<p><strong>Plan de l&#39;article&nbsp;:</strong></p> <ul> <li><strong>Le visage de la foule &agrave; travers l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement</strong></li> <li><strong>Les d&eacute;ambulations de la foule sur le site et ses attentes &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la manifestation</strong></li> <li><strong>La foule comme r&eacute;v&eacute;lateur des tensions de la Vienne fin de si&egrave;cle</strong></li> </ul> <p>&nbsp;</p> <p>Depuis leur premi&egrave;re &eacute;dition &agrave; Londres en 1851, les expositions internationales et universelles n&rsquo;eurent de cesse d&rsquo;attirer la foule, comme en t&eacute;moigne le nombre croissant de visiteurs se rendant sur les lieux. Manifestations festives aux dimensions gigantesques, elles visaient le plus souvent &agrave; exhiber les innovations techniques des pays organisateurs tout en offrant aux visiteurs de nombreuses attractions, conjuguant ainsi divertissement et projet &eacute;ducatif. Organis&eacute;e du 7 mai au 9 octobre 1892, l&rsquo;exposition internationale viennoise de musique et de th&eacute;&acirc;tre s&rsquo;inscrit directement dans la lign&eacute;e de ces f&ecirc;tes g&eacute;antes massivement mises en place &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle. Initi&eacute;e par la princesse Pauline von Metternich, petite fille de l&rsquo;ancien chancelier autrichien cette nouvelle manifestation proposait toutefois une th&eacute;matique r&eacute;solument artistique et affichait de larges ambitions. En voulant montrer l&rsquo;&eacute;volution du th&eacute;&acirc;tre et de la musique, depuis leurs origines et &agrave; travers chaque pays, les organisateurs eurent &agrave; c&oelig;ur de marquer les esprits et de s&eacute;duire un large public. Car au-del&agrave; de son aspect culturel et distrayant, elle fut aussi mise en place pour stimuler l&rsquo;&eacute;conomie et permettre &agrave; la capitale de reconqu&eacute;rir son r&ocirc;le de premier plan sur la sc&egrave;ne culturelle internationale. &Agrave; l&rsquo;instar des mod&egrave;les pr&eacute;c&eacute;dents, cette nouvelle manifestation attira de nombreux visiteurs, et ce d&egrave;s son inauguration, comme le mentionn&egrave;rent plusieurs quotidiens, observant avec &laquo;&nbsp;quel empressement la foule se press[ait] dans les galeries ou les jardins<sup><a href="#_ftn1" id="_ftnref1" name="_ftnref1">1</a></sup>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Mais qui constituait cette foule&nbsp;? Quelles &eacute;taient ses attentes &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement&nbsp;? Et que nous indique sa pr&eacute;sence sur le site&nbsp;? Gr&acirc;ce aux donn&eacute;es existantes sur le public de l&rsquo;exposition, notre article s&rsquo;int&eacute;ressera tout d&rsquo;abord &agrave; pr&eacute;senter cette foule et &agrave; en pr&eacute;ciser les membres. En nous appuyant sur des donn&eacute;es chiffr&eacute;es mais aussi sur d&rsquo;autres informations publi&eacute;es dans la presse, nous chercherons &agrave; expliciter cet ensemble et &agrave; en donner une d&eacute;finition claire.</p> <p>Cette premi&egrave;re partie nous am&egrave;nera ensuite &agrave; nous questionner sur les int&eacute;r&ecirc;ts et les envies de cette foule &agrave; travers l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement. En nous arr&ecirc;tant sur les sites o&ugrave; elle fut observ&eacute;e et en analysant ses d&eacute;ambulations, nous serons amen&eacute;s &agrave; nous interroger sur l&rsquo;harmonie de cette foule et sur la pertinence de la consid&eacute;rer comme un seul et m&ecirc;me ensemble. En nous penchant sur les changements que connaissait la soci&eacute;t&eacute; viennoise &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, notre article s&rsquo;int&eacute;ressera enfin &agrave; expliquer le comportement de cette foule sur le site de l&rsquo;exposition.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>Le visage de la foule &agrave; travers l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement</b></p> <p>Avant d&rsquo;examiner la foule pr&eacute;sente lors de la manifestation viennoise, il semble tout d&rsquo;abord n&eacute;cessaire de revenir sur sa d&eacute;finition. L&rsquo;&eacute;tymologie du mot nous renvoie tout d&rsquo;abord au verbe fouler (lequel indique une pression, une compression) puis qualifie d&egrave;s le XII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle la multitude des personnes constituant ce groupe. Au XVII<sup>e</sup>, cette foule est par extension per&ccedil;ue comme une masse humaine, en opposition &agrave; l&rsquo;&eacute;lite<sup><a href="#_ftn2" id="_ftnref2" name="_ftnref2">2</a></sup>. Si la foule qualifie le rassemblement de plusieurs personnes en un endroit pr&eacute;cis, son existence se r&eacute;v&egrave;le toutefois plus complexe, comme l&rsquo;explique Gustave Le Bon dans son ouvrage&nbsp;<em>Psychologie des foules</em>&nbsp;(1895), remarquant qu&rsquo;il en existe plusieurs types. &Agrave; celle purement fortuite, r&eacute;sultant d&rsquo;un concours de circonstances, s&rsquo;oppose la &laquo;&nbsp;foule organis&eacute;e&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;foule psychologique&nbsp;&raquo;, agr&eacute;g&eacute;e par un dessein commun. En d&rsquo;autres termes, un attroupement observable dans les gares ou dans la rue ne serait donc en rien comparable &agrave; celui pr&eacute;sent dans d&rsquo;autres circonstances, lors desquelles se forme une unit&eacute;, conf&eacute;rant d&egrave;s lors &agrave; la foule une unit&eacute; mentale&nbsp;:</p> <p><q>Des milliers d&rsquo;individus s&eacute;par&eacute;s peuvent &agrave; certains moments, sous l&rsquo;influence de certaines &eacute;motions violentes, un grand &eacute;v&eacute;nement national par exemple, acqu&eacute;rir les caract&egrave;res d&rsquo;une foule psychologique. Il suffira alors qu&rsquo;un hasard quelconque les r&eacute;unisse pour que leurs actes rev&ecirc;tent aussit&ocirc;t les caract&egrave;res sp&eacute;ciaux aux actes des foules. &Agrave; certains moments, une demi-douzaine d&rsquo;hommes peuvent constituer une foule psychologique, tandis que des centaines d&rsquo;hommes r&eacute;unis par hasard peuvent ne pas la constituer<sup><a href="#_ftn3" id="_ftnref3" name="_ftnref3">3</a></sup>.</q></p> <p>En observant le comportement des foules, Gustave Le Bon remarque toutefois que l&rsquo;association de personnes n&rsquo;est pas toujours synonyme de qualit&eacute; et que le comportement raisonnable de chacun est r&eacute;guli&egrave;rement annihil&eacute; au contact du collectif. C&rsquo;est pourquoi le sociologue consid&egrave;re cette masse comme un ensemble plut&ocirc;t m&eacute;diocre, dont les r&eacute;actions sont le plus souvent inattendues, voire parfois violentes<sup><a href="#_ftn4" id="_ftnref4" name="_ftnref4">4</a></sup>.</p> <p>Les journaux couvrant l&rsquo;exposition internationale de 1892 &eacute;voquent &agrave; plusieurs reprises la pr&eacute;sence de la foule sur le site, &agrave; l&rsquo;instar du quotidien fran&ccedil;ais&nbsp;<em>Le Gaulois</em>&nbsp;observant que l&rsquo;inauguration de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement se tint &laquo;&nbsp;en pr&eacute;sence d&rsquo;une foule &eacute;norme<sup><a href="#_ftn5" id="_ftnref5" name="_ftnref5">5</a></sup>&nbsp;&raquo;. Afin de mieux percevoir ce rassemblement d&rsquo;individus, il convient tout d&rsquo;abord de constater que la foule pr&eacute;sente dans l&rsquo;exposition n&rsquo;&eacute;tait pas fortuite, mais que ses membres s&rsquo;&eacute;taient retrouv&eacute;s de mani&egrave;re volontaire sur le site, moyennant l&rsquo;achat d&rsquo;un billet d&rsquo;entr&eacute;e. Ses constituants n&rsquo;&eacute;taient par cons&eacute;quent rien d&rsquo;autres que le public et les visiteurs de l&rsquo;exposition.</p> <p>Les ventes permettent de quantifier plus pr&eacute;cis&eacute;ment la foule gr&acirc;ce aux relev&eacute;s effectu&eacute;s par les organisateurs. Il en ressort que 7000 visiteurs assist&egrave;rent &agrave; l&rsquo;inauguration le samedi 7 mai 1892, que 34 690 y vinrent le lendemain et que plus d&rsquo;un million de personnes (1 288 285) se rendirent sur les lieux le temps de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement<sup><a href="#_ftn6" id="_ftnref6" name="_ftnref6">6</a></sup>. Notons toutefois que ces donn&eacute;es m&eacute;ritent d&rsquo;&ecirc;tre relativis&eacute;es, en raison de leur manque de pr&eacute;cision. La comptabilisation des visiteurs du 7 mai est en effet probablement inexacte comparativement &agrave; celle des autres jours, facilit&eacute;e par l&rsquo;installation de tourniquets. De plus, toutes les journ&eacute;es &ndash; sur l&rsquo;ensemble des cinq mois d&rsquo;exposition &ndash; n&rsquo;ont pas &eacute;t&eacute; comptabilis&eacute;es, et une grande partie des donn&eacute;es chiffr&eacute;es existantes se terminent par un compte rond, supposant un d&eacute;compte fauss&eacute; ou arrondi<sup><a href="#_ftn7" id="_ftnref7" name="_ftnref7">7</a></sup>. Enfin, certains abonnements ou billets n&rsquo;ont pas toujours &eacute;t&eacute; quantifi&eacute;s comme l&rsquo;affirme le quotidien fran&ccedil;ais&nbsp;<em>Le Monde Artiste</em>&nbsp;lors d&rsquo;un premier bilan&nbsp;:</p> <p><q>Les visiteurs ont afflu&eacute; puisque l&rsquo;on a compt&eacute; aux tourniquets 828,137 personnes, soit une moyenne de 8,281 par jour, et &agrave; l&rsquo;Alt-Wien 606,590 soit une moyenne de 6,066 par jour. Dans ces chiffres ne sont pas compris ceux qui ont eu des billets de th&eacute;&acirc;tre ou de concert, ceux qui ont des cartes permanentes pour le service, ou des entr&eacute;es de faveur<sup><a href="#_ftn8" id="_ftnref8" name="_ftnref8">8</a></sup>.</q></p> <p>Mais surtout, l&rsquo;analyse de ces informations montre que la fr&eacute;quentation du public n&rsquo;est pas constante. Au regard des journ&eacute;es comptabilis&eacute;es, on observe par exemple que certaines d&rsquo;entre elles enregistr&egrave;rent un taux de visiteurs plus important que d&rsquo;autres. Les journ&eacute;es ensoleill&eacute;es, les dimanches, ainsi que celles lors desquelles furent c&eacute;l&eacute;br&eacute;s des &eacute;v&eacute;nements particuliers figurent parmi les journ&eacute;es les plus fr&eacute;quent&eacute;es. Plus g&eacute;n&eacute;ralement, on constate que le mois de mai fut le plus propice aux visites, suivi du mois de juin. &Agrave; l&rsquo;inverse, les mois de septembre et d&rsquo;octobre, marquant les derni&egrave;res semaines de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, indiquent un taux de fr&eacute;quentation en baisse. 3726 personnes furent par exemple d&eacute;nombr&eacute;es le 5 septembre 1892 et 6891 le 7 octobre 1892, jour de cl&ocirc;ture.</p> <p>La lecture de ces donn&eacute;es permet donc une premi&egrave;re d&eacute;finition de la foule pr&eacute;sente sur le site de l&rsquo;exposition. Si ses membres &eacute;taient tous motiv&eacute;s &agrave; l&rsquo;id&eacute;e de visiter l&rsquo;exposition et s&rsquo;&eacute;taient rassembl&eacute;s dans un but commun, l&rsquo;augmentation significative des visiteurs lors de festivit&eacute;s particuli&egrave;res semble aussi t&eacute;moigner des pr&eacute;f&eacute;rences et des choix op&eacute;r&eacute;s par ce collectif durant l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement.</p> <p>Au-del&agrave; des donn&eacute;es chiffr&eacute;es, l&rsquo;analyse des sources nous renseigne aussi sur l&rsquo;origine des membres de cette foule. On sait par exemple que celle-ci &eacute;tait internationale, comme le remarque le critique d&rsquo;art Charles Ephrussi indiquant que &laquo;&nbsp;des milliers de Viennois et d&rsquo;&eacute;trangers&nbsp;&raquo; s&rsquo;&eacute;taient rendus dans la Rotonde<sup><a href="#_ftn9" id="_ftnref9" name="_ftnref9">9</a></sup>.</p> <p>Parmi les visiteurs ayant fr&eacute;quent&eacute; l&rsquo;exposition, on constate aussi que toutes les cat&eacute;gories sociales furent repr&eacute;sent&eacute;es, permettant d&egrave;s lors une nouvelle classification &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur m&ecirc;me de cet agglom&eacute;rat humain. Dans une chronique publi&eacute;e &agrave; l&rsquo;occasion de l&rsquo;ouverture de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, le quotidien autrichien<em>&nbsp;Die Presse</em>&nbsp;remarque par exemple que les personnes recens&eacute;es sur place ce jour-l&agrave; &eacute;taient principalement issues des couches aristocratiques de la soci&eacute;t&eacute;. Rappelons que l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement fut inaugur&eacute; par l&rsquo;empereur Fran&ccedil;ois-Joseph en personne, accompagn&eacute; par un grand nombre de ses conseillers (&agrave; l&rsquo;instar des archiducs Charles-Louis et Guillaume, et du pr&eacute;sident de l&rsquo;exposition, le marquis Pallavicini). La pr&eacute;sence de l&rsquo;aristocratie fut d&rsquo;ailleurs particuli&egrave;rement notable durant toute la dur&eacute;e de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, que ce soit par son implication au sein des comit&eacute;s organisateurs ou par sa fr&eacute;quentation assidue des lieux. L&rsquo;ouverture de l&rsquo;exposition mise &agrave; part, l&rsquo;Empereur se rendit en effet plusieurs fois sur place, tout comme l&rsquo;Imp&eacute;ratrice, dont la visite fut particuli&egrave;rement remarqu&eacute;e<sup><a href="#_ftn10" id="_ftnref10" name="_ftnref10">10</a></sup>. Parall&egrave;lement &agrave; la famille imp&eacute;riale, la princesse Metternich, initiatrice du projet, l&rsquo;archiduc Carl Ludwig, protecteur de l&rsquo;exposition, mais aussi plusieurs autres ministres, compt&egrave;rent parmi les fervents visiteurs de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement.&nbsp;<em>Le Monde Artiste</em>&nbsp;indique par exemple que Pauline von Metternich assista &agrave; toutes les repr&eacute;sentations de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise<sup><a href="#_ftn11" id="_ftnref11" name="_ftnref11">11</a></sup>. De nombreuses personnalit&eacute;s &eacute;trang&egrave;res se rendirent &eacute;galement sur place, &agrave; l&rsquo;instar de l&rsquo;ancien chancelier Bismarck, des ambassadeurs fran&ccedil;ais Albert Decrais, espagnol Don Raphaele Merry del Val et allemand le prince Reu&szlig;<sup><a href="#_ftn12" id="_ftnref12" name="_ftnref12">12</a></sup>.</p> <p>Mais les membres de l&rsquo;aristocratie et de la haute bourgeoisie ne furent pas les seuls &agrave; se rendre sur le site. Curieux des festivit&eacute;s et encourag&eacute; par des prix abordables, un autre public, issu cette fois des classes plus populaires, prit r&eacute;guli&egrave;rement part &agrave; l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement. Plusieurs mesures, essentiellement tarifaires, furent mises en place &agrave; cet effet, offrant ainsi l&rsquo;acc&egrave;s de l&rsquo;exposition au plus grand nombre. &Agrave; cela s&rsquo;ajouta &eacute;galement la publication de catalogues destin&eacute;s aux diff&eacute;rents publics de l&rsquo;exposition, &agrave; l&rsquo;instar de celui pour les enfants, indiquant aussi la pr&eacute;sence de ces derniers sur le site.</p> <p>La foule recens&eacute;e lors de l&rsquo;exposition internationale &eacute;tait donc plurielle. &Agrave; travers ses membres locaux et internationaux, constitu&eacute;e d&rsquo;enfants et d&rsquo;&eacute;tudiants, mais aussi de personnes issues de classes sociales diff&eacute;rentes, elle pouvait &ecirc;tre lue comme une miniaturisation de la soci&eacute;t&eacute;, dont les rencontres d&rsquo;ordinaire impossibles avaient &eacute;t&eacute; permises gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;exposition.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>Les d&eacute;ambulations de la foule sur le site et ses attentes &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la manifestation</b></p> <p>Toujours dans l&rsquo;optique de mieux appr&eacute;hender cette foule et son fonctionnement, penchons-nous maintenant sur ses d&eacute;ambulations au sein de l&rsquo;exposition. Si l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement avait &agrave; lui seul f&eacute;d&eacute;r&eacute; des personnes qui ne se seraient sinon jamais rencontr&eacute;es, force est de constater que les constituants de cette foule manifest&egrave;rent des envies tr&egrave;s diff&eacute;rentes au gr&eacute; de leurs visites. Afin de mieux comprendre les int&eacute;r&ecirc;ts du public, il semble tout d&rsquo;abord n&eacute;cessaire de se pencher sur la programmation et les attractions propos&eacute;es.</p> <p>L&rsquo;exposition internationale de musique et de th&eacute;&acirc;tre s&rsquo;articulait autour de trois p&ocirc;les distincts, dans lesquels la foule fut r&eacute;guli&egrave;rement observ&eacute;e. Le point central de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement fut la Rotonde, construite &agrave; l&rsquo;occasion de l&rsquo;exposition universelle de 1873 et r&eacute;utilis&eacute;e en 1892 afin d&rsquo;y pr&eacute;senter les collections des pays invit&eacute;s. L&rsquo;int&eacute;rieur du b&acirc;timent, dont l&rsquo;orientation suivait la logique des points cardinaux, fut divis&eacute; en deux parties et abritait &agrave; la fois une exposition sp&eacute;cialis&eacute;e, d&eacute;di&eacute;e au d&eacute;veloppement artistique et technique de la musique et du th&eacute;&acirc;tre, ainsi qu&rsquo;une section industrielle, con&ccedil;ue pour rassembler tous les produits de l&rsquo;industrie moderne servant &agrave; la mise en pratique de ces deux arts. Afin d&rsquo;&eacute;tablir un panorama de l&rsquo;histoire du th&eacute;&acirc;tre et de la musique, de nombreux pays furent invit&eacute;s, tels que l&rsquo;Allemagne, l&rsquo;Espagne, la Grande-Bretagne, l&rsquo;Italie, l&rsquo;Irlande, Pays-Bas, la Pologne, la Russie, la Su&egrave;de ou encore les des &Eacute;tats-Unis. Tous furent install&eacute;s dans de petits pavillons, &agrave; l&rsquo;exception de l&rsquo;Allemagne et de l&rsquo;Autriche qui pr&eacute;sent&egrave;rent conjointement leurs collections en suivant un ordonnancement chronologique. Face &agrave; la densit&eacute; de leurs collections, ces derni&egrave;res furent toutefois s&eacute;par&eacute;es en deux parties distinctes selon qu&rsquo;elles montraient l&rsquo;&eacute;volution de l&rsquo;art musical ou th&eacute;&acirc;tral.</p> <p>Pour les organisateurs, exposer la musique ne se limitait toutefois pas &agrave; une simple d&eacute;monstration d&rsquo;objets. Il &eacute;tait &eacute;galement n&eacute;cessaire de proposer au public des repr&eacute;sentations pouvant mettre en sc&egrave;ne les costumes, instruments et autres partitions expos&eacute;s dans la Rotonde. S&eacute;par&eacute; de cette derni&egrave;re par l&rsquo;all&eacute;e centrale, le th&eacute;&acirc;tre international fut sp&eacute;cialement con&ccedil;u pour l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement par les architectes Ferdinand Fellner et Hermann Helmer. D&rsquo;une capacit&eacute; d&rsquo;accueil de 1550 personnes, il proposait 1000 places au parterre (700 places assises et 300 places debout), ainsi qu&rsquo;une galerie pouvant contenir le reste du public et dans laquelle 330 places assises &eacute;taient disponibles<sup><a href="#_ftn13" id="_ftnref13" name="_ftnref13">13</a></sup>. Bien que poss&eacute;dant de larges dimensions<sup><a href="#_ftn14" id="_ftnref14" name="_ftnref14">14</a></sup>, l&rsquo;endroit fut toutefois r&eacute;serv&eacute; pour l&rsquo;ex&eacute;cution de repr&eacute;sentations de taille moyenne, la sc&egrave;ne &eacute;tant trop petite pour accueillir un op&eacute;ra. Les premi&egrave;res repr&eacute;sentations du th&eacute;&acirc;tre international commenc&egrave;rent le soir m&ecirc;me de l&rsquo;ouverture de l&rsquo;exposition, le 7 mai 1892, avec deux pi&egrave;ces de Goethe,&nbsp;<em>Stella et Die Mitschuldigen</em>, interpr&eacute;t&eacute;es par le&nbsp;<em>Deutsches Theater</em>&nbsp;de Berlin. Durant cinq mois, et jusqu&rsquo;&agrave; la cl&ocirc;ture de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, de nombreuses compagnies d&eacute;fil&egrave;rent tour &agrave; tour, permettant au public de d&eacute;couvrir les &laquo;&nbsp;meilleurs troupes de l&rsquo;Europe<sup><a href="#_ftn15" id="_ftnref15" name="_ftnref15">15</a></sup>&nbsp;&raquo;, &agrave; l&rsquo;instar du Th&eacute;&acirc;tre National de Boh&egrave;me, de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise, ou encore du Th&eacute;&acirc;tre national hongrois qui propos&egrave;rent plusieurs repr&eacute;sentations. Des pi&egrave;ces de Shakespeare (<em>Le conte d&rsquo;hiver</em>), Musset (<em>La nuit d&rsquo;Octobre</em>), Moli&egrave;re (<em>Les femmes savantes</em>) ou encore Smetana (<em>La fianc&eacute;e vendue</em>) compt&egrave;rent par exemple parmi les &oelig;uvres interpr&eacute;t&eacute;es<sup><a href="#_ftn16" id="_ftnref16" name="_ftnref16">16</a></sup>. Le th&eacute;&acirc;tre fut particuli&egrave;rement fr&eacute;quent&eacute; par les membres de l&rsquo;aristocratie, comme l&rsquo;indique r&eacute;guli&egrave;rement la presse locale, faisant presque quotidiennement l&rsquo;inventaire des personnalit&eacute;s pr&eacute;sentes sur les lieux. La programmation fut &eacute;galement tr&egrave;s appr&eacute;ci&eacute;e et de nombreuses soir&eacute;es se tinrent &agrave; guichet ferm&eacute;<sup><a href="#_ftn17" id="_ftnref17" name="_ftnref17">17</a></sup>.</p> <p>Destin&eacute;e &laquo;&nbsp;&agrave; compl&eacute;ter le programme trac&eacute; par les organisateurs de l&rsquo;Exposition, en donnant &agrave; la musique une part &eacute;gale &agrave; celle du drame et de la po&eacute;sie<sup><a href="#_ftn18" id="_ftnref18" name="_ftnref18">18</a></sup>&nbsp;&raquo;, la&nbsp;<em>Musikhalle</em>&nbsp;comptait elle aussi parmi les endroits phares de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement. B&acirc;timent provisoire, elle fut construite d&rsquo;apr&egrave;s les plans de l&rsquo;architecte Oskar Marmorek, et avait une envergure de 30 m&egrave;tres de large et 66 m&egrave;tres de long pouvant accueillir jusqu&rsquo;&agrave; 4000 personnes. Pour des raisons de s&eacute;curit&eacute;, sa jauge fut toutefois restreinte &agrave; 2200 personnes, 150 musiciens et 300 chanteurs<sup><a href="#_ftn19" id="_ftnref19" name="_ftnref19">19</a></sup>. L&rsquo;endroit ayant de larges proportions, il fut principalement con&ccedil;u pour la repr&eacute;sentation de grandes &oelig;uvres, tandis que les plus petites prenaient place dans l&rsquo;une des galeries Est de la Rotonde<sup><a href="#_ftn20" id="_ftnref20" name="_ftnref20">20</a></sup>.</p> <p>Les concerts programm&eacute;s se divisaient en six grandes cat&eacute;gories&nbsp;: on y trouvait tout d&rsquo;abord les grandes repr&eacute;sentations et concerts jou&eacute;s pour les occasions particuli&egrave;res (concerts d&rsquo;ouverture, concerts pour l&rsquo;anniversaire de l&rsquo;Empereur), puis les concerts symphoniques, les concerts historiques, les concerts populaires, les concerts de ch&oelig;ur d&rsquo;hommes et enfin les concerts de solistes. Les concerts symphoniques eurent pour objectif de mettre &agrave; l&rsquo;honneur des compositeurs ou chefs d&rsquo;orchestre europ&eacute;ens et nord-am&eacute;ricains, en les invitant &agrave; diriger l&rsquo;orchestre de l&rsquo;exposition. Les concerts historiques furent quant &agrave; eux organis&eacute;s pour remettre au go&ucirc;t du jour des &oelig;uvres musicales beaucoup plus anciennes. Par le biais des repr&eacute;sentations, il s&rsquo;agissait de red&eacute;couvrir la musique vocale europ&eacute;enne et son &eacute;volution, depuis les chants gr&eacute;goriens et la d&eacute;couverte de la polyphonie jusqu&rsquo;aux chants du XVII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle<sup><a href="#_ftn21" id="_ftnref21" name="_ftnref21">21</a></sup>. Des &oelig;uvres de Palestrina, de Lassus ou encore de Pierre Certon y furent interpr&eacute;t&eacute;es. Enfin, les concerts populaires devaient faire d&eacute;couvrir &agrave; un public plus modeste des pi&egrave;ces musicales qui lui &eacute;taient d&rsquo;ordinaire rarement accessibles. Le public b&eacute;n&eacute;ficiait pour cela de places au tarif r&eacute;duit, voire gratuites pour les &eacute;tudiants<sup><a href="#_ftn22" id="_ftnref22" name="_ftnref22">22</a></sup>. 65 repr&eacute;sentations furent jou&eacute;es dans la&nbsp;<em>Musikhalle</em>&nbsp;durant les cinq mois de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement. La premi&egrave;re d&rsquo;entre elles se tint le 8 mai 1892 avec la programmation de l&rsquo;ouverture de&nbsp;<em>La Fl&ucirc;te enchant&eacute;e de Mozart</em>&nbsp;suivie de la&nbsp;<em>9<sup>e</sup>&nbsp;Symphonie</em>&nbsp;de Beethoven. Si comme nous l&rsquo;avons indiqu&eacute;, les concerts furent s&eacute;par&eacute;s en six cat&eacute;gories distinctes, les &oelig;uvres favorites furent majoritairement issues des classiques viennois. Dans son ouvrage sur l&rsquo;exposition, le musicologue Theophil Antonicek recense par exemple que 26 repr&eacute;sentations de 12 &oelig;uvres de Beethoven furent repr&eacute;sent&eacute;es. 15 repr&eacute;sentations de 10 &oelig;uvres de Mozart, ou encore 9 repr&eacute;sentations de &oelig;uvres 4 pour Haydn.</p> <p>Les compositeurs phares de la fin du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle ne furent toutefois pas en reste&nbsp;: 5 &oelig;uvres de Wagner furent programm&eacute;es (jou&eacute;es 13 fois), 6 &oelig;uvres de Mendelssohn et Brahms (jou&eacute;es 9 fois), 8 de Schubert (jou&eacute;es 4 fois) et 7 de Strauss (jou&eacute;es 5 fois)<sup><a href="#_ftn23" id="_ftnref23" name="_ftnref23">23</a></sup>.</p> <p>Parall&egrave;lement &agrave; la Rotonde et aux salles de spectacles, le Prater comptait lui aussi parmi les endroits tr&egrave;s appr&eacute;ci&eacute;s. Auparavant insalubre et peu fr&eacute;quentable, le parc avait subi de nombreux travaux pour accueillir l&rsquo;exposition universelle de 1873, transformant ainsi l&rsquo;endroit en un lieu s&eacute;curis&eacute; et divertissant. Il &eacute;tait d&rsquo;ailleurs bien connu des Viennois puisque de nombreux &eacute;v&eacute;nements y &eacute;taient r&eacute;guli&egrave;rement organis&eacute;s. Fid&egrave;le &agrave; sa tradition festive et distrayante, le parc proposa durant l&rsquo;exposition internationale de 1892 de nombreuses attractions et permit au public de venir se restaurer dans les nombreux restaurants et caf&eacute;s install&eacute;s pour l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement. Ces endroits, tr&egrave;s appr&eacute;ci&eacute;s des visiteurs, furent aussi bien fr&eacute;quent&eacute;s par le public que par la famille imp&eacute;riale, comme le rapport&egrave;rent de nombreux articles de journaux, &agrave; l&rsquo;instar de cette chronique, publi&eacute;e dans le quotidien fran&ccedil;ais&nbsp;<em>La Croix</em>&nbsp;:</p> <p><q>L&rsquo;empereur Fran&ccedil;ois-Joseph, qui a rendu visite samedi dernier, &agrave; l&rsquo;exposition de la musique et de th&eacute;&acirc;tre de Vienne, a pris son repas, &agrave; cette occasion, dans le restaurant fran&ccedil;ais install&eacute; &agrave; cette exposition. [...] Cet &eacute;v&eacute;nement a fait sensation &agrave; Vienne. C&rsquo;est, para&icirc;t-il, la premi&egrave;re fois que l&rsquo;Empereur y d&icirc;ne dans un restaurant<sup><a href="#_ftn24" id="_ftnref24" name="_ftnref24">24</a></sup>.</q></p> <p>Les critiques concernant le parc du Prater furent tr&egrave;s &eacute;logieuses et partag&eacute;es par l&rsquo;ensemble de ses visiteurs. Si le directeur de l&rsquo;exposition Emil Auspitzer relevait qu&rsquo;il s&rsquo;agissait d&rsquo;un endroit ravissant<sup><a href="#_ftn25" id="_ftnref25" name="_ftnref25">25</a></sup>, la presse fran&ccedil;ais partageait &eacute;galement cet enthousiasme, comme l&rsquo;indiquent&nbsp;<em>Le Monde Artiste</em><sup><a href="#_ftn26" id="_ftnref26" name="_ftnref26">26</a></sup>,&nbsp;<em>Le Temps</em><sup><a href="#_ftn27" id="_ftnref27" name="_ftnref27">27</a></sup>, ou&nbsp;<em>La Gazette des Beaux-Arts</em>&nbsp;:</p> <p><q>Des deux c&ocirc;t&eacute;s de l&rsquo;avenue centrale [...] s&rsquo;&eacute;tend le parc avec ses beaux arbres, ses parterres de gazon et ses massifs de fleurs sem&eacute;s de constructions originales, gaies &agrave; l&rsquo;&oelig;il, abritant des spectacles de toutes sortes [...]<sup><a href="#_ftn28" id="_ftnref28" name="_ftnref28">28</a></sup>.</q></p> <p>Durant tout le temps de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, de nombreuses manifestations furent r&eacute;guli&egrave;rement programm&eacute;es au Prater, &agrave; l&rsquo;instar de d&eacute;fil&eacute;s, de f&ecirc;tes en l&rsquo;honneur des participants (telles qu&rsquo;une f&ecirc;te hongroise, une f&ecirc;te italienne), ou encore de l&rsquo;anniversaire de l&rsquo;Empereur. Le parc fut &eacute;galement particuli&egrave;rement appr&eacute;ci&eacute; car il offrait au public la possibilit&eacute; de d&eacute;ambuler dans les nombreuses attractions qui y furent install&eacute;es, comme un th&eacute;&acirc;tre de marionnettes et d&rsquo;ombres chinoises, un th&eacute;&acirc;tre tintamarresque ou encore un panorama. C&rsquo;est &eacute;galement au Prater que fut construit un petit pavillon,&nbsp;<em>la Gibichungenhalle</em>, destin&eacute; &agrave; montrer l&rsquo;art wagn&eacute;rien ainsi que &laquo;&nbsp;Vienne l&rsquo;ancienne&nbsp;&raquo; (<em>Alt-Wien</em>), qui &eacute;tait la reconstitution d&rsquo;une ancienne place de la capitale au XVII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle.</p> <p>Peu d&rsquo;articles &eacute;voquent de fa&ccedil;on pr&eacute;cise la typologie des visiteurs dans les diff&eacute;rents endroits de l&rsquo;exposition, mais plusieurs s&rsquo;accordent &agrave; dire que le taux de fr&eacute;quentation de la Rotonde fut d&eacute;cevant. Malgr&eacute; les incitations faites par les organisateurs pour la visiter (&agrave; l&rsquo;instar des tarifications sp&eacute;ciales mises en place, de catalogues &eacute;dit&eacute;s pour les enfants ou de visites guid&eacute;es), leur nombre demeurait en-de&ccedil;&agrave; des objectifs, remettant ainsi en question la r&eacute;ussite de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement.</p> <p>La lecture des journaux montre que la salle fut particuli&egrave;rement fr&eacute;quent&eacute;e par les membres de la famille imp&eacute;riale, de la noblesse et de la haute bourgeoisie, dont la pr&eacute;sence fut syst&eacute;matiquement rapport&eacute;e dans les chroniques quotidiennes. Certains &eacute;taient m&ecirc;me de fervents visiteurs, comme la princesse St&eacute;phanie de Belgique ou de l&rsquo;archiduc Carl Ludwig qui s&rsquo;y rendirent plusieurs fois par semaine pour observer les diff&eacute;rentes parties de l&rsquo;exposition et parfois assister &agrave; des d&eacute;monstrations. Ils purent par exemple entendre des pi&egrave;ces jou&eacute;es sur des pianos et ainsi appr&eacute;cier des instruments de diff&eacute;rentes factures<sup><a href="#_ftn29" id="_ftnref29" name="_ftnref29">29</a></sup>. &Agrave; l&rsquo;inverse, le grand public semblait moins int&eacute;ress&eacute; par cette partie de l&rsquo;exposition. Remarquant que les visiteurs ne s&rsquo;&eacute;taient pas beaucoup d&eacute;plac&eacute;s le jour de l&rsquo;inauguration en raison du mauvais temps et de la gr&egrave;ve des cochets (rappelons que 7000 visiteurs y particip&egrave;rent mais que 34 690 y vinrent le lendemain), le quotidien&nbsp;<em>Die Presse</em>&nbsp;laisse entrevoir des doutes quant &agrave; la r&eacute;elle volont&eacute; du public de se rendre dans la Rotonde, moins distrayante que les autres parties du parc<sup><a href="#_ftn30" id="_ftnref30" name="_ftnref30">30</a></sup>.</p> <p>Ce m&ecirc;me constat fut &eacute;galement formul&eacute; par certains sp&eacute;cialistes, &agrave; l&rsquo;image d&rsquo;Oskar Fleischer, responsable allemand de la partie musicale dans la Rotonde, qui, dans son ouvrage sur l&rsquo;exposition, regrettait presque le trop grand succ&egrave;s du Prater. Bien que d&eacute;peignant le parc comme un tr&egrave;s bel ensemble, il remarque que l&rsquo;endroit causa beaucoup d&rsquo;inqui&eacute;tudes aux organisateurs, tant les visiteurs aimaient venir s&rsquo;y divertir, d&eacute;laissant l&rsquo;exposition install&eacute;e dans la Rotonde<sup><a href="#_ftn31" id="_ftnref31" name="_ftnref31">31</a></sup>.</p> <p>Si la fr&eacute;quentation de cette grande salle pouvait donc sembler mitig&eacute;e, les repr&eacute;sentations th&eacute;&acirc;trales et musicales furent toutefois particuli&egrave;rement fr&eacute;quent&eacute;es, et ce par un large public. Nombreux furent par exemple les membres de la Cour et de la famille imp&eacute;riale &agrave; assister aux spectacles du guignol viennois&nbsp;<em>Hanswurst</em>&nbsp;sur la sc&egrave;ne de &laquo;&nbsp;Vienne l&rsquo;ancienne&nbsp;&raquo;, &agrave; ceux du th&eacute;&acirc;tre tintamarresque ou encore &agrave; des repr&eacute;sentations d&rsquo;ombres chinoises. Les manifestations propos&eacute;es par le th&eacute;&acirc;tre de l&rsquo;exposition ou dans la&nbsp;<em>Musikhalle</em>&nbsp;ne furent pas en reste non plus puisqu&rsquo;elles &eacute;taient &eacute;galement tr&egrave;s fr&eacute;quent&eacute;es par ce m&ecirc;me public, pour lequel des rangs entiers &eacute;taient r&eacute;guli&egrave;rement r&eacute;serv&eacute;s. Le quotidien&nbsp;<em>Die Presse</em>&nbsp;indique par exemple que la toute premi&egrave;re repr&eacute;sentation jou&eacute;e dans le th&eacute;&acirc;tre de l&rsquo;exposition fut particuli&egrave;rement fr&eacute;quent&eacute;e par les membres de la haute noblesse, mais ce fut aussi le cas lors pour une repr&eacute;sentation dans la&nbsp;<em>Musikhalle</em>, lors de laquelle les loges furent remplies par ce m&ecirc;me public, et ce &agrave; l&rsquo;initiative de la princesse Metternich<sup><a href="#_ftn32" id="_ftnref32" name="_ftnref32">32</a></sup>. On sait d&rsquo;ailleurs que les spectacles furent particuli&egrave;rement appr&eacute;ci&eacute;s, puisque de nombreuses repr&eacute;sentations se firent face &agrave; un public venu nombreux. Les mesures tarifaires prises &agrave; cet effet favoris&egrave;rent &eacute;galement la venue de nouveaux visiteurs, comme s&rsquo;en f&eacute;licite le quotidien&nbsp;<em>Die Presse</em>, remarquant que des non habitu&eacute;s &eacute;taient venus en masse pour assister aux concerts propos&eacute;s dans la&nbsp;<em>Musikhalle</em>. Ce fut notamment le cas lors du concert des&nbsp;<em>Saisons</em>&nbsp;de Haydn, organis&eacute; le 15 mai 1892, pour lequel le journal admet qu&rsquo;il est &laquo;&nbsp;extr&ecirc;mement r&eacute;jouissant que les concerts plus s&eacute;rieux de la&nbsp;<em>Musikhalle</em>&nbsp;attirent le grand public<sup><a href="#_ftn33" id="_ftnref33" name="_ftnref33">33</a></sup>&nbsp;&raquo;.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>La foule comme r&eacute;v&eacute;lateur des tensions de la Vienne fin de si&egrave;cle</b></p> <p>L&rsquo;analyse des d&eacute;ambulations des visiteurs pr&eacute;sents sur le site a montr&eacute; que l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de ces derniers &eacute;tait tr&egrave;s diff&eacute;rent. Si l&rsquo;exposition avait f&eacute;d&eacute;r&eacute; toutes les couches de la population, force est de constater que leurs attentes divergeaient, et qu&rsquo;il serait erron&eacute; de consid&eacute;rer la foule pr&eacute;sente sur les lieux comme un ensemble homog&egrave;ne. Tandis qu&rsquo;une partie du public se montrait int&eacute;ress&eacute; par l&rsquo;apport scientifique de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, une autre semblait surtout motiv&eacute;e par les distractions propos&eacute;es.</p> <p>L&rsquo;attrait des visiteurs pour les attractions ludiques au d&eacute;triment des parties s&eacute;rieuses fut d&eacute;j&agrave; remarqu&eacute; lors des pr&eacute;c&eacute;dentes expositions universelles, qui durent elles aussi remettre en question l&rsquo;aspect p&eacute;dagogique qu&rsquo;elles souhaitaient originellement rev&ecirc;tir. Dans son ouvrage traitant de la culture de masse en France, Dominique Kalifa remarque que les premiers signes de ces changements apparurent d&egrave;s 1867, lorsqu&rsquo;il fut remarqu&eacute; que le public d&eacute;laissait les objets expos&eacute;s au profit de l&rsquo;amusement&nbsp;:</p> <p><q>[Le sociologue] Le Play d&eacute;plore &laquo;&nbsp;le c&ocirc;t&eacute; amusant et pu&eacute;ril, ce m&eacute;lange de bazars, de spectacles et de baraques foraines qui n&rsquo;attire la foule qu&rsquo;en la d&eacute;tournant de toute pens&eacute;e d&rsquo;&eacute;tude et qui lui donne une s&eacute;duction vulgaire&nbsp;&raquo;. En 1896, le rapport Bouge constate que &laquo;&nbsp;le but des expos est effac&eacute;, toute noble &eacute;mulation a disparu et l&rsquo;&acirc;me populaire sort abaiss&eacute;e et corrompue de tels spectacles<sup><a href="#_ftn34" id="_ftnref34" name="_ftnref34">34</a></sup>&nbsp;&raquo;.</q></p> <p>Contrairement aux expositions universelles qui permettaient aux visiteurs de voguer autour d&rsquo;une multitude de stands aux projets bien divers, l&rsquo;exposition de 1892 n&rsquo;offrait pas autant de possibilit&eacute;s. En raison de sa th&eacute;matique restreinte et d&eacute;finie, elle s&rsquo;adressait surtout &agrave; un public de sp&eacute;cialistes, prenant par cons&eacute;quent le risque de d&eacute;laisser une partie de la population, g&eacute;n&eacute;ralement peu concern&eacute;e par les sujets artistiques.</p> <p>La fr&eacute;quentation des salles de concerts et de la Rotonde semble pour cela tr&egrave;s &eacute;clairante, puisqu&rsquo;elle vient mettre en &eacute;vidence les contrastes qui caract&eacute;risaient cette soci&eacute;t&eacute; viennoise &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle. Bien que les donn&eacute;es chiffr&eacute;es soient manquantes, l&rsquo;analyse de la presse montre par exemple que les &laquo;&nbsp;concerts populaires&nbsp;&raquo; organis&eacute;s dans la&nbsp;<em>Musikhalle</em>&nbsp;trouvaient davantage d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t aupr&egrave;s du grand public, alors m&ecirc;me que ceux du th&eacute;&acirc;tre de l&rsquo;exposition furent principalement fr&eacute;quent&eacute;s par l&rsquo;aristocratie et la grande bourgeoisie. Si la tentative de proposer plusieurs concerts, plusieurs salles et plusieurs tarifs &agrave; un public g&eacute;n&eacute;ralement peu habitu&eacute; apparaissait comme une volont&eacute; de d&eacute;mocratiser de l&rsquo;art, on peut pourtant se demander si elle ne renfermait pas d&rsquo;autres intentions. La juxtaposition de plusieurs salles de concerts aux atmosph&egrave;res diff&eacute;rentes (une salle s&eacute;rieuse, le th&eacute;&acirc;tre de l&rsquo;exposition, et une autre moins acad&eacute;mique, la&nbsp;<em>Musikhalle</em>), pouvait trahir l&rsquo;intention des organisateurs de s&eacute;parer le grand public des visiteurs plus ais&eacute;s. Le concept de la&nbsp;<em>Musikhalle</em>, dans laquelle le public pouvait se restaurer, fut d&rsquo;ailleurs particuli&egrave;rement critiqu&eacute;, &agrave; la fois par le compositeur Tcha&iuml;kovski, trouvant regrettable de jouer dans un &laquo;&nbsp;local de restaurant consacr&eacute; &agrave; la bi&egrave;re et au vin et non &agrave; la musique<sup><a href="#_ftn35" id="_ftnref35" name="_ftnref35">35</a></sup>&nbsp;&raquo;, mais aussi par des membres de la commission de l&rsquo;exposition qui durent accepter &agrave; contrec&oelig;ur le fonctionnement de la salle<sup><a href="#_ftn36" id="_ftnref36" name="_ftnref36">36</a></sup>. Cette attitude grossi&egrave;re du grand public durant l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement n&rsquo;est pas sans faire &eacute;cho aux observations de Gustave Le Bon, remarquant le changement des individus d&egrave;s leur pr&eacute;sence au sein d&rsquo;un collectif&nbsp;:</p> <p><q>Quels que soient les individus qui la composent, quelque semblables ou dissemblables que soient leur genre de vie, leurs occupations, leur caract&egrave;re ou leur intelligence, par le fait seul qu&rsquo;ils sont transform&eacute;s en foule, ils poss&egrave;dent une sorte d&rsquo;&acirc;me collective qui les fait sentir, penser, et agir d&#39;une fa&ccedil;on tout &agrave; fait diff&eacute;rente de celle dont sentirait, penserait et agirait chacun d&rsquo;eux isol&eacute;ment<sup><a href="#_ftn37" id="_ftnref37" name="_ftnref37">37</a></sup>.</q></p> <p>Parall&egrave;lement aux spectacles, la Rotonde soulignait elle aussi cette fracture entre les constituants de la foule, puisque, comme nous l&rsquo;avons vu, l&rsquo;absence de catalogue freinait consid&eacute;rablement la compr&eacute;hension du public non sp&eacute;cialiste. Dans un article publi&eacute; dans le quotidien&nbsp;<em>Wiener Zeitung</em>, le critique musical Hans Paumgartner fustige ce manque de documentation et souligne les incoh&eacute;rences de l&rsquo;ordonnancement du lieu, puisque des objets furent pr&eacute;sent&eacute;s sans la moindre d&eacute;signation (ce fut par exemple le cas de mod&egrave;les de m&eacute;morial d&eacute;di&eacute; &agrave; Mozart ou de sculptures repr&eacute;sentant Haydn, qui ne b&eacute;n&eacute;fici&egrave;rent d&rsquo;aucune information quant aux artistes les ayant r&eacute;alis&eacute;s). Il fallut attendre le 23 juillet 1892 pour que le catalogue traitant de la partie musicale de l&rsquo;exposition d&eacute;di&eacute;e &agrave; l&rsquo;Allemagne et &agrave; l&rsquo;Autriche-Hongrie soit disponible au public<sup><a href="#_ftn38" id="_ftnref38" name="_ftnref38">38</a></sup>, et le 28 juillet pour la partie th&eacute;&acirc;trale<sup><a href="#_ftn39" id="_ftnref39" name="_ftnref39">39</a></sup>. Le guide pour la jeunesse ne fut quant &agrave; lui &eacute;dit&eacute; qu&rsquo;au mois d&rsquo;ao&ucirc;t 1892. En d&eacute;ambulant dans les all&eacute;es sans en comprendre les sp&eacute;cificit&eacute;s, le public pouvait se sentir d&eacute;sorient&eacute; et survoler un contenu lui restant inaccessible. L&rsquo;absence de catalogues et d&rsquo;informations sur les objets expos&eacute;s t&eacute;moigne par cons&eacute;quent d&rsquo;une profonde contradiction entre l&rsquo;ambition initiale de pr&eacute;senter la musique et le th&eacute;&acirc;tre &agrave; un large public et sa r&eacute;alisation finale. Mais surtout, cette organisation semblait infirmer cette envie de d&eacute;mocratiser l&rsquo;art et t&eacute;moigner d&rsquo;une certaine exclusion du public amateur. Ce dernier pr&eacute;f&eacute;rait alors se replier dans le parc du Prater o&ugrave; d&rsquo;autres spectacles et distractions, plus accessibles, lui &eacute;taient propos&eacute;s, m&ecirc;me si le lien avec la th&eacute;matique pouvait parfois sembler t&eacute;nu (ce fut par exemple le cas du panorama, lequel montrait l&rsquo;arriv&eacute;e d&rsquo;un bateau &agrave; vapeur dans le port de New-York, ou encore des feux d&rsquo;artifice r&eacute;guli&egrave;rement organis&eacute;s apr&egrave;s la fermeture de l&rsquo;exposition), renfor&ccedil;ant encore davantage l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un public divis&eacute; au sein d&rsquo;une exposition qui semblait l&rsquo;&ecirc;tre tout autant. C&rsquo;est ce que souligne le critique musical autrichien Robert Hirschfeld, d&eacute;plorant le manque d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t du grand public &agrave; l&rsquo;&eacute;gard d&rsquo;une exposition au contenu pourtant si riche&nbsp;:</p> <p><q>Les pays du monde entier envoy&egrave;rent d&rsquo;innombrables objets pr&eacute;cieux dans la Rotonde, mais, comme on l&rsquo;avait pr&eacute;vu, pas le nombre &eacute;quivalent de visiteurs, de sorte que l&rsquo;on chercha &agrave; augmenter la fr&eacute;quentation en organisant des f&ecirc;tes dans le parc et des spectacles peu dignes de ce nom. Alors que des soir&eacute;es th&eacute;&acirc;trales remarquables mirent &agrave; l&rsquo;honneur l&rsquo;art autrichien, &agrave; plus forte raison l&rsquo;art boh&eacute;mien, n&eacute;o-italien, fran&ccedil;ais et allemand, la foule mass&eacute;e en qu&ecirc;te de divertissements avait l&rsquo;habitude de jeter des confettis et des serpents de papier dans les all&eacute;es ou encore de savourer la nourriture rare des salles &agrave; manger internationales, tandis que dans la Rotonde, la richesse spirituelle des nations n&rsquo;&eacute;tait r&eacute;serv&eacute;e qu&rsquo;au petit nombre de ceux qui comprenaient<sup><a href="#_ftn40" id="_ftnref40" name="_ftnref40">40</a></sup>.</q></p> <p>En essayant d&rsquo;offrir au plus grand nombre une culture habituellement r&eacute;serv&eacute;e &agrave; une &eacute;lite, l&rsquo;exposition de 1892 semblait vouloir illustrer les changements que connaissait la capitale autrichienne au tournant du si&egrave;cle, laquelle d&eacute;ployait son rayonnement artistique au-del&agrave; du boulevard circulaire de la capitale, le&nbsp;<em>Ring</em>, et int&eacute;grait par cons&eacute;quent un nouveau public &agrave; ses manifestations culturelles. Mais comme nous venons de le voir, la d&eacute;marche ne fut pas sans contradiction. Bien que toutes les couches de la soci&eacute;t&eacute; se c&ocirc;toyassent durant l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, celui-ci continua d&rsquo;alimenter le clivage pr&eacute;existant entre ses membres, et il convient de se demander si les mauvaises conditions climatiques &eacute;taient la cause du manque de visiteurs lors de l&rsquo;inauguration. En proposant des spectacles faciles mais peu instructifs face &agrave; un contenu prestigieux mais trop compliqu&eacute; pour les n&eacute;ophytes, le souhait de rendre l&rsquo;art accessible &agrave; tous semble donc &eacute;chouer, renfor&ccedil;ant l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; &agrave; deux vitesses, o&ugrave; la culture &eacute;tait r&eacute;serv&eacute;e &agrave; une &eacute;lite<sup><a href="#_ftn41" id="_ftnref41" name="_ftnref41">41</a></sup>. &Agrave; travers l&rsquo;exposition semblent ainsi s&rsquo;illustrer les tensions de la Vienne fin de si&egrave;cle, dans laquelle plusieurs soci&eacute;t&eacute;s se croisaient sans se m&eacute;langer et o&ugrave; les forces dominantes ne semblaient pas pr&ecirc;tes aux compromis.</p> <p>Dans une autre mesure, il convient &eacute;galement de s&rsquo;interroger sur la pr&eacute;sence quotidienne des membres de l&rsquo;aristocratie dans l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement qui, rappelons-le, constitu&egrave;rent une grande partie de la foule observ&eacute;e lors de l&rsquo;inauguration. Si la pr&eacute;sence de l&rsquo;empereur, et plus largement de la famille imp&eacute;riale, peut &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute;e comme une marque de leur int&eacute;r&ecirc;t &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de l&rsquo;exposition, cette bienveillance pourrait toutefois &eacute;galement &ecirc;tre comprise comme l&rsquo;expression d&rsquo;autres ambitions plus discr&egrave;tes. En effet, la pr&eacute;sence de Fran&ccedil;ois-Joseph 1<sup>er</sup>&nbsp;peut sembler &eacute;tonnante, compte tenu de son indiff&eacute;rence &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la vie culturelle. Si la musique ne le passionnait pas, il montrait une aversion particuli&egrave;re pour les techniques modernes telles que le t&eacute;l&eacute;phone ou l&#39;&eacute;lectricit&eacute;, pourtant bien pr&eacute;sentes dans l&rsquo;exposition par le biais de plusieurs attractions pr&eacute;vues pr&eacute;cis&eacute;ment pour montrer l&rsquo;&eacute;volution technique de l&rsquo;&eacute;poque. Face &agrave; cette apparente contradiction, il semble pertinent de se demander si la pr&eacute;sence du souverain illustre son r&eacute;el engouement &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de cette manifestation ou s&rsquo;il s&rsquo;agit l&agrave; simplement d&rsquo;une op&eacute;ration politique visant &agrave; montrer que toute l&rsquo;Autriche, y compris ses repr&eacute;sentants, &oelig;uvraient &agrave; la diffusion d&rsquo;une image prestigieuse du pays par le biais de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement.</p> <p>Cette hypoth&egrave;se pourrait trouver une r&eacute;ponse dans les festivit&eacute;s organis&eacute;es en l&rsquo;honneur de l&rsquo;empereur d&rsquo;Autriche dans le parc du Prater. Si l&rsquo;exposition pr&eacute;voyait en effet plusieurs moments festifs, auxquels toutes les couches de la population &eacute;taient convi&eacute;es, l&rsquo;anniversaire de Fran&ccedil;ois-Joseph 1<sup>er</sup>&nbsp;ne fut pas oubli&eacute; et donna lui aussi lieu &agrave; plusieurs c&eacute;l&eacute;brations fastueuses, marqu&eacute;es par une fr&eacute;quentation particuli&egrave;rement &eacute;lev&eacute;e du public sur le site. La pr&eacute;sence r&eacute;guli&egrave;re de la famille imp&eacute;riale ou de l&rsquo;empereur, tout comme les festivit&eacute;s organis&eacute;es &agrave; leur &eacute;gard, semblent donc montrer que l&rsquo;exposition n&rsquo;&eacute;tait pas uniquement con&ccedil;ue pour montrer la puissance culturelle et musicale de l&rsquo;Autriche, mais aussi pour faire valoir sa puissance politique, comme ce fut le cas lors des pr&eacute;c&eacute;dentes expositions universelles et internationales.</p> <p>La cr&eacute;ation de pi&egrave;ces, qualifi&eacute;es de &laquo;&nbsp;patriotiques&nbsp;&raquo; par&nbsp;<em>Die Presse</em>, corroborait cette id&eacute;e et semblait vouloir d&eacute;montrer que le pays entier, bien qu&rsquo;affaibli par les crises sociales, politiques et &eacute;conomiques, &eacute;tait toujours debout. La programmation de ces pi&egrave;ces dans les diff&eacute;rents endroits du parc (&agrave; la fois dans le th&eacute;&acirc;tre de l&rsquo;exposition, qui d&eacute;fendait davantage la tradition classique, que dans &laquo;&nbsp;Vienne l&rsquo;ancienne&nbsp;&raquo;, o&ugrave; se tenait l&rsquo;art populaire, ou encore dans le parc du Prater, o&ugrave; primait la jovialit&eacute;) semble en outre montrer qu&rsquo;il s&rsquo;agissait l&agrave; d&rsquo;un moyen de f&eacute;d&eacute;rer l&rsquo;ensemble des Autrichiens et des Viennois autour d&rsquo;un patrimoine commun, alors m&ecirc;me que ces derniers doutaient parfois de la p&eacute;rennit&eacute; de l&rsquo;Empire et de l&rsquo;existence d&rsquo;une nation autrichienne. L&rsquo;exposition de 1892 n&rsquo;&eacute;tait donc pas seulement un &eacute;v&eacute;nement ludique mais aussi un outil d&rsquo;autopromotion et de ralliement par le biais duquel l&rsquo;Autriche devait affirmer sa place dans le concert grandes puissances europ&eacute;ennes. La pr&eacute;sence notable de la foule lors de ces manifestations peut d&egrave;s lors &ecirc;tre per&ccedil;ue comme une marque d&rsquo;adh&eacute;sion de l&rsquo;ensemble de la soci&eacute;t&eacute; autrichienne &agrave; l&rsquo;encontre de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement et de ses ambitions.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>Conclusion</b></p> <p>La foule pr&eacute;sente lors de l&rsquo;exposition internationale de musique et de th&eacute;&acirc;tre est une foule plurielle. Constitu&eacute;e d&rsquo;anonymes et de c&eacute;l&eacute;brit&eacute;s, mais aussi de personnes issues de toutes les g&eacute;n&eacute;rations et classes sociales, elle pouvait &ecirc;tre per&ccedil;ue comme une r&eacute;duction de la soci&eacute;t&eacute; autrichienne &ndash; voire internationale &ndash; regroup&eacute;e &agrave; l&rsquo;occasion d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement particulier. La d&eacute;ambulation de ses membres et leur pr&eacute;sence plus ou moins importante dans certaines parties du site ont toutefois montr&eacute; les limites de ce point commun et mis en exergue certaines diff&eacute;rences dans leur d&eacute;marche. Si les membres de l&rsquo;aristocratie &eacute;taient davantage int&eacute;ress&eacute;s par la dimension scientifique de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, le grand public semblait quant &agrave; lui plus sensible aux activit&eacute;s divertissantes.</p> <p>En montrant peu d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des objets expos&eacute;s dans la Rotonde, ou en adoptant un comportement manquant parfois de biens&eacute;ance, l&rsquo;attitude de ce public provoquait la d&eacute;ception des organisateurs d&rsquo;avoir mis sur pied une entreprise gigantesque, &agrave; laquelle seule une minorit&eacute; adh&eacute;rait. Dans cette perspective, la pr&eacute;sence de la foule sur les lieux ne saurait t&eacute;moigner de la r&eacute;ussite totale de la manifestation, dont les ambitions &eacute;taient aussi de sensibiliser un public n&eacute;ophyte aux th&eacute;matiques artistiques souvent ignor&eacute;es.</p> <p>Mais l&rsquo;&eacute;chec de l&rsquo;entreprise tend toutefois &agrave; &ecirc;tre relativis&eacute;. Si la fr&eacute;quentation &eacute;tait en de&ccedil;&agrave; des objectifs, les organisateurs r&eacute;ussirent toutefois &agrave; transformer le parc du Prater et ses installations en un mus&eacute;e international, au sein duquel l&rsquo;Autriche se voulait dominante. L&rsquo;ordonnancement de la Rotonde, la pr&eacute;sentation des exp&ocirc;ts, tout comme la programmation du th&eacute;&acirc;tre de l&rsquo;exposition furent autant de moyens mis en &oelig;uvre pour r&eacute;pondre aux ambitions initiales de la manifestation et affirmer le lien intrins&egrave;que que l&rsquo;Autriche &eacute;tablissait depuis toujours avec l&rsquo;art. En cela, elle venait aussi justifier le fait d&rsquo;&ecirc;tre souvent consid&eacute;r&eacute;e, &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, comme la &laquo;&nbsp;premi&egrave;re ville musicale au monde<sup><a href="#_ftn42" id="_ftnref42" name="_ftnref42">42</a></sup>&nbsp;&raquo;. En montrant que le pays avait, de tout temps, jou&eacute; un r&ocirc;le majeur dans les domaines de la musique et du th&eacute;&acirc;tre, la th&eacute;matique artistique revendiqu&eacute;e par l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement semblait aussi se transformer en plaidoyer identitaire. Face &agrave; une monarchie en crise, la culture venait suppl&eacute;er la politique et se transformait en une force coh&eacute;sive, comme l&rsquo;a montr&eacute; l&rsquo;adh&eacute;rence d&rsquo;un public massif &agrave; l&rsquo;&eacute;gard du projet.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><b>R&eacute;f&eacute;rences</b></p> <p>Adler Guido (dir.),&nbsp;<em>Fach-Katalog der Musikhistorischen Abtheilung von Deutschland und Oesterreich-Ungarn</em>, Nebst Anhang,&nbsp;Musikvereine, Concertwesen und Unterricht, Wien, 1892.</p> <p>Ausstellungs-Commission (Hg.),&nbsp;<em>Internationale Ausstellung f&uuml;r Musik- und Theaterwesen in Wien 1892. F&uuml;hrer durch die Ausstellung und Katalog der Gewerblichen Special- Ausstellung</em>, Wien, 1892.</p> <p>Ausstellungs-Commission (dir.),&nbsp;<em>Internationale Ausstellung f&uuml;r Musik und Theaterwesen Wien 1892. Jugend-F&uuml;hrer. Anleitung zur Besichtigung der Ausstellung, mit besonderer R&uuml;cksichtnahme auf die Jugend</em>, Wien, 1892.</p> <p>Auspitzer Emil, Ueber die internationale Ausstellung f&uuml;r Musik und Theaterwesen, Wien, 1892.</p> <p>FleischerOskar,&nbsp;<em>Die Bedeutung der internationalen Musik- und Theater-Ausstellung in Wien f&uuml;r Kunst und Wissenschaft der Musik</em>, Leipzig, 1893.</p> <p>Gutmann Albert, Von Hermann Albert Ritter (dir.),&nbsp;<em>Die musikalischen Auff&uuml;hrungen der internationalen Ausstellung f&uuml;r Musik und Theaterwesen in Wien 1892</em>, Wien, 1892.</p> <p>Bled Jean-Paul,&nbsp;<em>Histoire de Vienne</em>, Paris, Fayard, 1998.</p> <p>Le Rider Jacques,&nbsp;<em>Modernit&eacute; viennoise et crises de l&#39;identit&eacute;</em>&nbsp;[1900], Paris, Presses universitaires de France, 2000.</p> <p>Pollak Michael,&nbsp;<em>Vienne 1900. Une identit&eacute; bless&eacute;e</em>, Paris, Gallimard-Julliard, 1984.</p> <p>Schorske Carl,&nbsp;<em>Vienne, fin de si&egrave;cle&nbsp;: politique et culture</em>, Paris, Seuil, 1983.</p> <p>Charle Christophe,&nbsp;<em>Le temps des capitales culturelles XVIII<sup>e</sup>&nbsp;&ndash; XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cles</em>, Paris, Champ Vallon,&nbsp;2009.</p> <p>Kalifa Dominique,&nbsp;<em>La culture de masse en France, 1. 1860-1930</em>, Paris, &Eacute;ditions la D&eacute;couverte, &nbsp;2001.</p> <hr /> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref1" id="_ftn1" name="_ftn1" title="&gt;&lt;span style=">1</a></sup>&nbsp;&laquo; &Eacute;tranger&nbsp;&ndash;&nbsp;Vienne&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Monde Artiste</em>, n&deg;22, 29 mai 1892, p. 535.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref2" id="_ftn2" name="_ftn2" title="&gt;&lt;span style=">2</a></sup>&nbsp;Alain Rey (dir.),&nbsp;<em>Dictionnaire historique de la langue fran&ccedil;aise</em>, Paris, Le Robert (&eacute;dition num&eacute;rique), 2011. URL&nbsp;:&nbsp;<a href="https://ia601001.us.archive.org/">https://ia601001.us.archive.org</a>&nbsp;(page consult&eacute;e le 12 septembre 2022).</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref3" id="_ftn3" name="_ftn3" title="&gt;&lt;span style=">3</a></sup>&nbsp;Gustave Le Bon,&nbsp;<em>Psychologie des foules</em>, Paris, F&eacute;lix Alcan, 1896, p. 12.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref4" id="_ftn4" name="_ftn4" title="&gt;&lt;span style=">4</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 20.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref5" id="_ftn5" name="_ftn5" title="&gt;&lt;span style=">5</a></sup>&nbsp;&laquo; Nouvelles ext&eacute;rieures, l&rsquo;exposition th&eacute;&acirc;trale et musicale &agrave; Vienne&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Gaulois</em>, n&deg;3463, 9 mai 1892, p. 2.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref6" id="_ftn6" name="_ftn6" title="&gt;&lt;span style=">6</a></sup>&nbsp;Theophil Antonicek,&nbsp;<em>Die internationale Ausstellung f&uuml;r Musik- und Theaterwesen Wien 1892</em>, Vienne, 2013, p. 268.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref7" id="_ftn7" name="_ftn7" title="&gt;&lt;span style=">7</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 60.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref8" id="_ftn8" name="_ftn8" title="&gt;&lt;span style=">8</a></sup>&nbsp;&laquo; &Eacute;tranger&nbsp;&ndash;&nbsp;Vienne&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Monde Artiste</em>, n&deg;35, 28 ao&ucirc;t 1892, p. 848.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref9" id="_ftn9" name="_ftn9" title="&gt;&lt;span style=">9</a></sup>&nbsp;Charles Ephrussi, &laquo;&nbsp;Exposition internationale du th&eacute;&acirc;tre et de la musique &agrave; Vienne&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Gazette des beaux-arts</em>, t. VIII, 3<sup>e</sup>&nbsp;p&eacute;riode, 1892, p. 241.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref10" id="_ftn10" name="_ftn10" title="&gt;&lt;span style=">10</a></sup>&nbsp;La pr&eacute;sence de l&rsquo;Empereur est mentionn&eacute;e dans le quotidien fran&ccedil;ais&nbsp;<em>La Presse</em>&nbsp;et celle de l&rsquo;Imp&eacute;ratrice dans son pendant autrichien&nbsp;<em>Die Presse</em>.&nbsp;<em>La Presse</em>, n&deg;2, 24 mai 1892, NP&nbsp;; &laquo;&nbsp;Internationale Musik-und Theater-Ausstellung&nbsp;&raquo;&nbsp;;&nbsp;<em>Die Presse</em>&nbsp;(<em>Lokal Anzeiger der Presse</em>), n&deg;136, 16 mai 1892, p. 2.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref11" id="_ftn11" name="_ftn11" title="&gt;&lt;span style=">11</a></sup>&nbsp;&laquo; &Eacute;tranger&nbsp;&ndash;&nbsp;Vienne&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Monde Artiste</em>, n&deg;24, 12 juin 1892, p. 584.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref12" id="_ftn12" name="_ftn12" title="&gt;&lt;span style=">12</a></sup>&nbsp;Theophil Antonicek,&nbsp;<em>Die internationale Ausstellung f&uuml;r Musik- und Theaterwesen Wien 1892</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 273&ndash;292.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref13" id="_ftn13" name="_ftn13" title="&gt;&lt;span style=">13</a></sup>&nbsp;Louis Rainer,&nbsp;<em>Louis Rainer&#39;s Illustrierter F&uuml;hrer durch die Internationale Ausstellung f&uuml;r Musik und Theaterwesen Wien 1892</em>, Wien, 1892, p. 56.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref14" id="_ftn14" name="_ftn14" title="&gt;&lt;span style=">14</a></sup>&nbsp;Emil Auspitzer,&nbsp;<em>Ueber die internationale Ausstellung f&uuml;r Musik und Theaterwesen</em>, Vienne, 1892, p. 11.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref15" id="_ftn15" name="_ftn15" title="&gt;&lt;span style=">15</a></sup>&nbsp;Charles Ephrussi, &laquo;&nbsp;Exposition internationale du th&eacute;&acirc;tre et de la musique &agrave; Vienne&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 241.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref16" id="_ftn16" name="_ftn16" title="&gt;&lt;span style=">16</a></sup>&nbsp;Theophil Antonicek,&nbsp;<em>Die internationale Ausstellung f&uuml;r Musik- und Theaterwesen Wien 1892</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 188&ndash; 209.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref17" id="_ftn17" name="_ftn17" title="&gt;&lt;span style=">17</a></sup>&nbsp;&laquo;&nbsp;Internationale Musik- und Theater-Ausstellung&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Die Presse</em>&nbsp;(<em>L.A.P.</em>), n&deg;155, 4 juin 1892, p. 10. et &laquo;&nbsp;Internationale Musik- und Theater-Ausstellung&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Die Presse</em>&nbsp;(<em>L.A.P.</em>), n&deg;156, 5 juin 1892, p. 10.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref18" id="_ftn18" name="_ftn18" title="&gt;&lt;span style=">18</a></sup>&nbsp; &laquo;&nbsp;Le Parc&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Monde Artiste</em>, n&deg;27, 3 juillet 1892, p. 664.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref19" id="_ftn19" name="_ftn19" title="&gt;&lt;span style=">19</a></sup>&nbsp;Ausstellungs-Commission (dir.), I<em>nternationale Ausstellung f&uuml;r Musik und Theaterwesen Wien 1892. Jugend-F&uuml;hrer. Anleitung zur Besichtigung der Ausstellung, mit besonderer R&uuml;cksichtnahme auf die Jugend</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 37.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref20" id="_ftn20" name="_ftn20" title="&gt;&lt;span style=">20</a></sup>&nbsp;&laquo;&nbsp;Le Parc&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Monde Artiste</em>, n&deg;27, 3 juillet 1892, p. 664.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref21" id="_ftn21" name="_ftn21" title="&gt;&lt;span style=">21</a></sup>&nbsp;Albert Gutmann Albert Ritter von Hermann (dir.),&nbsp;<em>Die musikalischen Auff&uuml;hrungen der internationalen Ausstellung f&uuml;r Musik und Theaterwesen in Wien 1892</em>, Vienne, 1892, p. 35.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref22" id="_ftn22" name="_ftn22" title="&gt;&lt;span style=">22</a></sup>&nbsp;Christine Fichtinger,&nbsp;<em>Die internationale Ausstellung f&uuml;r Musik- und Theaterwesen in Wien 1892&nbsp;: soziokulturelle Untersuchung des Wiener Musiklebens im ausgehenden 19. Jahrhunder</em>t, m&eacute;moire de ma&icirc;trise, Universit&eacute; de Vienne, 2004, p. 107.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref23" id="_ftn23" name="_ftn23" title="&gt;&lt;span style=">23</a></sup>&nbsp;Theophil Antonicek,&nbsp;<em>Die internationale Ausstellung f&uuml;r Musik- und Theaterwesen Wien 1892</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 103.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref24" id="_ftn24" name="_ftn24" title="&gt;&lt;span style=">24</a></sup>&nbsp;&laquo;&nbsp;L&rsquo;Empereur au restaurant&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>La Croix</em>, n&deg;2766, 26 mai 1892, p. 2.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref25" id="_ftn25" name="_ftn25" title="&gt;&lt;span style=">25</a></sup>&nbsp;Emil Auspitzer,&nbsp;<em>Ueber die internationale Ausstellung f&uuml;r Musik und Theaterwesen</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 28.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref26" id="_ftn26" name="_ftn26" title="&gt;&lt;span style=">26</a></sup>&nbsp;&laquo;&nbsp;Le Parc&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Monde Artiste</em>, n&deg;27, 03 juillet 1892, p. 655.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref27" id="_ftn27" name="_ftn27" title="&gt;&lt;span style=">27</a></sup>&nbsp; &laquo;&nbsp;Lettre de Vienne&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Temps</em>, n&deg;11384, 23 juillet 1892, NP.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref28" id="_ftn28" name="_ftn28" title="&gt;&lt;span style=">28</a></sup>&nbsp;Charles Ephrussi, &laquo;&nbsp;Exposition internationale du th&eacute;&acirc;tre et de la musique &agrave; Vienne&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 240.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref29" id="_ftn29" name="_ftn29" title="&gt;&lt;span style=">29</a></sup>&nbsp;&laquo;&nbsp;Internationale Musik-und Theater-Ausstellung&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Die Presse</em>&nbsp;(<em>L.A.P.</em>), n&deg;156, 5 juin 1892, p. 10.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref30" id="_ftn30" name="_ftn30" title="&gt;&lt;span style=">30</a></sup>&nbsp;&laquo; Internationale Musik- und Theater-Ausstellung&raquo;,&nbsp;<em>Die Presse</em>&nbsp;(<em>L.A.P</em>.), n&deg;128, 8 mai 1892, p. 10.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref31" id="_ftn31" name="_ftn31" title="&gt;&lt;span style=">31</a></sup>&nbsp;Oskar Fleischer,&nbsp;<em>Die Bedeutung der internationalen Musik- und Theater-Ausstellung in Wien f&uuml;r Kunst und Wissenschaft der Musik</em>, Leipzig, 1893, p. 30.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref32" id="_ftn32" name="_ftn32" title="&gt;&lt;span style=">32</a></sup>&nbsp;&laquo;&nbsp;Internationale Musik-und Theater-Ausstellung&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Die Presse</em>&nbsp;(<em>L.A.P</em>.), n&deg;128, 8 mai 1892, p. 10 et &laquo;&nbsp;Internationale Musik-und Theater-Ausstellungv&raquo;,&nbsp;<em>Die Presse</em>&nbsp;(<em>L.A.P.</em>), n&deg;136, 16 mai 1892, p. 10.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref33" id="_ftn33" name="_ftn33" title="&gt;&lt;span style=">33</a></sup>&nbsp; Es ist h&ouml;chst erfreulich, dass die ernstesten Concerte in der Musikhalle f&uuml;r das gro&szlig;e Publicum eine Anziehung bilden [traduction personnelle]. &laquo;&nbsp;Internationale Musik-und Theater-Ausstellung&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Die Presse</em>&nbsp;(<em>L.A.P.</em>), n&deg;136, 16 mai 1892, p. 2</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref34" id="_ftn34" name="_ftn34" title="&gt;&lt;span style=">34</a></sup>&nbsp;Dominique Kalifa,&nbsp;<em>La culture de masse en France</em>,&nbsp;<em>1860-1930</em>, &Eacute;ditions La D&eacute;couverte, Paris, 2001, p. 49.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref35" id="_ftn35" name="_ftn35" title="&gt;&lt;span style=">35</a></sup>&nbsp;Albert Gutmann Albert Ritter von Hermann (dir.),&nbsp;<em>Die musikalischen Auff&uuml;hrungen der internationalen Ausstellung f&uuml;r Musik und Theaterwesen in Wien 1892</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 8.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref36" id="_ftn36" name="_ftn36" title="&gt;&lt;span style=">36</a></sup>&nbsp;Christine Fichtinger,&nbsp;<em>Die internationale Ausstellung f&uuml;r Musik- und Theaterwesen in Wien 1892&nbsp;: soziokulturelle Untersuchung des Wiener Musiklebens im ausgehenden 19. Jahrhundert</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 111.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref37" id="_ftn37" name="_ftn37" title="&gt;&lt;span style=">37</a></sup>&nbsp; Gustave Le Bon,&nbsp;<em>Psychologie des foules</em>, Paris, F&eacute;lix Alcan, 1896, p. 19.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref38" id="_ftn38" name="_ftn38" title="&gt;&lt;span style=">38</a></sup>&nbsp;&laquo;&nbsp;Internationale Musik &ndash; und Theaterausstellung&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Die Presse</em>&nbsp;(<em>L.A.P.</em>), n&deg;204, 24 juillet 1892, p. 10.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref39" id="_ftn39" name="_ftn39" title="&gt;&lt;span style=">39</a></sup>&nbsp;&laquo;&nbsp;Internationale Musik &ndash; und Theaterausstellung&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Die Presse</em>&nbsp;(<em>L.A.P.</em>), n&deg;209, 29 juillet 1892, p. 10.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref40" id="_ftn40" name="_ftn40" title="&gt;&lt;span style=">40</a></sup>&nbsp;Die L&auml;nder der Erde entsendeten in die Rotunde wohl zahllose unsch&auml;tzbare Objekte, aber, wie man vorausgeahnt hatte, nicht auch die entsprechende Zahl von Besuchern, so da&szlig; man durch nicht eben w&uuml;rdige Parkfeste und Schaustellungen die Frequenz zu heben suchte. Brachten auch bemerkenswerte Theaterabende die &ouml;sterreichische, zumal die b&ouml;hmische, die neuitalienische, franz&ouml;sische und neudeutsche Kunst zu Ehren, so pflegte doch die angelockte vergn&uuml;gungss&uuml;chtige Menge in den Alleen johlend Koriandoli und Papierschlangen auszuwerfen oder sich an der seltenen Kost der internationalen Speiser&auml;ume zu erfreuen, w&auml;hrend in der Rotunde der geistige Reichtum der Nationen nur f&uuml;r die kleine Schar der Verstehenden aufgespeichert war&ldquo; [traduction personnelle]. Christine Fichtinger,&nbsp;<em>Die internationale Ausstellung f&uuml;r Musik- und Theaterwesen in Wien 1892&nbsp;: soziokulturelle Untersuchung des Wiener Musiklebens im ausgehenden 19. Jahrhundert</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 97.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref41" id="_ftn41" name="_ftn41" title="&gt;&lt;span style=">41</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 97.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref42" id="_ftn42" name="_ftn42" title="&gt;&lt;span style=">42</a></sup>&nbsp;Gustav K&uuml;hle &bdquo;Seine kais.u. k&ouml;n. Hoheit Erzherzog Carl Ludwig&ldquo;,&nbsp;<em>&Ouml;sterreichische Musik- und Theaterzeitung</em>, vol. IV, n&deg; 14, 15, mai 1892.</p>