<p>Comment l’œuvre très personnelle de certains metteurs en scène polonais travaillant en périphérie du théâtre institutionnel, peut-elle être centrale et impacter le débat public ? L’un des facteurs de ce phénomène est certainement l’esprit d’insoumission qui anime le théâtre polonais et son public. À cela s’ajoute la faculté de ces artistes à mettre en tension l’intime et le collectif, créant ainsi de nouveaux espaces qui font écho aux préoccupations de spectateurs dont une partie, elle-même issue des marges, tente de s’affirmer dans l’espace public. Ce théâtre ancré dans la réalité socio-politique européenne, capable de dépasser les tabous, génère la diversité d’un public toujours plus nombreux. Mais peut-on réellement parler de public lorsqu’on évoque le nouveau théâtre polonais ? Cela paraît en quelque sorte réducteur, car si l’on considère ses origines historiques, on constate que depuis le mouvement romantique, le théâtre polonais est un théâtre de la rébellion qui n’hésite pas à articuler ce que le peuple ne peut exprimer, et que les représentations des spectacles s’immiscent aussi bien dans l’espace domestique qu’elles investissent la place publique, s’adressant autant à un individu, qu’à une foule anonyme. Si l’on considère, selon les études de Martin S. Greenberg concernant la psychologie des foules, qu’il est possible de diviser celles-ci en deux types (actif ou passif) et que l’actif est synonyme de foule et le passif synonyme de public, alors le théâtre polonais s’adresse bien à la foule. Néanmoins, peut-on considérer le public comme une foule passive ? Car comme l’explique Jacques Rancière dans <em>Le Spectateur émancipé</em>, les spectateurs « tracent leur propre chemin dans la forêt des choses, des actes et des signes qui leur font face ou les entourent » et « Tout spectateur est déjà acteur de son histoire, tout acteur, tout homme d’action spectateur de la même histoire ».</p>