<p><strong>Abstract : </strong>Insertion in territories allows an organization to cope with environmental and cultural changes, because territorial insertion allows face-to-face. This face-to-face depends on actors&rsquo; personal commitments but it can be facilitated or hindered by existing structures and institutions. A fossilized organization becomes incapable of adapting to environmental changes or to distinct institutional contexts. As the organization focuses on abstract issues, the concrete satisfaction of stakeholders is ignored for the benefit of a statistical representation which focuses on past realities. Reconstructing the face-to-face transforms the figured representation because the face-to-face brings additional meaning to abstract representations, it makes singular what was only a concept.</p> <p><strong>Keywords :</strong>&nbsp;durability, territory, organization, stakeholders, institutions</p> <p>&nbsp;</p> <blockquote> <p>Comme l&rsquo;entropie augmente, l&rsquo;univers, et tous les syst&egrave;mes clos au sein de l&rsquo;univers, tendent naturellement &agrave; se d&eacute;grader et &agrave; perdre leur sp&eacute;cificit&eacute;, &agrave; &eacute;voluer du moins au plus probable &eacute;tat, d&rsquo;un &eacute;tat organisationnel et de diff&eacute;renciation dans lequel des diff&eacute;rences et des formes existent, vers un &eacute;tat de chaos et d&rsquo;uniformit&eacute;. (&hellip;) Mais, bien que l&rsquo;univers dans son ensemble, si bien entendu il existe un univers global, tende &agrave; se d&eacute;grader, il y a des enclaves locales dont la direction semble inverse &agrave; celle de l&rsquo;univers en g&eacute;n&eacute;ral et dans lesquelles il y a une tendance limit&eacute;e et temporaire &agrave; l&rsquo;accroissement de l&rsquo;organisation. La vie trouve sa demeure dans certaines de ces enclaves&nbsp;(Wiener, 1954, p.12).</p> </blockquote> <p>L&rsquo;entropie est le terme physique pour d&eacute;signer le ph&eacute;nom&egrave;ne qui conduit un syst&egrave;me d&rsquo;un &eacute;tat tr&egrave;s diff&eacute;renci&eacute; vers un &eacute;tat indiff&eacute;renci&eacute;. L&rsquo;&eacute;mergence historique des grandes organisations est un ph&eacute;nom&egrave;ne inverse &agrave; celui de l&rsquo;entropie. Par analogie avec les &ecirc;tres cellulaires, l&rsquo;organisation &eacute;conomique a &eacute;volu&eacute; d&rsquo;un syst&egrave;me d&rsquo;acteurs atomis&eacute;s vers un syst&egrave;me o&ugrave; les acteurs sont regroup&eacute;s en organisations nettement diff&eacute;renci&eacute;es. N&eacute;anmoins, le principe de l&rsquo;entropie demeure et il existe une tendance naturelle qui conduit &agrave; la disparition des organisations. Cette tendance peut s&rsquo;expliquer par la perte de l&rsquo;innovation, l&rsquo;incapacit&eacute; &agrave; r&eacute;agir et &agrave; s&rsquo;adapter &agrave; un environnement changeant. L&rsquo;organisation se scl&eacute;rose, ses r&eacute;actions ne permettent plus de faire face aux &eacute;volutions de son environnement et&nbsp;<i>in fine</i>&nbsp;elle dispara&icirc;t.</p> <p>La th&egrave;se d&eacute;fendue dans cet article est que ce mouvement de disparition des organisations peut s&rsquo;expliquer par la r&eacute;f&eacute;rence au concept de territorialisation. Alors que les &ecirc;tres humains sont vou&eacute;s &agrave; la mort par leur incarnation, les organisations ont le privil&egrave;ge de pouvoir survivre &agrave; leurs fondateurs et &agrave; leurs parties prenantes initiales et de perdurer sur des si&egrave;cles, voire des mill&eacute;naires. Les organisations ne sont donc pas li&eacute;es au caract&egrave;re mortel des &ecirc;tres humains qui les font vivre. L&rsquo;analogie qui nous semble plus pertinente est celle des v&eacute;g&eacute;taux et, en particulier, des arbres. Comme le sugg&egrave;rent certains botanistes (Hall&eacute;, 1999) certains arbres sont potentiellement immortels car ils se r&eacute;g&eacute;n&egrave;rent sans cesse. L&rsquo;&eacute;l&eacute;ment majeur qui caract&eacute;rise un arbre par rapport &agrave; un &ecirc;tre vivant est son enracinement, sa n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre ancr&eacute; dans un terroir. Si une organisation n&rsquo;est pas li&eacute;e &agrave; un territoire d&eacute;termin&eacute;, notre th&egrave;se est que, cependant, une organisation ne peut durer que si elle conserve des liens &eacute;troits avec ses territoires d&rsquo;implantation. Tout se passe comme si l&rsquo;interaction entre l&rsquo;organisation et ses territoires d&rsquo;implantation &eacute;tait la condition d&rsquo;un lien durable et vivifiant entre l&rsquo;organisation et ses parties prenantes.</p> <p>Toute organisation na&icirc;t au sein d&rsquo;un territoire pour, ensuite, si elle a la possibilit&eacute; de cro&icirc;tre, s&rsquo;&eacute;tendre &agrave; d&rsquo;autres territoires. Ce faisant, les organisations qui grandissent voient leurs liens avec leur territoire initial et leurs nouveaux territoires d&rsquo;implantation s&rsquo;att&eacute;nuer, se diluer, et parfois se r&eacute;duire &agrave; des pratiques fossilis&eacute;es qui ne v&eacute;hiculent plus de lien r&eacute;el entre l&rsquo;organisation et ses territoires d&rsquo;activit&eacute;. En acc&eacute;dant &agrave; une certaine taille, l&rsquo;organisation semble promouvoir sa durabilit&eacute; mais, dans le m&ecirc;me temps, elle en fragilise le socle car elle ne dispose plus de ce lien vital qui la relie au concret incarn&eacute;. L&rsquo;organisation devient une chose soumise &agrave; l&rsquo;usure corrosive du temps.</p> <p>L&rsquo;inscription dans un territoire (ou dans des territoires) permet &agrave; une organisation d&rsquo;affronter les &eacute;volutions environnementales et culturelles, parce que l&rsquo;incarnation dans un territoire permet le face-&agrave;-face. Ce face-&agrave;-face d&eacute;pend des engagements personnels de chaque acteur mais il peut &ecirc;tre facilit&eacute; ou entrav&eacute; par les structures et les normes existantes. L&rsquo;inscription dans un territoire est une condition de l&rsquo;&eacute;mergence et de la poursuite d&rsquo;interactions sociales porteuses de dynamisme et de vie.</p> <p>Notre d&eacute;finition des territoires englobe &agrave; la fois l&rsquo;existence de normes (institutions) qui constituent les r&egrave;gles du jeu du territoire consid&eacute;r&eacute; (North, 1990), et l&rsquo;existence d&rsquo;une communaut&eacute; incarn&eacute;e dans ce territoire. Trois &eacute;l&eacute;ments constituent donc un territoire&nbsp;: l&rsquo;espace<sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn1" name="_ftnref1" title="">&nbsp;[1]</a>&nbsp;</sup>(qui n&rsquo;est pas n&eacute;cessairement g&eacute;ographique mais qui peut &eacute;galement &ecirc;tre virtuel&nbsp;: par exemple un r&eacute;seau), la communaut&eacute; qui habite ce territoire, et les normes qui r&eacute;gissent le vivre-ensemble au sein du territoire.</p> <p>La th&eacute;orie des organisations explique le d&eacute;veloppement des organisations mais elle a plus de difficult&eacute;s &agrave; analyser leur d&eacute;clin<sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn2" name="_ftnref2" title="">[2]</a></sup>. Les raisons avanc&eacute;es pour expliquer le d&eacute;clin sont souvent la perte de la capacit&eacute; &agrave; innover, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; s&rsquo;adapter aux &eacute;volutions de l&rsquo;environnement (Mone, McKinley et Barker, 1998). L&rsquo;organisation s&rsquo;&eacute;tant rigidifi&eacute;e, elle devient progressivement incapable de modifier ses processus pour r&eacute;pondre aux nouvelles opportunit&eacute;s et menaces. Mais, cette rigidification est-elle simplement li&eacute;e au temps<sub><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn3" name="_ftnref3" title="">[3]</a>&nbsp;</sub>ou d&eacute;pend-elle &eacute;galement de facteurs relationnels&nbsp;? La litt&eacute;rature acad&eacute;mique (Cameron, Whetten et Kim, 1987) a &eacute;tudi&eacute; le d&eacute;clin des organisations en recherchant les corr&eacute;lations avec des facteurs structurels (centralisation, absence de vision &agrave; long terme, conflits, etc.). Autrement dit, des facteurs communs pourraient expliquer le d&eacute;clin des organisations quelles qu&rsquo;elles soient.</p> <p>De par sa croissance, l&rsquo;organisation tend &agrave; s&rsquo;affranchir des territoires dans lesquels elle est implant&eacute;e<sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn4" name="_ftnref4" title="">[4]</a></sup>, le lien se distend entre l&rsquo;organisation et les diverses communaut&eacute;s des territoires o&ugrave; elle intervient et,&nbsp;<i>in fine</i>, quand des crises surviennent, l&rsquo;organisation est emport&eacute;e car elle ne dispose plus de l&rsquo;ancrage territorial qui lui permettrait de r&eacute;sister. Le territoire permet de mat&eacute;rialiser, d&rsquo;incarner la relation de l&rsquo;organisation &agrave; ses parties prenantes. Au lieu de g&eacute;rer des relations abstraites, l&lsquo;ancrage territorial oblige l&rsquo;organisation &agrave; appr&eacute;hender chacune de ses parties prenantes comme un visage, c&rsquo;est-&agrave;-dire une singularit&eacute;, une unicit&eacute;, qui ne se fond pas dans une d&eacute;finition abstraite et d&eacute;sincarn&eacute;e.</p> <p>C&rsquo;est la perte du face-&agrave;-face, d&rsquo;une interaction directe et personnelle avec les parties prenantes qui conduit l&rsquo;organisation &agrave; une forme de rigidit&eacute; cadav&eacute;rique et, par voie de cons&eacute;quence, &agrave; son d&eacute;clin. Le face-&agrave;-face ne se mesure pas, il ne peut que se d&eacute;duire d&rsquo;un certain nombre de facteurs structurels. La disparition progressive des interactions sociales s&rsquo;explique par la d&eacute;sagr&eacute;gation du cadre favorable &agrave; ces interactions. C&rsquo;est parce que l&rsquo;organisation perd le lien avec ses territoires d&rsquo;implantation, que le cadre naturel dans lequel s&rsquo;exer&ccedil;aient les interactions entre les acteurs organisationnels (entre l&rsquo;organisation et ses parties prenantes) se d&eacute;grade et devient inhospitalier.</p> <h2><a id="t1"></a>L&rsquo;INCAPACIT&Eacute; &Agrave; ENRAYER LE D&Eacute;CLIN ORGANISATIONNEL</h2> <blockquote> <p>La performance d&rsquo;une entreprise ou d&rsquo;une organisation est suppos&eacute;e sujette &agrave; une d&eacute;gradation pour des causes al&eacute;atoires non sp&eacute;cifi&eacute;es qui ne sont ni irr&eacute;sistibles ni si durables qu&rsquo;elles emp&ecirc;chent un retour aux niveaux de performance pr&eacute;alables, &agrave; condition que les dirigeants focalisent leur attention et leur &eacute;nergie &agrave; cette t&acirc;che. La d&eacute;gradation de la performance est traduite typiquement et g&eacute;n&eacute;ralement, c&rsquo;est-&agrave;-dire pour les entreprises et les autres organisations, par une d&eacute;gradation absolue et relative de la qualit&eacute; du produit ou du service fourni&nbsp;(Hirschman, 1970, p.4).</p> </blockquote> <p>&Agrave; la diff&eacute;rence d&rsquo;Albert Hirschman, nous nous int&eacute;ressons &agrave; la possibilit&eacute; que la d&eacute;t&eacute;rioration de la performance soit irr&eacute;sistible et durable. Notre question de recherche est donc&nbsp;: pourquoi certaines organisations se r&eacute;v&egrave;lent-elles incapables de r&eacute;pondre &agrave; des changements environnementaux alors que leurs dirigeants sont comp&eacute;tents, motiv&eacute;s et qu&rsquo;ils disposent de syst&egrave;mes d&rsquo;information sur l&rsquo;&eacute;tat de leur environnement et les attentes de leurs parties prenantes&nbsp;?</p> <p>Dans son ouvrage, Albert Hirschman explique que les parties prenantes insatisfaites manifestent leur m&eacute;contentement par deux voies alternatives&nbsp;: en s&rsquo;adressant aux dirigeants, &agrave; l&rsquo;opinion publique ou &agrave;&nbsp;<i>n&rsquo;importe qui de dispos&eacute; &agrave; &eacute;couter</i>&nbsp;(Hirschman, 1970, p.4)&nbsp;; ou en quittant l&rsquo;organisation<sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn5" name="_ftnref5" title="">[5]</a></sup>. L&rsquo;incapacit&eacute; &agrave; r&eacute;pondre aux attentes changeantes des parties prenantes s&rsquo;expliquerait alors par l&rsquo;incapacit&eacute; de l&rsquo;organisation &agrave; &eacute;couter les acteurs, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de ses parties prenantes m&eacute;contentes qui sont encore dans l&rsquo;organisation, ou qu&rsquo;il s&rsquo;agisse d&rsquo;anciennes parties prenantes qui ont quitt&eacute; l&rsquo;organisation en raison de leur m&eacute;contentement.</p> <p>Apparemment, une telle incapacit&eacute; &agrave; &eacute;couter est suicidaire et signifierait une incomp&eacute;tence des dirigeants. N&rsquo;importe quelle formation en gestion rappelle que l&rsquo;organisation doit mettre en place des outils pour &eacute;couter ses clients (le marketing et la gestion commerciale), ses employ&eacute;s (la gestion des ressources humaines) et m&ecirc;me ses fournisseurs et sous-traitants. Tout dirigeant non seulement dispose d&rsquo;enqu&ecirc;tes de satisfaction et de questionnaires d&rsquo;&eacute;valuation mais, en plus, il passe une part consid&eacute;rable de son temps &agrave; rencontrer des parties prenantes et des acteurs externes.</p> <p>La question ne porte donc pas sur l&rsquo;existence de m&eacute;canismes d&rsquo;enregistrement des m&eacute;contentements mais sur la capacit&eacute; &agrave; d&eacute;crypter les m&eacute;contentements. La non-prise en compte de l&rsquo;insatisfaction de certaines parties prenantes pourrait s&rsquo;expliquer par l&rsquo;absence d&rsquo;urgence ressentie par les dirigeants (Mitchell, Agle et Wood, 1997). M&ecirc;me si les dirigeants sont convaincus de la n&eacute;cessit&eacute; de prendre en compte les attentes de leurs parties prenantes et de r&eacute;pondre &agrave; leurs m&eacute;contentements, ils peuvent ne pas y parvenir pour des raisons qui leur sont inaccessibles,&nbsp;<i>parce que ces parties prenantes leur sont devenues &eacute;trang&egrave;res</i>.</p> <h3>La fossilisation des interactions sociales, le cas de General Motors</h3> <p>General Motors a domin&eacute; le march&eacute; automobile mondial pendant un demi-si&egrave;cle pour aboutir &agrave; une mise en faillite en 2009. Le groupe est n&eacute; en 1908 &agrave; partir du regroupement de diverses entreprises li&eacute;es &agrave; l&rsquo;automobile sous la direction de William Durant. Apr&egrave;s une tr&egrave;s forte p&eacute;riode d&rsquo;expansion, la crise de 1920 obligea General Motors &agrave; revoir ses m&eacute;canismes de management et de gouvernance&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Le plan de Sloan, approuv&eacute; par le conseil d&rsquo;administration le 29 d&eacute;cembre, entra imm&eacute;diatement en application. La structure qu&rsquo;il cr&eacute;a reste jusqu&rsquo;&agrave; aujourd&rsquo;hui la base de l&rsquo;organisation de l&rsquo;entreprise. Elle dura parce qu&rsquo;elle transforma General Motors d&rsquo;un agglom&eacute;rat d&rsquo;entreprises, principalement automobiles, en une seule entreprise coordonn&eacute;e. Cela fut fait par la cr&eacute;ation r&eacute;ussie d&rsquo;un office g&eacute;n&eacute;ral pour coordonner, &eacute;valuer, fixer des buts g&eacute;n&eacute;raux et des politiques pour les nombreuses divisions op&eacute;rationnelles&nbsp;(Chandler, 1962, p.130).</p> </blockquote> <p>General Motors a renforc&eacute; ses fonctions de coordination en les centralisant, mais elle a simultan&eacute;ment maintenu l&rsquo;autonomie op&eacute;rationnelle des diff&eacute;rentes marques et activit&eacute;s de production du groupe. Chaque entit&eacute; (filiale du groupe) pouvait r&eacute;pondre aux besoins sp&eacute;cifiques de ses clients tout en s&rsquo;appuyant sur une infrastructure commune. C&rsquo;est ce qui a permis &agrave; General Motors de d&eacute;tr&ocirc;ner Ford qui &eacute;tait une entreprise monolithique, incapable de r&eacute;pondre de fa&ccedil;on efficace &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence des demandes vari&eacute;es de ses clients.</p> <p>Cette transformation de General Motors au d&eacute;but des ann&eacute;es 1920s, qui fut en partie la mise en &oelig;uvre des transformations effectu&eacute;es pr&eacute;c&eacute;demment au sein du groupe am&eacute;ricain DuPont de Nemours, permit non seulement &agrave; General Motors de dominer l&rsquo;industrie automobile mondiale pendant un demi-si&egrave;cle, mais elle fut aussi imit&eacute;e par toutes les grandes organisations. Pourtant, cette m&ecirc;me structure n&rsquo;a pas emp&ecirc;ch&eacute; General Motors de conna&icirc;tre un d&eacute;clin r&eacute;gulier &agrave; partir des ann&eacute;es 1970s pour aboutir &agrave; une cessation de paiement en 2009 et &ecirc;tre nationalis&eacute;e par le gouvernement am&eacute;ricain avant d&rsquo;&ecirc;tre r&eacute;introduite en Bourse en 2010.</p> <blockquote> <p>Pourquoi les processus de d&eacute;veloppement de produits &eacute;taient-ils si lents et si co&ucirc;teux et ses capacit&eacute;s de conception si mauvaises&nbsp;? Pourquoi le r&eacute;seau de fournisseurs de GM et ses op&eacute;rations d&rsquo;assemblage &eacute;taient-ils moins productifs que ceux de ses concurrents, et pourquoi la qualit&eacute; de sa production &eacute;tait-elle si faible&nbsp;? Pourquoi ces tendances ont-elles persist&eacute; pendant si longtemps&nbsp;? Un courant de recherche consid&egrave;re que ces probl&egrave;mes &eacute;taient des d&eacute;faillances de perception et de motivation. Les probl&egrave;mes de perception &ndash; l&rsquo;incapacit&eacute; &agrave; reconna&icirc;tre que le monde est en train de changer &ndash; viennent du fait que les dirigeants tendent &agrave; d&eacute;pendre totalement des mod&egrave;les mentaux et des croyances qui ont soutenu initialement le succ&egrave;s de l&rsquo;entreprise. Les probl&egrave;mes de motivation &ndash; ou le refus d&rsquo;agir y compris quand le besoin de changement a &eacute;t&eacute; reconnu &ndash; peut survenir quand l&rsquo;environnement comp&eacute;titif d&rsquo;un secteur d&rsquo;activit&eacute; est faible et/ou que les dirigeants sont insuffisamment motiv&eacute;s pour agir dans l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de l&rsquo;entreprise&nbsp;(Helper et Henderson,&nbsp;2014, p.54).</p> </blockquote> <p>L&rsquo;hypoth&egrave;se d&rsquo;une incapacit&eacute; des dirigeants &agrave; sortir de leur cadre cognitif n&rsquo;explique pas tout. D&egrave;s les ann&eacute;es 1970s, General Motors a &eacute;tudi&eacute; les pratiques de Toyota pour s&rsquo;en inspirer. General Motors a notamment d&eacute;velopp&eacute; le projet Saturn qui, bien qu&rsquo;&eacute;tant en lui-m&ecirc;me une r&eacute;ussite, n&rsquo;a jamais pu &ecirc;tre &eacute;tendu &agrave; l&rsquo;ensemble du groupe.</p> <blockquote> <p>GM s&rsquo;est d&eacute;battu si longtemps parce que les pratiques de Toyota &eacute;taient enracin&eacute;es dans le d&eacute;ploiement g&eacute;n&eacute;ralis&eacute; des contrats relationnels &ndash; des accords fond&eacute;s sur des mesures subjectives de performance qui ne pouvaient pas &ecirc;tre parfaitement sp&eacute;cifi&eacute;es ex ante ni contr&ocirc;l&eacute;es ex post et qui tenaient en raison des perspectives futures &ndash; et l&rsquo;histoire de GM, sa structure organisationnelle et ses pratiques manag&eacute;riales rendaient tr&egrave;s difficile le maintien de tels accords que ce soit en interne ou entre l&rsquo;entreprise et ses fournisseurs. (...)&nbsp;La question de la cr&eacute;dibilit&eacute; apparut parce qu&rsquo;il &eacute;tait difficile pour GM de modifier des comportements pass&eacute;s et pour les employ&eacute;s et fournisseurs de GM de croire que ces comportements &eacute;taient en train de changer&nbsp;(Helper et Henderson,&nbsp;2014, p.55 et 62).</p> </blockquote> <p>Dans l&rsquo;approche th&eacute;orique que nous d&eacute;veloppons, la cr&eacute;dibilit&eacute; est li&eacute;e au face-&agrave;-face. Ce qui fait qu&rsquo;une parole est tenue pour vraie ind&eacute;pendamment des moyens de contr&ocirc;le et de coercition est que la parole s&rsquo;adresse d&rsquo;une personne &agrave; une autre dans un face-&agrave;-face o&ugrave; l&rsquo;autre est reconnu dans sa singularit&eacute;. La force de Toyota est d&rsquo;avoir trouv&eacute; des moyens pour maintenir ce face-&agrave;-face tout en se d&eacute;veloppant. Inversement, la situation de domination mondiale de General Motors l&rsquo;a progressivement &eacute;loign&eacute;e de la prise en compte des attentes r&eacute;elles de ses parties prenantes pour devenir un jouet des march&eacute;s financiers.</p> <p>Selon notre th&egrave;se, une organisation se d&eacute;grade parce qu&rsquo;elle a perdu le lien avec ses parties prenantes, parce que la vie qui s&rsquo;insufflait en elle du fait des interactions avec ses parties prenantes, cette vie s&rsquo;est progressivement retir&eacute;e, remplac&eacute;e par des m&eacute;canismes de coordination formels qui font abstraction de la r&eacute;alit&eacute; des personnes pour ne plus consid&eacute;rer que des individus dans leur substituabilit&eacute;.</p> <p>S&rsquo;il n&rsquo;est pas possible de cr&eacute;er&nbsp;<i>ex nihilo</i>&nbsp;des interactions sociales, il est n&eacute;anmoins possible de leur donner un cadre favorable pour qu&rsquo;elles puissent se d&eacute;velopper. Ce cadre nous l&rsquo;appr&eacute;hendons sous le terme de&nbsp;<i>territoire</i>. Un territoire est un construit social o&ugrave; des communaut&eacute;s d&rsquo;acteurs interagissent en fonction des normes locales (des&nbsp;<i>institutions</i>&nbsp;en anglais) qui r&eacute;gissent ces interactions. Les interactions d&eacute;pendent des acteurs mais le jeu dans lequel s&rsquo;exercent ces interactions est r&eacute;gi par les normes qui s&rsquo;appliquent au sein du territoire consid&eacute;r&eacute;.</p> <h3>L&rsquo;&eacute;loignement progressif du territoire initial</h3> <p>Quand une organisation &eacute;merge, elle s&rsquo;appuie sur un petit r&eacute;seau d&rsquo;acteurs qui se connaissent et qui partagent des normes communes<sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn6" name="_ftnref6" title="">[6]</a></sup>. L&rsquo;organisation d&eacute;veloppe &eacute;galement des normes qui lui sont propres et qui r&eacute;sultent des interactions entre les diverses parties prenantes. Quand l&rsquo;organisation grandit, ces normes initiales constituent l&rsquo;ADN de l&rsquo;organisation, ce qui lui permet de se d&eacute;velopper sans perdre son identit&eacute;.</p> <p>L&rsquo;organisation est une communaut&eacute; d&rsquo;acteurs (eux-m&ecirc;mes individus, organisations ou soci&eacute;t&eacute;s) r&eacute;unis par des liens divers. L&rsquo;ADN de l&rsquo;organisation n&rsquo;est donc pas quelque chose de d&eacute;finitivement fig&eacute;. Il &eacute;volue en fonction des parties prenantes et des r&eacute;ponses organisationnelles aux obstacles ou opportunit&eacute;s rencontr&eacute;s. En ce sens, l&rsquo;organisation s&lsquo;apparente au monde v&eacute;g&eacute;tal des plantes<sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn7" name="_ftnref7" title="">[7]</a></sup>&nbsp;o&ugrave; un m&ecirc;me arbre peut pr&eacute;senter des g&eacute;nomes diff&eacute;rents selon ses branches ma&icirc;tresses (Hall&eacute;, 2005, p.50-53).</p> <p>Pour les organisations, l&rsquo;enjeu de la durabilit&eacute; serait donc de permettre une diversification d&rsquo;une identit&eacute; commune pour faciliter son adaptation &agrave; des environnements distincts. Une organisation qui fossilise son identit&eacute; initiale, et qui se contente de dupliquer &agrave; l&rsquo;identique ce qui fait son identit&eacute;, devient incapable de s&rsquo;adapter &agrave; des changements environnementaux ou &agrave; des contextes normatifs distincts. Elle ne peut qu&rsquo;imposer aux territoires o&ugrave; elle s&rsquo;implante son mode de fonctionnement. Le territoire devient abstrait et n&rsquo;est plus que le lieu de reproduction d&rsquo;une identit&eacute; incapable de s&rsquo;adapter &agrave; des &eacute;volutions.</p> <p>Au fur et &agrave; mesure que l&rsquo;organisation se focalise sur des enjeux abstraits (que ce soient la valeur boursi&egrave;re de l&rsquo;entreprise ou des questions doctrinales d&eacute;pourvues d&rsquo;implications concr&egrave;tes), les enjeux de pouvoirs se r&eacute;duisent &agrave; un nombre limit&eacute; d&rsquo;acteurs d&eacute;connect&eacute;s du quotidien de l&rsquo;organisation. La satisfaction concr&egrave;te des diverses parties prenantes est ignor&eacute;e au b&eacute;n&eacute;fice d&rsquo;une repr&eacute;sentation statistique qui ne peut que repr&eacute;senter imparfaitement des r&eacute;alit&eacute;s d&eacute;j&agrave; pass&eacute;es. Cela conduit &agrave; une forme de d&eacute;sint&eacute;r&ecirc;t de la part des parties prenantes qui consid&egrave;rent que l&rsquo;organisation ne leur accorde aucune importance en tant que parties prenantes uniques et singuli&egrave;res.</p> <p>Par exemple, des employ&eacute;s qui consid&egrave;rent que leur direction ne les voit que comme une ressource humaine abstraite n&rsquo;ont aucune raison d&rsquo;effectuer des efforts suppl&eacute;mentaires &agrave; ceux demand&eacute;s ni de faire preuve d&rsquo;initiatives susceptibles d&rsquo;am&eacute;liorer les processus organisationnels. N&rsquo;&eacute;tant pas per&ccedil;us dans leur singularit&eacute;, ils se replient sur la d&eacute;fense de leurs int&eacute;r&ecirc;ts personnels. On aboutit alors &agrave; un processus auto-entretenu o&ugrave; la direction per&ccedil;oit ses employ&eacute;s comme non impliqu&eacute;s et o&ugrave; les employ&eacute;s per&ccedil;oivent leur direction comme distante et sans souci de la r&eacute;alit&eacute; et de la singularit&eacute; des personnes<sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn8" name="_ftnref8" title="">[8]</a></sup>. Il en de m&ecirc;me pour des clients qui peuvent consid&eacute;rer que l&rsquo;entreprise ne prend pas en compte leurs attentes tant que celles-ci n&rsquo;ont pas atteint une forme visible statistiquement. Dans une focalisation sur des indicateurs, n&rsquo;&eacute;mergent que les signaux qui sont significatifs statistiquement. Les messages individuels, singuliers sont effac&eacute;s, et ce d&rsquo;autant plus qu&rsquo;ils sont &eacute;ventuellement complexes et non mod&eacute;lisables sous un seul param&egrave;tre.</p> <p>Le face-&agrave;-face dispara&icirc;t quand l&lsquo;organisation implante des m&eacute;canismes formels de coordination. L&rsquo;organisation continue &agrave; collecter des informations et &agrave; les analyser mais elle perd la capacit&eacute; &agrave; interagir sur le vivant, elle ne peut que g&eacute;rer des processus morts, des op&eacute;rations de transformation qui n&rsquo;impliquent pas les personnes et qui, par cons&eacute;quent, ne peuvent atteindre la vie et s&rsquo;ins&eacute;rer dans les mouvements d&rsquo;&eacute;volution que cette vie entra&icirc;ne. La fossilisation de l&rsquo;organisation entra&icirc;ne une lutte avec le territoire, et les acteurs qui y vivent, pour assurer la reproduction &agrave; l&rsquo;identique des rapports contractuels. Si l&rsquo;organisation acquiert la victoire, le territoire est r&eacute;duit &agrave; n&rsquo;&ecirc;tre qu&rsquo;un substrat au sein duquel l&rsquo;organisation puise ses ressources. Si le territoire affirme sa supr&eacute;matie, l&rsquo;organisation ne peut que d&eacute;cliner ou s&rsquo;adapter.</p> <h2><a id="t2"></a>LE PH&Eacute;NOM&Egrave;NE D&rsquo;ENTROPIE NORMATIVE</h2> <p>Pour Norbert Wiener (1954), quasiment tout peut &ecirc;tre appr&eacute;hend&eacute; sous forme d&rsquo;un message qui est transmis et re&ccedil;u. Les liens entre l&rsquo;organisation et ses diverses parties prenantes peuvent donc &ecirc;tre appr&eacute;hend&eacute;s comme autant de canaux de communication qui, s&rsquo;ils ne sont pas entretenus, perdent petit &agrave; petit leur efficacit&eacute; et deviennent incapables de transmettre un signal compr&eacute;hensible entre les acteurs. Toute transmission de message entrainant une perte d&rsquo;information, l&rsquo;absence d&rsquo;attention aux canaux de transmission peut conduire &agrave; une transmission d&eacute;pourvue de sens pour celui qui r&eacute;ceptionne l&rsquo;information. On a alors la naissance de monologues, chaque interlocuteur communique mais sa communication n&rsquo;est pas per&ccedil;ue comme porteuse de sens par celui qui la re&ccedil;oit car elle trop parasit&eacute;e, brouill&eacute;e par des interf&eacute;rences externes ou par des conventions qui d&eacute;truisent le contenu informatif du message. De surcro&icirc;t, le destinataire peut aussi avoir perdu les codes, les normes, qui lui permettaient initialement de d&eacute;coder l&rsquo;information transmise.</p> <p>Dans une approche purement cybern&eacute;tique, il suffirait de concevoir de nouveaux canaux de transmission ou de r&eacute;nover les anciens canaux pour permettre le r&eacute;tablissement de la communication. Mais le canal de transmission ne suffit pas. En lui-m&ecirc;me il n&rsquo;est que le support mat&eacute;riel d&rsquo;une onde. Il lui manque la dimension de&nbsp;<i>dia-logue</i>&nbsp;(au sens &eacute;tymologique une parole s&eacute;par&eacute;e, distincte, l&rsquo;inverse d&rsquo;un&nbsp;<i>mono-logue</i>).</p> <p>Dans son ouvrage&nbsp;<i>Tristes tropiques</i>, Claude L&eacute;vi-Strauss (1955), relate son exp&eacute;dition au Br&eacute;sil &agrave; la d&eacute;couverte des tribus indiennes le long de la ligne t&eacute;l&eacute;graphique Rodon. Il d&eacute;crit l&rsquo;abandon progressif de la ligne t&eacute;l&eacute;graphique, objet pourtant d&rsquo;efforts humains colossaux lors de son &eacute;tablissement, en raison &agrave; la fois du manque d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t qui lui est port&eacute; et de l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;autres modes de communication. Ce qui appara&icirc;t dans ce r&eacute;cit de voyage, c&rsquo;est le contraste entre une technologie, un moyen de communication qui a modifi&eacute; la vie d&rsquo;une r&eacute;gion, et une v&eacute;ritable rencontre de communaut&eacute;s distinctes et diff&eacute;rentes. La communication a transform&eacute; les rapports humains mais elle ne s&rsquo;est pas inscrite durablement dans la possibilit&eacute; d&rsquo;un face-&agrave;-face, elle s&rsquo;est limit&eacute;e &agrave; une coexistence de groupes humains.</p> <p>Dans le cadre de notre r&eacute;flexion, les observations de Claude L&eacute;vi-Strauss d&eacute;montrent que le canal de communication fut insuffisant. Son impact principal fut la disparition acc&eacute;l&eacute;r&eacute;e des tribus indiennes et non leur int&eacute;gration dans un r&eacute;seau social. Seuls des individus survivent, mais les communaut&eacute;s en tant que telles ont disparu. Il ne suffit donc pas d&rsquo;&eacute;tablir des canaux de communication pour assurer l&rsquo;exercice effectif d&rsquo;une communication. Il faut aussi que les informations &eacute;chang&eacute;es soient fiables (que le contenu r&eacute;ceptionn&eacute; corresponde au contenu envoy&eacute;) et porteuses de sens. Dans le cas des tribus indiennes observ&eacute;es par L&eacute;vi-Strauss, l&rsquo;information &eacute;tait d&eacute;nu&eacute;e de sens car elle &eacute;tait &agrave; sens unique&nbsp;: les communaut&eacute;s indiennes ne pouvaient que se soumettre ou dispara&icirc;tre car aucune signification positive (porteuse de sens pour les autres communaut&eacute;s) n&#39;&eacute;tait accord&eacute;e &agrave; leur mode de vie.</p> <p>Le canal de communication (la structure) permet le transfert d&rsquo;une communication en restituant plus ou moins fid&egrave;lement le contenu du message mais il n&rsquo;est pas la garantie d&rsquo;une communication effective. Si les acteurs ne souhaitent pas diffuser d&rsquo;information pertinente, le canal peut &ecirc;tre fiable et effectif et cependant se r&eacute;v&eacute;ler inutile. Il existe donc une dimension humaine qui renvoie aux rapports humains, &agrave; la confiance qu&rsquo;une personne accorde &agrave; une autre et qui la conduit &agrave; lui transmettre des informations porteuses de sens. Dans le cas contraire, on se limite &agrave; la transmission de bruit&nbsp;: des informations d&eacute;pourvues de signification.</p> <h3>Le face-&agrave;-face, condition de la vitalit&eacute;</h3> <p>La production industrielle et le d&eacute;veloppement des multinationales ont &eacute;t&eacute; rendus possibles par une certaine abstraction des processus de production et de distribution. C&rsquo;est parce que les ressources consomm&eacute;es par les processus sont appr&eacute;hend&eacute;es par leur &eacute;l&eacute;ment commun<sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn9" name="_ftnref9" title="">[9]</a></sup>, qu&rsquo;il est possible de concevoir des processus optimis&eacute;s ind&eacute;pendamment de la singularit&eacute; de chacune des ressources consid&eacute;r&eacute;e dans son individualit&eacute;<sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn10" name="_ftnref10" title="">[10]</a></sup>.</p> <p>Le face &agrave; face est la reconnaissance de la singularit&eacute; de chaque ressource&nbsp;:&nbsp;<i>Dire &laquo;&nbsp;Tu&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est n&rsquo;avoir aucune chose pour objet. Car o&ugrave; il y a une chose, il y a une autre chose&nbsp;; chaque &laquo;&nbsp;Cela&nbsp;&raquo; confine &agrave; d&rsquo;autres &laquo;&nbsp;Cela&nbsp;&raquo;. &laquo;&nbsp;Cela&nbsp;&raquo; n&rsquo;existe que parce qu&rsquo;il est limit&eacute; par d&rsquo;autres &laquo;&nbsp;Cela&nbsp;&raquo;. Mais l&agrave; o&ugrave; l&rsquo;on dit &laquo;&nbsp;Tu&nbsp;&raquo;, il n&rsquo;y a aucune chose. &laquo;&nbsp;Tu&nbsp;&raquo; ne confine &agrave; rien. Celui qui dit &laquo;&nbsp;Tu&nbsp;&raquo; n&rsquo;a aucune chose, il n&rsquo;a rien. Mais il est dans la relation</i>&nbsp;(Buber, 1938, p.8).</p> <p>Le&nbsp;<i>Cela</i>&nbsp;de Martin Buber, c&rsquo;est la chose qui est appr&eacute;hend&eacute;e dans son &eacute;l&eacute;ment commun, ce qui fait que l&rsquo;on peut dire que du bois est du bois, qu&rsquo;une table est une table, qu&rsquo;un employ&eacute; est un employ&eacute;. Les ouvrages de gestion ou de sociologie traitent du&nbsp;<i>Cela</i><sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn11" name="_ftnref11" title="">[11]</a></sup>. Le&nbsp;<i>Tu</i>, c&rsquo;est la reconnaissance de la singularit&eacute; de ce qui est en face. C&rsquo;est la Rose et le Renard pour le Petit Prince (Saint-Exup&eacute;ry, 1943). Le m&ecirc;me &ecirc;tre et la m&ecirc;me chose peuvent &ecirc;tre appr&eacute;hend&eacute;s de fa&ccedil;on analytique, utilitaire (c&rsquo;est le&nbsp;<i>Cela</i>) ou de fa&ccedil;on relationnelle (c&rsquo;est le&nbsp;<i>Tu</i>). C&rsquo;est le regard pos&eacute; sur la chose qui transforme la relation du sujet &agrave; l&rsquo;objet car elle pose deux sujets l&rsquo;un en face de l&rsquo;autre. Reconna&icirc;tre l&rsquo;autre dans sa singularit&eacute;, c&rsquo;est le regarder en face (L&eacute;vinas, 1974).</p> <p>Toute organisation est fond&eacute;e initialement sur une reconnaissance de l&rsquo;autre<sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn12" name="_ftnref12" title="">[12]</a></sup>. Avec la structuration de l&rsquo;organisation et sa croissance, cette connaissance se trouve d&eacute;cal&eacute;e en un cercle de plus en plus &eacute;loign&eacute; des dirigeants. Le dirigeant d&rsquo;une entreprise de plusieurs centaines d&rsquo;employ&eacute;s ne peut plus les conna&icirc;tre individuellement, parfois il ne descend plus que rarement dans ses usines ou dans ses magasins, il lui suffit de disposer des informations collect&eacute;es<sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn13" name="_ftnref13" title="">[13]</a></sup>, de prendre ses d&eacute;cisions et de les communiquer pour qu&rsquo;elles soient appliqu&eacute;es. Parce que l&rsquo;&ecirc;tre humain est confront&eacute; &agrave; des capacit&eacute;s cognitives limit&eacute;es, il s&rsquo;entoure d&rsquo;une structure, d&rsquo;une hi&eacute;rarchie, pour assurer l&rsquo;ex&eacute;cution de travaux demandant la coordination de multiples acteurs.</p> <p>Cette structure organis&eacute;e, qui s&rsquo;appuie sur la connaissance des lois scientifiques, est &agrave; la fois la condition de la r&eacute;ussite des organisations et la cause de leur disparition. Parce que l&rsquo;organisation se r&eacute;ifie progressivement, parce qu&rsquo;elle substitue des m&eacute;canismes informels de coordination aux m&eacute;canismes personnels, la relation de face-&agrave;-face se trouve limit&eacute;e &agrave; des sph&egrave;res pr&eacute;cises de chaque organisation. Le dirigeant ne rencontre plus que tr&egrave;s occasionnellement ses clients, et m&ecirc;me parfois ses employ&eacute;s au service des clients. Certes, il dispose de tous les outils d&rsquo;information pour avoir une repr&eacute;sentation synth&eacute;tique des attentes des clients mais il n&rsquo;a plus le face-&agrave;-face, l&rsquo;appr&eacute;hension de la singularit&eacute;.</p> <p>La th&egrave;se que nous proposons peut donc &ecirc;tre formalis&eacute;e ainsi&nbsp;: les organisations, qui sont initialement des structures destin&eacute;es &agrave; faciliter les &eacute;changes et coop&eacute;rations entre personnes, tendent naturellement &agrave; se fossiliser en grandissant et en vieillissant. Cette fossilisation se traduit par de multiples aspects, en particulier le d&eacute;veloppement des r&egrave;gles bureaucratiques et de contr&ocirc;le qui viennent peu &agrave; peu remplacer les interactions humaines afin de faciliter la pr&eacute;vision et la gestion des processus. Ce faisant, le lien entre les dirigeants et leurs diverses parties prenantes se distend jusqu&rsquo;&agrave; perdre toute r&eacute;alit&eacute;. Notre question de recherche est&nbsp;: ce lien peut-il &agrave; nouveau se cr&eacute;er ou existe-t-il un stade au-del&agrave; duquel le lien est irr&eacute;m&eacute;diablement d&eacute;truit et comment peut-on cr&eacute;er ou recr&eacute;er ce lien&nbsp;?</p> <h3>La reconstruction d&rsquo;un face &agrave; face</h3> <p>La durabilit&eacute; exige deux conditions&nbsp;: l&rsquo;existence de canaux de transmission et l&rsquo;existence d&rsquo;un dialogue, ce que J&uuml;rgen Habermas (1992) a synth&eacute;tis&eacute; sous la notion d&rsquo;&eacute;thique de la discussion. Avec les moyens modernes de communication, la difficult&eacute; de la durabilit&eacute; est renforc&eacute;e car les canaux de transmission donnent l&rsquo;apparence d&rsquo;une retransmission parfaite de l&rsquo;information. Mais l&rsquo;information &eacute;mise n&rsquo;est pas l&rsquo;information re&ccedil;ue car les codes entre l&rsquo;&eacute;mission et la r&eacute;ception ne sont pas les m&ecirc;mes. Ces codes d&rsquo;&eacute;mission et de r&eacute;ception sont li&eacute;s aux normes qui r&eacute;gissent les territoires d&rsquo;implantation des acteurs. L&rsquo;&eacute;loignement du territoire et la gestion abstraite des donn&eacute;es g&eacute;n&egrave;rent une perte d&rsquo;information. Cette perte d&rsquo;information est aggrav&eacute;e quand l&rsquo;information se r&eacute;duit &agrave; une succession de donn&eacute;es financi&egrave;res<sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn14" name="_ftnref14" title="">[14]</a></sup>. Il n&rsquo;y a plus de dialogue car il n&rsquo;y a plus de possibilit&eacute;s d&rsquo;exprimer ce qui n&rsquo;est pas exprimable sous forme chiffr&eacute;e.</p> <p>Reconstruire le face-&agrave;-face devient une n&eacute;cessit&eacute; de survie pour l&rsquo;organisation car cela devient le seul moyen de r&eacute;tablir une v&eacute;ritable communication avec ses acteurs. Le face-&agrave;-face fait &eacute;clater la repr&eacute;sentation chiffr&eacute;e car il apporte un suppl&eacute;ment de sens &agrave; des repr&eacute;sentations abstraites, il rend singulier ce qui n&rsquo;&eacute;tait qu&rsquo;un concept. Ce face-&agrave;-face s&rsquo;inscrit n&eacute;cessairement dans un territoire car le face &agrave; la face n&rsquo;est pas seulement la rencontre de deux singularit&eacute;s, il est cette rencontre dans un lieu incarn&eacute;, marqu&eacute; par une histoire, une culture, des croyances.</p> <p>La force de Toyota par rapport &agrave; General Motors n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; d&rsquo;avoir un meilleur mod&egrave;le manag&eacute;rial mais d&rsquo;avoir un mod&egrave;le qui permettait de prendre en compte la r&eacute;alit&eacute; des normes qui r&eacute;gissent le comportement des acteurs dans les diff&eacute;rents pays o&ugrave; l&rsquo;entreprise s&rsquo;est implant&eacute;e. C&rsquo;est &agrave; partir de cette connaissance des contraintes, des habitudes, des repr&eacute;sentations des acteurs que l&rsquo;organisation peut tout &agrave; la fois maintenir les principes qui la constituent (son ADN) et adapter ses principes &agrave; la r&eacute;alit&eacute; des acteurs et de leur environnement.</p> <p>Cette capacit&eacute; &agrave; appr&eacute;hender la r&eacute;alit&eacute; d&rsquo;un environnement, le concret d&rsquo;un territoire, d&eacute;pend des personnes qui dirigent et animent chaque organisation mais elle d&eacute;pend &eacute;galement des structures, des m&eacute;canismes, qui r&eacute;gissent les rapports des parties prenantes au sein de l&rsquo;organisation et les modalit&eacute;s de prise en compte de leurs int&eacute;r&ecirc;ts.&nbsp;<i>In fine</i>, la durabilit&eacute; d&rsquo;une organisation d&eacute;pend donc des caract&eacute;ristiques de sa gouvernance.</p> <p>Le crit&egrave;re d&rsquo;une bonne gouvernance peut s&rsquo;&eacute;valuer selon l&rsquo;efficience (la capacit&eacute; &agrave; produire au moindre co&ucirc;t les biens ou les services demand&eacute;s par les clients) mais cette efficience est instantan&eacute;e, elle ne prend pas en compte la dur&eacute;e, l&rsquo;inscription de l&rsquo;organisation dans un temps o&ugrave; les prix peuvent fluctuer, o&ugrave; les march&eacute;s peuvent &ecirc;tre imparfaits, o&ugrave; des externalit&eacute;s peuvent appara&icirc;tre sans &ecirc;tre prises en compte par les march&eacute;s. Pour &ecirc;tre durable, une organisation doit donc s&rsquo;affranchir de la maximisation de l&rsquo;efficience &agrave; court terme pour se mettre en situation d&rsquo;&eacute;quilibre instable impliquant l&rsquo;exigence du mouvement et donc du dialogue avec ses parties prenantes.</p> <h2><a id="t3"></a>CONCLUSION</h2> <p>Selon notre th&egrave;se, l&rsquo;organisation d&eacute;veloppe un cadre favorable aux interactions sociales quand elle maintient une proximit&eacute; avec ses territoires et qu&rsquo;elle permet un v&eacute;ritable dialogue avec ses parties prenantes. La diff&eacute;rence avec les logiques actuelles de communication est l&rsquo;insistance sur la bilat&eacute;ralit&eacute; du dialogue&nbsp;: chaque acteur est &agrave; la fois r&eacute;cepteur et &eacute;metteur. Par rapport au mod&egrave;le cybern&eacute;tique, la diff&eacute;rence tient &agrave; ce r&ocirc;le d&rsquo;&eacute;metteur des parties prenantes de l&rsquo;organisation. Dans le mod&egrave;le cybern&eacute;tique, l&rsquo;information qui revient &agrave; l&rsquo;organisation de la part de ses parties prenantes (le&nbsp;<i>feedback</i>) est le reflet de l&rsquo;information initialement &eacute;mise par l&rsquo;organisation en direction de ses diverses parties prenantes. Une repr&eacute;sentation physique en est le radar. Ce dernier permet d&rsquo;appr&eacute;hender un objet et de le localiser dans l&rsquo;espace gr&acirc;ce &agrave; la r&eacute;flexion sur l&rsquo;objet des ondes &eacute;mises. Ce n&rsquo;est donc pas l&rsquo;objet qui &eacute;met, l&rsquo;objet ne fait que r&eacute;fl&eacute;chir les ondes re&ccedil;ues<sup><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftn15" name="_ftnref15" title="">[15]</a></sup>.</p> <p>Dans un dialogue, chaque acteur ne fait pas que r&eacute;pondre &agrave; la partie oppos&eacute;e, il d&eacute;veloppe &eacute;galement sa propre argumentation et peut introduire des &eacute;l&eacute;ments nouveaux non initialement envisag&eacute;s par l&rsquo;acteur initial. Ce dialogue entre l&rsquo;organisation et les parties prenantes est une condition de la durabilit&eacute; des organisations car c&rsquo;est elle qui permet &agrave; l&rsquo;organisation de s&rsquo;enrichir d&rsquo;apports nouveaux, d&rsquo;&eacute;chapper &agrave; l&lsquo;entropie. La difficult&eacute; est donc de passer d&rsquo;un monologue &agrave; un dialogue. Cette opposition entre monologue et dialogue n&rsquo;est pas l&rsquo;opposition entre discussion et expos&eacute; (Arnaud, 2011) mais entre une parole dont l&rsquo;autre est exclu et une parole que l&rsquo;autre est invit&eacute; &agrave; s&rsquo;approprier (Riordan, 2005). La communication &agrave; distance favorise la coexistence de monologues, le face-&agrave;-face favorise le dialogue&nbsp;; un dialogue o&ugrave; chacun non seulement communique mais &eacute;coute la communication de l&rsquo;autre. Ce dialogue repose sur un &eacute;l&eacute;ment suppl&eacute;mentaire qui est la confiance que chacun accorde &agrave; la parole de l&rsquo;autre.</p> <p>En effet, la reconnaissance de la singularit&eacute; permet le face-&agrave;-face et le face-&agrave;-face permet la construction d&rsquo;interactions sociales. Mais le face-&agrave;-face peut aussi d&eacute;g&eacute;n&eacute;rer en pugilat ou en homicide. Le face-&agrave;-face est une condition n&eacute;cessaire mais non suffisante &agrave; la durabilit&eacute; des organisations. Ce qui transforme une condition n&eacute;cessaire mais non suffisante c&rsquo;est la nature de ce face-&agrave;-face. Passer d&rsquo;une relation de suspicion (fond&eacute;e sur la divergence d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;ts comme obstacle &agrave; la possibilit&eacute; d&rsquo;une r&eacute;elle coop&eacute;ration) &agrave; une relation de confiance (fond&eacute;e sur l&rsquo;acceptation des diff&eacute;rences comme possibilit&eacute; de coop&eacute;rer efficacement).</p> <p>La relation de confiance d&eacute;pend des personnes, elle ne s&rsquo;impose pas. Mais les m&eacute;canismes de gouvernance, les normes et les institutions d&rsquo;un territoire peuvent fournir le cadre dans lequel elle peut na&icirc;tre et se d&eacute;velopper ou, au contraire, imposer un cadre qui la rende plus difficile. La peur du confit, le d&eacute;sir de maintenir des relations impersonnelles, la volont&eacute; d&rsquo;apaisement des tensions, ont pour effet d&rsquo;&eacute;viter la violence du face-&agrave;-face mais ils ont &eacute;galement pour cons&eacute;quence d&rsquo;interdire l&rsquo;&eacute;mergence de la confiance et donc, &agrave; terme, de d&eacute;truire le ciment qui permet &agrave; une organisation de se d&eacute;velopper.</p> <h2><a id="t4"></a>BIBLIOGRAPHIE</h2> <p>Arnaud, N. (2011). Du monologue au dialogue : &Eacute;tude de la transformation communicationnelle d&#39;une organisation.&nbsp;<em>Revue fran&ccedil;aise de gestion</em>, 210(1), 15-31.</p> <p>Buber, M. (1923).&nbsp;<em>Je et Tu, La vue en dialogue</em>. 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(1954).&nbsp;<em>The Human Use of Human Beings: Cybernetics and Society</em>, Free Association Books, 1989.</p> <hr size="1" width="33%" /> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref1" name="_ftn1" title="">[1]</a>&nbsp;Et, par cons&eacute;quent, l&rsquo;existence de fronti&egrave;res.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref2" name="_ftn2" title="">[2]</a>&nbsp;Une recherche sur Google Scholar montre que les termes d&eacute;clin (en fran&ccedil;ais) ou decline (en anglais) appliqu&eacute;s aux organisations renvoient &agrave; des parties prenantes ou &agrave; des environnements naturels ou politiques. Le d&eacute;clin des organisations est rarement un th&egrave;me trait&eacute; en tant que tel. En effet, l&rsquo;organisation est g&eacute;n&eacute;ralement appr&eacute;hend&eacute;e comme une structure, un cadre contractuel au sein duquel le renouvellement vient des acteurs eux-m&ecirc;mes (Fridenson, 1989). Une organisation qui d&eacute;cline est donc une organisation qui ne parvient plus &agrave; renouveler ses parties prenantes.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref3" name="_ftn3" title="">[3]</a>&nbsp;Un courant acad&eacute;mique (Levine, 1978) consid&egrave;re que c&rsquo;est la rar&eacute;faction des ressources disponibles qui entra&icirc;ne l&rsquo;incapacit&eacute; de l&rsquo;organisation &agrave; s&rsquo;adapter.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref4" name="_ftn4" title="">[4]</a>&nbsp;Comme l&rsquo;illustre une r&eacute;plique de Clint Eastwood dans le film &laquo;&nbsp;Gran Torino&nbsp;&raquo; (2008) &agrave; propos des marques de voiture, l&rsquo;insertion d&rsquo;une organisation dans un territoire implique une forme d&rsquo;engagement r&eacute;ciproque entre les citoyens du territoire concern&eacute; et l&rsquo;organisation.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref5" name="_ftn5" title="">[5]</a>&nbsp;John Galbraith (1952) observe que cette alternative n&rsquo;existe pas syst&eacute;matiquement en raison de la concentration des march&eacute;s et de la construction des monopoles et oligopoles. En France, chacun peut &ecirc;tre insatisfait du service rendu par la Sncf et pourtant ne pas pouvoir recourir &agrave; une entreprise alternative. Dans une telle situation, l&rsquo;organisation en situation de monopole ou d&rsquo;oligopole peut se satisfaire de l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;insatisfaction de certaines de ses parties prenantes sans pour autant voir sa survie menac&eacute;e &agrave; court terme.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref6" name="_ftn6" title="">[6]</a>&nbsp;On le voit notamment dans le r&ocirc;le des clusters (par exemple, la Silicon Valley en Californie) ou des incubateurs d&rsquo;entreprises pour favoriser les interactions sociales dans un cadre restreint o&ugrave; les acteurs sont amen&eacute;s &agrave; partager un grand nombre de normes communes.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref7" name="_ftn7" title="">[7]</a>&nbsp;La long&eacute;vit&eacute; de certaines plantes s&rsquo;explique par leur capacit&eacute; &agrave; faire &eacute;voluer leur identit&eacute; voire &agrave; faire coexister plusieurs identit&eacute;s &agrave; partir d&rsquo;une identit&eacute; commune initiale.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref8" name="_ftn8" title="">[8]</a>&nbsp;Ce constat a &eacute;t&eacute; fait par Elton Mayo d&egrave;s 1933 en partant d&rsquo;une situation impersonnelle d&rsquo;absence de reconnaissance de la singularit&eacute; des personnes pour aboutir (au d&eacute;part sans l&rsquo;avoir consciemment voulu), par le biais d&rsquo;outils techniques de motivation, &agrave; une reconnaissance de la singularit&eacute; des ouvri&egrave;res impliqu&eacute;es dans le dispositif exp&eacute;rimental.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref9" name="_ftn9" title="">[9]</a>&nbsp;Du bois est du bois ind&eacute;pendamment de la for&ecirc;t d&rsquo;o&ugrave; il provient et de la fa&ccedil;on dont il a &eacute;t&eacute; coup&eacute;&nbsp;; un &ecirc;tre humain est une capacit&eacute; de travail, physique ou intellectuelle, ind&eacute;pendamment de la personnalit&eacute; et des sentiments de la personne.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref10" name="_ftn10" title="">[10]</a>&nbsp;Le caract&egrave;re commun d&rsquo;une ressource n&rsquo;efface pas sa singularit&eacute; mais celle-ci n&rsquo;est pas appr&eacute;hend&eacute;e. L&rsquo;ouvrier int&eacute;rimaire d&rsquo;une usine de mille personnes est une capacit&eacute; de travail avant d&rsquo;&ecirc;tre Pierre, Florence ou Rachid. Du lambris vendu en grande surface est un mat&eacute;riau exploitable avant d&rsquo;&ecirc;tre le produit de l&rsquo;abattage et du d&eacute;coupage d&rsquo;arbres uniques ayant pouss&eacute; dans telle ou telle r&eacute;gion.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref11" name="_ftn11" title="">[11]</a>&nbsp;Max Weber (1920) en est une illustration.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref12" name="_ftn12" title="">[12]</a>&nbsp;On ne s&rsquo;associe pas avec des partenaires parce qu&rsquo;on les a rencontr&eacute;s par hasard mais parce qu&rsquo;il y a eu des &eacute;changes, des discussions. Que ce soit dans le financement des start-ups ou dans le recrutement des employ&eacute;s, la dimension personnelle est ce qui explique le choix de soutenir un projet ou d&rsquo;embaucher une personne plut&ocirc;t qu&rsquo;une autre.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref13" name="_ftn13" title="">[13]</a>&nbsp;Le nombre de salari&eacute;s, la nature des embauches, le montant des salaires n&eacute;goci&eacute;s, la proportion d&rsquo;hommes ou de femmes, la pyramide des &acirc;ges, etc.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref14" name="_ftn14" title="">[14]</a>&nbsp;Puisqu&rsquo;&agrave; travers les prix on introduit une repr&eacute;sentation de l&rsquo;offre et de la demande qui est davantage repr&eacute;sentative des rapports de force entre les acteurs que de l&rsquo;&eacute;quilibre entre une offre et une demande dans des conditions de concurrence pure et parfaite o&ugrave; tous les acteurs b&eacute;n&eacute;ficieraient d&rsquo;une dotation initiale de ressources leur permettant d&rsquo;agir sur les march&eacute;s.</p> <p><a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-7-2019-durabilite-et-transformation-des-organisations-paradoxes-et-perspectives/769-la-territorialisation-comme-condition-de-durabilite-des-organisations-benoit-pige#_ftnref15" name="_ftn15" title="">[15]</a>&nbsp;Les avions furtifs sont des avions qui au lieu de renvoyer les ondes re&ccedil;ues les absorbent et suppriment ainsi le feedback.</p>