<h3>Abstract</h3> <p>Newspapers in the 19<sup>th</sup>&nbsp;century appear as a meeting point between the reader and the author of novels, between the narrator and the narratee within the diegesis. The newspaper, seen as a textual object and a vector of a new temporality, especially regarding the meaning of the event, is used in various narratives with several modalities which highlight a typology of its uses. This typology reveals the interactions between the time as lived by the reader and the time as told by the novelist. A standard sentence reflecting a certain configuration that unites the character and the journal allows us to bring to light a few links between the different elements of the narration regarding the effect of the newspapers used as a way to extend the possibilities of fictional temporality.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>novel</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <h2>1. Introduction : le journal, un embrayeur temporel<br /> &nbsp;</h2> <p>&laquo; Il apprit dans le journal &raquo; est une phrase qui n&rsquo;appara&icirc;t sans doute, en l&rsquo;&eacute;tat, dans aucun roman ; &agrave; d&eacute;faut, elle est une forme condens&eacute;e et fantasm&eacute;e d&rsquo;autres phrases, proches et vari&eacute;es, qui t&eacute;moignent d&rsquo;une nouveaut&eacute; dans la perception du temps au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle telle qu&rsquo;elle est rendue par les romans&nbsp;: la parution du journal et son influence sur la di&eacute;g&egrave;se. De la m&ecirc;me mani&egrave;re que le progr&egrave;s technique de l&rsquo;&eacute;lectricit&eacute; a pu toucher les intrigues romanesques en multipliant les sc&egrave;nes nocturnes&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>, le journal a modifi&eacute; le rapport que les personnages ont &agrave; l&rsquo;irruption de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement dans la temporalit&eacute; fictionnelle. L&rsquo;intrigue et la di&eacute;g&egrave;se&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>&nbsp;sont les deux notions que nous allons utiliser pour mettre en question l&rsquo;utilisation du journal comme &eacute;l&eacute;ment esth&eacute;tique du romanesque au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;&ndash; &eacute;l&eacute;ment que l&rsquo;on ne retrouve certes pas dans toutes les productions romanesques, mais qui r&eacute;v&egrave;le cependant une certaine tendance r&eacute;aliste dans un corpus que nous avons choisi vari&eacute;, m&ecirc;lant &oelig;uvres canoniques et r&eacute;cits peu connus.</p> <p>&laquo;&nbsp;J&rsquo;ai compris que cela serait demain dans le journal&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;: dans les premi&egrave;res lignes du&nbsp;<em>Dernier jour d&rsquo;un condamn&eacute;</em>, le narrateur autodi&eacute;g&eacute;tique observe un jeune homme &ndash; un journaliste &ndash; qui prend des notes sur la &laquo;&nbsp;toilette du condamn&eacute;&nbsp;&raquo;&nbsp;; il conclut par cette phrase. Le lendemain n&rsquo;existe pas pour le condamn&eacute; &agrave; mort, mais la temporalit&eacute; propre au journal lui rappelle qu&rsquo;il en est autrement pour la foule dont il entend les rires. L&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, en l&rsquo;occurrence, est celui de la mort annonc&eacute;e&nbsp;: c&rsquo;est par cette projection que l&rsquo;imminence de l&rsquo;ex&eacute;cution prend une dimension urgente, marqu&eacute;e par la borne que repr&eacute;sente la parution de l&rsquo;article le lendemain. Le journal joue donc un r&ocirc;le&nbsp;&ndash;&nbsp;poignant ici &ndash; quant &agrave; la temporalit&eacute; de la di&eacute;g&egrave;se, quant &agrave; la construction m&ecirc;me de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, et ce particuli&egrave;rement dans le roman r&eacute;aliste dont il accompagne le d&eacute;veloppement&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>.</p> <p>Le journal projette sur l&rsquo;existence du condamn&eacute; &agrave; mort une temporalit&eacute; ext&eacute;rieure &agrave; la sienne&nbsp;: c&rsquo;est un cas limite de l&rsquo;utilisation du journal. Mais la plupart du temps, c&rsquo;est la lecture du journal, activit&eacute; quotidienne et habituelle, qui fait entrer une autre temporalit&eacute; dans le temps di&eacute;g&eacute;tique du personnage. La lecture du journal constituerait donc un moment particulier de la di&eacute;g&egrave;se dans les romans r&eacute;alistes, et le journal pourrait m&ecirc;me appara&icirc;tre comme une sorte de&nbsp;<em>deus ex machina</em>&nbsp;moderne qui r&eacute;sout les intrigues secondaires, fait avancer &agrave; grands pas la narration&nbsp;; il peut aussi, plus simplement, valoir comme la survenue d&rsquo;un temps li&eacute; &agrave; l&rsquo;espace public, diff&eacute;rent du pr&eacute;sent v&eacute;cu par les personnages. Des formules comme &laquo;&nbsp;on lisait le lendemain dans le journal&nbsp;&raquo; peuvent valoir comme de v&eacute;ritables embrayeurs d&rsquo;une temporalit&eacute; pr&eacute;cipit&eacute;e&nbsp;:&nbsp;ce n&rsquo;est pas encore du &laquo;&nbsp;scoop&nbsp;&raquo;, mais plut&ocirc;t un artifice narratif qui permet de faire entrer le roman r&eacute;aliste dans une autre temporalit&eacute;, marqu&eacute;e principalement par le fait divers. Cette temporalit&eacute; peut avoir des r&eacute;percussions sur la soci&eacute;t&eacute;, sur l&rsquo;un des personnages du roman ou se r&eacute;v&eacute;ler pourvoyeuse d&rsquo;ellipses&nbsp;:&nbsp;c&rsquo;est ce qui nous int&eacute;resse ici. En effet, le journal d&eacute;veloppe au cours du si&egrave;cle sa pr&eacute;sentation des &eacute;v&eacute;nements et acc&eacute;l&egrave;re ainsi une certaine perception de la temporalit&eacute;, comme l&rsquo;explique Julien Schuh&nbsp;:</p> <blockquote> <p>L&rsquo;&eacute;volution des publics et des tirages provoque une adaptation des types d&rsquo;informations mises en avant : on privil&eacute;gie les &eacute;v&eacute;nements disruptifs (guerres, crimes, scandales) aux d&eacute;pens des d&eacute;bats politiques et sociaux. En d&eacute;finitive, c&rsquo;est parce qu&rsquo;il est quotidien, et parce que son financement repose sur une diffusion toujours plus large, que le journal provoque une acc&eacute;l&eacute;ration de la temporalisation des &eacute;v&eacute;nements : pour justifier sa consommation, il doit cr&eacute;er un sentiment de changement perp&eacute;tuel&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>.</p> </blockquote> <p>Ce changement si important dans la temporalit&eacute; du journal va se retrouver dans le cadre romanesque. Car c&rsquo;est bien l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement qui fait le c&oelig;ur du probl&egrave;me ici, l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement et son inscription dans le r&eacute;cit, dont on peut suivre l&rsquo;&eacute;volution jusqu&rsquo;au contemporain&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>.</p> <p>Notre point de d&eacute;part r&eacute;side donc dans une formule et ses variantes, dans un noyau phrastique autour duquel va rayonner l&rsquo;intrigue. Les quelques formes que nous pr&eacute;sentons, appuy&eacute;es sur le mod&egrave;le de la formule &laquo;&nbsp;le lendemain on lisait&nbsp;&raquo;, pr&eacute;sentent en effet des structures &eacute;quivalentes. Le plus souvent, on y trouve &laquo;&nbsp;le lendemain&nbsp;&raquo; suivi du pronom &laquo;&nbsp;on&nbsp;&raquo;, ce qui permet &agrave; la di&eacute;g&egrave;se de quitter le point de vue du personnage pour un &eacute;largissement de la focalisation qui prend les dimensions de la soci&eacute;t&eacute; enti&egrave;re&nbsp;: dans ce saut entre une focalisation restreinte (ou un dialogue) et une focalisation qui est propre &agrave; l&rsquo;espace public, un vertige se lit, qui est celui de l&rsquo;&eacute;poque. La jonction du temps et de la personne op&egrave;re une double ellipse&nbsp;: temporelle, donc, par le temps (rapide) que prend la parution du journal quotidien, mais aussi spatiale avec l&rsquo;apparition de ce &laquo;&nbsp;on&nbsp;&raquo; de l&rsquo;opinion publique. Par cette formule, le fait divers &eacute;loign&eacute; qui se joue entre quelques individus devient un texte qui passe &agrave; un public inconnu&nbsp;:&nbsp;la rapidit&eacute; de l&rsquo;&eacute;poque moderne se voit ainsi dans le roman &ndash; et pr&eacute;figure une certaine fascination pour la simultan&eacute;it&eacute; qui est l&rsquo;une des versions de la modernit&eacute; dans le romanesque. L&rsquo;influence du feuilleton est &eacute;galement non n&eacute;gligeable, naturellement, dans l&rsquo;&eacute;criture de ces temporalit&eacute;s nouvelles qui sont &agrave; la fois v&eacute;cues par les lecteurs et racont&eacute;es dans les r&eacute;cits&nbsp;: cette ad&eacute;quation entre l&rsquo;exp&eacute;rience quotidienne et l&rsquo;exp&eacute;rience romanesque est due &agrave; la pr&eacute;sence du journal et &agrave; son r&ocirc;le. Dans la nouvelle &laquo;&nbsp;arithm&eacute;tique des jours au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;&raquo;, un d&eacute;tail comme la propagation d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement dans le tissu narratif joue un r&ocirc;le important.</p> <p>Nous analyserons donc la signification de plusieurs manifestations du journal dans des romans ou nouvelles du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;: ce corpus que nous avons constitu&eacute; est volontairement h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne, tant pour l&rsquo;esth&eacute;tique que pour les dates. Deux &eacute;l&eacute;ments motivent ce choix&nbsp;: un tel corpus fait ainsi appara&icirc;tre le ph&eacute;nom&egrave;ne de fond que nous voulons &eacute;tudier&nbsp;; il permet &eacute;galement de dresser une esquisse de typologie que l&rsquo;on pourrait observer,&nbsp;<em>mutatis mutandis</em>, dans d&rsquo;autres &oelig;uvres du si&egrave;cle. Dans ces exemples, le journal marque en effet la propagation d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement et la mani&egrave;re dont le cadre intime du roman s&rsquo;ouvre au cadre quotidien repr&eacute;sent&eacute; par le journal&nbsp;: c&rsquo;est ce dernier, comme voix seconde, qui est gage de r&eacute;alisme, et ce d&rsquo;autant plus que la cause cach&eacute;e de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement est r&eacute;v&eacute;l&eacute;e par le roman. Il s&rsquo;agit bien alors, symboliquement du moins, de d&eacute;monter les rouages de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, de donner &agrave; voir les causes&nbsp;:&nbsp;en un mot, cela se rapproche du programme de&nbsp;<em>La Com&eacute;die humaine</em>.</p> <h2>2. Le journal reproduit l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement : un d&eacute;crochage &eacute;nonciatif<br /> &nbsp;</h2> <p>Le contenu du journal peut &ecirc;tre reproduit, souvent pour donner un effet de r&eacute;el autant que pour rendre visible et lisible une certaine polyphonie du texte litt&eacute;raire&nbsp;: le texte du journal contredit parfois l&rsquo;intrigue, ou la compl&egrave;te avec une voix neutre qui s&rsquo;apparente &agrave; celle de la soci&eacute;t&eacute;. C&rsquo;est ce que souligne le narrateur des&nbsp;<em>Myst&egrave;res de Paris</em>&nbsp;quand il cite le journal pour &laquo;&nbsp;consacrer, pour ainsi dire, la croyance g&eacute;n&eacute;rale&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>&nbsp;&raquo; sur la mort de M. d&rsquo;Harville &ndash; alors m&ecirc;me que le lecteur, lui, a &eacute;t&eacute; admis &agrave; conna&icirc;tre la v&eacute;rit&eacute; sur ce suicide. Dans ce cas, le narrateur et le lecteur partagent un savoir cach&eacute; du reste de la soci&eacute;t&eacute;&nbsp;; leur proximit&eacute; renforce une connivence qui les place sur un pied d&rsquo;&eacute;galit&eacute; &ndash; ce qui n&rsquo;est pas le moindre effet esth&eacute;tique des romans-feuilletons. Ce n&rsquo;est d&rsquo;ailleurs pas un hasard si Eug&egrave;ne Sue se sert par moments de cette dissonance temporelle entre la sc&egrave;ne et l&rsquo;ellipse&nbsp;: c&rsquo;est un rythme tout feuilletonesque, et la mise en abyme que produit la publication d&rsquo;un extrait de journal dans le roman-feuilleton confirme l&rsquo;importance de cette temporalit&eacute; du journal&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>. La mort de M. d&rsquo;Harville dans&nbsp;<em>Les Myst&egrave;res de Paris</em>&nbsp;ou le d&eacute;but du chol&eacute;ra dans&nbsp;<em>Le Juif errant</em>&nbsp;sont ainsi trait&eacute;s par une brusque variation de temporalit&eacute; marqu&eacute;e par la c&eacute;sure symbolique d&rsquo;une ligne de points que nous reproduisons ici&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Avec ces mots le coup partit.</p> <p>M.&nbsp;d&rsquo;Harville s&rsquo;&eacute;tait br&ucirc;l&eacute; la cervelle.</p> <p>&hellip;&hellip;&hellip;&hellip;&hellip;</p> <p>Nous renon&ccedil;ons &agrave; peindre la stupeur, l&rsquo;&eacute;pouvante des convives de M.&nbsp;d&rsquo;Harville.</p> <p>Le lendemain on devait lire dans un journal&nbsp;:</p> <p>&laquo;&nbsp;Hier, un &eacute;v&eacute;nement aussi impr&eacute;vu que d&eacute;plorable a mis en &eacute;moi tout le faubourg Saint-Germain. Une de ces imprudences qui am&egrave;nent chaque ann&eacute;e de si funestes accidents, a caus&eacute; un affreux malheur. Voici les faits que nous avons recueillis, et dont nous pouvons garantir l&rsquo;authenticit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;[&hellip;].&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p>Le journal, voix commune qui donne &agrave; l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement sa publicit&eacute;, peut donc servir de contrepoint &agrave; l&rsquo;intrigue telle que le lecteur la conna&icirc;t, et dire le m&ecirc;me &eacute;v&eacute;nement sous une autre forme, celle que la soci&eacute;t&eacute; conna&icirc;tra. Cette mani&egrave;re de dire &agrave; deux voix un &eacute;v&eacute;nement, narrateur et journal mis en concurrence pour le lecteur, est utilis&eacute;e &agrave; diff&eacute;rentes fins mais souligne le plus souvent un &laquo;&nbsp;d&eacute;calage &eacute;pist&eacute;mique&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&raquo; que l&rsquo;auteur exploite. Ainsi dans&nbsp;<em>Rouget et Noiraud</em>, de Guillaume de la Landelle&nbsp;: pendant un proc&egrave;s, l&rsquo;un des personnages sourit &agrave; sa m&egrave;re et le narrateur qualifie ce sourire de &laquo;&nbsp;magnanime&nbsp;&raquo;, d&eacute;veloppant une r&eacute;elle empathie avec le personnage qui vient d&rsquo;&ecirc;tre condamn&eacute;. Mais cette action est compl&eacute;t&eacute;e par le paragraphe suivant&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Le lendemain, on lisait dans le compte-rendu de la s&eacute;ance par le journal du d&eacute;partement&nbsp;:</p> <p>&laquo;&nbsp;Encore un incorrigible dont les pernicieux instincts &eacute;pouvantent autant qu&rsquo;ils indignent. Au moment o&ugrave; le jeune accus&eacute;, d&eacute;clar&eacute; coupable avec circonstances att&eacute;nuantes, a entendu le prononc&eacute; de la sentence, il s&rsquo;est tourn&eacute; vers le public souriant du plus insolent sourire&nbsp;&raquo;.</p> <p>Ainsi sont faits les jugements humains&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.</p> </blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Insolent&nbsp;&raquo; plut&ocirc;t que &laquo;&nbsp;magnanime&nbsp;&raquo;&nbsp;: le ralentissement de la narration sur le d&eacute;tail du sourire du jeune homme se trouve confront&eacute; &agrave; la pr&eacute;cision lapidaire de l&rsquo;article du journal. Le lecteur, l&agrave; encore, se trouve dans une position qui est celle du d&eacute;tenteur de la v&eacute;rit&eacute; romanesque&nbsp;: on l&rsquo;invite &agrave; se m&eacute;fier des &laquo;&nbsp;jugements humains&nbsp;&raquo;, &agrave; mettre en question le texte m&eacute;diatique et &agrave; en soup&ccedil;onner la v&eacute;ridicit&eacute;. Dans le pr&eacute;sent de l&rsquo;intrigue, le lecteur a compris bien plus que ce que le journal rapporte le lendemain. Et ce &laquo;&nbsp;lendemain&nbsp;&raquo;, d&eacute;calage temporel r&eacute;aliste qui est celui du fait divers, devient &eacute;galement un d&eacute;calage par rapport &agrave; la v&eacute;rit&eacute; observ&eacute;e. Le journal, dans ces deux exemples, n&rsquo;&eacute;largit le monde de l&rsquo;intrigue que pour mieux retourner vers le lecteur&nbsp;: dans cet aller-retour de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, le journal est un outil destin&eacute; &agrave; donner conscience au lecteur de son importance.</p> <p>Mais ce d&eacute;calage n&rsquo;est pas toujours affaire de mensonge ou de d&eacute;formation de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement quand il passe &agrave; la publicit&eacute;, et le journal ne suscite pas toujours un aller-retour entre le lecteur et le monde qu&rsquo;il partage avec les personnages de la di&eacute;g&egrave;se. Dans&nbsp;<em>Le Juif errant</em>, la rupture temporelle est plus nettement rapport&eacute;e &agrave; la publicit&eacute; l&eacute;gitime donn&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement priv&eacute; auquel le lecteur a pu assister. Le chol&eacute;ra qui se r&eacute;pand &agrave; Paris prend comme point de d&eacute;part le personnage (n&eacute;gatif) de Rodin&nbsp;: le journal joue alors &agrave; plein son r&ocirc;le d&rsquo;&eacute;largissement de la perspective di&eacute;g&eacute;tique, en ligne droite.</p> <blockquote> <p>&mdash; Gabriel !&hellip; murmura Rodin d&rsquo;une voix &eacute;teinte, pardon&hellip; pour le mal&hellip; que je vous ai fait&hellip; Piti&eacute; !&hellip; ne m&rsquo;abandonnez pas !&hellip; ne&hellip;</p> <p>Rodin ne put achever ; il &eacute;tait parvenu &agrave; se soulever sur son s&eacute;ant&nbsp;;&nbsp;il poussa un cri et retomba sans mouvement.</p> <p>&middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;</p> <p>Le m&ecirc;me jour, dans les journaux du soir, on lisait :</p> <p>&laquo; Le chol&eacute;ra est &agrave; Paris&hellip; le premier cas s&rsquo;est d&eacute;clar&eacute; aujourd&rsquo;hui, &agrave; trois heures et demie, rue de Babylone, &agrave; l&rsquo;h&ocirc;tel Saint-Dizier&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>. &raquo;</p> </blockquote> <p>Il s&rsquo;agit ici pour le lecteur de suivre la propagation d&rsquo;une nouvelle et de comprendre ce que signifie la sc&egrave;ne isol&eacute;e qu&rsquo;il vient de lire dans une perspective plus large&nbsp;: le &laquo;&nbsp;patient z&eacute;ro&nbsp;&raquo;, ce &laquo;&nbsp;premier cas&nbsp;&raquo; anonyme pour les autres, est connu du lecteur qui a suivi de mani&egrave;re pr&eacute;cise sa contamination et les d&eacute;buts de sa maladie. L&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration du rythme de la narration correspond &agrave; un &eacute;largissement du cadre du roman et rejoint ainsi son aspect r&eacute;aliste : la mention des journaux &laquo;&nbsp;du soir&nbsp;&raquo; va dans le sens d&rsquo;une urgence que tous les lecteurs, du roman ou du journal, comprennent. Dans l&rsquo;&eacute;dition en recueil de 1844, cette derni&egrave;re phrase marque la fin du septi&egrave;me tome&nbsp;: l&rsquo;effet de suspense est pleinement accompli gr&acirc;ce &agrave; cette d&eacute;l&eacute;gation de la narration &agrave; la voix du journal.</p> <p>Le journal enfin peut donner au lecteur des informations que le personnage concern&eacute; n&rsquo;a pas. Dans&nbsp;<em>La Vicomtesse Alice</em>, d&rsquo;Alb&eacute;ric Second, le journal sert, dans les premi&egrave;res pages, &agrave; expliquer l&rsquo;identit&eacute; d&rsquo;un myst&eacute;rieux jeune homme qui s&rsquo;est introduit dans la loge de la vicomtesse &eacute;ponyme. La vicomtesse, elle, n&rsquo;est pas concern&eacute;e par cet article&nbsp;: le &laquo;&nbsp;on&nbsp;&raquo; est ici exclusif du personnage principal, alors m&ecirc;me que dans nos exemples pr&eacute;c&eacute;dents, il &eacute;tait inclusif et r&eacute;v&eacute;lait enti&egrave;rement sa valeur de pronom ind&eacute;fini. Apr&egrave;s le r&eacute;cit de cette rencontre inattendue &agrave; l&rsquo;op&eacute;ra, le lecteur est confront&eacute; &agrave; l&rsquo;information suivante&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Le lendemain, on lisait dans plusieurs journaux une note ainsi con&ccedil;ue&nbsp;:</p> <p>&laquo; Trompant la surveillance de ses gardiens, un jeune artiste peintre s&rsquo;est &eacute;chapp&eacute; hier soir, vers neuf heures, de la maison de sant&eacute; o&ugrave; sa pension est pay&eacute;e par M.&nbsp;le ministre de l&rsquo;int&eacute;rieur, dont la sollicitude et la bienveillance &eacute;clair&eacute;es sont trop connues, trop appr&eacute;ci&eacute;es pour que nous ayons &agrave; les louer publiquement.</p> <p>Ce fugitif se nomme Ren&eacute; Derville. On a suivi ses traces jusqu&rsquo;&agrave; la rue de la Paix&nbsp;; on l&rsquo;a perdu de vue &agrave; l&rsquo;entr&eacute;e de la rue Neuve-des-Petits-Champs.</p> <p>Les personnes qui rencontreront l&rsquo;infortun&eacute; Derville errant dans Paris feront acte d&rsquo;humanit&eacute; en le reconduisant rue Marbeuf, n&deg; 10, et en le remettant aux mains du docteur Perrier, un de nos m&eacute;decins ali&eacute;nistes les plus honorables et les plus en renom&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>&nbsp;&raquo;.</p> </blockquote> <p>Le chapitre se termine sur cette mention qui explique la sc&egrave;ne pr&eacute;c&eacute;dente. Le fait divers n&rsquo;est pas ici une d&eacute;formation ou une amplification de ce que le lecteur conna&icirc;t&nbsp;: c&rsquo;est une explication donn&eacute;e par la voix publique du journal, qui &eacute;claire r&eacute;trospectivement l&rsquo;&eacute;trange &eacute;pisode de l&rsquo;op&eacute;ra et joue le r&ocirc;le d&rsquo;un r&eacute;v&eacute;lateur. L&rsquo;artifice ici consiste &agrave; d&eacute;l&eacute;guer au journal une v&eacute;rit&eacute; que le narrateur aurait seul pu prendre en charge&nbsp;: pourquoi alors passer par le journal&nbsp;? Pour des raisons qui tiennent sans doute aux liens entre le lecteur et le personnage&nbsp;; pour situer le lecteur de roman dans son quotidien de lecteur de journal&nbsp;; pour amplifier le r&eacute;alisme de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement et faire entrer dans la di&eacute;g&egrave;se un espace aux dimensions publiques.</p> <p>Par ces exemples, l&rsquo;on voit que le fait divers entre dans le journal comme un lien entre le narrateur et son lecteur&nbsp;: jouant sur le d&eacute;calage temporel du &laquo;&nbsp;lendemain&nbsp;&raquo; comme moment de la publication, le narrateur offre au lecteur l&rsquo;opportunit&eacute; de comprendre que cette ellipse repr&eacute;sente le temps de la propagation de la nouvelle &ndash; et de son &eacute;ventuelle d&eacute;formation. L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de ce &laquo; on &raquo; et de cette ellipse survient du c&ocirc;t&eacute; du narrateur, un instant suspendu dans sa fonction : ce &laquo; on &raquo; donnerait presque l&rsquo;impression du recours &agrave; un ch&oelig;ur antique, modernis&eacute; ici en une opinion publique qui prend le relais de la narration r&eacute;aliste. La coh&eacute;sion de la communaut&eacute; des lecteurs du journal donne en effet plus de poids au &laquo;&nbsp;on&nbsp;&raquo; employ&eacute; dans les phrases&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le sociologue Gabriel Tarde montre que le journal fait na&icirc;tre un public, c&rsquo;est-&agrave;-dire &ldquo;une collectivit&eacute; purement spirituelle, [&hellip;] une diss&eacute;mination d&rsquo;individus s&eacute;par&eacute;s et dont la coh&eacute;sion est toute mentale&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&rdquo;&nbsp;&raquo;&nbsp;; l&rsquo;auteur reprend ici cette communaut&eacute; et y int&egrave;gre son univers romanesque.</p> <p>En outre, et d&rsquo;un point de vue plus strictement di&eacute;g&eacute;tique, la citation d&rsquo;un article invent&eacute; pour l&rsquo;intrigue se transforme ainsi en coupure dans l&rsquo;intrigue&nbsp;:&nbsp;&agrave; ce moment pr&eacute;cis, le temps v&eacute;cu par le lecteur correspond au temps racont&eacute; de la di&eacute;g&egrave;se. Le passage du journal n&rsquo;est que rarement intrigant pour le lecteur&nbsp;: il est des cas, comme ici, o&ugrave; il redouble l&rsquo;intrigue sans rien apporter de nouveau comme tension&nbsp;; et des cas o&ugrave;, au contraire, le lecteur subit lui aussi le journal comme nouveaut&eacute; dans l&rsquo;intrigue&nbsp;: un m&ecirc;me objet textuel peut &ecirc;tre utilis&eacute; selon deux modalit&eacute;s temporelles concurrentes.</p> <h2>3. Le journal a le dernier mot : une fin contemporaine<br /> &nbsp;</h2> <p>Dans les cas cit&eacute;s plus haut, la citation du journal cr&eacute;e un effet de connivence avec le lecteur qui ressortit bien &agrave; l&rsquo;un des principes r&eacute;alistes : comprendre les rouages de la soci&eacute;t&eacute;, ses fonctionnements. Appliqu&eacute; aux cas que nous avons vus, ce principe consiste &agrave; bien comprendre les raisons cach&eacute;es du fait divers tel qu&rsquo;il est rapport&eacute; dans le journal. Mais on a &eacute;galement vu comment, &agrave; un autre niveau qui est celui de la construction de l&rsquo;&oelig;uvre, l&rsquo;article peut &ecirc;tre cit&eacute; par le narrateur comme &eacute;l&eacute;ment de cl&ocirc;ture d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement. Dans ce cas, la cl&ocirc;ture vaut aussi pour l&rsquo;&eacute;largissement du cadre spatial et l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration du cadre temporel, mani&egrave;re d&rsquo;ouvrir sur le monde la fin de la narration&nbsp;; de tels changements &eacute;taient soulign&eacute;s, par exemple chez Eug&egrave;ne Sue, par l&rsquo;effet de c&eacute;sure que produisent les points. Cette marque typographique, ces points qui d&eacute;terminent la coupure entre le r&eacute;cit et le journal, se retrouvent dans d&rsquo;autres &oelig;uvres, t&eacute;moins d&rsquo;un d&eacute;crochement qui n&rsquo;est pas qu&rsquo;&eacute;nonciatif&nbsp;: ils sont le marqueur d&rsquo;une repr&eacute;sentation spatio-temporelle v&eacute;ritablement hach&eacute;e, qui renvoie le lecteur &agrave; sa propre dualit&eacute;, &agrave; son caract&egrave;re de lecteur mis en abyme entre le journal et le roman.</p> <p>&laquo;&nbsp;La Deruchette&nbsp;&raquo; [<em>sic</em>] est une nouvelle que fait para&icirc;tre Alexis Bouvier en 1878 &ndash; on notera la r&eacute;f&eacute;rence aux&nbsp;<em>Travailleurs de la mer</em>&nbsp;par le nom du bateau, Deruchette (qui devrait s&rsquo;orner d&rsquo;un accent, D&eacute;ruchette). La nouvelle raconte comment le marin Jean M&eacute;rit pr&eacute;cipite dans l&rsquo;orage sa barque, charg&eacute;e de sa femme et de l&rsquo;amant de cette derni&egrave;re, afin de les tuer&hellip; Apr&egrave;s une narration qui n&rsquo;&eacute;pargne aucun d&eacute;tail et multiplie les sc&egrave;nes path&eacute;tiques et violentes, la nouvelle se cl&ocirc;t ainsi&nbsp;:</p> <blockquote> <p>L&rsquo;orage &eacute;tait fini, mais la pluie recommen&ccedil;a &agrave; tomber, et Jean M&eacute;rit, ruisselant de sang et d&rsquo;eau, cramponn&eacute; &agrave; l&rsquo;avant, chantait toujours, l&rsquo;&eacute;pave de la&nbsp;<em>Deruchette</em>&nbsp;&eacute;tait pouss&eacute;e au large&hellip;</p> <p>&nbsp;&middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &middot;</p> <p>Le lendemain, dans le&nbsp;<em>Journal du Havre</em>, on lisait dans les sinistres&nbsp;:</p> <p>&laquo;&nbsp;Mardi, 17 juin, par 23&deg;12&rsquo; latitude sud et 8&deg;20&rsquo; longitude, rencontr&eacute; une &eacute;pave de barque de p&ecirc;che&nbsp;; &agrave; l&rsquo;avant un homme &eacute;tait agenouill&eacute;&nbsp;; il avait le front sanglant&hellip; La mer &eacute;tant trop mauvaise pour nous approcher, nous sommes revenus deux heures apr&egrave;s&nbsp;; mais les recherches ont &eacute;t&eacute; sans r&eacute;sultat&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>&nbsp;&raquo;.</p> </blockquote> <p>Ici, outre la rupture typographique marqu&eacute;e par les points, nous pouvons observer un autre trait signifiant&nbsp;: les derniers mots sont laiss&eacute;s au journal, dans un redoublement qui n&rsquo;&eacute;tait pas n&eacute;cessaire &agrave; la compr&eacute;hension de l&rsquo;intrigue. Le fait divers est cit&eacute;&nbsp;<em>in extenso</em>&nbsp;et imite le style journalistique comme clausule de la nouvelle qui ne laisse pas le narrateur reprendre sa voix mais insiste sur le r&eacute;cit m&eacute;diatique &ndash; apais&eacute; par rapport aux descriptions sanguinolentes qui ont pr&eacute;c&eacute;d&eacute;, mais remarquant tout de m&ecirc;me les traces de cette violence sur le corps du personnage. La pr&eacute;cision m&ecirc;me de la date et du lieu, imitant le style maritime, coupe le registre path&eacute;tique qui avait pr&eacute;valu jusqu&rsquo;alors&nbsp;:&nbsp;c&rsquo;est presque un exercice de style que cette ultime variation sur le th&egrave;me du naufrage, th&egrave;me romanesque par excellence tout au long du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle.</p> <p>Cet effet de cl&ocirc;ture se retrouve aussi dans le cas de&nbsp;<em>Fin d&rsquo;idylle</em>&nbsp;de Raoul Charbonnel&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>. Sous ce titre fr&eacute;quemment utilis&eacute; pour indiquer un fait divers &laquo;&nbsp;passionnel&nbsp;&raquo;, cette courte nouvelle suit une jeune fille qui se suicide en se jetant dans la Seine&nbsp;; on ne sait rien d&rsquo;elle si ce n&rsquo;est cet instantan&eacute; de ses pens&eacute;es. La nouvelle se cl&ocirc;t ainsi&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Brusquement elle enjambe le parapet.</p> <p>On entend un bruit sourd, puis l&rsquo;eau, un instant troubl&eacute;e, se referme, cachant dans son sein une nouvelle victime.</p> <p>Le lendemain on lisait &agrave; la quatri&egrave;me page de quelques journaux, bien inform&eacute;s&nbsp;:</p> <p>&laquo;&nbsp;Il a &eacute;t&eacute; rep&ecirc;ch&eacute; en amont du pont de Grenelle le cadavre d&rsquo;une jeune fille d&rsquo;une vingtaine d&rsquo;ann&eacute;es, paraissant avoir s&eacute;journ&eacute; vingt-quatre heures dans l&rsquo;eau.</p> <p>Aucun papier permettant d&rsquo;&eacute;tablir l&rsquo;identit&eacute; de la victime n&rsquo;a &eacute;t&eacute; trouv&eacute; sur elle. On a d&ucirc; l&rsquo;exposer &agrave; la Morgue.</p> <p>Une enqu&ecirc;te est ouverte&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>&nbsp;&raquo;.</p> </blockquote> <p>L&agrave; encore, l&rsquo;article cit&eacute; n&rsquo;ajoute rien &agrave; l&rsquo;intrigue, pas m&ecirc;me une d&eacute;formation de la v&eacute;rit&eacute; comme on pouvait l&rsquo;observer dans les premiers exemples que nous avons donn&eacute;s. L&rsquo;on observe ici encore le passage du path&eacute;tique de la narration &agrave; l&rsquo;apparente s&eacute;cheresse rationnelle de l&rsquo;entrefilet du journal&nbsp;; mais outre cet exercice de style, l&rsquo;on peut penser que le romancier utilise cette fin pour &eacute;loigner le narrateur et donner l&rsquo;apparence d&rsquo;un pr&eacute;sent qui est celui du lecteur enti&egrave;rement, quittant alors la di&eacute;g&egrave;se pour r&eacute;int&eacute;grer le moment de la lecture. Le temps de la lecture rejoint celui de la di&eacute;g&egrave;se pour marquer la fin du r&eacute;cit et le retour au quotidien du lecteur.</p> <p>Chez Paul de Kock, l&rsquo;on trouve un autre exemple particuli&egrave;rement repr&eacute;sentatif de ce fonctionnement et des possibilit&eacute;s s&eacute;rielles qu&rsquo;il ouvre&nbsp;: nous citons ici la fin des&nbsp;<em>Enfants du boulevard</em>&nbsp;en gardant &eacute;galement les annonces, hors r&eacute;cit, qui se succ&egrave;dent &agrave; la fin du roman.</p> <blockquote> <p>Le proc&egrave;s des voleurs n&rsquo;est pas long&nbsp;: le petit-fils de Cartouche et ses complices sont condamn&eacute;s aux travaux forc&eacute;s &agrave; perp&eacute;tuit&eacute;.</p> <p>M&eacute;rillac apporte &agrave; son ami le journal qui contient ce jugement, en lui disant&nbsp;:</p> <p>&mdash; Te voil&agrave; &agrave; jamais d&eacute;livr&eacute; de ce mis&eacute;rable, qui osait te braver&hellip;</p> <p>&mdash; D&eacute;livr&eacute;&hellip; ce n&rsquo;est pas bien s&ucirc;r&hellip; des gens comme lui se sauvent toujours du bagne&nbsp;!&hellip; ce S&eacute;verin avait bien m&eacute;rit&eacute; la mort&nbsp;!</p> <p>&mdash; On aura trouv&eacute; des circonstances att&eacute;nuantes&nbsp;!&hellip;</p> <p>&mdash; Enfin&nbsp;! puiss&eacute;-je ne plus en entendre parler&nbsp;!&hellip;</p> <p>Mais quelques ann&eacute;es plus tard, vers la fin de 1813, on lisait dans un journal&nbsp;:</p> <p>&laquo;&nbsp;Deux for&ccedil;ats viennent de s&rsquo;&eacute;vader du bagne de Toulon, malheureusement ce sont deux hommes de l&rsquo;esp&egrave;ce la plus dangereuse&nbsp;; l&rsquo;un est le nomm&eacute; la Grenouille, et l&rsquo;autre ce fameux voleur, connu sous le nom de S&eacute;verin et qui est, dit-on, le petit-fils de Cartouche&nbsp;; le signalement de ces deux hommes a &eacute;t&eacute; envoy&eacute; partout&nbsp;; mais jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent toutes les recherches ont &eacute;t&eacute; infructueuses&nbsp;&raquo;.</p> <p>Fin des&nbsp;<em>Enfants du boulevard</em>.</p> <p>Voir pour la suite&nbsp;<em>Le Petit-fils de Cartouche&nbsp;</em><a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.</p> </blockquote> <p>Le journal repr&eacute;sente ici une clausule d&eacute;ceptive&nbsp;: malgr&eacute; une ellipse temporelle sensiblement plus longue que dans nos autres exemples (&laquo;&nbsp;le lendemain&nbsp;&raquo; est devenu &laquo;&nbsp;quelques ann&eacute;es plus tard&nbsp;&raquo;), le fait divers relance l&rsquo;action &agrave; la mani&egrave;re de la publication d&rsquo;un feuilleton, et la suite se fait attendre pour le lecteur attentif.</p> <p>Enqu&ecirc;te ouverte, recherches infructueuses&nbsp;:&nbsp;ces fins sont li&eacute;es en premier lieu &agrave; la p&eacute;riodicit&eacute; du journal, qui se laisse la possibilit&eacute; d&rsquo;annoncer d&rsquo;autres &eacute;v&eacute;nements, des suites au fait divers (une identification possible, par exemple)&nbsp;;&nbsp;pour les nouvelles, dans une esth&eacute;tique de la s&eacute;rialit&eacute;, cela participe d&rsquo;une temporalit&eacute; ouverte sur le temps du lecteur, sur son pr&eacute;sent marqu&eacute; lui aussi par la pr&eacute;sence du p&eacute;riodique. Dans les deux cas cit&eacute;s o&ugrave; les recherches sont &laquo;&nbsp;infructueuses&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;sans r&eacute;sultats&nbsp;&raquo;, pour le premier, l&rsquo;inconnu que m&eacute;nage le texte n&rsquo;est que peu douteux (il n&rsquo;y aurait aucun sens &agrave; faire revenir Jean M&eacute;rit) mais est li&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment marin&nbsp;; pour le dernier exemple que nous avons cit&eacute;, il amorce v&eacute;ritablement la suite de l&rsquo;histoire et joue sur la curiosit&eacute; du lecteur en lui donnant &agrave; comprendre que le journal a comme utilit&eacute; de lui faire remarquer l&rsquo;intervalle qui existera entre le r&eacute;cit et sa suite. Le journal appara&icirc;t ici comme le moyen de cr&eacute;er une fausse fin, de relancer au contraire l&rsquo;ouverture du temps du roman sur le temps du lecteur et de faire co&iuml;ncider l&rsquo;univers du livre et l&rsquo;univers du hors-livre.</p> <h2>4. Le journal est lu par le personnage&nbsp;: un catalyseur<br /> &nbsp;</h2> <p>On a vu que le journal peut &ecirc;tre l&rsquo;occasion, pour le temps du roman, de faire &eacute;voluer la narration vers l&rsquo;espace public et d&rsquo;aller &agrave; la rencontre d&rsquo;une temporalit&eacute; proche de celle, empirique et quotidienne, du lecteur. Mais &agrave; l&rsquo;inverse de ces temporalit&eacute;s qui se rejoignent sous le signe de la quotidiennet&eacute;, le journal dans le roman peut aussi signaler l&rsquo;irruption d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement, d&rsquo;un temps public et ext&eacute;rieur, au sein du cercle priv&eacute; des personnages. Dans ces cas-l&agrave;, il ne constitue pas toujours une clausule nette&nbsp;:&nbsp;il est parfois une forme de catalyseur qui acc&eacute;l&egrave;re l&rsquo;intrigue&nbsp;; parfois &eacute;galement une sorte de micro-d&eacute;nouement qui permet, l&agrave; encore, un rebondissement et une complexification du temps de l&rsquo;intrigue. La temporalit&eacute; di&eacute;g&eacute;tique, gr&acirc;ce &agrave; la mention du journal, se r&eacute;v&egrave;le li&eacute;e &agrave; l&rsquo;espace public&nbsp;: les nouvelles se propagent et atteignent les personnages&nbsp;; le personnage qui lit le journal devient alors un avatar de la pr&eacute;sence d&rsquo;une autre temporalit&eacute;, r&eacute;aliste et commune &agrave; tous, au sein du roman. Dans&nbsp;<em>Eug&eacute;nie Grandet</em>, c&rsquo;est ainsi par le journal que le notaire Cruchot apprend au p&egrave;re Grandet la mort de son fr&egrave;re&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&mdash; H&eacute; ! bien, quoi ? s&rsquo;&eacute;cria Grandet au moment o&ugrave; Cruchot lui mettait le journal sous les yeux en lui disant : &ndash; Lisez cet article.</p> <p><em>Monsieur Grandet, l&rsquo;un des n&eacute;gociants les plus estim&eacute;s de Paris, s&rsquo;est br&ucirc;l&eacute; la cervelle hier apr&egrave;s avoir fait son apparition accoutum&eacute;e &agrave; la Bourse. Il avait envoy&eacute; au pr&eacute;sident de la Chambre des D&eacute;put&eacute;s sa d&eacute;mission, et s&rsquo;&eacute;tait &eacute;galement d&eacute;mis de ses fonctions de juge au tribunal de commerce. Les faillites de messieurs Roguin et Souchet, son agent de change et son notaire, l&rsquo;ont ruin&eacute;. La consid&eacute;ration dont jouissait monsieur Grandet et son cr&eacute;dit &eacute;taient n&eacute;anmoins tels qu&rsquo;il e&ucirc;t sans doute trouv&eacute; des secours sur la place de Paris. Il est &agrave; regretter que cet homme honorable ait c&eacute;d&eacute; &agrave; un premier moment de d&eacute;sespoir, etc.&nbsp;</em><a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a></p> </blockquote> <p>Dans l&rsquo;&eacute;dition de 1839, l&rsquo;article est isol&eacute; dans un paragraphe en italiques, preuve de sa citation et de son caract&egrave;re h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne dans le r&eacute;cit. C&rsquo;est par le m&ecirc;me journal que le p&egrave;re Grandet apprend ensuite &agrave; son neveu l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement du suicide de son p&egrave;re, avec le m&ecirc;me geste, apr&egrave;s lui avoir rapidement annonc&eacute; la nouvelle. Le journal est une preuve ici, qui a circul&eacute; et qui ajoute &agrave; la nouvelle de la mort le d&eacute;tail du suicide, accentuant ainsi la d&eacute;ch&eacute;ance et le malheur du jeune homme&nbsp;: le &laquo;&nbsp;fatal article&nbsp;&raquo;, ici au sens premier du terme, provoque ses larmes et acc&eacute;l&egrave;re l&rsquo;intrigue. Dans&nbsp;<em>Splendeurs et mis&egrave;res des courtisanes</em>, un autre article est l&agrave; encore montr&eacute;, mais cette fois clairement qualifi&eacute; de &laquo;&nbsp;coup de th&eacute;&acirc;tre&nbsp;&raquo; dans les lignes qui pr&eacute;c&egrave;dent&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&mdash; Oui, ma fille, tu pourras retourner &agrave; Valenciennes&hellip; Tiens, lis. Et il tendit le journal de la veille en montrant du doigt l&rsquo;article suivant : Toulon. &mdash; Hier a eu lieu l&rsquo;ex&eacute;cution de Jean-Fran&ccedil;ois Durut&hellip; D&egrave;s le matin, la garnison, etc.</p> <p>Prudence l&acirc;cha le journal ; ses jambes se d&eacute;rob&egrave;rent sous le poids de son corps ; elle retrouvait la vie, car elle n&rsquo;avait pas, disait-elle, trouv&eacute; de go&ucirc;t au pain depuis la menace de Durut.</p> <p>&mdash; Tu le vois, j&rsquo;ai tenu ma parole. Il a fallu quatre ans pour faire tomber la t&ecirc;te de Durut en l&rsquo;attirant dans un pi&egrave;ge&hellip; Eh ! bien, ach&egrave;ve ici mon ouvrage, tu te trouveras &agrave; la t&ecirc;te d&rsquo;un petit commerce dans ton pays, riche de vingt mille francs, et la femme de Paccard, &agrave; qui je permets la vertu comme retraite</p> <p>Europe reprit le journal, et lut avec des yeux vivants tous les d&eacute;tails que les journaux donnent, sans se lasser, sur l&rsquo;ex&eacute;cution des for&ccedil;ats depuis vingt ans : le spectacle imposant, l&rsquo;aum&ocirc;nier qui a toujours converti le patient, le vieux criminel qui exhorte ses ex-coll&egrave;gues, l&rsquo;artillerie braqu&eacute;e, les for&ccedil;ats agenouill&eacute;s&nbsp;;&nbsp;puis les r&eacute;flexions banales qui ne changent rien au r&eacute;gime des bagnes, o&ugrave; grouillent dix-huit mille crimes&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>.</p> </blockquote> <p>Gr&acirc;ce &agrave; ce papier, Carlos Herrera &laquo;&nbsp;lib&egrave;re&nbsp;&raquo; Europe, alias Prudence Servien, de la terreur qui la maintenait sous sa coupe, de son &laquo;&nbsp;&eacute;p&eacute;e de Damocl&egrave;s&nbsp;&raquo;&nbsp;:&nbsp;cela lui permettra de fuir avec Paccard avant d&rsquo;&ecirc;tre rattrap&eacute;e. C&rsquo;est une intrigue secondaire dans le cadre du roman, mais c&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment ce qui rend son utilisation du journal efficace&nbsp;: pour cette action de second plan, le journal constitue une preuve, un &eacute;l&eacute;ment irr&eacute;vocable qui confirme la parole de Vautrin et laisse le lecteur observer la r&eacute;action d&rsquo;Europe. Dans ces deux exemples, le journal est donc l&rsquo;objet que l&rsquo;on montre, le texte que l&rsquo;on lit pour r&eacute;v&eacute;ler les caract&egrave;res des personnages et faire progresser l&rsquo;intrigue. Il s&rsquo;agit dans les deux cas d&rsquo;une mort, &eacute;v&eacute;nement marquant par excellence&nbsp;;&nbsp;mais le propre du journal est d&rsquo;&ecirc;tre vari&eacute;, et l&rsquo;on peut trouver d&rsquo;autres annonces qui bouleversent les personnages et remettent en question leur rapport au pr&eacute;sent, modifiant l&rsquo;intrigue. Ainsi, dans&nbsp;<em>La Cousine Bette</em>, la lecture des journaux apporte simultan&eacute;ment une mauvaise nouvelle au baron Hulot et &agrave; sa fille, chacun dans leur domaine &ndash; et il n&rsquo;est pas question, pour ces deux articles, de faits divers.</p> <blockquote> <p>Le baron, qui lisait les journaux, tendit un journal r&eacute;publicain &agrave; sa femme en lui d&eacute;signant un article, et lui disant : &mdash; Sera-t-il temps ? Voici l&rsquo;article, un de ces terribles entre-filets avec lesquels les journaux nuancent leurs tartines politiques.</p> <p>Un de nos correspondants nous &eacute;crit d&rsquo;Alger qu&rsquo;il s&rsquo;est r&eacute;v&eacute;l&eacute; de tels abus dans le service des vivres de la province d&rsquo;Oran, que la justice informe. Les malversations sont &eacute;videntes, les coupables sont connus. Si la r&eacute;pression n&rsquo;est pas s&eacute;v&egrave;re, nous continuerons &agrave; perdre plus d&rsquo;hommes par le fait des concussions qui frappent sur leur nourriture que par le fer des Arabes et le feu du climat. Nous attendrons de nouveaux renseignements, avant de continuer ce d&eacute;plorable sujet.</p> <p>Nous ne nous &eacute;tonnons plus de la peur que cause l&rsquo;&eacute;tablissement en Alg&eacute;rie de la Presse comme l&rsquo;a entendue la Charte de 1830.</p> <p>&mdash; Je vais m&rsquo;habiller et aller au minist&egrave;re, dit le baron en quittant la table, le temps est trop pr&eacute;cieux, il y a la vie d&rsquo;un homme dans chaque minute.</p> <p>&mdash; Oh ! maman, je n&rsquo;ai plus d&rsquo;espoir, dit Hortense.</p> <p>Et, sans pouvoir retenir ses larmes, elle tendit &agrave; sa m&egrave;re une Revue des Beaux-Arts. Madame Hulot aper&ccedil;ut une gravure du groupe de Dalila par le comte de Steinbock, dessous laquelle &eacute;tait imprim&eacute; : Appartenant &agrave; madame Marneffe&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>.</p> </blockquote> <p>L&rsquo;article imprim&eacute; dans le dialogue dilate un peu le temps pr&eacute;sent et met le lecteur &agrave; la place de la baronne Hulot&nbsp;: &agrave; peine a-t-elle le temps de terminer son article qu&rsquo;Hortense l&rsquo;interpelle &eacute;galement, pour une autre information entr&eacute;e dans la maison par le biais du journal. Plus d&rsquo;espoir, pas assez de temps&nbsp;: le journal appara&icirc;t bien ici comme l&rsquo;intrusion d&rsquo;une autre temporalit&eacute; au sein du temps familial, d&rsquo;un temps catastrophique qui concerne ici la politique pour le p&egrave;re, la vie amoureuse pour la fille. Que le texte de l&rsquo;article soit cit&eacute; ou que la gravure soit expliqu&eacute;e, l&rsquo;effet est le m&ecirc;me&nbsp;: il se produit une discordance dans le temps du roman, la collision entre des &eacute;v&eacute;nements qui ne se ressemblent pas mais qui ont un m&ecirc;me effet sur la temporalit&eacute; des personnages.</p> <p>Dans ces trois exemples balzaciens, le journal est l&rsquo;objet du coup de th&eacute;&acirc;tre et se signale par l&rsquo;importance du geste et du regard (les &laquo;&nbsp;yeux vivants&nbsp;&raquo; d&rsquo;Europe en t&eacute;moignent)&nbsp;: le journal tendu par l&rsquo;un des personnages est avidement lu par l&rsquo;autre, qui prend connaissance du contenu en m&ecirc;me temps que le lecteur, le rendant r&eacute;ellement contemporain de son r&eacute;cit et ajustant la temporalit&eacute; de la lecture sur la temporalit&eacute; de la di&eacute;g&egrave;se. Ce n&rsquo;est pas le cas des autres textes que nous avons cit&eacute;s&nbsp;: ici, le redoublement de la lecture accentue la synchronicit&eacute; du temps de la lecture du roman (pour le lecteur) et du temps de la lecture du journal (pour le personnage). Rien d&rsquo;&eacute;tonnant &agrave; cette man&oelig;uvre&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les romans-feuilletons ne sont donc pas seulement des romans de la p&eacute;rip&eacute;tie, du suspense et de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement inattendu, ils s&rsquo;offrent aussi le luxe de r&eacute;fl&eacute;chir au temps quotidien&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>&nbsp;&raquo;, ici par un biais particulier. Cette op&eacute;ration de lecture du journal, qui peut valoir pour une mise en abyme d&rsquo;un genre particulier, complexifie &eacute;galement les rapports que le lecteur entretient avec le personnage. Le lecteur lit en quelque sorte par-dessus l&rsquo;&eacute;paule du personnage, et cela pose la question de l&rsquo;intrication entre le &laquo;&nbsp;temps configur&eacute; par les r&eacute;cits racont&eacute;s par quelqu&rsquo;un d&rsquo;autre et le temps vivant des histoires inachev&eacute;es dans lesquelles nous sommes nous-m&ecirc;mes intriqu&eacute;s&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>&nbsp;&raquo;. La pr&eacute;sence du journal dans le roman &eacute;bauche une proximit&eacute; entre les deux&nbsp;;&nbsp;l&rsquo;exp&eacute;rience d&rsquo;une esth&eacute;tique r&eacute;aliste dans le temps m&ecirc;me de la lecture se produit alors.</p> <h2>5. Un cas particulier de lecture du journal&nbsp;: hasard et rebondissement<br /> &nbsp;</h2> <p>Notre dernier exemple est isol&eacute; mais remarquable&nbsp;; il tient &agrave; deux des personnages les plus connus de la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise.</p> <blockquote> <p>Il ne songeait plus &agrave; Jean Valjean, &ndash; &agrave; ces chiens toujours en chasse le loup d&rsquo;aujourd&rsquo;hui fait oublier le loup d&rsquo;hier, &ndash; lorsqu&rsquo;en d&eacute;cembre 1823 il lut un journal, lui qui ne lisait jamais de journaux ; mais Javert, homme monarchique, avait tenu &agrave; savoir les d&eacute;tails de l&rsquo;entr&eacute;e triomphale du &laquo; prince g&eacute;n&eacute;ralissime&nbsp;&raquo; &agrave; Bayonne. Comme il achevait l&rsquo;article qui l&rsquo;int&eacute;ressait, un nom, le nom de Jean Valjean, au bas d&rsquo;une page, appela son attention. Le journal annon&ccedil;ait que le for&ccedil;at Jean Valjean &eacute;tait mort, et publiait le fait en termes si formels que Javert n&rsquo;en douta pas. Il se borna &agrave; dire : c&rsquo;est l&agrave; le bon &eacute;crou. Puis il jeta le journal, et n&rsquo;y pensa plus&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>.</p> </blockquote> <p>Dans le face &agrave; face c&eacute;l&egrave;bre des&nbsp;<em>Mis&eacute;rables</em>, la relation entre Javert et Valjean passe par le biais du journal dans le court extrait que nous venons de citer. Apprendre la mort de Valjean, ce serait clore une temporalit&eacute; probl&eacute;matique pour le personnage Javert &ndash; le lecteur, lui, sait bien ce qu&rsquo;il en est et se retrouve donc dans la position de corriger le propos de l&rsquo;article. Le &laquo;&nbsp;d&eacute;calage &eacute;pist&eacute;mique&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>&nbsp;&raquo; d&eacute;j&agrave; observ&eacute; se joue ici entre le lecteur et le personnage de Javert et s&rsquo;incarne donc particuli&egrave;rement dans l&rsquo;usage du journal. Javert lit le journal par hasard, et ce hasard est soulign&eacute; par Hugo. &laquo;&nbsp;Lui qui ne lisait jamais de journaux&nbsp;&raquo;&nbsp;:&nbsp;l&rsquo;ajout est &eacute;loquent, et entre en contradiction avec le sens de l&rsquo;histoire, soulignant le r&ocirc;le du destin. Javert lit le journal pour conna&icirc;tre les d&eacute;tails de &laquo;&nbsp;l&rsquo;entr&eacute;e triomphale du &ldquo;prince g&eacute;n&eacute;ralissime&rdquo;&nbsp;&raquo;&nbsp;:&nbsp;l&rsquo;intrigue est &laquo;&nbsp;machin&eacute;e&nbsp;&raquo; par l&rsquo;influence que la grande histoire (et ses d&eacute;tails) a sur la petite. L&rsquo;influence d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement politique sur la vie des personnages de la fiction rend &eacute;vidente la coh&eacute;sion entre la politique et le romanesque, entre les &eacute;v&eacute;nements publics et les &eacute;v&eacute;nements priv&eacute;s&nbsp;; et il y a quelque chose d&rsquo;une philosophie de l&rsquo;histoire dans la mani&egrave;re dont le destin de Valjean est conditionn&eacute; par cette &laquo;&nbsp;entr&eacute;e triomphale&nbsp;&raquo; qui ne le concerne pas. Le geste de jeter le journal confirme jusque dans les objets la fin (rat&eacute;e) de la traque&nbsp;; mais ce faux d&eacute;nouement va, en fait, relancer la m&eacute;moire de Javert sur le bagnard Valjean. Car au paragraphe suivant et &laquo;&nbsp;quelques temps apr&egrave;s&nbsp;&raquo;, Javert apprend une autre nouvelle, cette fois par une note de police : l&rsquo;enl&egrave;vement d&rsquo;une enfant &agrave; Montfermeil. La nouvelle est anodine, mais le journal a relanc&eacute; la m&eacute;moire du policier&nbsp;: les r&eacute;flexions de Javert sur Fantine, Cosette et Valjean le m&egrave;nent alors jusqu&rsquo;&agrave; Montfermeil o&ugrave; il n&rsquo;arrive pas &agrave; &eacute;claircir le cas. Le paradoxe r&eacute;side dans cette fausse fin, &agrave; laquelle Javert souscrit d&rsquo;abord sans aucun doute, avant que la r&eacute;activation de sa m&eacute;moire ne relance l&rsquo;intrigue. Hugo d&eacute;tourne le r&ocirc;le cens&eacute;ment conclusif de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement du journal&nbsp;: par cela m&ecirc;me, il interroge justement le caract&egrave;re du journal comme agent de l&rsquo;intrigue, incarnation d&rsquo;une esp&egrave;ce d&rsquo;actant fant&ocirc;me dans le sch&eacute;ma du r&eacute;cit. Le hasard de la lecture ajoute encore un &eacute;l&eacute;ment &agrave; cette analyse&nbsp;: dans ce passage pr&eacute;cis&eacute;ment, le journal joue le r&ocirc;le de la fatalit&eacute; et r&eacute;active l&rsquo;image que nous avions &eacute;voqu&eacute;e d&rsquo;un&nbsp;<em>deus ex machina</em>&nbsp;moderne dont le narrateur a soulign&eacute; le caract&egrave;re &eacute;minemment fortuit.</p> <p>*</p> <p>Le journal est pr&eacute;sent comme scansion du temps social dans le roman r&eacute;aliste&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;;&nbsp;mais il occupe &eacute;galement un r&ocirc;le mineur, qui tient &agrave; la place de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement dans son fonctionnement &ndash; et au d&eacute;veloppement de l&rsquo;importance de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement dans la presse. Dans les exemples que nous avons &eacute;tudi&eacute;s, faire passer un &eacute;v&eacute;nement di&eacute;g&eacute;tique par le journal revient &agrave; provoquer quatre effets. Cette typologie &eacute;bauch&eacute;e n&rsquo;est pas exhaustive&nbsp;: elle vise surtout &agrave; rendre compte d&rsquo;un ph&eacute;nom&egrave;ne po&eacute;tique qui a pu se manifester sous diff&eacute;rentes formes. La premi&egrave;re de ces formes est celle du redoublement de l&rsquo;intrigue&nbsp;: dans les exemples que nous avons cit&eacute;s, le journal allonge, explique ou reprend un &eacute;v&eacute;nement pass&eacute;, produisant d&egrave;s lors un &eacute;cho qui amplifie la port&eacute;e de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement initial. Cette double temporalit&eacute; de la di&eacute;g&egrave;se s&rsquo;appuie sur l&rsquo;ellipse qui permet de faire passer l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement de la sph&egrave;re priv&eacute;e &agrave; la sph&egrave;re publique, ou inversement. Le laps de temps qui s&rsquo;&eacute;coule jusqu&rsquo;&agrave; la publication du journal lu par tous (d&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;emploi du &laquo;&nbsp;on&nbsp;&raquo;, le plus souvent inclusif) repr&eacute;sente la temporalit&eacute; moderne, la rapidit&eacute; de propagation des nouvelles dans le temps et l&rsquo;espace qui influence le destin des personnages &ndash; on est loin alors des rumeurs ou des propagations lentes qui pouvaient contribuer aux r&eacute;cits des si&egrave;cles pr&eacute;c&eacute;dents. Les deux autres effets tiennent plus proprement &agrave; la narration&nbsp;: le narrateur d&eacute;l&egrave;gue sa voix &agrave; un journal imagin&eacute;, qui reprend les codes de l&rsquo;&eacute;criture journalistique&nbsp;; partant, quand l&rsquo;article est cit&eacute;&nbsp;<em>in extenso</em>, le lecteur rapproche sa propre temporalit&eacute; de lecture de celle du personnage qui, appartenant &agrave; la di&eacute;g&egrave;se, est lui aussi en train de lire le journal&nbsp;: on est bien loin alors des cas pr&eacute;c&eacute;dents o&ugrave; le personnage prenait connaissance d&rsquo;une lettre, d&rsquo;une note ou d&rsquo;un mot adress&eacute; &agrave; lui seul &ndash; le lecteur se retrouvait alors dans la position d&rsquo;un voyeur, ce qui est loin d&rsquo;&ecirc;tre le cas pour la lecture du journal. D&rsquo;une diffusion de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement dans le temps et l&rsquo;espace jusqu&rsquo;&agrave; son resserrement dans une lecture qui rapproche le lecteur et le personnage, on voit donc que le journal ins&eacute;r&eacute; dans le roman selon ces modalit&eacute;s joue un r&ocirc;le qui tient &agrave; &laquo;&nbsp;[l]&rsquo;invention du quotidien comme temporalit&eacute; narrativis&eacute;e au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>&nbsp;&raquo;. Le support du roman-feuilleton a sans nul doute &eacute;t&eacute; &agrave; l&rsquo;origine du d&eacute;veloppement de ce rythme particulier de la di&eacute;g&egrave;se que produit le journal comme &eacute;l&eacute;ment de la narration, mais il s&rsquo;est r&eacute;pandu hors de l&rsquo;espace m&eacute;diatique pour gagner tous les types de supports.</p> <p>C&rsquo;est que, loin d&rsquo;&ecirc;tre un effet de r&eacute;el comme un autre, le journal devient un embrayeur, un d&eacute;clencheur, presque un actant suppl&eacute;mentaire pour ces romans qui l&rsquo;utilisent&nbsp;; outre les formules sur lesquelles nous avons appuy&eacute; notre recherche, on pourrait &eacute;largir plus encore le sujet et trouver bien d&rsquo;autres exemples o&ugrave; la publicit&eacute; offerte par le journal bouleverse l&rsquo;intrigue. Dans l&rsquo;exemple de&nbsp;<em>Ren&eacute;e Mauperin</em>, &eacute;tudi&eacute; par Marie-Astrid Charlier dans sa th&egrave;se, les fr&egrave;res Goncourt utilisent ainsi&nbsp;<em>Le Moniteur</em>&nbsp;pour mener &agrave; la mort d&rsquo;un personnage&nbsp;&ndash; l&rsquo;intrigue est plus complexe qu&rsquo;il n&rsquo;y para&icirc;t, le journal ayant &eacute;t&eacute; volontairement envoy&eacute; et le passage important surlign&eacute; par l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne &eacute;ponyme&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>. Dans une autre direction, une &oelig;uvre aussi embl&eacute;matique qu&rsquo;<em>&Agrave; la recherche du temps perdu</em>&nbsp;a d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; &eacute;tudi&eacute;e pour l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t que le journal y joue en tant qu&rsquo;objet de civilisation, bien s&ucirc;r, mais aussi en tant que source d&rsquo;une po&eacute;tique particuli&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>. Tous les romanciers ne souscrivent pas &agrave; l&rsquo;utilisation du journal dans leur r&eacute;cit&nbsp;; mais l&rsquo;&eacute;chantillon que nous avons &eacute;tudi&eacute; ici, parce qu&rsquo;il m&ecirc;le des &oelig;uvres de port&eacute;e et d&rsquo;affinit&eacute;s diff&eacute;rentes, t&eacute;moigne d&rsquo;un ph&eacute;nom&egrave;ne de fond et de la multiplicit&eacute; des utilisations romanesques que les auteurs du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle ont pu faire du journal, objet textuel qu&rsquo;ils connaissaient autant que leurs lecteurs, lieu de rencontre du temps de la di&eacute;g&egrave;se et du temps de la lecture.</p> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Voir Allen Kim, Charuta Pethe &amp; Steven Skiena, &laquo;&nbsp;What Time Is It? Temporal Analysis of Novels&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>EMNLP</em>,&nbsp;2020&nbsp;:&nbsp;<a href="https://arxiv.org/pdf/2011.04124.pdf">https://arxiv.org/pdf/2011.04124.pdf</a>&nbsp;(consult&eacute; le 14 juillet 2021).</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Nous nous appuyons principalement sur les travaux de Rapha&euml;l Baroni.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;Victor Hugo,&nbsp;<em>Le Dernier jour d&rsquo;un condamn&eacute;</em>&nbsp;[Paris, Gosselin, 1829], Paris, Hetzel, 1866, p.&nbsp;51.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Marie-Astrid Charlier,&nbsp;<em>Le Roman et les jours. Po&eacute;tiques de la quotidiennet&eacute; au XIX</em><em><sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Classiques Garnier, 2018.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;Julien Schuh, &laquo; Le temps du journal. Construction m&eacute;diatique de l&rsquo;exp&eacute;rience temporelle au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Romantisme</em>, 2016, n&deg; 174, p.&nbsp;76.</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Ren&eacute; Audet, &laquo; Le temps interrompu. L&rsquo;&eacute;v&eacute;nement contemporain entre narrativit&eacute; et historicit&eacute; &raquo;, dans Nicolas Xanthos et Anne Martine Parent (dir.),&nbsp;<em>Po&eacute;tiques et imaginaires de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement</em>, Montr&eacute;al, Figura, 2011, vol. 28, p.&nbsp;33-43&nbsp;:&nbsp;<a href="http://oic.uqam.ca/fr/articles/le-temps-interrompu-levenement-contemporain-entre-narrativite-et-historicite">http://oic.uqam.ca/fr/articles/le-temps-interrompu-levenement-contemporain-entre-narrativite-et-historicite</a>&nbsp;(consult&eacute; le 30 juin 2021).</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;Alain Corbin,&nbsp;<em>Le Temps, le D&eacute;sir et l&rsquo;Horreur. Essais sur le&nbsp;</em><em>XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Aubier, 1991.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Eug&egrave;ne Sue,&nbsp;<em>Les Myst&egrave;res de Paris</em>, seconde partie, Paris, Charles Gosselin, 1844, p.&nbsp;248.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, &laquo; Montres molles et journaux fous. Rythmes et imaginaires du temps quotidien au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle &raquo;,&nbsp;<em>COnTEXTES</em>, 2012, n&deg; 11&nbsp;:&nbsp;<a href="https://doi.org/10.4000/contextes.5407">https://doi.org/10.4000/contextes.5407</a>&nbsp;(consult&eacute; le 29 juin 2021).</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;Eug&egrave;ne Sue,&nbsp;<em>Les Myst&egrave;res de Paris</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;247-248.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;Rapha&euml;l Baroni, &laquo; Les fonctions de la focalisation et du point de vue dans la dynamique de l&rsquo;intrigue &raquo;,&nbsp;<em>Cahiers de Narratologie</em>&nbsp;[<a href="http://journals.openedition.org/narratologie/7851">en ligne</a>], 2017, n&deg; 32, p. 5&nbsp; (consult&eacute; le 12 juillet 2021).</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;Guillaume de la Landelle,&nbsp;<em>Rouget et Noiraud</em>, Paris, &Eacute;mile Dentu, 1882, p.&nbsp;103.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;Eug&egrave;ne Sue,&nbsp;<em>Le Juif errant</em>, t. VII, Paris, Paulin, 1844-1845, p.&nbsp;329.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;Alb&eacute;ric Second,&nbsp;<em>La Vicomtesse Alice</em>, Paris, &Eacute;mile Dentu, 18..?, p.&nbsp;39-40.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, article cit&eacute;.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;Alexis Bouvier, &laquo;&nbsp;La Deruchette&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Amour, mis&egrave;re et cie</em>, Paris, Dreyfous, 1878, p.&nbsp;18. Le recueil est signal&eacute; comme vendu chez les libraires et dans les gares par les journaux.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;Raoul Charbonnel, &laquo;&nbsp;Fin d&rsquo;idylle. Nouvelle in&eacute;dite&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Les Romans in&eacute;dits</em>, 1<sup>er&nbsp;</sup>janvier 1896, n&deg; 69, p.&nbsp;546. &Agrave; noter que&nbsp;<em>Les romans in&eacute;dits</em>&nbsp;publiera une nouvelle portant exactement le m&ecirc;me titre, par Camille Bias, dans son num&eacute;ro du 1<sup>er&nbsp;</sup>janvier 1900.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;Raoul Charbonnel, &laquo;&nbsp;Fin d&rsquo;idylle. Nouvelle in&eacute;dite&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Les Romans in&eacute;dits</em>, 1<sup>er&nbsp;</sup>janvier 1896, n&deg; 69, p.&nbsp;546.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;Paul de Kock,&nbsp;<em>Les Enfants du boulevard</em>, quatri&egrave;me &eacute;dition, Paris, Ferd. Sartorius, 1867, p.&nbsp;274-275.</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;Honor&eacute; de Balzac,&nbsp;<em>Eug&eacute;nie Grandet</em>, Paris, Charpentier, 1839, p.&nbsp;110.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;Honor&eacute; de Balzac,&nbsp;<em>Splendeurs et mis&egrave;res des courtisanes</em>,&nbsp;<em>&OElig;uvres compl&egrave;tes</em>, t.&nbsp;XI, Paris, Houssiaux, 1874, p.&nbsp;485.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;Honor&eacute; de Balzac,&nbsp;<em>La Cousine Bette</em>, Paris, Maresq et compagnie, 1851, p.&nbsp;63.</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, article cit&eacute;.</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;Rapha&euml;l Baroni,&nbsp;<em>L&rsquo;&OElig;uvre du temps</em>, Paris, Seuil, 2009, p.&nbsp;22.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;Victor Hugo,&nbsp;<em>Les Mis&eacute;rables</em>&nbsp;[1862], Paris, Gallimard, Paris, &laquo; Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 2018, deuxi&egrave;me partie, livre V, chapitre X, p. 465.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;Rapha&euml;l Baroni, article cit&eacute;, p.&nbsp;5.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, article cit&eacute;.</p> <p><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a>&nbsp;Marie-Astrid Charlier,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;14.</p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;Edmond et Jules de Goncourt,&nbsp;<em>Ren&eacute;e Mauperin</em>, Paris, Charpentier, 1864. Roman cit&eacute; dans Marie-Astrid Charlier,&nbsp;<em>Le Roman et les jours. Po&eacute;tiques de la quotidiennet&eacute; au</em><em>&nbsp;XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, th&egrave;se de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise sous la direction de Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, Universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry Montpellier 3, 2014, p.&nbsp;207-212 notamment.</p> <p><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;Guillaume Pinson, &laquo; L&rsquo;imaginaire m&eacute;diatique dans&nbsp;<em>&Agrave; la recherche du temps perdu</em>&nbsp;: de l&rsquo;inscription du journal &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;art &raquo;,&nbsp;<em>&Eacute;tudes fran&ccedil;aises</em>, 2007, n&deg; 43, p.&nbsp;11&ndash;26.</p> <h3>Autrice</h3> <p><strong>Laure Demougin</strong>&nbsp;est enseignante chercheuse (<em>assistant professor</em>)&nbsp;&agrave; l&rsquo;Institut franco-chinois de l&rsquo;Universit&eacute; Renmin de Chine et chercheuse associ&eacute;e au RiRRa21 (Universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry Montpellier 3). Outre plusieurs articles sur la litt&eacute;rature du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et ses probl&eacute;matiques exotiques, m&eacute;diatiques ou g&eacute;n&eacute;rales, elle a r&eacute;cemment publi&eacute;&nbsp;<em>L&rsquo;Empire de la presse. Une &eacute;tude de la presse coloniale fran&ccedil;aise entre 1830 et 1880&nbsp;</em>(Presses universitaires de Strasbourg, 2021).</p> <p><strong>Copyright</strong></p> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>