<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>Recorded in two sessions in August 1976 in Jean Tortel&rsquo;s Avignon property, his interviews with Joseph Guglielmi assisted by Liliane Giraudon, form after editing a series of ten programmes of 25 minutes each, broadcast daily on France Culture at twelve o&rsquo;clock midnight, from 25 October to 5 November 1976. Alternating exchanges and readings that should &ndash; according to its producer &ndash; allow to &ldquo;revenir sur pas mal de choses autour de la &lsquo;po&eacute;sie&rsquo;&rdquo;, and more specifically on Tortel&rsquo;s &ldquo;po&eacute;sie ou po&eacute;tique&rdquo;. The series is examined in its desultory aspect, as an &ldquo;assez satisfaisant brouillon de ce qui aurait pu &ecirc;tre dit&rdquo; as Tortel himself puts it, as well as in its implicit bias that indirectly turns it into poetic art or even into an oblique manifesto.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>poetry, radio interviews, France Culture, Jean Tortel</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>L&rsquo;histoire commence en juin 1976, quand Jean Tortel consigne dans son journal &agrave; la date du jeudi&nbsp;3 de ce mois&nbsp;: &laquo;&nbsp;Lettre de Jo&nbsp;; confirme&nbsp;: sera &agrave; Saint R&eacute;my pour la journ&eacute;e Orange Export que L. organise. Il doit &eacute;galement (&agrave; la demande de Veinstein) me faire cinq entretiens pendant le festival&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;&raquo;. Tout commence donc par une lettre&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a> unissant en un r&eacute;seau litt&eacute;raire et amical Jean Tortel (le destinataire), Joseph Guglielmi (Jo, l&rsquo;&eacute;pistolier), Liliane Giraudon (L.), Emmanuel Hocquard et Raquel Levy (les fondateurs de la petite maison d&rsquo;&eacute;dition Orange Export Ltd.) et Alain Veinstein &ndash; qui n&rsquo;est pas encore le producteur et l&rsquo;animateur des <em>Nuits magn&eacute;tiques</em> mais qui a d&eacute;j&agrave; quitt&eacute; la t&eacute;l&eacute;vision pour la radio o&ugrave;, int&eacute;gr&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;quipe d&rsquo;Yves Jaigu, il contribue depuis 1975 &agrave; &eacute;laborer une nouvelle grille de programmes&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. S&rsquo;y amorce surtout un projet&nbsp;: enregistrer pour France Culture cinq entretiens, cinq &eacute;missions de 25 minutes chacune, qui, selon Guglielmi, &laquo;&nbsp;permettrai[en]t de revenir sur pas mal de choses autour de la &ldquo;po&eacute;sie&rdquo;&nbsp;&raquo; et, plus pr&eacute;cis&eacute;ment, de la &laquo;&nbsp;po&eacute;sie ou po&eacute;tique&nbsp;&raquo; de Tortel lui-m&ecirc;me sans demander un gros travail de pr&eacute;paration, puisque, de l&rsquo;avis de l&rsquo;&eacute;pistolier, &laquo;&nbsp;il suffit de trouver quelques bonnes questions, mais on se conna&icirc;t bien&hellip; ce sera facile&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Une nouvelle lettre, du 20 juillet 1976, propose comme base de r&eacute;flexion un sch&eacute;ma en cinq temps que Tortel est laiss&eacute; libre de modifier&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">1&deg; les premi&egrave;res ann&eacute;es d&rsquo;&eacute;criture</p> <p style="text-align: justify;">2&deg; <em>Les Cahiers du Sud</em></p> <p style="text-align: justify;">3&deg; l&rsquo;essayiste</p> <p style="text-align: justify;">4&deg; apr&egrave;s <em>Les Villes ouvertes</em></p> <p style="text-align: justify;">5&deg; actualit&eacute; de Jean Tortel</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Soit un sch&eacute;ma grossi&egrave;rement chronologique discr&egrave;tement perturb&eacute; toutefois par le d&eacute;sir de traiter &agrave; part la production critique de Tortel qui conduit &agrave; introduire une rubrique sur &laquo;&nbsp;l&rsquo;essayiste&nbsp;&raquo; de nature plut&ocirc;t th&eacute;matique ou g&eacute;n&eacute;rique puisque les essais de Tortel sont difficilement assignables &agrave; une p&eacute;riode (ni ann&eacute;es <em>Cahiers du Sud</em> ni p&eacute;riode pr&eacute; ou post <em>Villes ouvertes</em>).</p> <p style="text-align: justify;">Comme pr&eacute;vu, l&rsquo;enregistrement, qualifi&eacute; par Tortel de &laquo;&nbsp;mi-improvis&eacute;, mi-calcul&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;&raquo;, se fait dans l&rsquo;&eacute;t&eacute; aux Jardins, cette propri&eacute;t&eacute; sise dans la banlieue d&rsquo;Avignon, 55 chemin des Jardins-neufs, o&ugrave; se sont si souvent retrouv&eacute;s les amis de l&rsquo;&eacute;crivain. Deux s&eacute;ances en tout, conduites par Joseph Guglielmi assist&eacute; de Liliane Giraudon. La premi&egrave;re, que Tortel &eacute;value &agrave; &laquo;&nbsp;trois heures ou plus&nbsp;&raquo;, a lieu le mardi&nbsp;3 ao&ucirc;t lors d&rsquo;une r&eacute;union &laquo;&nbsp;joyeuse&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>&nbsp;&raquo;. La seconde, r&eacute;sum&eacute;e en quelques mots, &laquo;&nbsp;<em>Cahiers du Sud</em>, textes lus, Sc&egrave;ve, etc.&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>&nbsp;&raquo;, se tient le jeudi&nbsp;5 du m&ecirc;me mois. Il en r&eacute;sulte apr&egrave;s montage une s&eacute;rie de dix &eacute;missions (au lieu des cinq initialement pr&eacute;vues), d&rsquo;environ 25 minutes chacune, diffus&eacute;es quotidiennement &agrave; minuit, du lundi 25 octobre au vendredi 5 novembre de cette ann&eacute;e 1976, avec une interruption le week-end.</p> <p style="text-align: justify;">Quand Alain Veinstein lui propose de r&eacute;aliser une s&eacute;rie d&rsquo;entretiens avec Jean Tortel, Joseph Guglielmi est depuis plus de dix ans un ami du po&egrave;te. &Eacute;crivain, il a publi&eacute; cinq livres de po&egrave;mes, plaquettes comme <em>Ville ouverte</em> en 1958 et <em>Pour commencer</em> en 1975, ou recueils plus amples tel <em>Aube</em>, paru en 1968 aux &eacute;ditions du Seuil, dans la collection &laquo;&nbsp;&Eacute;crire&nbsp;&raquo; que dirigeait Jean Cayrol. Homme de revue, il a contribu&eacute;, de 1962 &agrave; 1966, aux <em>Cahiers du Sud</em> de Jean Ballard o&ugrave; il a c&ocirc;toy&eacute; Tortel, puis s&rsquo;est lanc&eacute; dans l&rsquo;aventure de <em>Manteia</em>, qu&rsquo;il a cofond&eacute;e en 1967 avec d&rsquo;autres anciens collaborateurs des <em>Cahiers</em>, G&eacute;rard Arseguel, Jean Todrani, Jean-Jacques Viton, avant de se s&eacute;parer du groupe en 1969. Dans les ann&eacute;es soixante-dix, il contribue &agrave; nouveau &agrave; <em>Action po&eacute;tique</em> la revue qu&rsquo;avaient cr&eacute;&eacute;e &agrave; Marseille en 1950 Jean Malrieu et G&eacute;rald Neveu, et qui, devenue parisienne, est depuis 1958 dirig&eacute;e par Henri Deluy. Il intervient dans les pages de <em>Change</em>. Il est proche d&rsquo;Emmanuel Hocquard et de Raquel, proche du groupe amical qui s&rsquo;est form&eacute; dans l&rsquo;atelier de Malakoff o&ugrave; se retrouvent notamment Pascal Quignard et Alain Veinstein. En tant qu&rsquo;interviewer, il n&rsquo;est pas tout &agrave; fait novice puisqu&rsquo;il a, en janvier 1975, r&eacute;alis&eacute; pour France Culture un entretien avec Edmond Jab&egrave;s et, en mai 1976, il s&rsquo;est, pour France Culture encore, entretenu avec Jacques Roubaud&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">S&rsquo;il est le producteur de la s&eacute;rie et le principal interlocuteur du po&egrave;te invit&eacute;, Guglielmi n&rsquo;est toutefois pas le seul. Le dialogue se trouve en effet enrichi par la pr&eacute;sence active de Liliane Giraudon, qui elle aussi, parfois, commente et questionne. Elle n&rsquo;est pas encore &agrave; cette &eacute;poque de sa vie l&rsquo;&eacute;crivain qu&rsquo;elle est devenue par la suite, m&ecirc;me si elle est d&eacute;j&agrave; engag&eacute;e dans un processus, encore t&acirc;tonnant, d&rsquo;&eacute;criture&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>. Elle a soutenu, en mars 1976, &agrave; l&rsquo;universit&eacute; d&rsquo;Aix-en-Provence, une th&egrave;se de troisi&egrave;me cycle&nbsp;: &laquo;&nbsp;Espaces et d&eacute;placements corporels dans l&rsquo;&eacute;criture de Jean Tortel&nbsp;&raquo;, dont la deuxi&egrave;me partie est form&eacute;e par la transcription dactylographique de cinq entretiens enregistr&eacute;s aux Jardins &agrave; partir de mars 1972 et revus conjointement par l&rsquo;&eacute;crivain et son ex&eacute;g&egrave;te.</p> <p style="text-align: justify;">Aucun des deux interviewers n&rsquo;est donc statutairement un journaliste, aucun n&rsquo;a pour &laquo;&nbsp;occupation principale, r&eacute;guli&egrave;re et r&eacute;tribu&eacute;e l&rsquo;exercice de [cette] profession&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;&raquo;, m&ecirc;me si structuralement ils occupent la position d&eacute;volue au journaliste dans le genre de l&rsquo;entretien. Aucun d&rsquo;eux ne b&eacute;n&eacute;ficie de quelque avantage sur un &eacute;crivain que le micro impressionnerait. Tortel est interrog&eacute; chez lui, aux Jardins, et n&rsquo;a pas de raison d&rsquo;&ecirc;tre intimid&eacute; par l&rsquo;aspect technique de l&rsquo;enregistrement, car il a d&eacute;j&agrave; une longue exp&eacute;rience de la radio. Dans les ann&eacute;es soixante en effet, il est intervenu de fa&ccedil;on r&eacute;guli&egrave;re dans le cadre d&rsquo;&eacute;missions sur la po&eacute;sie&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;; en 1972 il a particip&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;vocation radiophonique de &laquo;&nbsp;L&rsquo;aventure des <em>Cahiers du Sud</em>&nbsp;&raquo; et, en 1975, il a &eacute;t&eacute; l&rsquo;un des premiers invit&eacute;s de l&rsquo;&eacute;mission de Claude Royet-Journoud, <em>Po&eacute;sie ininterrompue</em>. De toute fa&ccedil;on, aucun des deux interviewers n&rsquo;entretient avec lui un rapport de force ou de rivalit&eacute;. La relation est plut&ocirc;t amicale et complice, teint&eacute;e s&rsquo;agissant de Liliane Giraudon d&rsquo;une nuance discipulaire puisque depuis quelques ann&eacute;es la jeune femme soumet &agrave; Tortel ses essais d&rsquo;&eacute;criture et qu&rsquo;&agrave; en croire son journal, le po&egrave;te des Jardins se montre d&eacute;sireux de lui apprendre &agrave; &eacute;crire. S&rsquo;il y a un rapport de force, voire un antagonisme, ce n&rsquo;est sans doute pas entre les interlocuteurs qu&rsquo;il faut le chercher mais entre leur trio et d&rsquo;autres acteurs du champ po&eacute;tique &ndash; po&egrave;tes, critiques, &eacute;diteurs &ndash; face auxquels il s&rsquo;agit d&rsquo;affirmer une certaine conception de la po&eacute;sie et du po&egrave;me, dont l&rsquo;&oelig;uvre de Tortel offre un exemple voire un embl&egrave;me.</p> <p style="text-align: justify;">En 1976, Jean Tortel a soixante-douze ans. Il a derri&egrave;re lui une douzaine de recueils po&eacute;tiques, deux romans d&eacute;j&agrave; anciens <em>Le Mur du ciel</em> (1947) et <em>La Mort de Laurent</em> (1948) et un travail critique non n&eacute;gligeable qu&rsquo;il a men&eacute; pour une grande partie dans des revues&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a> mais qui s&rsquo;est aussi cristallis&eacute; en essais&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>. S&rsquo;agit-il pour autant d&rsquo;un auteur consacr&eacute;&nbsp;? C&rsquo;est fort douteux. Certes, il n&rsquo;est pas d&eacute;pourvu de toute notori&eacute;t&eacute;&nbsp;: depuis 1965, quatre livres de po&egrave;mes de lui ont paru dans la collection blanche des &eacute;ditions Gallimard, qui reste &agrave; cette date un espace &eacute;ditorial l&eacute;gitimant. Sans leur accorder beaucoup de place, la presse &eacute;crite ne les a pas ignor&eacute;s&nbsp;; mais il faut bien reconna&icirc;tre que la plupart des recensions sont l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;amis, eux-m&ecirc;mes po&egrave;tes ou &eacute;crivains, comme G&eacute;rard Arseguel, Philippe Jaccottet et son neveu Florian Rodari, Raymond Jean ou Guglielmi lui-m&ecirc;me&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a><em>.</em> Peu de critiques &eacute;trangers au cercle relationnel ou amical pr&ecirc;tent attention &agrave; ce travail sinon Alain Bosquet qui assassine en quelques lignes <em>Limites du regard</em> dans <em>La</em> <em>NRF&nbsp;</em><a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a> et consacre &agrave; Tortel (<em>in absentia</em>, cela va de soi) l&rsquo;une de ses &eacute;missions radiophoniques sur France Culture&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>. De m&ecirc;me si la t&eacute;l&eacute;vision a offert &agrave; l&rsquo;&eacute;crivain l&rsquo;occasion de quelques apparitions, qu&rsquo;il ait &eacute;t&eacute; convi&eacute; &agrave; t&eacute;moigner, par exemple sur le po&egrave;te Alexandre Toursky, ou ait lui-m&ecirc;me &eacute;t&eacute; le sujet de l&rsquo;&eacute;mission &ndash; c&rsquo;est le cas en 1973 quand Jean-Pierre Pr&eacute;vost lui consacre un court m&eacute;trage&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a> &ndash;, on ne saurait consid&eacute;rer que ces quelques images diffus&eacute;es &agrave; une heure tardive aient fait de lui une vedette. La &laquo;&nbsp;mani&egrave;re de silence autour de [lui]&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;&raquo; que Tortel constatait en mars 1972 dans le Cahier d&rsquo;alors n&rsquo;&eacute;quivaut pas, tant s&rsquo;en faut, &agrave; un silence absolu. Mais le retentissement m&eacute;diatique de l&rsquo;&oelig;uvre reste de faible port&eacute;e. Et les deux derniers manuscrits que l&rsquo;&eacute;crivain a soumis &agrave; son &eacute;diteur, une prose de genre ind&eacute;cidable, <em>Le Discours des yeux</em>, et un recueil po&eacute;tique, <em>Trac&eacute;s compos&eacute;s</em>, lui ont &eacute;t&eacute; refus&eacute;s (respectivement en 1974 et en 1975)&nbsp;; ils demeurent &agrave; cette date dans ses tiroirs.</p> <p style="text-align: justify;">Les liens qu&rsquo;il noue alors avec d&rsquo;autres &eacute;crivains, ses cadets, le d&eacute;portent plut&ocirc;t &agrave; la marge du champ litt&eacute;raire. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;en 1976, il a, par l&rsquo;interm&eacute;diaire de Joseph Guglielmi, confi&eacute; &agrave; Emmanuel Hocquard et Raquel Levy un bref ensemble intitul&eacute; <em>Spirale interne</em> qui para&icirc;tra &agrave; la fin de 1976 dans la collection &laquo;&nbsp;Chutes&nbsp;&raquo; des &eacute;ditions Orange Export Ltd. avec des dessins de Th&eacute;r&egrave;se Bonnelalbay, la femme de Guglielmi. Bref, Tortel est en 1976 un po&egrave;te &laquo;&nbsp;estim&eacute;&nbsp;&raquo; &ndash; c&rsquo;est le qualificatif qu&rsquo;il emploie lui-m&ecirc;me dans son Cahier &ndash; mais dans un cercle restreint, que la publication en 1975 d&rsquo;un fronton de la revue <em>Sud </em>&agrave; lui consacr&eacute; n&rsquo;a sans doute pas &eacute;largi de fa&ccedil;on significative. Il n&rsquo;a rien du &laquo;&nbsp;grand &eacute;crivain&nbsp;&raquo; auquel il est de tradition journalistique de faire visite pour recueillir ses propos. Et comme il n&rsquo;occupe ni n&rsquo;a jamais occup&eacute; de fonctions officielles dans le monde de la culture, il est fort improbable que sa personne suscite parmi les auditeurs potentiels des entretiens radiophoniques produits par Guglielmi une grande curiosit&eacute; pr&eacute;alable.</p> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs heureux. Car, outre que Tortel a peu de go&ucirc;t pour la confidence autobiographique en public, ses interlocuteurs ne lui demandent rien de tel. Bien qu&rsquo;il soit sans conteste une pr&eacute;sence charnelle car vocale, un &laquo;&nbsp;grain&nbsp;&raquo; de voix fa&ccedil;onn&eacute; par l&rsquo;usage du tabac, un accent d&rsquo;entre Rh&ocirc;ne et Durance, un d&eacute;bit parfois volubile, l&rsquo;auteur n&rsquo;est pas en lui-m&ecirc;me le centre de ces entretiens qui ne se pr&eacute;occupent ni des p&eacute;rip&eacute;ties d&rsquo;une vie, ni des traits d&rsquo;un caract&egrave;re. Des origines familiales, de l&rsquo;enfance, de l&rsquo;&eacute;blouissement amoureux &agrave; Gordes aupr&egrave;s de celle qui sera la compagne de toute une vie, des al&eacute;as d&rsquo;une existence de fonctionnaire de l&rsquo;Enregistrement, de l&rsquo;activit&eacute; de R&eacute;sistance qui a &eacute;t&eacute; l&rsquo;occasion de la rencontre avec Francis Ponge et l&rsquo;origine d&rsquo;une longue amiti&eacute;, on ne saura rien ou presque. &Agrave; peine apprendra-t-on de la bouche de Tortel qu&rsquo;&agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;poque du surr&eacute;alisme&nbsp;&raquo; il &eacute;tait &laquo;&nbsp;tout jeune&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;venai[t] de se marier&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;&eacute;tai[t] sous l&rsquo;influence de Jean Roy&egrave;re&nbsp;&raquo; (1)&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a> puis qu&rsquo;il a connu l&rsquo;exil &agrave; Toul, de 1934 &agrave; 1938, qu&rsquo;il est alors tomb&eacute; malade et a &eacute;t&eacute; nomm&eacute; par son administration &agrave; Marseille, ce qui lui vaudra de se lier avec l&rsquo;&eacute;quipe des <em>Cahiers du Sud</em> (7). On l&rsquo;entendra aussi mentionner son malaise face aux figures de l&rsquo;illimit&eacute; spatial, &laquo;&nbsp;le mot &ldquo;paysage&rdquo; [allant] pour [lui] avec la notion de limites&nbsp;&raquo; (1), et sa peur de l&rsquo;orage &ndash; sa &laquo;&nbsp;frousse&nbsp;&raquo; dit-il pr&eacute;cis&eacute;ment (2). C&rsquo;est peu. Et surtout ce sont des &eacute;l&eacute;ments qui, pour la plupart, &eacute;chappent &agrave; l&rsquo;anecdote pour ouvrir la voie &agrave; l&rsquo;examen d&rsquo;une th&eacute;matique de pr&eacute;dilection, d&rsquo;une &eacute;thique et d&rsquo;une po&eacute;tique. Alors que les entretiens avec Liliane Giraudon commencent par des &laquo;&nbsp;&eacute;l&eacute;ments biographiques&nbsp;&raquo;, qui, malgr&eacute; leur discr&eacute;tion, posent un certain nombre de jalons chronologiques, il ne s&rsquo;agit visiblement pas ici de dessiner un parcours de vie. En ce sens, les entretiens-feuilletons de 1976 rel&egrave;vent pleinement du genre de l&rsquo;entretien litt&eacute;raire&nbsp;: leur objet principal &ndash; pour ne pas dire exclusif &ndash; est la litt&eacute;rature.</p> <p style="text-align: justify;">Ou, pour &ecirc;tre plus exact, la po&eacute;sie. Les deux romans publi&eacute;s de Tortel n&rsquo;ont en effet pas plus d&rsquo;existence dans les propos &eacute;chang&eacute;s que le dactylogramme de <em>Madita</em> in&eacute;dit depuis la fin des ann&eacute;es trente, tous livres auxquels les entretiens avec Liliane Giraudon faisaient pourtant accueil. Ce privil&egrave;ge accord&eacute; &agrave; &laquo;&nbsp;la &ldquo;po&eacute;sie&rdquo;&nbsp;&raquo; est en parfait accord avec le projet formul&eacute; dans la lettre programmatique du 1<sup>er</sup> juin 1976. Mais le parti pris diachronique, soubassement du plan esquiss&eacute; dans lettre suivante qui souhaitait conduire l&rsquo;auditeur des &laquo;&nbsp;premi&egrave;res ann&eacute;es d&rsquo;&eacute;criture&nbsp;&raquo; jusqu&rsquo;&agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;actualit&eacute; de Jean Tortel&nbsp;&raquo;, se trouve remis en question&nbsp;: le sch&eacute;ma d&eacute;finitif suppose une partition plut&ocirc;t th&eacute;matique o&ugrave; six &eacute;missions consacr&eacute;es &agrave; la po&eacute;sie et la po&eacute;tique tortelliennes se trouvent suivies par deux &eacute;missions d&eacute;volues aux <em>Cahiers du Sud</em>, puis deux autres attach&eacute;es &agrave; la pratique critique ou, pour dire avec plus de justesse peut-&ecirc;tre, aux lectures fondatrices. Bien s&ucirc;r, l&rsquo;indiff&eacute;rence &agrave; la chronologie n&rsquo;est pas absolue. Au fil des &eacute;missions, quelques jalons temporels sont pos&eacute;s. Le cinqui&egrave;me entretien fait la part belle au &laquo;&nbsp;tournant&nbsp;&raquo; des <em>Villes ouvertes</em> et, d&rsquo;&eacute;mission en &eacute;mission, l&rsquo;auditeur attentif comprend que Tortel distingue dans sa courbe d&rsquo;&eacute;criture trois p&eacute;riodes&nbsp;: une sorte de pr&eacute;histoire, &laquo;&nbsp;premi&egrave;re p&eacute;riode d&rsquo;exp&eacute;rimentation, de tentative&nbsp;&raquo; (10), et deux grandes phases historiques auxquelles correspondent les deux listes qui, dans les cinqui&egrave;me et neuvi&egrave;me entretiens, &eacute;gr&egrave;nent titres et dates de publication&nbsp;: &laquo;&nbsp;1946&nbsp;: <em>Paroles du po&egrave;me&nbsp;</em>; 1951&nbsp;: <em>Le Pr&eacute;classicisme&nbsp;</em>; 1955&nbsp;: <em>Naissances de l&rsquo;Objet&nbsp;</em>; 1960&nbsp;: <em>Explications ou bien Regard&nbsp;</em>; 1961&nbsp;: <em>&Eacute;l&eacute;mentaires&nbsp;</em>; 1961&nbsp;: <em>L&rsquo;Amour unique de Maurice Sc&egrave;ve</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; puis&nbsp;: &laquo;&nbsp;1963 [<em>sic</em>]&nbsp;: <em>Villes ouvertes</em>&nbsp;; 1963&nbsp;: <em>Guillevic</em>&nbsp;; 1965&nbsp;: <em>Clefs pour la litt&eacute;rature</em>&nbsp;; 1968&nbsp;: <em>Relations</em>&nbsp;; 1971&nbsp;: <em>Limites du regard</em>&nbsp;; 1973&nbsp;: <em>Instants qualifi&eacute;s</em>&nbsp;&raquo;. Mais les informations restent dispers&eacute;es, exigeant, pour suivre le parcours de l&rsquo;&eacute;crivain, bien de la bonne volont&eacute; et une remarquable fid&eacute;lit&eacute; d&rsquo;&eacute;coute.</p> <p style="text-align: justify;">Et ce ne sont pas les lectures, nombreuses comme l&rsquo;on peut s&rsquo;y attendre dans des &eacute;missions o&ugrave; l&rsquo;essentiel n&rsquo;est pas l&rsquo;homme mais le texte, qui contribuent &agrave; &eacute;clairer une trajectoire. Surgissant avec la plus grande libert&eacute; au sein des &eacute;changes puisque nul ordre fixe ne r&egrave;gle l&rsquo;alternance, projet&eacute;s dans l&rsquo;espace sonore tant&ocirc;t par l&rsquo;auteur lui-m&ecirc;me tant&ocirc;t par une voix f&eacute;minine, celle de Liliane Giraudon ou celle de Mich&egrave;le Cohen, ou parfois encore &agrave; deux voix, celle masculine de l&rsquo;auteur doublant la voix f&eacute;minine de la lectrice (ou l&rsquo;inverse) en des effets qui sont tant&ocirc;t de lecture am&eacute;b&eacute;e tant&ocirc;t de canon, les textes sont le plus souvent livr&eacute;s sans annonce aucune. Les textes tortelliens s&rsquo;entend. Car les autres&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a> sont au moins rendus &agrave; leur auteur sinon &agrave; leur livre d&rsquo;origine. Dans les deux derniers entretiens, l&rsquo;interview&eacute; assortit bien sa lecture d&rsquo;un commentaire apte &agrave; resituer dans le temps ce qui vient d&rsquo;&ecirc;tre ou va &ecirc;tre entendu, mais dans les huit premiers, l&rsquo;auditeur est presque toujours&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a> confront&eacute; &agrave; une succession de plages de lecture o&ugrave; les textes sont insituables&nbsp;; et il lui faut une bonne connaissance pr&eacute;alable des livres de Tortel pour d&eacute;celer la diff&eacute;rence entre s&eacute;quences homog&egrave;nes o&ugrave; s&rsquo;encha&icirc;nent des po&egrave;mes pris dans un m&ecirc;me recueil&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a> et s&eacute;quences h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes qui associent sans pr&eacute;cision aucune des po&egrave;mes tir&eacute;s d&rsquo;ouvrages temporellement distants&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>. Seules les diff&eacute;rences stylistiques, m&eacute;triques, prosodiques entre textes anciens et textes plus r&eacute;cents peuvent parfois alerter. Au mieux l&rsquo;attention port&eacute;e au dialogue encadrant permet de supposer l&rsquo;origine du fragment lu<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>, au pire, l&rsquo;entour conversationnel risque de conduire &agrave; des hypoth&egrave;ses de localisation hasardeuses&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>. Bref, les lectures, aussi peu attentives &agrave; la chronologie de l&rsquo;&oelig;uvre que les &eacute;changes dialogu&eacute;s, donnent le plus souvent &agrave; entendre une sorte de <em>continuum</em> verbal achronique que l&rsquo;on pourrait nommer d&rsquo;un singulier unifiant le texte tortellien.</p> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est qu&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas de suivre pas &agrave; pas la lente conqu&ecirc;te d&rsquo;une &eacute;criture personnelle peu &agrave; peu d&eacute;barrass&eacute;e de ses scories lyriques. Les entretiens cherchent &agrave; approcher dans sa globalit&eacute; une po&eacute;sie qu&rsquo;ils envisagent dans sa r&eacute;alit&eacute; mat&eacute;rielle de chose &eacute;crite avec ses choix formels, ses th&egrave;mes r&eacute;currents, et surtout son lexique de pr&eacute;dilection qui, au-del&agrave; d&rsquo;une th&eacute;matique, impose quelque chose comme une po&eacute;tique du regard d&eacute;sirant. Le besoin d&rsquo;opposer des limites &agrave; l&rsquo;illimit&eacute; mena&ccedil;ant dont l&rsquo;une des figures les plus inqui&eacute;tantes est l&rsquo;orage &laquo;&nbsp;d&eacute;chirure du cosmos&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;catastrophe cosmique&nbsp;&raquo; qui abolit la parole (2)&nbsp;; le vers, &laquo;&nbsp;phrase concr&egrave;te&nbsp;&raquo;, trac&eacute; noir sur le blanc, &laquo;&nbsp;unit&eacute; verbale&nbsp;&raquo; irr&eacute;ductible &agrave; une unit&eacute; conceptuelle, syntaxico-s&eacute;mantique, et, pour cela m&ecirc;me, souvent coup&eacute; de fa&ccedil;on &laquo;&nbsp;arbitraire&nbsp;&raquo; (4)&nbsp;; le point final de po&egrave;me toujours maintenu malgr&eacute; une tendance marqu&eacute;e &agrave; la d&eacute;ponctuation (<em>ibid.</em>)&nbsp;; et, r&eacute;currentes au fil des &eacute;missions, les notions cl&eacute;s de &laquo;&nbsp;regard&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;renversement&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;image&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;figure&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;qualification&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;transparence&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;opacit&eacute;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;retournement&nbsp;&raquo; (qui permet de penser l&rsquo;&eacute;criture po&eacute;tique par analogie avec le travail de la b&ecirc;che du jardinier ou de l&rsquo;ouvrier de quelque chantier arch&eacute;ologique), voil&agrave; de quoi parlent les interlocuteurs, voil&agrave; ce que les lectures donnent &agrave; entendre. Une po&eacute;sie o&ugrave; le regard sur le monde est ins&eacute;parable du regard critique sur le texte. Une po&eacute;sie qui contient sa propre po&eacute;tique, dont les listes de mots qui surgissent de loin en loin dans les quatre premi&egrave;res &eacute;missions constituent une sorte de condens&eacute; &ndash; mieux, de pr&eacute;cipit&eacute;. Le proc&eacute;d&eacute; semble import&eacute; du quatri&egrave;me entretien avec Liliane Giraudon qui s&rsquo;ouvre par une liste de neuf substantifs et deux infinitifs tir&eacute;s du vocabulaire tortellien&nbsp;: &laquo;&nbsp;Limites, d&eacute;finition, paysage, jalon, corps, lyrisme, ligne, tombe, terrasse, ouvrir, tracer&nbsp;&raquo;. Mais d&rsquo;une liste aux autres il y a des nuances. Les mots retenus comme embrayeurs et objets de l&rsquo;&laquo;&nbsp;Interview sauvage&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>&nbsp;&raquo; dactylographi&eacute;e appellent la glose, le po&egrave;te commentant tour &agrave; tour chacun d&rsquo;eux. Les listes des entretiens radiophoniques, outre qu&rsquo;en leur pluralit&eacute; elles jouent un r&ocirc;le de ponctuation rythmique dont la liste unique est d&eacute;pourvue, fonctionnent plut&ocirc;t sur le mode de l&rsquo;&eacute;cho ou de la r&eacute;sonance. Fond&eacute;es sur le principe du d&eacute;montage-remontage, elles rassemblent en effet des mots ou expressions surgis au fil des &eacute;changes et/ou emprunt&eacute;s aux textes qui ont &eacute;t&eacute; lus ou vont l&rsquo;&ecirc;tre. Ainsi la liste&nbsp;: &laquo;&nbsp;Blanc, rectangle, flux, opacit&eacute;, limite, renversement de &ccedil;a, qualification&nbsp;&raquo; croise-t-elle dans le troisi&egrave;me entretien des termes pr&eacute;lev&eacute;s dans l&rsquo;<em>incipit</em> d&rsquo;un po&egrave;me d&rsquo;<em>Instants qualifi&eacute;s</em> &laquo;&nbsp;Lit blanc&nbsp;&nbsp; rectangle&nbsp;&raquo; et d&rsquo;autres pris dans les propos tenus par Tortel (&laquo;&nbsp;nous recevons les images de l&rsquo;objet, et l&agrave; nous ne savons pas quoi en faire, parce que c&rsquo;est un <em>flux</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;Il y a donc un premier <em>renversement</em> du monde ext&eacute;rieur, enfin du l&agrave;-devant, <em>du &ccedil;a</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;Il s&rsquo;agit d&rsquo;op&eacute;rer une <em>qualification</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;Ces s&eacute;ries d&rsquo;objets que nous appellerons po&egrave;mes [&hellip;] on les constatera, et nous ne pouvons les constater que sur le <em>blanc</em> que pr&eacute;cis&eacute;ment leur <em>opacit&eacute;</em> infirme&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>). Objets sonores, objets verbaux, n&eacute;s d&rsquo;une d&eacute;sarticulation des dialogues et de certains po&egrave;mes lus, les listes soulignent bien les notions cl&eacute;s de l&rsquo;univers de Tortel mais elles les saisissent dans le d&eacute;cousu qui leur est propre, favorisant ainsi l&rsquo;expos&eacute; d&rsquo;une po&eacute;tique en fragments ou en &eacute;clats.</p> <p style="text-align: justify;">Sans doute le d&eacute;cousu, dont les listes de vocables pourraient &ecirc;tre l&rsquo;embl&egrave;me, est-il favoris&eacute; par le genre m&ecirc;me de l&rsquo;entretien, plus souple, surtout lorsqu&rsquo;il est improvis&eacute; ou semi-improvis&eacute;, que ne l&rsquo;est un expos&eacute; didactique. Mais dans le cas particulier des entretiens de 1976, la discontinuit&eacute; voire la disparate s&rsquo;impose avec une force toute particuli&egrave;re. Les &eacute;missions, ouvertes par un g&eacute;n&eacute;rique minimal mis en voix par Mich&egrave;le Cohen&nbsp;: &laquo;&nbsp;Entretiens avec Jean Tortel. Une &eacute;mission de Joseph Guglielmi, avec la participation de Liliane Giraudon&nbsp;&raquo;, sont significativement d&eacute;pourvues de titre propre qui d&eacute;gagerait une ligne directrice. Les seuls entretiens dont l&rsquo;unit&eacute; th&eacute;matique soit imm&eacute;diatement perceptible sont les septi&egrave;me et huiti&egrave;me consacr&eacute;s aux <em>Cahiers du Sud</em> et, dans une moindre mesure, les neuvi&egrave;me et dixi&egrave;me qui ont pour principal objet les lectures nourrici&egrave;res&nbsp;: Sc&egrave;ve et les lyriques du premier xvii<sup>e</sup>, surtout. Dans une moindre mesure, car la dixi&egrave;me &eacute;mission, ouverte, dans la continuit&eacute; directe de la neuvi&egrave;me, par des consid&eacute;rations sur le lyrisme pr&eacute;classique, en vient bient&ocirc;t &agrave; l&rsquo;&eacute;vocation de la courbe personnelle d&rsquo;&eacute;criture et au rappel de la premi&egrave;re rupture marqu&eacute;e en 1946 par <em>Paroles du po&egrave;me</em>, avant de glisser &agrave; la conception de la litt&eacute;rature &eacute;labor&eacute;e par Tortel dans son essai de 1965, et de se clore par la citation d&rsquo;un assez long fragment de l&rsquo;entretien avec Liliane Giraudon sur la litt&eacute;rature comme contre-pouvoir. Ce caract&egrave;re buissonnier se retrouve dans la conduite de bien d&rsquo;autres &eacute;missions qui, au lieu de choisir &agrave; chaque fois un angle d&rsquo;approche ais&eacute;ment identifiable et qu&rsquo;un titre pourrait r&eacute;sumer (par exemple les partis pris &eacute;thico-po&eacute;tiques, les th&egrave;mes de pr&eacute;dilection, les moyens rh&eacute;toriques), privil&eacute;gient les bifurcations libres du cheminement conversationnel.</p> <p style="text-align: justify;">Quand il consigne dans son Cahier du moment les impressions n&eacute;es de l&rsquo;&eacute;coute de la s&eacute;rie&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ce fut embroussaill&eacute;, pi&eacute;tinant, parfois jaillissant&nbsp;; non ordonn&eacute; ni monotone, pas ennuyeux sans doute&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est sur ce d&eacute;cousu, ce relatif d&eacute;sordre de l&rsquo;ensemble que Tortel fait porter l&rsquo;accent. D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;identification des entretiens-feuilletons &agrave; &laquo;&nbsp;un assez satisfaisant brouillon de ce qui aurait pu &ecirc;tre dit&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>. Cet aspect &laquo;&nbsp;brouillon&nbsp;&raquo; toutefois doit-il &ecirc;tre imput&eacute; &agrave; la seule idiosyncrasie du producteur&nbsp;? &Agrave; en croire Tortel, &laquo;&nbsp;Jo et la nettet&eacute;, &ccedil;a ne va pas ensemble&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;; mais il n&rsquo;est pas s&ucirc;r que ce divorce ne rel&egrave;ve pas d&rsquo;un refus plut&ocirc;t que d&rsquo;une impuissance. Apr&egrave;s avoir entendu un certain nombre d&rsquo;&eacute;missions, Luc Decaunes, po&egrave;te, ami de longue date de Tortel et, &agrave; l&rsquo;occasion, critique de son &oelig;uvre, avoue certes une certaine d&eacute;ception devant le manque de souci &laquo;&nbsp;didactique&nbsp;&raquo;, la tendance &agrave; &laquo;&nbsp;faire de l&rsquo;ombre l&agrave; o&ugrave; l&rsquo;auditeur aurait peut-&ecirc;tre besoin de lumi&egrave;re&nbsp;&raquo; en raison de la difficult&eacute; de la mati&egrave;re trait&eacute;e, mais il se reconna&icirc;t aussi vivement &laquo;&nbsp;int&eacute;ress&eacute;&nbsp;&raquo; par la multitude d&rsquo;aper&ccedil;us sur la po&eacute;sie et la po&eacute;tique tortelliennes, et s&eacute;duit par l&rsquo;&laquo;&nbsp;aspect &ldquo;montage&rdquo;, &ldquo;ensemble po&eacute;tique&rdquo;&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a> de ce qu&rsquo;il a entendu. &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, tel est donc l&rsquo;effet que la construction particuli&egrave;re des &eacute;missions est susceptible de produire sur un auditeur lui-m&ecirc;me po&egrave;te. Il n&rsquo;est pas exclu que Guglielmi y ait pens&eacute;. Cela n&rsquo;implique pas pour autant qu&rsquo;en construisant la s&eacute;rie d&rsquo;entretiens comme un &laquo;&nbsp;montage&nbsp;&raquo; parfois abrupt de dialogues, de lectures, de listes de titres et de vocables, de bruitages et de musique, il ait souhait&eacute;, lui producteur occasionnel, renouveler le genre de l&rsquo;entretien radiophonique. Il se pourrait bien, en revanche, que ce choix formel, favoris&eacute; par la pente naturelle du ma&icirc;tre d&rsquo;&oelig;uvre, ait eu pour intention de manifester dans l&rsquo;espace de la radio l&rsquo;intrication du souci critique ou th&eacute;orique et de l&rsquo;&eacute;criture po&eacute;tique si caract&eacute;ristique des ann&eacute;es 1960-1970 au cours desquelles la critique, en certaines de ses formes nouvelles, s&rsquo;est voulue cr&eacute;ation &agrave; part enti&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a> tandis que la po&eacute;sie a revendiqu&eacute; son rapport &agrave; la r&eacute;flexion technique, au propos th&eacute;orique, son inqui&eacute;tude quant aux formes et &agrave; la langue, jusqu&rsquo;&agrave; se red&eacute;finir en s&rsquo;incarnant dans des textes parfois bien &eacute;loign&eacute;s de ce que l&rsquo;on avait coutume de d&eacute;signer par son nom. Plus de d&eacute;rive onirique ni de d&eacute;fil&eacute; d&rsquo;images &agrave; la mani&egrave;re surr&eacute;aliste, et foin du &laquo;&nbsp;r&eacute;alisme sans fronti&egrave;res&nbsp;&raquo; ou du retour &agrave; la tradition nationale d&rsquo;Aragon et des aragoniens&nbsp;: la po&eacute;sie exp&eacute;rimente du c&ocirc;t&eacute; du vers, de la typographie, des divers proc&eacute;d&eacute;s de r&eacute;&eacute;criture emprunt&eacute;s aussi bien au Cendrars de <em>Documentaires</em> qu&rsquo;aux objectivistes et aux po&egrave;tes <em>beat</em> am&eacute;ricains. Elle se r&eacute;invente au point que certains se demandent s&rsquo;il est encore n&eacute;cessaire de recourir &agrave; son vieux nom pour d&eacute;signer les nouvelles productions textuelles. Cofondateur de <em>Manteia</em>, collaborateur d&rsquo;<em>Action</em> <em>po&eacute;tique</em> et de <em>Change</em>, Guglielmi, par ses interventions critiques et po&eacute;tiques autant que par ses traductions &ndash; de Pound, en particulier &ndash;, prend une part active au d&eacute;bat d&rsquo;alors sur la notion de po&eacute;sie. Que celle-ci soit, pour lui comme pour d&rsquo;autres acteurs du champ, devenue &agrave; tout le moins probl&eacute;matique&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>, cela se r&eacute;v&egrave;le, dans la lettre du 1<sup>er</sup> juin 1976, par l&rsquo;emploi des guillemets qui, soulignant le mot, viennent en fissurer le sens pr&eacute;&eacute;tabli et faire peser quelque soup&ccedil;on sur l&rsquo;ensemble de clich&eacute;s qu&rsquo;il tra&icirc;ne dans son sillage.</p> <p style="text-align: justify;">Les entretiens reviennent d&rsquo;ailleurs sporadiquement sur les transformations de l&rsquo;id&eacute;e de &laquo;&nbsp;po&eacute;sie&nbsp;&raquo; survenue dans la d&eacute;cennie pr&eacute;c&eacute;dente. Par exemple quand, interrog&eacute; par Guglielmi sur son statut de &laquo;&nbsp;po&egrave;te&nbsp;&raquo;, Jean Tortel revendique cette d&eacute;nomination que certains r&eacute;cusent comme une &laquo;&nbsp;&eacute;tiquette g&ecirc;nante&nbsp;&raquo; en soulignant qu&rsquo;elle reste acceptable &agrave; condition que la po&eacute;sie soit d&eacute;sacralis&eacute;e et rendue &agrave; sa nature de simple <em>poiein</em> &laquo;&nbsp;hors de toute m&eacute;taphysique&nbsp;&raquo; (1)<em>&nbsp;</em>; ou quand il affirme qu&rsquo;&laquo;&nbsp;&agrave; l&rsquo;heure actuelle, bien s&ucirc;r, tout constat relatif &agrave; l&rsquo;action de la po&eacute;sie semble &ecirc;tre critique&nbsp;&raquo; et que, la &laquo;&nbsp;valeur spatiale du texte&nbsp;&raquo; &eacute;tant plus importante d&eacute;sormais &laquo;&nbsp;que ce qu&rsquo;on appelait au temps du symbolisme ou du romantisme sa valeur musicale&nbsp;&raquo;, le po&egrave;me, &laquo;&nbsp;avant tout visible&nbsp;&raquo;, con&ccedil;u comme une chose mat&eacute;rielle, cesse, de ce fait, d&rsquo;&ecirc;tre entour&eacute; d&rsquo;&laquo;&nbsp;une esp&egrave;ce d&rsquo;aura, de sacralit&eacute;&nbsp;&raquo; (6). Guglielmi n&rsquo;est pas en reste. Dans son d&eacute;sir de d&eacute;mythifier la po&eacute;sie, il s&rsquo;en prend &agrave; la notion de &laquo;&nbsp;cr&eacute;ation&nbsp;&raquo;, allant jusqu&rsquo;&agrave; tirer argument de l&rsquo;&eacute;vocation des <em>Villes ouvertes</em>, ouvrage n&eacute;, pour partie, d&rsquo;un processus de r&eacute;&eacute;criture, pour affirmer de fa&ccedil;on p&eacute;remptoire&nbsp;: &laquo;&nbsp;la po&eacute;sie ce n&rsquo;est pas faire, c&rsquo;est refaire&nbsp;&raquo; (6), comme si le recours &agrave; l&rsquo;&eacute;tymologie (<em>poiein, </em>faire) &eacute;tait insuffisant, &laquo;&nbsp;faire&nbsp;&raquo; &eacute;tant encore trop proche de &laquo;&nbsp;cr&eacute;er&nbsp;&raquo; pour garantir contre toute d&eacute;rive sacralisante. Aussi dispers&eacute;es soient-elles, aussi incidentes puissent-elles para&icirc;tre, ces remarques finissent par alerter l&rsquo;auditeur &eacute;clair&eacute; et lui faire comprendre que les interlocuteurs, se refusant &agrave; &laquo;&nbsp;prendre la &ldquo;Po&eacute;sie&rdquo; dans son sens le plus traditionnel, [&agrave; savoir] m&eacute;taphysique&nbsp;&raquo;, entendent travailler &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;op&eacute;ration de d&eacute;sacralisation&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a> en cours.</p> <p style="text-align: justify;">Selon Pierre-Marie H&eacute;ron, une s&eacute;rie d&rsquo;entretiens-feuilletons doit &laquo;&nbsp;aller quelque part, avoir une direction, suivre un ordre de marche&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>&nbsp;&raquo;. Si, &agrave; premi&egrave;re &eacute;coute, il n&rsquo;est pas tr&egrave;s facile de voir o&ugrave; vont les dix &eacute;missions produites par Guglielmi, une fois abandonn&eacute; le projet chronologique initial qui devait conduire &agrave; &eacute;voquer &laquo;&nbsp;l&rsquo;actualit&eacute; de Jean Tortel&nbsp;&raquo;, une attention plus aigu&euml; &agrave; des &eacute;l&eacute;ments &eacute;pars permet de saisir une intention sous-jacente. En un temps o&ugrave; Tortel a vu ses deux derniers livres refus&eacute;s par Gallimard, refus qui peut s&rsquo;interpr&eacute;ter comme l&rsquo;indice ou l&rsquo;amorce d&rsquo;un d&eacute;sengagement des grandes maisons d&rsquo;&eacute;dition en ce qui concerne la po&eacute;sie &ndash; celle du moins o&ugrave; s&rsquo;inscrit l&rsquo;&eacute;lan plus ou moins exp&eacute;rimental qui s&rsquo;est intensifi&eacute; depuis les ann&eacute;es soixante &ndash;, il importe pour les interlocuteurs de r&eacute;affirmer que la po&eacute;sie ne peut s&rsquo;identifier aux pr&eacute;jug&eacute;s sur ce qu&rsquo;elle est ou doit &ecirc;tre, qu&rsquo;elle ne peut se r&eacute;duire aux clich&eacute;s tenaces h&eacute;rit&eacute;s du romantisme et du surr&eacute;alisme. Ainsi les entretiens de 1976, d&eacute;fense et illustration d&rsquo;une po&eacute;sie d&eacute;sacralis&eacute;e qui ne serait plus ni parole inspir&eacute;e ni lyrisme effusif, mais geste critique, et qui ferait passer le souci graphique avant la pr&eacute;occupation musicale, n&rsquo;ont-ils pas seulement offert aux interviewers l&rsquo;occasion de manifester leur estime envers une &oelig;uvre trop confidentielle&nbsp;; ils leur ont permis de se situer eux-m&ecirc;mes dans le champ po&eacute;tique tout en y situant leur invit&eacute;. Sans doute l&rsquo;absence de parti pris didactique a-t-elle pu brouiller le propos pour un auditeur non averti. Mais il est peu probable que les acteurs du champ s&rsquo;y soient tromp&eacute;s. Jean-Max Tixier en tout cas a bien re&ccedil;u l&rsquo;annonce de leur diffusion comme une prise de parti. Avant m&ecirc;me d&rsquo;en avoir entendu le premier mot, il &eacute;crit &agrave; Jean Tortel&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">[&hellip;] la mise en &eacute;vidence, dans une &eacute;mission de radio, d&rsquo;une personnalit&eacute; comme la v&ocirc;tre est pr&eacute;cieuse en un moment o&ugrave;, sur plusieurs fronts, on assiste &agrave; un mouvement de reflux au profit de conceptions pass&eacute;istes et id&eacute;alistes. C&rsquo;en est au point que &ndash; la politique mercantile de l&rsquo;&eacute;dition aidant &ndash; semble compromise une partie des r&eacute;sultats acquis au cours des deux derni&egrave;res d&eacute;cades&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Les dix &eacute;missions ont donc bien &eacute;t&eacute; per&ccedil;ues &ndash; au moins par certains &ndash; comme art po&eacute;tique (en ligne bris&eacute;e) et manifeste (oblique). Tortel lui-m&ecirc;me les appr&eacute;hende avant tout comme &laquo;&nbsp;brouillon de ce qui aurait pu &ecirc;tre dit&nbsp;&raquo;. Esquisse d&rsquo;une autre s&eacute;rie radiophonique, id&eacute;ale, qui n&rsquo;existera pas ou in&eacute;vitable approximation de la parole qui, &agrave; la diff&eacute;rence de l&rsquo;&eacute;criture, est ins&eacute;parable de &laquo;&nbsp;toutes sortes d&rsquo;inexactitudes, d&rsquo;inach&egrave;vements etc.&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>&nbsp;&raquo;. Mais aussi, par la confrontation r&eacute;it&eacute;r&eacute;e qu&rsquo;elles op&egrave;rent entre dialogues et lectures, <em>v&eacute;rification</em> de l&rsquo;opposition ch&egrave;re au po&egrave;te des Jardins entre parole (&laquo;&nbsp;floculation&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;dispersion&nbsp;&raquo;) et &eacute;criture (&laquo;&nbsp;parole &ldquo;prise&rdquo;, coagul&eacute;e, form&eacute;e&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>). Il y a donc brouillon et brouillon. Pour Jean Tortel celui que forment ces entretiens, &laquo;&nbsp;authentifi[&eacute;s]&nbsp;&raquo; en quelque sorte par leur pouvoir de <em>v&eacute;rification</em>, se r&eacute;v&egrave;le, somme toute, &laquo;&nbsp;assez satisfaisant&nbsp;&raquo;.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Jean Tortel, Cahier jaune, p.&nbsp;134. Archives priv&eacute;es.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Dat&eacute;e du 1<sup>er</sup> juin 1976, elle figure dans le fonds Jean Tortel de la biblioth&egrave;que Jacques Doucet (d&eacute;sormais FJT). Non cot&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Pour le parcours d&rsquo;Alain Veinstein voir son livre, <em>Radio sauvage</em>, Paris, Seuil, &laquo;&nbsp;Fiction &amp; Cie&nbsp;&raquo;, 2010.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Jean Tortel, Cahier jaune, p.&nbsp;146.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> <em>Ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> <em>Ibid</em>., p.&nbsp;147.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Ces enregistrements, du 1<sup>er</sup> et du 19 mai 1976, donneront lieu &agrave; cinq &eacute;missions de 25 minutes diffus&eacute;es du 4 au 8 octobre 1976 &agrave; partir de minuit.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> Son premier livre, <em>T&ecirc;tes ravag&eacute;es&nbsp;: une fresque</em>, para&icirc;t en 1979 aux &eacute;ditions La R&eacute;p&eacute;tition.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> D&eacute;finition du journaliste professionnel (Code du travail, article L7111-3) cit&eacute;e par Marie-&egrave;ve Th&eacute;renty, <em>La Litt&eacute;rature au quotidien</em>, Paris, Seuil, &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, 2007, p.&nbsp;12.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> Trace de ces &eacute;missions, un ensemble de dactylogrammes qui comprend notamment une s&eacute;rie de dialogues avec le po&egrave;te Alexandre Toursky. Archives priv&eacute;es.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> En particulier <em>Les Cahiers du Sud</em> auxquels il a r&eacute;guli&egrave;rement collabor&eacute; de 1938 &agrave; 1966, <em>Critique </em>et <em>Action po&eacute;tique.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> <em>L&rsquo;Amour unique de Maurice Sc&egrave;ve</em>, introduction &agrave; une anthologie de dizains de <em>D&eacute;lie,</em> Lausanne, Mermod, 1961&nbsp;; <em>Guillevic,</em> Paris, Seghers, &laquo;&nbsp;Po&egrave;tes d&rsquo;aujourd&rsquo;hui&nbsp;&raquo;, 1963&nbsp;; <em>Clefs pour la litt&eacute;rature,</em> Paris, Seghers, &laquo;&nbsp;Clefs pour&nbsp;&raquo;, 1965.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> <em>Limites du regard</em> est ainsi chroniqu&eacute; par Guglielmi dans <em>La Quinzaine litt&eacute;raire</em> en mai 1972, le mois m&ecirc;me o&ugrave; passe dans <em>Le Monde</em> l&rsquo;article de Raymond Jean sur ce m&ecirc;me recueil, ce qui conduit Tortel &agrave; noter avec satisfaction dans le Cahier vert &laquo;&nbsp;<em>Le Monde</em> et <em>La Quinzaine litt&eacute;raire</em> en m&ecirc;me temps c&rsquo;est assez bien&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;99).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> Alain Bosquet, recension de <em>Limites du regard</em>, <em>La NRF</em>, n&deg;&nbsp;230, 1972, p.&nbsp;83-84.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> Il s&rsquo;agit de l&rsquo;&eacute;mission diffus&eacute;e le lundi 13 ao&ucirc;t 1973 de la s&eacute;rie <em>Les Nouveaux Livres de po&eacute;sie</em> (France Culture 1971-1974).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> Diffus&eacute; le 19 septembre 1973 sur la 3<sup>e</sup> cha&icirc;ne &agrave; minuit.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> Jean Tortel, &laquo;&nbsp;Vendredi 31 [mars 1972]&nbsp;&raquo;, Cahier vert, p.&nbsp;95. Archives priv&eacute;es.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> Les r&eacute;f&eacute;rences d&eacute;sormais dans le texte sous la forme (1) pour premi&egrave;re &eacute;mission, (2) pour deuxi&egrave;me &eacute;mission etc.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> Il s&rsquo;agit de fragments de romans populaires rappelant l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t que Tortel a port&eacute; &agrave; ce genre litt&eacute;raire m&eacute;pris&eacute;, de po&egrave;mes du xvii<sup>e</sup> si&egrave;cle, de dizains de Sc&egrave;ve, d&rsquo;emprunts &agrave; Mallarm&eacute;, ou, dans les deux &eacute;missions <em>Cahiers du Sud,</em> de po&egrave;mes et fragments de textes r&eacute;flexifs tir&eacute;s de l&rsquo;abondante collection des num&eacute;ros de la revue ou emprunt&eacute;s aux livres publi&eacute;s par ceux qui sont pass&eacute;s &agrave; Marseille et aux <em>Cahiers</em> durant les ann&eacute;es noires de l&rsquo;Occupation. Sans oublier les collaborateurs r&eacute;guliers des <em>Cahiers</em>, tels Jo&euml; Bousquet, Gabriel Audisio, ou ceux, G&eacute;rald Neveu, Jean Malrieu, Henri Deluy, qui, sans cesser de donner notes critiques et po&egrave;mes en pr&eacute;publications &agrave; la revue de Ballard, ont &eacute;prouv&eacute;, dans les ann&eacute;es cinquante et soixante, le besoin de se regrouper pour faire vivre parall&egrave;lement une autre revue, <em>Action po&eacute;tique.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> Une exception notable toutefois dans le cinqui&egrave;me entretien o&ugrave; le chapeau introductif suivant&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans ces <em>Villes ouvertes</em> voici un texte qui s&rsquo;appelle &ldquo;Passages d&rsquo;H&eacute;rodote&rdquo; et qui est une esp&egrave;ce de montage de textes pris dans les <em>Histoires</em> d&rsquo;H&eacute;rodote&nbsp;&raquo; pr&eacute;c&egrave;de la lecture du po&egrave;me.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> Par exemple trois po&egrave;mes de <em>Naissances de l&rsquo;objet</em> ou six des <em>Instants qualifi&eacute;s.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> Voir la toute premi&egrave;re plage de lecture qui fait se succ&eacute;der un fragment de &laquo;&nbsp;Passages d&rsquo;H&eacute;rodote&nbsp;&raquo; tir&eacute; du recueil charni&egrave;re de 1965, <em>Les Villes ouvertes</em>, un extrait de &laquo;&nbsp;La rose en sa t&eacute;n&egrave;bre&nbsp;&raquo; emprunt&eacute; &agrave; un livre plus ancien de dix ans, <em>Naissances de l&rsquo;objet</em>, et deux strophes d&rsquo;un po&egrave;me pris dans le premier volume &eacute;dit&eacute; par Mermod, <em>Explications ou bien Regard</em> (1960).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> Par exemple en reliant la lecture par Mich&egrave;le Cohen du po&egrave;me &laquo;&nbsp;Le rose attrist&eacute;&hellip;&nbsp;&raquo; &agrave; la d&eacute;claration ult&eacute;rieure de Tortel &laquo;&nbsp;Je ne peux pas parler de mes premiers essais, de mes premiers livres qui ne sont que des gammes&nbsp;&raquo; pour poser l&rsquo;hypoth&egrave;se qu&rsquo;il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;un po&egrave;me de jeunesse, ce qui est exact, ces vers &eacute;tant extraits du premier recueil, <em>Cheveux bleus</em>, paru en 1931 aux &eacute;ditions Messein.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> Le long fragment final o&ugrave; Jean Tortel pr&eacute;sente la litt&eacute;rature comme un &laquo;&nbsp;contre-pouvoir&nbsp;&raquo; risque ainsi, &agrave; la lumi&egrave;re des &eacute;changes imm&eacute;diatement pr&eacute;c&eacute;dents sur <em>Clefs pour la litt&eacute;rature,</em> d&rsquo;&ecirc;tre pris par l&rsquo;auditeur pour un extrait de cet essai alors qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une citation du premier entretien avec Liliane Giraudon.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> Tel est le titre du quatri&egrave;me entretien avec Liliane Giraudon.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> Je souligne. Parmi les listes, les unes puisent toute leur mati&egrave;re dans un seul po&egrave;me comme le fait, dans le quatri&egrave;me entretien, la liste &laquo;&nbsp;&Eacute;tioler, &eacute;toiler, c&oelig;ur, corps, bougie, bouger&nbsp;&raquo; dont tous les termes sont tir&eacute;s du petit po&egrave;me d&rsquo;<em>Instants qualifi&eacute;s</em> &laquo;&nbsp;&Eacute;tioler le d&eacute;sir / Ou l&rsquo;&eacute;toiler. // Au c&oelig;ur du corps / La lueur bouge // Bougie de suif&nbsp;&raquo;, que Tortel lit &agrave; l&rsquo;ouverture de l&rsquo;&eacute;mission et que le dialogue glose dans les premi&egrave;res minutes. D&rsquo;autres, ignorant les lectures, puisent leurs composantes au fil des seuls propos de Tortel et de ses interlocuteurs.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> Notes du &laquo;&nbsp;Samedi [6 novembre 1976], Cahier jaune, p.&nbsp;162.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> Notes du &laquo;&nbsp;Lundi 14 [avril 1975]&nbsp;&raquo;, <em>ibid</em>., p.&nbsp;63.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> Luc Decaunes, lettre &agrave; J. Tortel du &laquo;&nbsp;Vendredi 12 XI 76&nbsp;&raquo;, FJT.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> Voir les remarques de Tortel dans <em>Clefs pour la litt&eacute;rature</em>, Paris, Seghers, 1965, r&eacute;&eacute;d. 1977, p.&nbsp;98-99.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> On se souvient que Denis Roche l&rsquo;a pr&eacute;tendue &laquo;&nbsp;inadmissible&nbsp;&raquo; dans un texte c&eacute;l&egrave;bre, dont <em>Manteia </em>a publi&eacute; un extrait d&egrave;s 1968 (n&deg;&nbsp;4, p.&nbsp;8-18).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> Jean Tortel, &laquo;&nbsp;Vendredi 18 [d&eacute;cembre 1970]&nbsp;&raquo;, Cahier vert, p.&nbsp;15.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a> Pierre-Marie H&eacute;ron, &laquo;&nbsp;Introduction&nbsp;&raquo;, <em>&Eacute;crivains au micro. Les entretiens-feuilletons &agrave; la radio fran&ccedil;aise dans les ann&eacute;es cinquante</em>, Presses universitaires de Rennes, &laquo;&nbsp;Interf&eacute;rences&nbsp;&raquo;, 2010, p.&nbsp;11.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a> Jean-Max Tixier, lettre &agrave; J. Tortel du 28 octobre 1976, FJT.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a> Jean Tortel, &laquo;&nbsp;29 8<sup>bre</sup> [1976]&nbsp;&raquo;, Cahier jaune, p.&nbsp;160.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a> <em>Ibid</em>.</p> <h3>Auteur</h3> <p><strong>Catherine Soulier</strong>&nbsp;est ma&icirc;tre de conf&eacute;rences &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paul Val&eacute;ry-Montpellier, membre du centre de recherche RIRRA21. Elle travaille sur la po&eacute;sie des xx<sup>e</sup> et xxi<sup>e</sup> si&egrave;cles (red&eacute;finitions et mise en cause du &laquo;&nbsp;genre&nbsp;&raquo;&nbsp;; pol&eacute;miques autour du lyrisme&nbsp;; interactions entre po&eacute;sie et arts visuels).</p> <p style="text-align: justify;">Sur Jean Tortel, elle a publi&eacute; divers articles, organis&eacute; deux colloques qui ont donn&eacute; lieu &agrave; deux volumes collectifs (<em>Jean Tortel l&rsquo;&oelig;uvre ou vert</em>, Universit&eacute; Montpellier 3, 2001 et &nbsp;<em>Relire/relier Jean Tortel</em>, Suppl&eacute;ment <em>Triages</em>, 2012). Elle a &eacute;galement fait para&icirc;tre un essai, <em>Jean Tortel. Des livres aux Jardin,</em> Champion, 2013.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Copyright</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>