<p>&laquo;&nbsp;C&rsquo;est un peu la manie fran&ccedil;aise du bricolage&nbsp;: nous fabriquons &agrave; grands efforts ce qu&rsquo;il suffirait peut-&ecirc;tre d&rsquo;importer tout-&agrave;-fait.&nbsp;&raquo; En 1966, lors du colloque consacr&eacute; aux&nbsp;<em>Chemins actuels de la critique,&nbsp;</em>G&eacute;rard Genette d&eacute;plore en ces mots l&rsquo;ignorance de la part des intellectuels fran&ccedil;ais, de ce qui se passe &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger et en identifie une cause simple&nbsp;: l&rsquo;incapacit&eacute; &agrave; lire dans une autre langue que la leur. Ignorance qu&rsquo;il est, il le conc&egrave;de: &laquo;&nbsp;le premier &agrave; pratiquer car [il est lui-m&ecirc;me] presque incapable de lire dans une langue autre que la [sienne].&nbsp;&raquo; Le ph&eacute;nom&egrave;ne n&rsquo;est, en effet, pas &agrave; n&eacute;gliger. En 1997, un autre c&eacute;l&egrave;bre directeur de collection, Pierre Nora, dans la revue&nbsp;<em>D&eacute;bat</em>, fait le m&ecirc;me constat et regrette que &laquo;&nbsp;pour des raisons qu&rsquo;il serait tr&egrave;s int&eacute;ressant de d&eacute;m&ecirc;ler, un livre qui n&rsquo;est pas traduit n&rsquo;existe pas vraiment sur le march&eacute; intellectuel fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo;. En bref, Bourdieu ne s&rsquo;&eacute;tait donc pas tromp&eacute;, en 1989, en d&eacute;clarant, lors de l&rsquo;inauguration du Frankreich-Zentrum de l&rsquo;universit&eacute; de Fribourg, qu&rsquo;au-del&agrave; m&ecirc;me des sp&eacute;cificit&eacute;s fran&ccedil;aises, &laquo;&nbsp;la vie intellectuelle est le lieu, comme tous les autres espaces sociaux, de nationalismes et d&rsquo;imp&eacute;rialismes, et [que] les intellectuels v&eacute;hiculent [&hellip;] des pr&eacute;jug&eacute;s, des st&eacute;r&eacute;otypes, des id&eacute;es re&ccedil;ues, des repr&eacute;sentations tr&egrave;s sommaires, tr&egrave;s &eacute;l&eacute;mentaires&raquo;.</p>