<p>Globalement, dans leurs dimensions esth&eacute;tiques et po&eacute;tiques, le journal de Maurice et celui de sa s&oelig;ur Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin continuent de faire pi&egrave;tre figure au sein du milieu universitaire puisqu&rsquo;aujourd&rsquo;hui, on ne conna&icirc;t ce nom que dans des cercles restreints&nbsp;: des c&eacute;nacles litt&eacute;raires (par exemple ceux qui &eacute;laborent les anthologies des journaux intimes) ou le cercle de l&rsquo;Association des Amis des Gu&eacute;rin, fond&eacute;e d&egrave;s 1933. Pourtant, entre le milieu du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et le d&eacute;but du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, ce nom n&rsquo;&eacute;tait un myst&egrave;re pour personne. En effet, si le nom des Gu&eacute;rin a &eacute;t&eacute; boud&eacute; par la sc&egrave;ne litt&eacute;raire, ces deux &eacute;crivains ont eu leur heure de gloire.</p> <p>&laquo;&nbsp;Ces deux vies minuscules<sup><a href="#nbp_1" id="note_1" name="lien_nbp_1" title="Aller à la note de bas de page n°1">1</a></sup>&nbsp;&raquo; ne sont pas ponctu&eacute;es de scandales&nbsp;: peu d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements et qui, pour la plupart, ne d&eacute;passent pas le cercle &eacute;troit des pr&eacute;occupations familiales. Maurice de Gu&eacute;rin est n&eacute; en 1810 au ch&acirc;teau du Cayla dans le Tarn. Sa s&oelig;ur, Eug&eacute;nie, est de cinq ans son a&icirc;n&eacute;e. Apr&egrave;s la mort de Madame de Gu&eacute;rin en 1819, Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin se prend d&rsquo;une tendre affection maternelle pour le jeune fr&egrave;re. C&rsquo;est le point de d&eacute;part d&rsquo;une relation fusionnelle. En 1828, alors que Maurice de Gu&eacute;rin vient de s&rsquo;installer &agrave; Paris pour faire des &eacute;tudes de droit, il demande &agrave; sa s&oelig;ur de tenir pour lui un journal r&eacute;gulier de ses impressions, de ses pens&eacute;es et des faits divers de sa vie quotidienne. S&rsquo;&eacute;tablissent alors entre eux deux correspondances&nbsp;: l&rsquo;une ouverte &agrave; tous (les lettres) et l&rsquo;autre secr&egrave;te (le journal intime). Les lettres envoy&eacute;es publiquement pouvaient &ecirc;tre lues par les membres de la famille et par les amis. Ce que demande parall&egrave;lement Maurice de Gu&eacute;rin &agrave; sa s&oelig;ur, c&rsquo;est &laquo;&nbsp;un m&eacute;morandum qui respire un parfum si vrai de pens&eacute;es secr&egrave;tes et de tr&eacute;sors furtifs<sup><a href="#nbp_2" id="note_2" name="lien_nbp_2" title="Aller à la note de bas de page n°2">2</a></sup>&nbsp;&raquo;. L&rsquo;&eacute;criture de l&rsquo;intime est un moyen, selon lui, de prolonger la correspondance publique (ouverte &agrave; toute la famille) et de la d&eacute;velopper&nbsp;:</p> <p><q>Je te ferai conna&icirc;tre mes sensations, mes r&eacute;flexions, ce qui occupe habituellement mes pens&eacute;es. J&rsquo;ose croire que ces d&eacute;tails ne seront pas sans int&eacute;r&ecirc;t pour toi&nbsp;; je t&rsquo;invite &agrave; me faire part aussi de ce qui se passe en toi, si cela ne t&rsquo;ennuie pas. Pour moi, il me semble que nous ne saurions avoir de correspondance plus int&eacute;ressante&nbsp;; car je pense que pour s&rsquo;aimer, il faut se conna&icirc;tre parfaitement, et je ne con&ccedil;ois pas de plus grand charme dans la vie que cette communication de deux c&oelig;urs qui versent mutuellement l&rsquo;un dans l&rsquo;autre tous leurs secrets, tous leurs sentiments<sup><a href="#nbp_3" id="note_3" name="lien_nbp_3" title="Aller à la note de bas de page n°3">3</a></sup>.</q></p> <p>Le&nbsp;<em>Journal</em>&nbsp;d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin commence en 1834 et s&rsquo;interrompt en 1841. Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin d&eacute;clare : &laquo;&nbsp;c&rsquo;est l&rsquo;imprimerie cach&eacute;e de mon &acirc;me qui se fait sur ce cahier<sup><a href="#nbp_4" id="note_4" name="lien_nbp_4" title="Aller à la note de bas de page n°4">4</a></sup>.&nbsp;&raquo; Simultan&eacute;ment, Maurice de Gu&eacute;rin entame la r&eacute;daction d&rsquo;un journal, &laquo;&nbsp;papier &eacute;troit qui sera le messager de [son] c&oelig;ur<sup><a href="#nbp_5" id="note_5" name="lien_nbp_5" title="Aller à la note de bas de page n°5">5</a></sup>&nbsp;&raquo;, qu&rsquo;il nommera son&nbsp;<em>Cahier Vert</em><sup><a href="#nbp_6" id="note_6" name="lien_nbp_6" title="Aller à la note de bas de page n°6">6</a></sup>&nbsp;en 1832 et qu&rsquo;il abandonne en 1835 sans donner de v&eacute;ritables raisons<sup><a href="#nbp_7" id="note_7" name="lien_nbp_7" title="Aller à la note de bas de page n°7">7</a></sup>. Il serait int&eacute;ressant de superposer ces deux journaux et d&rsquo;&eacute;tablir un lien entre eux&nbsp;: le fil conducteur de cette double lecture sera la relation adelphique. L&rsquo;&eacute;criture des Gu&eacute;rin aussi bien que la r&eacute;ception des deux journaux ont &eacute;t&eacute; largement tributaires de ce lien.</p> <p>En fait, si l&rsquo;on regarde aujourd&rsquo;hui la post&eacute;rit&eacute; des Gu&eacute;rin, leur destin&eacute;e litt&eacute;raire semble largement nou&eacute;e autour de leur biographie. La vie de Maurice et d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin a sollicit&eacute; bien plus l&rsquo;attention du public que leur &oelig;uvre ou leur style. En effet, c&rsquo;est le d&eacute;c&egrave;s tr&egrave;s pr&eacute;coce et tragique du fr&egrave;re (mort &agrave; l&rsquo;&acirc;ge de 29 ans) qui fascine finalement le plus les critiques et qui jette de l&rsquo;ombre sur l&rsquo;&oelig;uvre de ce po&egrave;te<sup><a href="#nbp_8" id="note_8" name="lien_nbp_8" title="Aller à la note de bas de page n°8">8</a></sup>, inconnu ou m&eacute;connu de la sc&egrave;ne litt&eacute;raire. Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin, quant &agrave; elle, attire l&rsquo;attention des lecteurs parce qu&rsquo;elle est consid&eacute;r&eacute;e comme l&rsquo;une des premi&egrave;res figures f&eacute;minines de l&rsquo;&eacute;criture diaristique.</p> <p>Il faudra donc &eacute;tudier la fratrie dans le journal intime et la mani&egrave;re dont elle se construit &agrave; travers l&rsquo;&eacute;criture diaristique. Les deux journaux ont &eacute;t&eacute; &eacute;dit&eacute;s et r&eacute;ceptionn&eacute;s comme un exemple &eacute;difiant de fratrie. On interrogera la r&eacute;ception des deux &oelig;uvres et la construction de ce mythe litt&eacute;raire qui puise ses r&eacute;f&eacute;rences dans le mod&egrave;le chr&eacute;tien de la fratrie tel qu&rsquo;il a &eacute;t&eacute; construit par Barbey d&rsquo;Aurevilly, l&rsquo;&eacute;diteur des journaux et le cr&eacute;ateur de cette repr&eacute;sentation des Gu&eacute;rin absolument topique aujourd&rsquo;hui. On tentera ensuite d&rsquo;expliquer comment les diff&eacute;rentes manipulations (censure, r&eacute;&eacute;criture) du texte gu&eacute;rinien finissent par donner naissance &agrave; une v&eacute;ritable fiction. Pour finir, on montrera que la d&eacute;construction du mythe de la fratrie, que nous souhaitons en fait initier dans notre th&egrave;se, peut aboutir &agrave; une nouvelle lecture du journal intime.</p> <h2>0.Les journaux des Gu&eacute;rin&nbsp;: exemple &eacute;difiant de la fratrie</h2> <h3>1.La publication de l&rsquo;&oelig;uvre</h3> <p>Commen&ccedil;ons d&rsquo;abord par rappeler les conditions d&rsquo;&eacute;dition parfois rocambolesques des deux journaux. Apr&egrave;s le d&eacute;c&egrave;s de Maurice de Gu&eacute;rin en 1839, Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin avait pour projet de r&eacute;unir les textes de son fr&egrave;re et de les publier. Mais trois ans plus t&ocirc;t Maurice de Gu&eacute;rin avait fait un autodaf&eacute; de tous les manuscrits et textes qu&rsquo;il avait en sa possession. Seul le&nbsp;<em>Cahier Vert</em>&nbsp;avait &eacute;t&eacute; confi&eacute;<sup><a href="#nbp_9" id="note_9" name="lien_nbp_9" title="Aller à la note de bas de page n°9">9</a></sup>&nbsp;&agrave; son ami Paul Quemper en Bretagne. Celui-ci avait emport&eacute; le texte avec lui en Am&eacute;rique. Il ne rentra en France qu&rsquo;en 1841 et remit le manuscrit &agrave; Barbey d&rsquo;Aurevilly, ami tr&egrave;s proche des Gu&eacute;rin. Eug&eacute;nie prit la d&eacute;cision d&rsquo;&eacute;diter le&nbsp;<em>Journal</em>, dont elle n&rsquo;avait lu que quelques extraits, dans le but de glorifier l&rsquo;image de son fr&egrave;re et de lui rendre un dernier hommage. Elle d&eacute;cida de placer dans la pr&eacute;face quelques extraits de son&nbsp;<em>Journal</em>. Elle mourut en 1848 sans avoir pu r&eacute;aliser son projet parce que Barbey avait refus&eacute; de lui remettre le manuscrit. Pris de remords quelques ann&eacute;es plus tard, il d&eacute;cida alors de demander &agrave; Tr&eacute;butien, un &eacute;diteur renomm&eacute;, de publier les deux journaux des Gu&eacute;rin. Le projet &eacute;ditorial fut ambitieux&nbsp;: publier les deux textes dans le but de mettre sur un pi&eacute;destal cette fratrie.</p> <p>La d&eacute;cision de publier le journal d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin avant celui de son fr&egrave;re se base sur la logique suivante&nbsp;: pour assurer la gloire litt&eacute;raire de Maurice, il faut &laquo;&nbsp;investir&nbsp;&raquo; (le mot est de Barbey dans une lettre &agrave; l&rsquo;&eacute;diteur) dans la publication d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin. Les &eacute;diteurs sont persuad&eacute;s que le succ&egrave;s des deux journaux d&eacute;pend du lien adelphique&nbsp;: leur objectif est de toucher la sensibilit&eacute; du lecteur &agrave; travers l&rsquo;image de la s&oelig;ur aimante et bienveillante qui d&eacute;die tout son journal &agrave; son fr&egrave;re. Si Barbey &eacute;crit &agrave; Tr&eacute;butien&nbsp;: &laquo; Tout le monde comprend une s&oelig;ur qui pleure son fr&egrave;re<sup><a href="#nbp_10" id="note_10" name="lien_nbp_10" title="Aller à la note de bas de page n°10">10</a></sup>&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est qu&rsquo;il a compris que le succ&egrave;s du journal de Maurice de Gu&eacute;rin d&eacute;pend de celui de sa s&oelig;ur. Pour transformer le texte priv&eacute; en une &oelig;uvre litt&eacute;raire capable d&rsquo;attirer le lecteur, il faut parler d&rsquo;Eug&eacute;nie et de Maurice, il faut chercher &agrave; les atteindre dans ce qui les unit&nbsp;: la fratrie.</p> <h3>2.La modification de l&rsquo;&oelig;uvre</h3> <p>Barbey d&rsquo;Aurevilly et Tr&eacute;butien ont abondamment remani&eacute; le journal d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin&nbsp;: ils ont r&eacute;&eacute;crit des passages entiers afin de l&rsquo;adapter &agrave; leur projet. Sur le manuscrit original, Barbey a fait des transformations&nbsp;: des ratures larges et appuy&eacute;es &agrave; l&rsquo;encre tr&egrave;s noire qui d&eacute;notent une volont&eacute; bien arr&ecirc;t&eacute;e de rendre le texte primitif &agrave; peu pr&egrave;s impossible &agrave; d&eacute;chiffrer<sup><a href="#nbp_11" id="note_11" name="lien_nbp_11" title="Aller à la note de bas de page n°11">11</a></sup>. Il &eacute;crit le 21 ao&ucirc;t 1855&nbsp;:&nbsp;&laquo; Les deux passages d&rsquo;Eug&eacute;nie [&hellip;] peuvent &ecirc;tre supprim&eacute;s. Voici pourquoi. Ils n&rsquo;apportent que du trouble dans l&rsquo;esprit du lecteur [&hellip;] Lavons notre linge sale en famille, disait Napol&eacute;on<sup><a href="#nbp_12" id="note_12" name="lien_nbp_12" title="Aller à la note de bas de page n°12">12</a></sup>. &raquo; Le&nbsp;<em>Journal&nbsp;</em>d&rsquo;Eug&eacute;nie contenait des propos jug&eacute;s d&eacute;sobligeants pour la famille Gu&eacute;rin. M&ecirc;me si elle approuvait la publication, il &eacute;tait hors de question de communiquer de telles r&eacute;v&eacute;lations hors de la sph&egrave;re priv&eacute;e. Les passages biff&eacute;s se rapportent aux gens d&rsquo;Andillac, &agrave; Barbey, &agrave; des amis de la famille. Notons que le titre d&eacute;finitif de l&rsquo;&eacute;dition de 1864 est&nbsp;: &laquo;&nbsp;journal publi&eacute; avec l&rsquo;assentiment de sa famille. &raquo; C&rsquo;est sous pr&eacute;texte de prot&eacute;ger la vie priv&eacute;e que l&rsquo;&oelig;uvre a &eacute;t&eacute; censur&eacute;e. Plusieurs personnes cit&eacute;es dans les deux journaux vivaient encore lors de la publication, une partie du manuscrit fut alors sciemment d&eacute;truite par la famille, l&rsquo;&eacute;diteur et les amis, d&rsquo;autres parties ont subi des corrections par gommage, des r&eacute;&eacute;critures et des coupures spectaculaires.</p> <p>Barbey d&rsquo;Aurevilly supprime notamment des passages o&ugrave; Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin lui t&eacute;moigne son amour. Ces passages figurent dans l&rsquo;&eacute;dition de 1864 mais sont absents de l&rsquo;&eacute;dition de 1855&nbsp;:</p> <p><q>&Ecirc;tre &agrave; sa place pour vous, comme vous &ecirc;tes &agrave; la sienne pour moi, c&rsquo;est tout ce que je d&eacute;sire et que je trouve de consolant dans l&rsquo;isolement o&ugrave; m&rsquo;a laiss&eacute;e sa perte. [&hellip;]&nbsp;Pour vous, mon second fr&egrave;re, qui ferez bien, je crois, quelque chose pour moi<sup><a href="#nbp_13" id="note_13" name="lien_nbp_13" title="Aller à la note de bas de page n°13">13</a></sup>.</q></p> <p>Il s&rsquo;agit chaque fois de couper des &eacute;l&eacute;ments consid&eacute;r&eacute;s comme g&ecirc;nants (essentiellement pour Barbey) au point de d&eacute;figurer l&rsquo;&oelig;uvre. Non seulement les passages qui &laquo; n&rsquo;apportent que du trouble dans l&rsquo;esprit du lecteur&nbsp;&raquo; sont supprim&eacute;s, mais sont combl&eacute;s &eacute;galement par les &eacute;diteurs et les lacunes et ratures qui figurent dans le manuscrit original. Tr&eacute;butien, apr&egrave;s sa rupture avec Barbey d&rsquo;Aurevilly, ne voudra assumer aucune responsabilit&eacute; dans la modification du texte original. Selon lui, les suppressions de la premi&egrave;re &eacute;dition sont le r&eacute;sultat de &laquo;&nbsp;circonstances ind&eacute;pendantes de sa volont&eacute;<sup><a href="#nbp_14" id="note_14" name="lien_nbp_14" title="Aller à la note de bas de page n°14">14</a></sup>&nbsp;&raquo;. Ces retouches, ces amputations du manuscrit, ces ajouts transforment le journal et le modifient&nbsp;: car ce qui compte avant tout c&rsquo;est de montrer la relation fusionnelle entre le fr&egrave;re et la s&oelig;ur.</p> <p>En ce qui concerne le&nbsp;<em>Cahier Vert</em>, il a &eacute;t&eacute; publi&eacute; en 1862. L&rsquo;&eacute;diteur insiste sur le fait qu&rsquo;aucune modification n&rsquo;a &eacute;t&eacute; apport&eacute;e au manuscrit original. Tr&eacute;butien le publie &laquo;&nbsp;tout entier, sans retranchements d&rsquo;aucune sorte<sup><a href="#nbp_15" id="note_15" name="lien_nbp_15" title="Aller à la note de bas de page n°15">15</a></sup>&nbsp;&raquo;. Cependant, malgr&eacute; ces affirmations, le&nbsp;<em>Cahier Vert</em>&nbsp;n&rsquo;&eacute;chappe pas, lui non plus, &agrave; la censure. Celle-ci concerne la situation mat&eacute;rielle du Cayla, les probl&egrave;mes de subsistance &agrave; Paris et les consid&eacute;rations politiques et religieuses qui l&rsquo;&eacute;loign&egrave;rent peu &agrave; peu de l&rsquo;orthodoxie convenue. Tr&eacute;butien juge judicieux de supprimer des extraits d&rsquo;une lettre envoy&eacute;e par le fr&egrave;re le 21 juin 1833 contenant une &eacute;vocation des infortunes familiales. Tr&eacute;butien &eacute;crit&nbsp;:&nbsp;&laquo; Leur caract&egrave;re confidentiel ne permet pas de les transcrire en entier. Pour tout ce qui touche aux d&eacute;tails intimes de la vie domestique, il y a des limites o&ugrave; la curiosit&eacute; des plus l&eacute;gitimes doit s&rsquo;arr&ecirc;ter<sup><a href="#nbp_16" id="note_16" name="lien_nbp_16" title="Aller à la note de bas de page n°16">16</a></sup>. &raquo; Les inqui&eacute;tudes de la famille am&egrave;nent les &eacute;diteurs &agrave; retoucher le texte et &agrave; supprimer toute trace d&rsquo;irr&eacute;ligiosit&eacute;.</p> <h3>3.La publication et le succ&egrave;s de l&rsquo;&oelig;uvre</h3> <p>En d&eacute;cembre 1855, cinquante exemplaires du&nbsp;<em>Journal</em>&nbsp;d&rsquo;Eug&eacute;nie sont &eacute;dit&eacute;s sous le titre de&nbsp;<em>Reliquae</em>. Ces exemplaires visaient &agrave; voir la r&eacute;action du public et &agrave; anticiper sur la r&eacute;ception de l&rsquo;&oelig;uvre&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le placement de chaque exemplaire de notre volume doit &ecirc;tre un placement d&rsquo;usurier de g&eacute;nie. Il doit nous rapporter deux cents pour cent ou nous serions des imb&eacute;ciles<sup><a href="#nbp_17" id="note_17" name="lien_nbp_17" title="Aller à la note de bas de page n°17">17</a></sup>&nbsp;&raquo;, pr&eacute;cise Barbey &agrave; l&rsquo;&eacute;diteur. Le succ&egrave;s de l&rsquo;&oelig;uvre est incontestable&nbsp;: entre 1864 et 1935, le&nbsp;<em>Journal</em>&nbsp;d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin ne conna&icirc;t pas moins de 59 &eacute;ditions et r&eacute;&eacute;ditions. L&rsquo;&eacute;diteur G.S Tr&eacute;butien explique &agrave; Marie (la petite s&oelig;ur de Maurice et d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin) qu&rsquo;on lui demande des traductions<sup><a href="#nbp_18" id="note_18" name="lien_nbp_18" title="Aller à la note de bas de page n°18">18</a></sup>&nbsp;en hollandais (1868), en allemand (1869) et en polonais (1870). Le&nbsp;<em>Journal</em>&nbsp;de la s&oelig;ur sera m&ecirc;me &eacute;dit&eacute; &agrave; Londres et &agrave; New-York<sup><a href="#nbp_19" id="note_19" name="lien_nbp_19" title="Aller à la note de bas de page n°19">19</a></sup>.&nbsp;<em>La Revue du Monde Catholique&nbsp;</em>fait para&icirc;tre 40 extraits du journal, de m&ecirc;me&nbsp;<em>La Revue d&rsquo;&eacute;conomie chr&eacute;tienne&nbsp;</em>publie des extraits en ao&ucirc;t 1864. L&rsquo;Acad&eacute;mie fran&ccedil;aise couronne le&nbsp;<em>Journal</em>&nbsp;d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin en 1863.</p> <p>En ce qui concerne le&nbsp;<em>Cahier Vert</em>, sa publication conna&icirc;t aussi un grand succ&egrave;s. Il sera &eacute;dit&eacute; plusieurs fois comme le&nbsp;<em>journal</em>&nbsp;de la s&oelig;ur. Mais, sur la sc&egrave;ne litt&eacute;raire, Maurice de Gu&eacute;rin est connu davantage comme po&egrave;te (l&rsquo;un des cr&eacute;ateurs du po&egrave;me en prose) que comme diariste. Cependant, le lien entre son&nbsp;<em>Journal</em>&nbsp;et ses po&egrave;mes en prose permet de tisser une &laquo;&nbsp;correspondance avec l&rsquo;&acirc;me de la nature<sup><a href="#nbp_20" id="note_20" name="lien_nbp_20" title="Aller à la note de bas de page n°20">20</a></sup>&nbsp;&raquo;. On retrouvera alors dans le&nbsp;<em>Cahier Vert</em>&nbsp;des th&egrave;mes que Maurice utilisera par la suite dans ses po&egrave;mes. Le succ&egrave;s des po&egrave;mes en prose du jeune &eacute;crivain am&egrave;nera la critique &agrave; d&eacute;couvrir ses textes diaristiques m&ecirc;me si, durant plusieurs ann&eacute;es, les critiques &laquo;&nbsp;assign[ent] au po&egrave;te une place solitaire<sup><a href="#nbp_21" id="note_21" name="lien_nbp_21" title="Aller à la note de bas de page n°21">21</a></sup>&nbsp;&raquo; dans le monde litt&eacute;raire.</p> <p>Ce succ&egrave;s reste intimement li&eacute; &agrave; l&rsquo;image du couple&nbsp;; &agrave; l&rsquo;instar de Lucile et Ren&eacute; de Chateaubriand, Laure Surville et Balzac, Camille et Paul Claudel, Henriette et Ernest Renan, la fratrie des Gu&eacute;rin fascine en offrant une image idyllique du couple. Tr&eacute;butien note dans la pr&eacute;face de la premi&egrave;re &eacute;dition du journal d&rsquo;Eug&eacute;nie&nbsp;: &laquo;&nbsp;c&rsquo;est l&rsquo;expression de la tendresse fraternelle qui tient encore la premi&egrave;re place dans ce recueil. &raquo; Chaque s&oelig;ur qui voue &agrave; son fr&egrave;re un amour infini va s&rsquo;identifier &agrave; l&rsquo;auteure de ce journal.</p> <h1>0.La construction d&rsquo;un mythe</h1> <h2>1.Le mod&egrave;le chr&eacute;tien de la fratrie</h2> <p>Les critiques ont longtemps pens&eacute; que les &oelig;uvres des Gu&eacute;rin &eacute;taient destin&eacute;es &agrave; &ecirc;tre rang&eacute;es dans une &Eacute;glise plut&ocirc;t que dans les rayons d&rsquo;une biblioth&egrave;que<sup><a href="#nbp_22" id="note_22" name="lien_nbp_22" title="Aller à la note de bas de page n°22">22</a></sup>. En effet, la repr&eacute;sentation adelphique dans les deux journaux puise ses r&eacute;f&eacute;rences dans le mod&egrave;le chr&eacute;tien de la fratrie. L&rsquo;image de la s&oelig;ur pieuse et chaste qui ne se marie pas et qui consacre toute sa vie &agrave; l&rsquo;amour de son fr&egrave;re a cr&eacute;&eacute; une forme de fascination autour du couple adelphique. L&rsquo;id&eacute;alisation insistante de la fratrie aboutit &agrave; une cristallisation de leur image en les fusionnant&nbsp;: ils n&rsquo;existent plus en tant que deux &eacute;crivains distincts mais ils forment un tout, un couple indissociable. Fran&ccedil;ois Mauriac, dans une pr&eacute;face de l&rsquo;&eacute;dition du&nbsp;<em>Journal</em>&nbsp;d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin pense qu&rsquo;elle &laquo;&nbsp;continue d&rsquo;exiger que leurs deux destins se confondent<sup><a href="#nbp_23" id="note_23" name="lien_nbp_23" title="Aller à la note de bas de page n°23">23</a></sup>&nbsp;&raquo;. Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin l&rsquo;a exig&eacute;, certes, mais la critique a sublim&eacute; ce couple allant m&ecirc;me jusqu&rsquo;&agrave; confondre les deux destins.</p> <p>Consid&eacute;r&eacute;s comme des ic&ocirc;nes dans le milieu catholique, les Gu&eacute;rin sont des romantiques pieux mais d&eacute;vor&eacute;s par la question religieuse, formant un contrepoint au romantisme ironique et d&eacute;sabus&eacute; qui occupait la sc&egrave;ne litt&eacute;raire. Les deux journaux mettent en avant le tiraillement entre les valeurs constantes du romantisme (l&rsquo;&eacute;vocation de la nature comme refuge, la m&eacute;lancolie, le lyrisme accentu&eacute;) et la question religieuse. L&rsquo;&oelig;uvre gu&eacute;rinienne est constamment orient&eacute;e vers une lecture qui pr&ocirc;ne les valeurs chr&eacute;tiennes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Une &oelig;uvre d&rsquo;art chr&eacute;tienne capable d&rsquo;enchanter les c&oelig;urs et de faire du bien<sup><a href="#nbp_24" id="note_24" name="lien_nbp_24" title="Aller à la note de bas de page n°24">24</a></sup>&nbsp;&raquo;, dira Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin elle-m&ecirc;me. Chaque mot des seize cahiers de son&nbsp;<em>Journal</em>&nbsp;parle de Maurice, glorifie son image et lui rappelle que leur amour est plus fort &laquo;&nbsp;sous le regard de Dieu<sup><a href="#nbp_25" id="note_25" name="lien_nbp_25" title="Aller à la note de bas de page n°25">25</a></sup>&nbsp;&raquo;. En s&rsquo;adressant constamment &agrave; son fr&egrave;re m&ecirc;me apr&egrave;s sa mort, elle consolide sa foi et se rapproche de Dieu. L&rsquo;&eacute;criture devient un autre mode de pri&egrave;re. Elle &eacute;crit le 23 janvier 1840&nbsp;:</p> <p><q>Dans cet acte de foi et d&rsquo;amour est tout mon soutien, toute ma vie, m&ecirc;me celle du corps peut-&ecirc;tre. Dieu me prend en lui&nbsp;; et que ne peut l&rsquo;amour tout-puissant sur une &acirc;me qu&rsquo;il poss&egrave;de&nbsp;! C&rsquo;est la consoler d&rsquo;abord, de ce qu&rsquo;elle souffre en aimant<sup><a href="#nbp_26" id="note_26" name="lien_nbp_26" title="Aller à la note de bas de page n°26">26</a></sup>.</q></p> <p>Les th&eacute;matiques de la souffrance et de l&rsquo;amour font partie des piliers du christianisme&nbsp;: Dieu est amour et il faut souffrir pour m&eacute;riter son amour. La dimension chr&eacute;tienne de la fratrie donne &agrave; Maurice et Eug&eacute;nie un statut privil&eacute;gi&eacute;, une sorte d&rsquo;aura. &Agrave; la lecture du&nbsp;<em>Journal,</em>&nbsp;l&rsquo;image &eacute;difiante et religieuse s&rsquo;&eacute;rige en exemple puisqu&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin r&eacute;pond &agrave; un mod&egrave;le &eacute;ducatif f&eacute;minin revendiqu&eacute; par l&rsquo;&eacute;glise &agrave; cette &eacute;poque&nbsp;: femme soumise, pieuse, chaste. De m&ecirc;me pour le&nbsp;<em>Cahier Vert</em>&nbsp;qui d&eacute;crit une qu&ecirc;te ontologique&nbsp;: les questions que se pose le diariste sur lui-m&ecirc;me concernent &agrave; la fois l&rsquo;homme et le cr&eacute;ateur. Les deux journaux deviennent alors une forme de confession&nbsp;: une &eacute;criture exutoire, un examen de conscience.</p> <h2>2.Diaristes ou personnages romanesques&nbsp;?</h2> <p>Il existe une &laquo;&nbsp;manipulation&nbsp;&raquo; de l&rsquo;&oelig;uvre &agrave; travers les r&eacute;&eacute;critures et les adaptations du journal. Ces retouches, ces amputations du manuscrit, ces ajouts dont nous avons d&eacute;j&agrave; parl&eacute; transforment le journal en une &oelig;uvre de fiction. Ce qui compte, c&rsquo;est moins l&rsquo;authenticit&eacute; et la v&eacute;racit&eacute; de chaque mot que l&rsquo;image id&eacute;aliste du lien adelphique. Lors de la publication, il y eut m&ecirc;me plusieurs rumeurs qui accusaient Barbey d&rsquo;&ecirc;tre l&rsquo;auteur du&nbsp;<em>Journal</em>. Pour se justifier, il &eacute;crit &agrave; Tr&eacute;butien&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les fut&eacute;s litt&eacute;raires [&hellip;] pr&eacute;tendent que je suis l&rsquo;auteur des lettres d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin. Ils ajoutent, ces hommes sagaces et raisonneurs, qu&rsquo;Eug&eacute;nie et Maurice sont des personnages invent&eacute;s par le romancier d&rsquo;Aurevilly qui a fait mieux que Joseph Delorme<sup><a href="#nbp_27" id="note_27" name="lien_nbp_27" title="Aller à la note de bas de page n°27">27</a></sup>. &raquo; Si de telles rumeurs circulent dans les salons litt&eacute;raires, c&rsquo;est que les deux journaux se pr&ecirc;tent &agrave; cette lecture&nbsp;: on peut effectivement envisager que Maurice et Eug&eacute;nie sont des personnages de leurs journaux.</p> <p>&Agrave; partir du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et en s&rsquo;inspirant du mythe fraternel chr&eacute;tien, de nombreux &eacute;crivains ont m&ecirc;me tent&eacute; d&rsquo;adapter la vie des Gu&eacute;rin au roman. Il s&rsquo;agit de romans &eacute;dit&eacute;s qui extraient de&nbsp;la biographie d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin les moments importants de sa vie pour &laquo;&nbsp;r&eacute;v&eacute;ler une autre Eug&eacute;nie &raquo; comme le dit Wanda Bannour, par exemple, dans la pr&eacute;face de son roman&nbsp;<em>Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin ou une chastet&eacute; ardente</em>. Elle note&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai &eacute;tudi&eacute; la vie d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin &ndash; avec quelle minutieuse, quelle hallucinante pr&eacute;cision&nbsp;! &ndash; et je l&rsquo;ai racont&eacute;e comme un roman<sup><a href="#nbp_28" id="note_28" name="lien_nbp_28" title="Aller à la note de bas de page n°28">28</a></sup>. &raquo; Pour ces &eacute;crivains, ce qui compte, c&rsquo;est &laquo;&nbsp;le souci constant du d&eacute;tail &raquo;. Ainsi, en s&rsquo;inspirant des d&eacute;tails donn&eacute;s dans le journal, l&rsquo;auteure du roman donnera des pr&eacute;cisions sur le physique, sur les v&ecirc;tements, sur la gestuelle, etc. L&rsquo;&eacute;l&eacute;ment biographique est ainsi &laquo;&nbsp;instrumentalis&eacute;&nbsp;&raquo; pour inventer une histoire romanesque avec beaucoup d&rsquo;amplification et de lyrisme. Prenons comme exemple cet extrait&nbsp;o&ugrave; l&rsquo;&eacute;crivain d&eacute;crit Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin&nbsp;:</p> <p><q>Se regardait-elle dans un miroir (ce qu&rsquo;elle ne fait s&ucirc;rement pas&nbsp;!) qu&rsquo;elle apercevrait avec d&eacute;plaisir et chagrin cette &laquo;&nbsp;sauterelle&nbsp;&raquo;&nbsp;: bras et jambes longs, peu de mollets, hanches et coudes aigus, presque pas de seins, le sternum saillant. Mais quels yeux, yeux de renarde, roux, avec des p&eacute;pites d&rsquo;or&nbsp;! Quel front immense, sublime&nbsp;! Quelle voix de contralto, quelle suavit&eacute;<sup><a href="#nbp_29" id="note_29" name="lien_nbp_29" title="Aller à la note de bas de page n°29">29</a></sup>&nbsp;!</q></p> <p>On voit comment on entre ici dans une gnos&eacute;ologie romanesque, pour reprendre les termes de Marc Angenot, qui fait d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin le type m&ecirc;me de la fille ingrate mais jolie en puissance, une sorte de chrysalide, un type romanesque au m&eacute;pris de la r&eacute;alit&eacute; du destin de la jeune fille. Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin n&rsquo;est plus alors diariste mais se transforme en personnage principal d&rsquo;un roman qui relate sa vie.</p> <h1>0.La d&eacute;construction du mythe</h1> <h2>1.Antagonisme&nbsp;: fascination/rejet</h2> <p>Les &eacute;changes du fr&egrave;re et de la s&oelig;ur dans leurs journaux respectifs se sont d&eacute;roul&eacute;s selon un jeu inattendu de fascination et de rejet, d&rsquo;attraction et d&rsquo;exclusion d&eacute;crivant ainsi un manque de r&eacute;ciprocit&eacute; qui t&eacute;moigne d&rsquo;une in&eacute;galit&eacute; dans la fratrie.&nbsp;Barbey d&rsquo;Aurevilly a eu beau id&eacute;aliser la fratrie, il existe cependant quelques zones d&rsquo;ombre qui laissent &agrave; un chercheur la possibilit&eacute; de proposer une autre lecture du journal.</p> <p>D&rsquo;abord &agrave; l&rsquo;inverse d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin qui d&eacute;die tous les cahiers de son&nbsp;<em>Journal</em>&nbsp;&agrave; son &laquo;&nbsp;bien-aim&eacute; fr&egrave;re Maurice<sup><a href="#nbp_30" id="note_30" name="lien_nbp_30" title="Aller à la note de bas de page n°30">30</a></sup>&nbsp;&raquo;, le&nbsp;<em>Journal</em>&nbsp;du fr&egrave;re dont la dur&eacute;e d&rsquo;&eacute;criture ne s&rsquo;&eacute;tend que sur trois ans (1832-1835) ne mentionne la s&oelig;ur que rarement. Comment expliquer cette exclusion&nbsp;? Paradoxalement, pendant la m&ecirc;me p&eacute;riode, la correspondance entre Maurice de Gu&eacute;rin et sa s&oelig;ur t&eacute;moigne du lien indissociable qui les unit. Il lui &eacute;crit le 24 mai 1830&nbsp;:&nbsp;&laquo; l&rsquo;&acirc;ge o&ugrave; tu as commenc&eacute; &agrave; &eacute;crire, il y a des pens&eacute;es qu&rsquo;on ne peut garder pour soi&nbsp;: il faut les confier &agrave; un ami ou les &eacute;crire, souvent l&rsquo;un et l&rsquo;autre.<sup><a href="#nbp_31" id="note_31" name="lien_nbp_31" title="Aller à la note de bas de page n°31">31</a></sup>&nbsp;&raquo;</p> <p>Plus tard, Maurice de Gu&eacute;rin insiste sur l&rsquo;importance de l&rsquo;&eacute;criture comme acte de confession&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Il faut que je te parle de ma vie, que j&rsquo;&eacute;tale &agrave; tes yeux toute mon existence, que je retrace trait pour trait cet &eacute;trange et bizarre arrangement de pens&eacute;es, d&rsquo;actions, d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements qui font une vie d&rsquo;homme.<sup><a href="#nbp_32" id="note_32" name="lien_nbp_32" title="Aller à la note de bas de page n°32">32</a></sup>&nbsp;&raquo; Or effectivement, s&rsquo;il t&eacute;moigne volontiers de son amour infini pour sa s&oelig;ur dans sa correspondance, Maurice de Gu&eacute;rin se garde de l&rsquo;inclure dans son&nbsp;<em>Cahier Vert</em>.&nbsp;<em>A contrario</em>, Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin s&rsquo;attache &agrave; ce fr&egrave;re pour construire sa propre identit&eacute;&nbsp;: son&nbsp;<em>Journal</em>, &eacute;crit &agrave; la deuxi&egrave;me personne du singulier, lui est totalement consacr&eacute; m&ecirc;me apr&egrave;s sa mort. La relation &agrave; l&rsquo;autre n&rsquo;est donc pas v&eacute;cue selon le m&ecirc;me mod&egrave;le.</p> <h2>2.&nbsp;Remise en cause de l&rsquo;intime</h2> <p>Deuxi&egrave;me point qui t&eacute;moigne d&rsquo;une sorte d&rsquo;in&eacute;galit&eacute; dans l&rsquo;utilisation du journal&nbsp;: les deux journaux remettent en cause les principes de l&rsquo;&eacute;criture diaristique tels qu&rsquo;ils ont &eacute;t&eacute; th&eacute;oris&eacute;s par B&eacute;atrice Didier, Alain Girard ou Philippe Lejeune. Raconter l&rsquo;intime passe paradoxalement par l&rsquo;exhibition de soi&nbsp;: Maurice de Gu&eacute;rin lit des extraits de son texte en public&nbsp;; ses amis corrigent directement sur le manuscrit des passages de son&nbsp;<em>Journal</em>, il int&egrave;gre des morceaux de ses correspondances dans&nbsp;<em>Le Cahier Vert</em>&nbsp;; Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin, quant &agrave; elle, montre ses &eacute;crits &agrave; un pr&ecirc;tre<sup><a href="#nbp_33" id="note_33" name="lien_nbp_33" title="Aller à la note de bas de page n°33">33</a></sup>. La fratrie s&rsquo;&eacute;crit dans un genre qui se r&eacute;clame de l&rsquo;&eacute;criture intime mais qui d&eacute;fie les r&egrave;gles du secret et de confidentialit&eacute; puisque plusieurs personnes vont lire &laquo;&nbsp;ces &eacute;panchements du c&oelig;ur&nbsp;&raquo; du vivant de Maurice et d&rsquo;Eug&eacute;nie. La notion d&rsquo;&laquo;&nbsp;intime&nbsp;&raquo; devient fragile et perd sa valeur&nbsp;alors m&ecirc;me qu&rsquo;une intime connivence, de l&rsquo;ordre du secret adelphique, &eacute;tait pourtant revendiqu&eacute;e dans leur correspondance : &laquo;&nbsp;Mon ami, je voudrais bien avoir une lettre de toi&nbsp;; celle d&rsquo;aujourd&rsquo;hui est pour tous, et c&rsquo;est de l&rsquo;intime qu&rsquo;il me faut. L&rsquo;amiti&eacute; se nourrit de cela.<sup><a href="#nbp_33" id="note_34" name="lien_nbp_34" title="Aller à la note de bas de page n°34">34</a></sup>&nbsp;&raquo; Mais c&rsquo;est peut-&ecirc;tre l&agrave; que r&eacute;side l&rsquo;originalit&eacute; de cette relation. Ce flottement entre le secret et le public donne de la valeur &agrave; l&rsquo;&eacute;criture diaristique. Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin cherchera m&ecirc;me &agrave; publier son&nbsp;<em>Journal,&nbsp;</em>on l&rsquo;a dit. Elle &eacute;crit &agrave; son fr&egrave;re&nbsp;: &laquo;&nbsp;Si je meurs avant toi, je te le l&egrave;gue. Ce sera &agrave; peu pr&egrave;s tout mon h&eacute;ritage, mais ce legs de c&oelig;ur aura bien quelques prix pour toi.<sup><a href="#nbp_35" id="note_35" name="lien_nbp_35" title="Aller à la note de bas de page n°35">35</a></sup>&nbsp;&raquo; Mais Maurice de Gu&eacute;rin mourut le premier, et sa s&oelig;ur n&rsquo;eut aucune h&eacute;sitation &agrave; publier le&nbsp;<em>Cahier Vert</em>, ce journal qui &eacute;tait cens&eacute; rester priv&eacute;<sup><a href="#nbp_36" id="note_36" name="lien_nbp_36" title="Aller à la note de bas de page n°36">36</a></sup>.</p> <h2>3.Construction d&rsquo;une nouvelle identit&eacute;</h2> <p>On constate donc finalement une profonde dissonance, voire une discordance entre les deux journaux. Certes, Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin nourrit sa vie et son journal d&rsquo;abord du dialogue avec son fr&egrave;re, puis &agrave; sa mort, elle fait de son journal un monument &agrave; la gloire du souvenir du fr&egrave;re d&eacute;funt.</p> <p>Mais la redistribution des identit&eacute;s finit par cr&eacute;er un conflit sous-jacent en d&eacute;samor&ccedil;ant le lien ind&eacute;fectible et en cr&eacute;ant des failles&nbsp;: l&rsquo;&eacute;criture de soi et de l&rsquo;autre aboutit curieusement &agrave; l&rsquo;exclusion de l&rsquo;autre. Cette mise en sc&egrave;ne de la fratrie m&egrave;ne &agrave; une illusion. Il faudra lib&eacute;rer Maurice et Eug&eacute;nie du mythe familial dont ils sont prisonniers. Quand Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Point de lettre, tu es bien m&eacute;chant de ne pas m&rsquo;&eacute;crire, &agrave; moi qui t&rsquo;&eacute;cris partout<sup><a href="#nbp_37" id="note_37" name="lien_nbp_37" title="Aller à la note de bas de page n°37">37</a></sup>&nbsp;&raquo;, ne r&eacute;v&egrave;le-t-elle pas un conflit fraternel&nbsp;sous-jacent ? La fratrie &eacute;tait le pr&eacute;texte pour &eacute;crire (chacun &eacute;crit un journal &agrave; la demande de l&rsquo;autre) mais nous pensons qu&rsquo;Eug&eacute;nie et Maurice ont fini par se d&eacute;tacher, peu &agrave; peu, l&rsquo;un de l&rsquo;autre. Le lien familial qui fut le motif de l&rsquo;&eacute;criture avait fini par l&rsquo;&eacute;touffer&nbsp;: &laquo; Une lettre me dit &ldquo;Maurice tousse&rdquo;. Depuis, j&rsquo;ai cette toux en moi, j&rsquo;ai mal &agrave; la poitrine de mon fr&egrave;re.<sup><a href="#nbp_38" id="note_38" name="lien_nbp_38" title="Aller à la note de bas de page n°38">38</a></sup>&nbsp;&raquo; L&rsquo;&eacute;criture diaristique se transforme en un acte performatif qui mimerait la fusion mais peut-&ecirc;tre aussi une confrontation violente. Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin, &agrave; partir de 1839, ne parle que de la mort du fr&egrave;re. Ce leitmotiv cr&eacute;e une parole monotone, r&eacute;p&eacute;titive qui n&rsquo;arrive plus &agrave; progresser. L&rsquo;&eacute;criture de l&rsquo;autre finit par s&rsquo;&eacute;touffer. Virginia Woolf qui donne une s&oelig;ur &agrave; Shakespeare (&laquo;&nbsp;laissez-moi imaginer [&hellip;] ce qui serait arriv&eacute; si Shakespeare avait eu une s&oelig;ur merveilleusement dou&eacute;e, appel&eacute;e, mettons Judith<sup><a href="#nbp_39" id="note_39" name="lien_nbp_39" title="Aller à la note de bas de page n°39">39</a></sup>&nbsp;&raquo;) montre que, pour elle, la seule solution est de se donner la mort. De m&ecirc;me pour Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin&nbsp;: pour pouvoir se lib&eacute;rer du poids du mythe adelphique, elle choisit Barbey d&rsquo;Aurevilly comme &laquo;&nbsp;fr&egrave;re par substitution&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;fr&egrave;re de c&oelig;ur&nbsp;&raquo; comme elle le dit et lui adresse quelques cahiers de son&nbsp;<em>Journal</em>. La fratrie est alors v&eacute;cue &agrave; trois, t&eacute;moignant ainsi de la d&eacute;construction du couple fr&egrave;re-s&oelig;ur. Choisir Barbey d&rsquo;Aurevilly, c&rsquo;est tuer le fr&egrave;re, comme on tue le p&egrave;re.</p> <p>La fratrie est certes au c&oelig;ur du&nbsp;<em>Journal</em>&nbsp;d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin et du&nbsp;<em>Cahier Vert</em>&nbsp;de Maurice de Gu&eacute;rin dans la mesure o&ugrave; elle d&eacute;finit les rapports &agrave; l&rsquo;autre et surtout &agrave; soi, mais nous avons souhait&eacute; d&eacute;montrer qu&rsquo;il faut se d&eacute;barrasser du mythe pour juger de la singularit&eacute; d&rsquo;abord, et de la litt&eacute;rarit&eacute; des deux journaux ensuite. Pour pouvoir op&eacute;rer un v&eacute;ritable examen de la litt&eacute;rarit&eacute; des deux journaux, il faut passer le mythe adelphique au second rang. M&ecirc;me si les deux textes se compl&egrave;tent, ils gardent chacun leurs particularit&eacute;s et jettent sur le monde des regards diff&eacute;rents. Pourtant leur r&eacute;ception repose sur plusieurs id&eacute;es pr&eacute;con&ccedil;ues que nous allons nous appliquer &agrave; d&eacute;construire&nbsp;: un couple adelphique id&eacute;al, sans tensions et sans rivalit&eacute;s, un catholicisme mod&egrave;le conforme aux dogmes et aux pratiques pr&eacute;conis&eacute;s par l&rsquo;&Eacute;glise, une r&eacute;partition non probl&eacute;matique des r&ocirc;les genr&eacute;s (&agrave; la fille serait d&eacute;volu l&rsquo;intervention dans la sph&egrave;re intime, au gar&ccedil;on la sph&egrave;re publique&nbsp;; une non-aspiration des femmes &agrave; la gloire litt&eacute;raire). Ce regard absolument unique que le XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle nous offre sur l&rsquo;intimit&eacute; d&rsquo;une fratrie permet donc de revenir sur des pr&eacute;jug&eacute;s tenaces au sujet de l&rsquo;intimit&eacute; des consciences. Nous esp&eacute;rons proposer une relecture des deux journaux des Gu&eacute;rin qui diff&egrave;re des approches biographique et religieuse et permet une revalorisation litt&eacute;raire de ces&nbsp;textes.</p> <hr /> <h2>Notes et r&eacute;f&eacute;rences</h2> <p id="note1"><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1 </a>Selon la formule de Pierre Michon.</p> <p><a href="#lien_nbp_2" name="nbp_2">2 </a>Maurice de Gu&eacute;rin,&nbsp;<em>Journal, lettres et po&egrave;mes publi&eacute;s avec l&rsquo;assentiment de sa famille</em>, par G.S Tr&eacute;butien et pr&eacute;c&eacute;d&eacute;s d&rsquo;une &eacute;tude biographique et litt&eacute;raire par M. Sainte-Beuve de l&rsquo;Acad&eacute;mie fran&ccedil;aise, vingt-neuvi&egrave;me &eacute;dition, Paris, Librairie Lecoffre J. Gabalda et fils &Eacute;diteurs, 1932, p. 137.</p> <p><a href="#lien_nbp_3" name="nbp_3">3&nbsp;</a><em>Ibidem</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_4" name="nbp_4">4 </a>Cit&eacute; par Wanda Bannour,&nbsp;<em>La vie chr&eacute;tienne d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin</em>, Paris, Albin Michel, 1983, p. 54.</p> <p><a href="#lien_nbp_5" name="nbp_5">5 </a>Lettre &agrave; sa s&oelig;ur r&eacute;dig&eacute;e &agrave; Paris, octobre 1828.</p> <p><a href="#lien_nbp_6" name="nbp_6">6 </a>Le journal est nomm&eacute; ainsi par ce que la couverture est verte.</p> <p><a href="#lien_nbp_7" name="nbp_7">7 </a>Suite au d&eacute;c&egrave;s de Marie de la Morvennais, amie et confidente de Maurice de Gu&eacute;rin, il interrompt brusquement son journal. Les probl&egrave;mes de Lamennais avec l&rsquo;&eacute;glise sont aussi une raison possible vu l&rsquo;amiti&eacute; qui unissait les deux hommes. Le&nbsp;<em>Cahier Vert</em>&nbsp;aurait pu dispara&icirc;tre dans un autodaf&eacute; que fit Maurice de Gu&eacute;rin en 1836 de tous ses manuscrits et documents qu&rsquo;il avait en sa possession. Le Journal avait &eacute;t&eacute; confi&eacute; (pr&ecirc;t&eacute; ou abandonn&eacute;) &agrave; son ami Paul Quemper en Bretagne en 1836. Celui-ci ne rentre en France qu&rsquo;en 1841. Il confie le manuscrit &agrave; Barbey. Une copie est faite en ao&ucirc;t 1841 par Auguste Chopin. Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin meurt en 1848 sans avoir pu reprendre le manuscrit mais elle a lu quelques extraits. En 1853, Barbey envoie le manuscrit &agrave; Tr&eacute;butien qui le conserva jusqu&rsquo;&agrave; 1870. Le biblioth&eacute;caire Sauvage d&eacute;couvre le manuscrit par hasard&nbsp;: il servait &agrave; caler le pied d&rsquo;une table boiteuse. Sa veuve en fait cadeau au Mus&eacute;e du Cayla en 1955.</p> <p><a href="#lien_nbp_8" name="nbp_8">8 </a>Maurice de Gu&eacute;rin est l&rsquo;auteur de plusieurs po&egrave;mes en prose&nbsp;:&nbsp;<em>La Bacchante, Glaucus</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Le</em>&nbsp;<em>Centaure</em>. Sand publiera en 1842, dans la&nbsp;<em>Revue des Deux Mondes</em>, un article pour faire l&rsquo;&eacute;loge de Maurice de Gu&eacute;rin.</p> <p><a href="#lien_nbp_9" name="nbp_9">9 </a>Des critiques supposent que le&nbsp;<em>Journal</em>&nbsp;a &eacute;t&eacute; abandonn&eacute; ou pr&ecirc;t&eacute; &agrave; Quemper. La correspondance de Maurice de Gu&eacute;rin ne permet pas de conna&icirc;tre les v&eacute;ritables circonstances du d&eacute;part du&nbsp;<em>Cahier Vert</em>&nbsp;vers l&rsquo;Am&eacute;rique.</p> <p><a href="#lien_nbp_10" name="nbp_10">10 </a>Lettre datant du 28 octobre 1855.</p> <p><a href="#lien_nbp_11" name="nbp_11">11 </a>&Eacute;mile Barth&egrave;s<em>, Eug&eacute;nie d&rsquo;apr&egrave;s des documents in&eacute;dits</em>, tome 2, apr&egrave;s la mort de son fr&egrave;re Maurice de Gu&eacute;rin, Paris, Librairie J.Gabalda et fils &Eacute;diteurs, 1929, p. 37.</p> <p><a href="#lien_nbp_12" name="nbp_12">12 </a>Barbey d&rsquo;Aurevilly,&nbsp;<em>Correspondances g&eacute;n&eacute;rales</em>, tome VI (1857-1865), Paris, Annales litt&eacute;raires de l&rsquo;Universit&eacute; de Besan&ccedil;on, 1986, p. 245-255.</p> <p><a href="#lien_nbp_13" name="nbp_13">13 </a>Lettre du 2 avril 1840.</p> <p><a href="#lien_nbp_14" name="nbp_14">14 </a>Ces d&eacute;clarations sont rapport&eacute;es par &Eacute;mile Barth&egrave;s.</p> <p><a href="#lien_nbp_15" name="nbp_15">15 </a>Lettre de Barbey d&rsquo;Aurevilly &agrave; Tr&eacute;butien le 29 mai 1858.</p> <p><a href="#lien_nbp_16" name="nbp_16">16 </a>Pr&eacute;face de la premi&egrave;re &eacute;dition du&nbsp;<em>Journal</em>&nbsp;de Maurice de Gu&eacute;rin.</p> <p><a href="#lien_nbp_17" name="nbp_17">17 </a>Lettre de Barbey &agrave; Tr&eacute;butien, cit&eacute;e par Christine Plant&eacute;, &laquo;&nbsp;L&rsquo;intime comme valeur publique. Les lettres d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin&nbsp;&raquo;, dans<em>&nbsp;La Lettre &agrave; la crois&eacute;e de l&rsquo;individuel et du social</em>, Paris, Kim&eacute;, 1994, p. 84.</p> <p><a href="#lien_nbp_18" name="nbp_18">18 </a>Emile Barth&egrave;s,&nbsp;<em>op.cit</em>., p. 295.</p> <p><a href="#lien_nbp_19" name="nbp_19">19 </a>Voir la th&egrave;se de Mathilde King,<em>&nbsp;La fortune litt&eacute;raire du Journal d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin au Qu&eacute;bec&nbsp;: intertextualit&eacute; et formes de l&rsquo;intime (1850-1950)</em>, th&egrave;se soutenue &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; du Qu&eacute;bec &agrave; Trois-Rivi&egrave;res, septembre 1998, 362 p.</p> <p><a href="#lien_nbp_20" name="nbp_20">20 </a>Maurice de Gu&eacute;rin,&nbsp;<em>op.cit</em>., p. 39.</p> <p><a href="#lien_nbp_21" name="nbp_21">21 </a>Bertrand Suzanne,&nbsp;<em>Le po&egrave;me en prose de Baudelaire jusqu&rsquo;&agrave; nos jours</em>, Paris, Librairie Nizet, 1994, p. 86.</p> <p><a href="#lien_nbp_22" name="nbp_22">22 </a>Nous empruntons cette m&eacute;taphore &agrave; &Eacute;mile Barth&egrave;s.</p> <p><a href="#lien_nbp_23" name="nbp_23">23 </a>Pr&eacute;face de Fran&ccedil;ois Mauriac dans&nbsp;<em>Maurice et Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin</em>, Mercure de France, 1965, p. 13.</p> <p><a href="#lien_nbp_24" name="nbp_24">24 </a>Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin,&nbsp;<em>Journal</em>, texte complet par M. &Eacute;mile Barth&egrave;s, soixanti&egrave;me &eacute;dition all&eacute;g&eacute;e et illustr&eacute;e, Albi, Atelier Professionnel de l&rsquo;orphelinat Saint-Jean, 1977, p. X.</p> <p><a href="#lien_nbp_25" name="nbp_25">25 </a>Nous empruntons cette expression &agrave; Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin,&nbsp;<em>op.cit</em>., p. 225.</p> <p><a href="#lien_nbp_26" name="nbp_26">26 </a>Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin,&nbsp;<em>op.cit</em>., p. 253.</p> <p><a href="#lien_nbp_27" name="nbp_27">27 </a>Lettre datant du 17 juin 1856, cit&eacute; dans les&nbsp;<em>Correspondances</em>, T.V, p. 148.</p> <p><a href="#lien_nbp_28" name="nbp_28">28&nbsp;</a><em>Ibid</em>., p. 2.</p> <p><a href="#lien_nbp_29" name="nbp_29">29 </a>Bannour Wanda,&nbsp;<em>op.cit.</em>, p. 63.</p> <p><a href="#lien_nbp_30" name="nbp_30">30 </a>Extrait d&rsquo;une &eacute;pigraphe du&nbsp;<em>Journa</em><em>l</em>&nbsp;d&rsquo;Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin.</p> <p><a href="#lien_nbp_31" name="nbp_31">31 </a>Maurice de Gu&eacute;rin,&nbsp;<em>op.cit</em>., p. 147.</p> <p><a href="#lien_nbp_32" name="nbp_32">32&nbsp;</a><em>Ibid</em>., Lettre du 6 janvier 1832, p. 156.</p> <p><a href="#lien_nbp_33" name="nbp_33">33 </a>Toutes ces informations ont &eacute;t&eacute; confirm&eacute;es dans la correspondance de Barbey avec Tr&eacute;butien, dans le&nbsp;<em>Cahier Vert&nbsp;</em>et dans diverses critiques.</p> <p><a href="#lien_nbp_34" name="nbp_34">34 </a>Maurice de Gu&eacute;rin,&nbsp;<em>op.cit</em>., p. 204.</p> <p><a href="#lien_nbp_35" name="nbp_35">35 </a>Wanda Bannour,&nbsp;<em>op.cit</em>., p. 79.</p> <p><a href="#lien_nbp_36" name="nbp_36">36 </a>Rappelons que Maurice de Gu&eacute;rin a br&ucirc;l&eacute; tous ses textes et n&rsquo;a jamais voulu publier son&nbsp;<em>Journal</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_37" name="nbp_37">37 </a>Eug&eacute;nie de Gu&eacute;rin,&nbsp;<em>op.cit</em>., p. 239.</p> <p><a href="#lien_nbp_38" name="nbp_38">38 </a>4 juin 1834.</p> <p><a href="#lien_nbp_39" name="nbp_39">39 </a>Virginia Woolf,&nbsp;<em>Une chambre &agrave; soi</em>, traduit de l&rsquo;anglais par Clara Malraux, Paris, Deno&euml;l, 1992, p. 70.</p>