INTRODUCTION : Les actions menées par l’organisme de bassin SASS sont adossées à un système d’information complexe qui intègre trois composantes (Base de données relationnelle, SIG et modèle numérique).  Les objectifs de cette cet écosystème informationnel est de collecter, partager l’information existante entre les trois pays et mettre en &oelig;uvre une base de données commune. La façon dont l’information est collectée, traitée et partagée entre les trois pays constitue ainsi le noyau dur de cette étude. Il est important de noter que ce vaste projet a été initié afin d’analyser l’information existante au niveau des trois pays et mettre en place une base de donnée au niveau régional.   Il s’agit d’étudier plus particulièrement l’attitude des réseaux d’experts africains face à l’information et les rapports qu’ils entretiennent avec la technologie afin de produire de nouvelles connaissances actionnables.   Dans la littérature en management stratégique, il existe un large consensus entre praticiens et théoriciens pour affirmer que cette démarche relève d’un système « intelligent » de gestion de la connaissance dans les Etats (Goria,2006), pour ce faire nous appuierons notre réflexion sur une étude de cas exploratoire d’un organisme de bassin. Notre question de départ, choisie délibérément large, consiste à comprendre comment les centres d’expertise pratiquent l’intelligence économique. A présent, nous déclinons cette question en deux principales questions de recherche : 1. Quel rôle joue l’interaction avec la technologie dans l’émergence des pratiques d’intelligence économique ? 2. Comment peut-on expliquer le succès de l’appropriation des systèmes d’information dans un centre d’expertise ?    L’enjeu est pour nous de comprendre comment s’articulent et se coordonnent la démarche de gestion de l’information comme « commons » et la démarche de gestion de la connaissance au sein d’un organisme de bassin, en partant de l’hypothèse théorique qui émerge de la littérature théorique de leur articulation. Dans la première partie, nous présentons une synthèse de l’état de l’art sur les rôles de l’intelligence économique, la seconde partie est consacrée à la présentation du cadre théorique. Enfin, dans la troisième partie, nous présentons le cas étudié, la méthode d’enquête et les résultats obtenus. 1. Cadrage théorique : intelligence économique et gouvernance des communs informationnels 1.1 Les rôles de l’intelligence économique Il existe un large consensus pour affirmer l’articulation entre les pratiques de gestion de l’information et les pratiques de gestion de la connaissance dans l’entreprise (Cohendet, 2000).  L’intelligence économique vient s’imposer depuis les années 90 comme une démarche qui combine ces deux pratiques en s’appuyant sur un système « intelligent » de gestion de l’information au sein des entreprises et dans les Etats (Feldmann et March, 1991). On peut associer l’évolution des rôles de l’intelligence économique à l’évolution chronologique du concept dans la littérature en management stratégique.  Durant la phase qui s’étend dans les années 1960-1970,  l’IE est sensée jouer un rôle de veille en collectant et stockant l’information, cette phase est qualifiée de « Business Intelligence ».  Le second rôle qualifié d’intelligence sur la concurrence est caractérisé par l’émergence d’un certain formalisme (Prescott, 1995), ce rôle est associé à la phase de « Compétitive Intelligence » et marqué par les travaux de Porter. <a name="_Hlk132252505">Si la question du stockage de l’information est centrale, celle de son partage l’est tout autant. Cette capacité nécessite d’entrer dans les processus organisationnels pour comprendre comment l’information est interprétée par les membres de l’organisation . Le troisième rôle de l’IE qualifié d’intelligence organisationnelle a pris de l’importance avec son fondateur (Wilensky, 1967, P.176) qui considère qu’il faut penser l’intelligence collective dans les organisations, l’intelligence induit une organisation habile dans le recueil, l’analyse et l’interprétation des informations. La question du passage de l’interprétation individuelle à l’interprétation organisationnelle sera creusé plus tard, notamment par Weick (1995 ; 1984) qui montrera que la construction de sens est un processus d’ « enactement », d’interprétation et d’action. La carte cognitive collective, l’interprétation et l’attribution de sens est la démocratisation de l’intelligence dans les organisations. </a> 1.2 La socio-matérialité des systèmes d’information comme grille d’analyse Les recherches sur la sociomatérialité portent sur les conséquences de l’arrangement des matériaux physiques ou digitaux d’un artefact dans des formes particulières, résilientes à travers le temps et l’espace  (Leonardi, 2013). Nous comparons les bases théoriques alternatives sur lesquelles l’étude de la sociomatérialité des systèmes d’information peut être construite : l’ontologie substantialiste et l’ontologie relationnelle. Nous orientons notre réflexion sur les apports d’une ontologie relationnelle dans l’analyse des organisations et aux possibilités d’action, d’interactions et d’action collective qu’offrent les artefacts, les technologies, les objets frontières (Fekete, Hufschmidt & Kruse, 2014) aux organisations faisant face aux crises. Aujourd’hui, l’un des sujets les plus débattus dans la discipline des systèmes d’information est la sociomatérialité. Ce courant philosophique se distingue par son attention portée à la relation entre le social et le matériel dans le contexte d’une société de plus en plus numérique. Différentes conceptualisations de la matérialité sociale ont émergé prenant différentes positions philosophiques « le réalisme agentiel » et  le « réalisme critique ». Alors que l’ontologie du réalisme agentiel suppose que « le social et le matériel sont inséparables, il n’ya que le socio matériel » (Orlikowski, 2010 ; Orlikowski et Scott, 2008 ; Barad, 2007), le réalisme critique » comme courant philosophique qui permet d’étudier la matérialité et son rôle dans l’organisation, suppose de traiter les technologies comme étant une propriété structurelle indépendante des personnes et en dehors du domaine de l’action (Leonardi, 2012 ; Mutch, 2013). 1.3.Les racines de la pensée des communs Elinor Ostrom est aujourd’hui une référence sur la question des communs. Elle a entrepris une série d’études empiriques des cas de gestion des ressources dans le monde en combinant des références très diverses notamment en sciences économiques et sciences politiques synthétisé dans son cadre « Analyse et développement institutionnel<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a> » (ADI). Parmi ses apports majeurs à l’analyse des communs est son analyse sur les institutions qui favorisent une auto-organisation et auto-gouvernance des biens communs. Ces principes présentés dans son ouvrage, sont au nombre de huit : 1) des droits de prélever des unités de ressources d’une ressource commune sont clairement définis ; 2) la concordance entre les règles d’appropriation et les conditions locales; 3) des dispositifs de choix rationnel ; 4) la surveillance ; 5) des sanctions graduelles ; 6) des mécanismes de résolution des conflits ; 7) une reconnaissance minimale des droits d’organisation ; 8) des entreprises imbriquées dans la résolution des conflits et la gouvernance. 1.4 Des communs tangibles aux communs intangibles Coriat (2015) définit les biens communs « informationnels » comme une collection d’informations et de connaissances qui traitent d’ensembles de ressources constituées de biens non rivaux et généralement non exclusifs (Coriat, 2015).  De nombreux chercheurs ont montré que les problèmes rencontrés pour gérer une ressource informationnelle commune sont les mêmes que ceux affrontés pour gérer une ressource commune physique (Kollock et smith, 1996 ) ; Forte et al. (2009) ; Cardon et Levrel (2009). Ces auteurs ont montré que plusieurs variables développées dans le cadre d’analyse (ADI) sont présentes dans les systèmes d’information tels que les règles de coopération en vigueur, le principe de surveillance, les attributs de la communauté,  l’appropriation, la surveillance, les sanctions et la régulation multi-niveau.  Il semble que les défis rencontrés par les collectifs auto-organisés autour des biens communs physiques, constitution des règles, surveillance, mécanisme de contrôle, sanction graduée, arbitrage des conflits soient les mêmes pour les collectifs qui gèrent une information mutuelle. (Anderson et al, 2014), montrent qu’une analyse des flux informationnels  combinée à une analyse du pouvoir des acteurs de la communauté contribue à une meilleure compréhension  du système de gouvernance des ressources communes forestières.  Le cadre conceptuel ADI permet de suivre le processus de production, d’accès, de partage et d’enrichissement des flux informationnels entre les acteurs (Annexe A).   2. Terrain et méthode d’enquête Ce travail fait partie d’un projet plus large consistant en « l’homogénéisation des données hydrogéologiques et géodésiques » au niveau du bassin transfrontalier SASS.  Un consensus semble se dégager chez les chercheurs en Management autour de l’importance d’une approche qualitative dès lors que l’on s’intéresse à étudier la science telle qu’elle se fait dans les laboratoires (Callon et al, 1991). L’idée se fonde sur l’étude des sciences et techniques, en action et en pleine controverse.  Nous avons opté pour une observation d’un mois in-situ dans le laboratoire OSS. Pour le travail présenté ici, le design de recherche qualitatif s’avère particulièrement pertinent car il permet  d’observer les dynamiques comportementales qui émergent de l’interaction avec l’artefact dans les situations d’urgence.     2.1. Contexte du projet SASS L’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) est une organisation intergouvernementale internationale créée en 1992 et basée  à Tunis (Tunisie). La structure de recherche traite des thèmes concernant la surveillance environnementale, la gestion concertée des aquifères transfrontaliers, l’appui à la mise en &oelig;uvre des accords multilatéraux sur l’Environnement, l’adaptation et la résilience au changement climatique, la gestion intégrée des ressources en eau  (GIRE), l’étude des aspects socio-économiques de la demande en eau, la transition vers l’économie verte et la réduction des risques de catastrophe (OSS, 2017).     2.2 Déroulement de l’ethnographie de laboratoire Les experts du laboratoire SASS interagissent via un système d’information informatique centralisé au niveau du bassin SASS (Annexe B). La notion d’écosystème informationnel (Moore, 1993), est utilisée ici afin d’analyser les interactions entre acteurs hétérogènes associant humains et non humains (ERP / SIG/SGBD) qui donnent une certaine stabilité et irréversibilité au réseau technico-économique (Callon, 1991, p. 196).  La plateforme est gérée par une équipe d’experts qui jouent le rôle d’administrateur de la plateforme. Cette communauté a émergé afin de gérer ce bien informationnel collectif à la frontière entre libre accès et sécurisation des données : routines, collaboration entre pays transfrontaliers, partage des données, des connaissances tacites et explicites entre experts, cette équipe propose une administration des flux informationnels, elle a pour principales taches : ü D’analyser l’information existante au niveau des trois pays ü  Concevoir un système d’information ü Mettre en &oelig;uvre une base de données et un SIG ü Intégrer les trois composantes du système d’information (Base de données relationnelle, SIG et modèle numérique) : intégration de l’information géographique dans la BD, établissement des liens SIG–modèle ) Techniquement, l’écosystème informationnel se définit comme un ensemble de composantes inter reliées : plateformes internet, applications logicielles, réseaux télécommunications, traitement et stockage des données. L’infrastructure technologique comprend les plateformes technologiques où les ordinateurs sont regroupés en infrastructure de type cloud, qui inclut les ordinateurs centraux et locaux, les services de gestion des données, qui permettent de stocker et d’analyser les données et des logiciels d’application. Le système de gestion de l’information repose sur une architecture centralisée où les requêtes sont envoyées vers la base de données commune au niveau central. L’administrateur de la base SASS définit  des procédures claires de mise à jour des informations, définit les codes spécifiques pour chaque type de donnée, définit des règles strictes dans afin de faciliter les actualisations et la gestion dans une base de données commune, met en place des mécanismes de sécurisation des données (autorisation d’accès, contrôle des passagers clandestins). L’avantage d’une telle architecture est l’homogénéisation des données et le faible côut du transfert des données, puisque les pairs communiquent avec le serveur central. Le principal inconvénient est que l’administrateur de la base de donnée commune sert à la fois comme facilitateur et comme goulot pour le traitement d’informations disparates géographiquement ce qui le fragilise.  Pour gérer les informations du bassin SASS, on retrouve trois arènes d’action où s’élaborent les règles de gestion (le niveau régional, le niveau national et le niveau SASS).  Durant les révolutions arabes en 2011, les ingénieurs en Libye ont rapidement abandonné l’utilisation de la plateforme électronique, l’abandon consiste en une rupture brutale de l’utilisation de l’artefact au niveau national mais qui a affecté la base de donnée régionale. L’abandon de l’artefact s’explique par les décalages entre les affordances qu’offrent la technologie et la situation d’urgence. C’est bien au niveau opérationnel que les acteurs n’arrivent plus à élaborer des solutions collectives de coordination. Les ateliers de concertation sont les lieux permettant d’obtenir des accords sur les règles de choix collectifs, ces règles concernent la régulation des conflits grâce aux processus de négociation à l’amiable privilégiant l’apprentissage que la punition.  A ce niveau, le rôle ne serait pas de sanctionner juridiquement, mais de favoriser des mécanismes incitatifs pour un partage des informations et des résultats par pays et par zone d’expertise. Les règles  de choix constitutionnels posent aujourd’hui problème en l’absence de légitimité d’une instance unique qui définit qui a le droit d’utiliser ces ressources informationnelles puisque il ya des informations que les pairs ne peuvent pas partager. 2.3. La recherche de consensus par la méthode Delphi Notre objectif est ici de proposer l’utilisation de la méthode Delphi développée au sein de la Rand Corporation à partir de l’interrogation à plusieurs reprises par questionnaire d’un panel d’experts  (Godet, 2006 ; Okoli et Pawlowski, 2004). Cette technique d’enquête est utilisée dans les études  prospectives comme étape préalable à la construction des scénarios, elle a ainsi été appliquée dans des études prospectives militaires (Dalkey et Helmer, 1963). Les trois tours de questionnaires font apparaitre les tendances lourdes (derrière les consensus), les zones d’incertitudes majeures (derrière les dissensus), mais aussi les germes de changement (des positions minoritaires) (Chapuy et Monti, 1998). 2.3.1.  La mise en &oelig;uvre de la méthode Delphi  Trois étapes apparaissent dans la mise en &oelig;uvre d’une enquête Delphi, l’étape de conception du questionnaire initial, l’étape de la sélection des experts, et l’étape de réalisation de trois questionnaires successifs. Concernant la taille du panel d’experts, elle se justifie selon l’enjeu, le secteur d’activité et le contexte (Okoli et Pawlowski, 2004). L’ethnographie de laboratoire menée dans l’organisme intergouvernemental entre 2012 et 2016 a permis l’identification précise de 24 experts : des ingénieurs en télédétection (3), des ingénieurs en hydrologie (12), des chercheurs universitaires en économie(2), des experts dans d’autres organismes de recherches (7). 2.3.2 L’étape des trois tours de questionnaires : les différents questionnaires ont été envoyés par messagerie électronique sous format Word. Pour le premier tour, les délais de réponse varient entre 1 semaine et 1 mois, la relance des messages s’avère nécessaire afin d’avoir la réponse des experts, les délais de réponse lors du deuxième et troisième tour varient entre 1 jour et 3 jours. 5 grands thèmes sont abordés dans les trois tours du questionnaire. <a name="_Toc494018533">Les différents questionnaires ont été envoyés par messagerie électronique sous format Word, pour le premier tour, les délais de réponse varient entre 1 semaine et 1 mois, la relance des messages s’avère nécessaire afin d’avoir la réponse des experts, les délais de réponse lors du deuxième et troisième tour varient entre 1 jour et 3 jours. 5 grands thèmes sont abordés dans les trois tours de questionnaires : (contexte général, évolution du secteur, contrainte environnement, acteurs externes, obstacles)  en tenant compte de l’enchainement temporel passé-présent-futur. Lors du premier tour, il est d’abord demandé aux experts de noter leur Accord sur chaque proposition sur une échelle de Likert, depuis « pas du tout d’accord » jusqu’à « tout a fait d’accord ». Lors du deuxième tour, on indique à chaque expert la médiane et l’histogramme des premières réponses, les experts doivent confirmer ou modifier leurs positions sur des questions controverses compte tenu de l’avis des autres experts. Une seconde échelle de Likert est construite (depuis « A »,  très important jusqu’à « D, peu important ». Pour le troisième tour, on identifie trois configurations d’acteurs (Groupe 1 avec un large consensus sur les enjeux importants, groupe 2 avec un faible niveau de consensus et des questions jugées pas ou peu importantes pour l’avenir du secteur, Groupe 3 avec des groupes à faible consensus mais qui abordent des enjeux importants pour le secteur, ces positionnements sont importants pour analyser les controverses). </a> 2.3.3 Résultats de l’enquête Delphi : l’enquête Delphi fait d’abord apparaitre des consensus entre le 1er et le 3 ème tour autour du choix des piézomètres dans le bassin SASS. Les opinions des experts convergent quant à leur difficulté d’accéder aux informations sur l’Etat quantitatif et qualitatif de la nappe en Libye. 3. Discussion et conclusion Nous nous demandions en introduction quel rôle joue l’interaction avec la technologie dans l’émergence des pratiques d’intelligence économique, en partant du corpus théorique centré sur l’appropriation des outils de gestion (Vaujany,2006,2009) et sur la grille de lecture que propose l’intelligence économique en centrant son analyse sur la gestion des informations et la production de nouvelles connaissances actionnables (Bender et Fish,2000 ; Davenport et Prusak,1998 ; Weick,1979).    Pour mener cette étude, nous avons étudié un processus de gestion de crise où une partie des acteurs n’arrivent pas à utiliser l’artefact permettant la transmission des informations ce qui a provoqué une rupture brutale. Si le mode de gouvernance est ici qualifié de polycentrique, c’est parce qu’il permet l’enchevêtrement de différentes règles de gestion de l’information. Néanmoins, les conditions biophysiques comme l’éloignement géographique des experts a provoqué une rupture brutale dans la transmission des informations au niveau national et dans la base de donnée régionale. Le cadre d’analyse d’Ostrom apparait comme une approche intéressante pour penser l’intelligence collective dans un centre d’expertise, on a pu montrer que l’intelligence organisationnelle est difficile à identifier , car elle résulte de représentations dans la collecte, le traitement et l’interprétation des données au niveau organisationnel. Les résultats montrent que le fonctionnement sur le court terme de ces collectifs auto-organisés s’inscrit dans le cadre conceptuel d’E Ostrom sur le partage des informations et des connaissances. La réflexion organisationnelle intègre la matérialité qui ne réduit pas à ce qui est en soi matériellement saisissable (conditions biophysiques) mais elle s’étend à la performativité de la technologie c'est-à-dire aux règles et procédures qui sont nées de l’interaction avec l’artefact technique. La matérialité est présente dans la négociation des règles dans les réunions afin de permettre aux Etats transfrontaliers de réagir en cas d’urgence, de bricoler, d’innover et ainsi développer un niveau de résilience organisationnelle indispensable au maintien de la coopération. L’intelligence collective qui émerge dans les réunions de concertation résulte d’une interprétation et d’un partage entre les intelligence individuelles. L’intelligence collective devient une intelligence organisationnelle par la stabilisation du sens attribué aux donnés entre les acteurs organisés Notre recherche comporte des limites inhérentes à la démarche suivie, si l’étude de cas en profondeur révèle bien que c’est dans l’interaction que les savoirs tacites émergent (Nonaka et Tacheuchi,2000) et se stabilisent, le risque est de laisser trop de place à l’intuition. L’opinion du chercheur correspond à une vision locale de l’intelligence organisationnelle vue comme un objet organisé qu’à une compréhension de l’intelligence organisationnelle comme un processus « organizing » (Pesqueux, 2007). Ainsi, il est nécessaire de se demander si les idées crées à partir du cas peuvent être solidifiées par un processus de triangulation et par un travail systématique de comparaison (Dumez, 2013) afin de s’élever en généralité dans le contexte particulier des organisations intergouvernementales en Afrique.                                                                       BIBLIOGRAPHIE Callon M ;  Latour B. (1991), La science telle qu’elle se fait, la découverte, 390 p. Chapuy P., Monti R. (1998), La filière agricole et l'environnement : scénarios 2010 par la méthode Delphi-Abaque de Régnier. Paris (France) : CNAM. 57 p. Cohendet P. (2000) : "La firme comme processeur de connaissances", Séminaire ARC II, CEPREMAP, 5 juin Coriat, B. (2015a). Communs fonciers, communs informationnels. Comment définir un commun ?. Dans B. Coriat (dir.), Le retour des communs : la crise de l’idéologie propriétaire (p. 29-50). Paris, France : Éditions les Liens qui libèrent. 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La façon dont l’information est collectée, traitée et partagée entre les trois pays constitue ainsi le noyau dur de cette étude. Il est important de noter que ce vaste projet a été initié afin d’analyser l’information existante au niveau des trois pays et mettre en place une base de donnée au niveau régional.   Il s’agit d’étudier plus particulièrement l’attitude des réseaux d’experts africains face à l’information et les rapports qu’ils entretiennent avec la technologie afin de produire de nouvelles connaissances actionnables.   Dans la littérature en management stratégique, il existe un large consensus entre praticiens et théoriciens pour affirmer que cette démarche relève d’un système « intelligent » de gestion de la connaissance dans les Etats (Goria,2006), pour ce faire nous appuierons notre réflexion sur une étude de cas exploratoire d’un organisme de bassin. Notre question de départ, choisie délibérément large, consiste à comprendre comment les centres d’expertise pratiquent l’intelligence économique. A présent, nous déclinons cette question en deux principales questions de recherche : 1. Quel rôle joue l’interaction avec la technologie dans l’émergence des pratiques d’intelligence économique ? 2. Comment peut-on expliquer le succès de l’appropriation des systèmes d’information dans un centre d’expertise ?    L’enjeu est pour nous de comprendre comment s’articulent et se coordonnent la démarche de gestion de l’information comme « commons » et la démarche de gestion de la connaissance au sein d’un organisme de bassin, en partant de l’hypothèse théorique qui émerge de la littérature théorique de leur articulation. Dans la première partie, nous présentons une synthèse de l’état de l’art sur les rôles de l’intelligence économique, la seconde partie est consacrée à la présentation du cadre théorique. Enfin, dans la troisième partie, nous présentons le cas étudié, la méthode d’enquête et les résultats obtenus. 1. Cadrage théorique : intelligence économique et gouvernance des communs informationnels 1.1 Les rôles de l’intelligence économique Il existe un large consensus pour affirmer l’articulation entre les pratiques de gestion de l’information et les pratiques de gestion de la connaissance dans l’entreprise (Cohendet, 2000).  L’intelligence économique vient s’imposer depuis les années 90 comme une démarche qui combine ces deux pratiques en s’appuyant sur un système « intelligent » de gestion de l’information au sein des entreprises et dans les Etats (Feldmann et March, 1991). On peut associer l’évolution des rôles de l’intelligence économique à l’évolution chronologique du concept dans la littérature en management stratégique.  Durant la phase qui s’étend dans les années 1960-1970,  l’IE est sensée jouer un rôle de veille en collectant et stockant l’information, cette phase est qualifiée de « Business Intelligence ».  Le second rôle qualifié d’intelligence sur la concurrence est caractérisé par l’émergence d’un certain formalisme (Prescott, 1995), ce rôle est associé à la phase de « Compétitive Intelligence » et marqué par les travaux de Porter. <a name="_Hlk132252505">Si la question du stockage de l’information est centrale, celle de son partage l’est tout autant. Cette capacité nécessite d’entrer dans les processus organisationnels pour comprendre comment l’information est interprétée par les membres de l’organisation . Le troisième rôle de l’IE qualifié d’intelligence organisationnelle a pris de l’importance avec son fondateur (Wilensky, 1967, P.176) qui considère qu’il faut penser l’intelligence collective dans les organisations, l’intelligence induit une organisation habile dans le recueil, l’analyse et l’interprétation des informations. La question du passage de l’interprétation individuelle à l’interprétation organisationnelle sera creusé plus tard, notamment par Weick (1995 ; 1984) qui montrera que la construction de sens est un processus d’ « enactement », d’interprétation et d’action. La carte cognitive collective, l’interprétation et l’attribution de sens est la démocratisation de l’intelligence dans les organisations. </a> 1.2 La socio-matérialité des systèmes d’information comme grille d’analyse Les recherches sur la sociomatérialité portent sur les conséquences de l’arrangement des matériaux physiques ou digitaux d’un artefact dans des formes particulières, résilientes à travers le temps et l’espace  (Leonardi, 2013). Nous comparons les bases théoriques alternatives sur lesquelles l’étude de la sociomatérialité des systèmes d’information peut être construite : l’ontologie substantialiste et l’ontologie relationnelle. Nous orientons notre réflexion sur les apports d’une ontologie relationnelle dans l’analyse des organisations et aux possibilités d’action, d’interactions et d’action collective qu’offrent les artefacts, les technologies, les objets frontières (Fekete, Hufschmidt & Kruse, 2014) aux organisations faisant face aux crises. Aujourd’hui, l’un des sujets les plus débattus dans la discipline des systèmes d’information est la sociomatérialité. Ce courant philosophique se distingue par son attention portée à la relation entre le social et le matériel dans le contexte d’une société de plus en plus numérique. Différentes conceptualisations de la matérialité sociale ont émergé prenant différentes positions philosophiques « le réalisme agentiel » et  le « réalisme critique ». Alors que l’ontologie du réalisme agentiel suppose que « le social et le matériel sont inséparables, il n’ya que le socio matériel » (Orlikowski, 2010 ; Orlikowski et Scott, 2008 ; Barad, 2007), le réalisme critique » comme courant philosophique qui permet d’étudier la matérialité et son rôle dans l’organisation, suppose de traiter les technologies comme étant une propriété structurelle indépendante des personnes et en dehors du domaine de l’action (Leonardi, 2012 ; Mutch, 2013). 1.3.Les racines de la pensée des communs Elinor Ostrom est aujourd’hui une référence sur la question des communs. Elle a entrepris une série d’études empiriques des cas de gestion des ressources dans le monde en combinant des références très diverses notamment en sciences économiques et sciences politiques synthétisé dans son cadre « Analyse et développement institutionnel<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a> » (ADI). Parmi ses apports majeurs à l’analyse des communs est son analyse sur les institutions qui favorisent une auto-organisation et auto-gouvernance des biens communs. Ces principes présentés dans son ouvrage, sont au nombre de huit : 1) des droits de prélever des unités de ressources d’une ressource commune sont clairement définis ; 2) la concordance entre les règles d’appropriation et les conditions locales; 3) des dispositifs de choix rationnel ; 4) la surveillance ; 5) des sanctions graduelles ; 6) des mécanismes de résolution des conflits ; 7) une reconnaissance minimale des droits d’organisation ; 8) des entreprises imbriquées dans la résolution des conflits et la gouvernance. 1.4 Des communs tangibles aux communs intangibles Coriat (2015) définit les biens communs « informationnels » comme une collection d’informations et de connaissances qui traitent d’ensembles de ressources constituées de biens non rivaux et généralement non exclusifs (Coriat, 2015).  De nombreux chercheurs ont montré que les problèmes rencontrés pour gérer une ressource informationnelle commune sont les mêmes que ceux affrontés pour gérer une ressource commune physique (Kollock et smith, 1996 ) ; Forte et al. (2009) ; Cardon et Levrel (2009). Ces auteurs ont montré que plusieurs variables développées dans le cadre d’analyse (ADI) sont présentes dans les systèmes d’information tels que les règles de coopération en vigueur, le principe de surveillance, les attributs de la communauté,  l’appropriation, la surveillance, les sanctions et la régulation multi-niveau.  Il semble que les défis rencontrés par les collectifs auto-organisés autour des biens communs physiques, constitution des règles, surveillance, mécanisme de contrôle, sanction graduée, arbitrage des conflits soient les mêmes pour les collectifs qui gèrent une information mutuelle. (Anderson et al, 2014), montrent qu’une analyse des flux informationnels  combinée à une analyse du pouvoir des acteurs de la communauté contribue à une meilleure compréhension  du système de gouvernance des ressources communes forestières.  Le cadre conceptuel ADI permet de suivre le processus de production, d’accès, de partage et d’enrichissement des flux informationnels entre les acteurs (Annexe A).   2. Terrain et méthode d’enquête Ce travail fait partie d’un projet plus large consistant en « l’homogénéisation des données hydrogéologiques et géodésiques » au niveau du bassin transfrontalier SASS.  Un consensus semble se dégager chez les chercheurs en Management autour de l’importance d’une approche qualitative dès lors que l’on s’intéresse à étudier la science telle qu’elle se fait dans les laboratoires (Callon et al, 1991). L’idée se fonde sur l’étude des sciences et techniques, en action et en pleine controverse.  Nous avons opté pour une observation d’un mois in-situ dans le laboratoire OSS. Pour le travail présenté ici, le design de recherche qualitatif s’avère particulièrement pertinent car il permet  d’observer les dynamiques comportementales qui émergent de l’interaction avec l’artefact dans les situations d’urgence.     2.1. Contexte du projet SASS L’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) est une organisation intergouvernementale internationale créée en 1992 et basée  à Tunis (Tunisie). La structure de recherche traite des thèmes concernant la surveillance environnementale, la gestion concertée des aquifères transfrontaliers, l’appui à la mise en &oelig;uvre des accords multilatéraux sur l’Environnement, l’adaptation et la résilience au changement climatique, la gestion intégrée des ressources en eau  (GIRE), l’étude des aspects socio-économiques de la demande en eau, la transition vers l’économie verte et la réduction des risques de catastrophe (OSS, 2017).     2.2 Déroulement de l’ethnographie de laboratoire Les experts du laboratoire SASS interagissent via un système d’information informatique centralisé au niveau du bassin SASS (Annexe B). La notion d’écosystème informationnel (Moore, 1993), est utilisée ici afin d’analyser les interactions entre acteurs hétérogènes associant humains et non humains (ERP / SIG/SGBD) qui donnent une certaine stabilité et irréversibilité au réseau technico-économique (Callon, 1991, p. 196).  La plateforme est gérée par une équipe d’experts qui jouent le rôle d’administrateur de la plateforme. Cette communauté a émergé afin de gérer ce bien informationnel collectif à la frontière entre libre accès et sécurisation des données : routines, collaboration entre pays transfrontaliers, partage des données, des connaissances tacites et explicites entre experts, cette équipe propose une administration des flux informationnels, elle a pour principales taches : ü D’analyser l’information existante au niveau des trois pays ü  Concevoir un système d’information ü Mettre en &oelig;uvre une base de données et un SIG ü Intégrer les trois composantes du système d’information (Base de données relationnelle, SIG et modèle numérique) : intégration de l’information géographique dans la BD, établissement des liens SIG–modèle ) Techniquement, l’écosystème informationnel se définit comme un ensemble de composantes inter reliées : plateformes internet, applications logicielles, réseaux télécommunications, traitement et stockage des données. L’infrastructure technologique comprend les plateformes technologiques où les ordinateurs sont regroupés en infrastructure de type cloud, qui inclut les ordinateurs centraux et locaux, les services de gestion des données, qui permettent de stocker et d’analyser les données et des logiciels d’application. Le système de gestion de l’information repose sur une architecture centralisée où les requêtes sont envoyées vers la base de données commune au niveau central. L’administrateur de la base SASS définit  des procédures claires de mise à jour des informations, définit les codes spécifiques pour chaque type de donnée, définit des règles strictes dans afin de faciliter les actualisations et la gestion dans une base de données commune, met en place des mécanismes de sécurisation des données (autorisation d’accès, contrôle des passagers clandestins). L’avantage d’une telle architecture est l’homogénéisation des données et le faible côut du transfert des données, puisque les pairs communiquent avec le serveur central. Le principal inconvénient est que l’administrateur de la base de donnée commune sert à la fois comme facilitateur et comme goulot pour le traitement d’informations disparates géographiquement ce qui le fragilise.  Pour gérer les informations du bassin SASS, on retrouve trois arènes d’action où s’élaborent les règles de gestion (le niveau régional, le niveau national et le niveau SASS).  Durant les révolutions arabes en 2011, les ingénieurs en Libye ont rapidement abandonné l’utilisation de la plateforme électronique, l’abandon consiste en une rupture brutale de l’utilisation de l’artefact au niveau national mais qui a affecté la base de donnée régionale. L’abandon de l’artefact s’explique par les décalages entre les affordances qu’offrent la technologie et la situation d’urgence. C’est bien au niveau opérationnel que les acteurs n’arrivent plus à élaborer des solutions collectives de coordination. Les ateliers de concertation sont les lieux permettant d’obtenir des accords sur les règles de choix collectifs, ces règles concernent la régulation des conflits grâce aux processus de négociation à l’amiable privilégiant l’apprentissage que la punition.  A ce niveau, le rôle ne serait pas de sanctionner juridiquement, mais de favoriser des mécanismes incitatifs pour un partage des informations et des résultats par pays et par zone d’expertise. Les règles  de choix constitutionnels posent aujourd’hui problème en l’absence de légitimité d’une instance unique qui définit qui a le droit d’utiliser ces ressources informationnelles puisque il ya des informations que les pairs ne peuvent pas partager. 2.3. La recherche de consensus par la méthode Delphi Notre objectif est ici de proposer l’utilisation de la méthode Delphi développée au sein de la Rand Corporation à partir de l’interrogation à plusieurs reprises par questionnaire d’un panel d’experts  (Godet, 2006 ; Okoli et Pawlowski, 2004). Cette technique d’enquête est utilisée dans les études  prospectives comme étape préalable à la construction des scénarios, elle a ainsi été appliquée dans des études prospectives militaires (Dalkey et Helmer, 1963). Les trois tours de questionnaires font apparaitre les tendances lourdes (derrière les consensus), les zones d’incertitudes majeures (derrière les dissensus), mais aussi les germes de changement (des positions minoritaires) (Chapuy et Monti, 1998). 2.3.1.  La mise en &oelig;uvre de la méthode Delphi  Trois étapes apparaissent dans la mise en &oelig;uvre d’une enquête Delphi, l’étape de conception du questionnaire initial, l’étape de la sélection des experts, et l’étape de réalisation de trois questionnaires successifs. Concernant la taille du panel d’experts, elle se justifie selon l’enjeu, le secteur d’activité et le contexte (Okoli et Pawlowski, 2004). L’ethnographie de laboratoire menée dans l’organisme intergouvernemental entre 2012 et 2016 a permis l’identification précise de 24 experts : des ingénieurs en télédétection (3), des ingénieurs en hydrologie (12), des chercheurs universitaires en économie(2), des experts dans d’autres organismes de recherches (7). 2.3.2 L’étape des trois tours de questionnaires : les différents questionnaires ont été envoyés par messagerie électronique sous format Word. Pour le premier tour, les délais de réponse varient entre 1 semaine et 1 mois, la relance des messages s’avère nécessaire afin d’avoir la réponse des experts, les délais de réponse lors du deuxième et troisième tour varient entre 1 jour et 3 jours. 5 grands thèmes sont abordés dans les trois tours du questionnaire. <a name="_Toc494018533">Les différents questionnaires ont été envoyés par messagerie électronique sous format Word, pour le premier tour, les délais de réponse varient entre 1 semaine et 1 mois, la relance des messages s’avère nécessaire afin d’avoir la réponse des experts, les délais de réponse lors du deuxième et troisième tour varient entre 1 jour et 3 jours. 5 grands thèmes sont abordés dans les trois tours de questionnaires : (contexte général, évolution du secteur, contrainte environnement, acteurs externes, obstacles)  en tenant compte de l’enchainement temporel passé-présent-futur. Lors du premier tour, il est d’abord demandé aux experts de noter leur Accord sur chaque proposition sur une échelle de Likert, depuis « pas du tout d’accord » jusqu’à « tout a fait d’accord ». Lors du deuxième tour, on indique à chaque expert la médiane et l’histogramme des premières réponses, les experts doivent confirmer ou modifier leurs positions sur des questions controverses compte tenu de l’avis des autres experts. Une seconde échelle de Likert est construite (depuis « A »,  très important jusqu’à « D, peu important ». Pour le troisième tour, on identifie trois configurations d’acteurs (Groupe 1 avec un large consensus sur les enjeux importants, groupe 2 avec un faible niveau de consensus et des questions jugées pas ou peu importantes pour l’avenir du secteur, Groupe 3 avec des groupes à faible consensus mais qui abordent des enjeux importants pour le secteur, ces positionnements sont importants pour analyser les controverses). </a> 2.3.3 Résultats de l’enquête Delphi : l’enquête Delphi fait d’abord apparaitre des consensus entre le 1er et le 3 ème tour autour du choix des piézomètres dans le bassin SASS. Les opinions des experts convergent quant à leur difficulté d’accéder aux informations sur l’Etat quantitatif et qualitatif de la nappe en Libye. 3. Discussion et conclusion Nous nous demandions en introduction quel rôle joue l’interaction avec la technologie dans l’émergence des pratiques d’intelligence économique, en partant du corpus théorique centré sur l’appropriation des outils de gestion (Vaujany,2006,2009) et sur la grille de lecture que propose l’intelligence économique en centrant son analyse sur la gestion des informations et la production de nouvelles connaissances actionnables (Bender et Fish,2000 ; Davenport et Prusak,1998 ; Weick,1979).    Pour mener cette étude, nous avons étudié un processus de gestion de crise où une partie des acteurs n’arrivent pas à utiliser l’artefact permettant la transmission des informations ce qui a provoqué une rupture brutale. Si le mode de gouvernance est ici qualifié de polycentrique, c’est parce qu’il permet l’enchevêtrement de différentes règles de gestion de l’information. Néanmoins, les conditions biophysiques comme l’éloignement géographique des experts a provoqué une rupture brutale dans la transmission des informations au niveau national et dans la base de donnée régionale. Le cadre d’analyse d’Ostrom apparait comme une approche intéressante pour penser l’intelligence collective dans un centre d’expertise, on a pu montrer que l’intelligence organisationnelle est difficile à identifier , car elle résulte de représentations dans la collecte, le traitement et l’interprétation des données au niveau organisationnel. Les résultats montrent que le fonctionnement sur le court terme de ces collectifs auto-organisés s’inscrit dans le cadre conceptuel d’E Ostrom sur le partage des informations et des connaissances. La réflexion organisationnelle intègre la matérialité qui ne réduit pas à ce qui est en soi matériellement saisissable (conditions biophysiques) mais elle s’étend à la performativité de la technologie c'est-à-dire aux règles et procédures qui sont nées de l’interaction avec l’artefact technique. La matérialité est présente dans la négociation des règles dans les réunions afin de permettre aux Etats transfrontaliers de réagir en cas d’urgence, de bricoler, d’innover et ainsi développer un niveau de résilience organisationnelle indispensable au maintien de la coopération. L’intelligence collective qui émerge dans les réunions de concertation résulte d’une interprétation et d’un partage entre les intelligence individuelles. L’intelligence collective devient une intelligence organisationnelle par la stabilisation du sens attribué aux donnés entre les acteurs organisés Notre recherche comporte des limites inhérentes à la démarche suivie, si l’étude de cas en profondeur révèle bien que c’est dans l’interaction que les savoirs tacites émergent (Nonaka et Tacheuchi,2000) et se stabilisent, le risque est de laisser trop de place à l’intuition. L’opinion du chercheur correspond à une vision locale de l’intelligence organisationnelle vue comme un objet organisé qu’à une compréhension de l’intelligence organisationnelle comme un processus « organizing » (Pesqueux, 2007). Ainsi, il est nécessaire de se demander si les idées crées à partir du cas peuvent être solidifiées par un processus de triangulation et par un travail systématique de comparaison (Dumez, 2013) afin de s’élever en généralité dans le contexte particulier des organisations intergouvernementales en Afrique.                                                                       BIBLIOGRAPHIE Callon M ;  Latour B. (1991), La science telle qu’elle se fait, la découverte, 390 p. Chapuy P., Monti R. (1998), La filière agricole et l'environnement : scénarios 2010 par la méthode Delphi-Abaque de Régnier. Paris (France) : CNAM. 57 p. Cohendet P. (2000) : "La firme comme processeur de connaissances", Séminaire ARC II, CEPREMAP, 5 juin Coriat, B. (2015a). Communs fonciers, communs informationnels. Comment définir un commun ?. Dans B. Coriat (dir.), Le retour des communs : la crise de l’idéologie propriétaire (p. 29-50). Paris, France : Éditions les Liens qui libèrent. 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La façon dont l’information est collectée, traitée et partagée entre les trois pays constitue ainsi le noyau dur de cette étude. Il est important de noter que ce vaste projet a été initié afin d’analyser l’information existante au niveau des trois pays et mettre en place une base de donnée au niveau régional.   Il s’agit d’étudier plus particulièrement l’attitude des réseaux d’experts africains face à l’information et les rapports qu’ils entretiennent avec la technologie afin de produire de nouvelles connaissances actionnables.   Dans la littérature en management stratégique, il existe un large consensus entre praticiens et théoriciens pour affirmer que cette démarche relève d’un système « intelligent » de gestion de la connaissance dans les Etats (Goria,2006), pour ce faire nous appuierons notre réflexion sur une étude de cas exploratoire d’un organisme de bassin. Notre question de départ, choisie délibérément large, consiste à comprendre comment les centres d’expertise pratiquent l’intelligence économique. A présent, nous déclinons cette question en deux principales questions de recherche : 1. Quel rôle joue l’interaction avec la technologie dans l’émergence des pratiques d’intelligence économique ? 2. Comment peut-on expliquer le succès de l’appropriation des systèmes d’information dans un centre d’expertise ?    L’enjeu est pour nous de comprendre comment s’articulent et se coordonnent la démarche de gestion de l’information comme « commons » et la démarche de gestion de la connaissance au sein d’un organisme de bassin, en partant de l’hypothèse théorique qui émerge de la littérature théorique de leur articulation. Dans la première partie, nous présentons une synthèse de l’état de l’art sur les rôles de l’intelligence économique, la seconde partie est consacrée à la présentation du cadre théorique. Enfin, dans la troisième partie, nous présentons le cas étudié, la méthode d’enquête et les résultats obtenus. 1. Cadrage théorique : intelligence économique et gouvernance des communs informationnels 1.1 Les rôles de l’intelligence économique Il existe un large consensus pour affirmer l’articulation entre les pratiques de gestion de l’information et les pratiques de gestion de la connaissance dans l’entreprise (Cohendet, 2000).  L’intelligence économique vient s’imposer depuis les années 90 comme une démarche qui combine ces deux pratiques en s’appuyant sur un système « intelligent » de gestion de l’information au sein des entreprises et dans les Etats (Feldmann et March, 1991). On peut associer l’évolution des rôles de l’intelligence économique à l’évolution chronologique du concept dans la littérature en management stratégique.  Durant la phase qui s’étend dans les années 1960-1970,  l’IE est sensée jouer un rôle de veille en collectant et stockant l’information, cette phase est qualifiée de « Business Intelligence ».  Le second rôle qualifié d’intelligence sur la concurrence est caractérisé par l’émergence d’un certain formalisme (Prescott, 1995), ce rôle est associé à la phase de « Compétitive Intelligence » et marqué par les travaux de Porter. <a name="_Hlk132252505">Si la question du stockage de l’information est centrale, celle de son partage l’est tout autant. Cette capacité nécessite d’entrer dans les processus organisationnels pour comprendre comment l’information est interprétée par les membres de l’organisation . Le troisième rôle de l’IE qualifié d’intelligence organisationnelle a pris de l’importance avec son fondateur (Wilensky, 1967, P.176) qui considère qu’il faut penser l’intelligence collective dans les organisations, l’intelligence induit une organisation habile dans le recueil, l’analyse et l’interprétation des informations. La question du passage de l’interprétation individuelle à l’interprétation organisationnelle sera creusé plus tard, notamment par Weick (1995 ; 1984) qui montrera que la construction de sens est un processus d’ « enactement », d’interprétation et d’action. La carte cognitive collective, l’interprétation et l’attribution de sens est la démocratisation de l’intelligence dans les organisations. </a> 1.2 La socio-matérialité des systèmes d’information comme grille d’analyse Les recherches sur la sociomatérialité portent sur les conséquences de l’arrangement des matériaux physiques ou digitaux d’un artefact dans des formes particulières, résilientes à travers le temps et l’espace  (Leonardi, 2013). Nous comparons les bases théoriques alternatives sur lesquelles l’étude de la sociomatérialité des systèmes d’information peut être construite : l’ontologie substantialiste et l’ontologie relationnelle. Nous orientons notre réflexion sur les apports d’une ontologie relationnelle dans l’analyse des organisations et aux possibilités d’action, d’interactions et d’action collective qu’offrent les artefacts, les technologies, les objets frontières (Fekete, Hufschmidt & Kruse, 2014) aux organisations faisant face aux crises. Aujourd’hui, l’un des sujets les plus débattus dans la discipline des systèmes d’information est la sociomatérialité. Ce courant philosophique se distingue par son attention portée à la relation entre le social et le matériel dans le contexte d’une société de plus en plus numérique. Différentes conceptualisations de la matérialité sociale ont émergé prenant différentes positions philosophiques « le réalisme agentiel » et  le « réalisme critique ». Alors que l’ontologie du réalisme agentiel suppose que « le social et le matériel sont inséparables, il n’ya que le socio matériel » (Orlikowski, 2010 ; Orlikowski et Scott, 2008 ; Barad, 2007), le réalisme critique » comme courant philosophique qui permet d’étudier la matérialité et son rôle dans l’organisation, suppose de traiter les technologies comme étant une propriété structurelle indépendante des personnes et en dehors du domaine de l’action (Leonardi, 2012 ; Mutch, 2013). 1.3.Les racines de la pensée des communs Elinor Ostrom est aujourd’hui une référence sur la question des communs. Elle a entrepris une série d’études empiriques des cas de gestion des ressources dans le monde en combinant des références très diverses notamment en sciences économiques et sciences politiques synthétisé dans son cadre « Analyse et développement institutionnel<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a> » (ADI). Parmi ses apports majeurs à l’analyse des communs est son analyse sur les institutions qui favorisent une auto-organisation et auto-gouvernance des biens communs. Ces principes présentés dans son ouvrage, sont au nombre de huit : 1) des droits de prélever des unités de ressources d’une ressource commune sont clairement définis ; 2) la concordance entre les règles d’appropriation et les conditions locales; 3) des dispositifs de choix rationnel ; 4) la surveillance ; 5) des sanctions graduelles ; 6) des mécanismes de résolution des conflits ; 7) une reconnaissance minimale des droits d’organisation ; 8) des entreprises imbriquées dans la résolution des conflits et la gouvernance. 1.4 Des communs tangibles aux communs intangibles Coriat (2015) définit les biens communs « informationnels » comme une collection d’informations et de connaissances qui traitent d’ensembles de ressources constituées de biens non rivaux et généralement non exclusifs (Coriat, 2015).  De nombreux chercheurs ont montré que les problèmes rencontrés pour gérer une ressource informationnelle commune sont les mêmes que ceux affrontés pour gérer une ressource commune physique (Kollock et smith, 1996 ) ; Forte et al. (2009) ; Cardon et Levrel (2009). Ces auteurs ont montré que plusieurs variables développées dans le cadre d’analyse (ADI) sont présentes dans les systèmes d’information tels que les règles de coopération en vigueur, le principe de surveillance, les attributs de la communauté,  l’appropriation, la surveillance, les sanctions et la régulation multi-niveau.  Il semble que les défis rencontrés par les collectifs auto-organisés autour des biens communs physiques, constitution des règles, surveillance, mécanisme de contrôle, sanction graduée, arbitrage des conflits soient les mêmes pour les collectifs qui gèrent une information mutuelle. (Anderson et al, 2014), montrent qu’une analyse des flux informationnels  combinée à une analyse du pouvoir des acteurs de la communauté contribue à une meilleure compréhension  du système de gouvernance des ressources communes forestières.  Le cadre conceptuel ADI permet de suivre le processus de production, d’accès, de partage et d’enrichissement des flux informationnels entre les acteurs (Annexe A).   2. Terrain et méthode d’enquête Ce travail fait partie d’un projet plus large consistant en « l’homogénéisation des données hydrogéologiques et géodésiques » au niveau du bassin transfrontalier SASS.  Un consensus semble se dégager chez les chercheurs en Management autour de l’importance d’une approche qualitative dès lors que l’on s’intéresse à étudier la science telle qu’elle se fait dans les laboratoires (Callon et al, 1991). L’idée se fonde sur l’étude des sciences et techniques, en action et en pleine controverse.  Nous avons opté pour une observation d’un mois in-situ dans le laboratoire OSS. Pour le travail présenté ici, le design de recherche qualitatif s’avère particulièrement pertinent car il permet  d’observer les dynamiques comportementales qui émergent de l’interaction avec l’artefact dans les situations d’urgence.     2.1. Contexte du projet SASS L’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) est une organisation intergouvernementale internationale créée en 1992 et basée  à Tunis (Tunisie). La structure de recherche traite des thèmes concernant la surveillance environnementale, la gestion concertée des aquifères transfrontaliers, l’appui à la mise en &oelig;uvre des accords multilatéraux sur l’Environnement, l’adaptation et la résilience au changement climatique, la gestion intégrée des ressources en eau  (GIRE), l’étude des aspects socio-économiques de la demande en eau, la transition vers l’économie verte et la réduction des risques de catastrophe (OSS, 2017).     2.2 Déroulement de l’ethnographie de laboratoire Les experts du laboratoire SASS interagissent via un système d’information informatique centralisé au niveau du bassin SASS (Annexe B). La notion d’écosystème informationnel (Moore, 1993), est utilisée ici afin d’analyser les interactions entre acteurs hétérogènes associant humains et non humains (ERP / SIG/SGBD) qui donnent une certaine stabilité et irréversibilité au réseau technico-économique (Callon, 1991, p. 196).  La plateforme est gérée par une équipe d’experts qui jouent le rôle d’administrateur de la plateforme. Cette communauté a émergé afin de gérer ce bien informationnel collectif à la frontière entre libre accès et sécurisation des données : routines, collaboration entre pays transfrontaliers, partage des données, des connaissances tacites et explicites entre experts, cette équipe propose une administration des flux informationnels, elle a pour principales taches : ü D’analyser l’information existante au niveau des trois pays ü  Concevoir un système d’information ü Mettre en &oelig;uvre une base de données et un SIG ü Intégrer les trois composantes du système d’information (Base de données relationnelle, SIG et modèle numérique) : intégration de l’information géographique dans la BD, établissement des liens SIG–modèle ) Techniquement, l’écosystème informationnel se définit comme un ensemble de composantes inter reliées : plateformes internet, applications logicielles, réseaux télécommunications, traitement et stockage des données. L’infrastructure technologique comprend les plateformes technologiques où les ordinateurs sont regroupés en infrastructure de type cloud, qui inclut les ordinateurs centraux et locaux, les services de gestion des données, qui permettent de stocker et d’analyser les données et des logiciels d’application. Le système de gestion de l’information repose sur une architecture centralisée où les requêtes sont envoyées vers la base de données commune au niveau central. L’administrateur de la base SASS définit  des procédures claires de mise à jour des informations, définit les codes spécifiques pour chaque type de donnée, définit des règles strictes dans afin de faciliter les actualisations et la gestion dans une base de données commune, met en place des mécanismes de sécurisation des données (autorisation d’accès, contrôle des passagers clandestins). L’avantage d’une telle architecture est l’homogénéisation des données et le faible côut du transfert des données, puisque les pairs communiquent avec le serveur central. Le principal inconvénient est que l’administrateur de la base de donnée commune sert à la fois comme facilitateur et comme goulot pour le traitement d’informations disparates géographiquement ce qui le fragilise.  Pour gérer les informations du bassin SASS, on retrouve trois arènes d’action où s’élaborent les règles de gestion (le niveau régional, le niveau national et le niveau SASS).  Durant les révolutions arabes en 2011, les ingénieurs en Libye ont rapidement abandonné l’utilisation de la plateforme électronique, l’abandon consiste en une rupture brutale de l’utilisation de l’artefact au niveau national mais qui a affecté la base de donnée régionale. L’abandon de l’artefact s’explique par les décalages entre les affordances qu’offrent la technologie et la situation d’urgence. C’est bien au niveau opérationnel que les acteurs n’arrivent plus à élaborer des solutions collectives de coordination. Les ateliers de concertation sont les lieux permettant d’obtenir des accords sur les règles de choix collectifs, ces règles concernent la régulation des conflits grâce aux processus de négociation à l’amiable privilégiant l’apprentissage que la punition.  A ce niveau, le rôle ne serait pas de sanctionner juridiquement, mais de favoriser des mécanismes incitatifs pour un partage des informations et des résultats par pays et par zone d’expertise. Les règles  de choix constitutionnels posent aujourd’hui problème en l’absence de légitimité d’une instance unique qui définit qui a le droit d’utiliser ces ressources informationnelles puisque il ya des informations que les pairs ne peuvent pas partager. 2.3. La recherche de consensus par la méthode Delphi Notre objectif est ici de proposer l’utilisation de la méthode Delphi développée au sein de la Rand Corporation à partir de l’interrogation à plusieurs reprises par questionnaire d’un panel d’experts  (Godet, 2006 ; Okoli et Pawlowski, 2004). Cette technique d’enquête est utilisée dans les études  prospectives comme étape préalable à la construction des scénarios, elle a ainsi été appliquée dans des études prospectives militaires (Dalkey et Helmer, 1963). Les trois tours de questionnaires font apparaitre les tendances lourdes (derrière les consensus), les zones d’incertitudes majeures (derrière les dissensus), mais aussi les germes de changement (des positions minoritaires) (Chapuy et Monti, 1998). 2.3.1.  La mise en &oelig;uvre de la méthode Delphi  Trois étapes apparaissent dans la mise en &oelig;uvre d’une enquête Delphi, l’étape de conception du questionnaire initial, l’étape de la sélection des experts, et l’étape de réalisation de trois questionnaires successifs. Concernant la taille du panel d’experts, elle se justifie selon l’enjeu, le secteur d’activité et le contexte (Okoli et Pawlowski, 2004). L’ethnographie de laboratoire menée dans l’organisme intergouvernemental entre 2012 et 2016 a permis l’identification précise de 24 experts : des ingénieurs en télédétection (3), des ingénieurs en hydrologie (12), des chercheurs universitaires en économie(2), des experts dans d’autres organismes de recherches (7). 2.3.2 L’étape des trois tours de questionnaires : les différents questionnaires ont été envoyés par messagerie électronique sous format Word. Pour le premier tour, les délais de réponse varient entre 1 semaine et 1 mois, la relance des messages s’avère nécessaire afin d’avoir la réponse des experts, les délais de réponse lors du deuxième et troisième tour varient entre 1 jour et 3 jours. 5 grands thèmes sont abordés dans les trois tours du questionnaire. <a name="_Toc494018533">Les différents questionnaires ont été envoyés par messagerie électronique sous format Word, pour le premier tour, les délais de réponse varient entre 1 semaine et 1 mois, la relance des messages s’avère nécessaire afin d’avoir la réponse des experts, les délais de réponse lors du deuxième et troisième tour varient entre 1 jour et 3 jours. 5 grands thèmes sont abordés dans les trois tours de questionnaires : (contexte général, évolution du secteur, contrainte environnement, acteurs externes, obstacles)  en tenant compte de l’enchainement temporel passé-présent-futur. Lors du premier tour, il est d’abord demandé aux experts de noter leur Accord sur chaque proposition sur une échelle de Likert, depuis « pas du tout d’accord » jusqu’à « tout a fait d’accord ». Lors du deuxième tour, on indique à chaque expert la médiane et l’histogramme des premières réponses, les experts doivent confirmer ou modifier leurs positions sur des questions controverses compte tenu de l’avis des autres experts. Une seconde échelle de Likert est construite (depuis « A »,  très important jusqu’à « D, peu important ». Pour le troisième tour, on identifie trois configurations d’acteurs (Groupe 1 avec un large consensus sur les enjeux importants, groupe 2 avec un faible niveau de consensus et des questions jugées pas ou peu importantes pour l’avenir du secteur, Groupe 3 avec des groupes à faible consensus mais qui abordent des enjeux importants pour le secteur, ces positionnements sont importants pour analyser les controverses). </a> 2.3.3 Résultats de l’enquête Delphi : l’enquête Delphi fait d’abord apparaitre des consensus entre le 1er et le 3 ème tour autour du choix des piézomètres dans le bassin SASS. Les opinions des experts convergent quant à leur difficulté d’accéder aux informations sur l’Etat quantitatif et qualitatif de la nappe en Libye. 3. Discussion et conclusion Nous nous demandions en introduction quel rôle joue l’interaction avec la technologie dans l’émergence des pratiques d’intelligence économique, en partant du corpus théorique centré sur l’appropriation des outils de gestion (Vaujany,2006,2009) et sur la grille de lecture que propose l’intelligence économique en centrant son analyse sur la gestion des informations et la production de nouvelles connaissances actionnables (Bender et Fish,2000 ; Davenport et Prusak,1998 ; Weick,1979).    Pour mener cette étude, nous avons étudié un processus de gestion de crise où une partie des acteurs n’arrivent pas à utiliser l’artefact permettant la transmission des informations ce qui a provoqué une rupture brutale. Si le mode de gouvernance est ici qualifié de polycentrique, c’est parce qu’il permet l’enchevêtrement de différentes règles de gestion de l’information. Néanmoins, les conditions biophysiques comme l’éloignement géographique des experts a provoqué une rupture brutale dans la transmission des informations au niveau national et dans la base de donnée régionale. Le cadre d’analyse d’Ostrom apparait comme une approche intéressante pour penser l’intelligence collective dans un centre d’expertise, on a pu montrer que l’intelligence organisationnelle est difficile à identifier , car elle résulte de représentations dans la collecte, le traitement et l’interprétation des données au niveau organisationnel. Les résultats montrent que le fonctionnement sur le court terme de ces collectifs auto-organisés s’inscrit dans le cadre conceptuel d’E Ostrom sur le partage des informations et des connaissances. La réflexion organisationnelle intègre la matérialité qui ne réduit pas à ce qui est en soi matériellement saisissable (conditions biophysiques) mais elle s’étend à la performativité de la technologie c'est-à-dire aux règles et procédures qui sont nées de l’interaction avec l’artefact technique. La matérialité est présente dans la négociation des règles dans les réunions afin de permettre aux Etats transfrontaliers de réagir en cas d’urgence, de bricoler, d’innover et ainsi développer un niveau de résilience organisationnelle indispensable au maintien de la coopération. L’intelligence collective qui émerge dans les réunions de concertation résulte d’une interprétation et d’un partage entre les intelligence individuelles. L’intelligence collective devient une intelligence organisationnelle par la stabilisation du sens attribué aux donnés entre les acteurs organisés Notre recherche comporte des limites inhérentes à la démarche suivie, si l’étude de cas en profondeur révèle bien que c’est dans l’interaction que les savoirs tacites émergent (Nonaka et Tacheuchi,2000) et se stabilisent, le risque est de laisser trop de place à l’intuition. L’opinion du chercheur correspond à une vision locale de l’intelligence organisationnelle vue comme un objet organisé qu’à une compréhension de l’intelligence organisationnelle comme un processus « organizing » (Pesqueux, 2007). Ainsi, il est nécessaire de se demander si les idées crées à partir du cas peuvent être solidifiées par un processus de triangulation et par un travail systématique de comparaison (Dumez, 2013) afin de s’élever en généralité dans le contexte particulier des organisations intergouvernementales en Afrique.                                                                       BIBLIOGRAPHIE Callon M ;  Latour B. (1991), La science telle qu’elle se fait, la découverte, 390 p. Chapuy P., Monti R. (1998), La filière agricole et l'environnement : scénarios 2010 par la méthode Delphi-Abaque de Régnier. Paris (France) : CNAM. 57 p. Cohendet P. (2000) : "La firme comme processeur de connaissances", Séminaire ARC II, CEPREMAP, 5 juin Coriat, B. (2015a). Communs fonciers, communs informationnels. Comment définir un commun ?. Dans B. Coriat (dir.), Le retour des communs : la crise de l’idéologie propriétaire (p. 29-50). Paris, France : Éditions les Liens qui libèrent. 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La façon dont l’information est collectée, traitée et partagée entre les trois pays constitue ainsi le noyau dur de cette étude. Il est important de noter que ce vaste projet a été initié afin d’analyser l’information existante au niveau des trois pays et mettre en place une base de donnée au niveau régional.   Il s’agit d’étudier plus particulièrement l’attitude des réseaux d’experts africains face à l’information et les rapports qu’ils entretiennent avec la technologie afin de produire de nouvelles connaissances actionnables.   Dans la littérature en management stratégique, il existe un large consensus entre praticiens et théoriciens pour affirmer que cette démarche relève d’un système « intelligent » de gestion de la connaissance dans les Etats (Goria,2006), pour ce faire nous appuierons notre réflexion sur une étude de cas exploratoire d’un organisme de bassin. Notre question de départ, choisie délibérément large, consiste à comprendre comment les centres d’expertise pratiquent l’intelligence économique. A présent, nous déclinons cette question en deux principales questions de recherche : 1. Quel rôle joue l’interaction avec la technologie dans l’émergence des pratiques d’intelligence économique ? 2. Comment peut-on expliquer le succès de l’appropriation des systèmes d’information dans un centre d’expertise ?    L’enjeu est pour nous de comprendre comment s’articulent et se coordonnent la démarche de gestion de l’information comme « commons » et la démarche de gestion de la connaissance au sein d’un organisme de bassin, en partant de l’hypothèse théorique qui émerge de la littérature théorique de leur articulation. Dans la première partie, nous présentons une synthèse de l’état de l’art sur les rôles de l’intelligence économique, la seconde partie est consacrée à la présentation du cadre théorique. Enfin, dans la troisième partie, nous présentons le cas étudié, la méthode d’enquête et les résultats obtenus. 1. Cadrage théorique : intelligence économique et gouvernance des communs informationnels 1.1 Les rôles de l’intelligence économique Il existe un large consensus pour affirmer l’articulation entre les pratiques de gestion de l’information et les pratiques de gestion de la connaissance dans l’entreprise (Cohendet, 2000).  L’intelligence économique vient s’imposer depuis les années 90 comme une démarche qui combine ces deux pratiques en s’appuyant sur un système « intelligent » de gestion de l’information au sein des entreprises et dans les Etats (Feldmann et March, 1991). On peut associer l’évolution des rôles de l’intelligence économique à l’évolution chronologique du concept dans la littérature en management stratégique.  Durant la phase qui s’étend dans les années 1960-1970,  l’IE est sensée jouer un rôle de veille en collectant et stockant l’information, cette phase est qualifiée de « Business Intelligence ».  Le second rôle qualifié d’intelligence sur la concurrence est caractérisé par l’émergence d’un certain formalisme (Prescott, 1995), ce rôle est associé à la phase de « Compétitive Intelligence » et marqué par les travaux de Porter. <a name="_Hlk132252505">Si la question du stockage de l’information est centrale, celle de son partage l’est tout autant. Cette capacité nécessite d’entrer dans les processus organisationnels pour comprendre comment l’information est interprétée par les membres de l’organisation . Le troisième rôle de l’IE qualifié d’intelligence organisationnelle a pris de l’importance avec son fondateur (Wilensky, 1967, P.176) qui considère qu’il faut penser l’intelligence collective dans les organisations, l’intelligence induit une organisation habile dans le recueil, l’analyse et l’interprétation des informations. La question du passage de l’interprétation individuelle à l’interprétation organisationnelle sera creusé plus tard, notamment par Weick (1995 ; 1984) qui montrera que la construction de sens est un processus d’ « enactement », d’interprétation et d’action. La carte cognitive collective, l’interprétation et l’attribution de sens est la démocratisation de l’intelligence dans les organisations. </a> 1.2 La socio-matérialité des systèmes d’information comme grille d’analyse Les recherches sur la sociomatérialité portent sur les conséquences de l’arrangement des matériaux physiques ou digitaux d’un artefact dans des formes particulières, résilientes à travers le temps et l’espace  (Leonardi, 2013). Nous comparons les bases théoriques alternatives sur lesquelles l’étude de la sociomatérialité des systèmes d’information peut être construite : l’ontologie substantialiste et l’ontologie relationnelle. Nous orientons notre réflexion sur les apports d’une ontologie relationnelle dans l’analyse des organisations et aux possibilités d’action, d’interactions et d’action collective qu’offrent les artefacts, les technologies, les objets frontières (Fekete, Hufschmidt & Kruse, 2014) aux organisations faisant face aux crises. Aujourd’hui, l’un des sujets les plus débattus dans la discipline des systèmes d’information est la sociomatérialité. Ce courant philosophique se distingue par son attention portée à la relation entre le social et le matériel dans le contexte d’une société de plus en plus numérique. Différentes conceptualisations de la matérialité sociale ont émergé prenant différentes positions philosophiques « le réalisme agentiel » et  le « réalisme critique ». Alors que l’ontologie du réalisme agentiel suppose que « le social et le matériel sont inséparables, il n’ya que le socio matériel » (Orlikowski, 2010 ; Orlikowski et Scott, 2008 ; Barad, 2007), le réalisme critique » comme courant philosophique qui permet d’étudier la matérialité et son rôle dans l’organisation, suppose de traiter les technologies comme étant une propriété structurelle indépendante des personnes et en dehors du domaine de l’action (Leonardi, 2012 ; Mutch, 2013). 1.3.Les racines de la pensée des communs Elinor Ostrom est aujourd’hui une référence sur la question des communs. Elle a entrepris une série d’études empiriques des cas de gestion des ressources dans le monde en combinant des références très diverses notamment en sciences économiques et sciences politiques synthétisé dans son cadre « Analyse et développement institutionnel<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a> » (ADI). Parmi ses apports majeurs à l’analyse des communs est son analyse sur les institutions qui favorisent une auto-organisation et auto-gouvernance des biens communs. Ces principes présentés dans son ouvrage, sont au nombre de huit : 1) des droits de prélever des unités de ressources d’une ressource commune sont clairement définis ; 2) la concordance entre les règles d’appropriation et les conditions locales; 3) des dispositifs de choix rationnel ; 4) la surveillance ; 5) des sanctions graduelles ; 6) des mécanismes de résolution des conflits ; 7) une reconnaissance minimale des droits d’organisation ; 8) des entreprises imbriquées dans la résolution des conflits et la gouvernance. 1.4 Des communs tangibles aux communs intangibles Coriat (2015) définit les biens communs « informationnels » comme une collection d’informations et de connaissances qui traitent d’ensembles de ressources constituées de biens non rivaux et généralement non exclusifs (Coriat, 2015).  De nombreux chercheurs ont montré que les problèmes rencontrés pour gérer une ressource informationnelle commune sont les mêmes que ceux affrontés pour gérer une ressource commune physique (Kollock et smith, 1996 ) ; Forte et al. (2009) ; Cardon et Levrel (2009). Ces auteurs ont montré que plusieurs variables développées dans le cadre d’analyse (ADI) sont présentes dans les systèmes d’information tels que les règles de coopération en vigueur, le principe de surveillance, les attributs de la communauté,  l’appropriation, la surveillance, les sanctions et la régulation multi-niveau.  Il semble que les défis rencontrés par les collectifs auto-organisés autour des biens communs physiques, constitution des règles, surveillance, mécanisme de contrôle, sanction graduée, arbitrage des conflits soient les mêmes pour les collectifs qui gèrent une information mutuelle. (Anderson et al, 2014), montrent qu’une analyse des flux informationnels  combinée à une analyse du pouvoir des acteurs de la communauté contribue à une meilleure compréhension  du système de gouvernance des ressources communes forestières.  Le cadre conceptuel ADI permet de suivre le processus de production, d’accès, de partage et d’enrichissement des flux informationnels entre les acteurs (Annexe A).   2. Terrain et méthode d’enquête Ce travail fait partie d’un projet plus large consistant en « l’homogénéisation des données hydrogéologiques et géodésiques » au niveau du bassin transfrontalier SASS.  Un consensus semble se dégager chez les chercheurs en Management autour de l’importance d’une approche qualitative dès lors que l’on s’intéresse à étudier la science telle qu’elle se fait dans les laboratoires (Callon et al, 1991). L’idée se fonde sur l’étude des sciences et techniques, en action et en pleine controverse.  Nous avons opté pour une observation d’un mois in-situ dans le laboratoire OSS. Pour le travail présenté ici, le design de recherche qualitatif s’avère particulièrement pertinent car il permet  d’observer les dynamiques comportementales qui émergent de l’interaction avec l’artefact dans les situations d’urgence.     2.1. Contexte du projet SASS L’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) est une organisation intergouvernementale internationale créée en 1992 et basée  à Tunis (Tunisie). La structure de recherche traite des thèmes concernant la surveillance environnementale, la gestion concertée des aquifères transfrontaliers, l’appui à la mise en &oelig;uvre des accords multilatéraux sur l’Environnement, l’adaptation et la résilience au changement climatique, la gestion intégrée des ressources en eau  (GIRE), l’étude des aspects socio-économiques de la demande en eau, la transition vers l’économie verte et la réduction des risques de catastrophe (OSS, 2017).     2.2 Déroulement de l’ethnographie de laboratoire Les experts du laboratoire SASS interagissent via un système d’information informatique centralisé au niveau du bassin SASS (Annexe B). La notion d’écosystème informationnel (Moore, 1993), est utilisée ici afin d’analyser les interactions entre acteurs hétérogènes associant humains et non humains (ERP / SIG/SGBD) qui donnent une certaine stabilité et irréversibilité au réseau technico-économique (Callon, 1991, p. 196).  La plateforme est gérée par une équipe d’experts qui jouent le rôle d’administrateur de la plateforme. Cette communauté a émergé afin de gérer ce bien informationnel collectif à la frontière entre libre accès et sécurisation des données : routines, collaboration entre pays transfrontaliers, partage des données, des connaissances tacites et explicites entre experts, cette équipe propose une administration des flux informationnels, elle a pour principales taches : ü D’analyser l’information existante au niveau des trois pays ü  Concevoir un système d’information ü Mettre en &oelig;uvre une base de données et un SIG ü Intégrer les trois composantes du système d’information (Base de données relationnelle, SIG et modèle numérique) : intégration de l’information géographique dans la BD, établissement des liens SIG–modèle ) Techniquement, l’écosystème informationnel se définit comme un ensemble de composantes inter reliées : plateformes internet, applications logicielles, réseaux télécommunications, traitement et stockage des données. L’infrastructure technologique comprend les plateformes technologiques où les ordinateurs sont regroupés en infrastructure de type cloud, qui inclut les ordinateurs centraux et locaux, les services de gestion des données, qui permettent de stocker et d’analyser les données et des logiciels d’application. Le système de gestion de l’information repose sur une architecture centralisée où les requêtes sont envoyées vers la base de données commune au niveau central. L’administrateur de la base SASS définit  des procédures claires de mise à jour des informations, définit les codes spécifiques pour chaque type de donnée, définit des règles strictes dans afin de faciliter les actualisations et la gestion dans une base de données commune, met en place des mécanismes de sécurisation des données (autorisation d’accès, contrôle des passagers clandestins). L’avantage d’une telle architecture est l’homogénéisation des données et le faible côut du transfert des données, puisque les pairs communiquent avec le serveur central. Le principal inconvénient est que l’administrateur de la base de donnée commune sert à la fois comme facilitateur et comme goulot pour le traitement d’informations disparates géographiquement ce qui le fragilise.  Pour gérer les informations du bassin SASS, on retrouve trois arènes d’action où s’élaborent les règles de gestion (le niveau régional, le niveau national et le niveau SASS).  Durant les révolutions arabes en 2011, les ingénieurs en Libye ont rapidement abandonné l’utilisation de la plateforme électronique, l’abandon consiste en une rupture brutale de l’utilisation de l’artefact au niveau national mais qui a affecté la base de donnée régionale. L’abandon de l’artefact s’explique par les décalages entre les affordances qu’offrent la technologie et la situation d’urgence. C’est bien au niveau opérationnel que les acteurs n’arrivent plus à élaborer des solutions collectives de coordination. Les ateliers de concertation sont les lieux permettant d’obtenir des accords sur les règles de choix collectifs, ces règles concernent la régulation des conflits grâce aux processus de négociation à l’amiable privilégiant l’apprentissage que la punition.  A ce niveau, le rôle ne serait pas de sanctionner juridiquement, mais de favoriser des mécanismes incitatifs pour un partage des informations et des résultats par pays et par zone d’expertise. Les règles  de choix constitutionnels posent aujourd’hui problème en l’absence de légitimité d’une instance unique qui définit qui a le droit d’utiliser ces ressources informationnelles puisque il ya des informations que les pairs ne peuvent pas partager. 2.3. La recherche de consensus par la méthode Delphi Notre objectif est ici de proposer l’utilisation de la méthode Delphi développée au sein de la Rand Corporation à partir de l’interrogation à plusieurs reprises par questionnaire d’un panel d’experts  (Godet, 2006 ; Okoli et Pawlowski, 2004). Cette technique d’enquête est utilisée dans les études  prospectives comme étape préalable à la construction des scénarios, elle a ainsi été appliquée dans des études prospectives militaires (Dalkey et Helmer, 1963). Les trois tours de questionnaires font apparaitre les tendances lourdes (derrière les consensus), les zones d’incertitudes majeures (derrière les dissensus), mais aussi les germes de changement (des positions minoritaires) (Chapuy et Monti, 1998). 2.3.1.  La mise en &oelig;uvre de la méthode Delphi  Trois étapes apparaissent dans la mise en &oelig;uvre d’une enquête Delphi, l’étape de conception du questionnaire initial, l’étape de la sélection des experts, et l’étape de réalisation de trois questionnaires successifs. Concernant la taille du panel d’experts, elle se justifie selon l’enjeu, le secteur d’activité et le contexte (Okoli et Pawlowski, 2004). L’ethnographie de laboratoire menée dans l’organisme intergouvernemental entre 2012 et 2016 a permis l’identification précise de 24 experts : des ingénieurs en télédétection (3), des ingénieurs en hydrologie (12), des chercheurs universitaires en économie(2), des experts dans d’autres organismes de recherches (7). 2.3.2 L’étape des trois tours de questionnaires : les différents questionnaires ont été envoyés par messagerie électronique sous format Word. Pour le premier tour, les délais de réponse varient entre 1 semaine et 1 mois, la relance des messages s’avère nécessaire afin d’avoir la réponse des experts, les délais de réponse lors du deuxième et troisième tour varient entre 1 jour et 3 jours. 5 grands thèmes sont abordés dans les trois tours du questionnaire. <a name="_Toc494018533">Les différents questionnaires ont été envoyés par messagerie électronique sous format Word, pour le premier tour, les délais de réponse varient entre 1 semaine et 1 mois, la relance des messages s’avère nécessaire afin d’avoir la réponse des experts, les délais de réponse lors du deuxième et troisième tour varient entre 1 jour et 3 jours. 5 grands thèmes sont abordés dans les trois tours de questionnaires : (contexte général, évolution du secteur, contrainte environnement, acteurs externes, obstacles)  en tenant compte de l’enchainement temporel passé-présent-futur. Lors du premier tour, il est d’abord demandé aux experts de noter leur Accord sur chaque proposition sur une échelle de Likert, depuis « pas du tout d’accord » jusqu’à « tout a fait d’accord ». Lors du deuxième tour, on indique à chaque expert la médiane et l’histogramme des premières réponses, les experts doivent confirmer ou modifier leurs positions sur des questions controverses compte tenu de l’avis des autres experts. Une seconde échelle de Likert est construite (depuis « A »,  très important jusqu’à « D, peu important ». Pour le troisième tour, on identifie trois configurations d’acteurs (Groupe 1 avec un large consensus sur les enjeux importants, groupe 2 avec un faible niveau de consensus et des questions jugées pas ou peu importantes pour l’avenir du secteur, Groupe 3 avec des groupes à faible consensus mais qui abordent des enjeux importants pour le secteur, ces positionnements sont importants pour analyser les controverses). </a> 2.3.3 Résultats de l’enquête Delphi : l’enquête Delphi fait d’abord apparaitre des consensus entre le 1er et le 3 ème tour autour du choix des piézomètres dans le bassin SASS. Les opinions des experts convergent quant à leur difficulté d’accéder aux informations sur l’Etat quantitatif et qualitatif de la nappe en Libye. 3. Discussion et conclusion Nous nous demandions en introduction quel rôle joue l’interaction avec la technologie dans l’émergence des pratiques d’intelligence économique, en partant du corpus théorique centré sur l’appropriation des outils de gestion (Vaujany,2006,2009) et sur la grille de lecture que propose l’intelligence économique en centrant son analyse sur la gestion des informations et la production de nouvelles connaissances actionnables (Bender et Fish,2000 ; Davenport et Prusak,1998 ; Weick,1979).    Pour mener cette étude, nous avons étudié un processus de gestion de crise où une partie des acteurs n’arrivent pas à utiliser l’artefact permettant la transmission des informations ce qui a provoqué une rupture brutale. Si le mode de gouvernance est ici qualifié de polycentrique, c’est parce qu’il permet l’enchevêtrement de différentes règles de gestion de l’information. Néanmoins, les conditions biophysiques comme l’éloignement géographique des experts a provoqué une rupture brutale dans la transmission des informations au niveau national et dans la base de donnée régionale. Le cadre d’analyse d’Ostrom apparait comme une approche intéressante pour penser l’intelligence collective dans un centre d’expertise, on a pu montrer que l’intelligence organisationnelle est difficile à identifier , car elle résulte de représentations dans la collecte, le traitement et l’interprétation des données au niveau organisationnel. Les résultats montrent que le fonctionnement sur le court terme de ces collectifs auto-organisés s’inscrit dans le cadre conceptuel d’E Ostrom sur le partage des informations et des connaissances. La réflexion organisationnelle intègre la matérialité qui ne réduit pas à ce qui est en soi matériellement saisissable (conditions biophysiques) mais elle s’étend à la performativité de la technologie c'est-à-dire aux règles et procédures qui sont nées de l’interaction avec l’artefact technique. La matérialité est présente dans la négociation des règles dans les réunions afin de permettre aux Etats transfrontaliers de réagir en cas d’urgence, de bricoler, d’innover et ainsi développer un niveau de résilience organisationnelle indispensable au maintien de la coopération. L’intelligence collective qui émerge dans les réunions de concertation résulte d’une interprétation et d’un partage entre les intelligence individuelles. L’intelligence collective devient une intelligence organisationnelle par la stabilisation du sens attribué aux donnés entre les acteurs organisés Notre recherche comporte des limites inhérentes à la démarche suivie, si l’étude de cas en profondeur révèle bien que c’est dans l’interaction que les savoirs tacites émergent (Nonaka et Tacheuchi,2000) et se stabilisent, le risque est de laisser trop de place à l’intuition. L’opinion du chercheur correspond à une vision locale de l’intelligence organisationnelle vue comme un objet organisé qu’à une compréhension de l’intelligence organisationnelle comme un processus « organizing » (Pesqueux, 2007). Ainsi, il est nécessaire de se demander si les idées crées à partir du cas peuvent être solidifiées par un processus de triangulation et par un travail systématique de comparaison (Dumez, 2013) afin de s’élever en généralité dans le contexte particulier des organisations intergouvernementales en Afrique.                                                                       BIBLIOGRAPHIE Callon M ;  Latour B. (1991), La science telle qu’elle se fait, la découverte, 390 p. Chapuy P., Monti R. (1998), La filière agricole et l'environnement : scénarios 2010 par la méthode Delphi-Abaque de Régnier. Paris (France) : CNAM. 57 p. Cohendet P. (2000) : "La firme comme processeur de connaissances", Séminaire ARC II, CEPREMAP, 5 juin Coriat, B. (2015a). Communs fonciers, communs informationnels. Comment définir un commun ?. Dans B. Coriat (dir.), Le retour des communs : la crise de l’idéologie propriétaire (p. 29-50). Paris, France : Éditions les Liens qui libèrent. 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La façon dont l’information est collectée, traitée et partagée entre les trois pays constitue ainsi le noyau dur de cette étude. Il est important de noter que ce vaste projet a été initié afin d’analyser l’information existante au niveau des trois pays et mettre en place une base de donnée au niveau régional.   Il s’agit d’étudier plus particulièrement l’attitude des réseaux d’experts africains face à l’information et les rapports qu’ils entretiennent avec la technologie afin de produire de nouvelles connaissances actionnables.   Dans la littérature en management stratégique, il existe un large consensus entre praticiens et théoriciens pour affirmer que cette démarche relève d’un système « intelligent » de gestion de la connaissance dans les Etats (Goria,2006), pour ce faire nous appuierons notre réflexion sur une étude de cas exploratoire d’un organisme de bassin. Notre question de départ, choisie délibérément large, consiste à comprendre comment les centres d’expertise pratiquent l’intelligence économique. A présent, nous déclinons cette question en deux principales questions de recherche : 1. Quel rôle joue l’interaction avec la technologie dans l’émergence des pratiques d’intelligence économique ? 2. Comment peut-on expliquer le succès de l’appropriation des systèmes d’information dans un centre d’expertise ?    L’enjeu est pour nous de comprendre comment s’articulent et se coordonnent la démarche de gestion de l’information comme « commons » et la démarche de gestion de la connaissance au sein d’un organisme de bassin, en partant de l’hypothèse théorique qui émerge de la littérature théorique de leur articulation. Dans la première partie, nous présentons une synthèse de l’état de l’art sur les rôles de l’intelligence économique, la seconde partie est consacrée à la présentation du cadre théorique. Enfin, dans la troisième partie, nous présentons le cas étudié, la méthode d’enquête et les résultats obtenus. 1. Cadrage théorique : intelligence économique et gouvernance des communs informationnels 1.1 Les rôles de l’intelligence économique Il existe un large consensus pour affirmer l’articulation entre les pratiques de gestion de l’information et les pratiques de gestion de la connaissance dans l’entreprise (Cohendet, 2000).  L’intelligence économique vient s’imposer depuis les années 90 comme une démarche qui combine ces deux pratiques en s’appuyant sur un système « intelligent » de gestion de l’information au sein des entreprises et dans les Etats (Feldmann et March, 1991). On peut associer l’évolution des rôles de l’intelligence économique à l’évolution chronologique du concept dans la littérature en management stratégique.  Durant la phase qui s’étend dans les années 1960-1970,  l’IE est sensée jouer un rôle de veille en collectant et stockant l’information, cette phase est qualifiée de « Business Intelligence ».  Le second rôle qualifié d’intelligence sur la concurrence est caractérisé par l’émergence d’un certain formalisme (Prescott, 1995), ce rôle est associé à la phase de « Compétitive Intelligence » et marqué par les travaux de Porter. <a name="_Hlk132252505">Si la question du stockage de l’information est centrale, celle de son partage l’est tout autant. Cette capacité nécessite d’entrer dans les processus organisationnels pour comprendre comment l’information est interprétée par les membres de l’organisation . Le troisième rôle de l’IE qualifié d’intelligence organisationnelle a pris de l’importance avec son fondateur (Wilensky, 1967, P.176) qui considère qu’il faut penser l’intelligence collective dans les organisations, l’intelligence induit une organisation habile dans le recueil, l’analyse et l’interprétation des informations. La question du passage de l’interprétation individuelle à l’interprétation organisationnelle sera creusé plus tard, notamment par Weick (1995 ; 1984) qui montrera que la construction de sens est un processus d’ « enactement », d’interprétation et d’action. La carte cognitive collective, l’interprétation et l’attribution de sens est la démocratisation de l’intelligence dans les organisations. </a> 1.2 La socio-matérialité des systèmes d’information comme grille d’analyse Les recherches sur la sociomatérialité portent sur les conséquences de l’arrangement des matériaux physiques ou digitaux d’un artefact dans des formes particulières, résilientes à travers le temps et l’espace  (Leonardi, 2013). Nous comparons les bases théoriques alternatives sur lesquelles l’étude de la sociomatérialité des systèmes d’information peut être construite : l’ontologie substantialiste et l’ontologie relationnelle. Nous orientons notre réflexion sur les apports d’une ontologie relationnelle dans l’analyse des organisations et aux possibilités d’action, d’interactions et d’action collective qu’offrent les artefacts, les technologies, les objets frontières (Fekete, Hufschmidt & Kruse, 2014) aux organisations faisant face aux crises. Aujourd’hui, l’un des sujets les plus débattus dans la discipline des systèmes d’information est la sociomatérialité. Ce courant philosophique se distingue par son attention portée à la relation entre le social et le matériel dans le contexte d’une société de plus en plus numérique. Différentes conceptualisations de la matérialité sociale ont émergé prenant différentes positions philosophiques « le réalisme agentiel » et  le « réalisme critique ». Alors que l’ontologie du réalisme agentiel suppose que « le social et le matériel sont inséparables, il n’ya que le socio matériel » (Orlikowski, 2010 ; Orlikowski et Scott, 2008 ; Barad, 2007), le réalisme critique » comme courant philosophique qui permet d’étudier la matérialité et son rôle dans l’organisation, suppose de traiter les technologies comme étant une propriété structurelle indépendante des personnes et en dehors du domaine de l’action (Leonardi, 2012 ; Mutch, 2013). 1.3.Les racines de la pensée des communs Elinor Ostrom est aujourd’hui une référence sur la question des communs. Elle a entrepris une série d’études empiriques des cas de gestion des ressources dans le monde en combinant des références très diverses notamment en sciences économiques et sciences politiques synthétisé dans son cadre « Analyse et développement institutionnel<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a> » (ADI). Parmi ses apports majeurs à l’analyse des communs est son analyse sur les institutions qui favorisent une auto-organisation et auto-gouvernance des biens communs. Ces principes présentés dans son ouvrage, sont au nombre de huit : 1) des droits de prélever des unités de ressources d’une ressource commune sont clairement définis ; 2) la concordance entre les règles d’appropriation et les conditions locales; 3) des dispositifs de choix rationnel ; 4) la surveillance ; 5) des sanctions graduelles ; 6) des mécanismes de résolution des conflits ; 7) une reconnaissance minimale des droits d’organisation ; 8) des entreprises imbriquées dans la résolution des conflits et la gouvernance. 1.4 Des communs tangibles aux communs intangibles Coriat (2015) définit les biens communs « informationnels » comme une collection d’informations et de connaissances qui traitent d’ensembles de ressources constituées de biens non rivaux et généralement non exclusifs (Coriat, 2015).  De nombreux chercheurs ont montré que les problèmes rencontrés pour gérer une ressource informationnelle commune sont les mêmes que ceux affrontés pour gérer une ressource commune physique (Kollock et smith, 1996 ) ; Forte et al. (2009) ; Cardon et Levrel (2009). Ces auteurs ont montré que plusieurs variables développées dans le cadre d’analyse (ADI) sont présentes dans les systèmes d’information tels que les règles de coopération en vigueur, le principe de surveillance, les attributs de la communauté,  l’appropriation, la surveillance, les sanctions et la régulation multi-niveau.  Il semble que les défis rencontrés par les collectifs auto-organisés autour des biens communs physiques, constitution des règles, surveillance, mécanisme de contrôle, sanction graduée, arbitrage des conflits soient les mêmes pour les collectifs qui gèrent une information mutuelle. (Anderson et al, 2014), montrent qu’une analyse des flux informationnels  combinée à une analyse du pouvoir des acteurs de la communauté contribue à une meilleure compréhension  du système de gouvernance des ressources communes forestières.  Le cadre conceptuel ADI permet de suivre le processus de production, d’accès, de partage et d’enrichissement des flux informationnels entre les acteurs (Annexe A).   2. Terrain et méthode d’enquête Ce travail fait partie d’un projet plus large consistant en « l’homogénéisation des données hydrogéologiques et géodésiques » au niveau du bassin transfrontalier SASS.  Un consensus semble se dégager chez les chercheurs en Management autour de l’importance d’une approche qualitative dès lors que l’on s’intéresse à étudier la science telle qu’elle se fait dans les laboratoires (Callon et al, 1991). L’idée se fonde sur l’étude des sciences et techniques, en action et en pleine controverse.  Nous avons opté pour une observation d’un mois in-situ dans le laboratoire OSS. Pour le travail présenté ici, le design de recherche qualitatif s’avère particulièrement pertinent car il permet  d’observer les dynamiques comportementales qui émergent de l’interaction avec l’artefact dans les situations d’urgence.     2.1. Contexte du projet SASS L’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) est une organisation intergouvernementale internationale créée en 1992 et basée  à Tunis (Tunisie). La structure de recherche traite des thèmes concernant la surveillance environnementale, la gestion concertée des aquifères transfrontaliers, l’appui à la mise en &oelig;uvre des accords multilatéraux sur l’Environnement, l’adaptation et la résilience au changement climatique, la gestion intégrée des ressources en eau  (GIRE), l’étude des aspects socio-économiques de la demande en eau, la transition vers l’économie verte et la réduction des risques de catastrophe (OSS, 2017).     2.2 Déroulement de l’ethnographie de laboratoire Les experts du laboratoire SASS interagissent via un système d’information informatique centralisé au niveau du bassin SASS (Annexe B). La notion d’écosystème informationnel (Moore, 1993), est utilisée ici afin d’analyser les interactions entre acteurs hétérogènes associant humains et non humains (ERP / SIG/SGBD) qui donnent une certaine stabilité et irréversibilité au réseau technico-économique (Callon, 1991, p. 196).  La plateforme est gérée par une équipe d’experts qui jouent le rôle d’administrateur de la plateforme. Cette communauté a émergé afin de gérer ce bien informationnel collectif à la frontière entre libre accès et sécurisation des données : routines, collaboration entre pays transfrontaliers, partage des données, des connaissances tacites et explicites entre experts, cette équipe propose une administration des flux informationnels, elle a pour principales taches : ü D’analyser l’information existante au niveau des trois pays ü  Concevoir un système d’information ü Mettre en &oelig;uvre une base de données et un SIG ü Intégrer les trois composantes du système d’information (Base de données relationnelle, SIG et modèle numérique) : intégration de l’information géographique dans la BD, établissement des liens SIG–modèle ) Techniquement, l’écosystème informationnel se définit comme un ensemble de composantes inter reliées : plateformes internet, applications logicielles, réseaux télécommunications, traitement et stockage des données. L’infrastructure technologique comprend les plateformes technologiques où les ordinateurs sont regroupés en infrastructure de type cloud, qui inclut les ordinateurs centraux et locaux, les services de gestion des données, qui permettent de stocker et d’analyser les données et des logiciels d’application. Le système de gestion de l’information repose sur une architecture centralisée où les requêtes sont envoyées vers la base de données commune au niveau central. L’administrateur de la base SASS définit  des procédures claires de mise à jour des informations, définit les codes spécifiques pour chaque type de donnée, définit des règles strictes dans afin de faciliter les actualisations et la gestion dans une base de données commune, met en place des mécanismes de sécurisation des données (autorisation d’accès, contrôle des passagers clandestins). L’avantage d’une telle architecture est l’homogénéisation des données et le faible côut du transfert des données, puisque les pairs communiquent avec le serveur central. Le principal inconvénient est que l’administrateur de la base de donnée commune sert à la fois comme facilitateur et comme goulot pour le traitement d’informations disparates géographiquement ce qui le fragilise.  Pour gérer les informations du bassin SASS, on retrouve trois arènes d’action où s’élaborent les règles de gestion (le niveau régional, le niveau national et le niveau SASS).  Durant les révolutions arabes en 2011, les ingénieurs en Libye ont rapidement abandonné l’utilisation de la plateforme électronique, l’abandon consiste en une rupture brutale de l’utilisation de l’artefact au niveau national mais qui a affecté la base de donnée régionale. L’abandon de l’artefact s’explique par les décalages entre les affordances qu’offrent la technologie et la situation d’urgence. C’est bien au niveau opérationnel que les acteurs n’arrivent plus à élaborer des solutions collectives de coordination. Les ateliers de concertation sont les lieux permettant d’obtenir des accords sur les règles de choix collectifs, ces règles concernent la régulation des conflits grâce aux processus de négociation à l’amiable privilégiant l’apprentissage que la punition.  A ce niveau, le rôle ne serait pas de sanctionner juridiquement, mais de favoriser des mécanismes incitatifs pour un partage des informations et des résultats par pays et par zone d’expertise. Les règles  de choix constitutionnels posent aujourd’hui problème en l’absence de légitimité d’une instance unique qui définit qui a le droit d’utiliser ces ressources informationnelles puisque il ya des informations que les pairs ne peuvent pas partager. 2.3. La recherche de consensus par la méthode Delphi Notre objectif est ici de proposer l’utilisation de la méthode Delphi développée au sein de la Rand Corporation à partir de l’interrogation à plusieurs reprises par questionnaire d’un panel d’experts  (Godet, 2006 ; Okoli et Pawlowski, 2004). Cette technique d’enquête est utilisée dans les études  prospectives comme étape préalable à la construction des scénarios, elle a ainsi été appliquée dans des études prospectives militaires (Dalkey et Helmer, 1963). Les trois tours de questionnaires font apparaitre les tendances lourdes (derrière les consensus), les zones d’incertitudes majeures (derrière les dissensus), mais aussi les germes de changement (des positions minoritaires) (Chapuy et Monti, 1998). 2.3.1.  La mise en &oelig;uvre de la méthode Delphi  Trois étapes apparaissent dans la mise en &oelig;uvre d’une enquête Delphi, l’étape de conception du questionnaire initial, l’étape de la sélection des experts, et l’étape de réalisation de trois questionnaires successifs. Concernant la taille du panel d’experts, elle se justifie selon l’enjeu, le secteur d’activité et le contexte (Okoli et Pawlowski, 2004). L’ethnographie de laboratoire menée dans l’organisme intergouvernemental entre 2012 et 2016 a permis l’identification précise de 24 experts : des ingénieurs en télédétection (3), des ingénieurs en hydrologie (12), des chercheurs universitaires en économie(2), des experts dans d’autres organismes de recherches (7). 2.3.2 L’étape des trois tours de questionnaires : les différents questionnaires ont été envoyés par messagerie électronique sous format Word. Pour le premier tour, les délais de réponse varient entre 1 semaine et 1 mois, la relance des messages s’avère nécessaire afin d’avoir la réponse des experts, les délais de réponse lors du deuxième et troisième tour varient entre 1 jour et 3 jours. 5 grands thèmes sont abordés dans les trois tours du questionnaire. <a name="_Toc494018533">Les différents questionnaires ont été envoyés par messagerie électronique sous format Word, pour le premier tour, les délais de réponse varient entre 1 semaine et 1 mois, la relance des messages s’avère nécessaire afin d’avoir la réponse des experts, les délais de réponse lors du deuxième et troisième tour varient entre 1 jour et 3 jours. 5 grands thèmes sont abordés dans les trois tours de questionnaires : (contexte général, évolution du secteur, contrainte environnement, acteurs externes, obstacles)  en tenant compte de l’enchainement temporel passé-présent-futur. Lors du premier tour, il est d’abord demandé aux experts de noter leur Accord sur chaque proposition sur une échelle de Likert, depuis « pas du tout d’accord » jusqu’à « tout a fait d’accord ». Lors du deuxième tour, on indique à chaque expert la médiane et l’histogramme des premières réponses, les experts doivent confirmer ou modifier leurs positions sur des questions controverses compte tenu de l’avis des autres experts. Une seconde échelle de Likert est construite (depuis « A »,  très important jusqu’à « D, peu important ». Pour le troisième tour, on identifie trois configurations d’acteurs (Groupe 1 avec un large consensus sur les enjeux importants, groupe 2 avec un faible niveau de consensus et des questions jugées pas ou peu importantes pour l’avenir du secteur, Groupe 3 avec des groupes à faible consensus mais qui abordent des enjeux importants pour le secteur, ces positionnements sont importants pour analyser les controverses). </a> 2.3.3 Résultats de l’enquête Delphi : l’enquête Delphi fait d’abord apparaitre des consensus entre le 1er et le 3 ème tour autour du choix des piézomètres dans le bassin SASS. Les opinions des experts convergent quant à leur difficulté d’accéder aux informations sur l’Etat quantitatif et qualitatif de la nappe en Libye. 3. Discussion et conclusion Nous nous demandions en introduction quel rôle joue l’interaction avec la technologie dans l’émergence des pratiques d’intelligence économique, en partant du corpus théorique centré sur l’appropriation des outils de gestion (Vaujany,2006,2009) et sur la grille de lecture que propose l’intelligence économique en centrant son analyse sur la gestion des informations et la production de nouvelles connaissances actionnables (Bender et Fish,2000 ; Davenport et Prusak,1998 ; Weick,1979).    Pour mener cette étude, nous avons étudié un processus de gestion de crise où une partie des acteurs n’arrivent pas à utiliser l’artefact permettant la transmission des informations ce qui a provoqué une rupture brutale. Si le mode de gouvernance est ici qualifié de polycentrique, c’est parce qu’il permet l’enchevêtrement de différentes règles de gestion de l’information. Néanmoins, les conditions biophysiques comme l’éloignement géographique des experts a provoqué une rupture brutale dans la transmission des informations au niveau national et dans la base de donnée régionale. Le cadre d’analyse d’Ostrom apparait comme une approche intéressante pour penser l’intelligence collective dans un centre d’expertise, on a pu montrer que l’intelligence organisationnelle est difficile à identifier , car elle résulte de représentations dans la collecte, le traitement et l’interprétation des données au niveau organisationnel. Les résultats montrent que le fonctionnement sur le court terme de ces collectifs auto-organisés s’inscrit dans le cadre conceptuel d’E Ostrom sur le partage des informations et des connaissances. La réflexion organisationnelle intègre la matérialité qui ne réduit pas à ce qui est en soi matériellement saisissable (conditions biophysiques) mais elle s’étend à la performativité de la technologie c'est-à-dire aux règles et procédures qui sont nées de l’interaction avec l’artefact technique. La matérialité est présente dans la négociation des règles dans les réunions afin de permettre aux Etats transfrontaliers de réagir en cas d’urgence, de bricoler, d’innover et ainsi développer un niveau de résilience organisationnelle indispensable au maintien de la coopération. L’intelligence collective qui émerge dans les réunions de concertation résulte d’une interprétation et d’un partage entre les intelligence individuelles. L’intelligence collective devient une intelligence organisationnelle par la stabilisation du sens attribué aux donnés entre les acteurs organisés Notre recherche comporte des limites inhérentes à la démarche suivie, si l’étude de cas en profondeur révèle bien que c’est dans l’interaction que les savoirs tacites émergent (Nonaka et Tacheuchi,2000) et se stabilisent, le risque est de laisser trop de place à l’intuition. L’opinion du chercheur correspond à une vision locale de l’intelligence organisationnelle vue comme un objet organisé qu’à une compréhension de l’intelligence organisationnelle comme un processus « organizing » (Pesqueux, 2007). Ainsi, il est nécessaire de se demander si les idées crées à partir du cas peuvent être solidifiées par un processus de triangulation et par un travail systématique de comparaison (Dumez, 2013) afin de s’élever en généralité dans le contexte particulier des organisations intergouvernementales en Afrique.                                                                       BIBLIOGRAPHIE Callon M ;  Latour B. (1991), La science telle qu’elle se fait, la découverte, 390 p. Chapuy P., Monti R. (1998), La filière agricole et l'environnement : scénarios 2010 par la méthode Delphi-Abaque de Régnier. Paris (France) : CNAM. 57 p. Cohendet P. (2000) : "La firme comme processeur de connaissances", Séminaire ARC II, CEPREMAP, 5 juin Coriat, B. (2015a). Communs fonciers, communs informationnels. Comment définir un commun ?. Dans B. Coriat (dir.), Le retour des communs : la crise de l’idéologie propriétaire (p. 29-50). Paris, France : Éditions les Liens qui libèrent. Dameron, S, & Garreau, Lionel.(2014). « De l’intelligence économique à l’intelligence stratégique ». In L’état des entreprises, La Découverte, Paris, France. Délégation interministérielle à l’intelligence économique. 2012. « Guide de l’intelligence économique pour la recherche ». Dumez, H. (2012b) “Les trois risques épistémologiques de la recherche qualitative”, Le Libellio d’Aegis, vol. 8, n° 4, pp. 29-33. Dumez, H. (2013). Qu’est-ce qu’un cas, et que peut-on attendre d’une étude de cas ?Le Libellio d’ Aegis, Vol. 9, n° 2 – Eté 2013 , École polytechnique / CNRS pp. 13-26. Fekete, A., Hufschmidt, G., & Kruse, S. (2014). Benefits and Challenges of Resilience and Vulnerability for Disaster Risk Management. International Journal of Disaster Risk Science, 5(1), 3-20. doi:10.1007/s13753-014-0008-3 Feldmann M S. et March J. G. (1991), “L’information dans les organisations : un signal et un symbole ”, in Décisions et organisations, Paris : Les Éditions d’Organisation, pp. 255-275. 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