Résumé La valorisation de la compétence plurilingue et pluriculturelle (Coste, Moore, Zarate, 2009) fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques dans le cadre de l’enseignement-apprentissage des langues. Elle est présentée comme la base d’une attitude positive d’ouverture à l’altérité et à la découverte des autres cultures. En effet, le développement de telle compétence permet aux apprenants de mobiliser la connaissance de toutes les langues rencontrées au cours de leur vie, et plus ou moins maitrisées, pour soutenir le développement de l’apprentissage de la langue cible (CECRL, 2001 : 105-106). Au c&oelig;ur de la société dans laquelle ils évoluent, ils deviennent des « locuteurs ou des médiateurs interculturels, capables de s’engager dans un cadre complexe et un contexte d’identités multiples » (Byram, s.d. : 9). Dans le cadre de cet article, notre réflexion porte sur la didactique du plurilinguisme dans le contexte des formations de français pour les adultes allophones. Nous nous demandons dans quelle mesure une démarche pédagogique témoignant d’une ouverture à l’altérité permet d’ancrer les apprentissages dans une éthique de la reliance ? Et comment une telle démarche est susceptible de déclencher des émotions positives chez les apprenants, et, de ce fait, de faciliter leur apprentissage du français ?  Les adultes allophones ont déjà pour la plupart développé une compétence plurilingue et pluriculturelle de par leur parcours de vie et leur chemin migratoire. Ils ont côtoyé une ou plusieurs langues, maternelles ou étrangères, et bénéficient d’une expérience de contact avec au moins une culture différente de la leur : tout ceci constitue leurbiographie langagière et leur capital langagier et culturel (Cuq, 2003 : 36-37 ; Coste, Moore, Zarate, 1997 : 12). Il nous parait primordial de valoriser un tel capital lors des apprentissages, de sorte que les apprenants aient la possibilité de s’appuyer sur leur(s) langue(s) d’origine pour entrer en reliance avec la langue qu’ils vont apprendre, dans une posture de « compréhension entre personnes, entre cultures, entre nations » (Morin, 2005 : 139). En outre, la migration vécue par ces plurilingues constitue un moment de transition radical dans leur parcours, qui se révèle parfois traumatisant. Elle donne lieu à d’importants changements dans leur vie, mais également identitaires, qui seront d’autant plus faciles à gérer et à accepter s’ils se sentent accueillis au sein de leur nouvelle société, ce qui sera facilité par l’acquisition de leur nouvelle langue. Or, il convient de rappeler le fait que les adultes en situation migratoire sont en situation d’insécurité linguistique (Labov, 1966) et que cela est susceptible d’engendrer chez eux une réaction émotionnelle négative, ou anxiété langagière (Horwitz, 2010), qui risque d’entraver leur apprentissage. Par conséquent, il leur sera plus facile d’acquérir leur nouvelle langue s’ils sont mis en confiance par les enseignants dès le début de leur formation et tout au long du processus d’acquisition-apprentissage. Il nous semble donc primordial de prendre en compte les aspects émotionnels et sociaux dans nos approches pédagogiques à destination des apprenants en situation migratoire (Payant & Zuniga, 2022) et, en ce sens, nous pensons qu’il est nécessaire de mieux intégrer et valoriser l’ensemble de leur ressources langagières, aux accents plurilingues et pluriculturels. Notre posture épistémologique est celle du praticien-chercheur (De Lavergne, 2007), en ce que notre activité professionnelle sur le terrain des formations de français à destination d’adultes allophones se veut réflexive, dans l’optique d’une démarche qualitative en faveur des apprenants. Nous souhaitons, en ce sens, interroger les approches pédagogiques et les contenus didactiques qui nous semblent les plus pertinents pour faciliter leur apprentissage du français.  Tout comme Payant et Zuniga (2022 : 3) nous postulons que les approches plurielles sont les plus à mêmes de déclencher les émotions positives nécessaires à optimiser les apprentissages, du fait de la valorisation de l’identité linguistique qu’elles induisent.  Concrètement, lors des situations d’apprentissage initiales, telles que la présentation personnelle, il s’agira pour l’enseignant de valoriser le répertoire langagier des apprenants allophones, afin de favoriser une ouverture à l’altérité et de créer un lien entre culture d’origine et culture d’accueil, dans l’optique de l’acquisition des compétences interculturelles de savoir-être et savoir comprendre (Byram, 1997). Il conviendra, en effet, de construitre, au sein du groupe d’apprenants, une compétence communicative où les expériences et les connaissances des langues de chacun entrent en corrélation et interagissent, selon que le préconise une approche plurilingue (CECRL, 2001 : 11) à même de valoriser les différentsrépertoires verbaux (Gumperz, 1964).    Bibliographie Byram, M. (s.d) «6908-dimension interculturelle». Byram, M. (1997). « Teaching and Assessing Intercultural Communicative Competence ». Clevedon: Multilingual Matters. Conseil de l’europe (2001), Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer, Paris, Didier. Coste D., Moore D. & Zarate G. (1997), Compétence plurilingue et pluri-culturelle, Strasbourg, Conseil de l’Europe. En ligne : https://rm.coe.int/168069d29c. Coste D., Moore D. & Zarate G. (2009). « Compétence plurilingue et pluriculturelle. Vers un Cadre Européen Commun de référence pour l’enseignement et l’apprentissage des langues vivantes». Consulté le 10 mars 2023.  https://www.researchgate.net/publication/272353128_Competence_plurilingue_et_pluriculturelle_Vers_un_Cadre_Europeen_Commun_de_reference_pour_l%27enseignement_et_l%27apprentissage_des_langues_vivantes.   Cuq, J.-P. (2003). Dictionnaire de didactique du français langue étrangère. CLE International. De Lavergne, C. (2007). « La posture du praticien-chercheur : un analyseur de l’évolution de la recherche qualitative », Recherches qualitatives. Gumperz J. J. (1964), « Linguistic and social interaction in two communities », American Anthropologist 66, p. 137-53. En ligne : https://doi.org/10.1525/aa.1964.66.suppl_3.02a00100. Horwitz, E. K. (2010). Foreign and second language anxiety. Language Teaching, 43(2), 154-167.doi : https://doi.org/10.1017/S026144480999036X Morin, E. (2005), « La Méthode T VI », Ethique.  Payant, C. & Zuniga, M. (2022). Introduction : dimensions sociales, émotionnelles et cognitives dans l’apprentissage des langues additionnelles. La Revue de l’AQEFLS, 35(1). https://doi.org/10.7202/1095058ar