<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, avec la scansion rapide des révolutions et des successions de régimes, le temps se vit sous le signe de la discordance, comme l’ont montré les historiens François Hartog et Christophe Charle. Les progrès techniques, en réduisant les distances géographiques, rapprochent également les expériences temporelles et favorisent un « partage du sensible » entre différents territoires, différents groupes sociaux et différentes générations. Quant à « la civilisation du journal », elle crée des rythmes périodiques où s’invente une actualité de plus en plus partagée à mesure que l’alphabétisation progresse. Ces nouvelles scansions médiatiques font émerger le jour, la semaine et le mois comme unités de mesure de la modernité. Aussi serait-il erroné de prétendre qu’une expérience linéaire du temps s’est complètement substituée aux longs cycles de l’Ancien Régime. En effet, la quotidienneté et le rythme hebdomadaire qui structurent les modes de vie, les sociabilités, le travail et le loisir, sont des formes temporelles cycliques, organisées autour de différents rituels que, dans le domaine des études littéraires, les approches sociopoétique et ethnocritique ont notamment étudiés. Cependant, la multiplicité des rythmes de la vie moderne et leurs conflits récurrents entraînent tensions et discordances du point de vue de l’expérience aussi bien individuelle que collective. En outre, au croisement de l’accélération historique et de la multiplicité des temps sociaux, le présent se dérobe et le devenir interroge, sinon inquiète. C’est là, selon Hartog, le propre du « régime d’historicité » moderne.</p>