<p>Henri Calet (1904-1956) est l’auteur d’une œuvre riche et diversifiée débutée de façon remarquée en 1935 avec <em>La Belle Lurette</em>. Régulièrement réédités (notamment dans la collection « L’imaginaire » ou chez Le Dilettante), ses livres connaissent depuis une dizaine d’années un réel regain d’intérêt. Alors qu’il a déjà fait paraître trois ouvrages chez Gallimard, Pascal Pia invite Henri Calet, au cours de l’automne 1944, à participer au journal <em>Combat</em> pour faire le récit de la « pauvre quotidienneté » de l’après-guerre. En parallèle de ses activités d’écrivain, il entame ainsi une carrière de journaliste-chroniqueur atypique qu’il mènera jusqu’à la fin de sa vie. Durant l’hiver 1953, Calet se voit confier par Claude Bellanger, le directeur du <em>Parisien libéré</em>, une enquête dont l’objet sera de parler « des conditions de vie de gens pris un peu au hasard ». Le 25 mai 1953, <em>Le Parisien libéré </em>annonce en première page « une grande enquête d’Henri Calet », à suivre à partir du lendemain et intitulée « Un sur cinq millions », dont le propos est résumé de la façon suivante par le chapeau : « Les soucis, les peines, les joies de chacun d’entre nous décrits par un grand écrivain ». S’il s’agit bien de s’entretenir avec des individus, le chapeau insiste néanmoins sur la dimension collective de chaque portrait, ce que justifie encore le premier article de Calet, publié à la suite de cette présentation. « Depuis toujours les foules m’attirent » fait office d’introduction générale et explique aux lecteurs du journal ses intentions ainsi que sa méthode. Son enquête consistera avant tout à contempler la foule qui se déverse quotidiennement dans la ville pour y travailler et à en extraire une personne au hasard afin de la transformer en « star » d’un jour :</p>
<p><q>Oui, j’aurais voulu extraire de cette foule une personne quelconque, la première venue, au hasard, et la mettre, pour une fois, en pleine lumière, dans le feu des projecteurs. Entrer dans sa maison, dans sa vie. Partager, faire partager un jour de son existence. […] Il m’eût été agréable de causer avec chacun d’entre eux de nos soucis, de nos difficultés journalières, de nos joies, de nos espoirs, s’il en reste. Cette catégorie de Français que l’on ne questionne pas souvent, sinon jamais, sur leurs goûts et leurs habitudes, leurs manies, leurs distractions, leurs projets ; ceux qui n’ont jusqu’ici jamais eu la vedette.</q></p>