<h5>INTRODUCTION</h5> <p>Le sujet de cet article porte sur les enjeux de la repr&eacute;sentation m&eacute;diatique des alt&eacute;rit&eacute;s dans le discours du journalisme. Plus pr&eacute;cis&eacute;ment, il s&rsquo;agit d&rsquo;une recherche sur les modalit&eacute;s de repr&eacute;sentation journalistiques construites pour les groupes sociaux minoritaires. Nous voudrons examiner le journalisme comme un important constructeur de la r&eacute;alit&eacute; sociale qui exerce influence sur les exp&eacute;riences, sur les subjectivit&eacute;s et &eacute;galement sur les identit&eacute;s des individus. Ainsi, notre analyse sur la sous-repr&eacute;sentation des minorit&eacute;s consid&egrave;re le r&ocirc;le autoritaire du discours journalistique dans la conformation de la vie sociale. &Agrave; notre avis, les minorit&eacute;s sont construites socialement dans le discours journalistique quotidien.</p> <p>Nous travaillons &agrave; partir d&rsquo;une vis&eacute;e pluridisciplinaire car malgr&eacute; l&rsquo;importance des &eacute;tudes sur les m&eacute;dias et sur les sp&eacute;cificit&eacute;s du discours journalistique, il est essentiel d&rsquo;articuler la probl&eacute;matique de cette &eacute;tude dans une approche sociale et historique. Effectivement, cette recherche porte le d&eacute;fi de se construire dans le domaine des sciences de la communication tout en dialoguant avec certains concepts de la philosophie et de la psychologie sociale.</p> <p>Nous tenons &agrave; souligner que l&rsquo;objet de ce travail ouvre un terrain privil&eacute;gi&eacute; pour r&eacute;fl&eacute;chir sur l&rsquo;importance du discours journalistique dans la construction sociale de st&eacute;r&eacute;otypes sur les individus marginalis&eacute;s. De plus, cette &eacute;tude agit en faveur des modalit&eacute;s de repr&eacute;sentations m&eacute;diatiques plus plurielles et complexes pour les minorit&eacute;s.</p> <p><b>&nbsp;</b></p> <h5><a id="t2"></a>LE JOURNALISME ET LA RENCONTRE AVEC L&rsquo;AUTRE</h5> <p>&nbsp;</p> <p>Raconter les &eacute;v&eacute;nements du quotidien &agrave; partir de certaines m&eacute;thodes narratives est la mission essentielle du journalisme. Le r&ocirc;le du journalisme est de partager et de propager les exp&eacute;riences quotidiennes aux diff&eacute;rents publics, afin d&rsquo;encourager une pens&eacute;e critique et relationnelle &agrave; propos des &eacute;v&eacute;nements contemporains. Le journalisme nous proportionne &eacute;galement une rencontre avec l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. Dans les textes journalistiques, l&rsquo;Autre est dans toutes les rubriques. Il repr&eacute;sente la diff&eacute;rence, l&rsquo;&eacute;trange, l&rsquo;inattendu ou l&rsquo;exotique. L&rsquo;Autre est celui qui &eacute;chappe &agrave; la norme. L&rsquo;Autre est celui qui nous refusons.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Dans cette &eacute;tude, nous voudrons pr&eacute;senter le concept d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; de la philosophie&nbsp;d&rsquo;Emmanuel Levinas (1972&nbsp;; 1990&nbsp;; 2010). Ce philosophe fran&ccedil;ais-lituanien propose une mani&egrave;re distincte de penser l&rsquo;Autre&nbsp;: non plus &agrave; partir de la centralit&eacute; du &laquo;&nbsp;Je&nbsp;&raquo;, mais &agrave;&nbsp;l&rsquo;&eacute;gard&nbsp;d&rsquo;une subjectivit&eacute; qui peut reconna&icirc;tre l&rsquo;Autre comme&nbsp;<i>infiniment</i>&nbsp;Autre, comme un&nbsp;<i>Autrui</i>. En premier lieu, selon Levinas (2010), il est possible d&rsquo;&eacute;tablir un lien de solidarit&eacute; naturel envers l&rsquo;Autre lorsque la multiplicit&eacute; humaine est comprise comme une totalit&eacute;. Ainsi, &laquo;&nbsp;l&rsquo;Autre&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;Je&nbsp;&raquo; sont des distincts &eacute;l&eacute;ments dans une unit&eacute;. En bref, malgr&eacute; les diff&eacute;rences entre eux, ils ont un sentiment puissant d&rsquo;appartenance &agrave; une totalit&eacute;.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Cependant, la philosophie de Levinas porte une question &agrave; propos de celui qui est compl&egrave;tement &eacute;tranger, ind&eacute;sirable, ind&eacute;pendant de tout sentiment de reconnaissance pr&eacute;alable ou de toute possibilit&eacute; de constituer avec lui une totalit&eacute;. N&rsquo;existe un sentiment d&rsquo;appartenance commun parce que n&rsquo;existe rien en commun. Il est&nbsp;<i>infiniment</i>&nbsp;Autre&nbsp;: l&rsquo;Autrui. Comment pouvons-nous &eacute;tablir un &eacute;lan de solidarit&eacute; avec l&rsquo;Autrui&nbsp;? Si nous ne partageons rien avec lui. S&rsquo;il est trop &eacute;trange &agrave; notre culture et &agrave; nos valeurs&nbsp;? Selon le philosophe Emmanuel Levinas, il faut construire une &eacute;thique qui pr&eacute;conise la responsabilit&eacute; avec l&rsquo;Autrui sans sym&eacute;trie ni r&eacute;ciprocit&eacute;. Dans cette approche, l&rsquo;humanit&eacute; est li&eacute;e &agrave; la capacit&eacute; de reconna&icirc;tre l&rsquo;Autre et se responsabiliser pour lui sans rien demander. Cette &eacute;thique de responsabilit&eacute; envers l&rsquo;Autrui est le point de d&eacute;part de la fraternit&eacute;, de l&rsquo;amour et encore de l&rsquo;humanit&eacute;. Devant le visage de l&rsquo;Autrui, le &laquo;&nbsp;Je&nbsp;&raquo; obtient son int&eacute;gralit&eacute; comme &ecirc;tre humain.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Au premier abord, nous pouvons assurer que le journalisme sert d&rsquo;outil de connexion entre le &laquo;&nbsp;Je&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;l&rsquo;Autre&nbsp;&raquo;. L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; est un objet du discours journalistique parce qu&rsquo;elle fait partie de la r&eacute;alit&eacute;. &Agrave; partir des textes journalistiques, nous pouvons conna&icirc;tre l&rsquo;Autre et peut-&ecirc;tre nous reconna&icirc;tre dans lui, de telle fa&ccedil;on &agrave; nos engager &agrave; construire des relations plus solidaires. Par ailleurs, l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme un &eacute;l&eacute;ment assez important dans la production journalistique, car elle porte des ingr&eacute;dients exotiques, inattendus et souvent s&eacute;ducteurs qui attirent les publics. &Agrave; savoir, actuellement, pr&eacute;senter l&rsquo;Autre dans sa&nbsp;<i>diff&eacute;rence</i>&nbsp;devient une cl&eacute; pour construire l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t du public lecteur.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Toutefois, le journalisme non seulement&nbsp;<i>parle</i>&nbsp;de l&rsquo;Autre. Il non seulement&nbsp;<i>repr&eacute;sente&nbsp;</i>l&rsquo;Autre. Ses m&eacute;thodes de production de l&rsquo;information sont &eacute;galement employ&eacute;es pour construire les alt&eacute;rit&eacute;s. Notamment, lorsque le discours journalistique repr&eacute;sente l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, il contribue &agrave; la sa construction dans les imaginaires sociaux. Selon Denise Jodelet (2005), il faut noter que l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; n&rsquo;est pas un attribut inh&eacute;rent &agrave; l&rsquo;essence d&rsquo;un individu. Il s&rsquo;agit plut&ocirc;t d&rsquo;une qualification qui lui est attribu&eacute;e de l&rsquo;ext&eacute;rieur, dans une relation sociale et dans un contexte in&eacute;gal de pouvoirs. L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; n&rsquo;est pas une condition constante ou d&eacute;finitive&nbsp;; &agrave; l&rsquo;oppos&eacute;, sa nature est fluide, contextuelle et questionnable.&nbsp;Pour son caract&egrave;re fluide, l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; peut &ecirc;tre d&eacute;finie par des agentes ext&eacute;rieures comme les m&eacute;dias. &Agrave; notre avis, le journalisme joue un r&ocirc;le capital dans la construction des alt&eacute;rit&eacute;s dans le monde contemporain, du fait que le journalisme est un constructeur de la r&eacute;alit&eacute;.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Nous croyons que l&rsquo;influence du journalisme sur notre compr&eacute;hension de l&rsquo;actualit&eacute; est d&rsquo;avantage plus puissante que les autres modalit&eacute;s de narration des &eacute;v&eacute;nements, comme le cin&eacute;ma, l&rsquo;art ou l&rsquo;histoire, parce que comme nous allons traiter ensuite, le discours journalistique est un discours d&rsquo;autorit&eacute; sur l&rsquo;actualit&eacute;. De plus, nous voudrons analyser les &laquo;&nbsp;valeurs-informatives&nbsp;&raquo; dans sa relation avec la couverture journalistique de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, afin de mieux comprendre comment ces crit&egrave;res organisent la production des articles de presse en orientant vers une approche n&eacute;gative et r&eacute;ductrice des alt&eacute;rit&eacute;s.</p> <h5><a id="t3"></a>LE DISCOURS AUTORITAIRE DU JOURNALISME</h5> <p>Notre hypoth&egrave;se de recherche est que le journalisme construit des discours autoritaires sur les &eacute;v&eacute;nements du quotidien qui influencent les imaginaires et les exp&eacute;riences des individus. L&rsquo;autorit&eacute; du discours journalistique r&eacute;side dans sa pr&eacute;tention de reproduire comme &laquo;&nbsp;un miroir&nbsp;&raquo; les &eacute;v&eacute;nements de l&rsquo;actualit&eacute;. Le discours du journalisme est li&eacute; &agrave; un r&eacute;gime de production discursive l&eacute;gitim&eacute; par des m&eacute;thodes comme l&rsquo;objectivit&eacute; journalistique et la recherche de la v&eacute;rit&eacute;. Ainsi, diff&eacute;remment d&rsquo;autres m&eacute;dias comme le cin&eacute;ma, les talk-shows ou les t&eacute;l&eacute;-r&eacute;alit&eacute;s, le journalisme est construit et vendu comme un propagateur de discours objectifs et vrais.</p> <p>Les m&eacute;thodes de production des nouvelles sont comprises comme des outils pour la reproduction de la r&eacute;alit&eacute;, de la sorte que la narrative journalistique, qui est forc&eacute;ment partielle et incompl&egrave;te, est propag&eacute;e comme une &laquo;&nbsp;photocopie&nbsp;&raquo; int&eacute;grale de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement. Les choix, les intentions et les int&eacute;r&ecirc;ts impliqu&eacute;s dans la production de l&rsquo;article de presse sont masqu&eacute;s au profit d&rsquo;une conception &eacute;quivoqu&eacute;e de la mission du journalisme.</p> <p>Finalement, &agrave; qui sert l&rsquo;id&eacute;e du journalisme en tant que miroir de la r&eacute;alit&eacute;&nbsp;? En outre, &agrave; qui sert propager le journalisme comme un diffuseur de la v&eacute;rit&eacute; des &eacute;v&eacute;nements&nbsp;? Si la v&eacute;rit&eacute; est comprise seulement de fa&ccedil;on partielle, qui d&eacute;termine quelles parties seront publi&eacute;es et quelles parties seront cach&eacute;es&nbsp;? Il faut v&eacute;rifier que dans les discours journalistiques sur les groupes minoritaires, par exemple, les th&egrave;mes n&eacute;gatifs sont souvent choisis au d&eacute;triment des perspectives positives.</p> <p>Le linguiste fran&ccedil;ais Patrick Charaudeau (2005&nbsp;; 2012) d&eacute;finit la v&eacute;rit&eacute; comme &eacute;tant pluriel et complexe. Selon cet auteur, les m&eacute;dias ne peuvent pas reproduire la v&eacute;rit&eacute; d&ucirc; &agrave; sa complexit&eacute;, alors, les journalistes ne construisent que des &laquo;&nbsp;effets de v&eacute;rit&eacute;s&nbsp;&raquo;. Effectivement, dans le journalisme, ces effets de v&eacute;rit&eacute; sont confirm&eacute;s &agrave; travers de codes de vraisemblance comme les photos, les sons de l&rsquo;ambiance ou les images en vid&eacute;o. Dans ce sens, une nouvelle est plus vraisemblable plus elle est en conformit&eacute; aux expectatives et aux r&eacute;f&eacute;rences du publique qui re&ccedil;oit l&rsquo;information. Autrement dit, la v&eacute;rit&eacute; propag&eacute;e par le journalisme est ancr&eacute;e dans les expectatives et dans les r&eacute;f&eacute;rences des journalistes et des lecteurs.</p> <p>&Agrave; la recherche de la v&eacute;rit&eacute;, le journalisme a &eacute;tabli l&rsquo;objectivit&eacute; comme la principale m&eacute;thode dans le processus de construction des articles de presse. Cette influence positiviste trouve ses origines dans les ann&eacute;es 1920 aux &Eacute;tats-Unis et s&rsquo;impose comme une r&egrave;gle g&eacute;n&eacute;rale pour le &laquo;&nbsp;journalisme&nbsp;s&eacute;rieux&raquo;. Nous pouvons observer que toutes les autres mani&egrave;res de raconter les &eacute;v&eacute;nements de l&rsquo;actualit&eacute; sont consid&eacute;r&eacute;es comme moins pr&eacute;cises et ainsi le journalisme a pris distance d&rsquo;autres m&eacute;thodes d&rsquo;&eacute;criture, tels que la litt&eacute;rature ou la philosophie, par exemple. En bref, l&rsquo;objectiv&eacute; devient la base de la structure de production des nouvelles.</p> <p>Un nom important concernant l&rsquo;&eacute;tude de l&rsquo;objectivit&eacute; journalistique est celui de l&rsquo;auteure nord-am&eacute;ricaine Gaye Tuchman (1972&nbsp;; 1999&nbsp;; 2010). Tuchman a &eacute;t&eacute; la premi&egrave;re &agrave; centrer son int&eacute;r&ecirc;t sur l&rsquo;importance du principe de l&rsquo;objectivit&eacute; dans la construction d&rsquo;articles de presse. Selon Tuchman, l&rsquo;utilisation de la m&eacute;thode de l&rsquo;objectivit&eacute; a configur&eacute; un &laquo;&nbsp;rituel strat&eacute;gique&nbsp;&raquo; utilis&eacute; par les journalistes dans ses activit&eacute;s quotidiennes. Ce rituel leurs a permis de se prot&eacute;ger des risques de la profession, comme donner visibilit&eacute; aux faux &eacute;v&eacute;nements ou propager des nouvelles qui parlent partiellement de la r&eacute;alit&eacute;.</p> <p>&nbsp;N&eacute;anmoins, cette m&eacute;thode de production de textes n&rsquo;est pas suffisante pour annuler ou cacher les pr&eacute;jug&eacute;s, les sentiments, les peurs ou les convictions id&eacute;ologiques des journalistes qui &eacute;crivent. La subjectivit&eacute; est inh&eacute;rente &agrave; toutes les formes d&rsquo;&eacute;criture et, par cons&eacute;quent, elle fait &eacute;galement partie du texte journalistique. En outre, ind&eacute;pendamment des envies des journalistes de produire des r&eacute;cits compl&egrave;tes et objectives sur la r&eacute;alit&eacute;, il est impossible la capturer dans toute sa complexit&eacute;. La r&eacute;alit&eacute; est toujours une perspective individuelle ou collective et le journalisme ne peut la retenir que partiellement.</p> <h5><a id="t4"></a>LA CONSTRUCTION SOCIALE DE LA REALIT&Eacute;</h5> <p>Comme nous avons expos&eacute;, malgr&eacute; les m&eacute;thodes objectives d&rsquo;&eacute;criture et l&rsquo;envie de raconter que la v&eacute;rit&eacute;, le journalisme est incapable de d&eacute;crire la r&eacute;alit&eacute; en toute sa complexit&eacute;. Toutefois, cette inaptitude ne peut pas masquer le r&ocirc;le du journalisme dans la construction de la r&eacute;alit&eacute; sociale. En d&rsquo;autres termes, il va s&rsquo;agir de montrer comment le journalisme participe de la construction du sens de r&eacute;alit&eacute; des sujets dans l&rsquo;actualit&eacute; &agrave; travers de ses discours sur le quotidien.</p> <p>D&rsquo;apr&egrave;s les auteurs Thomas Berger et Peter Luckmann (1996), la construction de la r&eacute;alit&eacute; sociale est pr&eacute;c&eacute;d&eacute;e de la construction symbolique de la r&eacute;alit&eacute;. En somme, les individus utilisent des diff&eacute;rentes sources pour composer une notion de r&eacute;alit&eacute;, comme par exemple les exp&eacute;riences ou les &eacute;changes interpersonnels. Actuellement, les m&eacute;dias sont une importante source de r&eacute;f&eacute;rences sur les &eacute;v&eacute;nements de la r&eacute;alit&eacute;. En particulier, nous tenons &agrave; souligner l&rsquo;influence des discours journalistiques dans la compr&eacute;hension de la r&eacute;alit&eacute; &eacute;tant donn&eacute; son r&ocirc;le privil&eacute;gi&eacute; de narrateur du temps pr&eacute;sent.</p> <p>Le chercheur portugais Jo&atilde;o Carlos Correia (2004) analyse la relation entre le journalisme et la construction sociale de la r&eacute;alit&eacute;. Selon Correia, le discours journalistique a tendance &agrave; reproduire seulement les informations socialement accept&eacute;es et pr&eacute;vues, parce que la construction des articles de presse est associ&eacute;e aux cadres journalistiques et aux exp&eacute;riences des professionnels de communication. Ainsi, la lecture journalistique d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement est limit&eacute;e aux principes de la communaut&eacute; et aux valeurs des journalistes&nbsp;; c&rsquo;est-&agrave;-dire, l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;un article de presse est li&eacute;e aux sources que la soci&eacute;t&eacute; poss&egrave;de pour parler de soi-m&ecirc;me. &Agrave; cet &eacute;gard, Correia mentionne les &laquo;&nbsp;conditions de possibilit&eacute;s d&rsquo;&eacute;nonciation&nbsp;&raquo; du journalisme.</p> <p>De plus, Jo&atilde;o Carlos Correia affirme que le journalisme construit la r&eacute;alit&eacute;. N&eacute;anmoins, cette r&eacute;alit&eacute; construite ne pr&eacute;sente pas de points de connexion avec la &laquo;&nbsp;r&eacute;alit&eacute; r&eacute;el&nbsp;&raquo;, une fois qu&rsquo;une &laquo;&nbsp;r&eacute;alit&eacute; r&eacute;el&nbsp;&raquo; n&rsquo;existe pas. Selon cet auteur, la r&eacute;alit&eacute; est toujours une construction sociale ancr&eacute;e sur des mondes symboliques. Par cons&eacute;quent, le discours du journalisme doit &ecirc;tre analys&eacute; en tant qu&rsquo;un constructeur de r&eacute;alit&eacute;s et non comme un miroir que reproduit la v&eacute;rit&eacute;.</p> <p>L&rsquo;auteur fran&ccedil;ais Jean-Pierre Esquenazi (2013) souligne que le journalisme est responsable pour encadrer les &eacute;v&eacute;nements de l&rsquo;actualit&eacute; de fa&ccedil;on &agrave; les conf&eacute;rer du sens. La perspective de l&rsquo;encadrement rep&egrave;re que la construction des nouvelles et des articles est une construction sociale r&eacute;alis&eacute;e &agrave; travers de choix successifs. Cet auteur ajoute que l&rsquo;analyse du discours journalistique doit prendre en consid&eacute;ration les conditions de production et de r&eacute;ception des articles de presse. En somme, Esquenazi nous propose une r&eacute;flexion sur les influences des int&eacute;r&ecirc;ts politiques et financiers, ainsi que sur les r&ocirc;les d&eacute;velopp&eacute;s par les convictions id&eacute;ologiques du journal et du journaliste dans la production des articles de presse.</p> <p>Patrick Charaudeau (2005&nbsp;; 2012) pr&eacute;sente &eacute;galement une approche de la construction sociale de la r&eacute;alit&eacute; par le journalisme. Selon lui, il faut consid&eacute;rer que l&rsquo;information n&rsquo;est pas un objet du monde concret&nbsp;; tout &agrave; fait le contraire, l&rsquo;information est une construction humaine, elle n&rsquo;existera pas sans l&rsquo;action d&rsquo;un narrateur. En r&eacute;sume, l&rsquo;information est la &laquo;&nbsp;pure &eacute;nonciation&nbsp;&raquo;. De cette mani&egrave;re, d&rsquo;apr&egrave;s Charaudeau, les m&eacute;dias ne peuvent pas &ecirc;tre un miroir de la r&eacute;alit&eacute;, une fois qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un processus de construction de l&rsquo;information journalistique et non seulement de sa reproduction.</p> <p>Malgr&eacute; des approches th&eacute;oriques qui remettent en question la pr&eacute;tention journalistique de diffuser ses nouvelles comme des photocopies de la r&eacute;alit&eacute;, le journalisme conserve sa place privil&eacute;gi&eacute;e dans la narration des &eacute;v&eacute;nements de l&rsquo;actualit&eacute;. Donc nous tenons &agrave; souligner le r&ocirc;le autoritaire du journalisme, et surtout de la presse &eacute;crite, dans la construction de la r&eacute;alit&eacute; sociale. Cette autorit&eacute; discursive influence plus fortement la repr&eacute;sentation des groupes minoritaires, comme nous allons exposer ensuite.</p> <p><b>&nbsp;</b></p> <h5><a id="t5"></a>LES VALEURS-INFORMATIVES DU JOURNALISME ET L&rsquo;ALT&Eacute;RIT&Eacute;</h5> <p>&nbsp;</p> <p>Les &laquo;&nbsp;valeurs-informatives&nbsp;&raquo; du journalisme sont les crit&egrave;res qui organisent la production des articles de presse. Ces valeurs aident &agrave; s&eacute;lectionner les &eacute;v&eacute;nements actuels qui seront l&rsquo;objet d&rsquo;un reportage ou d&rsquo;un article de presse par opposition &agrave; une s&eacute;rie d&rsquo;autres faits qui ne seront pas propag&eacute;s par les m&eacute;dias. Il faut garder &agrave; l&rsquo;esprit que le journalisme travail uniquement avec une petite partie des faits quotidiennes et que il serait impossible saisir la r&eacute;alit&eacute; en toute sa totalit&eacute;. En bref, les &eacute;tudes &agrave; propos des &laquo;&nbsp;valeurs-informatives&nbsp;&raquo; sont importantes dans la r&eacute;flexion sur les visibilit&eacute;s et sur les invisibilit&eacute;s dans les journaux.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Les chercheurs norv&eacute;giens Johan Galtung et Mari Holmboe Ruge (1965) ont &eacute;t&eacute; pionniers dans l&rsquo;&eacute;tude des &laquo;&nbsp;valeurs-informatives&nbsp;&raquo; du journalisme. Cependant, nous tenons &agrave; noter les approches plus r&eacute;centes du th&egrave;me dans les &oelig;uvres des chercheurs Mauro Wolf (1999) et Nelson Traquina (2002). L&rsquo;objectif de ces auteurs est d&rsquo;analyser les facteurs qui exercent influence sur le flux d&rsquo;information. &Agrave; cet &eacute;gard, il est possible de comprendre comment un &eacute;v&eacute;nement peut devenir une nouvelle journalistique ainsi que les motivations qui peuvent justifier son invisibilit&eacute; m&eacute;diatique.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Pour ce qui concerne l&rsquo;&eacute;tude des &laquo;&nbsp;valeurs-informatives&nbsp;&raquo; du journalisme, nous voudrons analyser particuli&egrave;rement l&rsquo;importance de certains de ces crit&egrave;res dans la repr&eacute;sentation de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. Nous voudrons examiner les &laquo;&nbsp;valeurs-informatives&nbsp;&raquo; suivantes&nbsp;: la simplification, la pertinence, la personnification, la consonance et finalement la n&eacute;gativit&eacute;. Ces valeurs d&eacute;terminent non seulement la construction de l&rsquo;information mais &eacute;galement les modalit&eacute;s de repr&eacute;sentations des minorit&eacute;s sociales.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Tout d&rsquo;abord, la valeur de la simplification qui repose sur la r&eacute;duction des champs cognitifs li&eacute;s aux &eacute;v&eacute;nements de fa&ccedil;on &agrave; produire une information ancr&eacute;e dans le sens commun. Notamment, dans la repr&eacute;sentation des minorit&eacute;s, le crit&egrave;re de la simplification peut produire des structures st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;es et p&eacute;joratives. La simplification d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement complexe, o&ugrave; les minorit&eacute;s sont pr&eacute;sentes, ne devrait pas &ecirc;tre comprise comme une r&egrave;gle g&eacute;n&eacute;rale du journalisme&nbsp;; la complexit&eacute; devrait pouvoir &ecirc;tre faire partie du discours journalistique.</p> <p>La &laquo;&nbsp;valeur-informative&nbsp;&raquo; de la pertinence d&eacute;termine que les &eacute;v&eacute;nements choisis pour le journalisme doivent &ecirc;tre ceux qui impliquent des personnes ou des nations consid&eacute;r&eacute;es importantes. Cette logique de repr&eacute;sentation exclut les minorit&eacute;s, une fois que ces groupes sont notamment caract&eacute;ris&eacute;s par l&rsquo;absence de pouvoir. D&rsquo;apr&egrave;s le th&eacute;oricien br&eacute;silien Muniz Sodr&eacute; (2005), la minorit&eacute; est une condition transitoire d&rsquo;un groupe qui est soumis &agrave; une relation in&eacute;gale de pouvoir. La minorit&eacute; est caract&eacute;ris&eacute;e par sa vuln&eacute;rabilit&eacute; juridique sociale qui configure son invisibilit&eacute; dans les structures sociales. Il faut encore noter que le crit&egrave;re de la pertinence journalistique produit une compr&eacute;hension particuli&egrave;re de ce qui est important et de ce qui n&rsquo;est pas important dans le monde contemporain.</p> <p>La possibilit&eacute; de personnification d&rsquo;un fait est une autre &laquo;&nbsp;valeur-informative&nbsp;&raquo; dans la production de l&rsquo;information. Cette valeur permet au journaliste de clarifier et d&rsquo;exemplifier l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement &agrave; partir de l&rsquo;exp&eacute;rience r&eacute;elle des individus, de fa&ccedil;on &agrave; le faire plus compr&eacute;hensible au public lecteur. Pour ce qui touche &agrave; la personnification, il faut observer que les minorit&eacute;s sont rarement choisies pour personnifier les faits quotidiens, c&rsquo;est-&agrave;-dire, ses trajectoires de vie, ses exp&eacute;riences et ses demandes ne sont pas utilis&eacute;es pour produire l&rsquo;identification dans le journalisme.</p> <p>La consonance, &agrave; son tour, est responsable pour organiser les &eacute;v&eacute;nements dans une s&eacute;quence compr&eacute;hensible. Elle confirme et met en &eacute;vidence les connexions n&eacute;gatives d&eacute;j&agrave; fix&eacute;es dans l&rsquo;imaginaire social. Ainsi, la &laquo;&nbsp;valeur-informative&nbsp;&raquo; de la consonance peut agir de fa&ccedil;on &agrave; r&eacute;affirmer les st&eacute;r&eacute;otypes li&eacute;s aux groupes minoritaires. Elle peut &eacute;galement conduire le lecteur &agrave; croire que le journalisme lui offre la compr&eacute;hension totale des &eacute;v&eacute;nements, de mani&egrave;re que les exp&eacute;riences divergentes et complexes ne soient pas consid&eacute;r&eacute;es comme r&eacute;elles.&nbsp;</p> <p>Finalement, il faut analyser l&rsquo;impact de la &laquo;&nbsp;valeur-informative&nbsp;&raquo; de la n&eacute;gativit&eacute; dans la production des articles de presse. La phrase &laquo;&nbsp;<i>bad news is good news</i>&nbsp;&raquo; exemplifie la pertinence des &eacute;v&eacute;nements n&eacute;gatifs dans le journalisme. Les crimes, les trag&eacute;dies, les conflits ou la mort&nbsp;: le n&eacute;gatif obtient toujours avantage dans les pages principales des journaux. Quand le journaliste fait le choix pour &eacute;crire un article de presse &agrave; propos d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement n&eacute;gatif et/ou &agrave; partir d&rsquo;une approche n&eacute;gative, il consid&egrave;re que le public est principalement int&eacute;ress&eacute; aux faits hors-routine, aux &eacute;v&eacute;nements impressionnants et impr&eacute;visibles. En m&ecirc;me temps, les nouvelles n&eacute;gatives sont consid&eacute;r&eacute;es les plus &eacute;videntes et consensuelles. Tout compte fait, la repr&eacute;sentation des minorit&eacute;s est ancr&eacute;e sur la valeur de la n&eacute;gativit&eacute;, puisqu&rsquo;elles gagnent de visibilit&eacute; m&eacute;diatique surtout dans la couverture des faits n&eacute;gatifs. Il est possible d&rsquo;observer une constante association entre les minorit&eacute;s et la marginalit&eacute;. En s&rsquo;agissant particuli&egrave;rement des sujets migrants, ils sont li&eacute;s &agrave; la migration non r&eacute;gularis&eacute;e, &agrave; la violence et aux trafics de drogues et de personnes.</p> <p>L&rsquo;analyse des &laquo;&nbsp;valeurs-informatives&nbsp;&raquo; met en &eacute;vidence deux questions : avant tout, ces valeurs sont importantes dans la d&eacute;finition des visibilit&eacute;s et des invisibilit&eacute;s dans la production d&rsquo;articles de presse. L&rsquo;observation des &laquo;&nbsp;valeurs-informatives&nbsp;&raquo; employ&eacute;es nous permet de saisir quels &eacute;v&eacute;nements seront repr&eacute;sent&eacute;s et comment ils seront pr&eacute;sent&eacute;s dans le discours journalistique. En seconde lieu, il faut souligner la naturalisation des crit&egrave;res qui organisent la production des articles de presse. Autrement dit, ces valeurs sont consid&eacute;r&eacute;es &laquo;&nbsp;naturelles&nbsp;&raquo; &agrave; la production de nouvelles, ainsi n&rsquo;existe pas une r&eacute;flexion sur l&rsquo;impact de ces crit&egrave;res dans les repr&eacute;sentations, ou mieux, dans la construction des alt&eacute;rit&eacute;s. Au fond, l&rsquo;observation des &laquo;&nbsp;valeurs-informatives&nbsp;&raquo; peut &eacute;galement signaler que la question de la sous-repr&eacute;sentation de certains groupes minoritaires est d&rsquo;avantage li&eacute;e &agrave; la nature de la production journalistique.</p> <h5><a id="t6"></a>LES ENJEUX DE LA REPR&Eacute;SENTATION DES ALT&Eacute;RIT&Eacute;S</h5> <p>Le discours journalistique exerce d&rsquo;avantage influence sur la notion de r&eacute;alit&eacute; des publics en raison de la l&eacute;gitimit&eacute; sociale obtenue par ses m&eacute;thodes de production d&rsquo;information. Comme nous avons expos&eacute; ant&eacute;rieurement, l&rsquo;objectivit&eacute; et la recherche de la v&eacute;rit&eacute; accordent notori&eacute;t&eacute; au discours du journalisme. De plus, nous avons &eacute;galement pr&eacute;sent&eacute; l&rsquo;impact des &laquo;&nbsp;valeurs-informatives&nbsp;&raquo; dans le processus de production de l&rsquo;information et, par cons&eacute;quence, dans le processus de construction de visibilit&eacute;s dans les m&eacute;dias. &Agrave; notre avis, le discours autoritaire du journalisme agit objectivement dans la constitution de la r&eacute;alit&eacute; et ainsi il collabore dans la construction sociale des alt&eacute;rit&eacute;s. Lorsque le journalisme repr&eacute;sente l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, il l&rsquo;encadre socialement.</p> <p>Tout d&rsquo;abord, il faut clarifier le concept de &laquo;&nbsp;repr&eacute;sentation&nbsp;&raquo;. La repr&eacute;sentation sociale n&rsquo;est pas un moyen transparent de parler sur l&rsquo;Autre&nbsp;; elle est li&eacute;e aux syst&egrave;mes de construction de la signification et elle est ancr&eacute;e dans les relations de pouvoir. En effet, dans toutes les formes de repr&eacute;sentation il y a un c&ocirc;t&eacute; de violence du fait que repr&eacute;senter signifie une action de domination de l&rsquo;Un sur l&rsquo;Autre. Il s&rsquo;agit du pouvoir de parler au nom d&rsquo;un Autre et les cons&eacute;quences de cette appropriation de son lieu de parole.</p> <p>Denise Jodelet (2001 ; 2006) met l&rsquo;accent sur les repr&eacute;sentations comme des guides &agrave; nos fa&ccedil;ons d&rsquo;appeler et d&rsquo;analyser les divers aspects de la r&eacute;alit&eacute;. &Agrave; son avis&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ainsi, dans le monde d&rsquo;&eacute;vidence de la vie quotidienne, la signification pleine des choses est indissociable de leur repr&eacute;sentation&nbsp;&raquo; (Jodelet, 2006&nbsp;: 18). Selon Jodelet, la communication sociale est une cha&icirc;ne de transmission de langage et des repr&eacute;sentations sociales. En d&rsquo;autres termes, le partage social des repr&eacute;sentations est l&rsquo;action primaire de la communication.</p> <p>Le th&eacute;oricien litt&eacute;raire Edward Sa&iuml;d&nbsp;(1993) est une r&eacute;f&eacute;rence dans les &eacute;tudes sur les fa&ccedil;ons dans lesquelles les modalit&eacute;s de repr&eacute;sentation d&rsquo;un groupe ont servi comme des outils de domination sociale.&nbsp;Dans son ouvrage &laquo;&nbsp;Culture et imp&eacute;rialisme&nbsp;&raquo; (1993), Sa&iuml;d explique que les repr&eacute;sentations ont &eacute;t&eacute; utilis&eacute;es comme des m&eacute;canismes de contr&ocirc;le et de domination dans le contexte imp&eacute;rialiste. Les pays colonisateurs ont employ&eacute; des discours culturels historiquement construits avec l&rsquo;intention de conserver une position eurocentrique en regard des peuples colonis&eacute;s. L&rsquo;imp&eacute;rialisme culturel a &eacute;tabli une mani&egrave;re de domination qui s&rsquo;effectue non seulement pour l&rsquo;oppression physique (due &agrave; la force militaire ou &agrave; la pr&eacute;sence du colonisateur), aussi bien que pour la force symbolique des repr&eacute;sentations de &laquo;&nbsp;moi&nbsp;&raquo; et de &laquo;&nbsp;l&rsquo;Autre&nbsp;&raquo; comme deux individus enti&egrave;rement distincts.</p> <p>Sa&iuml;d donne comme exemple les repr&eacute;sentations des Indiens dans la litt&eacute;rature anglaise et ensuite dans les m&eacute;dias depuis la domination coloniale anglaise. Tandis que les Indiens sont repr&eacute;sent&eacute;s comme primitifs, paresseux et insolents, les Anglais symbolisent l&rsquo;intelligence, la culture et, finalement, l&rsquo;id&eacute;al de la sup&eacute;riorit&eacute; raciale. Les repr&eacute;sentations litt&eacute;raires ont collabor&eacute; &agrave; l&rsquo;entretien de relations in&eacute;gales de pouvoir dans la p&eacute;riode coloniale parce qu&rsquo;elles ont d&eacute;termin&eacute; symboliquement une distinction entre le &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;l&rsquo;Autre&nbsp;&raquo;. En d&rsquo;autres termes, la domination culturelle employ&eacute;e dans la colonisation anglaise a &eacute;t&eacute; efficace parce qu&rsquo;elle a r&eacute;ussi &agrave; encadrer l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;.</p> <p>Par ailleurs des repr&eacute;sentations dispos&eacute;es dans la litt&eacute;rature, c&rsquo;est important d&rsquo;analyser l&rsquo;influence exerc&eacute;e par les repr&eacute;sentations m&eacute;diatiques dans la construction de l&rsquo;Autre. Le concept de &ldquo;<i>media culture</i>&rdquo;, d&eacute;crit par le chercheur canadien Douglas Kellner (2001), nous propose penser que les repr&eacute;sentations sociales pr&eacute;sent&eacute;es dans les m&eacute;dias ont une grande importance dans les formations identitaires des individus. Ces repr&eacute;sentations peuvent offrir aux publics des mod&egrave;les identitaires avec influence en diff&eacute;rents domaines de l&rsquo;exp&eacute;rience et dans la constitution du&nbsp;<i>self.</i>&nbsp;La culture des m&eacute;dias fournis la base dans laquelle les personnes peuvent construire leurs r&eacute;f&eacute;rences de classe, de race, d&rsquo;ethnie, de nationalit&eacute; ou de sexualit&eacute;. La culture des m&eacute;dias ma&icirc;trise la compr&eacute;hension qu&rsquo;on a de nous-m&ecirc;mes et &eacute;galement le regarde qu&rsquo;on porte sur les Autres.</p> <p>En ce qui concerne la repr&eacute;sentation des alt&eacute;rit&eacute;s dans les m&eacute;dias et en particulier dans le discours journalistique, le th&eacute;oricien hollandais Teun van Dijk (2010) formule une critique aux organisations internationales de m&eacute;dias du fait qu&rsquo;elles ont construit un contexte de profonde homog&eacute;n&eacute;isation des discours dans lequel les minorit&eacute;s ne trouvent pas facilement une ouverture &agrave; leurs expressions. Les personnes marginalis&eacute;es, comme les r&eacute;fugi&eacute;s, les sans-papiers ou les sans-abri sont repr&eacute;sent&eacute;es dans les m&eacute;dias comme &laquo;&nbsp;l&rsquo;Autre&nbsp;&raquo;. Ces modalit&eacute;s de repr&eacute;sentation des alt&eacute;rit&eacute;s souvent st&eacute;r&eacute;otypent les individus et leurs exp&eacute;riences.</p> <p>Selon Teun van Dijk (2010), la repr&eacute;sentation limit&eacute;e des minorit&eacute;s repose sur les points suivants&nbsp;: en premier lieu, les minorit&eacute;s ont un acc&egrave;s plus restreint aux m&eacute;dias et, par cons&eacute;quent, elles ont moins d&rsquo;opportunit&eacute;s de s&rsquo;exprimer &agrave; travers des m&eacute;dias de masse. Ensuite, elles sont rarement comprises comme des sources fiables et quotidiennes dans la production de l&rsquo;information. M&ecirc;me quand elles font l&rsquo;objet d&rsquo;un article de presse, les minorit&eacute;s ne sont pas invit&eacute;es &agrave; parler. En outre, leurs expressions culturelles sont m&eacute;pris&eacute;es, elles sont aper&ccedil;ues comme inferieures par rapport aux cultures europ&eacute;ennes ou nord-am&eacute;ricaines. Finalement, les sujets qui appartiennent aux groupes minoritaires sont souvent d&eacute;crits comme des personnes qui ont besoin d&rsquo;aide, ou bien de sources mat&eacute;rielles ou bien intellectuelles.&nbsp;</p> <p>Nous croyons que les discours d&rsquo;autorit&eacute; du journalisme affectent plus directement les groupes minoritaires. Nous consid&eacute;rons que les st&eacute;r&eacute;otypes propag&eacute;s par le journalisme collaborent &agrave; une certaine compr&eacute;hension de la r&eacute;alit&eacute; sociale. Comme les minorit&eacute;s ont moins d&rsquo;ouverture &agrave; leurs expressions dans les m&eacute;dias et par d&eacute;finition elles d&eacute;tiennent un pouvoir politique r&eacute;duit, leurs modalit&eacute;s de repr&eacute;sentation sociales sont plus assujetties aux images et aux sens diffus&eacute;s par les m&eacute;dias. Autrement dit, les discours st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;s dans le journalisme peuvent &ecirc;tre l&rsquo;une des seules sources d&rsquo;information sur un groupe minoritaire ou sur une th&eacute;matique reli&eacute;e aux individus marginalis&eacute;s&nbsp;; cons&eacute;quemment, ces discours peuvent imposer une version unique sur les sujets et sur les &eacute;v&eacute;nements.</p> <p>Finalement, une analyse sur la relation entre les minorit&eacute;s sociales et les m&eacute;dias devrait prendre en consid&eacute;ration l&rsquo;utilisation infatigable des st&eacute;r&eacute;otypes. Dans les discours du journalisme, les st&eacute;r&eacute;otypes sont n&eacute;cessaires &agrave; la production des nouvelles du fait qu&rsquo;ils simplifient le processus communicative. Les auteures&nbsp;Ruth Amossy et Anne Pierrot (2011) ont un int&eacute;ressant travail sur la nature ambivalente des st&eacute;r&eacute;otypes. Ils sont d&eacute;finis comme des structures repr&eacute;sentatives fixes et stables indispensables &agrave; la compr&eacute;hension du monde r&eacute;el. Selon ces auteures, sans la m&eacute;diation des st&eacute;r&eacute;otypes, nous serions oblig&eacute;s d&#39;examiner chaque information ou chaque objet dans leurs contextes. N&eacute;anmoins, ils sont &eacute;galement responsables de la simplification et de la r&eacute;duction des individus et de leurs exp&eacute;riences &agrave; des formules pr&eacute;construites. En bref, Amossy et Pierrot nous ont pr&eacute;sent&eacute; les st&eacute;r&eacute;otypes comme des outils indispensables &agrave; la vie sociale et au m&ecirc;me temps comme des structures dangereuses &agrave; la compr&eacute;hension de la diversit&eacute;.</p> <p>La simplification du monde r&eacute;el &agrave; travers de l&rsquo;utilisation de st&eacute;r&eacute;otypes favoriserait une vision d&eacute;form&eacute;e et sch&eacute;matique de tout qui &eacute;chappe &agrave; la normativit&eacute;. Sans pouvoir compter avec une diversit&eacute; de repr&eacute;sentations ou avec un lieu l&eacute;gitim&eacute; de parole, les groupes minoritaires sont encadr&eacute;s socialement par le discours journalistique. Ainsi, la condition d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, que nous avons mentionn&eacute;e ant&eacute;rieurement dans l&rsquo;approche de Denise Jodelet (2005), qui devrait avoir une nature transitoire et fluide, devient solide et stable. L&rsquo;individu d&rsquo;un groupe minoritaire sera &laquo;&nbsp;l&rsquo;Autre&nbsp;&raquo; en toutes les circonstances de leur vie sociale. Il est r&eacute;duit &agrave; sa condition d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;.</p> <p>Dans le discours du journalisme, st&eacute;r&eacute;otyper, r&eacute;duire et simplifier sont les r&egrave;gles pour la construction de l&rsquo;information. Ces r&egrave;gles ont forg&eacute; les lieux sociaux dirig&eacute;s vers l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. Nous croyons que le journalisme effectivement sous-repr&eacute;sente les minorit&eacute;s. N&eacute;anmoins, il est &eacute;galement responsable pour les encadrer socialement dans une position marginale et inf&eacute;rieure. Bref, la sous-repr&eacute;sentation des minorit&eacute;s se rapporte au contr&ocirc;le social employ&eacute; par le journalisme &agrave; travers de ses modalit&eacute;s repr&eacute;sentatives.</p> <h5><a id="t7"></a>CONCLUSION</h5> <p>Dans cette &eacute;tude, nous avons analys&eacute; le r&ocirc;le jou&eacute; par le discours du journalisme dans l&rsquo;encadrement de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; &agrave; partir d&rsquo;une approche qui a consid&eacute;r&eacute; l&rsquo;influence du journalisme dans la construction de la r&eacute;alit&eacute; sociale et dans la constitution des identit&eacute;s et des exp&eacute;riences. Nous avons pr&eacute;sent&eacute; le discours d&rsquo;autorit&eacute; du journalisme et les enjeux de la repr&eacute;sentation des groupes minoritaires. &Agrave; notre avis, la sous-repr&eacute;sentation des minorit&eacute;s est li&eacute;e au contr&ocirc;le social employ&eacute; par le journalisme &agrave; travers de ses modalit&eacute;s repr&eacute;sentatives.</p> <p>Cependant, comme souligne Douglas Kellner (2001), il faut mentionner que les opportunit&eacute;s d&rsquo;expression dans les m&eacute;dias sont disput&eacute;es entre les diff&eacute;rents groupes. Bien que nous croyons que les groupes minoritaires soient encadrent comme &laquo;&nbsp;alt&eacute;rit&eacute;s&nbsp;&raquo; dans le discours autoritaire du journalisme, il faut tenir en compte que les espaces m&eacute;diatiques sont n&eacute;goci&eacute;s. Autrement dit, la visibilit&eacute; dans la culture des m&eacute;dias n&rsquo;est pas une exclusivit&eacute; des groupes de pouvoir h&eacute;g&eacute;monique, puisque les groupes minoritaires sont dans ce &laquo;&nbsp;champ de batailles&nbsp;&raquo; m&ecirc;me qu&rsquo;ils ont moins des sources pour r&eacute;ussir.&nbsp;De plus, les groupes minoritaires ne sont pas confortables dans le cadre d&rsquo;invisibilit&eacute; et de n&eacute;gativit&eacute; dessin&eacute; par les&nbsp;<i>mass medias</i>. Au contraire, ils cherchent des lieux de parole ailleurs et occupent particuli&egrave;rement les cha&icirc;nes de l&rsquo;Internet. Ainsi, le YouTube, le Facebook et le Twitter devient des nouvelles plateformes sociales pour l&rsquo;expression des minorit&eacute;s. La r&eacute;ponse au journalisme et &agrave; son structure de construction des alt&eacute;rit&eacute;s est dans le monde en ligne, o&ugrave; l&rsquo;Autre se pr&eacute;sente, se repr&eacute;sente et construit un nouveau discours pour soi-m&ecirc;me.&nbsp;&nbsp;</p> <h5><a id="t8"></a>BIBLIOGRAPHIE&nbsp;&nbsp;</h5> <p>AMOSSY, Ruth; PIERROT, Anne Herschberg.&nbsp;2011.&nbsp;<i>St&eacute;r&eacute;otypes et clich&eacute;s.&nbsp;</i><i>Langue, discours, soci&eacute;t&eacute;</i>. 3.ed. Paris: Armand Colin.</p> <p>BERGER, Peter L. LUCKMANN, Thomas.&nbsp;1996.&nbsp;<i>A constru&ccedil;&atilde;o social da realidade.</i>&nbsp;<i>Tratado de sociologia do conhecimento.</i>&nbsp;13.ed. Petr&oacute;polis: Vozes.&nbsp;</p> <p>CHARAUDEAU, Patrick.&nbsp;2005.&nbsp;<i>Les m&eacute;dias et l&rsquo;information. L&rsquo;impossible transparence du discours.</i>&nbsp;Bruxelles : De Boeck.</p> <p>&nbsp;______. 2012.&nbsp;<i>Discurso das m&iacute;dias.</i>&nbsp;2.ed. 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