<h1><span style="color:#3498db;">Introduction</span></h1> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">L&rsquo;enseignement en expression-communication en IUT a pour finalit&eacute; d&rsquo;amener les &eacute;tudiantes et les &eacute;tudiants &agrave; d&eacute;velopper non seulement des savoir-faire, mais aussi des savoir-&ecirc;tre et des savoirs. Le d&eacute;veloppement de connaissances th&eacute;oriques en sciences humaines et sociales, d&rsquo;une forme de r&eacute;flexivit&eacute; et de pens&eacute;e critique y est aussi important que celui de comp&eacute;tences pour le travail et visant l&rsquo;employabilit&eacute;. L&rsquo;enseignement en expression-communication n&rsquo;est donc pas r&eacute;ductible &agrave; une s&eacute;rie de techniques d&rsquo;expression et ce constat est valable aussi bien pour l&rsquo;enseignement sur site que pour l&rsquo;enseignement &agrave; distance. </span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">L&rsquo;enseignement concern&eacute; par cet article est celui de l&rsquo;expression orale en public. Lorsque cet enseignement a d&ucirc; se faire &agrave; distance, il a fallu lui apporter quelques inflexions. Les interactions en face &agrave; face (Goffman, 1988) en effet n&rsquo;ont plus &eacute;t&eacute; possibles qu&rsquo;&agrave; travers une m&eacute;diation technique, num&eacute;rique, celle du logiciel de visioconf&eacute;rence. Or aucune technique ne permet jamais simplement de se substituer &agrave; une r&eacute;alit&eacute; existante. Toute l&rsquo;histoire des techniques nous montre qu&rsquo;un outil ne remplace jamais rien, il transforme la r&eacute;alit&eacute;, il s&rsquo;ajoute &agrave; l&rsquo;existant, il ouvre des possibles. En d&rsquo;autres termes, confondre suppl&eacute;ance et substitution (Lenay, 2000) est une erreur, cela revient &agrave; consid&eacute;rer que l&rsquo;on peut enseigner la communication orale de la m&ecirc;me mani&egrave;re &agrave; distance que sur site, cela revient &agrave; invisibiliser la m&eacute;diation technique et affirmer qu&rsquo;au bout du compte, parler en face &agrave; face ou parler en visioconf&eacute;rence revient &agrave; peu de choses pr&egrave;s au m&ecirc;me. Confondre suppl&eacute;ance et substitution est donc une erreur, et ce tant du point de vue du rapport &agrave; la technique, que du rapport &agrave; la communication.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Du point de vue du rapport &agrave; la technique d&rsquo;abord, cette confusion v&eacute;hicule une conception instrumentale et neutraliste de la technique. Or aucun objet technique (Simondon, 1958) n&rsquo;est r&eacute;ductible au statut de simple instrument. Leroi-Gourhan a par exemple montr&eacute; que le d&eacute;veloppement du cortex de ceux qui sont devenus les premiers hominid&eacute;s &eacute;tait li&eacute; &agrave; la manipulation d&rsquo;outils&nbsp;: tailler un silex fait appel &agrave; des capacit&eacute;s d&rsquo;anticipation et de planification qui exercent une pression sur le d&eacute;veloppement c&eacute;r&eacute;bral. L&rsquo;humanit&eacute; est n&eacute;e de la <i>tekhn&egrave;</i> (Stiegler, 1994). Goody a pass&eacute; sa vie &agrave; d&eacute;crire le caract&egrave;re constitutif de l&rsquo;&eacute;criture, comme technique, pour la cognition&nbsp;: l&rsquo;&eacute;criture en effet a d&eacute;bouch&eacute; sur une rationalit&eacute; graphique, reposant sur l&rsquo;usage de la liste, du tableau et de la formule &ndash; qui n&rsquo;existent pas comme tels dans les soci&eacute;t&eacute;s sans &eacute;criture. Bruno Bachimont (2010) a prolong&eacute; ces analyses en parlant du d&eacute;veloppement d&rsquo;une raison computationnelle li&eacute;e au num&eacute;rique. Lorsqu&rsquo;on introduit des objets techniques dans le monde, ils reconfigurent nos mani&egrave;res de percevoir, de raisonner, de nous organiser, d&rsquo;interagir avec les autres. C&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment en cela qu&rsquo;ils sont &agrave; consid&eacute;rer comme de v&eacute;ritables objets et non pas comme de simples instruments. Toute technique est une m&eacute;diation active, une suppl&eacute;ance et non pas une substitution. &laquo;&nbsp;Suppl&eacute;er&nbsp;&raquo; signifie &laquo;&nbsp;compl&eacute;ter&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;ajouter&nbsp;&raquo;, avec l&rsquo;id&eacute;e du suppl&eacute;ment&nbsp;; l&agrave; o&ugrave; &laquo;&nbsp;substituer&nbsp;&raquo; renvoie &agrave; &laquo;&nbsp;mettre sous&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;se mettre &agrave; la place de&nbsp;&raquo;, avec l&rsquo;id&eacute;e du remplacement.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Confondre suppl&eacute;ance et substitution est donc une erreur du point de vue du rapport &agrave; la technique, mais aussi du point de vue du rapport &agrave; la communication. Cette confusion repose sur le fantasme d&rsquo;une communication directe, sans interm&eacute;diaires qui postule &laquo;&nbsp;un &ecirc;tre-ensemble originel et imm&eacute;diat, s&eacute;par&eacute; d&rsquo;un monde de proth&egrave;ses et d&rsquo;outils&nbsp;&raquo; (Merzeau, 1998, p. 30). Or tout agir humain, toute communication, passe toujours par toute une s&eacute;rie de m&eacute;diations&nbsp;: corporelles, techniques, sociales. Penser que l&rsquo;on peut substituer les interactions des corps en pr&eacute;sence par des interactions en visio-conf&eacute;rence revient &agrave; nier la mat&eacute;rialit&eacute; agissante de ces couches de m&eacute;diations.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Communiquer oralement en face &agrave; face n&rsquo;est pas la m&ecirc;me chose que communiquer oralement en visioconf&eacute;rence. Cette affirmation peut para&icirc;tre triviale, mais elle bonne &agrave; rappeler, non pas pour d&eacute;fendre l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;il n&rsquo;est pas possible d&rsquo;enseigner la communication orale &agrave; distance, ou que l&rsquo;une serait meilleure que l&rsquo;autre, mais pour soutenir qu&rsquo;il s&rsquo;agit bien <i>d&rsquo;une autre communication</i>, impliquant <i>un autre enseignement</i>. </span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Si, lorsque nous avons bascul&eacute; dans l&rsquo;enseignement &agrave; distance, des inflexions ont &eacute;t&eacute; n&eacute;cessaires relativement &agrave; l&rsquo;enseignement de l&rsquo;expression orale en public, il n&rsquo;en reste pas moins que la qualit&eacute; d&rsquo;un discours oral en face &agrave; face ou en visioconf&eacute;rence d&eacute;pend de certaines m&ecirc;mes conditions pr&eacute;liminaires, en particulier relativement &agrave; ce qui a trait &agrave; la communication non-verbale et paraverbale. Et c&rsquo;est &agrave; l&rsquo;enseignement de ces conditions pr&eacute;liminaires que j&rsquo;ai consacr&eacute; le TP dont les objectifs et le d&eacute;roulement sont pr&eacute;sent&eacute;s ici. Il est articul&eacute; autour de trois comp&eacute;tences, toujours adoss&eacute;es &agrave; des concepts th&eacute;oriques issus des sciences humaines et sociales.</span></span></span></p> <ul> <li style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span calibri=""><span new="" roman="" times="">Premi&egrave;rement, cr&eacute;er la relation&nbsp;: lorsqu&rsquo;un orateur prend la parole en public, il doit instaurer un lien avec son auditoire et apprendre &agrave; d&eacute;passer l&rsquo;attitude de combat-fuite (Cannon, 1915).</span></span></span></span></li> <li style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span calibri=""><span new="" roman="" times="">Deuxi&egrave;mement, cr&eacute;er un contact visuel et &eacute;motionnel&nbsp;: l&rsquo;orateur doit apprendre &agrave; regarder son auditoire, dans les yeux autant qu&rsquo;&agrave; travers un &eacute;cran.</span></span></span></span></li> <li style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span calibri=""><span new="" roman="" times="">Troisi&egrave;mement, adapter sa voix et ses gestes &agrave; son discours : l&rsquo;orateur doit apprendre &agrave; poser sa voix et &agrave; accompagner son propos de gestes appropri&eacute;s.</span></span></span></span></li> </ul> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">J&rsquo;ai travaill&eacute; ces trois &eacute;l&eacute;ments dans le cadre d&rsquo;une s&eacute;quence p&eacute;dagogique introductive portant habituellement sur l&rsquo;expression orale en public, mais qui a d&ucirc; &ecirc;tre adapt&eacute;e &agrave; la crise sanitaire de 2020-2021 et basculer en enseignement &agrave; distance. Cette adaptation place l&rsquo;expression orale en visioconf&eacute;rence au c&oelig;ur d&rsquo;un enseignement sous forme de TP qui a dur&eacute; entre 2h et 4h et qui a &eacute;t&eacute; propos&eacute; dans cinq contextes diff&eacute;rents&nbsp;entre mars 2020 et juillet 2021<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span lang="FR-CH"><span new="" roman="" times="">[1]</span></span></span></span></a>. C&rsquo;est cette s&eacute;quence p&eacute;dagogique ax&eacute;e sur la communication non-verbale et paraverbale &agrave; distance, alliant r&eacute;flexions th&eacute;oriques et exercices pratiques, que je vais maintenant pr&eacute;senter.</span></span></span></p> <h1><span style="color:#3498db;">Cr&eacute;er la relation et ritualiser l&rsquo;entr&eacute;e dans l&rsquo;interaction</span></h1> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Prendre la parole en public consiste avant tout &agrave; avancer un corps sur une sc&egrave;ne &eacute;nonciative. Cela est vrai pour les interactions en face &agrave; face, mais aussi &ndash; quoi que diff&eacute;remment &ndash; pour les interactions &agrave; distance. Il est important de faire comprendre cette importance du corps aux futurs orateurs, car &ndash; qu&rsquo;ils en soient conscients ou non &ndash; leur corps va r&eacute;agir au moment o&ugrave; ils entreront en sc&egrave;ne. Cette r&eacute;action peut d&rsquo;ailleurs &ecirc;tre per&ccedil;ue comme positive ou comme n&eacute;gative, selon que les orateurs se positionnent du c&ocirc;t&eacute; de ceux qui aiment parler en public ou non. Dans un cas comme dans l&rsquo;autre, rendre les futurs orateurs conscients de leurs r&eacute;actions physiques est b&eacute;n&eacute;fique&nbsp;: cela les aide &agrave; d&eacute;dramatiser et calmer ce qu&rsquo;ils per&ccedil;oivent habituellement comme du stress ainsi qu&rsquo;&agrave; &eacute;viter certains gestes parasites et d&eacute;velopper leur &eacute;loquence. Prendre conscience et comprendre les m&eacute;canismes physiologiques en jeu lorsqu&rsquo;ils prennent la parole en public les rassure et leur apprend &agrave; composer avec cette donne-l&agrave;. </span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Quelles sont les r&eacute;actions du corps lorsqu&rsquo;un orateur prend la parole en public&nbsp;? Il va activer la r&eacute;ponse &laquo;&nbsp;combat ou fuite&nbsp;&raquo; (<i>figthing or flight</i>) que le professeur de physiologie Walter Cannon a d&eacute;crite en 1915 (p.211). Il s&rsquo;est int&eacute;ress&eacute; &agrave; l&rsquo;influence des &eacute;motions sur le corps, dans ce qu&rsquo;il a de plus profond et de moins visible, par exemple sa fonction gastro-intestinale. Au c&oelig;ur de son attention, on trouve&nbsp;&laquo;&nbsp;l&rsquo;émotion de la peur et l&rsquo;instinct de fuir ou d&rsquo;échapper au danger, et l&rsquo;émotion de la fureur ou de la colère et l&rsquo;instinct d&rsquo;attaquer. On peut considérer ces émotions et ces instincts comme élémentaires parce qu&rsquo;ils conditionnent la lutte pour l&rsquo;existence&nbsp;&raquo; (Cannon, [1930] 2020, p.147). </span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Quand les animaux, dont nous faisons partie, se trouvent face &agrave; un danger, ils vont par r&eacute;flexe d&eacute;clencher une grande &eacute;motion de col&egrave;re ou de peur et ainsi se pr&eacute;parer soit &agrave; combattre soit &agrave; prendre la fuite, comme si leur existence en d&eacute;pendait et de mani&egrave;re automatique. Or c&rsquo;est bien face &agrave; un tel danger que l&rsquo;orateur identifie, la plupart du temps et ind&eacute;pendamment de sa volont&eacute;, le fait d&rsquo;&ecirc;tre expos&eacute; en public. Il s&rsquo;agit bien entendu d&rsquo;une consid&eacute;ration g&eacute;n&eacute;rale et n&eacute;cessairement abusive dans la mesure o&ugrave; tout le monde ne per&ccedil;oit pas tout le temps le fait de parler en public comme un danger. Il y a bien entendu des variations <i>inter-individuelles</i> au sens o&ugrave; certaines personnes peuvent avoir l&rsquo;habitude de parler en public ou ont un temp&eacute;rament particuli&egrave;rement compatible avec l&rsquo;exercice et ainsi ne pas ressentir de peur ni de col&egrave;re, certaines personnes encore peuvent d&eacute;clencher une r&eacute;ponse combat fuite face &agrave; un auditoire de 15 personnes l&agrave; o&ugrave; pour d&rsquo;autres cela ne se passera qu&rsquo;&agrave; partir de 100 personnes. Mais il y a &eacute;galement des variations <i>intra-individuelles</i> dans la mesure o&ugrave; selon l&rsquo;&eacute;tat (de fatigue, de fragilit&eacute;, etc.) du moment l&rsquo;on peut plus ou moins percevoir la situation comme un danger. Enfin, le contexte joue n&eacute;cessairement un r&ocirc;le&nbsp;: un enseignant par exemple peut &ecirc;tre habitu&eacute; &agrave; parler devant un groupe de TP d&rsquo;une quinzaine de personnes et pourtant ressentir une forme d&rsquo;appr&eacute;hension face &agrave; un comit&eacute; de s&eacute;lection moins nombreux.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Ces variations inter-individuelles, intra-individuelles et contextuelles mises &agrave; part, un orateur d&eacute;clenche souvent une r&eacute;ponse combat-fuite quand il doit prendre la parole en public. Et cela se traduit par une s&eacute;rie de sympt&ocirc;mes, qui sont tr&egrave;s proches de ceux ressentis lors d&rsquo;un effort physique intense et cela en vue de pr&eacute;parer l&rsquo;organisme &agrave; combattre ou &agrave; fuir pour maintenir son existence. </span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">À ce propos, il est intéressant de noter que les manifestations viscérales accompagnant la peur et la colère, sont, dans les grandes lignes, les mêmes que celles résultant d&rsquo;un travail musculaire important. Quand nous faisons des exercices violents, la fréquence du c&oelig;ur augmente, la pression sanguine s&rsquo;élève, il y a une libération du sucre du foie et un accroissement du nombre de globules rouges, la respiration est plus fréquente, la transpiration apparaît et il peut y avoir des perturbations des mécanismes digestifs. [&hellip;] Selon cette manière de voir, les émotions préparent l&rsquo;organisme à la lutte, car aussi bien pour celui qui attaque que pour celui qui est attaqué, aussi bien pour celui qui poursuit que pour celui qui est poursuivi, la lutte peut être décisive : son dénouement peut être la vie ou la mort. (Cannon, [1930] 2020, p.148)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Les sympt&ocirc;mes de la r&eacute;ponse combat-fuite d&eacute;clench&eacute;e face &agrave; un danger, et parler en public est assimil&eacute; instinctivement &agrave; un danger, sont donc&nbsp;:</span></span></span></p> <ul> <li style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span calibri=""><span new="" roman="" times="">Une s&eacute;cr&eacute;tion d&rsquo;adr&eacute;naline </span></span></span></span></li> <li style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span calibri=""><span new="" roman="" times="">Une augmentation du rythme cardiaque (n&rsquo;a-t-on pas le c&oelig;ur qui bat au moment de commencer un expos&eacute;&nbsp;?)</span></span></span></span></li> <li style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span calibri=""><span new="" roman="" times="">Une &eacute;l&eacute;vation de la pression sanguine et de la temp&eacute;rature corporelle, qui peut amener ou non &agrave; transpirer, &agrave; rougir</span></span></span></span></li> <li style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span calibri=""><span new="" roman="" times="">Une acc&eacute;l&eacute;ration de la respiration</span></span></span></span></li> <li style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span calibri=""><span new="" roman="" times="">Un arr&ecirc;t de la digestion et donc de la salivation avec ou non pr&eacute;sence de maux de ventre (n&rsquo;a-t-on pas la bouche s&egrave;che lorsqu&rsquo;on parle en public&nbsp;?)</span></span></span></span></li> </ul> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Ces sympt&ocirc;mes peuvent &ecirc;tre paralysants pour les orateurs. Leur expliquer qu&rsquo;ils sont parfaitement normaux, qu&rsquo;ils ne d&eacute;pendent pas de leur volont&eacute; les aide &agrave; les reconna&icirc;tre lorsqu&rsquo;ils se produisent ainsi qu&rsquo;&agrave; les accepter, les normaliser et peu &agrave; peu les calmer. Lorsqu&rsquo;un orateur est dans une attitude de fuite, il a typiquement tendance &agrave; parler tr&egrave;s rapidement &ndash; plus vite c&rsquo;est fait, plus vite c&rsquo;est termin&eacute;. En parlant rapidement, il oublie de faire des pauses, a du mal &agrave; respirer alors que sa respiration est d&eacute;j&agrave; elle-m&ecirc;me acc&eacute;l&eacute;r&eacute;e par la r&eacute;ponse combat-fuite, ce qui le m&egrave;ne &agrave; se sentir encore moins bien et c&rsquo;est le cercle vicieux qui s&rsquo;installe. Autre manifestation de l&rsquo;attitude de fuite&nbsp;: la tendance d&rsquo;un orateur &agrave; s&rsquo;&eacute;loigner de l&rsquo;auditoire, &agrave; se coller contre le tableau ou le mur, &agrave; se r&eacute;fugier pr&egrave;s de l&rsquo;ordinateur qui commande son diaporama, &agrave; se toucher lui-m&ecirc;me (ses manches, ses bras, son buste, etc.) pour se rassurer, &agrave; aller imm&eacute;diatement s&rsquo;asseoir d&egrave;s sa pr&eacute;sentation termin&eacute;e pour mettre fin &agrave; la situation sans prendre le temps d&rsquo;accueillir les &eacute;ventuelles questions, &agrave; &eacute;viter le contact visuel avec l&rsquo;auditoire, &agrave; ne pas &ecirc;tre ancr&eacute; sur ses appuis et donc &agrave; se balancer. L&rsquo;attitude de combat ressemble beaucoup &agrave; celle de la fuite au sens o&ugrave; l&rsquo;orateur a &eacute;galement tendance &agrave; parler vite, mais il module en plus sa voix de mani&egrave;re agressive, il a souvent sa m&acirc;choire solidement ferm&eacute;e, les &eacute;paules crisp&eacute;es, les poings serr&eacute;s, il fait m&ecirc;me parfois craquer ses phalanges, ou joue avec un stylo, il ne sourit pas, g&egrave;re mal l&rsquo;espace en s&rsquo;avan&ccedil;ant trop pr&egrave;s des auditeurs, se balance d&rsquo;un pied &agrave; l&rsquo;autre &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un boxeur qui sautille, etc.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Cannon lui-m&ecirc;me a fait le parall&egrave;le entre ses travaux sur la r&eacute;ponse combat-fuite et le fait de prendre la parole en public. En ouverture d&rsquo;une s&eacute;rie de conf&eacute;rences r&eacute;alis&eacute;es &agrave; Paris en 1930, il s&rsquo;exprima en ces termes&nbsp;:</span></span></span></p> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">L&rsquo;étude des émotions constitue un sujet singulièrement approprié pour un conférencier qui apparaît pour la première fois devant un auditoire aussi distingué, dans une institution médicale aussi ancienne. L&rsquo;orateur lui-même devient alors une illustration de son sujet. Il est profondément impressionné et un peu exalté, peut-être, de l&rsquo;honneur qu&rsquo;il a de se trouver où beaucoup de grands hommes se sont trouvés avant lui, et à cela se mêle une certaine appréhension et la crainte de ne pas atteindre au degré d&rsquo;excellence de ces prédécesseurs. (Cannon, [1930] 2020, p.119)</span></span></span></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Les sympt&ocirc;mes de la r&eacute;ponse combat-fuite peuvent &ecirc;tre mal v&eacute;cus ou per&ccedil;us de mani&egrave;re n&eacute;gative. Cela est d&rsquo;autant plus vrai que les orateurs les d&eacute;couvrent au moment o&ugrave; ils parlent, se sentant ainsi parfois d&eacute;bord&eacute;s par ce qu&rsquo;ils vivent comme du mauvais stress et qui se traduit par un langage du corps peu adapt&eacute; &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;une relation de qualit&eacute; entre l&rsquo;orateur et l&rsquo;auditoire. En r&eacute;alit&eacute;, les sympt&ocirc;mes de la r&eacute;ponse combat-fuite sont d&rsquo;une grande utilit&eacute; en tant que pr&eacute;paration &agrave; l&rsquo;action &ndash; et ont d&rsquo;ailleurs eu une grande influence sur &laquo;&nbsp;la survivance des organismes au cours des &acirc;ges&nbsp;&raquo; (Cannon, [1930] 2020, p.&nbsp;160). Cannon donne plusieurs exemples d&rsquo;hommes ayant d&eacute;ploy&eacute; une puissance physique extraordinaire lorsqu&rsquo;ils &eacute;taient dans une situation de d&eacute;tresse, il parle de l&rsquo;organisation des matchs de football o&ugrave; tout est mis en &oelig;uvre pour cr&eacute;er chez les joueurs cette excitation &eacute;motive qui nous rend si puissants et qui nous plonge dans une certaine euphorie. &laquo;&nbsp;Il existe une satisfaction intense dans ces moments d&rsquo;exaltation, lorsque le corps est au summum de sa puissance &raquo; (Cannon, [1930] 2020, p.&nbsp;165). Il va jusqu&rsquo;&agrave; citer le philosophe et psychologue Stanley Hall qui &eacute;crivit en 1914&nbsp;:</span></span></span></p> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Le danger nous rend plus vivants. Nous aimons tellement à combattre que nous en arrivons à aimer la peur qui nous donne de la force pour le combat. La peur n&rsquo;est pas seulement une chose dont il faut se débarrasser par la fuite, mais elle doit être accueillie comme un arsenal de nouvelles forces. (Hall, 1914, p.154 cit&eacute; par Cannon, [1930] 2020, p.&nbsp;165)</span></span></span></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">La peur ou l&rsquo;appr&eacute;hension qu&rsquo;un orateur peut ressentir lorsqu&rsquo;il prend la parole en public est un moteur, elle peut &ecirc;tre euphorisante et apporte une puissance qui peut &ecirc;tre mobilis&eacute;e au service de l&rsquo;exercice oral. Cela passe par accepter les sympt&ocirc;mes de la r&eacute;ponse combat-fuite et les mettre au service de la performance. La respiration s&rsquo;acc&eacute;l&egrave;re&nbsp;? L&rsquo;orateur doit apprendre &agrave; prendre le temps de respirer, de marquer des pauses, qui vont lui permettre de se connecter &agrave; ses ressentis, de faire de la place &agrave; l&rsquo;auditoire et ainsi cr&eacute;er une relation de qualit&eacute; avec ses auditeurs. Il a tendance &agrave; s&rsquo;&eacute;loigner de l&rsquo;auditoire&nbsp;? Qu&rsquo;il prenne conscience de cette attitude et prenne la peine de s&rsquo;avancer d&rsquo;un pas afin de se placer &agrave; bonne distance de l&rsquo;auditoire, jusqu&rsquo;&agrave; trouver le seuil o&ugrave; il gagnerait sans doute plus &agrave; combattre qu&rsquo;&agrave; fuir, cette limite que connaissent bien les dompteurs de lions qui, pour les faire rugir sans les faire fuir ni les faire attaquer, jouent sur cette distance seuil. L&rsquo;orateur ressentira ainsi une euphorie, une puissance, une concentration qui lui seront b&eacute;n&eacute;fiques dans son exercice. </span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Mais que se passe-t-il lorsque la communication orale se fait &agrave; distance&nbsp;?&nbsp;La r&eacute;ponse combat-fuite s&rsquo;enclenche-t-elle, alors que l&rsquo;orateur est seul et que le danger per&ccedil;u se trouve de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; d&rsquo;un &eacute;cran, &agrave; des dizaines, des centaines ou des milliers de kilom&egrave;tres&nbsp;? La r&eacute;ponse est oui, mais elle se manifeste d&rsquo;une mani&egrave;re sp&eacute;cifique.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">En effet, une des premi&egrave;res difficult&eacute;s dans la communication orale &agrave; distance r&eacute;side en ceci que l&rsquo;orateur est concr&egrave;tement seul face &agrave; son &eacute;cran. Il doit passer par une op&eacute;ration de repr&eacute;sentation mentale pour comprendre et essayer de ressentir le fait qu&rsquo;il est en public. L&agrave; o&ugrave;, dans les interactions en face &agrave; face, d&egrave;s qu&rsquo;il franchit la porte d&rsquo;un amphith&eacute;&acirc;tre, son corps saisit imm&eacute;diatement qu&rsquo;il est en pr&eacute;sence d&rsquo;autres. Cette op&eacute;ration de repr&eacute;sentation mentale de l&rsquo;auditoire peut r&eacute;ussir ou &eacute;chouer. Si elle &eacute;choue, il y a de fortes chances pour que l&rsquo;orateur d&eacute;roule un expos&eacute; sans &eacute;loquence, durant lequel il ne se connecte pas ou peu &eacute;motionnellement &agrave; lui-m&ecirc;me et &agrave; son auditoire et qui risque de d&eacute;boucher sur un discours peu impliquant, tant pour lui-m&ecirc;me que pour ses auditeurs. Or nous savons depuis <i>La Rh&eacute;torique</i> d&rsquo;Aristote au moins que la circulation des affects (<i>pathos</i>) constitue l&rsquo;un des trois modes de persuasion n&eacute;cessaires &agrave; un discours qui emporte l&rsquo;adh&eacute;sion. Pour que le discours r&eacute;alis&eacute; soit de bonne qualit&eacute;, il est n&eacute;cessaire que l&rsquo;orateur parvienne &agrave; r&eacute;aliser cette op&eacute;ration mentale qui consiste &agrave; lui faire comprendre &ndash; et ressentir &ndash; que, bien qu&rsquo;il soit seul face &agrave; son &eacute;cran, il est en r&eacute;alit&eacute; en public. Il s&rsquo;agit l&agrave; d&eacute;j&agrave; en soi d&rsquo;une difficult&eacute;. Mais dans les cas o&ugrave; l&rsquo;orateur r&eacute;ussit cette op&eacute;ration mentale, il lui faut encore prendre en charge les sympt&ocirc;mes de la r&eacute;ponse combat-fuite, qui s&rsquo;exprime d&rsquo;une mani&egrave;re particuli&egrave;re &agrave; distance. En effet, c&rsquo;est rarement la col&egrave;re et l&rsquo;attitude de combat qui s&rsquo;activent &ndash; le danger n&rsquo;&eacute;tant pas pr&eacute;sent concr&egrave;tement. C&rsquo;est bien plut&ocirc;t la peur et l&rsquo;attitude de fuite qui vont s&rsquo;activer et renforcer encore la tendance d&eacute;j&agrave; bien pr&eacute;sente &agrave; d&eacute;r&eacute;aliser la situation de communication, &agrave; s&rsquo;en extraire. En r&eacute;sum&eacute;, &agrave; distance, non seulement il est d&eacute;j&agrave; difficile de ressentir r&eacute;ellement la pr&eacute;sence des auditeurs, mais en plus, quand l&rsquo;orateur y parvient, il d&eacute;clenche une r&eacute;ponse de fuite qui le pousse &agrave; se sortir d&rsquo;une relation dans laquelle il &eacute;tait d&eacute;j&agrave; ardu d&rsquo;entrer. Tout se passe comme si, &agrave; peine sorti de sa solitude, l&rsquo;orateur se retrouve imm&eacute;diatement tent&eacute; de retourner s&rsquo;y r&eacute;fugier. Dans un exercice de communication orale &agrave; distance, il est donc tr&egrave;s important de parvenir &agrave; se sentir en public, avec les autres, et d&rsquo;accepter cette relation. Reste &agrave; identifier comment y parvenir.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Pour que l&rsquo;orateur, seul face &agrave; son &eacute;cran, r&eacute;ussisse &agrave; se sentir en pr&eacute;sence d&rsquo;autres personnes et parvienne alors &agrave; se connecter &agrave; sa parole, &agrave; l&rsquo;habiter d&rsquo;affects, il doit se pr&eacute;parer &agrave; l&rsquo;interaction puis s&rsquo;aider en utilisant certaines fonctionnalit&eacute;s du logiciel de visioconf&eacute;rence utilis&eacute;, en particulier l&rsquo;affichage de la liste des participants. En ce qui concerne la pr&eacute;paration &agrave; l&rsquo;interaction, elle doit &ecirc;tre ritualis&eacute;e. Des &eacute;tudes (Traverso, 2007) ont montr&eacute; que les pratiques interactionnelles quotidiennes &eacute;taient analysables en trois parties&nbsp;: l&rsquo;ouverture, le corps, la cl&ocirc;ture. La phase d&rsquo;ouverture est le moment o&ugrave; les participants entrent en contact et commencent l&rsquo;&eacute;change. Qu&rsquo;elle ait lieu en face &agrave; face ou &agrave; distance (Yahiaoui, 2020), cette phase est tr&egrave;s m&eacute;thodiquement r&eacute;gl&eacute;e et correspond souvent &agrave; un &eacute;change de salutations. Il faut toutefois distinguer le rituel d&rsquo;ouverture qui met en pr&eacute;sence les participants, comme lorsque quelqu&rsquo;un sonne &agrave; la porte, de celui o&ugrave; les participants sont d&eacute;j&agrave; en situation de copr&eacute;sence et commencent &agrave; s&rsquo;engager de mani&egrave;re effective dans l&rsquo;&eacute;change, comme lors du d&eacute;but d&rsquo;une r&eacute;union alors que tout le monde est d&eacute;j&agrave; autour de la table (Traverso, 2007). Ces rituels d&rsquo;ouverture ont &eacute;t&eacute; minutieusement d&eacute;crits, mais ils sont toujours encastr&eacute;s dans des rituels qui les pr&eacute;c&egrave;dent et qu&rsquo;on pourrait qualifier de rituels de pr&eacute;-ouverture. Pour adh&eacute;rer &agrave; son r&ocirc;le d&rsquo;orateur, toute personne doit s&rsquo;y pr&eacute;parer et cela passe par une s&eacute;rie de gestes quotidiens r&eacute;alis&eacute;s de mani&egrave;re presque automatique comme choisir ses v&ecirc;tements le matin ou se brosser les dents, prendre un caf&eacute; et autres micro-actions durant lesquelles le corps et la pens&eacute;e se pr&eacute;parent &agrave; l&rsquo;entr&eacute;e dans l&rsquo;interaction. </span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Ces rituels de pr&eacute;-ouverture sont extr&ecirc;mement importants dans le cadre d&rsquo;un exercice de communication orale &agrave; distance car les participants &agrave; l&rsquo;interaction n&rsquo;entrent jamais en co-pr&eacute;sence physique. Il est donc n&eacute;cessaire d&rsquo;avoir recours aux rituels qui pr&eacute;c&egrave;dent habituellement les interactions en face &agrave; face pour pr&eacute;parer le corps et la pens&eacute;e &agrave; la co-pr&eacute;sence &agrave; distance qui va venir. L&rsquo;orateur peut par exemple se fixer un horaire, se pr&eacute;parer en termes de tenue vestimentaire, mais aussi organiser le lieu depuis lequel il va parler. S&rsquo;il peut avoir un espace de travail d&eacute;di&eacute; (un bureau par exemple), cela l&rsquo;aidera &agrave; int&eacute;grer son r&ocirc;le d&rsquo;orateur. S&rsquo;il est contraint de travailler depuis un espace personnel, il peut s&rsquo;aider d&rsquo;objets symboliques qui lui rappellent son environnement de travail&nbsp;: pr&eacute;parer un bloc de feuilles et un stylo ou un agenda, rendre visible une photographie de son lieu de travail ou tout autre objet qui peut le connecter au monde professionnel qu&rsquo;il conna&icirc;t. Il sera ainsi mis en situation et sera pr&ecirc;t &agrave; entrer dans les rituels d&rsquo;ouverture, en se connectant &agrave; son logiciel de visioconf&eacute;rence et en &eacute;changeant les premi&egrave;res salutations.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Une fois les rituels de pr&eacute;-ouverture r&eacute;alis&eacute;s et une fois connect&eacute;, l&rsquo;orateur va entrer dans l&rsquo;interaction proprement dite. Les premi&egrave;res secondes sont cruciales. S&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un discours, il doit r&eacute;ussir son exorde. S&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une r&eacute;union, il doit se livrer au rituel d&rsquo;ouverture. Dans les deux cas, il doit habiter sa parole, &ecirc;tre pr&eacute;sent &agrave; lui-m&ecirc;me et &ecirc;tre pr&eacute;sent &agrave; l&rsquo;auditoire. Encore une fois, il faut qu&rsquo;il comprenne qu&rsquo;il est <i>en public</i>, qu&rsquo;il est <i>avec d&rsquo;autres</i>, quand bien m&ecirc;me il est physiquement seul face &agrave; son &eacute;cran, un &eacute;cran noir lorsque les participants n&rsquo;activent pas leur cam&eacute;ra. Pour l&rsquo;aider &agrave; se repr&eacute;senter cette co-pr&eacute;sence et afin de la ressentir et de l&rsquo;habiter, l&rsquo;orateur peut s&rsquo;aider de la liste des participants. Voir le nombre de personnes connect&eacute;es, voir leurs noms s&rsquo;empiler sous forme de liste peut appuyer ou cr&eacute;er le sentiment de co-pr&eacute;sence. Bien entendu, commencer les salutations, faire l&rsquo;appel, poser une question ou autre acte conversationnel amenant l&rsquo;auditoire &agrave; r&eacute;agir peut aider l&rsquo;orateur &agrave; se sentir en public. Mais il n&rsquo;en reste pas moins qu&rsquo;&agrave; distance, il est tr&egrave;s difficile de sentir la pr&eacute;sence de l&rsquo;autre, de comprendre comment il se sent, o&ugrave; il se situe dans l&rsquo;engagement dans l&rsquo;interaction. Afin de faire &eacute;prouver cette difficult&eacute; aux futurs orateurs et de le faire saisir l&rsquo;importance de l&rsquo;utilisation de la liste des participants, j&rsquo;ai propos&eacute; un premier exercice dans mes cours qui s&rsquo;est r&eacute;v&eacute;l&eacute; int&eacute;ressant&nbsp;: l&rsquo;exercice du compte &agrave; rebours collectif.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">L&rsquo;exercice est tr&egrave;s simple. Il consiste &agrave; demander &agrave; tous les participants de compter de mani&egrave;re d&eacute;croissante de 20 &agrave; 0, chacun &agrave; tour de r&ocirc;le et sans que deux personnes n&rsquo;&eacute;noncent le m&ecirc;me nombre en m&ecirc;me temps. Si un chevauchement de parole devait avoir lieu, l&rsquo;animateur relance alors l&rsquo;exercice depuis le d&eacute;but. La consigne n&rsquo;est volontairement pas plus pr&eacute;cise, par exemple la d&eacute;cision d&rsquo;activer la cam&eacute;ra est laiss&eacute;e au choix des participants. Cet exercice est tr&egrave;s facile lorsque les participants sont physiquement dans la m&ecirc;me pi&egrave;ce. D&rsquo;un regard, chacun comprend qui va s&rsquo;avancer dans l&rsquo;&eacute;nonciation. Mais &agrave; distance, les r&eacute;sultats sont tr&egrave;s diff&eacute;rents. On constate d&rsquo;abord un manque de fluidit&eacute;, de longs silences pr&eacute;c&egrave;dent chaque prise de parole, sympt&ocirc;me de la difficult&eacute; &agrave; savoir quand autrui s&rsquo;appr&ecirc;te &agrave; avancer sa voix. Les participants r&eacute;agissent &agrave; cette difficult&eacute; en laissant le champ libre, leurs longs silences servent &agrave; faire de la place &agrave; quiconque souhaiterait s&rsquo;engager dans l&rsquo;&eacute;nonciation. Chaque parole qui s&rsquo;avance sent qu&rsquo;elle prend le risque d&rsquo;occuper un espace qu&rsquo;autrui pourrait vouloir occuper. Elle se fait donc timide et d&eacute;licate. </span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Bien souvent, les participants disent un m&ecirc;me nombre en m&ecirc;me temps et il faut recommencer. Apr&egrave;s plusieurs tentatives, les participants proposent la plupart du temps d&rsquo;eux-m&ecirc;mes de r&eacute;partir les tours de parole selon l&rsquo;ordre propos&eacute; par la liste des participants affich&eacute;e sur la plateforme de visioconf&eacute;rence. Ce premier exercice leur permet d&rsquo;&eacute;prouver la difficult&eacute; &agrave; sentir o&ugrave; est l&rsquo;autre &agrave; distance, s&rsquo;il s&rsquo;appr&ecirc;te &agrave; parler ou non et il m&egrave;ne &agrave; constater l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;avoir recours &agrave; la liste des participants pour se repr&eacute;senter l&rsquo;auditoire. C&rsquo;est un exercice qui permet de faire comprendre l&rsquo;importance du contact avec l&rsquo;auditoire ainsi que la difficult&eacute; &agrave; l&rsquo;installer lorsqu&rsquo;on communique oralement &agrave; distance. Il s&rsquo;agit ici d&rsquo;un contact &eacute;motionnel qui passe en partie par une repr&eacute;sentation mentale de l&rsquo;auditoire, mais ce contact &eacute;motionnel doit &eacute;galement &ecirc;tre instaur&eacute; par le contact visuel. Seulement, comment &eacute;tablir un regard de qualit&eacute;, <i>a fortiori</i> lorsque celui-ci doit passer par ces m&eacute;diations techniques que sont l&rsquo;&eacute;cran et la webcam&nbsp;?</span></span></span></p> <h1><span style="color:#3498db;">Les regards&nbsp;: cr&eacute;er un contact visuel et &eacute;motionnel</span></h1> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Cr&eacute;er un contact visuel avec son auditoire est quelque chose qui s&rsquo;apprend. L&rsquo;orateur doit accepter d&rsquo;entrer en relation avec son auditoire, sans chercher &agrave; fuir la situation de communication ni &agrave; se battre. Il doit donc apprendre &agrave; regarder son auditoire, sans proposer ni un regard fuyant ni un regard d&eacute;fiant. Le regard fuyant se traduit par la tendance, pour l&rsquo;orateur, &agrave; se r&eacute;fugier dans ses notes ou son diaporama, &agrave; balayer l&rsquo;auditoire de gauche &agrave; droite et de droite &agrave; gauche trop rapidement, m&eacute;caniquement, &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un balai d&rsquo;essuie-glace. Le regard d&eacute;fiant quant &agrave; lui est au contraire insistant, souvent tr&egrave;s cibl&eacute;. Le regard de qualit&eacute;, celui de l&rsquo;orateur pr&eacute;sent &agrave; lui-m&ecirc;me et disponible pour son auditoire, passe au contraire par chaque auditeur lorsque cela est possible, de mani&egrave;re al&eacute;atoire et interpellante. Quand l&rsquo;auditoire est tr&egrave;s grand, alors l&rsquo;orateur apprend &agrave; d&eacute;couper la salle en quatre parties&nbsp;: gauche et droite, devant et derri&egrave;re, et prom&egrave;ne son regard sur chacun de ces quarts. Dans tous les cas, l&rsquo;orateur apprend &agrave; regarder ses auditeurs dans les yeux. Mais comment faire &agrave; distance&nbsp;? O&ugrave; regarder&nbsp;? Comment habiter son propre regard afin d&rsquo;&eacute;tablir un v&eacute;ritable contact avec ses auditeurs&nbsp;alors que tout passe par la surface lisse d&rsquo;un &eacute;cran et une solitude physique&nbsp;?</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Dans la communication &agrave; distance, l&rsquo;orateur peut regarder son auditoire de deux diff&eacute;rentes mani&egrave;res&nbsp;: le regard <i>face</i> cam&eacute;ra et le regard <i>retour</i> cam&eacute;ra. Tous deux pr&eacute;sentent des avantages et des inconv&eacute;nients, raison pour laquelle il est int&eacute;ressant de passer r&eacute;guli&egrave;rement de l&rsquo;un &agrave; l&rsquo;autre lorsque l&rsquo;on prend la parole en public &agrave; distance. Le regard face cam&eacute;ra consiste &agrave; regarder directement dans l&rsquo;&oelig;illeton de la webcam. L&rsquo;avantage de ce regard est qu&rsquo;il donne l&rsquo;impression &agrave; chaque auditeur d&rsquo;&ecirc;tre regard&eacute; directement dans les yeux. L&rsquo;auditeur se sent ainsi interpell&eacute; directement, ce qui capte son attention. Mais les inconv&eacute;nients de ces regards face cam&eacute;ra sont nombreux. D&rsquo;abord, ils peuvent &ecirc;tre g&ecirc;nants &ndash; surtout s&rsquo;ils sont prolong&eacute;s &ndash; pour les auditeurs, qui se sentent d&eacute;visag&eacute;s, mal &agrave; l&rsquo;aise. Ils trouvent ces regards &eacute;tranges. Cela tient au fait qu&rsquo;il est tr&egrave;s difficile, pour l&rsquo;orateur, de ressentir et comprendre &agrave; qui il s&rsquo;adresse lorsqu&rsquo;il regarde l&rsquo;&oelig;illeton de sa cam&eacute;ra. Parler &agrave; une petite lumi&egrave;re verte ou rouge implique un probl&egrave;me d&rsquo;adresse. L&agrave; o&ugrave;, lorsque l&rsquo;on regarde quelqu&rsquo;un dans les yeux, l&rsquo;on sait et sent tout de suite &agrave; qui l&rsquo;on parle. Le regard face cam&eacute;ra est donc un regard qui n&rsquo;est pas adress&eacute;, qui est tr&egrave;s difficilement habit&eacute; &eacute;motionnellement, d&rsquo;o&ugrave; cette sensation pour les auditeurs d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;visag&eacute;s. Ce n&rsquo;est pas un regard qui connecte, c&rsquo;est un regard qui est l&agrave;, qui fixe. Un regard qui nous regarde sans que l&rsquo;on ne se sente en contact. Ce probl&egrave;me d&rsquo;adresse du regard face cam&eacute;ra est non seulement li&eacute; au fait qu&rsquo;il est difficile, pour l&rsquo;orateur de cr&eacute;er une relation et un regard de qualit&eacute; avec une lumi&egrave;re rouge ou verte sur un &eacute;cran, mais il est aussi li&eacute; au fait qu&rsquo;en regardant face cam&eacute;ra, l&rsquo;orateur peut potentiellement regarder droit dans les yeux une multitude d&rsquo;auditeurs &agrave; la fois. Or, sans la m&eacute;diation technique du logiciel de visioconf&eacute;rence, il n&rsquo;est pas possible &ndash; dans les interactions en face &agrave; face &ndash; de regarder dans les yeux plusieurs personnes <i>en m&ecirc;me temps</i>. Comment l&rsquo;orateur peut-il proposer un regard de qualit&eacute;, qui est bien adress&eacute;, alors qu&rsquo;il est cens&eacute; regarder droit dans les yeux plusieurs personnes &agrave; la fois&nbsp;? Comment peut-il &eacute;motionnellement comprendre &agrave; qui il parle exactement&nbsp;? En r&eacute;sum&eacute;, le regard face cam&eacute;ra pr&eacute;sente l&rsquo;avantage de donner l&rsquo;impression &agrave; l&rsquo;auditeur qu&rsquo;il est regard&eacute; dans les yeux par son orateur mais il comporte pour inconv&eacute;nients d&rsquo;&ecirc;tre mal &ndash; voire pas du tout &ndash; adress&eacute;. C&rsquo;est un regard qui offre un contact visuel, mais pas de contact &eacute;motionnel. </span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">&Agrave; c&ocirc;t&eacute; du regard face cam&eacute;ra, l&rsquo;orateur qui communique &agrave; distance peut proposer un autre regard&nbsp;: le regard retour cam&eacute;ra. Il s&rsquo;agit du regard qui se pose sur la vignette vid&eacute;o de l&rsquo;un ou l&rsquo;autre auditeur, &agrave; condition que celui-ci ait activ&eacute; sa cam&eacute;ra. Si ce n&rsquo;est pas le cas, alors l&rsquo;orateur regarde le chat ou la liste des participants qui s&rsquo;affiche &agrave; l&rsquo;&eacute;cran. Il s&rsquo;agit d&rsquo;un regard qui a pour avantage d&rsquo;&ecirc;tre bien adress&eacute;. L&rsquo;orateur comprend &agrave; qui il s&rsquo;adresse, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse du public dont la liste se trouve sous ses yeux ou une personne en particulier dont l&rsquo;image s&rsquo;affiche &agrave; l&rsquo;&eacute;cran. Le contact &eacute;motionnel est plus facile &agrave; &eacute;tablir. En revanche, ce regard pr&eacute;sente l&rsquo;inconv&eacute;nient de ne pas proposer de contact visuel direct. En effet, les auditeurs ne se sentent pas regard&eacute;s droit dans les yeux puisque l&rsquo;orateur pose son regard non pas dans l&rsquo;&oelig;illeton de la cam&eacute;ra mais sur une zone de l&rsquo;&eacute;cran. Contrairement au regard face cam&eacute;ra qui &eacute;tablit un contact visuel et non pas &eacute;motionnel, le regard retour cam&eacute;ra &eacute;tablit un contact &eacute;motionnel et pas de contact visuel direct. Il est donc int&eacute;ressant, pour l&rsquo;orateur &agrave; distance, de faire varier ces deux types de regard.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Afin de faire &eacute;prouver aux futurs orateurs les diff&eacute;rentes formes de contact qu&rsquo;offrent ces deux types de regard, j&rsquo;ai propos&eacute; un exercice aux participants qui ont suivi le module de formation que j&rsquo;ai dispens&eacute;. Cet exercice se r&eacute;alise par deux. L&rsquo;animateur peut ainsi soit r&eacute;partir les participants deux par deux dans des pi&egrave;ces s&eacute;par&eacute;es, soit demander &agrave; deux volontaires de le r&eacute;aliser devant le reste de l&rsquo;assistance. Les deux participants activent leur cam&eacute;ra et se parlent en testant les deux types de regards (face cam&eacute;ra et retour cam&eacute;ra) et font part de leur ressenti. Il s&rsquo;est av&eacute;r&eacute; formateur de laisser un temps d&rsquo;exp&eacute;rimentation de ces regards aux participants. L&rsquo;exercice peut &ecirc;tre prolong&eacute; par le jeu du miroir qui consiste &agrave; demander au participant B de se faire le miroir du participant A, c&rsquo;est-&agrave;-dire que B doit faire les m&ecirc;mes gestes, les m&ecirc;mes mimiques, les m&ecirc;mes regards que A. Cette variante permet &eacute;galement de travailler les regards en visioconf&eacute;rence.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Cette question des regards peut para&icirc;tre triviale, mais en r&eacute;alit&eacute; elle est de premi&egrave;re importance car sans contact &eacute;motionnel et visuel de qualit&eacute;, l&rsquo;orateur ne pourra pas &ecirc;tre &eacute;loquent ni proposer un discours persuasif qui capte l&rsquo;attention. Le regard a une fonction phatique (Bougnoux, 1991), il tend &agrave; renforcer la communication en cours, appelant &agrave; l&rsquo;investir pour d&eacute;passer la forme proto-sociale de l&rsquo;interaction (Goffman, [1963] 2013). Prendre la parole en public, en face &agrave; face ou &agrave; distance, c&rsquo;est avant tout cr&eacute;er une relation et avancer un corps. Mais comment avancer un corps, quand l&rsquo;orateur est seul face &agrave; un &eacute;cran, &agrave; des dizaines, des centaines ou de milliers de kilom&egrave;tres de son auditoire&nbsp;?</span></span></span></p> <h1><span style="color:#3498db;">La voix et les gestes&nbsp;: communiquer &agrave; bonne distance</span></h1> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Dans <i>La dimension cach&eacute;e</i> [1966](1971), l&rsquo;anthropologue am&eacute;ricain Edward T. Hall a montr&eacute; que chaque culture a sa fa&ccedil;on d&rsquo;appr&eacute;hender les d&eacute;placements du corps, d&rsquo;organiser les cadres de la conversation et la gestion de l&rsquo;espace, de poser les limites de l&rsquo;intimit&eacute;. S&rsquo;int&eacute;ressant &agrave; la mani&egrave;re dont les humains per&ccedil;oivent la distance qui les s&eacute;pare de leurs cong&eacute;n&egrave;res, Hall a r&eacute;alis&eacute; une &eacute;tude &agrave; partir d&rsquo;entretiens r&eacute;alis&eacute;s avec des adultes de classe moyenne (professions lib&eacute;rales ou milieu des affaires, essentiellement des intellectuels) de la C&ocirc;te Nord-Est am&eacute;ricaine. Si ses r&eacute;sultats ne peuvent pas &ecirc;tre g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;s &agrave; l&rsquo;ensemble de l&rsquo;humanit&eacute; ni m&ecirc;me &agrave; l&rsquo;ensemble des Am&eacute;ricains, ils peuvent n&eacute;anmoins &ecirc;tre mobilis&eacute;s dans le cadre d&rsquo;une formation &agrave; l&rsquo;expression orale, dispens&eacute;e &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; en France. &Agrave; la suite de cette &eacute;tude, Hall a diff&eacute;renci&eacute; quatre zones&nbsp;: intime, personnelle, sociale et publique. Chacune d&rsquo;entre elle comporte un mode proche et un mode lointain et a des effets de cadrage sur les interactions qui s&rsquo;y d&eacute;ploient. Il est int&eacute;ressant de les pr&eacute;senter rapidement afin d&rsquo;&eacute;valuer dans quelle zone se trouve l&rsquo;orateur lorsqu&rsquo;il prend la parole en public et de comprendre comment il peut mettre en ad&eacute;quation sa gestuelle et sa voix &agrave; la sph&egrave;re dans laquelle il se trouve.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Deux individus &agrave; distance <i>intime</i> peuvent se toucher l&rsquo;un l&rsquo;autre, ils se trouvent &eacute;loign&eacute;s de 0 &agrave; 40cm. Ils sentent l&rsquo;odeur de l&rsquo;autre, son haleine, sa chaleur, le rythme de sa respiration mais la vision &ndash; qui n&eacute;cessite un certain &eacute;loignement pour s&rsquo;accomplir &ndash; joue un r&ocirc;le mineur, ainsi que la voix, qui est plut&ocirc;t de l&rsquo;ordre du murmure ou de manifestations vocales involontaires, de bruits du corps. C&rsquo;est la zone de la lutte ou de l&rsquo;acte sexuel.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">La distance <i>personnelle</i> s&rsquo;&eacute;tend quant &agrave; elle de 45cm &agrave; 1,20m, c&rsquo;est la sph&egrave;re protectrice. Ici, deux individus peuvent se toucher s&rsquo;ils tendent le bras, la vision commence &agrave; intervenir, la hauteur de la voix est mod&eacute;r&eacute;e et l&rsquo;olfaction n&rsquo;entre pas tellement en jeu chez les occidentaux, bien que l&rsquo;haleine puisse &ecirc;tre perceptible. Ici, les conversations prennent volontiers une tournure personnelle. C&rsquo;est typiquement la sph&egrave;re du foyer ou du restaurant en t&ecirc;te &agrave; t&ecirc;te par exemple.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">La distance <i>sociale</i> va de 1,20m &agrave; 3,60m. Ici, &laquo;&nbsp;Les d&eacute;tails visuels intimes du visage ne sont plus per&ccedil;us, et personne ne touche ou n&rsquo;est suppos&eacute; toucher autrui, sauf &agrave; accomplir un effort particulier [&hellip;] la hauteur de la voix est normale&nbsp;&raquo; (Hall, 1971, p. 84). On n&rsquo;y sent plus l&rsquo;haleine de l&rsquo;autre, mas on voit sa silhouette et le contact visuel est particuli&egrave;rement important ici. C&rsquo;est la sph&egrave;re professionnelle, celle des n&eacute;gociations impersonnelles, mais aussi des r&eacute;unions informelles, elle permet d&rsquo;&ecirc;tre avec autrui sans &ecirc;tre contraint par lui. Hall &eacute;crit &agrave; ce sujet que &laquo;&nbsp;les maris qui rentrent du travail ont souvent l&rsquo;habitude de s&rsquo;asseoir pour lire leur journal, et se détendre, à trois mètres ou plus de leurs épouses, car cette distance ne leur impose aucune contrainte&nbsp;&raquo; (1971, p. 85). Il est donc possible de jouer sur les distances et d&rsquo;instaurer une distance sociale, m&ecirc;me dans la sph&egrave;re personnelle. &Agrave; l&rsquo;inverse, il est possible de retirer toute vraie intimit&eacute; &agrave; une proximit&eacute; forc&eacute;e dans les transports en commun bond&eacute;s, o&ugrave; de parfaits &eacute;trangers se retrouvent coll&eacute;s les uns contre les autres.&nbsp; </span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Enfin, la distance <i>publique</i> s&rsquo;&eacute;tale de 3,60m &agrave; 7,50m ou plus. Ici, les changements sensoriels sont substantiels, l&rsquo;individu n&rsquo;est plus concern&eacute; par les autres et l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un contact avec autrui ne traverse plus l&rsquo;esprit. &Agrave; cette distance, &laquo;&nbsp;un sujet valide peut adopter une conduite de fuite ou de d&eacute;fense s&rsquo;il se sent menac&eacute;&nbsp;&raquo; (Hall, 1971, p. 85). La voix est haute et on assiste &agrave; une transformation du style&nbsp;: le vocabulaire, la grammaire et la syntaxe du locuteur sont plus &eacute;labor&eacute;s. Le rythme de l&rsquo;&eacute;locution est ralenti, l&rsquo;articulation est renforc&eacute;e. La subtilit&eacute; des nuances des expressions faciales ou des gestes &eacute;chappe facilement &agrave; cette distance, les individus accentuent donc leur comportement.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Lorsqu&rsquo;un orateur prend la parole en public, dans quelle sph&egrave;re se trouve-t-il&nbsp;? Et dans quelle mesure la visioconf&eacute;rence&nbsp;vient-elle perturber ce rapport &agrave; l&rsquo;espace ? Bien entendu, la r&eacute;ponse que l&rsquo;on peut apporter &agrave; ces questions d&eacute;pend fortement du contexte. Un orateur qui parle dans un amphith&eacute;&acirc;tre, face &agrave; des centaines ou &agrave; des milliers de personnes, sera n&eacute;cessairement dans la sph&egrave;re publique. Mais si l&rsquo;on consid&egrave;re un auditoire plus restreint, comme une salle de TD ou une r&eacute;union, comprenant une trentaine de personnes, que se passe-t-il&nbsp;? Un &eacute;tudiant qui a besoin d&rsquo;&ecirc;tre form&eacute; &agrave; l&rsquo;expression orale en public pourra &ecirc;tre assis tranquillement sur sa chaise, discuter avec ses camarades, mais au moment o&ugrave; il devra s&rsquo;avancer sur la sc&egrave;ne &eacute;nonciative et prendre la parole devant tous, il y a de fortes chances pour qu&rsquo;il commence &agrave; ressentir certains sympt&ocirc;mes de la r&eacute;ponse combat-fuite, qui ne s&rsquo;active que dans la sph&egrave;re publique &ndash; ne dit-on pas d&rsquo;ailleurs qu&rsquo;il prend la parole &laquo;&nbsp;en public&nbsp;&raquo;&nbsp;? Autrement dit, l&rsquo;orateur se met &agrave; distance de son auditoire et adapte sa voix ainsi que sa gestuelle &agrave; ce qui est attendu dans la sph&egrave;re publique, cr&eacute;ant parfois un style un peu froid voire pompeux. En transmettant aux futurs orateurs quelques &eacute;l&eacute;ments de la prox&eacute;mique d&eacute;velopp&eacute;e dans les travaux d&rsquo;Edward T. Hall, l&rsquo;enseignant les aide non seulement &agrave; d&eacute;velopper des connaissances th&eacute;oriques nouvelles, mais il leur propose aussi une grille de lecture qui leur permet de mieux comprendre leurs propres attitudes lorsqu&rsquo;ils prennent la parole en public. Ils comprennent ensuite tr&egrave;s bien le sens du travail qui peut &ecirc;tre fait pour qu&rsquo;ils apprennent &agrave; se rapprocher de leur auditoire et passer de la sph&egrave;re publique &agrave; la sph&egrave;re sociale &ndash; voire parfois personnelle, s&rsquo;ils veulent faire usage d&rsquo;une anecdote jouant sur le registre de la confidence par exemple. Ils comprennent ainsi tr&egrave;s bien que pour d&eacute;velopper leur &eacute;loquence et leur aisance, ils doivent apprendre &agrave; se rapprocher physiquement de leurs auditeurs, en s&rsquo;avan&ccedil;ant d&rsquo;un pas par exemple, en cr&eacute;ant un contact visuel de qualit&eacute;, une gestuelle apais&eacute;e, un usage des mimiques faciales.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Cette connaissance th&eacute;orique de la prox&eacute;mique d&rsquo;Edward T. Hall leur permet d&rsquo;autre part de comprendre certaines des difficult&eacute;s propres &agrave; l&rsquo;expression orale en visioconf&eacute;rence et de les d&eacute;passer. &Agrave; quelle distance, en effet, un orateur communique-t-il&nbsp;alors que ses auditeurs se trouvent bien au-del&agrave; des 7,5m concern&eacute;s par l&rsquo;&eacute;tude d&rsquo;Edward T. Hall&nbsp;?</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Par une op&eacute;ration mentale, l&rsquo;orateur va se repr&eacute;senter son auditoire &agrave; partir des connaissances informelles qu&rsquo;il d&eacute;tient &agrave; propos du contexte dans lequel il se trouve. Un &eacute;tudiant ayant &agrave; r&eacute;aliser un expos&eacute; &agrave; distance devant sa classe reproduira les effets de cadrage des interactions de la sph&egrave;re sociale &ndash; avec la tendance &agrave; d&eacute;velopper une attitude de fuite, correspondant &agrave; la sph&egrave;re publique. Le probl&egrave;me avec la reproduction des effets de cadrage de ces deux sph&egrave;res &ndash; publique et sociale &ndash; r&eacute;side en ceci qu&rsquo;&agrave; distance, les interactions passent par la m&eacute;diation technique de la cam&eacute;ra et du micro. Or ces m&eacute;diations techniques agissent comme des op&eacute;rateurs de rapprochement prox&eacute;mique qui viennent bouleverser les normes d&rsquo;interaction. La cam&eacute;ra, en effet, se situe &agrave; une cinquantaine de centim&egrave;tres de l&rsquo;orateur, qui se retrouve donc virtuellement à une cinquantaine de centim&egrave;tres des auditeurs. Or, dans la sphère sociale ou publique, jamais les acteurs ne se retrouvent si proches les uns des autres. Jamais un orateur ne s&rsquo;exprime en public &agrave; 50 centim&egrave;tres du visage des auditeurs&nbsp;! Il en va de même du micro, très sensible, qui fait entendre la respiration ou les bruits de bouche de l&rsquo;orateur, ce qui n&rsquo;arrive pas dans les interactions en face &agrave; face dans la sphère sociale ou publique. Ainsi, si l&rsquo;orateur adapte ses comportements &agrave; ce qui est attendu dans la sph&egrave;re sociale ou publique &ndash; voix qui porte, gestuelle marqu&eacute;e &ndash; ceux-ci ne seront en r&eacute;alit&eacute; pas adapt&eacute;s &agrave; l&rsquo;expression orale en visioconf&eacute;rence. En effet, la cam&eacute;ra est tr&egrave;s sensible et se trouve &agrave; une cinquante centim&egrave;tres de l&rsquo;orateur, ce qui rend ses moindres expressions faciales perceptibles et ses gestes rapidement disproportionn&eacute;es, saturant l&rsquo;&eacute;cran. Une gestuelle qui passerait tr&egrave;s bien dans les interactions en public de la vie de tous les jours n&rsquo;est plus adapt&eacute;e aux interactions en visioconf&eacute;rence. </span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Bien que virtuellement dans la sph&egrave;re sociale ou publique, l&rsquo;orateur &ndash; &agrave; distance &ndash; doit en r&eacute;alit&eacute; adopter le langage non-verbal et paraverbal des interactions propres &agrave; la sph&egrave;re personnelle&nbsp;: gestuelle sobre, finesse des regards et des expressions faciales, voix apais&eacute;e qui ne porte pas trop. Car c&rsquo;est bien dans la sph&egrave;re personnelle qu&rsquo;orateur et auditeurs se retrouvent r&eacute;unis &agrave; travers la cam&eacute;ra et le micro, ces m&eacute;diations techniques qui propulsent les acteurs dans une forme d&rsquo;intimit&eacute; qui ne correspond ni &agrave; la distance ni aux interactions de la sph&egrave;re sociale et publique. Lorsqu&rsquo;un orateur parle en visioconf&eacute;rence, son langage non-verbal doit plus correspondre &agrave; celui qu&rsquo;il adopterait dans un d&icirc;ner en t&ecirc;te &agrave; t&ecirc;te, dans la sph&egrave;re personnelle, qu&rsquo;&agrave; celui qui est attendu sur la sc&egrave;ne d&rsquo;un amphith&eacute;&acirc;tre, dans la sph&egrave;re publique. Et pourtant, il est en public&nbsp;! La communication orale en visioconf&eacute;rence a ceci de perturbant que, premi&egrave;rement, l&rsquo;orateur est physiquement seul face &agrave; son &eacute;cran&nbsp;; et que, deuxi&egrave;mement, il doit &ndash; par une op&eacute;ration mentale &ndash; se repr&eacute;senter l&rsquo;auditoire et par l&agrave; appliquer les connaissances informelles qu&rsquo;il d&eacute;tient &agrave; propos des mani&egrave;res de se comporter dans la sph&egrave;re sociale ou publique, des mani&egrave;res de se comporter qui sont en plus perturb&eacute;es par ces op&eacute;rateurs de rapprochement prox&eacute;mique que sont le micro et la cam&eacute;ra. Autrement dit, <i>lorsqu&rsquo;il s&rsquo;exprime oralement en visioconf&eacute;rence,</i> <i>l&rsquo;orateur est concr&egrave;tement seul, virtuellement dans la sph&egrave;re sociale ou publique, et techniquement propuls&eacute; dans la sph&egrave;re personnelle. </i>Que de bouleversements&nbsp;&agrave; apprivoiser&nbsp;- qui montrent bien que la communication orale en visioconf&eacute;rence ne se substitue pas &agrave; la communication orale en face &agrave; face et que toutes deux n&eacute;cessitent des enseignements sp&eacute;cifiques et compl&eacute;mentaires.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Cette partie du TP reste tr&egrave;s transmissive. Elle gagnerait &agrave; int&eacute;grer des exercices o&ugrave; les &eacute;tudiants sont actifs. On pourrait par exemple imaginer demander &agrave; un volontaire de lire un texte ou de raconter le dernier film qu&rsquo;il a vu en se levant et en se pla&ccedil;ant &agrave; quelques m&egrave;tres de son ordinateur. Le reste de la classe observerait ses gestes, sa voix, sa mani&egrave;re d&rsquo;occuper l&rsquo;espace. On demanderait ensuite &agrave; un deuxi&egrave;me volontaire de lire un autre texte ou de raconter un souvenir, une anecdote personnelle en restant assis derri&egrave;re son ordinateur. L&agrave; encore, le reste de la classe serait dans un r&ocirc;le d&rsquo;observateur. Il serait sans doute important que le texte choisi pour la deuxi&egrave;me situation se pr&ecirc;te au registre de la confidence, afin que le fond et la forme s&rsquo;accordent et correspondent aux interactions propres &agrave; la sph&egrave;re personnelle. L&rsquo;animateur de la s&eacute;ance demanderait ensuite &agrave; la classe de faire part de ses observations et t&acirc;cherait, avec elle, de tirer des conclusions en mati&egrave;re de prox&eacute;mique. Cette mise en situation n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; tent&eacute;e sous cette forme. Certains &eacute;tudiants ayant &agrave; pr&eacute;senter des discours oraux en visioconf&eacute;rence ont d&rsquo;eux-m&ecirc;mes d&eacute;cid&eacute; de se lever de leur chaise et de s&rsquo;&eacute;loigner de leur &eacute;cran apr&egrave;s la pr&eacute;sentation th&eacute;orique sur Edward T. Hall, car ils se sentaient &laquo;&nbsp;plus &agrave; l&rsquo;aise&nbsp;&raquo; comme cela (leur formulation). Leur attitude pourrait donc inspirer des mises en situation qui restent pour l&rsquo;instant encore &agrave; d&eacute;velopper.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">On notera toutefois que, bien que tr&egrave;s transmissive, cette partie du TP int&eacute;resse beaucoup les participants, qui ont toujours des exemples &agrave; proposer pour illustrer les diff&eacute;rentes sph&egrave;res et certaines de leurs probl&eacute;matiques. Ils y saisissent toute la complexit&eacute; d&rsquo;une situation de communication, prise de conscience qui les aide &agrave; verbaliser autant qu&rsquo;&agrave; d&eacute;dramatiser le malaise qu&rsquo;ils peuvent ressentir lorsqu&rsquo;ils doivent allumer leur cam&eacute;ra, parler dans un micro, bref s&rsquo;exprimer en visioconf&eacute;rence. Cette partie du TP fait donc une large place aux t&eacute;moignages des participants. Ils y d&eacute;couvrent d&rsquo;autre part cet enthousiasme que l&rsquo;on ressent parfois lorsque l&rsquo;on apprend des choses nouvelles et que l&rsquo;on d&eacute;veloppe un app&eacute;tit pour la r&eacute;flexion th&eacute;orique. Il me semble qu&rsquo;il y a l&agrave; une belle mani&egrave;re de leur donner &agrave; &eacute;prouver une autre facette des sciences de l&rsquo;information et de la communication, celle qui ne se r&eacute;duit pas &agrave; la transmission de techniques d&rsquo;expression et de contribuer humblement au d&eacute;veloppement d&rsquo;un certain go&ucirc;t pour le travail conceptuel en SHS.</span></span></span></p> <h1><span style="color:#3498db;">Conclusion</span></h1> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">L&rsquo;enjeu de cet article &eacute;tait de pr&eacute;senter une s&eacute;quence p&eacute;dagogique initialement pens&eacute;e pour &ecirc;tre dispens&eacute;e en IUT, mais qui a &eacute;t&eacute; dupliqu&eacute;e dans d&rsquo;autres contextes (master, &eacute;cole d&rsquo;ing&eacute;nieurs, formation &agrave; la p&eacute;dagogie pour jeunes enseignants-chercheurs). Il s&rsquo;agit de l&rsquo;adaptation d&rsquo;un TP d&rsquo;introduction centr&eacute; sur l&rsquo;expression orale en public, qui a d&ucirc; &ecirc;tre r&eacute;alis&eacute; &agrave; distance lors de la crise sanitaire de 2020-2021. Ce TP est compl&eacute;t&eacute; par des s&eacute;ances de pratique, o&ugrave; les &eacute;tudiants r&eacute;alisent des exercices d&rsquo;improvisation et des expos&eacute;s. Cet enseignement porte donc sur l&rsquo;expression orale en public en visioconf&eacute;rence. Il s&rsquo;int&eacute;resse en particulier au langage non-verbal et paraverbal, &agrave; l&rsquo;&eacute;loquence du corps, lors d&rsquo;exercices de prise de parole en visioconf&eacute;rence. On retrouve, dans la communication orale &agrave; distance, certaines difficult&eacute;s de la communication orale sur site, avec quelques inflexions. En particulier, cet article &eacute;voque dans un premier temps les sympt&ocirc;mes non-verbaux du d&eacute;clenchement de la r&eacute;ponse combat-fuite et ses sp&eacute;cificit&eacute;s lorsqu&rsquo;elle a lieu &agrave; distance avec l&rsquo;accentuation de l&rsquo;attitude de fuite. Dans un deuxi&egrave;me temps, c&rsquo;est la question des regards qui est prise en charge. Comment cr&eacute;er un contact visuel et &eacute;motionnel de qualit&eacute; lorsque l&rsquo;orateur est &agrave; distance de son auditoire&nbsp;? O&ugrave; regarde-t-il sur son &eacute;cran&nbsp;? Une r&eacute;ponse peut &ecirc;tre trouv&eacute;e dans l&rsquo;alternance entre les <i>regards face cam&eacute;ra</i> qui cr&eacute;ent un contact visuel mais pas &eacute;motionnel car ils comportent un probl&egrave;me d&rsquo;adresse et les <i>regards retour cam&eacute;ra</i> qui cr&eacute;ent quant &agrave; eux un contact &eacute;motionnel mais pas visuel. Enfin, dans un troisi&egrave;me temps, c&rsquo;est la question des gestes et de la voix qui est prise en charge, avec la proposition suivant laquelle les m&eacute;diations techniques du micro et de la cam&eacute;ra agissent comme des op&eacute;rateurs de rapprochement prox&eacute;mique, faisant basculer des interactions qui ont habituellement lieu dans la sph&egrave;re publique ou sociale &ndash; parler en public &ndash; dans la sph&egrave;re personnelle, n&eacute;cessitant des ajustements dans les comportements des orateurs.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Fid&egrave;le aux mani&egrave;res d&rsquo;enseigner en IUT, cette s&eacute;quence p&eacute;dagogique cherche &agrave; allier exercices pratiques et consid&eacute;rations th&eacute;oriques, de mani&egrave;re &agrave; transmettre non seulement des comp&eacute;tences, mais &eacute;galement des connaissances. Elle entend montrer que l&rsquo;on peut former &agrave; l&rsquo;expression orale en public tout en d&eacute;veloppant l&rsquo;esprit critique et la culture g&eacute;n&eacute;rale. Elle sugg&egrave;re m&ecirc;me, &agrave; en croire les retours des &eacute;tudiants, que les techniques d&rsquo;expression sont d&rsquo;autant mieux comprises et porteuses de sens qu&rsquo;elles sont appuy&eacute;es sur des concepts issus des sciences humaines et sociales, ici de l&rsquo;interactionnisme de Goffmann et de la prox&eacute;mique de Hall. Des concepts qui deviennent eux-m&ecirc;mes int&eacute;ressants pour les &eacute;tudiants dans la mesure o&ugrave; ils sont adoss&eacute;s &agrave; de la pratique, &agrave; des situations qu&rsquo;ils rencontrent dans leur vie de tous les jours et qui les aident &agrave; normaliser, d&eacute;dramatiser, verbaliser et &agrave; terme d&eacute;passer certains malaises qu&rsquo;ils peuvent ressentir lorsqu&rsquo;il faut allumer sa cam&eacute;ra, parler dans un micro, bref s&rsquo;exprimer en visioconf&eacute;rence. On esp&egrave;re ainsi non seulement former les &eacute;tudiants &agrave; s&rsquo;exprimer correctement en visioconf&eacute;rence, mais aussi leur transmettre un peu le go&ucirc;t des sciences de l&rsquo;information et de la communication ainsi qu&rsquo;une compr&eacute;hension &eacute;clair&eacute;e et critique de la question plus large des effets de transformation &ndash; et non pas de substitution &ndash; qu&rsquo;impliquent l&rsquo;introduction des objets techniques dans le monde social. </span></span></span></p> <h1><span style="color:#3498db;">Bibliographie</span></h1> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Bachimont, Bruno (2010). <i>Le sens et la technique. Le num&eacute;rique et le calcul</i>. Paris&nbsp;: Les Belles Lettres.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Bougnoux, Daniel (1991). <i>La communication par la bande. Introduction aux sciences de l&rsquo;information et de la communication</i>. Paris&nbsp;: La D&eacute;couverte.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Cannon, Walter (1915). <i>Bodily changes in pain, hunger, fear and rage</i>.<i> </i>New York &amp; London&nbsp;: D. Appleton and Company.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Cannon, Walter [1930] (2020). <i>Conf&eacute;rences sur les &eacute;motions et l&rsquo;hom&eacute;ostasie, Paris, 1930.</i> Lausanne&nbsp;: &Eacute;ditions BHMS.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Goffman, Erving (1988). <i>Les moments et leurs hommes.</i> Paris&nbsp;: Seuil/Minuit.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Goffman, Erving [1963](2013). <i>Comment se conduire dans les lieux publics</i>. Paris&nbsp;: Economica.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Goody, Jack (1979). <i>La raison graphique. </i>Paris&nbsp;: Les &Eacute;ditions de Minuit.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Hall, Edward T. [1966] (1971). <i>La dimension cach&eacute;e</i>. Paris : &Eacute;ditions du Seuil.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Hall, G. Stanley (1914). A Synthetic Genetic Study of Fear : Chapter I. <i>The American Journal of Psychology</i>. N&deg;25, p. 149-200.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Lenay Charles, Gapenne Olivier, Hanneton Sylvain<i> et al.</i> (2000). La substitution sensorielle&nbsp;: limites et perspectives, <i>in</i> Hatwell Yvette, Streri Arlette, Gentaz &Eacute;douard (dir.) <i>Toucher pour conna&icirc;tre. Psychologie cognitive de la perception tactile manuelle</i>. Paris&nbsp;: Presses Universitaires de France, p. 287-306. </span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Leroi-Gourhan, Andr&eacute; (1964). <i>Le geste et la parole I. Technique et langage</i>. Paris&nbsp;: Albin Michel.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Merzeau, Louise (1998). Ceci ne tuera pas cela. <i>Les cahiers de m&eacute;diologie</i>. N&deg;6, p. 27-39.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Simondon, Gilbert (1958). <i>Du mode d&rsquo;existence des objets techniques</i>. Paris&nbsp;: Aubier.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Stiegler, Bernard (1994). <i>La technique et le temps I.</i> Paris&nbsp;: Galil&eacute;e.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Traverso, V&eacute;ronique (2007). Pratiques communicatives en situation : objets et m&eacute;thodes de l&rsquo;analyse d&rsquo;interaction. <i>Recherches en soins infirmiers</i>. N&deg;89, p. 21-33.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span new="" roman="" times="">Yahiaoui, Kheira (2020). Les interactions en ligne / les interactions en pr&eacute;sentiel&nbsp;: &eacute;tude comparative. <i>Multilinguales</i>. N&deg;13, [en ligne] http://journals.openedition.org/multilinguales/4843 </span></span></span></p> <div> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size:14px;"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif;"><span calibri=""><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span calibri="">[1]</span></span></span></a><span new="" roman="" times="">Initialement pens&eacute;e pour des &eacute;tudiantes et &eacute;tudiants de premi&egrave;re ann&eacute;e en D.U.T G&eacute;nie M&eacute;canique et Productique &agrave; l&rsquo;IUT de Cachan, j&rsquo;ai ensuite propos&eacute; cette s&eacute;quence p&eacute;dagogique aux &eacute;tudiantes et &eacute;tudiants de deuxi&egrave;me ann&eacute;e, ainsi qu&rsquo;&agrave; des &eacute;l&egrave;ves-ing&eacute;nieurs de niveau master de l&rsquo;Universit&eacute; de Technologie de Compi&egrave;gne, des &eacute;tudiantes et &eacute;tudiants en Master d&rsquo;Optique de l&rsquo;Universit&eacute; Paris-Saclay et &agrave; des jeunes chercheurs (doctorantes et doctorants, ma&icirc;tresses et ma&icirc;tres de conf&eacute;rence) dans le cadre de formations &agrave; la p&eacute;dagogie de l&rsquo;Universit&eacute; Paris-Saclay. Un questionnaire a &agrave; chaque fois &eacute;t&eacute; distribu&eacute; aux participantes et participants apr&egrave;s cet enseignement pour &eacute;valuer leur satisfaction et les retours ont toujours &eacute;t&eacute; positifs. Ils &eacute;voquent en particulier le caract&egrave;re concret et applicable des &eacute;l&eacute;ments vus en cours et appr&eacute;cient particuli&egrave;rement l&rsquo;ouverture d&rsquo;un espace de parole et de r&eacute;flexion questionnant ce qui semble presque partout aller de soi&nbsp;: communiquer &agrave; distance.</span></span></span></span></p> </div> </div>