet, elle est devenue le premier partenaire commercial de l'Afrique depuis 2009. Deux exemples symboliques ont déjà été mentionnés : la construction offerte par la RPC du siège de l'UA et l'aide sans condition (Garcia Herrero et al., 2022).   L'intelligence économique (IE) en Afrique est primordiale. Les stratégies d'IE accordent une grande importance au renseignement humain, étant donné que les technologies de l'information et de la communication (TIC) ne sont pas aussi présentes dans les systèmes économiques et financiers africains qu'en Occident (Konate et al., 2022). De ce fait, la société civile, à travers les syndicats, les ONG et les associations, joue un rôle essentiel dans la pénétration du territoire africain (Rousseau, 2019). Certaines entreprises africaines, comme Kenya Airways dans le secteur des transports au Kenya ou Vodacom dans le domaine de la communication en Afrique du Sud, sont particulièrement performantes en matière d'IE, probablement en raison des secteurs dans lesquels elles opèrent.   L'IE africaine s'appuie notamment sur les ressources énergétiques locales convoitées par les puissances étrangères, même si celles-ci ne sont pas durables. Il est donc crucial pour l'Afrique de développer des compétences et des stratégies d'IE adaptées à ses enjeux spécifiques, afin de protéger et valoriser ses atouts dans un contexte géopolitique complexe.   1.2.2. La Russie, vers une stratégie externalisée   La Russie adopte, quant à elle, une stratégie hybride en Afrique, combinant l'influence (soft power) à travers le commerce, la diplomatie et la coopération, et des actions plus agressives (hard power), telles que le recours aux mercenaires, les échanges d'armes contre des ressources, la désinformation et l'ingérence électorale (Marchesin, 2023).   L'énergie est fréquemment utilisée par la Russie, qui cherche à se positionner comme une superpuissance et un « sauveur » en matière énergétique, avec un soutien politique, militaire et économique. Par exemple, la Russie finance en partie la construction d'une centrale nucléaire en Égypte (Castel du, 2020). En Afrique, la Russie vise à étendre son influence en matière de sécurité, de maintien de l'ordre et d'approvisionnement en ressources naturelles et énergétiques, en s'appuyant sur la gouvernance instable de certains pays (Goussard, 2020).   La stratégie opportuniste de la Russie comprend le déploiement du groupe de mercenaires Wagner, qui instaure une politique prédatrice des ressources naturelles du continent (Mali, République centrafricaine [RCA], Burkina Faso, etc.). Le groupe Wagner, créé en 2014, est une société militaire privée russe qui défend officieusement les intérêts extérieurs de la Russie. Ce groupe de mercenaires est sanctionné par l'Union européenne et considéré par les États-Unis comme une organisation criminelle internationale (Bensimon, 2023).   Le modus operandi de Wagner consiste à cibler les civils plutôt que les forces étatiques du pays africain concerné, à former des militaires locaux et à établir des bases-arrière dans des zones riches en matières premières, qui servent de source de financement. En outre, les mercenaires de Wagner mènent une guerre de l'information en utilisant des "usines à trolls" et en commettant des exactions, voire des crimes de guerre (Mali en 2022, RCA en 2021, etc.) (https://www.un.org). Cette stratégie d'influence externalisée s'inscrit dans le cadre plus large des luttes d'influence pour les ressources naturelles du continent, notamment minières.   2. Les Leviers d’anticipation dans les écosystèmes en mutation   Les pays africains évoluent dans des écosystèmes en constante transformation, marqués par l'ascension de plusieurs États tels que la Russie, la RPC, la Turquie et les Etats-Unis<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title="">[1]</a>. Parallèlement, le continent dispose d'importants leviers d'influence.   Dans ce contexte en mutation, l'émancipation stratégique de l'intelligence économique est essentielle. Elle vise à renforcer la capacité des pays africains à prendre des décisions et à agir indépendamment des puissances extérieures. Cela implique le développement de politiques, d'outils et de partenariats permettant aux nations africaines de protéger et de promouvoir leurs intérêts et leurs valeurs tout en contribuant à la paix, à la stabilité et à la prospérité sur le continent.   Parallèlement, l'opérationnalité de l'IE doit être à la fois anticipatrice et adaptative face aux défis et opportunités qui se présentent en Afrique. Cela nécessite une approche proactive pour anticiper les enjeux et les tendances émergentes, ainsi qu'adapter en conséquence les politiques, les stratégies et les ressources. L'adaptabilité est également cruciale pour permettre à l'intelligence économique de s'ajuster rapidement et efficacement aux changements dans les environnements politiques, économiques et sécuritaires en Afrique, afin de maintenir sa pertinence et son influence sur le continent. Cette section examine d'abord l'émancipation stratégique de l'intelligence économique (IE) via les leviers de résistance et, ensuite, son opérationnalité à la fois proactive, adaptative et anticipatrice.   2.1. Des leviers de résistance aux pressions des puissances étrangères   Les pays africains disposent de plusieurs leviers de résistance pour faire face aux influences des puissances étrangères, offrant de nombreuses opportunités pour créer de nouveaux équilibres d'influence et de puissance grâce à des stratégies spécifiques (démocratisation, société civile, intégration régionale). Dans ce contexte, deux aspects clefs vont être examinés : l'émancipation stratégique en matière d'intelligence économique et les interactions et stratégies des acteurs internationaux.   D'abord, l'émancipation stratégique en intelligence économique est essentielle pour permettre aux pays africains de renforcer leur indépendance et leur souveraineté. En développant et en mettant en &oelig;uvre des politiques et des initiatives d'intelligence économique adaptées, les nations africaines peuvent protéger et promouvoir leurs intérêts, tout en résistant aux influences extérieures.   Ensuite, il est important d'examiner les interactions et les stratégies des puissances étrangères sur le continent africain. Comprendre les motivations et les tactiques de ces acteurs internationaux permettra aux pays africains de mieux anticiper et répondre aux défis et opportunités qui se présentent, tout en renforçant leur capacité à naviguer dans le paysage géopolitique complexe et en constante évolution.   2.1.1. Politique publiques et UA (Union Africaine) pour une émancipation stratégique en IE   La réussite des politiques africaines d'intelligence économique (IE) repose sur leur capacité à relever, anticiper et répondre aux défis économiques, humains, juridiques et technologiques, ainsi que sur l'élaboration de dispositifs de politiques publiques d'IE spécifiques au continent (Bondu, 2020). L'Union africaine joue un rôle crucial dans l'évolution du continent vers un nouveau paradigme, en favorisant son intégration économique sur la scène internationale et en mettant en place une intelligence territoriale (IT) africaine.   L'intelligence territoriale est définie comme la « capacité d'anticipation, la maîtrise du renseignement de toute nature et l'utilisation organisée des réseaux d'influence et d'actions par des élus et des cadres territoriaux au service du territoire dont ils sont responsables » (Bruneau, 2004). La gouvernance, la formation et la réduction des inégalités territoriales sont trois axes fondamentaux de l'IT pour une IE endogène spécifique à l'Afrique.   L'Union africaine doit jouer un rôle essentiel dans la gestion des données informationnelles (collecte, analyse, diffusion, etc.). À terme, cela permettra aux pays africains utilisant l'IT d'élaborer et de mettre en &oelig;uvre une pensée stratégique d'IE, renforcée par une coopération inter- et intra-africaine. Ainsi équipée, l'Afrique sera en mesure de contrer les influences et les stratégies des puissances étrangères concernant les ressources naturelles du continent, tout en maintenant la stabilité des régimes et systèmes en place (Leboeuf, 2019).   2.1.2. Entre profit stratégique et interaction des puissances étrangères    L'Afrique représente un terrain de confrontation dans la guerre économique et informationnelle pour les ressources stratégiques, notamment énergétiques et minières, avec une population jeune en pleine croissance, impliquant les grandes puissances comme la Russie, la Chine, les États-Unis et les pays de l'UE (Baumard, 2002 ; https://www.banquemondiale.org).   Les politiques publiques d'intelligence économique (IE) en Afrique sont des leviers essentiels pour stimuler la compétitivité économique du continent. L'IE en Afrique se base principalement sur trois piliers (https://www.banquemondiale.org) :   - Le pilier économique s'appuie sur le renseignement économique, comme la ZLECAF (zone de libre-échange continentale africaine), les certifications, la sensibilisation et l'information, ainsi que l'Union africaine (UA) ; - Le pilier défense se concentre sur la sécurité économique, comme la protection de la propriété intellectuelle et du patrimoine informationnel ; - Le troisième pilier se focalise sur l'influence et l'information/désinformation, par exemple dans les instances de négociation et de décision internationales, les ONG, les sommets UE-Afrique, Chine-Afrique et Russie-Afrique.   La problématique centrale réside dans les obstacles endogènes africains, tels que le surendettement et la dépendance économique et financière, ainsi que les freins exogènes africains, comme le manque de cohésion et l'absence de politique interafricaine cohérente (https://www.afd.fr/).     2.2. Des pratiques d’IE vers une opérationnalité anticipatrice et adaptative   L'intelligence économique (IE) en Afrique se base sur des leviers d'anticipation et d'adaptation, où les acteurs publics et privés jouent un rôle crucial dans l'élaboration de nouveaux modèles d'affaires face aux incertitudes géopolitiques de l'écosystème en constante évolution. Nous aborderons, ici, deux postures : celle de la stratégie de défense/influence adoptée par la République du Congo et le Cameroun, et celle de la logique de puissance selon la Tunisie et le Burkina Faso.   2.2.1. Entre défense et influence : le cas de la République du Congo et du Cameroun   La République du Congo fonde sa vision de l'intelligence économique (IE) sur des aspects défensifs tels que les services de renseignement, le contre-espionnage et la sûreté, ainsi que sur des stratégies d'influence et de lobbying, comme des approches indirectes ou de ruses politiques (Konate, 2022). Les enjeux concernent la géopolitique, le pétrole, le climat, la stratégie de développement et les puissances étrangères telles que la Chine, l'Inde, l'Iran, la Turquie, le Brésil et l'Union européenne. La République du Congo privilégie la volonté de puissance plutôt que la pensée stratégique, comme en témoigne la diplomatie verte (Peva, 2022). L'absence de vision prospective et de culture managériale adéquate engendre des freins endogènes et exogènes, tels que le manque d'accès à l'information professionnelle et le désintérêt pour la réflexion stratégique (Unesco, 201). Les entreprises du Congo sont confrontées à des défis majeurs, tels que le manque de prospective face aux enjeux. Les acteurs de l'IE, y compris les pouvoirs publics, doivent alors devenir stratèges (Bondu, 2020 ; Konate, 2022).   Au Cameroun, l'IE vise à créer des synergies entre les parties prenantes pour comprendre la guerre économique et informationnelle. Des projets sont en cours pour renforcer les stratégies d'influence et les dispositifs de veille, notamment dans le secteur de l'électricité et l'entreprise ENEO (Azeumo, 2013). Face aux enjeux internationaux complexes, le Cameroun adopte une politique de soft power axée sur le cyberespace, la fiscalité et la finance, en s'appuyant sur la coopétition avec les multinationales, les fonds d'investissement et la 5G. L'influence du Cameroun réside probablement dans sa capacité à influencer les normes, des leviers d'interaction encore sous-utilisés mais importants (Pout, 2022).   Ainsi, les entreprises sont confrontées à des défis et des enjeux de taille, tels que le manque de réflexion, le manque de prospective face aux enjeux. Dès lors, les acteurs de l’IE plus que les pouvoirs publics sont directement impliqués et concernés. Les entreprises et l’Etat doivent alors devenir stratèges. (Bondu, 2020 ; Konate, 2022)   2.2.2. Vers une logique de puissance : le cas de la Tunisie et du Burkina Faso   La guerre économique et informationnelle en Tunisie s'inscrit dans une logique de puissance, axée sur la volonté politique de l'État, le pilotage institutionnel et une vision bidirectionnelle et panafricaine de l'intelligence économique (IE). La construction d'une intelligence collective et territoriale, sociale et sociétale, vise à créer des sphères d'influence face au co-développement (Frimousse et al., 2019).   En Tunisie, la veille stratégique des entreprises pour conquérir de nouveaux marchés dans un environnement mondialisé et concurrentiel repose sur un solide réseau de PME, malgré une situation politique fluctuante. Le pays tend à mettre en place une politique publique stratégique d'IE, mais le principal obstacle réside dans les difficultés de coopération entre les secteurs public et privé (Ben Amor, 2021). L'IE est intégrée dans le « Référentiel national de développement » (2010) et la « Stratégie de croissance accélérée et de développement durable » (2019), avec la création d'une cellule d'IE prévue pour 2028. Les piliers de cette stratégie sont l'opérationnalité des initiatives d'accompagnement de l'État, la diffusion de la culture d'IE et l'accompagnement des entreprises et de la formation, visant à accroître la compétitivité (Konate, 2022).   Au Burkina Faso, les secteurs public et privé coopèrent en matière d'IE, avec un accent sur les données informationnelles soutenues par les nouvelles technologies. Cependant, le frein actuel réside dans la veille insuffisante mise en place par les PME (Konate, 2022).     Conclusion   Face à la réduction de l'influence de la France (retrait militaire, mutualisation des bases militaires, baisse de la francophonie, ressenti anti-français), le gouvernement français cherche à contrer les influences croissantes de la Russie (mercenaires du groupe Wagner, ventes d'armes et de céréales) et de la Chine (nouvelles routes de la soie, instituts Confucius, construction et BTP, automobile, mines, textile, technologie) (Cnuced, 2022). La part de marché de la France en Afrique est, ainsi, passée de 10,6% en 2002 à 4,4% en 2022, tandis que celle de la Russie (1,4% en 2002 à 2,4% en 2022) et de la Chine (3,8% à 18,8%) a augmenté significativement (Cnuced, 2022).   L'insertion de l'Afrique sur la scène internationale dépend des politiques publiques stratégiques d'intelligence économique (IE). Les pays africains affichent des résultats mitigés et variables, mais la prise de conscience de l'importance de l'IE est réelle, avec de nombreuses initiatives malgré de nombreux obstacles internes et externes. Parallèlement, un nouveau jeu d'influence émerge, impliquant la coordination entre énergéticiens, institutionnels, financiers, nouveaux entrants et acteurs locaux, qui impactent les politiques stratégiques et favorisent l'émergence de solutions adaptées, notamment en matière d'énergies renouvelables (https://www.ademe.fr/; Castel du, 2022).   L'énergie est un acteur clef de la nouvelle géopolitique africaine, où les stratégies d'influence et de contre-influence joueront un rôle crucial à l'horizon 2030-2050. Les mutations en cours évoluent vers une économie positive qui tient compte des nouveaux enjeux et défis (https://www.ademe.fr/; Castel du, 2022).   L'Afrique pourra-t-elle mettre en place les moyens nécessaires pour réaliser ses ambitions en matière d'IE, en se concentrant sur les dossiers d'influence incontournables tels que les normes?     Bibliographie   ADDY, R., et al.(2022), The Business in Africa Narrative Report, Africa No Filter, février 2022, 56 p. AMMAR, R. (2023), Contours et enjeux du partenariat, Baudelaire, 2023, 96 p. ARTIS A. (2018), Coopération, gouvernance, territoire et transition énergétique, éditons Campus ouvert, 2018. AUBIN, L. (2022), IV / La Russie dans un monde multipolaire : une puissance isolée ?, dans : Lukas Aubin éd., Géopolitique de la Russie. Paris, La Découverte, « Repères », 2022, p. 111-159. AZEUMO, S-W.(2013), L'intelligence économique camerounaise (Iec), L’Harmattan, 2013, 94 p. 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Source : CNUCED, 2022. </div> </div>