<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><b>Abstract</b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:">The aim of this contribution is to look specifically at the exhibition as a place for mediating books. The function of literature, like that of the visual arts, is not to be decorative. They take hold of the world, the reality of the world and the imaginary. Books, albums, paintings, photographs, installations, etc. are already mediations of the world and invaluable mediations of knowledge. So to conceive of an exhibition of contemporary art as a mediation of the book is an ambitious project. How, and in what way, does this exhibition question the question of book mediation for a university audience? The challenge of this exhibition was to design and implement an enunciation process capable of producing an exhibition of contemporary artworks that would mediate books for students. First of all, it is important to describe the exhibition&#39;s conception, and then to define what we mean by the expression &quot;book image&quot;. This will involve challenging the image/text, painting/sculpture dichotomy, and demonstrating that both are subsumed under a single, common abstract entity. We will then highlight the fact that the selection of works was directed by the enunciator and motivated by the book object, both its formal and conceptual characteristics. We will then explain how the Folio exhibition is a medium. Finally, we&#39;ll look at the efficiency of such a conception for book mediation, and question the notion of mediation.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><b>Keywords: </b></span></span></span><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:">book ; mediation ; creation ; text ; image</span></span></span></p> <p style="margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <p style="margin-bottom:11px">Dans le cadre d&rsquo;un projet de recherche interrogeant la notion de m&eacute;diation du livre aupr&egrave;s d&rsquo;un public scolaire et universitaire, les auteurs du num&eacute;ro de cette revue ont souhait&eacute; d&eacute;velopper leurs questionnements en ciblant les lieux de m&eacute;diation que constituent la m&eacute;diath&egrave;que, la biblioth&egrave;que ou le mus&eacute;e. La pr&eacute;sente contribution vise &agrave; interroger sp&eacute;cifiquement l&rsquo;exposition comme lieu de m&eacute;diation du livre. Si les &eacute;quipements culturels que sont les biblioth&egrave;ques et m&eacute;diath&egrave;ques ont pour t&acirc;che d&rsquo;assurer l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; la lecture, aux sources documentaires et de rendre accessibles leurs collections, le mus&eacute;e a pour charge la pr&eacute;servation du patrimoine et exerce de son c&ocirc;t&eacute; un r&ocirc;le &agrave; la fois &eacute;ducatif et esth&eacute;tique. Quant &agrave; eux, les Fonds r&eacute;gionaux d&rsquo;art contemporain (FRAC) poss&egrave;dent aussi une collection d&rsquo;&oelig;uvres, et ont pour mission plus sp&eacute;cifiquement la cr&eacute;ation contemporaine, sa diffusion et sa sensibilisation. Nous avons choisi de contribuer au projet de recherche en concevant une exposition d&rsquo;&oelig;uvres d&rsquo;art contemporain emprunt&eacute;es au FRAC Occitanie Montpellier.<br /> <br /> La litt&eacute;rature comme les &oelig;uvres d&rsquo;arts plastiques n&rsquo;ont pas pour fonction d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;coratives. Elles s&rsquo;emparent du monde, de la r&eacute;alit&eacute; du monde comme des imaginaires. L&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;art (livre, peinture, photographie, installation, etc.) est d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; une m&eacute;diation entre l&rsquo;homme et les savoirs, le monde, l&rsquo;autre homme (Souriau, 2004&nbsp;; Bourdieu, 1979&nbsp;; Caune, 2017). Aussi le fait de concevoir une exposition d&rsquo;&oelig;uvres d&rsquo;art contemporain pour r&eacute;aliser une m&eacute;diation du livre &eacute;tait un projet ambitieux parce qu&rsquo;il met en relation des objets, eux-m&ecirc;mes m&eacute;diation, au sein d&rsquo;une exposition. C&rsquo;est pourquoi notre question directrice est la suivante&nbsp;: comment et en quoi cette exposition interroge-t-elle la question de la m&eacute;diation du livre &agrave; destination d&rsquo;un public universitaire ? L&rsquo;enjeu de cette exposition &eacute;tait de concevoir et mettre en &oelig;uvre un processus d&rsquo;&eacute;nonciation capable de r&eacute;aliser une exposition d&rsquo;&oelig;uvres d&rsquo;art contemporain qui serait une m&eacute;diation du livre en direction des &eacute;tudiants.<br /> <br /> Le pr&eacute;sent article rend compte des choix qui ont pr&eacute;sid&eacute; au commissariat et &agrave; la monstration de l&rsquo;exposition intitul&eacute;e &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;. L&rsquo;exposition s&rsquo;inscrit &agrave; la confluence des arts et permet d&rsquo;engager le r&eacute;cepteur &agrave; faire l&rsquo;exp&eacute;rience de la rencontre avec des &oelig;uvres d&rsquo;art contemporain, &agrave; s&rsquo;interroger sur l&rsquo;autonomie conceptuelle ou formelle des objets, &agrave; mettre en perspective les liens th&eacute;oriques entre langage et pratiques repr&eacute;sentationnelles afin d&rsquo;en faire une m&eacute;diation du livre. Elle a &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute;e du 25 f&eacute;vrier au 6 avril 2022 &agrave; l&rsquo;Espace culturel de la Facult&eacute; d&rsquo;&Eacute;ducation de l&rsquo;Universit&eacute; de Montpellier, espace d&rsquo;exposition universitaire ouvert au grand public et espace p&eacute;dagogique d&eacute;di&eacute; &agrave; la formation des &eacute;tudiants.<br /> <br /> Tout d&rsquo;abord il importe de faire &eacute;tat de la conception de l&rsquo;exposition, puis de d&eacute;finir ce que nous entendons par l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;image du livre&nbsp;&raquo;. Cela n&eacute;cessitera de d&eacute;fier la dichotomie image/texte, peinture/sculpture et de d&eacute;montrer que l&rsquo;une comme l&rsquo;autre sont subsum&eacute;es sous une seule entit&eacute; abstraite commune. Nous mettrons alors en &eacute;vidence le fait que la s&eacute;lection d&rsquo;&oelig;uvres a &eacute;t&eacute; orient&eacute;e par l&rsquo;&eacute;nonciateur et motiv&eacute;e par l&rsquo;objet livre, ses caract&eacute;ristiques formelles comme conceptuelles. Ensuite nous expliquerons en quoi l&rsquo;exposition&nbsp;Folio est un m&eacute;dium. Enfin nos nous interrogerons sur l&rsquo;efficience d&rsquo;une telle conception pour une m&eacute;diation du livre et interrogerons la notion de m&eacute;diation.&nbsp;</p> <p align="center" style="text-align: center; margin-bottom: 11px;"><img alt="" height="578" src="https://www.numerev.com/img/ck_3015_24_image-20231120072929-1.jpeg" width="866" /></p> <p align="center" style="text-align: center; margin-bottom: 11px;"><span style="font-size: 12pt;"><span style="line-height: 107%;"><span style="font-size: 9.0pt;">Vue de l&rsquo;exposition Folio, Espace culturel, FdE, UM, 2022</span></span></span></p> <p align="center" style="text-align: center; margin-bottom: 11px;"><span style="font-size: 12pt;"><span style="line-height: 107%;"><span style="font-size: 9.0pt;">Courtesy Service Infocom Facult&eacute; d&rsquo;&eacute;ducation, Universit&eacute; de Montpellier</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px;">&nbsp;</p> <h2>L&rsquo;image du livre</h2> <p>En faisant le choix de concevoir et de mettre en &oelig;uvre une exposition pour travailler la m&eacute;diation du livre, nous ambitionnons de sensibiliser le public, de lui permettre de rencontrer l&rsquo;infinitude des langages. Il nous semble que la pr&eacute;sentation d&rsquo;&oelig;uvres plastiques permet au public, ici l&rsquo;&eacute;tudiant, de se d&eacute;placer, de se faire une image du livre et de produire un &laquo;&nbsp;texte&nbsp;&raquo; &agrave; partir des &oelig;uvres. Ce d&eacute;placement ne r&eacute;fute pas les sciences contributives &agrave; la m&eacute;diation, elle ne se r&eacute;duit pas &agrave; une analyse subjective, au contraire elle s&rsquo;appuie sur une pratique plurielle qui prend en compte l&rsquo;objet et le sujet, sans r&eacute;duire l&rsquo;un &agrave; une signification &agrave; transmettre, l&rsquo;autre au singulier d&eacute;fini (Benmaklouf, 2011) (et encore moins &agrave; une subjectivit&eacute;). De plus, avec Louis Marin (1992), nous affirmons que l&rsquo;&eacute;crit et le visuel sont en interaction, en mouvement et qu&rsquo;aucun ne peut pr&eacute;valoir sur l&rsquo;autre. Ainsi &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle de cette exposition, nous interrogeons le rapport texte/image ou &eacute;crit/visuel et nous tenons &agrave; l&rsquo;&eacute;cart la difficult&eacute; qui tient &agrave; produire un discours qui ferait de la peinture une illustration d&rsquo;un propos, comme celle de produire un visuel qui illustrerait un texte. Avec cette exposition nous d&eacute;plions la question du texte et de l&rsquo;image &agrave; la confluence des arts po&eacute;sie/peinture. Ainsi nous soulignons le fait que, par-del&agrave; les &laquo;&nbsp;tressages de texte et d&rsquo;image o&ugrave; le texte fait tissu avec et dans l&rsquo;image, o&ugrave; l&rsquo;image fait image, ic&ocirc;ne avec et dans le texte&nbsp;&raquo; (Ruby, 2021), une entit&eacute; abstraite se d&eacute;gage d&rsquo;un art comme de l&rsquo;autre.</p> <p>Notre intention est d&rsquo;appr&eacute;hender l&rsquo;image du livre et d&rsquo;en faire la m&eacute;diation, en sensibilisant &agrave; l&rsquo;image dans le champ des arts plastiques et au texte dans le champ de la litt&eacute;rature de jeunesse. Car le texte et l&rsquo;image nous apparaissent comme une seule et m&ecirc;me notion. Nous appelons &laquo;&nbsp;image du livre&nbsp;&raquo;, l&rsquo;image qui nait &agrave; la conjonction de l&rsquo;&eacute;criture (les mots agenc&eacute;s, le &laquo;&nbsp;d&eacute;positaire de la mat&eacute;rialit&eacute; m&ecirc;me du signifiant&nbsp;&raquo; Barthes, 1974), et de l&rsquo;aspect formel, des &eacute;crits et/ou des illustrations (s&rsquo;il y en a) du livre, et des sujets en interaction avec lui (l&rsquo;auteur, le cr&eacute;ateur, le lecteur, le regardeur). Nous sommes ainsi proche de la d&eacute;finition que donne Barthes du mot &laquo;&nbsp;texte&nbsp;&raquo;&nbsp;en citant Julia Kristeva&nbsp;: &laquo; Nous d&eacute;finissons le Texte comme un appareil&nbsp; translinguistique qui redistribue l&rsquo;ordre de la langue en mettant en relation une parole communicative visant l&rsquo;information directe avec diff&eacute;rents &eacute;nonc&eacute;s ant&eacute;rieurs ou synchroniques &raquo; (Barthes, 1974). Un texte est entendu comme &laquo;&nbsp;un fragment de langage plac&eacute; lui-m&ecirc;me dans une perspective de langages.&nbsp;&raquo; (Barthes, 1974). Barthes explicite dans son article les diff&eacute;rents modes d&rsquo;appr&eacute;hension de l&rsquo;&oelig;uvre &eacute;crite avec des entr&eacute;es th&eacute;ologique, historique, linguistique, s&eacute;miologique, etc.&nbsp;; il met en avant la signifiance, &laquo;&nbsp;l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un travail infini (du signifiant sur lui-m&ecirc;me)&nbsp;&raquo; (1974) et rapproche le texte d&rsquo;une production, c&rsquo;est-&agrave;-dire qui &laquo;&nbsp;travaille&nbsp;&raquo; et l&rsquo;auteur et le lecteur.</p> <p>Une dizaine d&rsquo;ann&eacute;es plus tard, de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;atlantique, W.J.T. Mitchell nous interroge sur la notion d&rsquo;image (Mitchell, 1986). L&rsquo;auteur s&rsquo;affranchit, sans les exclure, de la signification et du pouvoir des images pour interroger le d&eacute;sir. &Agrave; l&rsquo;instar de Barthes, il ne rejette ni la s&eacute;miotique, ni l&rsquo;herm&eacute;neutique, ni la rh&eacute;torique. Si Barthes d&eacute;finit l&rsquo;&oelig;uvre comme un objet fini qui peut occuper un espace physique&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;oeuvre se tient dans la main, le texte dans le langage &raquo;, de m&ecirc;me, Mitchell distingue la piction<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a> (image mat&eacute;rielle, picture) qui caract&eacute;rise un objet mat&eacute;riel qui peut &ecirc;tre accroch&eacute; sur un mur, du mot image qui rel&egrave;ve d&#39;une entit&eacute; hautement abstraite. Ainsi l&rsquo;un comme l&rsquo;autre de ces penseurs ont interrog&eacute; les pratiques signifiantes que peuvent engendrer le texte ou l&rsquo;image &agrave; distance de l&rsquo;&oelig;uvre &agrave; proprement parler. Nous estimons qu&rsquo;ils ont mis au jour une notion homologue, l&rsquo;un &agrave; partir de l&rsquo;&oelig;uvre litt&eacute;raire, l&rsquo;autre de l&rsquo;image mat&eacute;rielle ou piction. Cette notion commune est entendue comme entit&eacute; abstraite d&eacute;pendante d&rsquo;un sujet pluriel.</p> <p>Nous posons l&rsquo;hypoth&egrave;se d&rsquo;une homoth&eacute;tie entre les termes texte et image. En effet il n&rsquo;y a pas de diff&eacute;rences inh&eacute;rentes li&eacute;es aux objets repr&eacute;sent&eacute;s, aux m&eacute;dias concern&eacute;s ou aux lois de l&rsquo;esprit humain. En fait il n&rsquo;y a pas de diff&eacute;rence essentielle entre po&eacute;sie et peinture. En r&eacute;alit&eacute;, dans une culture, cette opposition est construite afin d&rsquo;organiser les qualit&eacute;s distinctives de l&rsquo;ensemble des signes et symboles que cette culture utilise. L&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;arts plastiques est extr&ecirc;mement vaste et polys&eacute;mique&nbsp;; n&eacute;anmoins les &eacute;crits ne sont pas non plus porteurs de certitudes &eacute;pist&eacute;mologiques (Boehm, 1994). Les mots, les &eacute;crits et les pictions, les visuels forment des ordres de connaissance distincts qui ne peuvent &ecirc;tre inter-chang&eacute;s pourtant ils ont en commun cette entit&eacute; abstraite, abstraite car non d&eacute;finie, non close sur elle-m&ecirc;me.</p> <p>La r&eacute;ception de l&rsquo;exposition prend en compte, la pr&eacute;sence du sujet dans l&rsquo;objet, selon Didi-Huberman, &laquo;&nbsp;le rapport &agrave; l&rsquo;image doit &ecirc;tre pens&eacute;, d&eacute;sormais, en termes de projection, d&rsquo;incorporation, et, plus encore, en termes de comp&eacute;n&eacute;tration.&nbsp;&raquo; (2002, p. 403). En mettant en &oelig;uvre une exposition d&rsquo;art contemporain pour faire la m&eacute;diation du livre, l&rsquo;intention &eacute;tait de rendre visible l&rsquo;&eacute;cart entre la signification d&rsquo;un livre et sa compr&eacute;hension par le lecteur. En effet l&rsquo;art contemporain faisant parfois l&rsquo;objet d&rsquo;un rejet ou tout du moins d&rsquo;une incompr&eacute;hension, l&rsquo;exposition allait solliciter des interrogations multiples, notamment celles permettant de soulever la question du texte du livre au-del&agrave; de la signification port&eacute;e par l&rsquo;&eacute;crit. Dans la mesure o&ugrave; l&rsquo;exposition &eacute;tait montr&eacute;e dans l&rsquo;Espace culturel d&rsquo;une facult&eacute; et non pas dans un centre d&rsquo;art d&eacute;di&eacute;, il &eacute;tait certain que la majorit&eacute; du public &eacute;tait &eacute;loign&eacute; de l&rsquo;art contemporain<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title="">[2]</a>. Par la s&eacute;lection des &oelig;uvres et la sc&eacute;nographie r&eacute;alis&eacute;e, l&rsquo;exposition est productrice de sens. Elle rend compte de la formulation de l&rsquo;hypoth&egrave;se consistant &agrave; concevoir une exposition comme image du livre.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>Autour du livre, le choix des &oelig;uvres</h2> <p>Notre projet &eacute;tait ainsi de r&eacute;aliser une exposition d&rsquo;&oelig;uvres d&rsquo;art contemporain qui ferait la m&eacute;diation du livre. Si la mission principale du m&eacute;diateur du livre est de sensibiliser le public &agrave; la lecture, elle tend &eacute;galement &agrave; l&rsquo;engager dans une exp&eacute;rience sensible et cognitive du texte et de l&rsquo;image. Dans le cadre de la m&eacute;diation du livre, en particulier pour la litt&eacute;rature de jeunesse, il nous apparait essentiel d&rsquo;interroger l&rsquo;objet livre lui-m&ecirc;me. Notre approche ne consiste pourtant pas &agrave; s&eacute;lectionner un corpus d&rsquo;albums de jeunesse, ni de livres d&rsquo;artistes, ni de livres anciens &agrave; valeur patrimoniale, puis &agrave; les exposer. Aussi l&rsquo;enjeu de cette exposition est-il de permettre au public de rencontrer le livre, pas seulement l&rsquo;objet, mais aussi l&rsquo;image du livre et de s&rsquo;adresser aux sens, au sensible comme au sens&eacute;, du public &agrave; partir d&rsquo;&oelig;uvres d&rsquo;art contemporain. Notre s&eacute;lection a &eacute;t&eacute; conditionn&eacute;e par les collections du FRAC<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title="">[3]</a>. L&rsquo;exposition &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo; pr&eacute;sente une s&eacute;lection d&rsquo;&oelig;uvres r&eacute;alis&eacute;e par l&rsquo;autrice &agrave; partir de l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;autour du livre&nbsp;&raquo;. La s&eacute;lection a &eacute;t&eacute; con&ccedil;ue en traquant les multiples signifiants associ&eacute;s de pr&egrave;s ou de loin au livre. Notre vis&eacute;e &eacute;tait de mettre en dialogue des &oelig;uvres de factures diverses&nbsp;(photographie, sculpture, installation, peinture, livres d&rsquo;artistes) pour faire &eacute;merger un discours consistant &agrave; interroger le r&eacute;cepteur sur sa conception et sa compr&eacute;hension du livre.</p> <p>Notre recherche dans la collection &eacute;tait anim&eacute;e par l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;autour du livre&nbsp;&raquo;. Ainsi les &oelig;uvres r&eacute;unies sont-elles, litt&eacute;ralement, dans l&rsquo;espace ou l&rsquo;environnement proche ou lointain du livre que l&#39;on consid&egrave;re comme centre. Le livre est ainsi le point nodal autour duquel a &eacute;t&eacute; pens&eacute;e l&rsquo;exposition, les &oelig;uvres choisies nous interrogent sur l&rsquo;espace, les espaces&nbsp;: celui du livre, de l&rsquo;objet artistique, de l&rsquo;espace mental, de l&rsquo;espace de m&eacute;diation du livre comme de la salle d&rsquo;exposition.</p> <p>Les onze &oelig;uvres s&eacute;lectionn&eacute;es sont celles de sept artistes contemporains. Elles d&eacute;ploient de multiples approches du texte et de l&rsquo;image, du discours et de la repr&eacute;sentation. La s&eacute;lection met au jour des questionnements propres &agrave; l&rsquo;art, &agrave; la litt&eacute;rature, depuis le conflit entre texte et image, po&eacute;sie et peinture. Les &oelig;uvres d&rsquo;art sont s&eacute;lectionn&eacute;es selon leurs diff&eacute;rentes qualit&eacute;s&nbsp;: physiques, plastiques, techniques, s&eacute;mantiques, symboliques, etc. Les &oelig;uvres choisies bousculent la dichotomie entre le texte et l&rsquo;image, elles r&eacute;duisent l&rsquo;espace de la querelle de signes, le conflit, l&rsquo;opposition ancestrale entre po&eacute;sie et peinture. Les artistes franchissent les fronti&egrave;res, ils performent ainsi les distinctions entre les arts. Nous soulignons avec ces &oelig;uvres quelques traits saillants du rapport des arts entre eux sur la question du texte ou de l&rsquo;image.</p> <p>La s&eacute;lection des &oelig;uvres met au jour des questionnements propres aux arts plastiques tout en interrogeant chacune, de fa&ccedil;on particuli&egrave;re, le rapport de l&rsquo;&oelig;uvre plastique au livre, comme celui du sujet au livre. Ainsi l&rsquo;objet livre est-il litt&eacute;ralement pr&eacute;sent dans trois productions. La mat&eacute;rialit&eacute; de l&rsquo;objet est mise &agrave; distance avec l&rsquo;&oelig;uvre de Denise A. Aubertin (1933-2019, France), Lacan. C&rsquo;est un livre de Lacan &eacute;dit&eacute;, d&eacute;tourn&eacute; de sa fonction premi&egrave;re&nbsp;: il ne peut &ecirc;tre lu, car il a &eacute;t&eacute; litt&eacute;ralement &laquo;&nbsp;cuisin&eacute;&nbsp;&raquo;, avec du chocolat, du sucre et de la colle, il est cuit juste en dessous du Fahrenheit 451, la temp&eacute;rature &agrave; laquelle un livre s&rsquo;enflamme et se consume. Le choix de Lacan est symptomatique du rapport au langage, aux liens entre l&rsquo;&eacute;crit et l&rsquo;image. Ensuite les Livres noirs de Nicolas Daubanes (1983-, France) sont un ensemble de dix livres, dont un est accessible &agrave; la consultation. Il s&rsquo;agit de folioscopes qui inscrivent le spectateur dans la temporalit&eacute; propre &agrave; la lecture (m&ecirc;me s&rsquo;il n&rsquo;est constitu&eacute; que d&rsquo;images). Enfin les r&eacute;gimes autographique et allographique sont mis en question, notamment avec l&rsquo;&oelig;uvre Nam de Fiona Banner (1966-, Angleterre). Durant mille pages, l&rsquo;artiste y d&eacute;crit six films renomm&eacute;s sur la guerre du Vietnam&nbsp;; le texte est constitu&eacute; d&rsquo;un seul bloc sans alin&eacute;a. Ce livre a &eacute;t&eacute; &eacute;dit&eacute; en plusieurs exemplaires. L&rsquo;un d&rsquo;entre eux est pr&eacute;sent&eacute; sous cloche de verre, il est inaccessible et doit &ecirc;tre abord&eacute; visuellement&nbsp;; en vis-&agrave;-vis, un livre identique est disponible au feuilletage, &agrave; la lecture. Le statut m&ecirc;me de l&rsquo;&oelig;uvre oscille entre installation, livre d&rsquo;artiste, sculpture. Il refl&egrave;te &agrave; lui seul nombre de questions soulev&eacute;es par l&rsquo;intertextualit&eacute;.</p> <p>De surcro&icirc;t, l&rsquo;appropriation, l&rsquo;illustration, l&rsquo;articulation texte/image sont &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre &eacute;galement dans Bbbeeetttttyyy, de Jean-Adrien Arzilier (1982-, France), un collage photographique &agrave; partir de une de magazines&nbsp;; ou bien dans les deux photographies de Julien Audebert (1977-, France), L&#39;&OElig;uvre d&#39;art &agrave; l&#39;&eacute;poque de sa reproduction m&eacute;canis&eacute;e - pour W. Benjamin et Livres. Ces photographies condensent chacune en une seule image, pour l&rsquo;une, le livre &eacute;ponyme de Walter Benjamin, pour l&rsquo;autre, la Bible. Les livres deviennent ainsi litt&eacute;ralement des images. En outre, avec l&rsquo;installation Travaux discrets, &Eacute;ric Watier (1963-, France) d&eacute;ploie le livre d&rsquo;artiste en l&rsquo;exposant d&eacute;compos&eacute;. L&rsquo;artiste interroge dans son &oelig;uvre, g&eacute;n&eacute;ralement des livres d&rsquo;artiste constitu&eacute;s de photocopies, les formats classiques de l&rsquo;&eacute;dition et les modes de diffusion. Le livre est d&eacute;multipli&eacute;, non sans humour.</p> <p align="center" style="text-align: center; margin-bottom: 11px;"><img alt="" height="650" src="https://www.numerev.com/img/ck_3015_24_image-20231120072929-2.png" width="865" /></p> <p align="center" style="text-align: center; margin-bottom: 11px;"><span style="font-size: 12pt;"><span style="line-height: 107%;"><span style="font-size: 9.0pt;">Vue de l&rsquo;exposition Folio, Espace culturel, FdE, UM, 2022</span></span></span></p> <p>Quant aux trois peintures de Nina Childress (1961-, &Eacute;tats-Unis), elles empruntent formellement et symboliquement au livre. Red Hair est compos&eacute;e de deux ch&acirc;ssis formant un pli, telle une page de livre au format 188 x 301 cm. La Repr&eacute;sentation figure une chanteuse lyrique dont le regard sort du cadre pour se poser sur Flounet 729, une abstraction. Plac&eacute;es sur le m&ecirc;me mur ces trois &oelig;uvres cr&eacute;ent une narration. Ces trois tableaux en dialogue, comme les pages d&eacute;solidaris&eacute;es d&rsquo;un livre, dessinent le vide, le trou ou le blanc entre les segments d&rsquo;un discours. Le quadriptyque, Concr&eacute;tion, de Jean-Adrien Arzalier, est compos&eacute; de volumes en pl&acirc;tre dans lesquels ont &eacute;t&eacute; coul&eacute;es des craies color&eacute;es. De m&ecirc;me, l&rsquo;&oelig;uvre sugg&egrave;re la page et sa multiplicit&eacute; constitutive du livre. Elle n&rsquo;est pas non plus sans &eacute;cho formel avec un album adress&eacute; &agrave; un tr&egrave;s jeune public.</p> <p>De fa&ccedil;on multiple et crois&eacute;e, les &oelig;uvres interrogent les particularit&eacute;s des m&eacute;diums, les relations des supports s&eacute;miotiques et les modes de dialogues. Les productions plastiques pr&eacute;sent&eacute;es ne r&eacute;pondent pas toujours strictement &agrave; une interm&eacute;dialit&eacute;, entendue comme ce qui rel&egrave;ve de plusieurs m&eacute;diums, cependant chaque &oelig;uvre, diff&eacute;remment, joue de l&rsquo;objet livre, convoque des relations formelles, mais appelle aussi &agrave; des analogies conceptuelles. L&rsquo;exposition met en relation les &oelig;uvres, s&eacute;lectionn&eacute;es en raison de leur proximit&eacute; avec le livre, et, de surcro&icirc;t entre elles, un discours se tisse. Il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;imaginer une grammaire &agrave; partir d&rsquo;&oelig;uvres en lien avec le livre, chacune sp&eacute;cifiquement, mais d&rsquo;ouvrir les possibilit&eacute;s de r&eacute;ception du sujet spectateur en offrant une pluralit&eacute; d&rsquo;approches, en passant par l&rsquo;image, &laquo;&nbsp;cet organisme &eacute;nigmatique&nbsp;&raquo; (Didi-Huberman, 2002, p. 302).</p> <p>&nbsp;</p> <h2>Vers le livre, les folios</h2> <p>Fort de notre appr&eacute;hension des &oelig;uvres expos&eacute;es, nous comprenons mieux le titre de l&rsquo;exposition&nbsp;: &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;. En effet, le folio se d&eacute;finit comme le feuillet d&rsquo;un manuscrit ou d&rsquo;un livre. Si le livre est envisag&eacute; formellement comme un assemblage de feuilles en nombre plus ou moins &eacute;lev&eacute;, portant des signes destin&eacute;s &agrave; &ecirc;tre lus, c&rsquo;est aussi un objet qui donne acc&egrave;s au monde r&eacute;el, comme au monde imaginaire. L&rsquo;exposition Folio entra&icirc;ne le spectateur &agrave; s&rsquo;interroger sur les dimensions temporelles et spatiales d&eacute;ploy&eacute;es par les artistes. Ceux-ci l&rsquo;invitent &agrave; une rencontre multiple et unique avec l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;art. Avec les folios qui se d&eacute;ploient dans l&rsquo;espace, le livre est d&eacute;pli&eacute;, d&eacute;membr&eacute;, cuit, d&eacute;coup&eacute;, etc. Certes une certaine violence est parfois faite au m&eacute;dium livre, mais aussi un certain &eacute;loge. Le r&eacute;emploi (Jean-Adrien Arzalier), l&rsquo;objet trouv&eacute;, le magazine d&eacute;coup&eacute;, l&rsquo;image photographique exploit&eacute;e, parfois il s&rsquo;agit de faire du nouveau &agrave; partir d&rsquo;objets ou de fragments d&rsquo;objet, parfois l&rsquo;&eacute;crit, l&rsquo;image mat&eacute;rielle sont mat&eacute;riau de la cr&eacute;ation.</p> <p>Le choix des &oelig;uvres est porteur d&rsquo;un discours qui permet ainsi d&rsquo;interroger les constituants du livre, les rapports entre texte et image, la place du corps dans l&rsquo;appr&eacute;hension et la pr&eacute;hension de l&rsquo;objet, de mettre au jour des porosit&eacute;s. Notamment, dans une exposition la r&egrave;gle int&eacute;gr&eacute;e est qu&rsquo;il ne faut pas toucher les objets, or certaines &oelig;uvres pr&eacute;sent&eacute;es sont pr&eacute;hensibles (Livres noirs de Nicolas Daubanes, Nam de Fionna Banner). D&rsquo;autres demandent un mouvement au corps du spectateur, lever la t&ecirc;te vers les peintures de Nina Childress plac&eacute;es en hauteur, se baisser vers le sol pour lire les textes des installations Travaux discrets d&#39;&Eacute;ric Watier pos&eacute;s au sol, contourner les pi&egrave;ces artistiques plac&eacute;es sur socle, comme les livres de l&rsquo;installation Nam de Banner. Les limites physiques de la r&eacute;ception de l&rsquo;&oelig;uvre sont soulev&eacute;es avec la lecture impossible des textes reproduits dans une police trop petite dans les photographies de Julien Audebert. L&rsquo;articulation entre l&rsquo;image et le texte, comme le souci de la narration, est ponctu&eacute;e aussi par les trois tableaux de Nina Childress. Avec Nam, Fiona Banner pr&eacute;sente la description de plusieurs films sur le Vietnam, l&rsquo;un des livres est accessible &agrave; la consultation, &agrave; la lecture, tandis qu&rsquo;un autre est isol&eacute; sous une cloche en verre. Les images originales sont remplac&eacute;es par des mots saturant l&rsquo;espace du livre, aucun alin&eacute;a, saut de ligne, etc. Par son &oelig;uvre, Fiona Banner montre une distance, une autor&eacute;flexivit&eacute; d&rsquo;un art qui montre un autre art. Elle pr&eacute;sente les films en renfor&ccedil;ant ou inclinant le sens de la repr&eacute;sentation d&eacute;j&agrave; effectu&eacute;e, de surcro&icirc;t une image cin&eacute;matographique comportant image, mouvement et son. Elle r&eacute;alise une ekphrasis, entendue comme repr&eacute;sentation verbale d&rsquo;une repr&eacute;sentation visuelle (Mitchell, 1994). Aucun m&eacute;dium n&rsquo;est&nbsp;&laquo;&nbsp;pur&nbsp;&raquo;, les &oelig;uvres pr&eacute;sent&eacute;es ne sont pas autor&eacute;f&eacute;rentielles. Elles engagent chacune un dialogue avec un autre m&eacute;dium.</p> <p align="center" style="text-align: center; margin-bottom: 11px;"><img alt="" height="866" src="https://www.numerev.com/img/ck_3015_24_image-20231120072929-3.jpeg" width="578" /></p> <p align="center" style="text-align: center; margin-bottom: 11px;"><span style="font-size: 12pt;"><span style="line-height: 107%;"><span style="font-size: 9.0pt;">Vue de l&rsquo;exposition Folio, Espace culturel, FdE, UM, 2022</span></span></span></p> <p align="center" style="text-align: center; margin-bottom: 11px;"><span style="font-size: 12pt;"><span style="line-height: 107%;"><span style="font-size: 9.0pt;">Courtesy Service Infocom Facult&eacute; d&rsquo;&eacute;ducation, Universit&eacute; de Montpellier</span></span></span></p> <p>Aussi pr&eacute;senter des &oelig;uvres d&rsquo;art pour interroger le livre est certes un d&eacute;tour, mais permet justement par l&agrave; m&ecirc;me d&rsquo;interroger, de d&eacute;finir, red&eacute;finir, le livre de fa&ccedil;on indisciplin&eacute;e, afin de mettre le spectateur en mouvement, vers le livre, vers l&rsquo;image du livre, une entit&eacute; abstraite. Avec l&rsquo;exposition, nous avons tent&eacute; de r&eacute;aliser une repr&eacute;sentation non pas textuelle d&rsquo;une repr&eacute;sentation visuelle, mais une repr&eacute;sentation visuelle, par l&rsquo;exposition, du Texte. L&rsquo;id&eacute;e &eacute;tait de permettre au spectateur, notamment &agrave; l&rsquo;&eacute;tudiant en formation, de se forger une image complexe du livre. L&rsquo;image, transf&eacute;rable d&rsquo;un m&eacute;dia &agrave; un autre, survit &agrave; la destruction de son support physique qu&rsquo;il soit la production plastique, l&rsquo;album de jeunesse ou l&rsquo;exposition temporaire. Dans cette exposition, nous interrogeons donc la question de l&rsquo;image, celle qui &eacute;merge devant une image mat&eacute;rielle, la question du texte celui qui na&icirc;t &agrave; la lecture d&rsquo;un livre, d&rsquo;un album de jeunesse, une image qui se dessine dans une exposition.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>L&rsquo;exposition comme m&eacute;dium</h2> <p>&Agrave; son tour, l&rsquo;exposition est consid&eacute;r&eacute;e comme un objet d&rsquo;&eacute;tude, un objet complexe. Nous estimons que les conditions d&rsquo;&eacute;mergence de cette exposition, ses modalit&eacute;s et objectifs de conception font d&rsquo;elle un m&eacute;dium. En effet, en tant que metteuse en sc&egrave;ne de l&rsquo;exposition, nous avons tent&eacute; de composer un monde, un espace propre au livre, tout en mettant en synergie &agrave; la fois les pr&eacute;sences des &oelig;uvres et les signes entre eux, provenant de chacune des &oelig;uvres expos&eacute;es. L&rsquo;auctoritas du commissaire ne tend pas ici &agrave; s&rsquo;effacer devant les cr&eacute;ations des artistes, mais &agrave; assumer une subjectivit&eacute; r&eacute;flexive. N&eacute;anmoins, il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;imposer une vue, un discours autoritaire, p&eacute;remptoire, mais de dessiner une ligne, de proposer des &laquo;&nbsp;embranchements laiss&eacute;s libres, des chemins inexplor&eacute;s&nbsp;&raquo; (Descola, Inglod et Lussault, 2014, p. 39) dans la contr&eacute;e du livre. Notre intention n&rsquo;&eacute;tait pas d&rsquo;enfermer une &oelig;uvre dans telle ou telle interpr&eacute;tation et nous n&rsquo;avons pas privil&eacute;gi&eacute; le sens au d&eacute;triment de la pr&eacute;sence et des dialogues impliqu&eacute;s par la mise en regard des &oelig;uvres elles-m&ecirc;mes. Le livre est le point central autour duquel a &eacute;t&eacute; pens&eacute;e l&rsquo;exposition, n&eacute;anmoins si les &oelig;uvres choisies individuellement nous interrogent sur l&rsquo;objet livre et notre relation au livre, leur mise en synergie construit aussi un nouveau discours port&eacute; par ces exp&ocirc;ts et leur agencement. La pr&eacute;sence des &oelig;uvres accentue une image du livre non stabilis&eacute;e.</p> <p align="center" style="text-align: center; margin-bottom: 11px;"><img alt="" height="707" src="https://www.numerev.com/img/ck_3015_24_image-20231120072929-4.png" width="943" /></p> <p align="center" style="text-align: center; margin-bottom: 11px;"><span style="font-size: 12pt;"><span style="line-height: 107%;"><span style="font-size: 9.0pt;">Vue de l&rsquo;exposition Folio, Espace culturel, FdE, UM, 2022</span></span></span></p> <p>J&eacute;r&ocirc;me Glicenstein&nbsp; &eacute;crit &laquo;&nbsp;des compr&eacute;hensions contradictoires apparaissent&nbsp;; car exposer, c&rsquo;est &agrave; la fois produire une &eacute;nonciation (un expos&eacute;), mais c&rsquo;est aussi d&eacute;couvrir, mettre &agrave; nu, voire mettre en danger.&nbsp;&raquo; (2009, p. 11) C&rsquo;est pourquoi la conception et la r&eacute;alisation de l&rsquo;exposition sont un acte de cr&eacute;ation d&rsquo;un espace, qui est un monde de langage, non seulement pour le commissaire, mais aussi pour le spectateur. En effet, sont interrog&eacute;s &agrave; la fois un espace r&eacute;el d&rsquo;exposition et un espace/monde imaginaire, constitu&eacute; par les repr&eacute;sentations et impressions d&eacute;pendantes de l&rsquo;activit&eacute; imageante du sujet spectateur. Le spectateur participe physiquement &agrave; l&rsquo;exposition, certes il d&eacute;ambule, mais aussi il encha&icirc;ne les actes : marcher, fixer son regard, voir, lire, s&rsquo;&eacute;loigner, se rapprocher, se souvenir, discuter, etc. &Agrave; son tour, il d&eacute;coupe, isole, calque, superpose, etc. Certes, pour le commissaire, l&rsquo;espace organis&eacute; et hi&eacute;rarchis&eacute; se constitue en vision synoptique, un objet atemporel, un objet complexe spatial, mais pour le spectateur s&rsquo;est un espace temporel, temps de la r&eacute;ception, celle de la d&eacute;ambulation, celle des allers-retours&nbsp;; l&rsquo;exposition est alors un temps, une &eacute;tendue. En effet, dans la mise en espace d&eacute;termin&eacute;e, le spectateur circule, il a une appr&eacute;hension par le corps des espaces et des &oelig;uvres.&nbsp;Les mises en dialogue des &oelig;uvres sont compos&eacute;es par la pr&eacute;sentation&nbsp;: au sol, au mur, poser sur un rebord, &agrave; auteur du regard, sous vitrine, sur socle, en saillie du mur, objet consultable, etc. Loin de cr&eacute;er une cacophonie multis&eacute;miotique, l&rsquo;exposition cr&eacute;e une approche esth&eacute;tique et kinesth&eacute;tique. Si dans sa r&eacute;ception le livre s&rsquo;inscrit dans le temps, il en est de m&ecirc;me pour l&rsquo;exposition.</p> <p>Dans l&rsquo;exposition propos&eacute;e, il n&rsquo;y a pas de parcours indiqu&eacute; ou de circuit qui contraindrait un parcours du visiteur. Celui-ci est libre de ses mouvements, de sa d&eacute;ambulation, de mettre en &oelig;uvre sa narration. Le livre implique une compr&eacute;hension qui se tisse au fil de la lecture, sur un axe horizontal, alors que l&rsquo;exposition r&eacute;alis&eacute;e permet, non pas une appr&eacute;hension verticale, mais une &laquo;&nbsp;lecture&nbsp;&raquo; pluridimensionnelle. Le spectateur est invit&eacute; &agrave; des &laquo;&nbsp;lectures traversi&egrave;res&nbsp;&raquo; (Marin, 1992) des objets et des lieux. Les combinaisons, les comparaisons, les mises en tension des &oelig;uvres r&eacute;alis&eacute;es sont &agrave; saisir ou &agrave; laisser. Par les &oelig;uvres d&rsquo;art, la m&eacute;diation ouverte permet au spectateur d&rsquo;approcher l&rsquo;objet livre, et tous les univers, toutes les images, auxquels le livre donne acc&egrave;s.</p> <p align="center" style="text-align: center; margin-bottom: 11px;"><img alt="" height="578" src="https://www.numerev.com/img/ck_3015_24_image-20231120072929-5.jpeg" width="866" /></p> <p align="center" style="text-align: center; text-indent: 35.4pt; margin-bottom: 11px;"><span style="font-size: 12pt;"><span style="line-height: 107%;"><span style="font-size: 9.0pt;">Vue de l&rsquo;exposition Folio, Espace culturel, FdE, UM, 2022</span></span></span></p> <p align="center" style="text-align: center; margin-bottom: 11px;"><span style="font-size: 12pt;"><span style="line-height: 107%;"><span style="font-size: 9.0pt;">Courtesy Service Infocom Facult&eacute; d&rsquo;&eacute;ducation, Universit&eacute; de Montpellier</span></span></span></p> <h2>L&rsquo;exposition comme ambiance</h2> <p>Nous concevons ainsi l&rsquo;exposition pas tant comme un processus &laquo;&nbsp;d&rsquo;hyper diss&eacute;mination attentionnelle et s&eacute;miotique&nbsp;&raquo; (Galligo et Stiegler, 2015) bien que la notion d&rsquo;ambiance qui en est issue soit &agrave; retenir. L&rsquo;exposition se d&eacute;ploie dans un espace de type white cube, aucune information ne vient scander l&rsquo;espace, attirer le spectateur&nbsp;: ni &eacute;crit, ni vid&eacute;o ou audio, seule une feuille de salle (avec les cartels des &oelig;uvres), permettant d&rsquo;identifier les &oelig;uvres et leurs auteurs, est mise &agrave; disposition des visiteurs. Aucun &eacute;crit autour des &oelig;uvres, le discours &eacute;mane des &oelig;uvres, individuellement et collectivement montr&eacute;es, elles nous disent quelque chose.</p> <p>Le parti-pris a &eacute;t&eacute; de ne pas stimuler l&rsquo;ensemble des sens du spectateur, voire de les saturer (Hayles, 2007), seules les &oelig;uvres sont pr&eacute;sent&eacute;es. Pour autant il ne s&rsquo;agissait pas d&rsquo;inciter le spectateur &agrave; capter les &oelig;uvres distinctement les unes des autres, c&rsquo;est pourquoi l&rsquo;ensemble des espaces sont occup&eacute;s (murs, sol, socles occupant les espaces vides). Car l&rsquo;enjeu de la sc&eacute;nographie &eacute;tait de cr&eacute;er une ambiance esth&eacute;tique, dans le sens de sensation floue d&eacute;finie par l&rsquo;ensemble des &oelig;uvres montr&eacute;es. Le projet visait &agrave; faire ressentir les signes, les singularit&eacute;s des &oelig;uvres, pas seulement individuellement, mais ensemble, de provoquer de cette mani&egrave;re une attention sensible et cognitive de l&rsquo;image du livre. Une telle &laquo;&nbsp;ambiance&nbsp;&raquo; m&eacute;diatrice s&rsquo;adresse tant &agrave; un sensible collectif qu&rsquo;&agrave; des sensibilit&eacute;s individuelles.</p> <p>Les &oelig;uvres captent le r&eacute;cepteur diff&eacute;remment. L&rsquo;effet de pr&eacute;sence, l&rsquo;ambiance g&eacute;n&eacute;rale cr&eacute;&eacute;e, permet au regardeur une appr&eacute;hension personnelle, non seulement des &oelig;uvres, mais du livre, si la s&eacute;lection et la sc&eacute;nographie sont suffisamment pertinentes. L&rsquo;objectif &eacute;tait d&rsquo;ouvrir la compr&eacute;hension du r&eacute;cepteur &agrave; l&rsquo;image du livre, de d&eacute;placer sa repr&eacute;sentation du livre en montrant les possibles et en &eacute;vitant les repr&eacute;sentations li&eacute;es &agrave; l&rsquo;individu, &agrave; son groupe social, &agrave; son exp&eacute;rience pr&eacute;c&eacute;dente du livre, etc. L&rsquo;exposition entendait proposer une rencontre, une exp&eacute;rience du sujet avec les &oelig;uvres d&rsquo;art contemporain. L&rsquo;objectif &eacute;tait que cette exp&eacute;rience singuli&egrave;re et partag&eacute;e, cette perception de l&rsquo;image de l&rsquo;exposition, entendue comme image du livre, m&ecirc;me peut-&ecirc;tre floue, permette au regardeur de s&rsquo;autoriser &agrave; consid&eacute;rer le texte du livre, non pas comme un message impos&eacute;, mais comme un discours &agrave; composer.</p> <h2>&nbsp;L&rsquo;exposition, un espace potentiellement efficient</h2> <p>La diversit&eacute; des &oelig;uvres &eacute;tait &agrave; la fois une difficult&eacute; et un atout. Nous avons cr&eacute;&eacute; des dialogues, des ruptures, en articulant les &oelig;uvres entre elles, en les juxtaposant, les accumulant, ou encore en les superposant visuellement, pour porter un discours,&nbsp;celui de faire percevoir &agrave; l&rsquo;&eacute;tudiant cette entit&eacute; abstraite commune relative et au texte et &agrave; l&rsquo;image. Cependant l&rsquo;exposition est un dispositif, une situation de communication, qui permet la mise en relation d&rsquo;objets, des &oelig;uvres d&rsquo;art contemporain, et d&rsquo;un public, les &eacute;tudiants. Ainsi le commissariat ne consiste pas &agrave; poser des objets en un lieu, mais bien &agrave; produire du sens par la mise en relation des &oelig;uvres d&rsquo;art entre elles, avec le lieu, l&rsquo;architecture du lieu et avec certains &eacute;l&eacute;ments textuels<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title="">[4]</a>. L&rsquo;exposition est entendue alors comme m&eacute;dia, comme construction signifiante, dispositif v&eacute;hiculant du sens (Davallon, 2013&nbsp;; Glincenstein, 2009). Dans son ouvrage L&rsquo;art&nbsp;: une histoire d&rsquo;exposition, J&eacute;r&ocirc;me Glicenstein rend compte du fait que, dans les ann&eacute;es 70, l&rsquo;artiste am&eacute;ricain Joseph Kosuth avait con&ccedil;u son exposition &agrave; la galerie L&eacute;o Castelli de New York comme un salon de lecture compos&eacute; de tables, bancs et livres. Glicenstein &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;En somme, il n&rsquo;&eacute;tait pas question de &#39;&#39;voir&quot;, mais de &quot;lire&quot;. L&rsquo;initiative &eacute;tait int&eacute;ressante, dans le sens o&ugrave; elle pointait les limites de la visite d&rsquo;une exposition, o&ugrave; ce qui est &agrave; comprendre ne peut simplement se d&eacute;duire de ce qui est &agrave; voir.&nbsp;&raquo; L&rsquo;intention &agrave; l&rsquo;origine de l&rsquo;exposition Folio &eacute;tait de donner &agrave; penser, en sollicitant l&rsquo;exp&eacute;rience du voir, pas celle du lire. C&rsquo;est pourquoi Folio ne comporte que peu d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments en dehors des &oelig;uvres (socle, vitrine et une feuille de salle), aucun texte n&rsquo;a &eacute;t&eacute; ajout&eacute; au sein de l&rsquo;espace d&rsquo;exposition. Il n&rsquo;y a pas d&rsquo;explication pour d&eacute;tailler les vis&eacute;es de l&rsquo;exposition ou affirmer explicitement un discours. Ainsi le choix curatorial de cette exposition Folio comportait un risque, celui qu&rsquo;elle ne soit pas comprise. Si l&rsquo;exposition comme m&eacute;dium donne &agrave; voir, &agrave; regarder, &agrave; penser, &agrave; lire, l&rsquo;exposition comme m&eacute;dia implique un discours explicite. Et nous sommes consciente que les choix d&rsquo;accrochage et l&rsquo;absence de paratexte pouvaient cr&eacute;er la surprise, voire l&rsquo;incompr&eacute;hension, d&rsquo;un public d&rsquo;&eacute;tudiants.</p> <p>De plus, la s&eacute;lection et mise en espace des &oelig;uvres sont d&eacute;pendantes et symptomatiques du regard du commissaire. Le choix a &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute; &agrave; partir d&rsquo;une interpr&eacute;tation orient&eacute;e, d&rsquo;une recherche d&rsquo;indices du livre, qui a infl&eacute;chi le regard sur les &oelig;uvres m&ecirc;mes. C&rsquo;est parce que le livre pr&eacute;sentait un horizon que la convergence apparait. N&eacute;anmoins les &oelig;uvres mises en pr&eacute;sence dans l&rsquo;exposition soul&egrave;vent individuellement et ensemble de nouveaux horizons peut-&ecirc;tre au-del&agrave; de l&rsquo;objectif qui les a r&eacute;unies. Aussi en occultant la volont&eacute;, le d&eacute;sir, de r&eacute;aliser une m&eacute;diation du livre, il serait int&eacute;ressant de soumettre &agrave; l&rsquo;analyse l&rsquo;exposition con&ccedil;ue &agrave; des tiers &eacute;loign&eacute;s du projet de recherche afin qu&rsquo;ils expriment leur exp&eacute;rience du lieu et mettent au jour leur propre image ou discours de Folio. N&eacute;anmoins l&rsquo;objectif n&rsquo;&eacute;tait pas d&rsquo;affirmer la validit&eacute; du projet, mais de faire &eacute;tat de la construction de la d&eacute;marche. Le projet &eacute;tait l&eacute;gitime dans la mesure o&ugrave;, d&rsquo;une part, il se saisissait du probl&egrave;me de la m&eacute;diation du livre en s&rsquo;appuyant sur une entit&eacute; abstraite commune &agrave; l&rsquo;&eacute;crit, le texte, et &agrave; la piction, l&rsquo;image ; d&rsquo;autre part il offrait aux &eacute;tudiants un espace p&eacute;dagogique permettant de concevoir des m&eacute;diations du livre &agrave; partir d&rsquo;une exposition, permettant ainsi une m&eacute;diation puissance deux. &Agrave; charge de l&rsquo;&eacute;tudiant, futur m&eacute;diateur, de concevoir, de travailler en tant que spectateur et lecteur sa m&eacute;diation.</p> <p>Enfin, le pr&eacute;sent article s&rsquo;est attach&eacute; &agrave; pr&eacute;senter les coulisses de la conception d&rsquo;une exposition d&rsquo;&oelig;uvres d&rsquo;art contemporain comme m&eacute;diation du livre. Si l&rsquo;exposition Folio &eacute;tait suffisamment signifiante et productrice de sens, l&rsquo;article ne fait pas &eacute;tat de l&rsquo;effectivit&eacute; de la d&eacute;marche, mais relate une approche cr&eacute;ative, r&eacute;flexive et critique. Certes une &eacute;tude de la r&eacute;ception par les spectateurs de Folio aurait permis de rendre compte de la pertinence ou non d&rsquo;une telle entreprise. N&eacute;anmoins si l&rsquo;exposition peut &ecirc;tre &eacute;valu&eacute;e en fonction du degr&eacute; de compr&eacute;hension du public, nous sommes face &agrave; une double difficult&eacute;&nbsp;: d&rsquo;une part, les &oelig;uvres appartiennent &agrave; l&rsquo;art contemporain, d&rsquo;autre part les choix de m&eacute;diations par le texte ont &eacute;t&eacute; r&eacute;duits au minimum, la feuille de salle. Dans le cadre de la conception de l&rsquo;exposition Folio, le public &eacute;tait l&rsquo;ensemble des &eacute;tudiants, de surcro&icirc;t &eacute;taient vis&eacute;s les &eacute;tudiants en formation &agrave; la m&eacute;diation. L&rsquo;exposition Folio comportait ainsi une dimension didactique.</p> <p>La sc&eacute;nographie choisie pourrait s&rsquo;apparenter au dispositif white cube, celui-ci a la particularit&eacute; de mettre en avant une dimension h&eacute;doniste de l&rsquo;art, les &oelig;uvres d&rsquo;art sont consid&eacute;r&eacute;es comme des objets de contemplation esth&eacute;tique. N&eacute;anmoins, loin de r&eacute;duire notre vision de l&rsquo;&oelig;uvre &agrave; la contemplation, cette exposition a &eacute;t&eacute; &eacute;galement con&ccedil;ue comme un support p&eacute;dagogique pour les &eacute;tudiants en master. En effet si l&rsquo;exposition Folio construit des relations internes entre les objets qu&rsquo;elle contient, elle construit &eacute;galement un cadre &agrave; des relations externes en offrant la possibilit&eacute; de b&acirc;tir des outils de m&eacute;diations en direction des spectateurs. Ainsi il revenait ensuite aux &eacute;tudiants en formation de concevoir leurs propres m&eacute;diations du livre, &agrave; partir de l&rsquo;exposition, pour les autres &eacute;tudiants, en majorit&eacute; de futurs professeurs des &eacute;coles. Cette exposition est donc aussi un outil p&eacute;dagogique permettant aux &eacute;tudiants de cr&eacute;er des m&eacute;diations. &Agrave; leurs tours, les &eacute;tudiants ont con&ccedil;u leurs propres textes de l&rsquo;image du livre, en fonction des contraintes (choix des &oelig;uvres, sc&eacute;nographie) et de leurs comp&eacute;tences propres, savoir-&ecirc;tre, savoir-faire et savoir-savant. Il est possible que l&rsquo;image du livre travaill&eacute; par l&rsquo;exposition f&ucirc;t peu per&ccedil;ue, incomprise, si elle n&rsquo;&eacute;tait pas con&ccedil;ue pour &ecirc;tre &laquo;&nbsp;activ&eacute;e&nbsp;&raquo; par les m&eacute;diations imagin&eacute;es par les &eacute;tudiants. Cet espace d&rsquo;exposition est un lieu privil&eacute;gi&eacute; de formation, il contribue ainsi &agrave; la formation du sujet, celle de l&rsquo;&eacute;tudiant, futur m&eacute;diateur.</p> <p>Si l&rsquo;on s&rsquo;accorde pour d&eacute;finir la m&eacute;diation comme un processus de transformation et d&rsquo;appropriation, alors le dispositif de l&rsquo;exposition d&rsquo;&oelig;uvres d&rsquo;art pour la m&eacute;diation du livre est ici op&eacute;rant. Bruno Latour fait une distinction entre les interm&eacute;diaires, dont on attend qu&rsquo;ils transmettent de l&rsquo;information sans la transformer, et les m&eacute;diateurs, dont on sait qu&rsquo;ils transforment ce qu&rsquo;ils transmettent. Selon lui, il n&rsquo;y a jamais de pur interm&eacute;diaire, toute transmission implique un travail de traduction, adaptation, m&eacute;diation (Latour, 2014). Latour consid&egrave;re l&rsquo;interm&eacute;diaire comme celui qui transporte justement sans m&eacute;diation, alors que le m&eacute;diateur est &laquo;&nbsp;celui qui interrompt, modifie, complique, d&eacute;tourne, transforme et fait &eacute;merger des choses diff&eacute;rentes&nbsp;&raquo; (Citton, 2014). Il s&rsquo;insurge contre l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;il pourrait exister un interm&eacute;diaire neutre entre deux &eacute;l&eacute;ments (objet ou concept et sujet). L&rsquo;exposition Folio est donc une m&eacute;diation du livre, m&ecirc;me si notre implication est conditionn&eacute;e par le fonds d&rsquo;art contemporain disponible, comme par notre subjectivit&eacute; raisonn&eacute;e s&rsquo;appuyant sur les sciences telles que la s&eacute;miologie ou l&rsquo;esth&eacute;tique, ou encore notre vis&eacute;e didactique. L&rsquo;espace de m&eacute;diation qu&rsquo;est l&rsquo;exposition aura, en effet, permis de surcro&icirc;t de former &agrave; la m&eacute;diation du livre et d&#39;engager les &eacute;tudiants &agrave; se saisir d&rsquo;une exposition con&ccedil;ue par un commissaire, situation commune dans leur futur m&eacute;tier.</p> <h2>Questionner la m&eacute;diation</h2> <p>Pour clore ce texte, il nous importe de faire retour sur l&rsquo;exp&eacute;rimentation&nbsp;: faire d&rsquo;une exposition d&rsquo;&oelig;uvres plastiques contemporaines une m&eacute;diation du livre. Nous rapprochons cette entreprise de la recherche-cr&eacute;ation, telle qu&rsquo;elle est d&eacute;finie depuis cinquante ans dans le champ des arts plastiques. C&rsquo;est-&agrave;-dire non pas tester la validit&eacute; d&rsquo;une hypoth&egrave;se scientifique, mais cr&eacute;er des exp&eacute;riences sensibles qui donnent acc&egrave;s &agrave; des savoirs, car elles leur donnent corps, celui de l&rsquo;exposition comme celui des protagonistes, des artistes, des &eacute;tudiants, de la commissaire et des publics. Si le pr&eacute;sent texte rend compte et analyse la d&eacute;marche, il convient de remarquer que la d&eacute;marche scientifique ne tend pas tant &agrave; l&rsquo;observation des ph&eacute;nom&egrave;nes provoqu&eacute;s qu&#39;&agrave; leur conception, cr&eacute;ation et activation. (Bouchardon, 2013&nbsp;; Gosselin et Le Coguiec, 2006). Nous avons convoqu&eacute; de fa&ccedil;on concomitante la disponibilit&eacute; du cr&eacute;ateur et la vigilance du chercheur, interroger la dissociation du faire et l&rsquo;analyse du faire &agrave; des fins didactique et p&eacute;dagogique comme scientifique. Nous estimons avoir mis en &oelig;uvre une recherche-cr&eacute;ation didactique.</p> <p>Cette entreprise nous aura &eacute;galement permis d&rsquo;interroger la notion de m&eacute;diation. Effectivement, avec Gilles Suzanne, nous estimons que la m&eacute;diation consiste &agrave; permettre au sujet, au spectateur d&rsquo;accueillir et de convertir les flux d&rsquo;intensit&eacute;s et de forces s&eacute;miotiques de l&rsquo;objet, ici l&rsquo;objet exposition, en une &laquo;&nbsp;puissance nouvelle de ses moyens de productions subjectives&nbsp;&raquo; (2022, p. 113). Avec cette exposition, m&eacute;diation du livre, nous avons mis en espace, ouvert les possibilit&eacute;s d&rsquo;interpr&eacute;tations des &eacute;tudiants, spectateurs et lecteurs. Avec cet auteur, nous estimons que la pratique de la m&eacute;diation ne peut se r&eacute;duire &agrave; une subordination du sujet, et de l&rsquo;objet, &agrave; des valeurs entendues comme sup&eacute;rieures, classificatoires, symboliques, signifiantes ou encore savantes, pour s&rsquo;envisager davantage comme un pas de c&ocirc;t&eacute; et une ouverture du sujet &agrave; lui-m&ecirc;me et au monde.</p> <p>Ainsi ce texte avance-t-il l&rsquo;id&eacute;e que l&rsquo;exposition particuli&egrave;re n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; seulement un espace de communication et de sensibilisation au livre, mais qu&rsquo;elle a enrichi notre compr&eacute;hension de la m&eacute;diation des arts en mettant ceux-ci en synergie et en mettant au jour une entit&eacute; abstraite commune. Aussi l&rsquo;exp&eacute;rimentation pr&eacute;sent&eacute;e n&rsquo;a-t-elle pas montr&eacute; un nouveau dispositif de m&eacute;diation du livre au moyen d&rsquo;une exposition, mais elle aura permis de s&rsquo;interroger sur les possibilit&eacute;s offertes par les &oelig;uvres d&rsquo;art, puis par leur mise en exposition et enfin leur m&eacute;diation, pour sensibiliser le public, d&rsquo;une part au livre, d&rsquo;autre part &agrave; la m&eacute;diation.</p> <p>&nbsp;</p> <h3>Bibliographie</h3> <p>Barthes, R. (1974). Th&eacute;orie du texte. Dans Encyclop&aelig;dia Universalis. <a href="https://www.psychaanalyse.com/pdf/THEORIE_DU_TEXTE_ROLAND_BARTHES.pdf" target="_blank">https://www.psychaanalyse.com/pdf/THEORIE_DU_TEXTE_ROLAND_BARTHES.pdf</a></p> <p>Benmaklouf, A. (2011). L&#39;identit&eacute;, une fable philosophique. Paris&nbsp;: PUF.</p> <p>Boehm, G. (1994). &laquo; Die Wiederkehr der Bilder &raquo; (&laquo; Le retour des images &raquo;), Wast ein Bild&nbsp;? Munich&nbsp;: &eacute;d. G. Boehm, p. 11-38.</p> <p>Bouchardon, S. (2014). La valeur heuristique de la litt&eacute;rature num&eacute;rique. Paris&nbsp;: Hermann.</p> <p>Bourdieu, P. (1979). La Distinction&nbsp;: critique sociale du jugement. Paris&nbsp;: &Eacute;ditions de Minuit.</p> <p>Caune, J. (2017). La m&eacute;diation culturelle&nbsp;: exp&eacute;rience esth&eacute;tique et construction du Vivre-ensemble, nouvelle &eacute;dition revue et augment&eacute;e, Fontaine&nbsp;: Presses universitaires de Grenoble.</p> <p>Citton, Y. (2014). Entretien avec Bruno Latour: les m&eacute;dias sont-ils un mode d&#39;existence ? INA Global, 2, 146-157.&nbsp;<br /> <a href="https://sciencespo.hal.science/hal-03460290/document" target="_blank">https://sciencespo.hal.science/hal-03460290/document</a></p> <p>Davallon, J. et Plon &Eacute;. (2013). Le m&eacute;dia exposition,&nbsp;Culture &amp; Mus&eacute;es, Num&eacute;ro hors-s&eacute;rie, 19-45.&nbsp;<br /> <a href="https://journals.openedition.org/culturemusees/695" target="_blank">https://journals.openedition.org/culturemusees/695</a></p> <p>Descola, P., Inglod, T. et Lussault, M. &nbsp;(2014). &Ecirc;tre au monde. Quelle exp&eacute;rience commune&nbsp;? Lyon&nbsp;: PUL.</p> <p>Didi-Huberman, G. (2002). L&rsquo;Image survivante. Histoire de l&rsquo;art et temps des fant&ocirc;mes selon Aby Warburg. Paris&nbsp;: &eacute;d. de Minuit.</p> <p>Glicenstein, J. (2009). L&rsquo;art&nbsp;: une histoire d&#39;expositions. Paris&nbsp;: PUF.</p> <p>Glicenstein, J. (2013). L&rsquo;Art contemporain entre les lignes. Textes et sous-textes de m&eacute;diation.<br /> Paris&nbsp;: PUF.</p> <p>Gosselin, P. et Le Coguiec, &Eacute;. (dir.) (2006). La recherche cr&eacute;ation Pour une compr&eacute;hension de la recherche en pratique artistique. Montr&eacute;al&nbsp;: PUQ.</p> <p>Galligo, I. et Stiegler, B. (2015). Mus&eacute;ographie et attention. Vers un art de l&rsquo;ambiance (Argumentaire de s&eacute;minaire). Institut de recherche et d&rsquo;innovation. <a href="https://www.iri.centrepompidou.fr/non-classe/museographie-et-attention-vers-un-art-de-lambiance/#_ftn9" target="_blank">https://www.iri.centrepompidou.fr/non-classe/museographie-et-attention-vers-un-art-de-lambiance/#_ftn9</a></p> <p>Hayles, N. K. (2007). Hyper and Deep Attention: The Generational Divide in Cognitive Modes. Profession, 187&ndash;199.&nbsp;<a href="https://www.jstor.org/stable/25595866" target="_blank">https://www.jstor.org/stable/25595866</a></p> <p>Marin, L. (1992). Lectures traversi&egrave;res. Paris&nbsp;: Albin Michel</p> <p>Mitchell, W. J. T. (1994). Picture theory: essays on verbal and visual representation. Chicago: University of Chicago Press.</p> <p>Mitchell,&nbsp; W. J. T. (1986). Iconology: Image, Text, Ideology. University of Chicago Press.</p> <p>Ruby. C. (2021). Louis Marin, penseur du contemporain dans l&#39;art. Nonfiction.fr. <a href="https://www.nonfiction.fr/article-10926-louis-marin-penseur-du-contemporain-dans-lart.htm" target="_blank">https://www.nonfiction.fr/article-10926-louis-marin-penseur-du-contemporain-dans-lart.htm</a></p> <p>Souriau, E. (2004). Vocabulaire d&#39;esth&eacute;tique. Paris&nbsp;: Presses universitaires de France.</p> <p>Suzanne, G. (2022). Esth&eacute;tique de la m&eacute;diation. Aix-en-Provence&nbsp;: PUP.</p> <p>&nbsp;</p> <div> <hr size="1" /> <div id="ftn1"> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title="">[1]</a> Dans l&rsquo;ouvrage de Mitchell Que veulent les images&nbsp;?, &laquo;&nbsp;piction&nbsp;&raquo; est la traduction donn&eacute;e au terme &laquo;&nbsp;picture&nbsp;&raquo; afin d&rsquo;&eacute;carter l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; en fran&ccedil;ais du mot image.</p> </div> <div id="ftn2"> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title="">[2]</a> &Agrave; noter que l&rsquo;art contemporain n&rsquo;est pas toujours &agrave; la port&eacute;e d&rsquo;un public m&ecirc;me averti. Cf. la notion d&rsquo;&oelig;uvres &laquo;&nbsp;indisponibles&nbsp;&raquo; chez Morizot B. et Zhong Mengual E., Esth&eacute;tique de la rencontre. L&#39;&eacute;nigme de l&#39;art contemporain, Le Seuil, 2018.</p> </div> <div id="ftn3"> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title="">[3]</a> Nous tenons &agrave; adresser nos vifs remerciements &agrave; Emmanuel Latreille, alors directeur du FRAC-OM, pour sa g&eacute;n&eacute;rosit&eacute;, son expertise et sa collaboration aux choix et &agrave; la mise en espace de l&rsquo;exposition Folio.</p> </div> <div id="ftn4"> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title="">[4]</a> Les choix des &oelig;uvres affectent la sc&eacute;nographie ou l&rsquo;accrochage. Dans le cadre id&eacute;al de moyens cons&eacute;quents, le concepteur de l&rsquo;exposition peut r&eacute;aliser la disposition des objets en toute libert&eacute;, nous avions des contraintes, notamment l&rsquo;architecture de la salle, des avantages, notamment la collaboration avec notre partenaire le FRAC. En effet la participation du directeur du FRAC, Emmanuel Latreille &agrave; l&rsquo;accrochage nous a permis d&rsquo;ajuster parfois le choix des &oelig;uvres au lieu. Ce qui nous a permis de proposer cette mise en &oelig;uvre visuelle, tout en conservant le texte, le discours vis&eacute;.</p> </div> </div>