Résumé La présente recherche porte sur l’analyse des effets pathémiques dans les discours numériques. Elle permet d’étudier les spécificités (linguistiques, sémiotiques, discursives, etc.) de la CMO et/ou du discours numérique en le prenant comme élément constitutif d’un système complexe et auto-organisé : le web social. La technogenèse du discours numérique pousse les chercheurs à changer de vision envers le web, qui s’impose comme véritable substitut de l’espace public (Nathalie K Hayles, 2016), notamment avec le développement de l’intelligence artificielle, qui fait qu’on assiste actuellement à un tournant dit techno-affectif se préoccupant des émotions en contexte numérique. Plusieurs phénomènes émergent en l’occurrence, comme la cyberviolence et le cyberharcèlement, dont les causes et les conséquences nécessitent un intérêt particulier par les chercheurs afin de contribuer à la protection des libertés et des droits des utilisateurs du web, le web étant considéré comme un espace public numérique (Cardon, 2019). Ces phénomènes techno-affectifs s’observent a priori dans des discours numériques natifs, comme les likes (Fuchs, 2017), les émoticônes (Halté, 2018), les émotimots (Bottineau, 2013; Ghliss, 2019), les agents de détection automatique des affects (Ochs et al., 2007, 2014). Ils apparaissent dans le web de surface et sont investigables dans la matérialité discursive (Paveau, 2017). Etudier le processus de cyberpathémisation permettrait d’aborder à la fois plusieurs phénomènes, comme l’amplification des émotions dans les réseaux socio-numériques, la génération des émotions dans les sites interactifs ou l’augmentation des paramètres énonciatifs par le web. Nous nous interrogeons dans ce travail sur la façon dont le web augmenterait-il l’effet pathémique de certains discours politiques ou médiatiques, à travers des agents humains (utilisateurs) et non-humains (algorithmes) en mesurant l’impact de cet effet dans les commentaires en ligne. Le commentaire numérique est un technodiscours second qui s’inscrit dans une situation de communication numérique et obéit à ses contraintes. Il est produit par des utilisateurs humains appuyés par des agents non humains (machines et algorithmes), à travers une opération appelée « écrilecture<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a> » (Paveau, 2017, p. 40), c’est-à-dire le fait de taper des énoncés sur un clavier tout en observant les publications à commenter. L’écrilecture pourrait se rapprocher d’un processus de perçaction défini par Berthoz comme un double processus rassemblant la perception et l’action (2013). Les commentaires donnent la parole aux utilisateurs pour exprimer leurs opinions, alors que les algorithmes repèrent leurs traces pour calculer ce qu’ils pourraient faire à partir des actions de leurs semblables, en agissant selon un principe de prédiction (Cardon, 2019; Paveau, 2017). Or, la complexité de l’esprit humain ne peut se faire prendre pour une machine triviale (Morin, 2005). Notre démarche sera qualitative et tracerait quelques pistes pour l’analyse des effets émotionnels en ligne, en prenant en considération les agents humains (utilisateurs) et non-humains (algorithmes). Nous capterons les commentaires et les publications à analyser avec l’extension NCapture du logiciel NVIVO, qui les classe en jeu de données (tableaux, graphes…) afin de pouvoir les analyser dans leur environnement d’apparition (approche écologique). Les marqueurs permettant de repérer la cyberpathémisation peuvent être explicites, comme les likes et les émoticônes qui expriment des émotions, mais aussi implicites, comme la ponctuation, les majuscules, figures de style ou autres marqueurs que l’on discutera lors de l’analyse.   Bibliographie indicative Berthoz, A. (2013). Le sens du mouvement. Odile Jacob. Bottineau, D. (2013). OUPS ! Les émotimots, les petits mots des émotions : Des acteurs majeurs de la cognition verbale interactive. Langue française, 180(4), 99‑112. https://doi.org/10.3917/lf.180.0099 Cardon, D. (2019). Culture numérique. SciencesPo les presses. Fuchs, C. (2017). Social media : A critical introduction. SAGE. https://univ.scholarvox.com/book/88896849 Ghliss, Y. (2019). L’émotimot LOL : Du mot-rire au « bonheur conversationnel ». https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02145771 Halté, P. (2018). Les émoticônes et des interjections dans le tchat. Lambert-Lucas. Morin, E. (2005). Introduction à la pensée complexe. Éditions du Seuil, DL 2005. Nathalie K Hayles. (2016). Lire et penser en milieux numériques : Attention, récits, technogenèse. UGA Éditions. Ochs, M., Ding, Y., Fourati, N., Chollet, M., Ravenet, B., Pecune, F., Glas, N., Prepin, K., Clavel, C., & Pelachaud, C. (2014). Vers des Agents Conversationnels Animés dotés d’émotions et d’attitudes sociales. Journal d’Interaction Personne-Système, 3(2), 1‑23. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01190028 Ochs, M., Sadek, D., & Pelachaud, C. (2007). Vers un modèle formel des émotions d’un agent rationnel dialoguant empathique. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00190915 Paveau, M.-A. (2017). L’analyse du discours numérique : Dictionnaire des formes et des pratiques. Hermann. <div>  <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title="">[1]</a> Simultanéité de l’écriture et la lecture </div> </div>