<p>Le médium cinématographique depuis ses origines entretient des liens étroits avec la foule : tout d’abord parce qu’elle y est un motif fréquent, des gardes sanguinaires de <em>L’Assassinat du Duc de Guise</em> d’André Calmettes et Charles Le Bargy<span style="font-size: 13.3333px;"> </span>à la masse de travailleurs dans <em>La Foule</em> (<em>The Crowd</em>) de King Vidor, mais aussi parce que le cinéma est lui-même un art des foules. À ce titre, il a pu être suspecté d’exercer un pouvoir néfaste sur les centaines de spectateurs qui se rejoignent chaque soir dans les salles obscures. Cependant, si les relations entre foule et cinéma inquiètent les classes bourgeoises en France ou aux États-Unis, les Soviétiques en font très tôt un art au service de la Révolution en raison de sa capacité à représenter les masses prolétaires sur l’écran et à les fédérer dans la salle. À l’instar de Sergueï M. Eisenstein qui fait des masses les héroïnes d’<em>Octobre</em> en 1927, les cinéastes soviétiques célèbrent « le pouvoir des films à transformer l’audience en une foule politique », à l’époque même où Hollywood semble de plus en plus représenter la foule comme une force réactionnaire et incontrôlable. En effet, dans le cinéma soviétique des années 1920, la masse semble constituer la première phase de l’émancipation politique à l’inverse de la dimension péjorative qu’elle revêt dans le monde occidental depuis l’ouvrage fondateur de Gustave Le Bon en 1895. Toutefois la représentation de la foule évolue dans la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, notamment dans les nouveaux pays du bloc de l’Est. Certains cinéastes questionnent la place de l’individu dans la masse en prenant pour référence les films des années 1920 pour mieux s’en distancier.</p>