<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Face au discours écrit et au discours oral, le discours intérieur apparaît comme un laissé pour compte dans les investigations linguistiques. Le discours intérieur désigne tout type de production verbale psychique intériorisée, et est caractérisé par une double spécificité énonciative qui fait de lui un discours à part, qui semble s’extraire des normes discursives : d’abord, par le fait qu’énonciateur et destinataire représentent la même entité, d’autre part par le fait que le discours intérieur n’offre pas de corpus accessible à autrui, sinon au titre de reconstructions et représentations secondes. Ces deux spécificités font du discours intérieur un discours qui échappe à la norme, au sens de Dubois et al. : « Tout ce qui est d'usage commun et courant dans une communauté linguistique ; la norme correspond alors à l'institution sociale que constitue la langue. » (Dubois et al., 1973 : 342). Le discours intérieur n’étant par définition insaisissable, il ne peut être soumis à des phénomènes de normalisation par une institution, qu’elle soit une institution extérieure au langage ou encore une institution d’ordre langagière régie par des normes prescriptives (grammaire, morphosyntaxe, lexique…). L’analyse du discours intérieur ne peut se faire qu’à condition de renoncer à l’analyse directe de cet objet qui échappe par essence à l’observation. Il faut accepter les limites de ce projet d’analyse, et recourir à l’analyse des représentations extériorisées des productions intérieures. Dans cette perspective, les représentations littéraires du discours intérieur peuvent éclairer les phénomènes qui s’y passent dans et par le langage. </span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Dans l’œuvre de H. Broch (1945) <i>Der Tod des Vergil</i>, l’auteur fait le récit des dix-huit dernières heures de la vie du poète Virgile, qui se livre dans un monologue intérieur à la 3<sup>e</sup> personne du singulier à une méditation sur le rôle de l’art où se mêlent conversations, rêves, réalité et réminiscences. Dans cette œuvre<i> </i>se déploie un flot de parole intérieure continu qui s‘étend sur près de cinq cent pages tout en présentant un mode de textualisation particulièrement hors-normes, original et déroutant. Les phrases les plus longues s’étendent sur plus de huit pages et ne présentent aucune segmentation en paragraphes, ce qui rend la lecture et l’intelligibilité de ces passages très ardus. En l’absence de la norme typographique nécessaire au balisage cognitif de la lecture, ni l’unité phrastique, ni l’unité paragraphique ne semblent être des unités linguistiques pertinentes pour appréhender le discours endophasique. Il convient donc au lecteur de s’abstraire des normes habituelles du contrat de communication entre le lecteur et l’auteur que P. Charaudeau définit comme « la condition pour que les partenaires d’un acte de langage se comprennent un minimum et puissent interagir en co-construisant du sens » (Charaudeau 2002 : 138). Cette œuvre semble donc passer de toute norme linguistique et textuelle. </span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Nous verrons en quelle mesure le discours intérieur fait apparaître des phénomènes de textualisation hors-normes. Nous verrons d’abord que (1) si le caractère hors-normes est une caractéristique inhérente du discours endophasique, cette absence de normativité reste un enjeu fondamental (2) dont les conséquences apparaissent dans la réception de l’œuvre de Hermann Broch. Nous verrons enfin (3) de quelle manière l’auteur repousse les normes afin de pallier les éléments de textualisation du discours et comment ce discours parvient à « faire texte » (Adam 2015).</span></span></p>
<h3 style="text-align: justify;"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">1. Le discours intérieur : un discours qui échappe fondamentalement à la norme</span></span></h3>
<h4 style="text-align: justify;"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">1.1. Le discours endophasique: un discours longtemps marginalisé dans les champs de la linguistique</span></span></h4>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">La longue marginalisation de ce type de discours dans l’analyse des sciences du langage apparaît d’emblée dans la pluralité de ses dénominations : « parole intérieure », le nom plus savant « endophasie », « langage intérieur » ou encore « parole subvocalisée ». Le flou terminologique de ce phénomène est caractéristique de l’absence de l’intégration de ce sujet dans le champ scientifique, et révèle une relative absence de normativisation dans l’étude de ce type de discours. </span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">La question de la parole intérieure fait partie des premiers questionnements en philosophie, mais longtemps elle été perçue comme un phénomène extralinguistique. Le fait qu’une langue puisse être mentalisée est souvent mentionné comme universel linguistique, mais il s’agit ici d’une propriété qui dépasse celle du langage, pouvant concerner tout signal, musique ou bruit. Les premières investigations sur le discours intérieur réapparaissent à la fin du XXème siècle par le biais de la médecine, sous l’initiative de Broca et sa découverte de l’aire du langage articulé, prouvant également l’existence de la parole intérieure par l’étude de l’aphasie. En 1881, le philosophe Victor Egger publie la première monographie sur le discours endophasique <i>La parole intérieure.</i> Après les domaines de la philosophie et la linguistique clinique, c’est ensuite dans la littérature du XXème siècle que resurgit la question de l’endophasie, face à la crise du sujet. De nouvelles formes d’endophasie sont explorées, que ce soit par le biais de l’écriture automatique ou par le monologue intérieur. </span></span><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Sa prise en compte comme phénomène linguistique a longtemps été marginale, mais on voit réapparaître aujourd’hui l’intérêt pour cet objet d’études au sein des sciences du langage, que ce soit grâce à G. Bergounioux (2001, 2004), A. Rabatel (1998, 2001, 2021) ou encore S. Smadja (2021, 2022).</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Cette activité verbale continue est estimée par Bergounioux comme étant notre activité langagière principale au quotidien : « seize heures de fonctionnement endophasique (environ 60 000 secondes), à raison de dix phonèmes par seconde, c’est plus d’un demi-million de phonèmes par jour. Encore la parole intérieure, plus vive, plus syncopée, plus elliptique, doit-elle atteindre des valeurs sensiblement plus élevées » (Bergounioux 2004 : 23). Malgré la prédominance de ce type d’activité verbale, on constate pourtant au sein des études linguistiques que cet objet d’étude est pourtant largement marginalisé en sciences du langage. Lorsqu’il est mentionné, ce n’est que dans une description en négatif du discours professé : « Quant au discours non extériorisé, non prononcé, ce qu'on appelle le langage intérieur, ce n'est qu'un substitut elliptique et allusif du discours explicite et extériorisé. D'ailleurs, le dialogue soutient même le discours intérieur, comme l'ont démontré une série d'observations, de Peirce à Vygotski. » (Jakobson [1952], 32). Le discours intérieur est alors perçu seulement comme une forme inachevée du discours extériorisé. L’étude du discours intérieur peut néanmoins apporter des éclairages fondamentaux pour l’étude du langage en général, et constitue ce que G. Bergougnioux nomme « l’envers non formalisable du projet scientifique de la linguistique. » (2004 : 60).</span></span></p>
<h4 style="text-align: justify;"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">1.2. Un type de discours qui échappe à toute stéréotypisation</span></span></h4>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Depuis les premières descriptions du XIXème siècle, Le discours intérieur a été analysé comme un discours a-normal, qui, d’une part se distingue du discours verbalisé extériorisé oral ou écrit, et qui d’autre part échappe à toute tentative de stéréotypisation. En effet, comme l’explique S. Smadja (2021), il existe autant de formes de discours intérieurs qu’il n’existe de discours intérieurs. Afin de rendre compte de la diversité de ces formes, il convient davantage de recourir à une description scalaire variant entre les deux modèles principaux que sont la forme prédicative, et la forme en expansion.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Le modèle Vygotski-Egger semble encore la position dominante aujourd’hui. Ainsi dans le champ des sciences cognitives et de la psychologie, Alain Morin représente ainsi la syntaxe de la parole intérieure en 2012 : </span></span></p>
<p class="MsoQuote" style="text-align:justify; margin-top:11px; margin-right:57px; margin-bottom:11px; margin-left:57px"><q><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:#404040"> The semantic aspect of speech becomes most prominent as its syntactic and phonological dimensions move to the background. Unlike social speech, inner speech is predicative: it is syntactically compressed, condensed, and abbreviated. […] the predicative nature of inner speech explains why it is experienced as a series of fragmented units – not as a smooth sequence of fully developed verbal images. (Morin 2012 : 429)</span></span></span></q></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Cette conception de la parole endophasique comme étant réduite à sa dimension sémantique, au détriment de ses caractéristique syntaxiques et phonologiques, s’appuie ici implicitement sur la conception Vygotskienne d’une parole endophasique réduite à la prédication condensée et abrégée.</span></span></p>
<p style="text-indent:35.4pt; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">En parallèle, une autre conception s’élabore dans le champ de la psychologie anglo-saxonne, celle du postulat de l’existence de plusieurs modèles endophasiques, à savoir une forme syncopée et une forme en expansion (Fernyhough 2013 cité par S. Smadja (2021(b) : 15-16), reprise également par Gilles Philippe « le monologue sera conçu soit comme un flux ininterrompu et donnera lieu à un travail sur la phrase longue, soit comme un discours par bribes, et donnera lieu à un travail sur la phrase courte. » (Philippe 2009 : 103).</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Ainsi le discours intérieur est un discours hors-normes par excellence qui échappe à l’entreprise de formalisation. Dans <i>Der Tod des Vergil</i>, Hermann Broch représente le discours intérieur comme un phénomène continu comme une voix sous-jacente qui est constamment présente, qui se déploie dans un flux ininterrompu, s’étendant sur près de dix pages, sans interruption. Sur le plan syntaxique, la phrase Brochienne se déploie sous la forme d’une hyperhypotaxe, dans une expansion des subordonnées à droite de la phrase. </span></span><span style="font-size:12pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:"Calibri Light", sans-serif"><span style="color:#1f3763"><span style="font-weight:normal"> </span></span></span></span></span></p>
<h4 style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">1.3. La double contradiction inhérente au discours intérieur</span></span></strong></h4>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Le discours intérieur est un type de discours contradictoire, hors-normes sur le plan de la doxa logique. En effet la première contradiction endophasique apparaît dans l’impossible constitution de corpus de ce discours. Selon D. Bottineau, le langage intérieur fait partie des « phénomènes inobservables et expérimentalement instables » si bien que son analyse ne peut être réalisée qu’à condition de renoncer aux démarches expérimentales traditionnelles. Face à ce paradoxe, seule une modélisation du discours intérieur, simulée de manière extériorisée, à l’oral ou à l’écrit, est envisageable. Les œuvres de fiction qui prétendent rendre compte du discours intérieur offrent alors au linguiste une base d’étude non négligeable, puisqu’elles reposent nécessairement sur une conscience épilinguistique. Le discours intérieur littéraire s’appuie sur un rapport personnel à l’expérience endophasique comme fondements à la réalisation d’une stylisation littéraire de la parole endophasique. La démarche scientifique est limitée : on ne peut remonter de la représentation romanesque à réalité psychique. Cependant cette étude nous permet de voir comment une communauté culturelle a pu concevoir cette réalité psycholinguistique à un certain moment, tout en permettant de réaliser une enquête sur l’imaginaire linguistique de cette époque. C’est également la position de D. Cohn qui estime que la représentation du disc intérieur est une spécificité littéraire (1981). La représentation fictionnelle est une modélisation de la pensée intérieure représentée dans le roman, selon un ensemble de partis pris et procédés qui fondent sa cohérence. L’analyse en contexte littéraire nous permet ainsi d’étudier un ensemble de marqueurs significatifs d’ordre morpho-syntaxiques ou rythmiques qui vont permettre de faire reconnaître un énoncé comme relevant du discours intérieur.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">La deuxième contradiction du discours endophasique, qui en fait aussi un discours hors-normes, est l’absence supposée de l’allocuteur. L’absence d’allocuteur renforce la complexité de ce type de discours non-adressé ou auto-adressé, car pourquoi se parler à soi-même si l’on n’a rien à communiquer qui ne soit déjà su ? C’est justement cette particularité qui justifie l’étude du discours intérieur comme un discours atypique, qui ne reprend pas nécessairement les codes de l’oralité (conçu comme plus informel). Ce type de discours se déploie en dehors des normes communicationnelles. </span></span><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">En effet un moyen de lever cette contradiction est, pour reprendre G. Philippe (2001 : 97) la tension qui existe entre primat communicationnel et primat cognitif du langage. Pour l’appréhender, il convient de renoncer au primat communicationnel du langage, c’est-à-dire prendre en compte que la langue n’a pas nécessairement pour vocation première la communication. La fonction communicationnelle peut toutefois demeurer si le discours intérieur se développe sous la forme d’une dialogisation intérieure (à soi-même, à un autre, ou à personne mais comme si on parlait à un autre). Mais une deuxième fonction essentielle du discours intérieur est la fonction cognitive du langage. L’acte de nommer ou de prédiquer reste premier, ce qui témoigne qu’un processus mental qui viendrait avant la fonction communicative. </span></span><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">L’Endophasie, ou parole intérieure, concerne à la fois l’intimité et le rapport du sujet aux normes extérieures. Ce phénomène affecte ainsi également le procédé de textualisation en cours dans l’œuvre.</span></span></p>
<h3 style="text-align: justify;"><font face="Times New Roman, serif"><span style="font-size: 14.6667px;">2. Les enjeux de la complexité textuelle du discours intérieur chez H. Broch</span></font></h3>
<h4 style="text-align: justify;">2.1. <span style="font-family: "Times New Roman", serif; font-size: 11pt;">L'illisibilité du discours intérieur</span></h4>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Le discours littéraire se prévaut de ses qualités hors-normes. Comme l’explicite S. Bikialo, « Le discours littéraire est un discours hors-normes en puissance » (S. Bikialo, 2019 : 11). Le discours littéraire est censé renouveler et repousser les normes, ou se doit de recréer une nouvelle norme. L’objet même de l’œuvre littéraire est précisément le signifiant, la langue. Face aux discours de la norme c’est l’hétérogénéité qui domine. Les formes hors-normes servent alors de signal d’alarme sur les jougs de la normativité du langage.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Dans l’œuvre de H. Broch, <i>Der Tod des Vergil (dTdV </i>plus loin), la complexité de l’œuvre fait apparaître des phénomènes hors-normes qui conduisent à l’illisibilité. Le plus long paragraphe de l’œuvre (12 pages en allemand) contient différents épisodes narratifs, descriptifs ainsi que des dialogues. Il se déploie dans l’absence de « ponctuation blanche » (Favriaud 2011) en un seul paragraphe sans alinéa. Cette forme correspond à vision du discours intérieur comme parole dépourvue d’allocuteur, qui s’effectue en bloc sans préoccupation des recoupages en blocs de sens qui seraient nécessaires dans le cadre du contrat de communication. La réalité psychologique du paragraphe est affirmée depuis 1969 par Koen, Becker et Young, qui parviennent à démontrer dans leurs travaux empiriques que la segmentation en paragraphes facilite la lecture et permet de regrouper des ensembles et unités de sens pour faciliter le travail de mémorisation et pour accéder plus facilement à l’organisation topique du texte. La ponctuation et les marqueurs de segmentation d’un texte sont souvent envisagées, avant les fonctions esthétiques du texte (rythmiques, stylistiques…) comme ayant une fonction normative liée à la clarté du discours, à son organisation, à sa hiérarchisation, son ordonnancement. Elles correspondent à la fonction normative du langage. Toute présence de ponctuation témoigne d’une internalisation des normes.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Chez Broch en revanche, la complexité textuelle est renforcée par une « hyper-cohésion ». J’entends par <i>hyper-cohésion</i> la surreprésentation des marques de cohésion dans une syntaxe phrastique pourtant cohérente, mais produisant l’effet inverse : une absence de segmentation du texte qui s’élabore dans un continuum infini qui entrave la lisibilité du texte. La mauvaise réception de cette œuvre dans la sphère germanique s’explique en partie en raison du style hermétique de l’œuvre, de la longueur et de la complexité des phrases. Plusieurs études se sont attelées à mesurer la lisibilité d’un texte en fonction de la longueur des mots, du nombre de mots et de la complexité des phrases en allemand (Klare 1963 ; Groeben 1978) : évaluent la compréhension d’une phrase allemande à une moyenne de 25 à 29 mots pour un texte de spécialité, alors que les phrases les plus longues chez H. Broch contiennent près de 540 mots par phrase. Cette absence de segmentation, d’espaces et « ponctuation blanche » remet ainsi en question l’échelle de l’unité textuelle pertinente pour aborder l’analyse du discours intérieur.</span></span></p>
<h4 style="text-align: justify;"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">2.2. L'influence de la complexité normative sur la réception de l'oeuvre </span></span></h4>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">La publication de l’œuvre originale en 1945 a souffert d’une très mauvaise réception dans la sphère germanique en raison de son style jugé trop hermétique : Paul Goodman, spécialiste du roman anglais, définit <i>Der Tod des Vergil</i> comme « une logorrhée qui dissimulait mal le vide de la pensée » (cité par Bier, 1974 : 241). La très grande complexité de la lisibilité a également renforcé le sentiment hors-normes de l’œuvre, dont son classement générique n’est, jusqu’à aujourd’hui, toujours pas stabilisé, oscillant entre le classement en tant que poésie ou que roman. </span></span></p>
<p style="text-align:justify">Les effets de l’absence de segmentation textuelle et de l’hyper-cohésion sont également visibles notamment dans l’étude des traductions de cette œuvre, par l’ajout de marques de segmentation typographiques, comme le montre la figure suivante :</p>
<p style="text-align:justify"><img height="438" src="https://www.numerev.com/img/ck_2801_28_image.png" width="571" /></p>
<p class="MsoCaption" style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="color:#44546a"><span style="font-style:italic"><span style="font-style:normal">Figure 1 : fin de paragraphe signifié par un astérisque dans l’édition française</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Tandis que le paragraphe le plus long est séparé dans l’édition allemande par un simple alinéa (sans saut de ligne), l’édition française de <em>La Mort de Virgile</em> (lmdV) quant à elle présente un saut de lignes et une démarcation par un astérisque avant le texte. Il s’agit ici d’une forte modification par rapport à l’original, d’un changement majeur qui affecte toute la lecture de l’œuvre. L’édition traduite française fait ainsi le choix d’aérer visuellement l’œuvre, permettant ainsi de faciliter la lecture du texte, modifiant ainsi la réception de l’œuvre et l’expérience immersive de lecture. Cette recomposition éditoriale dans la version française qui a pour volonté de pallier cette hyper-cohésion, témoigne de ce fait la difficulté d’appréhender ce texte qui s’affranchit de tout balisage textuel et des normes textuelles traditionnelles. </span></span><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Si la textualité paraphrastique n’est pas ici visuelle, elle repose en revanche sur des phénomènes d’écoute.</span></span></p>
<h3 style="text-align: justify;"><font face="Times New Roman, serif"><span style="font-size: 14.6667px;">3. Une textualité rythmique pour repousser les normes du langage</span></font></h3>
<p><span style="font-size:11.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Le discours endophasique possède une textualité qui repose sur des phénomènes d’écoute du langage et conduisent à une sémantique du rythme (Meschonnic 1982 :210) qui prime sur le mot. La complexité voire l’illisibilité de l’œuvre sont des signaux d’alerte métalinguistiques qui indiquent que le langage ne permet plus de dire le réel. L’auteur cherche dans cette représentation de parole intérieure à repousser les limites du langage humain, ce qui dans <i>Der Tod des Vergil</i> va être mis en exergue par l’utilisation de certains phénomènes morphosyntaxiques qui dérogent à la norme.</span></span></p>
<h4><span style="font-size:11.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">3.1. L'attaque rhématique comme moule rythmique</span></span></h4>
<p><span style="font-size:11.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">L’attaque rhématique est une forme de topicalisation sur-représentée dans <i>Der Tod des Vergil</i> qui conduit à une rythmique particulière. Ce choix de linéarisation met en exergue le prédicat (le rhème) avant le sujet de la phrase, comme dans la phrase « bleu est le ciel », par exemple. Selon la dynamique communicationnelle (Firbas, 1964), l’énoncé affirmatif non‑marqué s’ouvre habituellement sur l’élément connu et le moins informatif d’un énoncé, le thème, et se clôt par le constituant qui véhicule l’information nouvelle la plus essentielle, le rhème. En allemand, l’attaque rhématique est un type de topicalisation qui construit une linéarisation marquée (Schanen et Confais, 1989 : 923) dans laquelle la première position de l’énoncé est occupée par l’unité la plus dynamique, qui porte l’accent contrastif de la phrase. Bien que la structure syntaxique allemande accepte tout type d’éléments situés dans le <i>Vorfeld</i>, qu’ils soient thématiques ou rhématiques,<b> </b>sans que l’interprétation de l’énoncé n’en soit affectée, le placement de constituants rhématiques en attaque d’énoncé témoigne en revanche d’une linéarisation qui s’accompagne d’une accentuation et qui est un renversement de la linéarisation neutre. Dans l’œuvre de Hermann Broch, l’omniprésence de ce moule syntaxique combinée à la répétition de mêmes attaques rhématiques conduisent à une focalisation de cette topicalisation.</span></span></p>
<p class="MsoQuote" style="text-align:justify; margin-top:11px; margin-right:57px; margin-bottom:11px; margin-left:57px"><q><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:#404040"><span class="CitationCar" style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:#404040"><b>(1a)</b></span></span><b> Leiser</b> rieselten die Gewässer, <b>leiser</b> die Brunnen, <b>und sehr leise</b> flüsterte es in seiner Seele, in seinem Herzen, in seinem Atem, <b>sehr leise </b>flüsterte es in ihm und aus ihm: «Ich liebe dich.»-«Ich liebe dich», kam es so unhörbar zurück, als sei es bloß ein stummer Druck ihrer Hände. (DTdV: 279) [mise en forme par K.D]</span></span></span></q></p>
<p class="MsoQuote" style="text-align:justify; margin-top:11px; margin-right:57px; margin-bottom:11px; margin-left:57px"><q><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:#404040"><span class="CitationCar" style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:#404040"><b>(1b) Plus silencieusement</b></span></span><span class="CitationCar" style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:#404040"> ruisselaient les eaux, </span></span><span class="CitationCar" style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:#404040"><b>plus silencieusement</b></span></span><span class="CitationCar" style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:#404040"> les fontaines, et </span></span><span class="CitationCar" style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:#404040"><b>très silencieusement</b></span></span><span class="CitationCar" style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:#404040"> un murmure s’éleva dans son cœur, dans</span></span> son souffle, <b>très </b><span class="CitationCar" style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:#404040"><b>silencieusement</b></span></span> un murmure s’éleva en lui et s’échappa de lui : « Je t’aime. – Je t’aime », lui fut-il répondu, réponse inaudible, comme si elle n’était qu’une pression muette de leurs mains. <a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span lang="DE" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Calibri",sans-serif"><span style="color:#404040">[1]</span></span></span></span></span></a></span></span></span></q></p>
<div>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">En (1a), la répétition des adverbes « <i>leiser</i> » placés en attaque rhématique créent un rythme binaire, amplifié par la variation par l’adjonction d’un intensif « <i>sehr leise</i> ». Sur le plan sémantique, on constate ici que la triplication de l’adjectif au degré 1 signifiant « plus silencieusement » est ici, contrairement à sa signification, martelé, et mis en position saillante en attaque rhématique, créant ainsi une figure sonore contradictoire. La répétition conduit à un rythme musical, porté d’une part par l’accent de phrase sur « leiser », et d’autre part par la triplication, qui, comme l’a développé le Groupe Mu, est un seuil à partir duquel la répétition peut se faire rythme (Groupe µ, 1977). En effet, le rythme naît à la fois de la répétition et de l’attente de cet élément répété, une attente qui devient « une anticipation rythmique » (Groupe µ, 1977:149-150). A partir du triolet, le son prend le pas sur l’intellection. Ce phénomène est mis en exergue par la topicalisation qui met en exergue un élément fondamental du discours intérieur : les « subjectivèmes » (Kerbrat‑Orecchioni, 1999 : 99). En effet, selon G. Bergougnioux, le discours intérieur n’a pas seulement pour vocation de nommer ou dénommer : « l’usage de la langue est moins requis pour dire le monde qu’elle n’est la façon de le produire » (2004 : 148-149). S’il y a certes une forme de déterminisme linguistique dans notre représentation du monde, le langage participe également à l’expérience perceptive du monde. </span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Par le moule syntaxique et rythmique choisi en allemand par H. Broch pour caractériser l’endophasie, il fait advenir en première position le prédicat, soit des éléments perceptifs, au comparatif, ce qui renforce encore l’expression de la subjectivité de l’énonciateur, puisqu’il nous fait parvenir un point de vue subjectif de la source énonciative Virgile qui prend en charge la description. L’omniprésence de ces attaques rhématiques crée une régularité rythmique qui parvient à une structuration rythmique du paragraphe.</span></span></p>
<h4 style="text-align: justify;"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">3.2. Création d'un idiolecte intérieur qui repose sur des phénomènes de répétition</span></span></h4>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Dans cette œuvre qui comporte une très forte cohésion, la répétition joue un rôle de liage micro-textuel et méso-textuel. On peut qualifier de « répétition réticulaire » (Prak-Derrington 2021) l’ensemble des répétitions phonétiques, lexicales ou syntaxiques qui assurent la cohésion de l’œuvre, car la répétition fonctionne comme une seule macro-figure et non comme plusieurs figures isolées. Selon E. Prak‑Derrington (2021 : 137-170), la répétition organise le discours en unités sonores et produit une cohésion rythmique. La répétition d’un lexème, qu’elle soit sémantique ou non, remotive la texture sonore du signifiant. La création lexicale en allemand, par le jeu des répétitions et de la composition lexicale crée un réseau de répétition qui va assurer une cohésion textuelle. C’est le cas par exemple du mot « <em>nackt</em> » (« nu »), qui réapparaît dans l’œuvre à près de 89 reprises :</span></span></p>
<p class="MsoQuote" style="text-align:justify; margin-top:11px; margin-right:57px; margin-bottom:11px; margin-left:57px"><q><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:#404040">(2a)„<u>Nackt</u> ist das Menschliche, wo immer es durchbricht, <u>nackt</u> ist sein Anfang und Ende, und auf <u>nacktwunder</u> Haut scheuern die Fesseln der Pflicht; doch <u>nackt</u> ist selbst der Titan, <u>Nacktheit</u> sein Heldenmut, und tritt er dem Vater entgegen, es geschieht ohne Hülle und Wehr, <u>nacktbrennend</u> sind seine Hände, in denen zur Erde hernieder das entrissene Feuer er trägt.» (dTdV : 252)</span></span></span></q></p>
<p class="MsoQuote" style="text-align:justify; margin-top:11px; margin-right:57px; margin-bottom:11px; margin-left:57px"><q><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:#404040">(2b) « L’humanité est <u>nue</u>, en quelque lieu qu’elle émerge, <u>nus</u> son commencement et sa fin, et les chaînes du devoir écorchent la peau <u>nue</u> et blessée ; mais <u>nu</u> est le Titan lui-même, <u>nudité</u> son héroïsme ; et quand il affronte son père, il le fait sans bouclier ni défense, <u>nues</u> et brûlantes sont les mains dans lesquelles il fait descendre sur terre le feu arraché. » (lmdV: 335)</span></span></span></q></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">En (2a), les six répétitions du lexème « <i><u>nackt</u></i> » construisent ce passage en unité sonore, dans laquelle la rythmique prend le pas sur le sens. Ici encore les éléments répétés sont insérés en position saillante en attaque rhématique. Cette répétition crée une macro-figure qui se déploie dans toute l’œuvre, conduisant à des formes de composition lexicales ad hoc dont le sens est assez flou comme « <i><u>nackwund</u></i> » ou « <i><u>nacktbrennend</u></i> » à comprendre comme des composés parataxiques. Cette macro-figure réapparaît une trentaine de pages plus loin, dans deux composés ad-hoc dont la lecture semble encore une fois incertaine (3) <i>« in der unmittelbaren <u>Wirklichkeitsnacktheit</u> des Geschehens gab es kein [...] </i><i>Überlegen, und in nämlicher <u>nackt-durchsichtiger</u> Unmittelbarkeit drängte Plotia (dTdV : 283)</i><a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup><span style="font-size:11.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">[1]</span></span></sup></sup></a>“. L’auteur joue ici avec les normes de la langue, utilisant la facilité de la langue allemande à créer des composés lexicaux, sans pour autant en expliciter le sens. Les difficultés de lecture de cet idiolecte hors-normes est levé par l’endophasie. En effet, comme explicité précédemment (1.2.), un modèle très influent et pourtant incomplet de représentation de discours intérieur est le modèle Vygotski-Egger représentant l’endophasie sous une forme condensée et abrégée, par une syntaxe prédicative. Ce modèle correspond à la représentation de parole intérieure qu’en fait Hermann Broch par son utilisation de la composition lexicale qui fait apparaître des composés de type parataxique (<i>nackt-durchsichtig</i>), c’est-à-dire des composés dans lesquels les deux éléments du mot n’ont pas de rapport de détermination entre eux, soit un type de composé pourtant largement minoritaire dans la langue allemande face aux composés lexicaux hypotaxiques. L’économie de langage de la composition s’adapte particulièrement bien au discours endophasique puisqu’elle permet d’exprimer une concentration de sensations. Ces composés créent des phénomènes de « condensation endophasique » (Smadja 2021 : 584), soit des processus de condensation d’expériences sensorielles, mémorielles ou émotionnelles. Il parvient également à simuler la rapidité du discours intérieur, par l’évocation de la collocation lexicale „<i>die nackte Wirklichkeit</i>“ subsumée dans le composé „<i>Wirklichkeitsnacktheit</i>“. Ces composés résument en un mot des phénomènes vécus, ou renvoient à ce qu’on a dit avant, sans devoir le répéter. Ainsi dans la phrase (4) „<i>es stanken die sterbenden <u>Nacktgreise</u> in den schwarzen Kerkerkammern<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><b><span style="font-size:11.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">[2]</span></span></b></span></span></a></i>“ (dTdV : 396), le composé est une forme d’auto-dialogisme, reprenant la description d’un vieillard nu issue du début de l’œuvre. Ce composé qui est à comprendre comme un substantif et son adjectif, fait écho au souvenir de la vue des misères de la rue, et consacre simultanément le personnage en figure allégorique de la pauvreté. La plasticité de la langue allemande et sa capacité à créer des lexèmes composés est utilisée à des fins textuelles. Les répétitions lexicales dont les variations successives permettent de créer un réseau, font émerger une nouvelle sémantique des lexèmes, et renforcent la cohésion du discours. Cette cohésion rythmique de la répétition qui est une cohésion sonore et perceptive est en adéquation avec une représentation sonore de l’endophasie, de la voix intérieure qui résonne en nous. La tension qui existe entre normes de productions langagières et la forme anormale du discours dans <i>Der Tod des Vergil</i> de Hermann Broch est ainsi levée par l’endophasie, qui reconstruit une norme qui est celle d’une matérialité sonore, et non d’une matérialité textuelle visuelle.</span></span></p>
<h3 style="text-align: justify;"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Conclusion</span></span></h3>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">L’endophasie est par définition un discours hors-normes à la fois en tant qu’objet d’étude longtemps marginalisé dans les champs de la linguistique, mais également en tant que type de discours dont l’analyse même nécessite d’abandonner toute ambition normative. L’étude du discours intérieur nécessite d’élaborer des outils scientifiques qui s’écartent du cadre méthodologique traditionnel de l’analyse du discours communicationnel oral et/ou écrit. Face à ce discours insaisissable pour autrui comme pour soi-même, il convient d’accepter qu’il ne puisse y avoir qu’un accès indirect à ce type discours, et que l’étude de ses représentations est à considérer comme objet d’analyse légitime. Au-delà, l’étude du discours intérieur permet de mettre en relief l’absence de normes qui régissent l’envers du langage. </span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Si le refus de la norme est une propriété habituellement valorisée de l’œuvre littéraire, la représentation endophasique qu’élabore H. Broch dans <i>Der Tod des Vergil</i>, témoigne des difficultés de lisibilité de ce type de discours, par la remise en question des conventions textuelles et morphosyntaxiques. Face à l’absence de « ponctuation blanche » et de segmentation paragraphique, il convient au lecteur de placer les normes ailleurs. Ni le paragraphe, ni la phrase semblent ainsi les unités linguistiques pertinentes pour l’analyse de l’endophasie, qui n’est pas organisée autour de normes visuelles, mais autour de phénomènes d’écoute (polyphonie, rythme, souffle). Le discours intérieur est ainsi une représentation de la genèse de la pensée sous la forme d’une voix intérieure qui se parle et qui s’écoute.</span></span></p>
<h3 style="text-align: justify;"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Bibliographie</span></span></h3>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Adam, J.-M. (Ed.). (2015). <i>Faire texte: frontières textuelles et opérations de textualisation</i>, Besançon, France: Presses universitaires de Franche-Comté.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Adam, J.-M. (2018). <i>Le paragraphe: entre phrases et texte</i>, Malakoff, France: Armand Colin.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Bergounioux, G. (2001). Esquisse d’une histoire négative de l’endophasie. <i>Langue française</i>, 132(1), 3–25.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Bergounioux, G. (2004). <i>Le moyen de parler</i>, Lagrasse (Aude): Verdier.</span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Bergounioux, G. (2022). La parole intérieure en littérature. Dujardin entre psychologie et symbolisme. <i>SHS Web of Conferences</i>, 138, 05005. </span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Broch, H. (1990). <i>La Mort de Virgile</i>. </span><span lang="DE" style="font-size:12.0pt">(A. Kohn, Trans.), Paris: Gallimard.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span lang="DE" style="font-size:12.0pt">Broch, H. [</span><span style="font-size:12.0pt">1945</span><span lang="DE" style="font-size:12.0pt">]. <i>Der Tod des Vergil</i>. </span><span style="font-size:12.0pt">(P. M. Lützeler, Ed.), Francfort-sur-le-Main: Suhrkamp, 2007. </span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Charaudeau, P., Maingueneau, D., & Adam, J.-M. (2002). <i>Dictionnaire d’analyse du discours</i>, Paris: Seuil.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Cohn, D. C. (1981). <i>La transparence intérieure: modes de représentation de la vie psychique dans le roman</i>, Paris: Éditions du Seuil.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="background:#fdfdfd"><span style="font-family:"Calibri",sans-serif"><span style="color:#383838">Dubois, J., Marcellesi, J-B., Méyel, J-P. et al. (1973). </span></span></span><i style="font-variant-ligatures:normal; font-variant-caps:normal; orphans:2; text-align:start; widows:2; -webkit-text-stroke-width:0px; text-decoration-thickness:initial; text-decoration-style:initial; text-decoration-color:initial; word-spacing:0px">Dictionnaire de linguistique</i><span style="font-variant-ligatures:normal; text-align:start; -webkit-text-stroke-width:0px"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="orphans:2"><span style="widows:2"><span style="text-decoration-thickness:initial"><span style="text-decoration-style:initial"><span style="text-decoration-color:initial"><span style="float:none"><span style="word-spacing:0px">. Paris : Larousse.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Dubois, J., & Groupe Mu. (1977). <i>Rhétorique de la poésie: lecture linéaire, lecture tabulaire</i>, Bruxelles, Belgique: Éd. Complexe.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Favriaud, M. (2004). Quelques éléments d’une théorie de la ponctuation blanche -par la poésie contemporaine. <i>L’information grammaticale</i>, 102(1), 18–23.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span lang="EN-US" style="font-size:12.0pt">Firbas, J. (1964). On defining the theme in functional sentence analysis, <i>Travaux linguistiques de Prague </i>(1), 267–280.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Jakobson, R., [1952]. <i>Essais de linguistique générale</i>, Paris, France: Editions de Minuit, 1963.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Kerbrat-Orecchioni, C. (1999). <i>L’énonciation: de la subjectivité dans le langage</i>, 4e édition., Paris: Armand Colin.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Meschonnic, H. (1982). Qu’entendez-vous par oralité? <i>Langue française</i>, 56(1), 6–23.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Morin, A. (2012). Inner Speech. In <i>Encyclopedia of Human Behavior</i>. doi:<a href="https://doi.org/10.1016/B978-0-12-375000-6.00206-8" style="color:#0563c1; text-decoration:underline">10.1016/B978-0-12-375000-6.00206-8</a></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Prak-Derrington, E. (2018). Unités de sens, unités de son : les figures rythmiques de la répétition. In M. Monte, S. Thonnerieux, & P. Wahl, eds., <i>Stylistique et méthode. Quels paliers de pertinence textuels ?</i>, Presses Universitaires de Lyon, 207–221.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Prak-Derrington, E. (2020). La répétition figurale. Une signifiance incarnée. In V. Magri & P. Wahl, eds., <i>Répétition et signifiance. L’invention poétique</i>, Lambert-Lucas, 29–47.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Prak-Derrington, E. (2021). <i>Magies de la répétition</i>. <i>Magies de la répétition</i>, Lyon: ENS Éditions. </span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Philippe, G. (1997). <i>Le discours en soi: la représentation du discours intérieur dans les romans de Sartre</i>, Paris, France: H. Champion.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Rabatel, A. (2001). Les représentations de la parole intérieure: Monologue intérieur, discours direct et indirect libres, point de vue. <i>Langue française</i>, (132), 72–95.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Rabatel, A. (2009). <i>Homo narrans: pour une analyse énonciative et interactionnelle du récit</i>, Limoges: Lambert-Lucas.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Rabatel, A. (2021). Discours direct libre et parole intérieure. <i>Pratiques. Linguistique, littérature, didactique</i>, (191–192). doi:<a href="https://doi.org/10.4000/pratiques.10832" style="color:#0563c1; text-decoration:underline">10.4000/pratiques.10832</a></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Schanen, F., & Confais, J.-P. (1989). <i>Grammaire de l’allemand: formes et fonctions</i>, Paris: A. Colin.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="background:#fdfdfd"><span style="color:black">Siouffi, G., & Steuckardt, A. (éds). (2007). </span></span><i style="font-variant-ligatures:normal; font-variant-caps:normal; orphans:2; text-align:start; widows:2; -webkit-text-stroke-width:0px; text-decoration-thickness:initial; text-decoration-style:initial; text-decoration-color:initial; word-spacing:0px">Les linguistes et la norme</i><span style="font-variant-ligatures:normal; text-align:start; -webkit-text-stroke-width:0px"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="orphans:2"><span style="widows:2"><span style="text-decoration-thickness:initial"><span style="text-decoration-style:initial"><span style="text-decoration-color:initial"><span style="float:none"><span style="word-spacing:0px">. Berne : Peter Lang</span></span></span></span></span></span></span></span></span><span style="background:#fdfdfd"><span style="font-family:"Calibri",sans-serif"><span style="color:#383838">.</span></span></span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif">Smadja, S. (2021a). <i>La parole intérieure: qu’est-ce que se parler veut dire ?</i>, Paris: Hermann.</span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Smadja, S. (2021b). <i>Pour une grammaire endophasique: un moi locuteur-auditeur</i>, Vol.I, Paris: Hermann.</span></span></span></p>
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:12.0pt">Smadja, S. (2021c). <i>Pour une grammaire endophasique: une syntaxe, une sémantique et une prosodie de la conscience</i>, Vol. </span><span lang="EN-US" style="font-size:12.0pt">II, Paris: Hermann.</span></span></span></p>
<p><span lang="EN-US" style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Vygotski, L. S., Piaget, J., Sève, F., Clot, Y. P., & Sève, L. P. (2013). </span></span><i><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Pensée et langage</span></span></i><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">, Paris: La Dispute.</span></span></p>
<p> </p>
<p> </p>
<p> </p>
<div>
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<div id="ftn1">
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">[1]</span></span></span></span></a> <span style="font-size:10.0pt">« dans la <u>nudité</u> de l’événement, dans sa réalité immédiate, il n’y a pas de place pour une réflexion [...], et avec la même <u>nudité transparente</u> et immédiate, Plotia le pressait. » (LmdV :374)</span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-indent:1cm; text-align:justify"> </p>
</div>
<div id="ftn2">
<p align="left" style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">[2]</span></span></span></span></a> <span style="font-size:10.0pt">« les vieillards nus, en train de mourir, puaient dans l’obscurité des cachots qui leur servaient de chambre. » (LmdV :382)</span></span></span></p>
</div>
</div>
<p> </p>
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<div id="ftn1">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-indent:1cm"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Calibri",sans-serif">[1]</span></span></a> Traduction littérale par KD adaptée à partir de la traduction française de Albert Kohn qui ne présente pas la même structure rythmique : « Le ruissellement des eaux, le ruissellement des fontaines se faisait plus léger, et très léger un murmure s’éleva dans son âme, dans son cœur, très léger un murmure s’éleva en lui et s’échappa de lui[…] » (LmdV: 370)</span></span></p>
</div>
</div>
<p> </p>