<p>King Vidor (1894-1982) est un cin&eacute;aste am&eacute;ricain dont l&rsquo;&oelig;uvre aura &eacute;pous&eacute; la complexit&eacute; du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle en le traversant en grande partie. Apr&egrave;s des &eacute;tudes &agrave; la Peacock Military Academy de San Antonio puis &agrave; l&rsquo;universit&eacute; de Maryland, il tourne ses premiers documentaires consacr&eacute;s successivement aux man&oelig;uvres de l&rsquo;arm&eacute;e am&eacute;ricaine lors de la r&eacute;volution mexicaine de 1912&nbsp;; &agrave; la course automobile de Galveston puis &agrave; l&rsquo;industrie du sucre. Verra-t-on, dans le choix de ces premiers sujets, un signe avant-coureur des deux veines, lyrique et r&eacute;aliste, qui traverseront toute son &oelig;uvre&nbsp;? On retrouvera en tout cas une certaine exaltation lyrique dans&nbsp;<em>La Grande Parade</em><sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn1" id="_ftnref1" name="_ftnref1" title="">1</a></sup>&nbsp;(<em>The Big Parade</em>, 1925) contrebalanc&eacute;e quelques ann&eacute;es plus tard par une veine plus r&eacute;aliste et plus sociale, celle de&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;(<em>The Crowd</em>, 1928) ou de&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>&nbsp;(<em>Our Daily Bread</em>, 1934). Cin&eacute;aste des grandes fresques &agrave; la vision &eacute;pique et baroque (<em>Duel au soleil</em>, 1946&nbsp;;&nbsp;<em>Guerre et Paix</em>, 1956), il sait aussi rendre ses r&eacute;cits plus intimistes lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit de d&eacute;peindre le quotidien d&rsquo;anonymes en difficult&eacute;.</p> <p>Ces deux veines, que d&rsquo;aucuns qualifieront de paradoxales, sont &agrave; l&rsquo;image de l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; id&eacute;ologique qui traverse la filmographie de King Vidor. Une vision de l&rsquo;humanit&eacute; qui &eacute;pouse, nous allons le voir, les soubresauts de la soci&eacute;t&eacute; am&eacute;ricaine de la premi&egrave;re moiti&eacute; du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle. Sorti en 1928,&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;est un film-t&eacute;moin qui illustre parfaitement la fissure qui craqu&egrave;le progressivement le r&ecirc;ve am&eacute;ricain &agrave; l&rsquo;aube de la crise financi&egrave;re d&rsquo;octobre 1929&nbsp;; krach boursier qui entra&icirc;nera l&rsquo;Am&eacute;rique dans la Grande D&eacute;pression. Film-t&eacute;moin parce que l&rsquo;on y suit le destin de John Sims (James Murray), un jeune homme ambitieux qui embarque pour New York dans le but de &laquo;&nbsp;devenir quelqu&rsquo;un&nbsp;&raquo;&nbsp;; mani&egrave;re pour lui d&rsquo;exaucer le r&ecirc;ve de son d&eacute;funt p&egrave;re, mort lorsqu&rsquo;il &eacute;tait enfant. John y rencontre Mary (Eleanor Boardman), une femme courageuse et lucide qui le soutient tout au long de ses tentatives de succ&egrave;s. Mais John se heurte rapidement &agrave; l&rsquo;impossibilit&eacute; de s&rsquo;extraire de la foule, une entit&eacute; dont Vidor fait quasiment un personnage &agrave; part enti&egrave;re. Accul&eacute; et sur le point de perdre sa femme, John revoit ses priorit&eacute;s et accepte de faire partie du commun des mortels, perdant en ambition ce qu&rsquo;il gagne en maturit&eacute;.</p> <p>Six ans plus tard, en 1934, alors que l&rsquo;Am&eacute;rique est entr&eacute;e de plein fouet dans l&rsquo;&egrave;re de la Grande D&eacute;pression, King Vidor r&eacute;alise&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>, seconde partie du diptyque qu&rsquo;il constitue avec&nbsp;<em>La Foule</em>. On y retrouve les deux m&ecirc;mes personnages, John et Mary Sims, cette fois interpr&eacute;t&eacute;s respectivement par Tom Keen et Karen Morley. La situation du couple semble n&rsquo;avoir gu&egrave;re chang&eacute;&nbsp;: ils vivent dans un petit appartement new yorkais et peinent toujours &agrave; s&rsquo;acquitter de leur loyer. Leur vie conna&icirc;t un nouveau tournant lorsque l&rsquo;oncle de Mary leur propose de reprendre l&rsquo;une de ses fermes, hypoth&eacute;qu&eacute;e et &agrave; l&rsquo;abandon. D&rsquo;abord s&eacute;duits par l&rsquo;id&eacute;e, John et Mary se heurtent &agrave; la difficult&eacute; du travail de la terre auquel ils ne connaissent rien. Apr&egrave;s avoir rencontr&eacute; Chris, un homme d&eacute;brouillard qui l&rsquo;aide &agrave; d&eacute;fricher le terrain, John a l&rsquo;id&eacute;e de faire du lieu une communaut&eacute; agraire ind&eacute;pendante et autosuffisante dans laquelle tout le monde &oelig;uvrerait pour le bien commun. De la foule dont il s&rsquo;agit de s&rsquo;extraire, John Sims est cette fois confront&eacute; au collectif qu&rsquo;il faut apprendre &agrave; diriger. Composer avec les individualit&eacute;s tout en ne constituant qu&rsquo;un seul et m&ecirc;me groupe, tel est l&rsquo;enjeu de la seconde partie du diptyque.</p> <p>Du premier au second film, le groupe est donc d&rsquo;abord repr&eacute;sent&eacute; comme une foule, masse indistincte &agrave; la plasticit&eacute; changeante et mouvante&nbsp;; puis comme un collectif plus complexe qui serait l&rsquo;addition d&rsquo;une multitude d&rsquo;individus cherchant &agrave; faire bloc contre la crise sociale. On cherchera donc &agrave; montrer, dans cet article, comment la mise en sc&egrave;ne de King Vidor consiste &agrave; installer une dialectique qui n&rsquo;est plus celle &ndash; pure opposition &ndash; de l&rsquo;&laquo;&nbsp;envers et contre tout&nbsp;&raquo; mais plut&ocirc;t celle, bien plus complexe et fluctuante, de l&rsquo;&laquo;&nbsp;avec&nbsp;<em>et</em>&nbsp;contre tous&nbsp;&raquo;. Cette dialectique pousse Vidor &agrave; adopter une position id&eacute;ologique atypique et ambig&uuml;e vis-&agrave;-vis du r&ecirc;ve am&eacute;ricain puis du New Deal initi&eacute; par le pr&eacute;sident des &Eacute;tats-Unis d&rsquo;alors&nbsp;: Franklin Delano Roosevelt.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>Du r&ecirc;ve am&eacute;ricain au New Deal&nbsp;: de l&rsquo;individu au collectif</b></p> <p><em><b>Le r&ecirc;ve am&eacute;ricain&nbsp;: une politique de l&rsquo;ascension</b></em></p> <p>Dans un article r&eacute;cemment paru dans le&nbsp;<em>New York Times</em>&nbsp;au moment des &eacute;lections de mi-mandat aux &Eacute;tats-Unis qui laissaient craindre une fragmentation id&eacute;ologique in&eacute;dite de la population, Jazmine Ulloa rappelle que si &laquo;&nbsp;la premi&egrave;re occurrence imprim&eacute;e de l&rsquo;expression &ldquo;r&ecirc;ve am&eacute;ricain&rdquo; se trouve dans une publicit&eacute; pour matelas datant de 1930<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn2" id="_ftnref2" name="_ftnref2" title="">2</a></sup>&nbsp;&raquo;, elle est pourtant attribu&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;conomiste James Truslow Adams qui d&eacute;veloppe le concept dans son ouvrage&nbsp;<em>The Epic of America</em>&nbsp;publi&eacute; en 1931. Cit&eacute; par Ulloa, J. T. Adams en donne cette d&eacute;finition&nbsp;: &laquo;&nbsp;&ldquo;<em>Un pays de r&ecirc;ve o&ugrave; la vie peut &ecirc;tre meilleure, plus riche et plus &eacute;panouissante pour tous</em>.&rdquo;<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn3" id="_ftnref3" name="_ftnref3" title="">3</a></sup>&nbsp;&raquo;. Concept progressiste au d&eacute;part, c&rsquo;est l&rsquo;&Eacute;tat qui se porte garant de cette promesse d&rsquo;&eacute;l&eacute;vation au sein de la soci&eacute;t&eacute; am&eacute;ricaine et ce, malgr&eacute; le contre-pouvoir du monde des affaires. Le r&ecirc;ve am&eacute;ricain encourage donc la population &agrave; croire dans les institutions susceptibles de leur procurer une &laquo;&nbsp;maison avec une cl&ocirc;ture blanche<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn4" id="_ftnref4" name="_ftnref4" title="">4</a></sup>&nbsp;&raquo; &ndash; symbole ultime d&rsquo;accomplissement &ndash; en &eacute;change d&rsquo;une volont&eacute; d&rsquo;acier et d&rsquo;une forte capacit&eacute; de travail.</p> <p>Paradoxalement, si le concept n&rsquo;a &eacute;t&eacute; popularis&eacute; qu&rsquo;au d&eacute;but des ann&eacute;es 1930,&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;de King Vidor, sorti d&egrave;s 1928, en est une illustration int&eacute;ressante. Pr&eacute;tentieux, s&ucirc;r de sa r&eacute;ussite future, John Sims d&eacute;barque &agrave; New York dans l&rsquo;espoir que l&rsquo;on lui &laquo;&nbsp;donne sa chance&nbsp;&raquo;, comme il l&rsquo;affirme &agrave; un inconnu arborant des v&ecirc;tements sombres sur le pont du bateau<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn5" id="_ftnref5" name="_ftnref5" title="">5</a></sup>. L&rsquo;image est symbolique et la mise en sc&egrave;ne loin d&rsquo;&ecirc;tre anodine&nbsp;: la ville appara&icirc;t au loin, comme en vision subjective, avant que l&rsquo;on ne d&eacute;couvre John, habill&eacute; de couleurs claires, accoud&eacute; &agrave; la rambarde, r&ecirc;veur. Lors du bref &eacute;change entre les deux hommes, Vidor joue de l&rsquo;opposition chromatique entre les deux v&ecirc;tements, John incarnant l&rsquo;innocence tandis que son compatriote de fortune est repr&eacute;sent&eacute; comme un oiseau de mauvais augure dont le discours, bien plus pessimiste, sonne comme un avertissement auquel le jeune homme ambitieux reste sourd.</p> <p>S&rsquo;ensuit l&rsquo;une des s&eacute;quences les plus c&eacute;l&egrave;bres et les plus vertigineuses du film<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn6" id="_ftnref6" name="_ftnref6" title="">6</a></sup>&nbsp;: une succession de plans courts, la plupart du temps en plong&eacute;e, repr&eacute;sentant la foule grouillante dans les rues de New York. L&rsquo;usage r&eacute;current du fondu encha&icirc;n&eacute;, mais aussi le jeu sur les reflets dans les vitres accentuent encore cette impression de fourmillement dans lequel l&rsquo;&oelig;il se perd, &agrave; l&rsquo;image du personnage qui s&rsquo;appr&ecirc;te &agrave; s&rsquo;y fondre. La s&eacute;quence s&rsquo;ach&egrave;ve d&rsquo;ailleurs sur l&rsquo;un des plans les plus c&eacute;l&egrave;bres de l&rsquo;Histoire du cin&eacute;ma&nbsp;: la cam&eacute;ra, dont la contre-plong&eacute;e renforce d&eacute;sormais l&rsquo;impression de grandeur, filme un gratte-ciel avant de s&rsquo;&eacute;lever quasiment jusqu&rsquo;&agrave; son sommet. Un panoramique permet alors &agrave; la cam&eacute;ra de se repositionner face aux fen&ecirc;tres de l&rsquo;immeuble avant qu&rsquo;un mouvement avant ne nous fasse p&eacute;n&eacute;trer &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur d&rsquo;une immense salle o&ugrave; sont align&eacute;s une multitude de bureaux. La cam&eacute;ra continue son avanc&eacute;e et entame sa descente progressive jusqu&rsquo;au bureau de John qui se d&eacute;tache de tous les autres. La s&eacute;quence s&rsquo;ach&egrave;ve sur un gros plan de la plaque portant son nom et son matricule&nbsp;: n&deg;137.</p> <p>Tout le concept du r&ecirc;ve am&eacute;ricain &ndash; les promesses comme les difficult&eacute;s qu&rsquo;il sous-tend &ndash; est contenu dans cette s&eacute;quence. Le plan d&rsquo;&eacute;l&eacute;vation et de descente, bien que truqu&eacute;, est pr&eacute;sent&eacute; comme un mouvement unique. Il s&rsquo;agit donc de se d&eacute;tacher de la foule aux visages indistincts pour atteindre les hautes sph&egrave;res et ainsi &laquo;&nbsp;devenir quelqu&rsquo;un&nbsp;&raquo;. Du moins est-ce l&rsquo;ambition initiale. Mais toute la dialectique du film r&eacute;side en fin de compte dans le second temps, celui de la descente, qui isole John tout en le remettant &agrave; sa place&nbsp;: celle d&rsquo;un simple employ&eacute; parmi tant d&rsquo;autres. Le mouvement ascendant symboliserait donc l&rsquo;aspect fantasmatique du r&ecirc;ve am&eacute;ricain tandis que le mouvement descendant r&eacute;sumerait davantage l&rsquo;enjeu dramaturgique li&eacute; au personnage&nbsp;: devenir soi avant de devenir quelqu&rsquo;un d&rsquo;important. Comme le rappelle justement Jean Mitry,&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;tient davantage d&rsquo;un r&eacute;alisme &laquo;&nbsp;psychologique&nbsp;&raquo; que du r&eacute;alisme &laquo;&nbsp;social<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn7" id="_ftnref7" name="_ftnref7" title="">7</a></sup>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Cette volont&eacute; d&rsquo;&eacute;l&eacute;vation au sein de la soci&eacute;t&eacute; est encore symbolis&eacute;e quelques minutes plus tard dans le film par le trajet en bus<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn8" id="_ftnref8" name="_ftnref8" title="">8</a></sup>. John vient de rencontrer Mary et cherche &agrave; l&rsquo;impressionner, notamment par son assurance quelque peu sup&eacute;rieure. Apr&egrave;s un plan furtif montrant une rue bond&eacute;e de monde, John s&rsquo;adresse &agrave; Mary en regardant au loin et s&rsquo;exclame&nbsp;: &laquo;&nbsp;Regardez cette foule. Tous ces pauvres nigauds qui marchent dans le m&ecirc;me sens.&nbsp;&raquo; Pourtant, le car dans lequel les quatre amis se trouvent semble aller dans la m&ecirc;me direction. Quelques instants plus tard, c&rsquo;est un homme-sandwich qui attire l&rsquo;attention de John&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il a l&rsquo;air malin ! Je suis s&ucirc;r que son p&egrave;re croyait qu&rsquo;il deviendrait pr&eacute;sident.&nbsp;&raquo; L&rsquo;homme-sandwich est alors film&eacute; en plong&eacute;e, comme vu depuis le bus, symboliquement &eacute;cras&eacute; par le sentiment de sup&eacute;riorit&eacute; du jeune homme. Le choix du bus &agrave; &eacute;tage est tout sauf anodin&nbsp;: il permet &agrave; John de dominer la foule, tenue &agrave; distance visuellement et physiquement. Ironie du sort autant que m&eacute;canisme dramaturgique cruel&nbsp;: &agrave; la fin du film, John n&rsquo;aura d&rsquo;autre choix, pour sauver son mariage, que d&rsquo;accepter le r&ocirc;le de l&rsquo;homme-sandwich en rev&ecirc;tant le m&ecirc;me costume de clown.</p> <p>Six ans plus tard,&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>&nbsp;semble achever d&eacute;finitivement cette politique de l&rsquo;ascension li&eacute;e au r&ecirc;ve am&eacute;ricain et ce, d&egrave;s la s&eacute;quence d&rsquo;ouverture. On retrouve John et Mary, toujours &agrave; l&rsquo;&eacute;troit dans un appartement new yorkais. Dans les premiers plans<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn9" id="_ftnref9" name="_ftnref9" title="">9</a></sup>, un homme entreprend p&eacute;niblement l&rsquo;ascension des diff&eacute;rents &eacute;tages le menant au logement du couple pour r&eacute;clamer le paiement d&rsquo;un loyer. L&rsquo;effort de l&rsquo;homme &ndash; et la r&eacute;p&eacute;tition d&rsquo;un plan quasi-similaire d&rsquo;un &eacute;tage &agrave; l&rsquo;autre &ndash; indiquent, de fa&ccedil;on insidieuse, que l&rsquo;immeuble ne b&eacute;n&eacute;ficie pas d&rsquo;un ascenseur. Tout l&rsquo;enjeu narratif de ce second volet consistera &agrave; op&eacute;rer une transition du haut vers le bas, de la ville et ses immeubles &eacute;triqu&eacute;s &agrave; la campagne et ses champs &agrave; perte de vue, des hautes sph&egrave;res impossibles &agrave; atteindre &agrave; la terre originelle.</p> <p>Le r&ecirc;ve am&eacute;ricain, dont le concept n&rsquo;a pas encore &eacute;t&eacute; officiellement th&eacute;oris&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;poque de la r&eacute;alisation de&nbsp;<em>La Foule</em>, semble donc d&eacute;j&agrave; se fissurer dans les deux films de King Vidor. Si cette remise en cause peut sembler anodine, Jean Mitry rappelle, dans le tome 3 de son&nbsp;<em>Histoire du cin&eacute;ma muet</em>, que c&rsquo;est loin d&rsquo;&ecirc;tre le cas&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Non seulement le couple y est d&eacute;crit dans les efforts qu&rsquo;il fait pour opposer l&rsquo;amour &agrave; l&rsquo;agitation urbaine, &agrave; la foule, aux conventions sociales, mais, chose toute nouvelle dans le cin&eacute;ma am&eacute;ricain o&ugrave; l&rsquo;apologie de la r&eacute;ussite, de l&rsquo;arrivisme, de la d&eacute;brouillardise paraissait en filigrane &agrave; travers le moindre film des ann&eacute;es vingt, le confort, la situation, le bien &ecirc;tre, mod&egrave;les sociaux jusqu&rsquo;alors indestructibles, avouent ici leur fragilit&eacute;, leur incertitude. Le ch&ocirc;mage, l&rsquo;ins&eacute;curit&eacute; s&rsquo;y r&eacute;v&egrave;lent possibles, voire fr&eacute;quents<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn10" id="_ftnref10" name="_ftnref10" title="">10</a></sup>.</p> </blockquote> <p>La derni&egrave;re partie du film, beaucoup plus sombre, montre en effet en quelques images &laquo;&nbsp;l&rsquo;approche du d&eacute;sastre &eacute;conomique d&rsquo;octobre 1929<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn11" id="_ftnref11" name="_ftnref11" title="">11</a></sup>&nbsp;&raquo; lorsque John, qui renonce &agrave; se suicider en prenant conscience de l&rsquo;amour que lui voue son fils, se heurte une fois encore &agrave; la foule. Mais il s&rsquo;agit cette fois d&rsquo;une foule de travailleurs qui font la queue dans l&rsquo;espoir de trouver un emploi. Nous le verrons, ce second visage de la foule, socialement identifiable, annonce celle de&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>. Jean Mitry ajoute, dans sa section consacr&eacute;e &agrave;&nbsp;<em>La Foule</em>, que le film fut mal accueilli &agrave; sa sortie&nbsp;:&nbsp;</p> <blockquote> <p>Bien que&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;ait &eacute;t&eacute; un relatif succ&egrave;s commercial mais &agrave; retardement &ndash; le film d&eacute;plut singuli&egrave;rement &agrave; l&rsquo;&eacute;poque. Son pessimisme n&rsquo;&eacute;tait pas &ldquo;dans le ton&rdquo;. Habitu&eacute; &agrave; r&ecirc;ver devant les contes de f&eacute;es fabriqu&eacute;s &agrave; profusion par Hollywood, le public am&eacute;ricain ne se reconnaissait pas dans ce miroir cependant lucide ou refusait de s&rsquo;y reconna&icirc;tre. D&eacute;concert&eacute; d&rsquo;y voir l&rsquo;image de son existence r&eacute;elle et plus du tout celle r&eacute;confortante de ses r&ecirc;ves ou de ses illusions, il refusait de se voir autre que ce qu&rsquo;il voulait ou croyait &ecirc;tre<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn12" id="_ftnref12" name="_ftnref12" title="">12</a></sup>.</p> </blockquote> <p>Le spectateur a beau refuser de voir le r&ecirc;ve am&eacute;ricain s&rsquo;&eacute;tioler, le krach boursier de 1929 l&rsquo;obligera &agrave; repenser en partie sa conception de l&rsquo;&eacute;mancipation individuelle et sa confiance dans les institutions. La fin de&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;est &agrave; ce titre tr&egrave;s repr&eacute;sentative de cette id&eacute;e&nbsp;: John, pour faire des rencontres prometteuses, ne peut dor&eacute;navant compter que sur lui-m&ecirc;me mais doit surtout r&eacute;apprendre &agrave; rire et,&nbsp;<em>in fine</em>, &agrave; communier avec le peuple. Un ample mouvement arri&egrave;re effectu&eacute; par la cam&eacute;ra part de son si&egrave;ge pour mieux le noyer une derni&egrave;re fois au sein d&rsquo;une foule immense de spectateurs venus se divertir et fuir ainsi temporairement la crise qui menace &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>L&rsquo;&egrave;re du New Deal&nbsp;: du destin individuel &agrave; la destin&eacute;e collective</b></em></p> <p>Nous avions donc quitt&eacute; John Sims plus d&eacute;mocrate que r&eacute;publicain &agrave; la fin de&nbsp;<em>La Foule</em>. Ce dernier semblait en effet avoir compris qu&rsquo;il ne parviendrait &agrave; s&rsquo;&eacute;lever au sein de la soci&eacute;t&eacute; qu&rsquo;en acceptant de faire corps avec le peuple et les institutions.&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>&nbsp;emprunte le m&ecirc;me chemin puisque John et Mary acceptent l&rsquo;offre de l&rsquo;oncle Anthony consistant &agrave; reprendre l&rsquo;une de ses fermes laiss&eacute;es &agrave; l&rsquo;abandon pour la rendre fertile et faire ainsi fortune. Or, l&rsquo;oncle Anthony est une parfaite incarnation du pr&eacute;sident Roosevelt qui, &agrave; travers le concept de &laquo;&nbsp;New Deal&nbsp;&raquo; en 1934, encourage les personnes au ch&ocirc;mage &agrave; migrer &agrave; la campagne et &agrave; s&rsquo;emparer des travaux agraires en cr&eacute;ant notamment des coop&eacute;ratives. Mais Vidor va encore plus loin que ne l&rsquo;avait probablement imagin&eacute; Roosevelt puisque John et Mary proposent &agrave; la foule de travailleurs venue les rejoindre de cr&eacute;er une communaut&eacute; agricole autog&eacute;r&eacute;e, autosuffisante et reposant sur l&rsquo;&eacute;change de services. Une vision du collectif qui poussa un certain pan de la presse de droite &agrave; qualifier le film de &laquo;&nbsp;pinko<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn13" id="_ftnref13" name="_ftnref13" title="">13</a></sup>&nbsp;&raquo; &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, c&rsquo;est-&agrave;-dire proche de l&rsquo;id&eacute;ologie communiste. De plus, il est int&eacute;ressant de relever que ce n&rsquo;est pas John qui s&rsquo;auto-proclame chef, c&rsquo;est le collectif qui le d&eacute;signe ainsi. Un choix relevant de la majorit&eacute; mais non d&eacute;cid&eacute; &agrave; l&rsquo;unanimit&eacute; puisque Vidor montre parfaitement que d&rsquo;autres syst&egrave;mes d&rsquo;organisation (parfois encore plus &eacute;galitaires, parfois plus traditionnels) avaient &eacute;galement &eacute;t&eacute; envisag&eacute;s par le groupe.</p> <p><em>Notre pain quotidien</em>&nbsp;offre donc encore plus d&rsquo;&eacute;paisseur &agrave; la caract&eacute;risation du personnage de John qui parvient finalement &agrave; s&rsquo;&eacute;lever hi&eacute;rarchiquement mais surtout &laquo;&nbsp;d&eacute;mocratiquement&nbsp;&raquo; au-dessus de la foule tout en restant confront&eacute; &agrave; la mis&egrave;re. Bien que les principaux traits de caract&egrave;re de John n&rsquo;aient probablement gu&egrave;re chang&eacute;, il est fort int&eacute;ressant d&rsquo;observer que c&rsquo;est avant tout son rapport aux autres qui lui permet d&rsquo;&eacute;voluer. Que ce soit dans&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;ou dans&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>, John est somm&eacute; de faire&nbsp;<em>avec</em>&nbsp;plut&ocirc;t que contre s&rsquo;il veut esp&eacute;rer qu&rsquo;on lui donne sa chance. D&rsquo;un film &agrave; l&rsquo;autre, il s&rsquo;agit donc de doucher les espoirs li&eacute;s &agrave; une destin&eacute;e individuelle et individualiste pour mieux s&rsquo;ancrer au sein d&rsquo;une destin&eacute;e collective qui permet, paradoxalement, de &laquo;&nbsp;devenir soi&nbsp;&raquo; &ndash; plut&ocirc;t que quelqu&rsquo;un &ndash; en trouvant sa juste place dans le collectif et, finalement, dans la soci&eacute;t&eacute; des Hommes. Il convient toutefois de nuancer cette id&eacute;e.</p> <p>Contrairement aux grands films du cin&eacute;aste russe Sergue&iuml; Eisenstein tels que&nbsp;<em>La Gr&egrave;ve</em>&nbsp;(1925) ou&nbsp;<em>Le Cuirass&eacute; Potemkine</em>(1925) qui abandonnaient la destin&eacute;e individuelle d&rsquo;un personnage principal au profit d&rsquo;une masse h&eacute;ro&iuml;que et indistincte, les deux films de King Vidor conservent, dans la pure tradition dramaturgique hollywoodienne, une narration ax&eacute;e sur les deux personnages principaux que sont John et Mary Sims. C&rsquo;est peut-&ecirc;tre l&agrave; que r&eacute;sident &agrave; la fois la complexit&eacute; et le paradoxe id&eacute;ologiques du second volet du diptyque&nbsp;: pr&ocirc;ner l&rsquo;effort collectif tout en conservant sa singularit&eacute;, s&rsquo;accomplir (enfin) gr&acirc;ce &agrave; la foule tout en continuant &agrave; se diff&eacute;rencier d&rsquo;elle. &Agrave; cet &eacute;gard, la toute derni&egrave;re image de&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>&nbsp;illustre ce paradoxe&nbsp;: alors que King Vidor montrait<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn14" id="_ftnref14" name="_ftnref14" title="">14</a></sup>&nbsp;&ndash; en convoquant un imaginaire quasi biblique &ndash; le groupe se baignant de joie dans la boue apr&egrave;s &ecirc;tre parvenu &agrave; irriguer le champ qui assurait leur subsistance, les deux derniers plans en plong&eacute;e d&eacute;voilent John et Mary dominant, depuis leur cal&egrave;che, le champ o&ugrave; s&rsquo;activent les ouvriers agricoles. Tandis que le film s&rsquo;&eacute;vertuait &agrave; faire du collectif une somme d&rsquo;individus caract&eacute;ris&eacute;s, &agrave; la toute fin, seul se distingue au milieu de la foule le jeune couple ambitieux. Le r&ecirc;ve am&eacute;ricain, bien que s&rsquo;apparentant davantage &agrave; un mythe d&eacute;cennies apr&egrave;s d&eacute;cennies, n&rsquo;en demeure pas moins toujours plus fort et plus vivace que l&rsquo;utopie d&rsquo;une communaut&eacute; &eacute;galitariste et fraternelle dans l&rsquo;imaginaire hollywoodien. King Vidor n&rsquo;est pas Sergue&iuml; Eisenstein et le film, bien que tent&eacute; par une id&eacute;ologie proche du communisme, se referme sur un plan qui renvoie plut&ocirc;t &agrave; un syst&egrave;me capitaliste. &Agrave; ce titre, Michel Ciment, dans sa critique pouss&eacute;e du film, a bien raison de souligner le d&eacute;bat que provoqua&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>&nbsp;&agrave; sa sortie&nbsp;: qualifi&eacute;, nous l&rsquo;avons dit, de &laquo;&nbsp;pinko&nbsp;&raquo; par la presse de droite, il fut dans le m&ecirc;me temps, analys&eacute; comme une &laquo;&nbsp;&oelig;uvre de propagande capitaliste<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn15" id="_ftnref15" name="_ftnref15" title="">15</a></sup>&nbsp;&raquo; par d&rsquo;autres. Engageant ses deniers personnels pour produire le film dont ne voulaient aucune des grandes compagnies cin&eacute;matographiques am&eacute;ricaines, King Vidor &eacute;tait peut-&ecirc;tre davantage un &laquo;&nbsp;anarchiste hollywoodien<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn16" id="_ftnref16" name="_ftnref16" title="">16</a></sup>&nbsp;&raquo; comme le qualifia alors&nbsp;<em>The New Masses</em>&nbsp;; un anarchiste qui ne pouvait choisir entre l&rsquo;&eacute;mancipation individuelle promise par le r&ecirc;ve am&eacute;ricain et la force du collectif insuffl&eacute;e par les mesures prises durant la p&eacute;riode du New Deal.</p> <p>Peut-&ecirc;tre faut-il aussi se pencher sur la repr&eacute;sentation de la foule &agrave; l&rsquo;&eacute;cran pour tenter de mieux saisir ce qu&rsquo;elle symbolise ou ce qu&rsquo;elle tente de signifier.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>Plasticit&eacute; et symbolisme&nbsp;: repr&eacute;senter la foule</b></p> <p><em><b>Rire et pleurer avec la foule</b></em></p> <p>On l&rsquo;a assez peu relev&eacute; dans les diff&eacute;rentes analyses consacr&eacute;es au film mais ce qui contribue grandement &agrave; &laquo;&nbsp;caract&eacute;riser&nbsp;&raquo; la foule dans le film &eacute;ponyme, ce sont les cartons et les dialogues. L&rsquo;un des cartons est particuli&egrave;rement signifiant et les difficult&eacute;s &agrave; le traduire ne font qu&rsquo;en r&eacute;v&eacute;ler l&rsquo;importance. John et Mary viennent de perdre leur petite fille, renvers&eacute;e par un camion. Tandis qu&rsquo;ils se rendent aux fun&eacute;railles<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn17" id="_ftnref17" name="_ftnref17" title="">17</a></sup>, accabl&eacute;s par le chagrin, un carton surgit &agrave; l&rsquo;&eacute;cran&nbsp;: &ldquo;<em>The crowd laughs with you always&hellip; but it will cry with you for one only day</em>.&rdquo; L&rsquo;&eacute;dition DVD de Bach films propose la traduction suivante&nbsp;: &laquo;&nbsp;La foule rit toujours avec l&rsquo;homme heureux. Mais elle se lasse vite du malchanceux<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn18" id="_ftnref18" name="_ftnref18" title="">18</a></sup>.&nbsp;&raquo; Une autre traduction, propos&eacute;e par la Cin&eacute;math&egrave;que Fran&ccedil;aise lors d&rsquo;une r&eacute;trospective consacr&eacute;e &agrave; King Vidor en 2007<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn19" id="_ftnref19" name="_ftnref19" title="">19</a></sup>&nbsp;est moins po&eacute;tique mais sans doute plus proche de la phrase originale&nbsp;: &laquo;&nbsp;La foule rit toujours avec vous mais elle ne pleure avec vous qu&rsquo;une fois.&nbsp;&raquo; Cette seconde traduction est d&rsquo;autant plus juste qu&rsquo;elle est &agrave; l&rsquo;image du film. Si la foule est toujours pr&eacute;sente lorsque John connait un &eacute;v&eacute;nement important dans vie (la rencontre avec Mary&nbsp;; la mort de sa fille&nbsp;; l&rsquo;obtention d&rsquo;un emploi et une probable belle rencontre professionnelle dans la derni&egrave;re s&eacute;quence), elle ne semble v&eacute;ritablement heurt&eacute;e par son destin qu&rsquo;une seule fois&nbsp;: lors de la mort du p&egrave;re.</p> <p>Dans un plan devenu c&eacute;l&egrave;bre<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn20" id="_ftnref20" name="_ftnref20" title="">20</a></sup>, tourn&eacute; en plong&eacute;e, la foule s&rsquo;est amass&eacute;e derri&egrave;re John, enfant alors, au pied de l&rsquo;escalier qui le conduit jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;appartement o&ugrave; son p&egrave;re vient de mourir. John monte lentement et se rapproche progressivement de la cam&eacute;ra &agrave; mesure qu&rsquo;il se d&eacute;tache de la foule de passants venus observer la sc&egrave;ne. Cette ascension est &eacute;videmment symbolique&nbsp;: chaque marche s&eacute;pare un peu plus John du monde insouciant de l&rsquo;enfance pour faire de lui un jeune homme &ndash; un jeune homme qui conna&icirc;t son premier drame personnel. Mais chaque marche le s&eacute;pare aussi un peu plus du groupe d&rsquo;individus, silencieux, recueilli, presque digne. Bien que la foule se nourrisse incontestablement du malheur de John, cette image est peut-&ecirc;tre l&rsquo;une des seules o&ugrave; elle semble &eacute;galement l&rsquo;entourer, le soutenir.</p> <p>Lorsque John et Mary perdent leur fille en revanche, la repr&eacute;sentation de la foule est bien diff&eacute;rente<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn21" id="_ftnref21" name="_ftnref21" title="">21</a></sup>. Celle-ci devient alors une masse encerclante et obstruante qui emp&ecirc;che d&rsquo;abord John d&rsquo;acc&eacute;der au corps de l&rsquo;enfant, puis qui le cerne, rendant sa progression vers l&rsquo;immeuble plus difficile. La foule demeure &eacute;galement sans r&eacute;action lorsqu&rsquo;il somme les observateurs d&rsquo;appeler une ambulance, ce qui n&rsquo;emp&ecirc;che pas quelques personnes de suivre le p&egrave;re affol&eacute; jusqu&rsquo;au seuil de l&rsquo;appartement. Un champ-contre-champ signifie alors parfaitement la s&eacute;paration nette entre les spectateurs et l&rsquo;objet macabre du spectacle. Relevons &eacute;galement que King Vidor choisit de faire porter des chapeaux &agrave; la majeure partie des passants ce qui lui permet d&rsquo;anonymiser la foule en cachant les visages des figurants. Film&eacute;e en plong&eacute;e principalement, la sc&egrave;ne donne la sensation que John se d&eacute;bat avec une masse indistincte, davantage&nbsp;<em>vivante</em>&nbsp;qu&rsquo;<em>humaine</em>.</p> <p>Dans la s&eacute;quence suivante<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn22" id="_ftnref22" name="_ftnref22" title="">22</a></sup>, c&rsquo;est &agrave; travers la question du son que l&rsquo;opposition se poursuit entre John et la foule. Ne supportant pas les bruits de la ville alors que sa fille agonise, il tente d&rsquo;att&eacute;nuer l&rsquo;excitation ambiante en descendant dans la rue. Une fois encore, la masse sans visage se pr&eacute;cipite &agrave; la suite d&rsquo;une ambulance tandis que John, levant les bras au ciel, tente de les arr&ecirc;ter en avan&ccedil;ant &agrave; contre-sens. Un contre-sens hautement symbolique une fois encore puisqu&rsquo;il illustre &agrave; merveille la sentence du carton &agrave; venir&nbsp;: la foule ne pleure avec vous qu&rsquo;une fois. Le rapport que John entretient malgr&eacute; lui avec la foule rel&egrave;ve donc bien davantage de l&rsquo;&laquo;&nbsp;avec&nbsp;<em>et</em>&nbsp;contre tous&nbsp;&raquo; plut&ocirc;t que de l&rsquo;&laquo;&nbsp;envers et contre tout&nbsp;&raquo; puisque chaque &eacute;v&eacute;nement important qui le constitue en tant qu&rsquo;&ecirc;tre humain s&rsquo;accomplit en pr&eacute;sence de la foule dont il se distingue, mais dont il ne parvient jamais r&eacute;ellement &agrave; se d&eacute;tacher &ndash; &agrave; l&rsquo;exception de la sc&egrave;ne de l&rsquo;escalier qui fait suite &agrave; la mort du p&egrave;re.</p> <p>Dans son ouvrage&nbsp;<em>Cin&eacute;ma 1. L&rsquo;image-mouvement</em>, Gilles Deleuze cherche &agrave; d&eacute;finir les deux grandes formes narratives qu&rsquo;il associe &agrave; ce qu&rsquo;il nomme &laquo;&nbsp;l&rsquo;image-action&nbsp;&raquo;. Proche de la forme dramaturgique utilis&eacute;e dans les films hollywoodiens de l&rsquo;&acirc;ge classique, l&rsquo;image-action fonctionne sur le sch&eacute;ma action/r&eacute;action. Deleuze d&eacute;finit la grande forme ainsi&nbsp;: SAS ou SAS&rsquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire &laquo;&nbsp;situation, action, situation inchang&eacute;e&nbsp;&raquo; dans le premier cas ou, plus souvent, &laquo;&nbsp;situation, action, nouvelle situation&nbsp;&raquo; dans le second cas. Prenant l&rsquo;exemple de&nbsp;<em>La Foule</em>, Deleuze consid&egrave;re que le film illustre davantage le premier cas, la sous-forme SAS, dans laquelle le milieu (plus que la situation) ne parvient pas r&eacute;ellement &agrave; influer sur la situation du personnage. Ainsi, &eacute;crit le th&eacute;oricien, la figure SAS&rsquo;, &laquo;&nbsp;o&ugrave; l&rsquo;individu modifie la situation, a bien pour envers une situation SAS, telle que l&rsquo;individu ne sait plus que faire et se retrouve au mieux dans la m&ecirc;me situation&nbsp;: le cauchemar am&eacute;ricain de &ldquo;<em>La Foule</em>&rdquo;<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn23" id="_ftnref23" name="_ftnref23" title="">23</a></sup>.&nbsp;&raquo; Cette impossibilit&eacute; pour le personnage &agrave; changer sa situation de d&eacute;part est int&eacute;ressante parce qu&rsquo;elle correspond &agrave; l&rsquo;&eacute;volution de la repr&eacute;sentation de la foule dans le film. Tant que John s&rsquo;obstine dans sa volont&eacute; &agrave; s&rsquo;&eacute;lever au-dessus de la foule, celle-ci est repr&eacute;sent&eacute;e comme une masse &agrave; la plasticit&eacute; changeante, tant&ocirc;t grouillante, tant&ocirc;t encerclante et &eacute;touffante mais toujours indistincte, anonymis&eacute;e, d&eacute;personnalis&eacute;e. Or, cette indistinction est associ&eacute;e &agrave; la part fantasmatique de John qui se r&ecirc;ve au-dessus de la masse mais qui n&rsquo;a pas les moyens de son ambition. C&rsquo;est lorsqu&rsquo;il prend conscience de son impuissance et qu&rsquo;il accepte la r&eacute;alit&eacute; de sa situation que l&rsquo;aspect de la foule se modifie. John commence, symboliquement, par courir dans le m&ecirc;me sens qu&rsquo;un groupe de travailleurs sans emploi se pr&eacute;sentant &agrave; un guichet<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn24" id="_ftnref24" name="_ftnref24" title="">24</a></sup>. Un plan rapproch&eacute; le montre alors cherchant &agrave; int&eacute;grer la queue de force mais il est repouss&eacute; par diff&eacute;rents hommes dont on aper&ccedil;oit d&eacute;sormais les visages. &laquo;&nbsp;Il faut que je travaille. J&rsquo;ai une femme et un enfant.&nbsp;&raquo; dit-il &agrave; l&rsquo;un d&rsquo;entre eux. Ce dernier lui r&eacute;pond spontan&eacute;ment&nbsp;: &laquo;&nbsp;Comme presque tout le monde ici.&nbsp;&raquo; C&rsquo;est la premi&egrave;re fois que John s&rsquo;adresse verbalement &agrave; l&rsquo;une des individualit&eacute;s constituant cette foule et la premi&egrave;re fois qu&rsquo;il entre physiquement en contact avec cette derni&egrave;re.</p> <p>Deleuze n&rsquo;a donc pas enti&egrave;rement raison de voir en&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;un parfait exemple de sa forme SAS. Si l&rsquo;on se place d&rsquo;un point de vue dramaturgique, il est exact que le film de Vidor montre un &eacute;chec individuel et surtout social. John ne parvient pas &agrave; &laquo;&nbsp;devenir quelqu&rsquo;un&nbsp;&raquo;. Pour autant, comme le dit tr&egrave;s bien Jean Mitry,&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;se place davantage du c&ocirc;t&eacute; du &laquo;&nbsp;r&eacute;alisme psychologique&nbsp;&raquo; plut&ocirc;t que du c&ocirc;t&eacute; du &laquo;&nbsp;r&eacute;alisme social<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn25" id="_ftnref25" name="_ftnref25" title="">25</a></sup>&nbsp;&raquo;. Psychologiquement, on ne peut nier une forte &eacute;volution du personnage principal qui passe d&rsquo;une r&ecirc;verie narcissique tr&egrave;s freudienne<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn26" id="_ftnref26" name="_ftnref26" title="">26</a></sup>&nbsp;&agrave; l&rsquo;acceptation de ses possibilit&eacute;s et, surtout, de ses impossibilit&eacute;s. Jean Mitry reconna&icirc;t d&rsquo;ailleurs au film&nbsp;<em>The Greed</em>&nbsp;de Victor Stroheim, une qualit&eacute; pr&eacute;cieuse&nbsp;: la possibilit&eacute; d&rsquo;op&eacute;rer une &laquo;&nbsp;description quasi ph&eacute;nom&eacute;nologique de la dur&eacute;e<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn27" id="_ftnref27" name="_ftnref27" title="">27</a></sup>&nbsp;&raquo;. Autrement dit, gr&acirc;ce &agrave; ses ellipses et en prenant soin de faire &eacute;voluer son personnage &agrave; travers le temps et les ann&eacute;es, King Vidor rompt avec l&rsquo;aspect th&eacute;&acirc;tral du cin&eacute;ma hollywoodien pour faire de&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;un v&eacute;ritable spectacle cin&eacute;matographique.</p> <p>Dans la pure tradition de la pens&eacute;e deleuzienne, c&rsquo;est donc bien le milieu, l&rsquo;environnement &ndash; et en l&rsquo;occurrence, ici, la confrontation avec la foule &ndash; qui modifie int&eacute;rieurement le personnage et lui permet de reprendre contact avec la r&eacute;alit&eacute;. C&rsquo;est aussi le moment o&ugrave; la grande Histoire rejoint la petite et que la crise de 1929 semble menacer les bonnes r&eacute;solutions de John tandis qu&rsquo;il s&rsquo;appr&ecirc;te enfin &agrave; marcher puis, dans la derni&egrave;re sc&egrave;ne, &agrave; regarder dans le m&ecirc;me sens que le reste du groupe, s&rsquo;inventant ainsi un avenir commun.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>Caract&eacute;riser&hellip; au risque de dissoudre</b></em></p> <p>Six ans plus tard, on assiste &agrave; un changement de paradigme avec&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>. Bien que John demeure relativement s&ucirc;r de lui, il comprend rapidement qu&rsquo;ils ne peuvent pas, avec Mary, remettre seuls en &eacute;tat la ferme de l&rsquo;oncle Anthony. Il plante donc des pancartes le long du terrain proposant &agrave; quiconque le souhaite de le rejoindre dans cette nouvelle aventure<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn28" id="_ftnref28" name="_ftnref28" title="">28</a></sup>. Surpris par l&rsquo;affluence de travailleurs en qu&ecirc;te d&rsquo;un emploi, John cherche &agrave; faire le tri parmi les nouveaux arrivants. S&rsquo;ensuit une sc&egrave;ne assez cocasse qui peut &ecirc;tre vue comme l&rsquo;envers de celle, &agrave; la fin de&nbsp;<em>La Foule</em>, o&ugrave; John cherche &agrave; rejoindre la queue des demandeurs d&rsquo;emploi. Bombant le torse et se d&eacute;signant du doigt &agrave; Mary, il prend une posture de chef et fait aligner les hommes pr&eacute;sents. Un travelling lat&eacute;ral accompagne sa rencontre avec les diff&eacute;rents personnages formant la premi&egrave;re ligne. Ce proc&eacute;d&eacute; de mise en sc&egrave;ne est en v&eacute;rit&eacute; une fa&ccedil;on de casser la plasticit&eacute; mouvante de la foule pour davantage instaurer des &eacute;changes individuels fonctionnant par paires. Ainsi, la foule se d&eacute;compose et se mue rapidement en une addition d&rsquo;individus singuliers imm&eacute;diatement caract&eacute;ris&eacute;s &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;un trait repr&eacute;sentatif&nbsp;: le violoniste d&eacute;licat, l&rsquo;homme taciturne et mena&ccedil;ant ou le commis-voyageur pr&ecirc;t &agrave; tout pour se vendre lui-m&ecirc;me. En acceptant de faire face &agrave; la foule dans le but d&rsquo;en faire un collectif d&rsquo;individus, John modifie ainsi en profondeur sa vision de la soci&eacute;t&eacute; tout en changeant radicalement le syst&egrave;me de repr&eacute;sentation de cette m&ecirc;me foule dans laquelle il s&rsquo;&eacute;tait tant d&eacute;men&eacute; au cours du film pr&eacute;c&eacute;dent.</p> <p>Les plans larges et les surimpressions montrant la foule comme une masse fourmillante et d&eacute;vorante laissent donc place, dans&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>, &agrave; des plans rapproch&eacute;s et &agrave; des &eacute;changes qui humanisent et singularisent les diff&eacute;rents individus formant la nouvelle communaut&eacute; agraire. Ainsi, dans la s&eacute;quence suivante<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn29" id="_ftnref29" name="_ftnref29" title="">29</a></sup>, on retrouve bien un homme qui concentre l&rsquo;attention entour&eacute; d&rsquo;une multitude d&rsquo;individus r&eacute;unie au coin d&rsquo;un feu&nbsp;: John harangue la communaut&eacute; et provoque l&rsquo;enthousiasme. Mais rapidement, tandis que le jeune homme c&egrave;de la parole, plusieurs hommes se l&egrave;vent pour proposer chacun un mod&egrave;le de soci&eacute;t&eacute; &agrave; adopter. On bascule alors dans un ph&eacute;nom&egrave;ne de groupe dans lequel la parole circule. Faut-il en d&eacute;duire pour autant que la foule a enti&egrave;rement disparu du second volet du diptyque&nbsp;? Non, mais elle est repr&eacute;sent&eacute;e &agrave; certains moments bien pr&eacute;cis, notamment lorsqu&rsquo;un repr&eacute;sentant de la loi ou de l&rsquo;&eacute;glise s&rsquo;exprime. Lorsque la ferme est menac&eacute;e d&rsquo;&ecirc;tre mise aux ench&egrave;res et vendue au plus offrant, un rassemblement &agrave; lieu devant le sh&eacute;rif pour faire bloc<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn30" id="_ftnref30" name="_ftnref30" title="">30</a></sup>. On retrouve alors un dispositif de repr&eacute;sentation classique&nbsp;: un homme face &agrave; la foule. De m&ecirc;me, lorsque le travail de plantation est achev&eacute; par la coop&eacute;rative, l&rsquo;un des travailleurs se met naturellement &agrave; prier tandis que la foule se met &agrave; genoux<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn31" id="_ftnref31" name="_ftnref31" title="">31</a></sup>. La sc&egrave;ne est symboliquement forte car film&eacute;e en contre-plong&eacute;e, renfor&ccedil;ant ainsi le lien qu&rsquo;entretient l&rsquo;homme humble avec le ciel et,&nbsp;<em>in fine</em>, avec les forces divines.</p> <p>Le propos id&eacute;ologique de King Vidor est une fois encore ambigu&nbsp;: le collectif se heurte aux repr&eacute;sentants de l&rsquo;&eacute;tat &ndash; tout en faisant respecter et appliquer la loi &ndash; mais communie derri&egrave;re l&rsquo;homme religieux. De plus, lors de la premi&egrave;re r&eacute;union au coin du feu, face aux diff&eacute;rentes propositions sur le mod&egrave;le de soci&eacute;t&eacute; &agrave; adopter, ce n&rsquo;est ni la plus utopique ni la plus traditionnelle qui l&rsquo;emportent mais celle consistant simplement &agrave; se ranger derri&egrave;re un &laquo;&nbsp;chef&nbsp;&raquo;. Or, la figure du chef semble correspondre tout autant au mod&egrave;le d&eacute;mocrate du New Deal dans lequel un peuple offre sa confiance aux institutions et au pr&eacute;sident de la nation charg&eacute; de r&eacute;tablir la prosp&eacute;rit&eacute; qu&rsquo;au mod&egrave;le davantage r&eacute;publicain du r&ecirc;ve am&eacute;ricain o&ugrave; chacun est susceptible de prendre son destin en main. Quoi qu&rsquo;il en soit, c&rsquo;est bel et bien John Sims qui, &agrave; la fin du film, a l&rsquo;id&eacute;e de la construction du canal qui sauvera la r&eacute;colte. S&rsquo;en suit une s&eacute;quence magistrale dans laquelle le &ldquo;<em>happy end</em>&rdquo;&nbsp;hollywoodien n&rsquo;est possible que gr&acirc;ce &agrave; la force du collectif.</p> <p>Insistons sur le fait qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&eacute;sormais bien d&rsquo;un collectif plut&ocirc;t que d&rsquo;une foule et ce, pour plusieurs raisons. Il faut d&rsquo;abord &eacute;tudier la fa&ccedil;on dont King Vidor utilise les &eacute;chelles de plan. L&agrave; o&ugrave; la foule &eacute;tait majoritairement film&eacute;e de loin et en plong&eacute;e, Vidor choisit de repr&eacute;senter le groupe en plan rapproch&eacute;, voire en gros plan, de fa&ccedil;on &agrave; insister sur la synchronicit&eacute; des gestes ainsi que sur la progression des travaux<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn32" id="_ftnref32" name="_ftnref32" title="">32</a></sup>. Le d&eacute;coupage permet au spectateur de b&eacute;n&eacute;ficier de points de rep&egrave;re r&eacute;guliers dans la s&eacute;quence, notamment en reconnaissant des individus au sein du groupe et en retrouvant, temporairement, John et Mary tout au long de l&rsquo;&eacute;laboration du canal. Il faut ensuite mentionner l&rsquo;importance du son.&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>&nbsp;est un film sonore. Tandis que la foule &eacute;tait une force silencieuse et inqui&eacute;tante, le collectif est constitu&eacute; d&rsquo;une multitude de voix qui se r&eacute;pondent autant qu&rsquo;elles s&rsquo;unissent. La voix singularise, isole. Dans&nbsp;<em>La Foule</em>, les hommes et les femmes &eacute;taient souvent unanimement chapeaut&eacute;s&nbsp;; ici, les voix sont genr&eacute;es et chaque sexe &agrave; son utilit&eacute; dans la progression de l&rsquo;&oelig;uvre collective.</p> <p><em>Notre pain quotidien</em>&nbsp;s&rsquo;ach&egrave;ve donc sur un &ldquo;<em>happy end</em>&rdquo;&nbsp;&agrave; la fois collectif et individuel, nous l&rsquo;avons soulign&eacute;. John et Mary sortent victorieux de l&rsquo;&eacute;preuve, dominant la foule de travailleurs du haut de leur charrette. S&rsquo;agit-il d&rsquo;un manque d&rsquo;imagination de la part de King Vidor ou d&rsquo;un attachement aux carcans dramaturgiques centr&eacute;s sur la cr&eacute;ation d&rsquo;un personnage principal&nbsp;? Lorsque l&rsquo;on conna&icirc;t la force lyrique dont est capable le cin&eacute;aste, il est difficile de croire qu&rsquo;il n&rsquo;a pas volontairement choisi de mettre en avant son couple phare triomphant enfin de l&rsquo;adversit&eacute;. &Eacute;tait-il pour autant oblig&eacute; de le mettre en situation de domination vis-&agrave;-vis du collectif&nbsp;? C&rsquo;est peut-&ecirc;tre l&rsquo;ultime preuve, s&rsquo;il en fallait une, de la puissance du mythe &eacute;br&eacute;ch&eacute; mais pour autant in&eacute;branlable du r&ecirc;ve am&eacute;ricain.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>Conclusion</b></p> <p>L&rsquo;axe de cette analyse crois&eacute;e revient en fin de compte &agrave; aborder la question de l&rsquo;antagonisme dans les deux films de King Vidor. Il serait facile de faire de la foule un antagoniste mouvant, insaisissable, &agrave; la plasticit&eacute; changeante face &agrave; la suffisance de John Sims&nbsp;: une figure presque anthropomorphis&eacute;e qui incarnerait en le symbolisant le commun des mortels anonymes, dont il s&rsquo;agit de s&rsquo;extraire dans l&rsquo;espoir d&rsquo;accomplir quelque chose et, ainsi, feindre de repousser une issue promise &agrave; tous. Le but ultime du citoyen am&eacute;ricain d&rsquo;alors serait de faire de sa vie une &oelig;uvre qui lui survivrait, envers et contre tout. Au fond, le r&ecirc;ve am&eacute;ricain qui habite John Sims n&rsquo;est pas si &eacute;loign&eacute; de la grande tradition des films de super-h&eacute;ros dont l&rsquo;industrie hollywoodienne a le secret. Dans ces films aussi il s&rsquo;agit d&rsquo;un &ecirc;tre humain sup&eacute;rieur qui, en accomplissant de grandes choses, s&rsquo;&eacute;l&egrave;ve au-dessus de la foule pour le bien de tous, faisant fi, parfois, de toutes les lois et de toutes les r&egrave;gles &eacute;dict&eacute;es par les institutions. Il s&rsquo;agit malgr&eacute; tout de rendre justice et de se faire justice soi-m&ecirc;me. De m&ecirc;me, les grands films ou les grandes s&eacute;ries d&rsquo;espionnage reposent toujours sur un antagoniste ext&eacute;rieur &ndash; sympt&ocirc;me d&rsquo;une parano&iuml;a collective &ndash; souvent russe ou appartenant &agrave; la mouvance terroriste, qu&rsquo;il s&rsquo;agira de contrer. Un antagoniste dont le chef est incarn&eacute; mais dont l&rsquo;organisation qu&rsquo;il repr&eacute;sente est une foule sans visage. Enfin, il en est de m&ecirc;me dans les films ayant pour sujet la mafia tels que les trois qui composent la trilogie du&nbsp;<em>Parrain</em>&nbsp;(1972, 1974, 1990) de Francis Ford Coppola. Dans la philosophie du r&ecirc;ve am&eacute;ricain et &agrave; travers les figures h&eacute;ro&iuml;ques et parfois controvers&eacute;es qui l&rsquo;incarnent, il ne s&rsquo;agit donc pas de composer avec la foule, mais de s&rsquo;&eacute;lever au-dessus d&rsquo;elle, de s&rsquo;en diff&eacute;rencier dans une d&eacute;marche plus individualiste que philanthropique.</p> <p>Pour autant, ce qui rend le film de King Vidor si passionnant et fin, c&rsquo;est que le v&eacute;ritable antagoniste de John n&rsquo;est autre que lui-m&ecirc;me. John est un doux r&ecirc;veur qui a probablement plus d&rsquo;ambition que de volont&eacute;. C&rsquo;est lorsqu&rsquo;il accepte enfin d&rsquo;&ecirc;tre r&eacute;aliste, de se confronter &agrave; la masse des travailleurs d&eacute;munis et de rentrer dans les rangs par le bas de l&rsquo;&eacute;chelle qu&rsquo;il pourra, paradoxalement, esp&eacute;rer s&rsquo;&eacute;lever progressivement au sein de la soci&eacute;t&eacute;. On ne se place pas d&rsquo;embl&eacute;e au-dessus de la foule, on doit d&rsquo;abord apprendre &agrave; composer&nbsp;<em>avec</em>&nbsp;elle. C&rsquo;est ce que John fera avec un certain talent dans&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>, film dans lequel il devient le chef naturel d&rsquo;un collectif de paysans &oelig;uvrant pour le bien commun. Ce qui est assez fascinant dans ce second volet c&rsquo;est qu&rsquo;ici, il n&rsquo;y a quasiment plus d&rsquo;antagonistes, du moins pas dans le sens o&ugrave; on l&rsquo;attendrait d&rsquo;un film hollywoodien &agrave; la dramaturgie classique. Le seul obstacle auquel se heurte le groupe, c&rsquo;est &agrave; celui des conditions climatiques arides&nbsp;: c&rsquo;est la s&eacute;cheresse qui menace l&rsquo;exploitation et non l&rsquo;avidit&eacute; ou la m&eacute;chancet&eacute; des hommes. King Vidor semble au contraire d&eacute;samorcer tout retournement de situation qui pourrait provenir des &ecirc;tres humains&nbsp;: le meurtrier, fait tr&eacute;sorier, se sacrifie en se rendant &agrave; la police pour qu&rsquo;un autre membre du groupe r&eacute;colte la ran&ccedil;on plut&ocirc;t que de voler l&rsquo;argent&nbsp;; quant &agrave; la vampe des villes ayant des vues sur John, elle repart bredouille apr&egrave;s avoir inspir&eacute; &agrave; ce dernier la solution pour sauver la r&eacute;colte.</p> <p>Pour autant, comme nous l&rsquo;avons &eacute;tudi&eacute; dans cet article, les deux plans qui referment le diptyque ne sont pas &agrave; la hauteur des valeurs progressistes et humanistes qui irriguent le film. Il y a ici un v&eacute;ritable paradoxe&nbsp;: r&eacute;aliser un film sans antagoniste humain qui s&rsquo;ach&egrave;ve pourtant par la domination d&rsquo;un collectif avec lequel on a cess&eacute; de chercher &agrave; faire corps. John et Mary ne peuvent &ecirc;tre ni parfaitement&nbsp;<em>avec</em>, ni totalement&nbsp;<em>contre</em>&nbsp;tous, une fois encore. Il faut peut-&ecirc;tre alors revenir &agrave; l&rsquo;issue du premier volet<sup><a href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftn33" id="_ftnref33" name="_ftnref33" title="">33</a></sup>. L&rsquo;anecdote est bien connue&nbsp;: King Vidor a tourn&eacute; pas moins de sept fins diff&eacute;rentes pour&nbsp;<em>La Foule</em>. Dans l&rsquo;une d&rsquo;entre elles, John allait jusqu&rsquo;au bout de son geste et se suicidait. La fin choisie, douce-am&egrave;re, est finalement celle qui illustre le mieux cette id&eacute;e de l&rsquo;&laquo;&nbsp;avec&nbsp;<em>et</em>&nbsp;contre tous&nbsp;&raquo;&nbsp;: si John et Mary se distingue au d&eacute;part du reste de la salle et donc du reste de la foule, ils finissent par se confondre avec l&rsquo;ensemble des spectateurs, renon&ccedil;ant au mythe du r&ecirc;ve am&eacute;ricain pour mieux c&eacute;l&eacute;brer l&rsquo;existence des gens humbles et simples dans un ultime &eacute;clat de rire collectif.</p> <hr /> <p><b>R&eacute;f&eacute;rences</b></p> <p>Ciment Michel, &laquo;&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>, le new deal et le mythe de la fronti&egrave;re&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Positif</em>, n&deg;163, novembre 1974.</p> <p>Deleuze Gilles,&nbsp;<em>Cin&eacute;ma 1. L&rsquo;image-mouvement</em>&nbsp;[1983], Paris, Les &Eacute;ditions de Minuit, 2012.</p> <p>Freud Sigmund, &laquo;&nbsp;La cr&eacute;ation litt&eacute;raire et le r&ecirc;ve &eacute;veill&eacute;&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Essais de psychanalyse appliqu&eacute;e</em>&nbsp;[1933], Paris, &Eacute;ditions de la NRF, &laquo;&nbsp;Id&eacute;es&nbsp;&raquo;, 1971.</p> <p>Mitry Jean,&nbsp;<em>Esth&eacute;tique et psychologie du cin&eacute;ma</em>&nbsp;[1963], Paris, &Eacute;ditions du Cerf, 2001.</p> <p>Mitry Jean,<em>&nbsp;Histoire du cin&eacute;ma muet</em>, t. 3, Paris, &Eacute;ditions Universitaires, 1973.</p> <p>Ulloa Jazmine, &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;est devenu le r&ecirc;ve am&eacute;ricain&nbsp;?&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Courrier international</em>, n&deg;1670, novembre 2022.</p> <hr /> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref1" id="_ftn1" name="_ftn1" title="&gt;&lt;span style=">1</a></sup>&nbsp;Film consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;engagement d&rsquo;un jeune am&eacute;ricain lors de la Premi&egrave;re Guerre mondiale.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref2" id="_ftn2" name="_ftn2" title="&gt;&lt;span style=">2</a></sup>&nbsp;Jazmine Ulloa, &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;est devenu le r&ecirc;ve am&eacute;ricain&nbsp;?&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Courrier</em>&nbsp;<em>international</em>, n&deg;1670, novembre 2022, p. 29.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref3" id="_ftn3" name="_ftn3" title="&gt;&lt;span style=">3</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref4" id="_ftn4" name="_ftn4" title="&gt;&lt;span style=">4</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref5" id="_ftn5" name="_ftn5" title="&gt;&lt;span style=">5</a></sup>&nbsp;5.14 &ndash; 5.47.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref6" id="_ftn6" name="_ftn6" title="&gt;&lt;span style=">6</a></sup>&nbsp;5.47 &ndash; 7.19.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref7" id="_ftn7" name="_ftn7" title="&gt;&lt;span style=">7</a></sup>&nbsp;Jean Mitry,&nbsp;<em>Histoire du cin&eacute;ma muet</em>, t. 3, Paris, &Eacute;ditions Universitaires, 1973, p. 423.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref8" id="_ftn8" name="_ftn8" title="&gt;&lt;span style=">8</a></sup>&nbsp;11.33 &ndash; 13.34.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref9" id="_ftn9" name="_ftn9" title="&gt;&lt;span style=">9</a></sup>&nbsp;1.02 &ndash; 2.32.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref10" id="_ftn10" name="_ftn10" title="&gt;&lt;span style=">10</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 422.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref11" id="_ftn11" name="_ftn11" title="&gt;&lt;span style=">11</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref12" id="_ftn12" name="_ftn12" title="&gt;&lt;span style=">12</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref13" id="_ftn13" name="_ftn13" title="&gt;&lt;span style=">13</a></sup>&nbsp;Michel Ciment, &laquo;&nbsp;<em>Notre pain quotidien</em>, le new deal et le mythe de la fronti&egrave;re&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Positif</em>, n&deg;163, novembre 1974, p. 31.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref14" id="_ftn14" name="_ftn14" title="&gt;&lt;span style=">14</a></sup>&nbsp;1.10.25 &ndash; 1.11.12.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref15" id="_ftn15" name="_ftn15" title="&gt;&lt;span style=">15</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref16" id="_ftn16" name="_ftn16" title="&gt;&lt;span style=">16</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref17" id="_ftn17" name="_ftn17" title="&gt;&lt;span style=">17</a></sup>&nbsp;1.04.10 &ndash; 1.04.52.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref18" id="_ftn18" name="_ftn18" title="&gt;&lt;span style=">18</a></sup>&nbsp;King Vidor,&nbsp;<em>La Foule</em>, Bach films, d&eacute;cembre 2013.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref19" id="_ftn19" name="_ftn19" title="&gt;&lt;span style=">19</a></sup>&nbsp;R&eacute;trospective King Vidor, Cin&eacute;math&egrave;que Fran&ccedil;aise, du 10 janvier au 11 mars 2007.&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;y fut projet&eacute; le 25 janvier et le 24 f&eacute;vrier 2007.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref20" id="_ftn20" name="_ftn20" title="&gt;&lt;span style=">20</a></sup>&nbsp;3.43 &ndash; 5.00.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref21" id="_ftn21" name="_ftn21" title="&gt;&lt;span style=">21</a></sup>&nbsp;58.10 &ndash; 1.00.32.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref22" id="_ftn22" name="_ftn22" title="&gt;&lt;span style=">22</a></sup>&nbsp;1.00.32 &ndash; 1.04.52.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref23" id="_ftn23" name="_ftn23" title="&gt;&lt;span style=">23</a></sup>&nbsp;Gilles Deleuze,&nbsp;<em>Cin&eacute;ma 1. L&rsquo;image-mouvement</em>&nbsp;[1983], Paris, Les &Eacute;ditions de Minuit, 2012, p. 200.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref24" id="_ftn24" name="_ftn24" title="&gt;&lt;span style=">24</a></sup>&nbsp;1.19.15 &ndash; 1.20.54.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref25" id="_ftn25" name="_ftn25" title="&gt;&lt;span style=">25</a></sup>&nbsp; Voir note n&deg;5.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref26" id="_ftn26" name="_ftn26" title="&gt;&lt;span style=">26</a></sup>&nbsp;Pour le psychanalyste Sigmund Freud, l&rsquo;&eacute;tat de r&ecirc;verie engendre un songe &eacute;gocentrique dans lequel l&rsquo;&ecirc;tre humain se r&ecirc;ve plus puissant qu&rsquo;il ne l&rsquo;est en r&eacute;alit&eacute;. Voir&nbsp;: Sigmund Freud, &laquo;&nbsp;La cr&eacute;ation litt&eacute;raire et le r&ecirc;ve &eacute;veill&eacute;&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Essais de psychanalyse appliqu&eacute;e</em>&nbsp;[1933], Paris, &Eacute;ditions de la NRF, &laquo;&nbsp;Id&eacute;es&nbsp;&raquo;, 1971, p. 69-81.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref27" id="_ftn27" name="_ftn27" title="&gt;&lt;span style=">27</a></sup>&nbsp;Jean Mitry,&nbsp;<em>Esth&eacute;tique et psychologie du cin&eacute;ma</em>&nbsp;[1963], Paris, &Eacute;ditions du Cerf, 2001, p. 488.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref28" id="_ftn28" name="_ftn28" title="&gt;&lt;span style=">28</a></sup>&nbsp;15.18 &ndash; 18.21.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref29" id="_ftn29" name="_ftn29" title="&gt;&lt;span style=">29</a></sup>&nbsp;18.21 &ndash; 21.01.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref30" id="_ftn30" name="_ftn30" title="&gt;&lt;span style=">30</a></sup>&nbsp;31.46 &ndash; 33.39.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref31" id="_ftn31" name="_ftn31" title="&gt;&lt;span style=">31</a></sup>&nbsp;27.28 &ndash; 28.42.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref32" id="_ftn32" name="_ftn32" title="&gt;&lt;span style=">32</a></sup>&nbsp;1.00.14 &ndash; 1.10.25.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="https://alepreuve.org/content/avec-contre-tous-limaginaire-de-la-foule-dans-deux-films-de-king-vidor#_ftnref33" id="_ftn33" name="_ftn33" title="&gt;&lt;span style=">33</a></sup>&nbsp;1.28.05 &ndash; 1.29.20.</p>