<p>L’article se concentre sur « L’Invité de la semaine », la principale rubrique de <em>La Matinée littéraire</em>, magazine exclusivement littéraire de France Culture produit par Roger Vrigny de 1966 à 1984. Entre élitisme et démocratisation, le magazine obéit à la double volonté de résister à la dilution de la littérature dans la culture et de donner à des écrivains trop seuls des lecteurs attachés à les suivre de livre en livre. Le grand entretien de « L’Invité de la semaine » est la pièce maîtresse de cette politique, qui puise son inspiration dans le stimulant exemple de <em>La NRF</em> de la grande époque, tout en adaptant sa pratique à celle de <em>La NRF</em> d’après-guerre, qui favorise quelque peu les auteurs Gallimard. Un <em>esprit NRF</em> habite le magazine, en dépit de certaines concessions faites à l’esprit mondain des « salons » (il faut bien donner « du pain et des jeux » à ses auditeurs du matin) et à l’audimat. Les vertus classiques de simplicité et de clarté animent la conduite des entretiens, à l’abri des bonnes manières et à l’écart des polémiques et des jargons. Les écrivains gauches y sont appréciés, les écrivains brillants redoutés, même si certains fascinent (Barthes, Butor…). Les questions importantes touchent tout à la fois à la clôture de l’œuvre et à la manière dont la vie intérieure des auteurs s’y manifeste. Dans le rôle de l’intervieweur, Vrigny agit beaucoup plus en critique qu’en reporter culturel : au contraire d’un Chancel ou d’un Pivot, adeptes de la position de l’ignorant, dont le métier est d’obtenir des réponses à des questions épousant les attentes et curiosités du grand public, il juge important de faire entendre à ses auditeurs des conversations de pair à pair.</p>