<h2><strong>Une manie fran&ccedil;aise</strong></h2> <p>&laquo;&nbsp;C&rsquo;est un peu la manie fran&ccedil;aise du bricolage&nbsp;: nous fabriquons &agrave; grands efforts ce qu&rsquo;il suffirait peut-&ecirc;tre d&rsquo;importer tout-&agrave;-fait<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote1_eejatec" id="footnoteref1_eejatec" title="Gérard Genette, « Raisons de la critique pure », dans Georges Poulet [dir.], Les chemins actuels de la critique, Paris, Plon, 1967, p. 258.">1</a>.&nbsp;&raquo; En 1966, lors du colloque consacr&eacute; aux&nbsp;<em>Chemins actuels de la critique,&nbsp;</em>G&eacute;rard Genette d&eacute;plore en ces mots l&rsquo;ignorance de la part des intellectuels fran&ccedil;ais, de ce qui se passe &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger et en identifie une cause simple&nbsp;: l&rsquo;incapacit&eacute; &agrave; lire dans une autre langue que la leur. Ignorance qu&rsquo;il est, il le conc&egrave;de: &laquo;&nbsp;le premier &agrave; pratiquer car [il est lui-m&ecirc;me] presque incapable de lire dans une langue autre que la [sienne]<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote2_rj4sqmt" id="footnoteref2_rj4sqmt" title="Ibidem.">2</a>. &raquo; Le ph&eacute;nom&egrave;ne n&rsquo;est, en effet, pas &agrave; n&eacute;gliger. En 1997, un autre c&eacute;l&egrave;bre directeur de collection, Pierre Nora, dans la revue&nbsp;<em>D&eacute;bat</em>, fait le m&ecirc;me constat et regrette que &laquo;&nbsp;pour des raisons qu&rsquo;il serait tr&egrave;s int&eacute;ressant de d&eacute;m&ecirc;ler, un livre qui n&rsquo;est pas traduit n&rsquo;existe pas vraiment sur le march&eacute; intellectuel fran&ccedil;ais<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote3_83897ot" id="footnoteref3_83897ot" title="Pierre Nora, « Traduire : nécessités et difficultés », Le Débat, n°93 (janvier/février, 1997), p. 95.">3</a>&nbsp;&raquo;. En bref, Bourdieu ne s&rsquo;&eacute;tait donc pas tromp&eacute;, en 1989, en d&eacute;clarant, lors de l&rsquo;inauguration du Frankreich-Zentrum de l&rsquo;universit&eacute; de Fribourg, qu&rsquo;au-del&agrave; m&ecirc;me des sp&eacute;cificit&eacute;s fran&ccedil;aises, &laquo;&nbsp;la vie intellectuelle est le lieu, comme tous les autres espaces sociaux, de nationalismes et d&rsquo;imp&eacute;rialismes, et [que] les intellectuels v&eacute;hiculent [&hellip;] des pr&eacute;jug&eacute;s, des st&eacute;r&eacute;otypes, des id&eacute;es re&ccedil;ues, des repr&eacute;sentations tr&egrave;s sommaires, tr&egrave;s &eacute;l&eacute;mentaires<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote4_96sngdu" id="footnoteref4_96sngdu" title="Pierre Bourdieu, « Les conditions sociales de la circulation internationale des idées », dans Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 145, décembre, 2002, p. 3.">4</a>&raquo;.</p> <p>Mais dans ce monde intellectuel guett&eacute; d&rsquo;ethnocentrisme &ndash; d&rsquo;&eacute;gocentrisme devrait-on dire plut&ocirc;t &ndash; surgissent de temps &agrave; autres des passeurs, des &laquo;&nbsp;hommes d&eacute;pays&eacute;s&nbsp;&raquo;, ouverts sur le monde, qui &laquo;&nbsp;se reconnaissent dans le pur internationalisme et &eacute;chappent &agrave; la pr&eacute;f&eacute;rence nationale<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote5_176kq6l" id="footnoteref5_176kq6l" title="Tzvetan Todorov, Devoirs et Délices : une vie de passeur (entretiens avec Catherine Portevin), Paris, Seuil, 2002, p. 172.">5</a>&raquo;. Un des ces hommes, Tzvetan Todorov, rencontra Genette l&rsquo;ann&eacute;e m&ecirc;me de son d&eacute;part de la Bulgarie et de son arriv&eacute;e en France&nbsp;: d&egrave;s 1963, dans les couloirs de la Sorbonne, se noue une amiti&eacute; intellectuelle qui donnera lieu &agrave; une collaboration durable. Ainsi, en 1970, apr&egrave;s un certain nombre de travaux en commun, ils fondent ensemble, avec H&eacute;l&egrave;ne Cixous, la revue et la collection &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, aux &Eacute;ditions du Seuil. D&egrave;s ses premiers titres, la collection accueille un grand nombre de traductions et fait de cette particularit&eacute; un des fondements de son orientation th&eacute;orique et son positionnement dans le champ &eacute;ditorial. Dans le num&eacute;ro 1 de la revue, l&rsquo;on peut lire une pr&eacute;sentation, qui vaut aussi pour la collection, con&ccedil;ue &laquo;&nbsp;dans le m&ecirc;me esprit&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Si l&rsquo;ouverture th&eacute;orique implique une rupture d&eacute;cisive avec l&rsquo;isolationnisme traditionnel de la recherche litt&eacute;raire en France, elle suppose &eacute;galement une lev&eacute;e des barri&egrave;res qui divisaient jusqu&rsquo;ici m&ecirc;me cette recherche&nbsp;: aucune pens&eacute;e de la litt&eacute;rature ne peut s&rsquo;enfermer dans des limites nationales sans s&rsquo;exposer aux plus graves erreurs de perspectives<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote6_u13qeej" id="footnoteref6_u13qeej" title="[Anonyme], « Présentation », Poétique, n°1 (mars, 1970), p. 2.">6</a>.</p> </blockquote> <p>La revue et la collection s&rsquo;inscrivent ainsi dans les sillons creus&eacute;s par &laquo;&nbsp;des recherches ant&eacute;rieures ou parall&egrave;les men&eacute;es hors de France (Formalisme russe, New-Criticism anglo-saxon, Literarturwissenschaft allemande)<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote7_1w1g8k5" id="footnoteref7_1w1g8k5" title="Ibid., p. 1.">7</a>&nbsp;&raquo; et &eacute;lisent pour objet principal l&rsquo;&eacute;tude de la&nbsp;<em>litt&eacute;rarit&eacute;,&nbsp;</em>et non plus de la litt&eacute;rature. Ce concept central qu&rsquo;est la litt&eacute;rarit&eacute;, dont on conna&icirc;t bien aujourd&rsquo;hui le retentissement sur nos &eacute;tudes litt&eacute;raires, est le terme choisi par Todorov pour traduire le mot russe, forg&eacute; par Jakobson,&nbsp;<em>literaturnost&rsquo;.&nbsp;</em>Il appara&icirc;t pour la premi&egrave;re fois en France en 1965 dans la c&eacute;l&egrave;bre anthologie des formalistes russes, qui rassemble des textes traduits et pr&eacute;sent&eacute;s par Todorov, publi&eacute;e par Philippe Sollers, dans la collection &laquo;&nbsp;Tel Quel&nbsp;<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote8_8hbchxy" id="footnoteref8_8hbchxy" title="Pour plus d’informations à propos de Théorie de la littérature, nous renvoyons à l’article de Frédérique Matonti, « Entre Moscou et Prague : les premières réceptions des formalistes russes par les intellectuels communistes français (1967-1971) », Langages, n°182 (2011), p. 69-81.">8</a>&raquo;. Les soubassements conceptuels de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; reposent ainsi avant tout sur un concept import&eacute; et conform&eacute;ment &agrave; la d&eacute;claration inaugurale de la revue et la collection, celles-ci ne cesseront de s&rsquo;enrichir de textes et d&rsquo;id&eacute;es venus d&rsquo;ailleurs.</p> <p>La collection vient tout juste de d&eacute;passer, en 2015, les cent titres publi&eacute;s et compte, &agrave; ce jour, 23 ouvrages traduits &ndash; auxquels on pourrait ajouter les ouvrages &eacute;crits en fran&ccedil;ais par des chercheurs francophones de Suisse (Paul Zumthor, Lucien D&auml;llenbach), de Belgique (Nicolas Ruwet), du Maroc (Abdelfattah Kilito) ou par des Fran&ccedil;ais vivant &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger, tels que Michel Riffaterre. En 2012, Genette confie qu&rsquo;il aurait aim&eacute; que cette activit&eacute; de traduction ait &eacute;t&eacute; plus intense<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote9_plklpic" id="footnoteref9_plklpic" title="Dans les archives des Éditions du Seuil, on trouve des traces d’autres projets de traduction, dont The Singer of Tales de Albert B. Lord et The Structure of Complex Words de William Empson.">9</a>&nbsp;et regrette de n&rsquo;avoir pu publier les &oelig;uvres de trois grands auteurs allemands&nbsp;: Auerbach, Curtius et Spitzer. C&rsquo;est, en effet, les ouvrages anglo-saxons qui sont les plus repr&eacute;sent&eacute;s dans le catalogue de&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;&nbsp;: de 1971 avec&nbsp;<em>Th&eacute;orie litt&eacute;raire</em>&nbsp;de Wellek et Warren jusqu&rsquo;&agrave;&nbsp;<em>L&rsquo;Esprit de l&rsquo;essai. De Montaigne &agrave; Borges&nbsp;</em>de Claire de Obaldia en 2005, treize titres ont &eacute;t&eacute; traduits de l&rsquo;anglais (10 titres am&eacute;ricains, 2 canadiens, 1 anglais). Viennent alors les auteurs russes&nbsp;&ndash; Propp, Jakobson et Bakhtine &ndash; qui se partagent 4 titres, suivis de pr&egrave;s par les th&eacute;oriciens allemands &ndash; Jolles, Weinrich et les romantiques de&nbsp;<em>L&rsquo;Absolu litt&eacute;raire</em>&nbsp;&ndash; et italiens &ndash; Fusillo et Del Lungo.</p> <p>Ce nombre cons&eacute;quent d&rsquo;ouvrages &eacute;trangers s&rsquo;inscrit dans un contexte &eacute;ditorial favorable&nbsp;: les &Eacute;ditions du Seuil ont depuis longtemps investi le domaine de la traduction, en lan&ccedil;ant en 1946 les collections &laquo;&nbsp;Le don des langues&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;Cadre Vert<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote10_jx2q9me" id="footnoteref10_jx2q9me" title="Nous renvoyons ici à l’article d’Hervé Serry, « Constituer un catalogue littéraire : la place des traductions dans l’histoire des Éditions du Seuil », dans Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 144, septembre, 2002, p. 70-79.">10</a><br /> &nbsp;&raquo;, dont les activit&eacute;s ne cessent de cro&icirc;tre, et, plus g&eacute;n&eacute;ralement, la fin des ann&eacute;es 70 voit la part des ouvrages traduits atteindre les 45 % de la production litt&eacute;raire en France et le nombre de maisons d&rsquo;&eacute;dition sp&eacute;cialis&eacute;es en litt&eacute;rature &eacute;trang&egrave;re se multiplier<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote11_xqp9cgi" id="footnoteref11_xqp9cgi" title="Gisèle Sapiro [dir.], Traduire la littérature et les sciences humaines : conditions et obstacles, Paris, Ministère de la Culture et de la Communication, 2012, p. 208.">11</a><br /> . Mais la traduction d&rsquo;ouvrages th&eacute;oriques, destin&eacute;s au monde universitaire, pose des probl&egrave;mes sp&eacute;cifiques et engagent des enjeux importants, tant ils &laquo;&nbsp;mobilisent des concepts, des cat&eacute;gories de pens&eacute;e, des repr&eacute;sentations qui n&rsquo;ont pas forc&eacute;ment d&rsquo;&eacute;quivalent dans la langue cible<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote12_0qitenz" id="footnoteref12_0qitenz" title="Ibid., p. 256.">12</a><br /> &raquo;. Marc Bloch dit tr&egrave;s justement &agrave; propos de la discipline historique&nbsp;que &laquo;&nbsp;[cette] science ne dispose pas, comme les math&eacute;matiques ou la chimie, d&rsquo;un syst&egrave;me de symboles d&eacute;tach&eacute; de toute langue nationale. L&rsquo;historien parle uniquement avec des mots&nbsp;; donc, avec ceux de son pays<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote13_74f7s7b" id="footnoteref13_74f7s7b" title="Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Armand Colin, 2002, p.138.">13</a><br /> &raquo; &ndash; et la remarque vaut, bien s&ucirc;r, pour les th&eacute;oriciens de la litt&eacute;rature que &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; publiera. Si les obstacles inh&eacute;rents &agrave; toute entreprise de traduction sont en effet facilement surmontables lorsque les textes rel&egrave;vent du vocabulaire courant et de l&rsquo;&eacute;change quotidien, ceux-ci ne sont jamais plus s&eacute;rieux que lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit de transposer un&nbsp;<em>concept&nbsp;</em>d&rsquo;une langue &agrave; l&rsquo;autre et la collection &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, peut-&ecirc;tre plus que toute autre, s&rsquo;av&egrave;re &ecirc;tre un v&eacute;ritable r&eacute;servoir de concepts issus d&rsquo;une traduction&nbsp;: au-del&agrave; du premier et du plus fameux, la&nbsp;<em>litt&eacute;rarit&eacute;&nbsp;</em>de Jakobson, citons, entre beaucoup d&rsquo;autres, la&nbsp;<em>forme (gestalt)&nbsp;</em>de Jolles, la paire&nbsp;<em>fiction/litt&eacute;rature&nbsp;</em>(<em>Dichtung</em>) de Hamburger, le&nbsp;<em>psycho-r&eacute;cit&nbsp;</em>(<em>psycho-narration</em>) de Dorrit Cohn,&nbsp;<em>l&rsquo;exotopie</em>&nbsp;(<em>vnenakhodimost&rsquo;</em>) de Bakhtine, etc. Bien qu&rsquo;ils nous soient aujourd&rsquo;hui familiers, ces concepts &ndash; et les autres que nous &eacute;voquerons &ndash; ne sont pas n&eacute;s dans le champ fran&ccedil;ais dans lequel ils circulent d&eacute;sormais librement mais y ont &eacute;t&eacute;&nbsp;<em>int&eacute;gr&eacute;s</em>. Nous voudrions ainsi, dans cet article, &eacute;tudier les m&eacute;canismes d&rsquo;importation et d&rsquo;appropriation des notions &eacute;trang&egrave;res, en centrant notre attention sur la&nbsp;<em>mat&eacute;rialit&eacute;&nbsp;</em>du transfert&nbsp;: comment la&nbsp;<em>collection</em>&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>lieu&nbsp;</em>d&rsquo;accueil des concepts migrants, &oelig;uvre-t-elle &agrave; l&rsquo;int&eacute;gration d&rsquo;id&eacute;es d&eacute;tach&eacute;es de leur champ de production&nbsp;? &laquo;&nbsp;Puisque les formes mat&eacute;rielles produisent du sens&nbsp;&raquo;, comme le dit bien Jean-Yves Mollier, la r&eacute;&eacute;dition d&rsquo;une &oelig;uvre dans une nouvelle collection &laquo;&nbsp;ne peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme une simple op&eacute;ration de rhabillage ou de relance de volumes dont l&rsquo;apparence ne rejaillirait pas sur le contenu<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote14_qwf7no0" id="footnoteref14_qwf7no0" title="Jean-Yves Mollier, « Préface », dans Christine Rivalan Guéco et Miriam Nicoli [dir.], La collection : essor et affirmation d’un objet éditorial, Rennes, Presses Universitaire de Rennes, coll. « Interférences », 2014, p. 8.">14</a><br /> &raquo;.&nbsp; Il s&rsquo;agira alors, d&rsquo;une part, de comprendre comment le&nbsp;<em>label</em>&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;tique<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote15_sl72jqy" id="footnoteref15_sl72jqy" title="Genette souligne dans Seuils que la collection « n’est sans doute elle-même qu’une spécification plus intense, et parfois plus spectaculaire, de la notion de label éditorial », Gérard Genette, Seuils, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 1987, p. 27.">15</a><br /> &nbsp;&raquo; et son projet &eacute;ditorial concourent &agrave; l&rsquo;assimilation des textes itin&eacute;rants et offrent une coh&eacute;rence &agrave; l&rsquo;ensemble de cette n&eacute;buleuse th&eacute;orique import&eacute;e et, d&rsquo;autre part, d&rsquo;examiner, en retour, quels peuvent &ecirc;tre les enjeux et les effets de ces importations sur le dispositif &eacute;ditorial lui-m&ecirc;me. Et comme les concepts ne transitent jamais seuls, mais qu&rsquo;ils sont toujours re&ccedil;us via un texte qui devient &ndash;&nbsp;<em>re</em>devient, dans notre cas &ndash; &oelig;uvre gr&acirc;ce &agrave; un&nbsp;<em>en-dehors</em>, &laquo;&nbsp;qui l&rsquo;entour[e] et le prolong[e], pr&eacute;cis&eacute;ment pour le&nbsp;<em>pr&eacute;senter</em>, au sens habituel de ce verbe, mais aussi en sens le plus fort&nbsp;: pour le&nbsp;<em>rendre pr&eacute;sent</em>, pour assurer sa pr&eacute;sence au monde, sa &ldquo;r&eacute;ception&rdquo; et sa consommation, sous la forme aujourd&rsquo;hui du moins, d&rsquo;un livre<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote16_3ullgzl" id="footnoteref16_3ullgzl" title="Ibid., p. 7.">16</a><br /> &nbsp;&raquo;, il nous faudra prendre en compte tout ce qui fait office de zone de transition entre le texte original et le texte traduit, c&rsquo;est-&agrave;-dire entre un lieu d&rsquo;origine et une destination&nbsp;: couverture, titre, pr&eacute;face, commentaire des traducteurs, note de l&rsquo;&eacute;diteur, quatri&egrave;me de couverture, etc. Tout ce qui permet de, si l&rsquo;on utilise le mot de Bourdieu, &laquo;&nbsp;une op&eacute;ration de marquage&nbsp;&raquo;, d&rsquo;un &laquo;&nbsp;produit pr&eacute;alablement &ldquo;d&eacute;griff&eacute;&rdquo;<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote17_jg5uarm" id="footnoteref17_jg5uarm" title="Pierre Bourdieu, op.cit., p. 4.">17</a><br /> &raquo;&nbsp;: tout ce qui ach&egrave;ve le travail de traduction, tout ce qui oriente un nouveau cadre de r&eacute;ception, tout ce qui participe &agrave; une acclimatation. Mais &eacute;galement, tout ce qui contribue &agrave; la formation d&rsquo;une identit&eacute; &eacute;ditoriale, tout ce qui favorise la pr&eacute;cision d&rsquo;une ligne th&eacute;orique, tout ce qui permet la l&eacute;gitimation d&rsquo;un programme. Nous t&acirc;cherons de toujours envisager notre objet selon ce double point de vue&nbsp;: d&rsquo;une part, la collection et son p&eacute;ritexte &eacute;ditorial &ndash; le &laquo;&nbsp;lieu du label<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote18_34k1zay" id="footnoteref18_34k1zay" title="Gérard Genette, Seuils, op.cit., p. 28.">18</a><br /> &raquo;, tel que le nomme Genette &ndash; comme un espace de structuration et d&rsquo;ancrage des concepts d&eacute;racin&eacute;s, et d&rsquo;autre part, les &oelig;uvres traduites comme &eacute;l&eacute;ment de construction et de l&rsquo;affirmation de l&rsquo;identit&eacute; de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;.</p> <p>La collection &eacute;tant un dispositif &eacute;ditorial qui prend sens dans la dur&eacute;e &ndash; c&rsquo;est dans son extension, volume apr&egrave;s volume, que le projet trouve une coh&eacute;rence et une l&eacute;gitimation<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote19_d6413f5" id="footnoteref19_d6413f5" title="Christine Rivalan Guéco et Miriam Nicoli [dir.], op.cit., p. 217.">19</a><br /> &ndash; nous respecterons ici la chronologie<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote20_c63d183" id="footnoteref20_c63d183" title="Nous ne pourrons accorder ici la même attention à tous les ouvrages : notre sélection considérera les ouvrages déterminants pour l’évolution de la collection.">20</a><br /> que nous impose notre objet. Chaque ouvrage justifiant le pr&eacute;c&eacute;dent en m&ecirc;me temps qu&rsquo;il pr&eacute;pare l&rsquo;inscription du suivant, le projet &eacute;ditorial se consolide au rythme des publications&nbsp;: les enjeux &eacute;ditoriaux de l&rsquo;importation des concepts, de m&ecirc;me que les modalit&eacute;s de leur int&eacute;gration dans le champ fran&ccedil;ais, varient selon cette temporalit&eacute; &ndash; notre analyse suivra ainsi la collection &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; dans son d&eacute;ploiement.</p> <h2><strong>1970 &ndash; 1980&nbsp;: des anc&ecirc;tres illustres</strong></h2> <p>D&egrave;s sa cr&eacute;ation en 1970, la collection &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; vise, avant tout, &agrave; fonder une discipline&nbsp;: la po&eacute;tique moderne. Il arriva, en effet, un moment, dans le parcours de Genette, o&ugrave; &laquo;&nbsp;il ne s&rsquo;agissait plus d&rsquo;en rester &agrave; l&rsquo;immanence des &oelig;uvres, mais au contraire d&rsquo;en sortir par une exploration vaste &agrave; laquelle le terme&nbsp;&ldquo;critique&rdquo; ne convenait gu&egrave;re.&nbsp;&raquo; Une autre d&eacute;signation devait &ecirc;tre choisie et les termes synonymes &laquo;&nbsp;th&eacute;orie de la litt&eacute;rature&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;po&eacute;tique&nbsp;&raquo; furent propos&eacute;s&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Le premier nous venait &agrave; la fois du c&eacute;l&egrave;bre manuel de Wellek et Warren et de divers textes des formalistes russes, le second, bien s&ucirc;r,&nbsp;<em>via&nbsp;</em>Val&eacute;ry, du livre fondateur d&rsquo;Aristote &ndash; et c&rsquo;est &eacute;videmment lui qui allait leur titre commun &agrave; la revue et &agrave; la collection que nous devions [&hellip;] vouer &agrave; la d&eacute;fense et illustration de cette discipline<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote21_xyzp190" id="footnoteref21_xyzp190" title="Gérard Genette, Figures IV, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1999, p. 12.">21</a><br /> .</p> </blockquote> <p><em>La th&eacute;orie litt&eacute;raire&nbsp;</em>de Wellek et Warren (1971),&nbsp;<em>Morphologie du conte&nbsp;</em>de Propp (1970)<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote22_xkrtpwe" id="footnoteref22_xkrtpwe" title="Pour des raisons de concurrence avec Gallimard, le livre est sorti directement en « Points Essais » mais fait officiellement partie du catalogue de « Poétique ».">22</a><br /> ,&nbsp;<em>Questions de po&eacute;tique&nbsp;</em>de Jakobson (1973) et&nbsp;<em>La Po&eacute;tique&nbsp;</em>d&rsquo;Aristote (1980)&hellip; Autant d&rsquo;&oelig;uvres de p&egrave;res fondateurs qui seront traduites et publi&eacute;es par &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; dans les dix premi&egrave;res ann&eacute;es de son activit&eacute;, au m&ecirc;me titre que&nbsp;<em>Formes simples</em>&nbsp;de Jolles (1972),&nbsp;<em>Le temps&nbsp;</em>de Weinrich (1973) et que les romantiques allemands rassembl&eacute;s dans&nbsp;<em>L&rsquo;Absolu litt&eacute;raire</em>&nbsp;(1978). Dans les premiers temps de la collection, il importe &agrave; ses directeurs de r&eacute;unir une s&eacute;rie d&rsquo;ouvrages &eacute;trangers &ndash; v&eacute;hiculant des concepts aussi fondamentaux que celui qui a d&eacute;termin&eacute; le titre m&ecirc;me de la collection et, du m&ecirc;me coup, son programme &ndash; qui constituent une sorte de g&eacute;n&eacute;alogie de la discipline qu&rsquo;ils promeuvent. La publication de ces ouvrages, qui sont d&eacute;j&agrave; des classiques dans leur champ de production, assure une justification au projet de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; et lui offre une l&eacute;gitimit&eacute;, dont toute collection d&eacute;butante a besoin. Mise &agrave; part Val&eacute;ry et Thibaudet<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote23_r2cgf22" id="footnoteref23_r2cgf22" title="C’est du moins de ceux-ci que Genette se réclame dans « Raisons de la critique pure », repris dans Figures II, paru dans la collection « Tel Quel » en 1969.">23</a><br /> , il n&rsquo;y avait pas, dans le champ fran&ccedil;ais, d&rsquo;illustres anc&ecirc;tres &agrave; exhumer&nbsp;: il fallait briser les fronti&egrave;res et aller chercher ailleurs de quoi combler les lacunes fran&ccedil;aises et favoriser l&rsquo;<em>aggiornamento</em>&nbsp;souhait&eacute; par Genette, Todorov et Cixous. Publier des ouvrages d&eacute;j&agrave; anciens, des canons acad&eacute;miques d&eacute;j&agrave; pass&eacute;s par le filtre de l&rsquo;&eacute;dition &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger et devenus des incontournables, permet ainsi &agrave; la toute r&eacute;cente collection &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; de se doter de pr&eacute;curseurs reconnus et de se situer dans la glorieuse lign&eacute;e de ceux-ci. Il est ainsi remarquable de constater que ces premiers ouvrages sont, pour la plupart, relativement ou tr&egrave;s anciens&nbsp;: sans m&ecirc;me &eacute;voquer Aristote<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote24_rp4z7y0" id="footnoteref24_rp4z7y0" title="Les mécanismes de présentation et d’appropriation de l’œuvre d’Aristote étant bien différents de ceux d’autres ouvrages importés, nous n’aborderons pas l’ouvrage en détail dans cette étude.">24</a><br /> , soulignons que Propp est r&eacute;&eacute;dit&eacute; 42 ans apr&egrave;s sa premi&egrave;re version, de m&ecirc;me que l&rsquo;ouvrage de Jolles&nbsp;; le Wallek et Warren est lui publi&eacute; avec 29 ans d&rsquo;&eacute;cart par rapport &agrave; sa publication am&eacute;ricaine, tandis que le plus ancien texte figurant dans le recueil de Jakobson a &eacute;t&eacute; &eacute;crit 54 ans avant son entr&eacute;e dans &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est le livre de Weinrich qui conna&icirc;t le plus petit &laquo;&nbsp;d&eacute;lai de traduction&nbsp;&raquo;&nbsp;: neuf ans. Il importait, en effet, pour que la collection b&eacute;n&eacute;ficie de tous les gains de ces transferts culturels, que ces ouvrages aient d&eacute;j&agrave; acquis un capital symbolique important et que leur processus de cons&eacute;cration ait abouti. Cette s&eacute;rie d&rsquo;a&iuml;eux, ces &laquo;&nbsp;pr&eacute;-structuralistes&nbsp;&raquo;, tous rassembl&eacute;s sous la m&ecirc;me couverture sobre<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote25_hinji3j" id="footnoteref25_hinji3j" title="Sur un fond beige, un jeu de couleur associe, d’une part, en rouge, le nom de l’auteur et les Éditions du Seuil, et d’autre part, en noir, le titre de l’œuvre et le nom de la collection.">25</a><br /> de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, se voient en quelque sorte sacr&eacute;s po&eacute;ticiens du m&ecirc;me coup qu&rsquo;ils contribuent &agrave; construire la discipline po&eacute;tique. Comment ces pr&eacute;curseurs &eacute;trangers sont-ils alors pr&eacute;sent&eacute;s au public fran&ccedil;ais&nbsp;? Leurs &oelig;uvres conditionnent-elles des modalit&eacute;s d&rsquo;appropriation singuli&egrave;res&nbsp;? Comment le p&eacute;ritexte &eacute;ditorial de ces traductions va-t-il prendre en charge &laquo;&nbsp;les profits d&rsquo;appropriation<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote26_03dfufe" id="footnoteref26_03dfufe" title="Pierre Bourdieu, op.cit., p. 5.">26</a><br /> &nbsp;&raquo; que nous venons de d&eacute;crire&nbsp;? Et surtout&nbsp;: comment les principaux concepts import&eacute;s de la sorte dans &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; vont-ils participer &agrave; la construction d&rsquo;une nouvelle discipline po&eacute;tique&nbsp;?</p> <p>Le trait commun de la &laquo;&nbsp;mise en &oelig;uvre&nbsp;&raquo; de ces premi&egrave;res traductions tient dans la relative discr&eacute;tion de leur p&eacute;ritexte&nbsp;: ici, point de pr&eacute;face apolog&eacute;tique, point d&rsquo;&eacute;logieux extrait de presse, point de notice biographique dithyrambique. Dans la plupart des cas, le p&eacute;ritexte original de l&rsquo;ouvrage est conserv&eacute; sans ajout, ou simplement pr&eacute;c&eacute;d&eacute; d&rsquo;une &laquo;&nbsp;note de l&rsquo;&eacute;diteur&nbsp;&raquo; ou d&rsquo;un &laquo;&nbsp;avertissement&nbsp;&raquo;. Cette pr&eacute;sentation ob&eacute;it, en partie, &agrave; un ph&eacute;nom&egrave;ne bien d&eacute;crit dans&nbsp;<em>Traduire la litt&eacute;rature et les sciences humaines</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les ouvrages de fonds, les classiques qui sont destin&eacute;s en priorit&eacute; aux &eacute;tudiants par le syst&egrave;me de la prescription n&rsquo;ont pas besoin du &ldquo;marquage&rdquo; [de la pr&eacute;face] ou m&ecirc;me de l&rsquo;intervention des m&eacute;dias&nbsp;: &ldquo;le terrain de r&eacute;ception est d&eacute;j&agrave; install&eacute;&rdquo;<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote27_90zra4z" id="footnoteref27_90zra4z" title="Gisèle Sapiro [dir.], op.cit., p. 267.">27</a><br /> . &raquo; La posture du lecteur fran&ccedil;ais face &agrave; ces &oelig;uvres canoniques est, en effet, d&eacute;j&agrave; celle de la post&eacute;rit&eacute;&nbsp;: le Wellek et Warren, &laquo;&nbsp;ce livre [qui] est dans presque tous les pays l&rsquo;ouvrage de base et la r&eacute;f&eacute;rence indispensable pour tous ceux, universitaires ou non, qui abordent l&rsquo;&eacute;tude de la litt&eacute;rature en tant que telle&nbsp;&raquo; (page 4 de couverture), on ne le pr&eacute;sente plus&nbsp;! Le cas n&rsquo;apparait, bien s&ucirc;r, pas toujours aussi franchement&nbsp;: les formalistes russes, dont Propp, ont &eacute;t&eacute; brid&eacute;s dans les ann&eacute;es 30 par le r&eacute;gime sovi&eacute;tique et n&rsquo;ont pas b&eacute;n&eacute;fici&eacute; aussi ais&eacute;ment de cette reconnaissance internationale &ndash; et le champ fran&ccedil;ais s&rsquo;av&egrave;re particuli&egrave;rement en retard&nbsp;; la premi&egrave;re traduction anglaise de&nbsp;<em>Morphologie du conte&nbsp;</em>datant de 1958, ce que ne manque pas de souligner la note de l&rsquo;&eacute;diteur, justifiant&nbsp;<em>de facto&nbsp;</em>la n&eacute;cessit&eacute; de la version fran&ccedil;aise<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote28_b0hehz3" id="footnoteref28_b0hehz3" title="Version française dont il importe alors de souligner l’originalité : « La présente traduction suit la deuxième édition russe de livre de Vladimir Propp […], à la différence des traductions antérieures – en anglais (1958, 1968) et en italien (1966) – qui ne pouvaient se fonder que sur la première édition (Leningrad, Akademia, 1928) », Vladimir Propp, Morphologie du conte, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 1970, p. 4.">28</a><br /> . Mais les ouvrages de Propp et de Jakobson, ainsi que les c&eacute;l&egrave;bres concepts qu&rsquo;ils introduisirent en France et en francophonie &ndash; &agrave; commencer par la notion m&ecirc;me de&nbsp;<em>morphologie,&nbsp;</em>sur laquelle Propp revient lui-m&ecirc;me dans la pr&eacute;face originale de son &oelig;uvre<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote29_r1c6yog" id="footnoteref29_r1c6yog" title="« Le mot de morphologie signifie l’étude des formes. En botanique, la morphologie comprend l’étude des parties constitutives d’une plante, de leur rapport les unes aux autres et à l’ensemble; autrement dit, l’étude de la structure d’une plante. Personne n’a pensé à la possibilité de la notion et du terme de morphologie du conte », Vladimir Propp, op.cit., p. 6.">29</a><br /> &nbsp;&ndash;, b&eacute;n&eacute;ficient d&rsquo;une sorte de &nbsp;<em>pr&eacute;-marquage&nbsp;</em>: la pens&eacute;e formaliste venue de Russie est, depuis quelques ann&eacute;es, en train de se r&eacute;pandre dans les milieux intellectuels parisiens, gr&acirc;ce &agrave;, entres autres personnes, Todorov et son ami Nicolas Ruwet. La publication de&nbsp;<em>Morphologie du conte</em>&nbsp;en 1970 est ainsi suivie d&rsquo;un article de Propp d&eacute;j&agrave; paru dans&nbsp;<em>Th&eacute;orie de la litt&eacute;rature&nbsp;</em>en 1965&nbsp;&ndash;<em>&nbsp;Transformacii Volshebnykh skazok&nbsp;</em>&ndash; et les th&eacute;ories de Jakobson, dix avant&nbsp;<em>Questions de po&eacute;tique,</em>&nbsp;et deux ans avant l&rsquo;anthologie de Todorov, avaient d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; introduites en France gr&acirc;ce &agrave; la traduction, par Ruwet, en 1963 aux &Eacute;ditions de Minuit, de ses&nbsp;<em>Essais de linguistique g&eacute;n&eacute;rale.&nbsp;</em>Le terrain fran&ccedil;ais &eacute;tait d&eacute;j&agrave; donc pr&eacute;par&eacute; &agrave; la r&eacute;ception de ces ouvrages russes &ndash; r&eacute;ception d&eacute;j&agrave; fortement orient&eacute;e par Todorov, d&egrave;s la pr&eacute;sentation de&nbsp;<em>Th&eacute;orie de la litt&eacute;rature&nbsp;:</em></p> <blockquote> <p>La doctrine formaliste russe est &agrave; l&rsquo;origine de la linguistique structurale, tout au moins du courant repr&eacute;sent&eacute; par le Cercle linguistique de Prague. [&hellip;] Ainsi, les id&eacute;es des formalistes sont pr&eacute;sentes dans la pens&eacute;e scientifique actuelle&nbsp;; leurs textes, par contre, ne purent franchir les multiples fronti&egrave;res apparues depuis<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote30_uha8xnk" id="footnoteref30_uha8xnk" title="Tzvetan Todorov [trad.], Théorie de la littérature, Paris, Seuil, coll. « Tel Quel », 1965, p. 15.">30</a><br /> <em>.</em></p> </blockquote> <p>L&rsquo;entreprise g&eacute;n&eacute;alogique est ainsi lanc&eacute;e et la publication de Propp dans &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; rejoint ce dessein, gr&acirc;ce &agrave; une strat&eacute;gie semblable : &laquo;&nbsp;Parue en 1928, la&nbsp;<em>Morphologie du conte&nbsp;</em>est &agrave; l&rsquo;analyse structurale du r&eacute;cit ce que le&nbsp;<em>Cours&nbsp;</em>de Saussure est &agrave; la linguistique&nbsp;: une source d&rsquo;inspiration&nbsp;&raquo;, lit-on sur la page 4 de couverture. Le m&ecirc;me ph&eacute;nom&egrave;ne est observable en ce qui concerne Jakobson : les &eacute;l&eacute;ments de marquage renvoient &agrave; ce que le public est d&eacute;j&agrave; susceptible de conna&icirc;tre du th&eacute;oricien russe, c&rsquo;est-&agrave;-dire son &oelig;uvre de linguiste. Ainsi, on lit sur la page 4 de couverture de&nbsp;<em>Questions de po&eacute;tique</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Linguiste et po&eacute;ticien, Roman Jakobson a su [&hellip;] f&eacute;conder l&rsquo;un et l&rsquo;autre domaine&nbsp;: ouvrant les yeux des linguistes aux faits po&eacute;tiques, consid&eacute;r&eacute;s longtemps comme marginaux&nbsp;; et prouvant aux &laquo;&nbsp;litt&eacute;raires&nbsp;&raquo; que la po&eacute;sie est bien, avant tout, &oelig;uvre de langage.&nbsp;&raquo; La revue&nbsp;<em>Po&eacute;tique&nbsp;</em>a d&rsquo;ailleurs, elle aussi, contribu&eacute; &agrave; pr&eacute;-marquer l&rsquo;ouvrage de la collection. En 1971, le num&eacute;ro 7 est consacr&eacute; &agrave; Jakobson et Todorov r&eacute;dige une introduction, qui aurait tr&egrave;s bien pu figurer au d&eacute;but de&nbsp;<em>Questions de po&eacute;tique&nbsp;</em>: celui-ci pr&eacute;sente celui-l&agrave; comme &laquo;&nbsp;un des plus grands th&eacute;oriciens de la litt&eacute;rature&nbsp;&raquo; et part du constat qu&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;on conna&icirc;t bien, en France et ailleurs, l&rsquo;&oelig;uvre de Jakobson linguiste. Par comparaison, ses &eacute;crits de po&eacute;tique semblent occuper une position marginale&nbsp;&raquo; &ndash; &eacute;crits qui sont, h&eacute;las, &laquo; dispers&eacute;s dans une dizaine de langues, publi&eacute;s dans des revues ou des &ldquo;m&eacute;langes&rdquo; souvent introuvables<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote31_y0q44oz" id="footnoteref31_y0q44oz" title="Tzvetan Todorov, « Roman Jakobson poéticien », Poétique, n°7 (septembre, 1971), p. 275.">31</a><br /> &raquo;. En 1973, le recueil de 29 de ces textes dans la collection r&eacute;pond alors &agrave; une lacune que la revue avait d&eacute;j&agrave; point&eacute;e, et vient achever un travail dont le chantier a &eacute;t&eacute; ouvert deux ans auparavant&nbsp;: le rassemblement de ces &eacute;crits sous la couverture de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; et sous ce titre unificateur &ndash; qui lie efficacement le recueil au projet &eacute;ditorial&nbsp;; les deux se soutenant alors mutuellement &ndash; s&rsquo;av&egrave;re d&egrave;s lors un marquage suffisant, et tr&egrave;s coh&eacute;rent. Ces diff&eacute;rentes op&eacute;rations de pr&eacute;-marquage &ndash; ces diff&eacute;rents ancrages intertexuels &ndash; garantissent la bonne r&eacute;ception des ces auteurs russes, et le succ&egrave;s de l&rsquo;importation de la panoplie de concepts qu&rsquo;ils ont forg&eacute;s &ndash; de l&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;atome narratif&nbsp;&raquo; de Propp &agrave; la fameuse &laquo;&nbsp;fonction po&eacute;tique&nbsp;&raquo; de Jakobson &ndash; tout en dispensant la collection d&rsquo;un appareillage p&eacute;ritextuel trop lourd&nbsp;: suffisent alors une br&egrave;ve note de l&rsquo;&eacute;diteur, ou un avertissement<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote32_dsdntcw" id="footnoteref32_dsdntcw" title="On peut signaler la présence d’un « post-scriptum » de Jakobson à la fin de son ouvrage – seul texte inédit du recueil – qui fait en quelque sorte le bilan des études que le lecteur vient de lire et qui prolonge la réflexion. De même que dans l’article de Mélétinski, qui suit Morphologie du conte et fait le point sur l’accueil qu’a connu l’ouvrage depuis sa première publication, une fonction informative domine cet appendice de Jakobson – qui s’intègre à l’œuvre et participe à la construction globale de son sens.">32</a><br /> , pour fournir des indications tr&egrave;s pragmatiques concernant l&rsquo;organisation de l&rsquo;ouvrage &ndash; il faut noter que l&rsquo;avertissement qui pr&eacute;c&egrave;de&nbsp;<em>Questions de po&eacute;tique&nbsp;</em>est sign&eacute; par Todorov, dont le seul nom agit comme un v&eacute;ritable catalyseur de capital symbolique, &eacute;tant donn&eacute; le r&ocirc;le d&rsquo;introducteur de la pens&eacute;e russe qu&rsquo;il joue depuis 1965 et l&rsquo;autorit&eacute; qu&rsquo;il a acquise dans ce domaine.</p> <p>Si l&rsquo;importation de concepts formalistes vient donc rattraper un retard flagrant de la pens&eacute;e fran&ccedil;aise, il en va de m&ecirc;me pour la publication de&nbsp;<em>La th&eacute;orie litt&eacute;raire</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;La traduction fran&ccedil;aise du livre classique de R&eacute;n&eacute; Wellek et Austin Warren,&nbsp;<em>Theory of literature,&nbsp;</em>vient combler une lacune &eacute;vidente&nbsp;&raquo;, lit-on sur la page 4 de couverture. Il s&rsquo;agit, en quelque sorte, d&rsquo;<em>autoriser&nbsp;</em>la traduction en mettant l&rsquo;accent sur l&rsquo;originalit&eacute; de l&rsquo;ouvrage et sur la plus-value que sa publication apportera au champ fran&ccedil;ais : &laquo;&nbsp;Premier manuel des &eacute;tudes proprement litt&eacute;raires, le &ldquo;Wellek et Warren&rdquo; marquera, en France, une &eacute;tape dans l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une nouvelle&nbsp;<em>po&eacute;tique&nbsp;</em>&raquo; (page 4 de couverture).&nbsp;Nouvelle discipline que les directeurs de la collection &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; n&rsquo;ont aucunement besoin ni d&rsquo;expliciter ni de d&eacute;fendre dans les marges de&nbsp;<em>La th&eacute;orie litt&eacute;raire,&nbsp;</em>tant le p&eacute;ritexte original du d&eacute;sormais c&eacute;l&egrave;bre manuel a valeur de programme. Dans la premi&egrave;re pr&eacute;face auctoriale, dat&eacute;e du 1<sup>er</sup>&nbsp;mai 1948, les auteurs &eacute;crivent&nbsp;:</p> <blockquote> <p>[&hellip;] nous nous sommes efforc&eacute;s d&rsquo;unir &laquo;&nbsp;po&eacute;tique&nbsp;&raquo; (ou th&eacute;orie litt&eacute;raire) et &laquo;&nbsp;critique&nbsp;&raquo; (ou &eacute;valuation de la litt&eacute;rature) d&rsquo;une part, et d&rsquo;autre part &eacute;rudition (ou &laquo;&nbsp;recherche&nbsp;&raquo;) et histoire litt&eacute;raire (c&rsquo;est-&agrave;-dire l&rsquo;aspect &laquo;&nbsp;dynamique&nbsp;&raquo; de la litt&eacute;rature par rapport &agrave; l&rsquo;aspect &laquo;&nbsp;statique&nbsp;&raquo; abord&eacute; par la th&eacute;orie et la critique<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote33_477l6u9" id="footnoteref33_477l6u9" title="René Wellek et Austin Warren, La théorie littéraire, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1971, p. 7.">33</a><br /> .</p> </blockquote> <p>Vingt-deux ans avant la cr&eacute;ation de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, Wellek et Warren &eacute;noncent ainsi les principales lignes de force qui vont pr&eacute;sider au projet de la collection qui les accueille, en 1971, en version fran&ccedil;aise&nbsp;: rien ne pouvait mieux participer &agrave; son acclimatation. La pr&eacute;sentation de la revue&nbsp;<em>Po&eacute;tique</em>&nbsp;y correspond ainsi en tout point&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Revue de th&eacute;orie et d&rsquo;analyse litt&eacute;raires, elle ne pr&eacute;tend ni contester ni supplanter les publications traditionnellement vou&eacute;e &agrave; l&rsquo;histoire litt&eacute;raire et &agrave; l&rsquo;&eacute;rudition&nbsp;: elle se veut essentiellement un lieu d&rsquo;&eacute;tude de la litt&eacute;rature en tant que telle [&hellip;], et donc un lieu d&rsquo;&eacute;change et de f&eacute;condation entre la th&eacute;orie litt&eacute;raire et ce que l&rsquo;on nomme encore [&hellip;] la &laquo;&nbsp;critique&nbsp;&raquo;<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote34_838huip" id="footnoteref34_838huip" title="[Anonyme], « Présentation », Poétique, op.cit., p. 1.">34</a><br /> .</p> </blockquote> <p>Les similitudes sont telles qu&rsquo;il est possible de voir dans cette pr&eacute;face de 1948, que les &eacute;diteurs d&eacute;cident de conserver sans ajout, une sorte de d&eacute;claration d&rsquo;intention oblique, m&eacute;di&eacute;e, qui vaudrait alors pour la collection. Et la tactique &eacute;ditoriale visant &agrave; se doter de glorieux anc&ecirc;tres pour l&eacute;gitimer un projet en cours de construction se voit en quelque sorte doubl&eacute;e, mise en abyme dans&nbsp;<em>La th&eacute;orie litt&eacute;raire&nbsp;</em>elle-m&ecirc;me<em>&nbsp;</em>:</p> <blockquote> <p>Le livre que nous avons &eacute;crit n&rsquo;a pas, &agrave; notre connaissance, de v&eacute;ritable &eacute;quivalent. [&hellip;]. Il ne refuserait pas la filiation qui le relie aux ouvrages de po&eacute;tique et de rh&eacute;torique (depuis Aristote jusqu&rsquo;&agrave; Blair, Campbell et Kames), aux trait&eacute;s syst&eacute;matiques sur les belles-lettres et la stylistique, ou aux livres intitul&eacute;s&nbsp;<em>Principes de critique litt&eacute;raire.&nbsp;</em>Mais [&hellip;] le livre se rapprocherait davantage de certains ouvrages allemands ou russes, comme&nbsp;<em>Gehalt und Gestalt&nbsp;</em>de Walzel,&nbsp;<em>Die Wissenschaft von der Dichtung&nbsp;</em>de Julius Petersen, ou de la&nbsp;<em>Th&eacute;orie de la litt&eacute;rature&nbsp;</em>de Tomachevski<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote35_gg5yq8b" id="footnoteref35_gg5yq8b" title="René Wellek et Austin Warren, op.cit., p. 7.">35</a><br /> .</p> </blockquote> <p>On voit ainsi se dessiner une filiation commune qui rejoint celle que les directeurs de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; tentent d&rsquo;&eacute;laborer&nbsp;: d&rsquo;Aristote &ndash; dont la&nbsp;<em>Po&eacute;tique&nbsp;</em>sera traduite en 1980 dans &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; &ndash; &agrave;&nbsp;<em>Theory of literature</em>&nbsp;de Tomachevski &ndash; dont un extrait du livre a d&rsquo;ailleurs &eacute;t&eacute; traduit par Todorov dans son anthologie qu&rsquo;il choisit significativement de nommer&nbsp;<em>Th&eacute;orie de la litt&eacute;rature&nbsp;</em>&ndash; la lign&eacute;e trac&eacute;e par Wellek et Warren aboutit naturellement aux derni&egrave;res recherches de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;. Ce qui est alors remarquable pour le propos qui nous occupe, c&rsquo;est d&rsquo;observer comment le concept m&ecirc;me de&nbsp;<em>Theory of literature</em><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote36_b2u12or" id="footnoteref36_b2u12or" title="L’ouvrage devait idéalement porter le titre de Théorie de la littérature, et respecter ainsi fidèlement, à la fois le titre original du Wellek et Warren et le concept central qu’il véhiculait, mais l’anthologie de Todorov portant déjà ce nom, les directeurs de « Poétique » ont été contraints, avec beaucoup de regrets, d’adopter le titre La théorie littéraire, qui fait subir une sorte de distorsion fondamentale au projet même qui justifie le manuel.">36</a><br /> vient r&eacute;pondre de la qualit&eacute; de la collection et a valeur d&rsquo;<em>engagement&nbsp;</em>pour celle-ci. Il y a donc r&eacute;ciprocit&eacute; dans le processus de marquage de ce manuel am&eacute;ricain. D&rsquo;une part, le seul nom de la collection inscrit l&rsquo;ouvrage dans un cadre disciplinaire pr&eacute;d&eacute;fini et agit comme un v&eacute;ritable vecteur de cons&eacute;cration par le fait m&ecirc;me qu&rsquo;une collection soit &agrave; pr&eacute;sent enti&egrave;rement d&eacute;di&eacute;e &agrave; la conception des &eacute;tudes litt&eacute;raires que Wellek et Warren ont appel&eacute;e de leurs v&oelig;ux des ann&eacute;es auparavant. Mais d&rsquo;autre part, et surtout, l&rsquo;ouvrage am&eacute;ricain vient circonscrire une ligne &eacute;ditoriale qui correspond au seul &eacute;l&eacute;ment d&eacute;finitionnel que &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; a livr&eacute;&nbsp;du projet qui motive sa cr&eacute;ation&nbsp;: son nom. C&rsquo;est, en effet, le concept m&ecirc;me de po&eacute;tique que vient accr&eacute;diter&nbsp;<em>La th&eacute;orie litt&eacute;raire&nbsp;</em>: en fixant le cadre conceptuel de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, l&rsquo;effet de label&nbsp;<em>dominant</em>&nbsp;circule ainsi du livre &agrave; la collection, et non l&rsquo;inverse. La publication du &laquo;&nbsp;Wellek et Warren&nbsp;&raquo; agit ainsi comme une sorte de caution, ou plut&ocirc;t, une garantie de conformit&eacute;. La r&eacute;ussite du transfert &agrave; la collection de ce que l&rsquo;on pourrait nommer le&nbsp;<em>capital conceptuel&nbsp;</em>de&nbsp;<em>La th&eacute;orie litt&eacute;raire&nbsp;</em>d&eacute;pend alors en grande partie du succ&egrave;s de celui de son capital symbolique&nbsp;: plus le livre est connu et reconnu comme un classique dans son champ de production, plus ses chances d&rsquo;int&eacute;gration au champ d&rsquo;accueil sont &eacute;lev&eacute;es. Les divers proc&eacute;d&eacute;s de pr&eacute;sentation du &laquo;&nbsp;manuel&nbsp;&raquo; &eacute;pingl&eacute;s plus haut participent &agrave; la n&eacute;cessaire &laquo;&nbsp;classicisation&nbsp;&raquo; de celui-ci, mais il faut ajouter &agrave; ceux-ci un dernier&nbsp;: le maintien, en plus de la pr&eacute;face originale, des deux autres pr&eacute;faces ult&eacute;rieures &eacute;crites par les auteurs &agrave; l&rsquo;occasion de la deuxi&egrave;me &eacute;dition (1955) et &agrave; la troisi&egrave;me (1962), qui font &eacute;tat des diverses traductions que l&rsquo;ouvrage a connues. Comme pour Propp, l&rsquo;accent est plac&eacute; sur le nombre &eacute;lev&eacute; d&rsquo;&eacute;ditions et de traductions, et la conservation du p&eacute;ritexte qui en t&eacute;moigne agit comme un gage de qualit&eacute; et participe &agrave; la mod&eacute;lisation de l&rsquo;&oelig;uvre&nbsp;: il est la&nbsp;<em>trace</em>&nbsp;de son parcours vers la cons&eacute;cration &ndash; d&eacute;sormais ind&eacute;niable.</p> <p>Lorsque les ouvrages traduits ne jouissent ni d&rsquo;une aura internationale, ni des b&eacute;n&eacute;fices d&rsquo;un pr&eacute;-marquage, comme c&rsquo;est le cas des textes allemands, le p&eacute;ritexte qui les accompagne est plus cons&eacute;quent, mais il s&rsquo;agit toujours d&rsquo;apporter un compl&eacute;tement d&rsquo;information plus que d&rsquo;endosser une fonction de recommandation. Dans le cas de Jolles et des auteurs rassembl&eacute;s dans&nbsp;<em>L&rsquo;absolu litt&eacute;raire,&nbsp;</em>il est sans doute apparu n&eacute;cessaire aux &eacute;diteurs d&rsquo;encourager la bonne r&eacute;ception des textes, en faisant preuve de didactisme&nbsp;: ainsi, une assez longue notice biobibliographique pr&eacute;c&egrave;de&nbsp;<em>Formes simples</em>&nbsp;et introduit aux principaux concepts du livres, &agrave; savoir les modes de discours (<em>Aussageweise</em>)&nbsp;&ndash; interrogatif, indicatif, imp&eacute;ratif, optatif, silence &ndash; tandis qu&rsquo;un volumineux avant-propos s&rsquo;essaie &agrave; pr&eacute;senter le &laquo;&nbsp;premier romantisme&nbsp;&raquo; allemand (<em>Fr&uuml;hromantik</em>), auquel le recueil de Nancy et Lacoue-Labarthe est enti&egrave;rement d&eacute;di&eacute;. En ce qui concerne cette anthologie, le discours d&rsquo;escorte est d&rsquo;autant plus important qu&rsquo;il s&rsquo;agit aussi de justifier le rassemblement m&ecirc;me de ces diff&eacute;rents textes de l&rsquo;&eacute;cole d&rsquo;I&eacute;na, au nom d&rsquo;un objectif commun&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Il n&rsquo;y a pas &agrave; chercher bien loin les marques de l&rsquo;h&eacute;ritage [&hellip;] dont nous parlons&nbsp;:&nbsp;<em>on peut le trouver sur la couverture de ce livre&nbsp;: intituler une collection (et une revue) du terme de&nbsp;</em>po&eacute;tique<em>, qu&rsquo;est-ce d&rsquo;autre que remettre en jeu, par-del&agrave; Val&eacute;ry et quelques autres, le terme et une partie du concept qui r&eacute;sumaient, en 1802, le programme des&nbsp;</em>Le&ccedil;ons sur l&rsquo;art et la litt&eacute;rature<em>&nbsp;d&rsquo;August Wilhelm Schlege</em>l &ndash; le&ccedil;ons qui ne faisaient elles-m&ecirc;mes qu&rsquo;exposer une po&eacute;tique g&eacute;n&eacute;rale surgie, quelques ann&eacute;es plus t&ocirc;t, dans le cercle d&rsquo;I&eacute;na. Si la lacune fran&ccedil;aise n&rsquo;en est que plus &eacute;trange, on ne s&rsquo;&eacute;tonnera donc pas qu&rsquo;il paraisse souhaitable de commencer, ici, &agrave; la combler<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote37_wo5t0we" id="footnoteref37_wo5t0we" title="Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, L’Absolu littéraire, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1978, p. 10. Nous soulignons.">37</a><br /> .</p> </blockquote> <p>Plus que jamais la&nbsp;<em>superposition conceptuelle</em>&nbsp;entre le nom de la collection et la discipline que viennent illustrer ces ouvrages est ici &eacute;pingl&eacute;e &ndash; d&eacute;ployant ses effets de l&eacute;gitimation crois&eacute;s &ndash;et si l&rsquo;on reconna&icirc;t l&agrave; une strat&eacute;gie bien connue, plus loin, on peut lire que si l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de cette publication est bel et bien &laquo;&nbsp;arch&eacute;ologique&nbsp;&raquo;, les raisons de pr&eacute;senter ce travail &laquo;&nbsp;ont le rapport le plus pr&eacute;cis avec nos int&eacute;r&ecirc;ts et notre situation actuels&nbsp;&raquo;. Il importe en effet de ne pas faire subir un &laquo; &eacute;crasement pur et simple de l&rsquo;histoire&nbsp;<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote38_hc070al" id="footnoteref38_hc070al" title="Ibid, p. 26.">38</a><br /> &raquo; &agrave; la recherche actuelle et bient&ocirc;t, le temps des publications endoscopiques laissera la place &agrave; la pens&eacute;e en marche&nbsp;: en t&eacute;moigne, d&eacute;j&agrave; en 1973, la publication du&nbsp;<em>Temps&nbsp;</em>de Weinrich seulement neuf ans apr&egrave;s sa premi&egrave;re &eacute;dition de 1964, annon&ccedil;ant d&egrave;s lors la seconde vague de traduction que connaitra &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;. Weinrich, qui a particip&eacute; au num&eacute;ro 1 de la revue&nbsp;<em>Po&eacute;tique</em>, est un proche collaborateur des directeurs de la collection<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote39_y7p09p9" id="footnoteref39_y7p09p9" title="En 1974, après le départ d’Hélène Cixous, Weinrich intègre le conseil de rédaction de Poétique, qui se veut, à l’image de la revue, international. Il est alors composé de Michel Charles, Paul de Man, Philippe Hamon, Philippe Lacoue-Labarthe, Michel Riffaterre, et d’Hélène Cixous, dont le maintien est surtout symbolique.">39</a><br /> &ndash; ce qui explique sans doute le p&eacute;ritexte silencieux de son ouvrage, qui ne peut ob&eacute;ir aux proc&eacute;d&eacute;s que nous venons de d&eacute;crire et qui ne peut se soumettre encore &agrave; ceux qui pr&eacute;sideront &agrave; la suite du catalogue :&nbsp;<em>Le temps&nbsp;</em>est en quelque sorte &laquo;&nbsp;en avance&nbsp;&raquo; sur le rythme de la collection elle-m&ecirc;me et s&rsquo;offre alors muettement aux lecteurs.</p> <p>Pour conclure cette r&eacute;flexion sur les anc&ecirc;tres illustres dont se dote &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, on peut pointer une derni&egrave;re particularit&eacute; du p&eacute;ritexte &eacute;ditorial qui accompagne ces ouvrages fondateurs&nbsp;: aucune mention de la traduction n&rsquo;est visible sur la couverture&nbsp;; elle n&rsquo;appara&icirc;t que sur la page de titre &ndash; ce qui ne sera plus le cas &agrave; partir de&nbsp;<em>Baudelaire et Freud</em>&nbsp;de L&eacute;o Bersani, publi&eacute; en 1981. Ce silence inaugural peut &ecirc;tre rapproch&eacute; de la pr&eacute;caution des notices biographiques pr&eacute;sentes sur la page 4 de couverture&nbsp;: si la nationalit&eacute; de l&rsquo;auteur est de temps &agrave; autre signal&eacute;e, c&rsquo;est surtout l&rsquo;appartenance universitaire qui est soulign&eacute;e. &Agrave; l&rsquo;&eacute;poque, l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t n&rsquo;est en effet pas, pour &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, d&rsquo;insister sur l&rsquo;&eacute;tranget&eacute; des id&eacute;es qu&rsquo;il importe de s&rsquo;approprier mais, au contraire, de cr&eacute;er une communaut&eacute; de chercheurs, une R&eacute;publique de la th&eacute;orie, lib&eacute;r&eacute;e de toute servitude &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des nationalismes. Il importe aux directeurs de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; d&rsquo;inscrire leur collection &agrave; la suite d&rsquo;une s&eacute;rie mythique&nbsp;<em>supranationale&nbsp;</em>qui inaugure celle-ci, dans le m&ecirc;me temps o&ugrave; elle la certifie&nbsp;: ces ouvrages donnent le coup d&rsquo;envoi de&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; tout en fixant les contours conceptuels d&rsquo;une nouvelle po&eacute;tique, dans lesquels viendront s&rsquo;inscrire les prochains ouvrages de la collection. Ceci explique alors que Genette et Todorov, qui sont &agrave; la fois &eacute;diteurs et auteurs, n&rsquo;investissent, dans les abords de ces livres, que le premier de ses deux r&ocirc;les&nbsp;&ndash; contrairement &agrave; la deuxi&egrave;me p&eacute;riode que nous allons d&eacute;crire&nbsp;: la notori&eacute;t&eacute; des ouvrages traduits dispense ceux-ci de recommandation, tandis que la collection a, elle, besoin de l&rsquo;aval que ces textes lui accorde. Cette s&eacute;rie aux marges presque vides inverse alors le m&eacute;canisme commun d&rsquo;accompagnement&nbsp;des &oelig;uvres : c&rsquo;est elle, tout enti&egrave;re, dot&eacute;e d&rsquo;une fonction ambassadrice, qui a valeur de&nbsp;<em>pr&eacute;face</em>&nbsp;pour l&rsquo;ensemble de la collection&nbsp;<em>&agrave; venir.</em></p> <h2><strong>1980 &ndash; 1988&nbsp;: une po&eacute;tique du dialogue</strong></h2> <p>Apr&egrave;s dix ans d&rsquo;activit&eacute;, la collection &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; a ainsi publi&eacute; de nombreuses traductions qui firent date, ainsi que certains ouvrages fondateurs de la th&eacute;orie fran&ccedil;aise&nbsp;:&nbsp;<em>Figures III&nbsp;</em>de Genette (1972),&nbsp;<em>Le pacte autobiographique&nbsp;</em>de Lejeune (1975),&nbsp;<em>Proust et le monde sensible&nbsp;</em>de Richard (1974),&nbsp;<em>Th&eacute;ories du symbole&nbsp;</em>(1977) de Todorov, pour ne citer qu&rsquo;eux. Elle a donc accumul&eacute; un certain capital symbolique et assis solidement sa position dans le champ de la th&eacute;orie et de la critique litt&eacute;raire en France mais l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de ses directeurs pour les recherches se d&eacute;roulant<em>&nbsp;extra-muros&nbsp;</em>ne faiblit pas. En huit ans, on compte huit traductions &ndash; sur chacune desquelles nous n&rsquo;aurons pas l&rsquo;occasion de revenir ici en d&eacute;tail mais dont il importe de cerner l&rsquo;ancrage &eacute;ditorial, au regard de la premi&egrave;re p&eacute;riode circonscrite. Mis &agrave; part les&nbsp;<em>&Eacute;crits du cercle de Bakhtine</em>, qui viennent en annexe &agrave;&nbsp;<em>Mikha&iuml;l Bakhtine, le principe dialogique&nbsp;</em>de Todorov<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote40_gl1xaoq" id="footnoteref40_gl1xaoq" title="Dans la préface de cet ouvrage, Todorov revient sur les difficultés que rencontrent les traducteurs devant des notions complexes, telles que celles proposées par Bakhtine : « De ce fait, ses concepts essentiels, ceux de discours, d’énoncé, d’hétérologie, d’exotopie et bien d’autres, sont rendus par des “équivalents” déroutants, ou bien disparaissent purement et simplement devant le souci qu’à le traducteur d’éviter les répétitions ou les obscurités », Tzvetan Todorov, Mikhaïl Bakhtine, le principe dialogique, suivi de Écrits du Cercle de Bakhtine, Paris, Seuil, coll. « Poétique », p. 11.">40</a><br /> (1981) et&nbsp;<em>Russie, Folie, Po&eacute;sie</em>&nbsp;de Jakobson (1986)<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote41_9z08rrg" id="footnoteref41_9z08rrg" title="Entre cette période et la précédente, il y a, bien sûr, des chevauchements et ces deux ouvrages obéissent plutôt à la dynamique qui présida à la première décennie de la collection : même si ces textes vont participer à un renouveau de la théorie et des acquis formalistes, il s’agit tout de même d’étoffer un arbre généalogique, dont les branches multiples pourront correspondre alors aux divers questionnements d’une poétique moderne en construction – et justifier ces retournements.">41</a><br /> , recueil de textes choisis et pr&eacute;sent&eacute;s par Todorov &eacute;galement, les textes d&eacute;sormais traduits sont tous relativement r&eacute;cents. Le moins contemporain est&nbsp;<em>Logique des genres litt&eacute;raires&nbsp;</em>de Hamburger, publi&eacute; en 1986, c&rsquo;est-&agrave;-dire vingt-neuf ans apr&egrave;s sa version allemande, tandis que tous les autres ouvrages sont traduits dans les cinq ann&eacute;es qui suivent leur parution originale&nbsp;: deux ans pour&nbsp;<em>Le grand code. La Bible et la litt&eacute;rature&nbsp;</em>de Frye (1984), trois ans pour&nbsp;<em>La transparence int&eacute;rieure&nbsp;</em>de Dorrit Cohn (1981), quatre ans pour&nbsp;<em>Baudelaire et Freud&nbsp;</em>de L&eacute;o Bersani (1981) et cinq ans pour&nbsp;<em>S&eacute;miotique de la po&eacute;sie&nbsp;</em>de Riffaterre (1983). Le p&eacute;ritexte qui accompagne ces textes pr&eacute;sente d&eacute;sormais une assez grande vari&eacute;t&eacute; de cas&nbsp;: note du traducteur, pr&eacute;face auctoriale, pr&eacute;face allographe, avant-propos de l&rsquo;auteur, &hellip; Ce que l&rsquo;on remarque ainsi d&rsquo;entr&eacute;e de jeu, c&rsquo;est l&rsquo;effacement d&rsquo;un p&eacute;ritexte purement &eacute;ditorial, du type &laquo;&nbsp;note de l&rsquo;&eacute;diteur&nbsp;&raquo;. Un autre &eacute;l&eacute;ment saillant de cette p&eacute;riode est constitu&eacute; par les d&eacute;clarations des traducteurs, qui t&eacute;moignent, d&rsquo;une part, de leur travail souvent difficile, compte tenu de la teneur conceptuelle des ouvrages &agrave; traduire ainsi que, d&rsquo;autre part, de l&rsquo;aide absolument n&eacute;cessaire qu&rsquo;ils ont re&ccedil;ue des auteurs de ceux-ci. Pierre Cadiot, traducteur du livre de Hamburger, d&eacute;clare ainsi que l&rsquo;objet de sa note pr&eacute;liminaire &laquo;&nbsp;est d&rsquo;&eacute;clairer les principaux choix &ldquo;traductologiques&rdquo; qui ont pr&eacute;sid&eacute; &agrave; cette version de&nbsp;<em>Logik der Dichtung</em>&nbsp;&raquo; qui, &laquo;&nbsp;sp&eacute;cialement dans le cas pr&eacute;sent, [&hellip;] engagent l&rsquo;interpr&eacute;tation du livre et contribuent donc &agrave; &eacute;clairer le contenu m&ecirc;me de l&rsquo;ouvrage tel qu&rsquo;il est pr&eacute;sent&eacute; au lecteur fran&ccedil;ais<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote42_5n9jk2u" id="footnoteref42_5n9jk2u" title="Käte Hamburger, Logique des genres littéraires, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1986, p. 17.">42</a><br /> &nbsp;&raquo;, tandis que Jean-Jacques Thomas remercie Michel Riffaterre d&rsquo;avoir jug&eacute; bon de rectifier de temps &agrave; autre la traduction fran&ccedil;aise de&nbsp;<em>Semiotics of Poetry</em>. &laquo;&nbsp;Lorsque l&rsquo;auteur fait intervenir des notions complexes ou lorsque l&rsquo;ouvrage peut faire d&eacute;bat, l&rsquo;id&eacute;e de fid&eacute;lit&eacute; au texte primordiale<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote43_0crmw3l" id="footnoteref43_0crmw3l" title="Gisèle Sapiro [dir.], op.cit., p. 257.">43</a><br /> &raquo;, c&rsquo;est pourquoi il s&rsquo;agit ainsi d&rsquo;assurer les lecteurs du droit de regard dont l&rsquo;auteur a b&eacute;n&eacute;fici&eacute; sur la traduction de son &oelig;uvre. Il faut noter &eacute;galement que &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; affiche d&eacute;sormais sans crainte, sur la couverture, la mention de la traduction et le nom du traducteur&nbsp;: &agrave; pr&eacute;sent lanc&eacute;e, la collection peut enfin b&eacute;n&eacute;ficier de l&rsquo;image &laquo;&nbsp;valorisante de m&eacute;diateur et de passeur entre les langues et les savoirs<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote44_fojrl5t" id="footnoteref44_fojrl5t" title="Ibid., p. 276.">44</a><br /> &raquo;.</p> <p>Outre cette pr&eacute;sence accrue de la figure du traducteur, on remarque &eacute;galement un changement dans les proc&eacute;d&eacute;s de pr&eacute;sentation des &oelig;uvres. Genette et Todorov sont tous deux des hommes &agrave; triple facette, c&rsquo;est-&agrave;-dire des universitaires &laquo;&nbsp;d&eacute;tenteurs d&rsquo;un monopole de l&eacute;gitimation institutionnelle<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote45_0th1kq2" id="footnoteref45_0th1kq2" title="Dès 1968, Genette est maître-assistant suppléant à l’EPHE et, la même année, Todorov entre au CNRS.">45</a><br /> &nbsp;&raquo; qui sont &agrave; la fois directeurs de collection et auteurs eux-m&ecirc;mes. Cette triple casquette leur octroie un &laquo;&nbsp;capital r&eacute;ticulaire<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote46_6awo9j7" id="footnoteref46_6awo9j7" title="Gisèle Sapiro [dir.], op.cit., p. 258.">46</a><br /> &nbsp;&raquo; consid&eacute;rable qui vient donner raison &agrave; Bourdieu lorsque celui-ci d&eacute;clarait qu&rsquo;une &laquo;&nbsp;bonne part des traductions ne peuvent &ecirc;tre comprises que si on les resitue dans le r&eacute;seau complexe d&rsquo;&eacute;changes internationaux entre d&eacute;tenteurs de positions acad&eacute;miques dominantes<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote47_qg8jxtl" id="footnoteref47_qg8jxtl" title="Pierre Bourdieu, op.cit., p. 5.">47</a><br /> &raquo;. Les auteurs publi&eacute;s dans &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; apr&egrave;s 1980 sont, en effet, li&eacute;s, par des recherches communes, aux directeurs de la collection&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je dois avouer que&nbsp;<em>Po&eacute;tique&nbsp;</em>n&rsquo;&eacute;tait pas seulement une s&eacute;rie de publications mais aussi un r&eacute;seau de relations professionnelles, qui sont vite devenues amicales [&hellip;]. Ces amiti&eacute;s d&eacute;bordaient la France<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote48_rzegb4c" id="footnoteref48_rzegb4c" title="Tzvetan Todorov, Devoirs et Délice : une vie de passeur (entretiens avec Catherine Portevin), op.cit., p. 103.">48</a><br /> &nbsp;&raquo;, d&eacute;clare d&rsquo;ailleurs Todorov &agrave; propos de la revue. &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; rassemble ainsi des collaborateurs proches de ses directeurs, dont le travail est en cours et s&rsquo;alimente aux derni&egrave;res avanc&eacute;es de la pens&eacute;e fran&ccedil;aise &ndash; autant qu&rsquo;il la nourrit&nbsp;: en t&eacute;moigne l&rsquo;avant-propos de Dorrit Cohn, qui &eacute;voque comme point de d&eacute;part &agrave; sa r&eacute;flexion &laquo;&nbsp;ce que T. Todorov appelle les &ldquo;virtualit&eacute;s du discours litt&eacute;raire&rdquo;&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Munie de ces outils conceptuels fondamentaux, je pouvais alors m&rsquo;aventurer librement dans l&rsquo;univers du r&eacute;cit litt&eacute;raire<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote49_l4sgbg5" id="footnoteref49_l4sgbg5" title="Dorrit Cohn, La transparence intérieure : mode de représentation de la vie psychique dans le roman, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1981, p. 9.">49</a><br /> &nbsp;&raquo;, poursuit-elle. Cette proximit&eacute; a ainsi n&eacute;cessairement modifi&eacute; les m&eacute;canismes d&rsquo;appropriation des &oelig;uvres, de m&ecirc;me que la r&eacute;cente reconnaissance dont jouit d&eacute;sormais la collection&nbsp;: puisqu&rsquo;il ne s&rsquo;agit plus d&eacute;sormais de l&eacute;gitimer la cr&eacute;ation d&rsquo;un projet &eacute;ditorial mais plut&ocirc;t de consolider un catalogue, Genette et Todorov &ndash; qui ont, &agrave; cette date, publi&eacute; certains de leurs plus c&eacute;l&egrave;bres ouvrages et assis ainsi leur autorit&eacute; &ndash; ne sont plus contraints de se retrancher frileusement derri&egrave;re leur statut d&rsquo;&eacute;diteur et peuvent alors assumer un r&ocirc;le d&rsquo;auteur garant, ou plut&ocirc;t de&nbsp;<em>r&eacute;pondant</em>. C&rsquo;est ainsi que l&rsquo;on voit chacun des directeurs signer une pr&eacute;face de leur nom &ndash; qui appara&icirc;t d&egrave;s lors sur la couverture&nbsp;: Todorov au&nbsp;<em>Grand code&nbsp;</em>de Frye et Genette &agrave;&nbsp;<em>Logique des genres litt&eacute;raires&nbsp;</em>de Hamburger. Dans les deux cas, comme il s&rsquo;agit d&rsquo;auteurs qui ne manquent pas de reconnaissance dans leur champ de production, il n&rsquo;est pas prioritaire d&rsquo;adopter &agrave; leur &eacute;gard une posture de soutien. Il importe plut&ocirc;t d&rsquo;&eacute;tablir un espace de dialogue entre l&rsquo;&oelig;uvre &eacute;trang&egrave;re et les derni&egrave;res recherches fran&ccedil;aises. Les pr&eacute;faces que donnent Todorov et Genette se pr&eacute;sentent ainsi comme des textes plus critiques que&nbsp;<em>consacrants&nbsp;</em>: la premi&egrave;re s&rsquo;attache &agrave; resituer le&nbsp;<em>Grand code&nbsp;</em>dans l&rsquo;ensemble de l&rsquo;&oelig;uvre de Frye &ndash; &laquo;&nbsp;le plus influent des critiques litt&eacute;raires de langue anglaise&nbsp;&raquo; (page 4 de couverture)&nbsp;&ndash;, tandis que la seconde fait le point sur la r&eacute;ception de l&rsquo;ouvrage de Hamburger &ndash; &laquo;&nbsp;l&rsquo;un des plus c&eacute;l&egrave;bres monuments de la po&eacute;tique moderne<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote50_83icqj7" id="footnoteref50_83icqj7" title="Käte Hamburger, op.cit., p. 7.">50</a><br /> &raquo; &ndash; et sur les aspects les plus discut&eacute;s de celui-ci, dont il importe de conserver la port&eacute;e pol&eacute;mique, qui donne &laquo;&nbsp;&agrave; penser furieusement&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;inqui&egrave;t[e] nos &eacute;vidences<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote51_ojsfp4b" id="footnoteref51_ojsfp4b" title="Ibid., p. 15.">51</a><br /> &raquo;. Si les th&eacute;ories de ces auteurs sont ainsi pr&eacute;sent&eacute;es aux lecteurs comme autant d&rsquo;id&eacute;es qu&rsquo;il s&rsquo;agit de discuter plut&ocirc;t qu&rsquo;accepter, il est tout de m&ecirc;me n&eacute;cessaire &agrave; la coh&eacute;rence interne de la collection d&rsquo;inscrire ces livres dans le&nbsp;<em>cadre conceptuel</em>&nbsp;commun, d&eacute;fini par les ouvrages fondateurs publi&eacute;s pr&eacute;c&eacute;demment. Ainsi, Todorov ne manque pas de placer Frye &agrave; la suite la dynastie po&eacute;tique que nous avons d&eacute;crite&nbsp;plus haut&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Ce faisant, [Frye] renoue (et il le sait) avec la tradition de la po&eacute;tique, telle qu&rsquo;elle existe depuis Aristote, mais aussi telle qu&rsquo;elle a pu &ecirc;tre repens&eacute;e de nos jours. Le rapprochement s&rsquo;impose ici avec l&rsquo;&eacute;volution des &eacute;tudes litt&eacute;raires en France, m&ecirc;me si cette &eacute;volution est d&rsquo;une dizaine d&rsquo;ann&eacute;es post&eacute;rieure aux premiers &eacute;crits importants de Frye et que, par un paradoxe comme on en rencontre souvent, les Fran&ccedil;ais connaissent alors les &eacute;crits des Formalistes russes mais non ceux de Frye. [&hellip;]. On peut donc, [&hellip;], appeler Frye &laquo;&nbsp;structuraliste&nbsp;&raquo;<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote52_kfe4627" id="footnoteref52_kfe4627" title="Northrop Frye, Le Grand Code : la Bible et la littérature, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1984, p. 7-8.">52</a><br /> <em>.</em></p> </blockquote> <p>De la m&ecirc;me fa&ccedil;on, Genette tente d&rsquo;attribuer des origines po&eacute;tiques &ndash; et &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; &ndash;reconnaissables aux th&egrave;ses aventureuses de Hamburger&nbsp;: &laquo;&nbsp;S&rsquo;il fallait ancrer dans la tradition s&eacute;culaire de la po&eacute;tique occidentale une th&egrave;se aussi audacieusement novatrice, on pourrait en trouver le point de d&eacute;part id&eacute;al dans une observation de Hegel et dans un geste d&rsquo;Aristote<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote50_83icqj7" id="footnoteref50_lunfkxe" title="Käte Hamburger, op.cit., p. 7.">50</a><br /> &raquo; Ce &laquo;&nbsp;cadre commun&nbsp;&raquo;, comme le dit Todorov, devait ainsi &ecirc;tre rappel&eacute; avant d&rsquo;entrer dans un v&eacute;ritable &eacute;change avec l&rsquo;&oelig;uvre qu&rsquo;il s&rsquo;agit moins, &agrave; pr&eacute;sent, de &laquo;&nbsp;mod&eacute;liser&nbsp;<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote53_1jeesiw" id="footnoteref53_1jeesiw" title="Il est évident qu’un effet de ce genre subsiste – Logique des genres littéraires est qualifié, par exemple, de livre « incontournable » (page 4 de couverture) – mais, désormais, il n’est plus dominant : chaque œuvre est conçue, non comme un canon inattaquable, mais comme un réservoir d’idées neuves, qui, même si elles répondent à l’ancestrale question « qu’est-ce que la littérature ? », « dérangent bien des certitudes et relancent bien des débats », Käte Hamburger, op.cit., p. 7.">53</a><br /> &raquo; que de faire vivre dans l&rsquo;espace actuel de la recherche. Par exemple, Genette ne cache pas ses dissensions th&eacute;oriques avec les conceptions narratologiques de Hamburger, dont le postulat de d&eacute;part est oppos&eacute; au sien&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il n&rsquo;est rien arriv&eacute; du tout, il n&rsquo;y a devant nous ni histoire ni narrateur, rien qu&rsquo;une &nbsp;&ldquo;fonction narrative&rdquo;&nbsp;&raquo;, r&eacute;sume-t-il dans sa pr&eacute;face, en distinguant &laquo;&nbsp;trois attitudes&nbsp;&raquo; possibles devant les arts de la fiction<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote54_iffpsg9" id="footnoteref54_iffpsg9" title="Ibid., p. 14.">54</a><br /> . De m&ecirc;me, il prend la d&eacute;cision d&rsquo;&eacute;diter&nbsp;<em>La transparence int&eacute;rieure&nbsp;</em>de Dorrit Cohn, po&eacute;ticienne dont il ne partage pas enti&egrave;rement le point de vue &ndash; et avec laquelle il d&eacute;bat dans le num&eacute;ro 61 de la revue en f&eacute;vrier 1985<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote55_kh7a7ni" id="footnoteref55_kh7a7ni" title="Dorrit Cohn elle-même fait état de ces divergences, en affirmant que son étude « explore un sujet très particulier et spécifique, auquel la poétique du récit – fût-elle aussi exhaustive et rigoureuse que le “Discours du récit” de Gérard Genette – ne peut normalement accorder qu’une place restreinte », Dorrit Cohn, op.cit., p. 10.">55</a><br /> . L&rsquo;ouverture au monde de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; ne se limite ainsi pas &agrave; d&eacute;passer les fronti&egrave;res linguistiques&nbsp;: la collection accueille aussi des id&eacute;es h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes qui viennent agiter les acquis de la th&eacute;orie fran&ccedil;aise. Mais, comme le dit Todorov &agrave; propos des &eacute;carts th&eacute;oriques de Frye par rapport &agrave; la tradition fran&ccedil;aise, ces &laquo;&nbsp;diff&eacute;rences [sont]&nbsp;bien entendu consid&eacute;rables, mais [ne]&nbsp;permettent pas moins la cohabitation dans un cadre conceptuel unique [&hellip;] qu&rsquo;il est possible de vivre dans la compl&eacute;mentarit&eacute; plut&ocirc;t que dans la contradiction<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote56_u9qho8s" id="footnoteref56_u9qho8s" title="Northrop Frye, op.cit., p. 8.">56</a><br /> &raquo;.</p> <p>Les contours conceptuels de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; ayant &eacute;t&eacute; d&eacute;finis dans la premi&egrave;re d&eacute;cennie de son activit&eacute;, la collection offre d&eacute;sormais &agrave; ces ouvrages &eacute;trangers un espace d&rsquo;&eacute;changes hors-fronti&egrave;res o&ugrave; les recherches s&rsquo;avivent mutuellement, sans n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;adh&eacute;sion. La strat&eacute;gie d&rsquo;int&eacute;gration des nouveaux concepts &agrave; un cadre existant fonctionne alors gr&acirc;ce &agrave; une dynamique d&rsquo;assimilation et de diff&eacute;renciation, qui garantit &agrave; la fois la stabilisation et l&rsquo;enrichissement du catalogue de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;. Le marquage de ces ouvrages peut alors d&eacute;sormais &ecirc;tre pris en charge par les directeurs de collection, en leur qualit&eacute; d&rsquo;auteurs et d&rsquo;animateurs privil&eacute;gi&eacute;s de la recherche th&eacute;orique fran&ccedil;aise. Genette et Todorov jouissent d&eacute;sormais, en effet, d&rsquo;une reconnaissance telle que leur nom sur la couverture de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;&nbsp;<em>labelise&nbsp;</em>tr&egrave;s puissamment l&rsquo;&oelig;uvre. Il y a donc ici comme un redoublement du processus labelisant&nbsp;: les auteurs se voient&nbsp;<em>sacr&eacute;s</em>&nbsp;po&eacute;ticiens par leur entr&eacute;e dans la collection, en m&ecirc;me temps que leurs travaux sont&nbsp;<em>consacr&eacute;s&nbsp;</em>par l&rsquo;hommage que leur rendent deux des figures de proue de la th&eacute;orie fran&ccedil;aise. Et en retour, bien s&ucirc;r, Genette et Todorov continuent de la sorte &agrave; asseoir leur propre l&eacute;gitimit&eacute; dans le champ acad&eacute;mique fran&ccedil;ais, et &agrave; imposer &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; comme une collection de r&eacute;f&eacute;rence pour la recherche en litt&eacute;rature.</p> <h2><strong>1988 &ndash; 2015&nbsp;: &agrave; la conqu&ecirc;te de nouveaux continents</strong></h2> <p>Nous sommes ici forc&eacute;s d&rsquo;aborder bien plus rapidement cette troisi&egrave;me vague d&rsquo;importation d&rsquo;ouvrages &eacute;trangers au sein de la collection &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; &ndash; qui voit cette activit&eacute; baisser cruellement, sans doute en raison du lourd co&ucirc;t financier que n&eacute;cessitent les traductions&nbsp;: neuf titres seulement int&egrave;grent la collection en vingt-six ans. Parmi les auteurs traduits, deux sont d&eacute;j&agrave; des &laquo;&nbsp;initi&eacute;s&nbsp;&raquo; &agrave; &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; et la publication d&rsquo;un deuxi&egrave;me ouvrage de ceux-ci vient alors poursuivre et achever le travail entam&eacute; quelques ann&eacute;es auparavant&nbsp;:&nbsp;<em>La parole souveraine,&nbsp;</em>tome II de&nbsp;<em>La litt&eacute;rature et la Bible&nbsp;</em>de Frye est publi&eacute; en 1994 tandis qu&rsquo;en 2001 &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; accueille&nbsp;<em>Le propre de la fiction&nbsp;</em>de Dorrit Cohn. Mais ce qui fait la particularit&eacute; de cette troisi&egrave;me p&eacute;riode est moins une fid&eacute;lit&eacute; aux recherches ant&eacute;rieures qu&rsquo;une &eacute;chapp&eacute;e vers des nouveaux domaines. D&rsquo;une part, la collection s&rsquo;&eacute;carte de la tradition th&eacute;orique, qui donne une primaut&eacute; consid&eacute;rable aux auteurs anglo-saxons<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote57_qliz9om" id="footnoteref57_qliz9om" title="On compte tout de même le livre de Claire de Obaldia, L’esprit de l’essai : de Montaigne à Borges, paru en 2005.">57</a><br /> , russes et allemands, et publie deux ouvrages traduits de l&rsquo;italien&nbsp;:&nbsp;<em>La naissance du roman&nbsp;</em>de Fusillo (1991) et&nbsp;<em>L&rsquo;incipit romanesque&nbsp;</em>d&rsquo;Andr&eacute;a Del Lungo (2003). Et d&rsquo;autre part &ndash; et c&rsquo;est le fait le plus marquant &ndash; &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; s&rsquo;engage dans des chemins de traverse, qui s&rsquo;&eacute;loignent de la doxa po&eacute;tique, en publiant quatre ouvrages du philosophe Arthur Danto, c&eacute;l&egrave;bre repr&eacute;sentant de l&rsquo;esth&eacute;tique analytique am&eacute;ricaine&nbsp;:&nbsp;<em>La transfiguration du banal. Une philosophie de l&rsquo;art&nbsp;</em>(1989),&nbsp;<em>L&rsquo;Assujettissement philosophique de l&rsquo;art&nbsp;</em>(1993),&nbsp;<em>Apr&egrave;s la fin de l&rsquo;art</em>&nbsp;(1996),&nbsp;<em>La Madone du futur&nbsp;</em>(2003). Ces traductions, qui sont le fait unique de Genette &ndash; Todorov ayant quitt&eacute; la collection en 1987 &ndash;, sont autant de moyens particuli&egrave;rement efficaces pour conqu&eacute;rir de nouveaux territoires&nbsp;: la traduction peut ainsi &ecirc;tre l&rsquo;occasion de &laquo;&nbsp;planter un drapeau &raquo;, et d&rsquo;infl&eacute;chir une ligne &eacute;ditoriale. Jean-Marie Schaeffer &ndash; qui a publi&eacute;, dans &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>L&rsquo;image pr&eacute;caire. Du dispositif photographique&nbsp;</em>en 1987 &ndash; prend alors en charge l&rsquo;introduction de Danto dans le champ fran&ccedil;ais&nbsp;: c&rsquo;est &agrave; lui que revient, dans une pr&eacute;face &agrave;&nbsp;<em>La transfiguration du banal,&nbsp;</em>&ndash; ce livre salu&eacute; &laquo;&nbsp;comme une contribution majeure &agrave; la th&eacute;orie contemporaine de l&rsquo;art<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote58_ppfup1c" id="footnoteref58_ppfup1c" title="Arthur Danto, La transfiguration du banal, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1989, p. 7.">58</a><br /> &nbsp;&raquo; &ndash;, la charge de pr&eacute;senter les diff&eacute;rents concepts de Danto, dont, notamment, la tr&egrave;s am&eacute;ricaine &laquo;&nbsp;exp&eacute;rience de pens&eacute;e&raquo; (<em>thought-experiment</em>). Ces notions nouvelles ne subissent pas uniquement, &agrave; la diff&eacute;rence de celles abord&eacute;es jusqu&rsquo;ici, une simple migration g&eacute;ographique&nbsp;mais investissent surtout un cadre disciplinaire diff&eacute;rent de celui qui les a vu na&icirc;tre. De la philosophie analytique &agrave; &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, ces concepts doublement &eacute;trangers doivent &ecirc;tre men&eacute;s &agrave; bon port&nbsp;: Schaeffer est alors un m&eacute;diateur id&eacute;al, lui, philosophe de la r&eacute;ception esth&eacute;tique, et proche collaborateur de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;. Genette, en effet, ne pouvait endosser le r&ocirc;le d&rsquo;introducteur de cette pens&eacute;e venue d&rsquo;un&nbsp;<em>ailleurs disciplinaire</em>, tant son nom seul est alors attach&eacute; &agrave; toute l&rsquo;entreprise d&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une po&eacute;tique nouvelle&nbsp;: apr&egrave;s une longue phase de&nbsp;resserrement disciplinaire, il s&rsquo;agit d&rsquo;&eacute;largir la r&eacute;flexion th&eacute;orique sur la litt&eacute;rature, d&eacute;sormais bien &eacute;tablie, &agrave; un nouveau domaine, dans lequel le directeur de collection ne tardera d&rsquo;ailleurs pas &agrave; s&rsquo;illustrer avec le premier tome de&nbsp;<em>L&rsquo;&oelig;uvre de l&rsquo;art&nbsp;</em>en 1994. L&rsquo;heure n&rsquo;est plus &agrave; l&rsquo;&eacute;tablissement des &eacute;tudes po&eacute;tiques, ni &agrave; la consolidation d&rsquo;un cadre conceptuel commun, mais, au contraire, &agrave; l&rsquo;expansion d&rsquo;un&nbsp;<em>mode de pens&eacute;e&nbsp;</em>th&eacute;orique, dont la transdisciplinarit&eacute; est sans doute l&rsquo;accomplissement : de &laquo;&nbsp;<em>qu&rsquo;est-ce que</em>&nbsp;la litt&eacute;rature&nbsp;?&nbsp;&raquo; &agrave; &laquo;&nbsp;<em>qu&rsquo;est-ce que</em>&nbsp;l&rsquo;art&nbsp;?&nbsp;&raquo;, le po&eacute;ticien ne fait que dilater une m&ecirc;me fa&ccedil;on d&rsquo;aborder le monde.</p> <h2><strong>Conclusion</strong></h2> <p>Ce parcours dans &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; au rythme de concepts-balises nous permet d&eacute;sormais de tirer des conclusions plus amples sur les modalit&eacute;s du voyage des concepts et sur les proc&eacute;d&eacute;s d&rsquo;appropriation de ceux-ci. Choisir de consid&eacute;rer le&nbsp;<em>lieu&nbsp;</em>du transfert &ndash; c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; la fois l&rsquo;&oelig;uvre qui v&eacute;hicule le concept et l&rsquo;espace &eacute;ditorial qui accueille cette &oelig;uvre &ndash; nous a, en effet, aid&eacute; &agrave; mettre en lumi&egrave;re les enjeux auxquels sont soumises les notions &eacute;trang&egrave;res lorsqu&rsquo;elles s&rsquo;int&egrave;grent au champ fran&ccedil;ais, ainsi que les orientations de lecture qui en d&eacute;coulent. La r&eacute;ception des concepts venus d&rsquo;un ailleurs &ndash; g&eacute;ographique ou disciplinaire &ndash; est ainsi d&eacute;termin&eacute;e par l&rsquo;&eacute;conomie g&eacute;n&eacute;rale du syst&egrave;me auquel ils doivent participer. Pour le dire autrement, la forme mat&eacute;rielle et les objectifs propres au dispositif &eacute;ditorial d&rsquo;accueil conditionnent un contrat de lecture de ces concepts et organisent leur mise en r&eacute;sonnance. Dans le cas de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, les modes d&rsquo;acclimatation des concepts migrants sont, on l&rsquo;a vu, moins d&eacute;termin&eacute;s par le contenu de ceux-ci que par leur place et leur r&ocirc;le dans la collection&nbsp;: marqu&eacute;s par ce dispositif formel, ils portent inexorablement la trace d&rsquo;une&nbsp;<em>intention.&nbsp;</em>La collection &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, qui d&eacute;limite un espace de contrainte, r&eacute;tr&eacute;cit alors le spectre de leurs significations possibles, mais garantit leur inscription durable dans le champ &ndash;&nbsp;ils sont, dans tous les sens,&nbsp;<em>incarn&eacute;s</em>&nbsp;&ndash;, en m&ecirc;me temps que ceux-ci viennent r&eacute;pondre &agrave; des exigences variables&nbsp;: qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de fonder une discipline, d&rsquo;en explorer toutes les potentialit&eacute;s, ou de l&rsquo;ouvrir &agrave; des horizons nouveaux, l&rsquo;importation de concepts est une op&eacute;ration &agrave; fort rendement symbolique et th&eacute;orique. Mais c&rsquo;est &eacute;galement une op&eacute;ration &agrave; haut risque, qui n&eacute;cessite une intelligence conjointe des objectifs de la collection et de l&rsquo;impact potentiel des concepts int&eacute;gr&eacute;s &agrave; celle-ci&nbsp;: en bref, on pourrait parler d&rsquo;une p&eacute;rilleuse entreprise d&rsquo;<em>ajustement</em>, dont la r&eacute;ussite d&eacute;pend de l&rsquo;habilit&eacute; d&eacute;ploy&eacute;e dans les &laquo;&nbsp;zones de transition&nbsp;&raquo; sur lesquelles nous avons centr&eacute; notre analyse. Ces zones fronti&egrave;res &ndash; ces douanes&nbsp;? &ndash; assument ici une fonction suppl&eacute;mentaire &agrave; celles qu&rsquo;identifie Genette&nbsp;: transition, entre un dehors et un dedans, transaction, entre les instances de production et le lecteur, certes, mais aussi&nbsp;<em>raccord,&nbsp;</em>entre des significations pr&eacute;alables &eacute;labor&eacute;es dans un espace allog&egrave;ne &ndash; et un pr&eacute;-ancrage dans le champ fran&ccedil;ais si tel est le cas &ndash; et les enjeux d&rsquo;un syst&egrave;me formel de contrainte, dont la (ou les) vis&eacute;e(s) sont toujours &agrave; la fois urgentes et mouvantes. Et, pr&eacute;cis&eacute;ment, dans la collection &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, ces ambitions oscillantes apparaissent alors fondamentalement conceptuelles, dans le sens o&ugrave; les vagues d&rsquo;importation de concepts &eacute;trangers r&eacute;pondent &agrave; diff&eacute;rentes &eacute;tapes de la construction m&ecirc;me du concept de po&eacute;tique. La collection ne fournit, au d&eacute;part, qu&rsquo;une&nbsp;<em>d&eacute;nomination&nbsp;</em>&agrave; son projet et il importait alors de venir apporter une&nbsp;<em>compr&eacute;hension&nbsp;</em>&agrave; ce nom-concept, qui, dans le champ fran&ccedil;ais, peinait &agrave; s&rsquo;imposer&nbsp;: les illustres anc&ecirc;tres russes, allemands et am&eacute;ricains sont alors venus apporter des &eacute;l&eacute;ments d&eacute;finitionnels &agrave; une &eacute;tiquette conceptuelle encore vide et illustrer son&nbsp;<em>utilit&eacute; th&eacute;orique</em>&nbsp;gr&acirc;ce &agrave; la galaxie d&rsquo;autres concepts que l&rsquo;on pouvait placer &agrave; sa suite &ndash;&nbsp;ou plut&ocirc;t, ancrer au sein du cadre &eacute;pist&eacute;mologique ainsi fix&eacute;. Et pour finir, il n&rsquo;y a pas concept, sans&nbsp;<em>extension</em>&nbsp;de ce concept&nbsp;: il fallait alors faire &eacute;tat des diff&eacute;rents cas empiriques qui venaient, d&rsquo;une fa&ccedil;on ou d&rsquo;une autre, explorer le supraconcept de po&eacute;tique, et enrichir le bagage notionnel du po&eacute;ticien. Rien ne pouvait alors mieux rendre compte de l&rsquo;expansion ce champ d&rsquo;application que l&rsquo;int&eacute;gration &agrave; &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; des recherches po&eacute;tiques en cours au-del&agrave; de toutes fronti&egrave;res nationales. La troisi&egrave;me p&eacute;riode que nous avons d&eacute;crite vient alors &eacute;branler la restriction disciplinaire de ce champ, en y int&eacute;grant des concepts philosophiques mais il nous semble que l&rsquo;on peut voir dans ce ph&eacute;nom&egrave;ne, non pas un &eacute;tirement conceptuel qui d&eacute;montrerait la fragilit&eacute; de la po&eacute;tique, mais, au contraire, une preuve de la productivit&eacute; d&rsquo;un concept&nbsp;<em>synoptique,&nbsp;</em>qui permet de jeter des ponts vers d&rsquo;autres domaines de la pens&eacute;e<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote59_t7jrrpc" id="footnoteref59_t7jrrpc" title="Nous basons ce développement sur les notions dont rend compte l’article d’Hervé Dumez, « Qu’est-ce qu’un concept ? », AEGIS Le Libellio, n°7 (printemps, 2011), p. 67-79.">59</a><br /> .</p> <p>Nous conclurons comme nous avons d&eacute;but&eacute;, sur les mots de Genette&nbsp;: bien des ann&eacute;es apr&egrave;s&nbsp;<em>Les chemins actuels de la critique</em>, il d&eacute;clare, &agrave; New-York, que : &laquo;&nbsp;l&rsquo;un des charmes de la vie intellectuelle fran&ccedil;aise consiste &agrave; d&eacute;couvrir fort apr&egrave;s coup certaines contributions &eacute;trang&egrave;res, et d&rsquo;en faire un profit, et surtout un &eacute;tat, d&rsquo;autant plus grands qu&rsquo;il nous aura fallu plus de temps pour nous en aviser&nbsp;<a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnote60_u0ptffy" id="footnoteref60_u0ptffy" title="Gérard Genette, Figures IV, op.cit., p. 33.">60</a><br /> .&raquo; Il semblerait donc bien que la manie soit devenue charme&hellip;</p> <h2>Notes et r&eacute;f&eacute;rences</h2> <ul> <li id="footnote1_eejatec"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref1_eejatec">1</a>G&eacute;rard Genette, &laquo;&nbsp;Raisons de la critique pure&nbsp;&raquo;, dans Georges Poulet [dir.],&nbsp;<em>Les chemins actuels de la critique</em>, Paris, Plon, 1967, p. 258.</li> <li id="footnote2_rj4sqmt"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref2_rj4sqmt">2</a><em>Ibidem.</em></li> <li id="footnote3_83897ot"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref3_83897ot">3</a>Pierre Nora, &laquo;&nbsp;Traduire : n&eacute;cessit&eacute;s et difficult&eacute;s&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le D&eacute;bat,&nbsp;</em>n&deg;93 (janvier/f&eacute;vrier, 1997), p. 95.</li> <li id="footnote4_96sngdu"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref4_96sngdu">4</a>Pierre Bourdieu, &laquo;&nbsp;Les conditions sociales de la circulation internationale des id&eacute;es&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Actes de la recherche en sciences sociales</em>, vol. 145, d&eacute;cembre, 2002, p. 3.</li> <li id="footnote5_176kq6l"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref5_176kq6l">5</a>Tzvetan Todorov,&nbsp;<em>Devoirs et D&eacute;lices&nbsp;: une vie de passeur (entretiens avec Catherine Portevin),&nbsp;</em>Paris, Seuil, 2002, p. 172.</li> <li id="footnote6_u13qeej"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref6_u13qeej">6</a>[Anonyme], &laquo;&nbsp;Pr&eacute;sentation&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Po&eacute;tique,&nbsp;</em>n&deg;1 (mars, 1970), p. 2.</li> <li id="footnote7_1w1g8k5"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref7_1w1g8k5">7</a><em>Ibid.,&nbsp;</em>p. 1.</li> <li id="footnote8_8hbchxy"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref8_8hbchxy">8</a>Pour plus d&rsquo;informations &agrave; propos de&nbsp;<em>Th&eacute;orie de la litt&eacute;rature,&nbsp;</em>nous renvoyons &agrave; l&rsquo;article de Fr&eacute;d&eacute;rique Matonti, &laquo;&nbsp;Entre Moscou et Prague&nbsp;: les premi&egrave;res r&eacute;ceptions des formalistes russes par les intellectuels communistes fran&ccedil;ais (1967-1971)&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Langages</em>, n&deg;182 (2011), p. 69-81.</li> <li id="footnote9_plklpic"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref9_plklpic">9</a>Dans les archives des &Eacute;ditions du Seuil, on trouve des traces d&rsquo;autres projets de traduction, dont&nbsp;<em>The Singer of Tales</em>&nbsp;de Albert B. Lord et&nbsp;<em>The Structure of Complex Words</em>&nbsp;de William Empson.</li> <li id="footnote10_jx2q9me"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref10_jx2q9me">10</a>Nous renvoyons ici &agrave; l&rsquo;article d&rsquo;Herv&eacute; Serry, &laquo;&nbsp;Constituer un catalogue litt&eacute;raire&nbsp;: la place des traductions dans l&rsquo;histoire des &Eacute;ditions du Seuil&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Actes de la recherche en sciences sociales</em>, vol. 144, septembre, 2002, p. 70-79.</li> <li id="footnote11_xqp9cgi"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref11_xqp9cgi">11</a>Gis&egrave;le Sapiro [dir.],&nbsp;<em>Traduire la litt&eacute;rature et les sciences humaines&nbsp;: conditions et obstacles</em>, Paris, Minist&egrave;re de la Culture et de la Communication, 2012, p. 208.</li> <li id="footnote12_0qitenz"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref12_0qitenz">12</a><em>Ibid</em>., p. 256.</li> <li id="footnote13_74f7s7b"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref13_74f7s7b">13</a>Marc Bloch,&nbsp;<em>Apologie pour l&rsquo;histoire ou M&eacute;tier d&rsquo;historien,</em>&nbsp;Paris, Armand Colin, 2002, p.138.</li> <li id="footnote14_qwf7no0"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref14_qwf7no0">14</a>Jean-Yves Mollier, &laquo;&nbsp;Pr&eacute;face&nbsp;&raquo;, dans Christine Rivalan Gu&eacute;co et Miriam Nicoli [dir.],&nbsp;<em>La collection&nbsp;: essor et affirmation d&rsquo;un objet &eacute;ditorial,&nbsp;</em>Rennes, Presses Universitaire de Rennes, coll. &laquo; Interf&eacute;rences &raquo;, 2014, p. 8.</li> <li id="footnote15_sl72jqy"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref15_sl72jqy">15</a>Genette souligne dans&nbsp;<em>Seuils&nbsp;</em>que la collection &laquo;&nbsp;n&rsquo;est sans doute elle-m&ecirc;me qu&rsquo;une sp&eacute;cification plus intense, et parfois plus spectaculaire, de la notion de label &eacute;ditorial&nbsp;&raquo;, G&eacute;rard Genette,&nbsp;<em>Seuils,&nbsp;</em>Paris, Seuil, coll. &laquo;&nbsp;Points Essais &raquo;, 1987, p. 27.</li> <li id="footnote16_3ullgzl"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref16_3ullgzl">16</a><em>Ibid.,&nbsp;</em>p. 7.</li> <li id="footnote17_jg5uarm"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref17_jg5uarm">17</a>Pierre Bourdieu,&nbsp;<em>op.cit.,&nbsp;</em>p. 4.</li> <li id="footnote18_34k1zay"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref18_34k1zay">18</a>G&eacute;rard Genette,&nbsp;<em>Seuils, op.cit.,&nbsp;</em>p. 28.</li> <li id="footnote19_d6413f5"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref19_d6413f5">19</a>Christine Rivalan Gu&eacute;co et Miriam Nicoli [dir.],&nbsp;<em>op.cit.,&nbsp;</em>p. 217.</li> <li id="footnote20_c63d183"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref20_c63d183">20</a>Nous ne pourrons accorder ici la m&ecirc;me attention &agrave; tous les ouvrages&nbsp;: notre s&eacute;lection consid&eacute;rera les ouvrages d&eacute;terminants pour l&rsquo;&eacute;volution de la collection.</li> <li id="footnote21_xyzp190"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref21_xyzp190">21</a>G&eacute;rard Genette,&nbsp;<em>Figures IV</em>, Paris, Seuil, coll. &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique &raquo;, 1999, p. 12.</li> <li id="footnote22_xkrtpwe"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref22_xkrtpwe">22</a>Pour des raisons de concurrence avec Gallimard, le livre est sorti directement en &laquo;&nbsp;Points Essais&nbsp;&raquo; mais fait officiellement partie du catalogue de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;.</li> <li id="footnote23_r2cgf22"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref23_r2cgf22">23</a>C&rsquo;est du moins de ceux-ci que Genette se r&eacute;clame dans &laquo;&nbsp;Raisons de la critique pure&nbsp;&raquo;, repris dans&nbsp;<em>Figures II</em>, paru dans la collection &laquo;&nbsp;Tel Quel&nbsp;&raquo; en 1969.</li> <li id="footnote24_rp4z7y0"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref24_rp4z7y0">24</a>Les m&eacute;canismes de pr&eacute;sentation et d&rsquo;appropriation de l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;Aristote &eacute;tant bien diff&eacute;rents de ceux d&rsquo;autres ouvrages import&eacute;s, nous n&rsquo;aborderons pas l&rsquo;ouvrage en d&eacute;tail dans cette &eacute;tude.</li> <li id="footnote25_hinji3j"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref25_hinji3j">25</a>Sur un fond beige, un jeu de couleur associe, d&rsquo;une part, en rouge, le nom de l&rsquo;auteur et les &Eacute;ditions du Seuil, et d&rsquo;autre part, en noir, le titre de l&rsquo;&oelig;uvre et le nom de la collection.</li> <li id="footnote26_03dfufe"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref26_03dfufe">26</a>Pierre Bourdieu,&nbsp;<em>op.cit.,&nbsp;</em>p.&nbsp;5.</li> <li id="footnote27_90zra4z"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref27_90zra4z">27</a>Gis&egrave;le Sapiro [dir.],&nbsp;<em>op.cit.,&nbsp;</em>p. 267.</li> <li id="footnote28_b0hehz3"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref28_b0hehz3">28</a>Version fran&ccedil;aise dont il importe alors de souligner l&rsquo;originalit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;La pr&eacute;sente traduction suit la deuxi&egrave;me &eacute;dition russe de livre de Vladimir Propp [&hellip;], &agrave; la diff&eacute;rence des traductions ant&eacute;rieures &ndash; en anglais (1958, 1968) et en italien (1966) &ndash; qui ne pouvaient se fonder que sur la premi&egrave;re &eacute;dition (Leningrad, Akademia, 1928)&nbsp;&raquo;, Vladimir Propp,&nbsp;<em>Morphologie du conte,&nbsp;</em>Paris, Seuil, coll. &laquo;&nbsp;Points Essais&nbsp;&raquo;, 1970, p. 4.</li> <li id="footnote29_r1c6yog"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref29_r1c6yog">29</a>&laquo;&nbsp;Le mot de&nbsp;<em>morphologie&nbsp;</em>signifie l&rsquo;&eacute;tude des formes. En botanique, la morphologie comprend l&rsquo;&eacute;tude des parties constitutives d&rsquo;une plante, de leur rapport les unes aux autres et &agrave; l&rsquo;ensemble; autrement dit, l&rsquo;&eacute;tude de la structure d&rsquo;une plante. Personne n&rsquo;a pens&eacute; &agrave; la possibilit&eacute; de la notion et du terme de&nbsp;<em>morphologie du conte&nbsp;&raquo;,</em>&nbsp;Vladimir Propp,&nbsp;<em>op.cit.,&nbsp;</em>p. 6.</li> <li id="footnote30_uha8xnk"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref30_uha8xnk">30</a>Tzvetan Todorov [trad.],&nbsp;<em>Th&eacute;orie de la litt&eacute;rature,&nbsp;</em>Paris, Seuil, coll. &laquo; Tel Quel &raquo;, 1965, p. 15.</li> <li id="footnote31_y0q44oz"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref31_y0q44oz">31</a>Tzvetan Todorov, &laquo;&nbsp;Roman Jakobson po&eacute;ticien&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Po&eacute;tique,&nbsp;</em>n&deg;7 (septembre, 1971), p. 275.</li> <li id="footnote32_dsdntcw"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref32_dsdntcw">32</a>On peut signaler la pr&eacute;sence d&rsquo;un &laquo; post-scriptum&nbsp;&raquo; de Jakobson &agrave; la fin de son ouvrage &ndash; seul texte in&eacute;dit du recueil &ndash; qui fait en quelque sorte le bilan des &eacute;tudes que le lecteur vient de lire et qui prolonge la r&eacute;flexion. De m&ecirc;me que dans l&rsquo;article de M&eacute;l&eacute;tinski, qui suit&nbsp;<em>Morphologie du conte&nbsp;</em>et fait le point sur l&rsquo;accueil qu&rsquo;a connu l&rsquo;ouvrage depuis sa premi&egrave;re publication, une fonction informative domine cet appendice de Jakobson &ndash; qui s&rsquo;int&egrave;gre &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre et participe &agrave; la construction globale de son sens.</li> <li id="footnote33_477l6u9"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref33_477l6u9">33</a>Ren&eacute; Wellek et Austin Warren,&nbsp;<em>La th&eacute;orie litt&eacute;raire,&nbsp;</em>Paris, Seuil, coll. &laquo; Po&eacute;tique &raquo;, 1971, p. 7.</li> <li id="footnote34_838huip"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref34_838huip">34</a>[Anonyme], &laquo;&nbsp;Pr&eacute;sentation&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Po&eacute;tique, op.cit.</em>, p. 1.</li> <li id="footnote35_gg5yq8b"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref35_gg5yq8b">35</a>Ren&eacute; Wellek et Austin Warren,&nbsp;<em>op.cit.,&nbsp;</em>p. 7.</li> <li id="footnote36_b2u12or"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref36_b2u12or">36</a>L&rsquo;ouvrage devait id&eacute;alement porter le titre de&nbsp;<em>Th&eacute;orie de la litt&eacute;rature</em>, et respecter ainsi fid&egrave;lement, &agrave; la fois le titre original du Wellek et Warren et le concept central qu&rsquo;il v&eacute;hiculait, mais l&rsquo;anthologie de Todorov portant d&eacute;j&agrave; ce nom, les directeurs de &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo; ont &eacute;t&eacute; contraints, avec beaucoup de regrets, d&rsquo;adopter le titre&nbsp;<em>La th&eacute;orie litt&eacute;raire,&nbsp;</em>qui fait subir une sorte de distorsion fondamentale au projet m&ecirc;me qui justifie le manuel.</li> <li id="footnote37_wo5t0we"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref37_wo5t0we">37</a>Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy,&nbsp;<em>L&rsquo;Absolu litt&eacute;raire,&nbsp;</em>Paris, Seuil, coll. &laquo; Po&eacute;tique &raquo;, 1978, p. 10. Nous soulignons.</li> <li id="footnote38_hc070al"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref38_hc070al">38</a><em>Ibid</em>, p. 26.</li> <li id="footnote39_y7p09p9"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref39_y7p09p9">39</a>En 1974, apr&egrave;s le d&eacute;part d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne Cixous, Weinrich int&egrave;gre le conseil de r&eacute;daction de&nbsp;<em>Po&eacute;tique</em>, qui se veut, &agrave; l&rsquo;image de la revue, international. Il est alors compos&eacute; de&nbsp;Michel Charles, Paul de Man, Philippe Hamon, Philippe Lacoue-Labarthe, Michel Riffaterre, et d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne Cixous, dont le maintien est surtout symbolique.</li> <li id="footnote40_gl1xaoq"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref40_gl1xaoq">40</a>Dans la pr&eacute;face de cet ouvrage, Todorov revient sur les difficult&eacute;s que rencontrent les traducteurs devant des notions complexes, telles que celles propos&eacute;es par Bakhtine&nbsp;: &laquo;&nbsp;De ce fait, ses concepts essentiels, ceux de&nbsp;<em>discours,&nbsp;</em>d&rsquo;<em>&eacute;nonc&eacute;,&nbsp;</em>d&rsquo;<em>h&eacute;t&eacute;rologie,&nbsp;</em>d&rsquo;<em>exotopie</em>&nbsp;et bien d&rsquo;autres, sont rendus par des &ldquo;&eacute;quivalents&rdquo; d&eacute;routants, ou bien disparaissent purement et simplement devant le souci qu&rsquo;&agrave; le traducteur d&rsquo;&eacute;viter les r&eacute;p&eacute;titions ou les obscurit&eacute;s&nbsp;&raquo;, Tzvetan Todorov,&nbsp;<em>Mikha&iuml;l Bakhtine, le principe dialogique,&nbsp;</em>suivi de<em>&nbsp;&Eacute;crits du Cercle de Bakhtine,&nbsp;</em>Paris, Seuil, coll. &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique &raquo;, p. 11.</li> <li id="footnote41_9z08rrg"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref41_9z08rrg">41</a>Entre cette p&eacute;riode et la pr&eacute;c&eacute;dente, il y a, bien s&ucirc;r, des chevauchements et ces deux ouvrages ob&eacute;issent plut&ocirc;t &agrave; la dynamique qui pr&eacute;sida &agrave; la premi&egrave;re d&eacute;cennie de la collection&nbsp;: m&ecirc;me si ces textes vont participer &agrave; un renouveau de la th&eacute;orie et des acquis formalistes, il s&rsquo;agit tout de m&ecirc;me d&rsquo;&eacute;toffer un arbre g&eacute;n&eacute;alogique, dont les branches multiples pourront correspondre alors aux divers questionnements d&rsquo;une po&eacute;tique moderne en construction &ndash; et justifier ces retournements.</li> <li id="footnote42_5n9jk2u"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref42_5n9jk2u">42</a>K&auml;te Hamburger,&nbsp;<em>Logique des genres litt&eacute;raires,&nbsp;</em>Paris, Seuil, coll. &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique &raquo;, 1986, p. 17.</li> <li id="footnote43_0crmw3l"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref43_0crmw3l">43</a>Gis&egrave;le Sapiro [dir.],&nbsp;<em>op.cit.,&nbsp;</em>p. 257.</li> <li id="footnote44_fojrl5t"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref44_fojrl5t">44</a><em>Ibid.</em>, p. 276.</li> <li id="footnote45_0th1kq2"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref45_0th1kq2">45</a>D&egrave;s 1968, Genette est ma&icirc;tre-assistant suppl&eacute;ant &agrave; l&rsquo;EPHE et, la m&ecirc;me ann&eacute;e, Todorov entre au CNRS.</li> <li id="footnote46_6awo9j7"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref46_6awo9j7">46</a>Gis&egrave;le Sapiro [dir.],&nbsp;<em>op.cit.,&nbsp;</em>p. 258.</li> <li id="footnote47_qg8jxtl"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref47_qg8jxtl">47</a>Pierre Bourdieu,&nbsp;<em>op.cit.,&nbsp;</em>p. 5.</li> <li id="footnote48_rzegb4c"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref48_rzegb4c">48</a>Tzvetan Todorov,&nbsp;<em>Devoirs et D&eacute;lice : une vie de passeur (entretiens avec Catherine Portevin), op.cit.,&nbsp;</em>p. 103.</li> <li id="footnote49_l4sgbg5"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref49_l4sgbg5">49</a>Dorrit Cohn,&nbsp;<em>La transparence int&eacute;rieure&nbsp;: mode de repr&eacute;sentation de la vie psychique dans le roman,&nbsp;</em>Paris, Seuil, coll. &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique &raquo;, 1981, p. 9.</li> <li id="footnote50_83icqj7"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref50_83icqj7">50</a><br /> <a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref50_83icqj7">a</a><br /> <a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref50_lunfkxe">b</a><br /> K&auml;te Hamburger,&nbsp;<em>op.cit.,&nbsp;</em>p. 7.</li> <li id="footnote51_ojsfp4b"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref51_ojsfp4b">51</a><em>Ibid.</em>, p. 15.</li> <li id="footnote52_kfe4627"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref52_kfe4627">52</a>Northrop Frye,&nbsp;<em>Le Grand Code : la Bible et la litt&eacute;rature,&nbsp;</em>Paris, Seuil, coll. &laquo; Po&eacute;tique &raquo;, 1984, p. 7-8.</li> <li id="footnote53_1jeesiw"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref53_1jeesiw">53</a>Il est &eacute;vident qu&rsquo;un effet de ce genre subsiste &ndash;&nbsp;<em>Logique des genres litt&eacute;raires&nbsp;</em>est qualifi&eacute;, par exemple, de livre &laquo;&nbsp;incontournable&nbsp;&raquo; (page 4 de couverture) &ndash; mais, d&eacute;sormais, il n&rsquo;est plus dominant&nbsp;: chaque &oelig;uvre est con&ccedil;ue, non comme un canon inattaquable, mais comme un r&eacute;servoir d&rsquo;id&eacute;es neuves, qui, m&ecirc;me si elles r&eacute;pondent &agrave; l&rsquo;ancestrale question &laquo;&nbsp;qu&rsquo;est-ce que la litt&eacute;rature&nbsp;?&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;d&eacute;rangent bien des certitudes et relancent bien des d&eacute;bats&nbsp;&raquo;, K&auml;te Hamburger,&nbsp;<em>op.cit.,&nbsp;</em>p. 7.</li> <li id="footnote54_iffpsg9"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref54_iffpsg9">54</a><em>Ibid</em>., p. 14.</li> <li id="footnote55_kh7a7ni"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref55_kh7a7ni">55</a>Dorrit Cohn elle-m&ecirc;me fait &eacute;tat de ces divergences, en affirmant que son &eacute;tude &laquo;&nbsp;explore un sujet tr&egrave;s particulier et sp&eacute;cifique, auquel la po&eacute;tique du r&eacute;cit &ndash; f&ucirc;t-elle aussi exhaustive et rigoureuse que le &ldquo;Discours du r&eacute;cit&rdquo; de G&eacute;rard Genette &ndash; ne peut normalement accorder qu&rsquo;une place restreinte&nbsp;&raquo;, Dorrit Cohn,&nbsp;<em>op.cit.,&nbsp;</em>p. 10.</li> <li id="footnote56_u9qho8s"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref56_u9qho8s">56</a>Northrop Frye,&nbsp;<em>op.cit.,&nbsp;</em>p. 8.</li> <li id="footnote57_qliz9om"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref57_qliz9om">57</a>On compte tout de m&ecirc;me le livre de Claire de Obaldia,&nbsp;<em>L&rsquo;esprit de l&rsquo;essai : de Montaigne &agrave; Borges,&nbsp;</em>paru en 2005.</li> <li id="footnote58_ppfup1c"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref58_ppfup1c">58</a>Arthur Danto,&nbsp;<em>La transfiguration du banal,&nbsp;</em>Paris, Seuil, coll. &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique &raquo;, 1989, p. 7.</li> <li id="footnote59_t7jrrpc"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref59_t7jrrpc">59</a>Nous basons ce d&eacute;veloppement sur les notions dont rend compte l&rsquo;article d&rsquo;Herv&eacute; Dumez, &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un concept&nbsp;?&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>AEGIS Le Libellio</em>, n&deg;7 (printemps, 2011), p. 67-79.</li> <li id="footnote60_u0ptffy"><a href="https://alepreuve.org/content/la-collection-poetique-terre-daccueil#footnoteref60_u0ptffy">60</a>G&eacute;rard Genette,&nbsp;<em>Figures IV, op.cit.,&nbsp;</em>p. 33.</li> </ul> <nav aria-labelledby="book-label-15" role="navigation">&nbsp;</nav>