<p>La question de l&rsquo;acclimatation du postcolonial en France serait presque de l&rsquo;ordre du lieu commun&nbsp;: nombre d&rsquo;articles et d&rsquo;ouvrages portent sur cette question, d&eacute;crivent les &eacute;volutions, analysent les &eacute;checs ou r&eacute;ussites d&rsquo;un transfert transatlantique aux param&egrave;tres multiples. Et l&rsquo;h&eacute;sitation m&ecirc;me &agrave; traduire le concept est une preuve de ce balancement entre les deux rives de l&rsquo;Atlantique&nbsp;: &eacute;tudes postcoloniales, ou&nbsp;<em>postcolonial studies&nbsp;</em>? Les titres francophones empruntent parfois le terme anglophone&nbsp;; pour notre part, nous utiliserons plut&ocirc;t, voyage des concepts oblige, la traduction fran&ccedil;aise. Commen&ccedil;ons d&eacute;j&agrave; par emprunter &agrave; Jean-Marc Moura une pr&eacute;cision utile, en distinguant le &laquo;&nbsp;post-colonial&nbsp;&raquo; historique et chronologique du &laquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;&raquo; comme &laquo;&nbsp;complexe th&eacute;orico-critique<sup><a href="#nbp_1" id="note_1" name="lien_nbp_1" title="Aller à la note de bas de page n°1">1</a></sup>&nbsp;&raquo;, et sans entrer dans les d&eacute;bats que soul&egrave;ve &ndash; d&egrave;s son &eacute;nonciation&nbsp;! &ndash; ce pr&eacute;fixe&nbsp;: ainsi se trouve pos&eacute; le premier jalon de l&rsquo;appr&eacute;hension d&rsquo;un concept &agrave; la bibliographie particuli&egrave;rement imposante.</p> <p>Si l&rsquo;on remonte ne serait-ce que cinq ans en arri&egrave;re, on trouve d&eacute;j&agrave; une premi&egrave;re &eacute;tape dans l&rsquo;&eacute;tude de ce voyage qui a conduit le postcolonial, parti des universit&eacute;s am&eacute;ricaines, vers les universit&eacute;s fran&ccedil;aises au terme d&rsquo;une g&eacute;n&eacute;alogie complexe&nbsp;:&nbsp;un article de Laetitia Zecchini et Christine Lorre<sup><a href="#nbp_2" id="note_2" name="lien_nbp_2" title="Aller à la note de bas de page n°2">2</a></sup>&nbsp;a en effet mis en perspective les &laquo;&nbsp;allers-retours transatlantiques du postcolonial&nbsp;&raquo; de mani&egrave;re tr&egrave;s claire&nbsp;;&nbsp;&agrave; la m&ecirc;me &eacute;poque, David Murphy et Charles Forsdick<sup><a href="#nbp_3" id="note_3" name="lien_nbp_3" title="Aller à la note de bas de page n°3">3</a></sup>&nbsp;se sont attel&eacute;s &agrave; la m&ecirc;me t&acirc;che. En ce qui concerne les &eacute;tudes litt&eacute;raires plus pr&eacute;cis&eacute;ment, et dans un mouvement plus r&eacute;cent, Claire Joubert a dirig&eacute; un ouvrage au titre &eacute;vocateur,&nbsp;<em>Le Postcolonial compar&eacute; : anglophonie, francophonie</em><sup><a href="#nbp_4" id="note_4" name="lien_nbp_4" title="Aller à la note de bas de page n°4">4</a></sup>&nbsp;;&nbsp;Yves Clavaron enfin a publi&eacute; tout r&eacute;cemment un ouvrage qui synth&eacute;tise et probl&eacute;matise ces questions, faisant le bilan d&rsquo;une d&eacute;cennie de publications en France &ndash; ou portant sur la Franc<em>e</em><sup><a href="#nbp_5" id="note_5" name="lien_nbp_5" title="Aller à la note de bas de page n°5">5</a></sup>.</p> <p>L&rsquo;adaptation probl&eacute;matique et mouvement&eacute;e au contexte francophone fait donc partie int&eacute;grante de la d&eacute;finition du postcolonial. Pour notre part, et dans le cadre restreint de cet article qui se veut davantage une exploration qu&rsquo;une synth&egrave;se, nous nous appuierons donc sur cette production critique et r&eacute;flexive pour voir, dix ans apr&egrave;s une explosion de la popularit&eacute; du terme &laquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;&raquo;, cinq ans apr&egrave;s une vague de publications critiques<sup><a href="#nbp_6" id="note_6" name="lien_nbp_6" title="Aller à la note de bas de page n°6">6</a></sup>&nbsp;et au moment d&rsquo;un autre pic de production, ce qu&rsquo;il en est de ce transfert. Il n&rsquo;est pas si fr&eacute;quent, en effet, qu&rsquo;un concept soit aussi r&eacute;guli&egrave;rement remis en question et convoqu&eacute; dans des articles ou ouvrages aussi riches, avec toujours en arri&egrave;re-plan la question d&rsquo;une adaptation &agrave; des identit&eacute;s culturelles diff&eacute;rentes&nbsp;: il y a donc bien, d&egrave;s la bibliographie, une mise en valeur de cette probl&eacute;matique du postcolonial &agrave; la fran&ccedil;aise, cas exemplaire d&rsquo;un voyage de concept, tant g&eacute;ographiquement et linguistiquement que disciplinairement. Puisque c&rsquo;est de son ad&eacute;quation aux &eacute;tudes litt&eacute;raires universitaires fran&ccedil;aises qu&rsquo;il s&rsquo;agit, on se propose ici de retracer bri&egrave;vement la mani&egrave;re dont ces articles se r&eacute;pondent et dressent le portrait du paysage universitaire fran&ccedil;ais, ouvrant alors le d&eacute;bat sur l&rsquo;acclimatation d&rsquo;un concept anglo-saxon en France, et r&eacute;v&eacute;lant des probl&eacute;matiques identitaires sous-jacentes aux &eacute;tudes litt&eacute;raires.</p> <h1>Une g&eacute;n&eacute;alogie sous la forme d&rsquo;&laquo;&nbsp;allers-retours transatlantiques&nbsp;&raquo;</h1> <p>La premi&egrave;re pierre d&rsquo;une d&eacute;finition du postcolonial r&eacute;side dans l&rsquo;&eacute;lucidation de sa g&eacute;n&eacute;alogie, d&eacute;j&agrave; r&eacute;v&eacute;latrice de flux conceptuels importants. La paternit&eacute; du concept postcolonial est attribu&eacute;e &agrave; diff&eacute;rents penseurs, dont le premier reste Edward Sa&iuml;d, salu&eacute; en &eacute;pigraphe comme&nbsp;&laquo;&nbsp;notre p&egrave;re &agrave; tous&nbsp;&raquo; dans le recueil dirig&eacute; par Neil Lazarus<sup><a href="#nbp_7" id="note_7" name="lien_nbp_7" title="Aller à la note de bas de page n°7">7</a></sup>&nbsp;sur le postcolonial&nbsp;; son ouvrage majeur&nbsp;<em>Orientalism</em><sup><a href="#nbp_8" id="note_8" name="lien_nbp_8" title="Aller à la note de bas de page n°8">8</a></sup>&nbsp;a en effet permis de repenser l&rsquo;histoire des st&eacute;r&eacute;otypes sur l&rsquo;Orient en termes d&rsquo;invention et de domination au sein de tous les discours accompagnant la colonisation. Dans la production de cet auteur fondamental, il n&rsquo;est pas anodin de souligner comme le font David Murphy et Charles Forsdick dans les premi&egrave;res lignes de leur article que &laquo;&nbsp;dans deux articles &eacute;crits &agrave; plus de dix ans d&rsquo;intervalle, Edward W. Sa&iuml;d d&eacute;veloppe une r&eacute;flexion sur la capacit&eacute; des th&eacute;ories et des concepts &agrave;&nbsp;&ldquo;&nbsp;voyager&nbsp;ˮ d&rsquo;un contexte &agrave; l&rsquo;autre<sup><a href="#" id="note_9" name="lien_nbp_9" title="Aller à la note de bas de page n°9">9</a></sup>&nbsp;&raquo;&nbsp;: cette question du voyage et de l&rsquo;adaptation est bien au centre de la d&eacute;finition m&ecirc;me du postcolonial, et marque jusqu&rsquo;&agrave; son origine. Le voyage marque en fait d&rsquo;autant plus l&rsquo;origine du postcolonial que Homi K. Bhabha et Gayatri C. Spivak, autres grandes figures fondatrices de ce concept dont la naissance est li&eacute;e au monde anglo-saxon, sont des penseurs issus d&rsquo;anciens pays colonis&eacute;s et qui revendiquent cette identit&eacute;&nbsp;: c&rsquo;est un premier d&eacute;centrement, sinon un premier voyage, que cet &eacute;change entre le syst&egrave;me universitaire occidental et les &eacute;lites des anciens pays colonis&eacute;s, occupant souvent des postes dans les universit&eacute;s am&eacute;ricaines. La question de l&rsquo;origine du discours marque en effet les grands textes postcoloniaux&nbsp;: savoir quelle est la position du locuteur est une premi&egrave;re marque d&rsquo;appartenance au postcolonial.</p> <p>Si l&rsquo;on d&eacute;passe ces trois noms, la th&eacute;orie postcoloniale trouve sa source dans les &eacute;tudes culturelles au sens large, telles qu&rsquo;elles apparaissent dans les universit&eacute;s am&eacute;ricaines. Mais ces &eacute;tudes m&ecirc;mes ont une ascendance fran&ccedil;aise qui ressortit au champ litt&eacute;raire&nbsp;: ainsi, Jacqueline Bardolph fait remarquer dans son essai que Luk&agrave;cs, Sartre, Fanon ou Goldmann avaient d&eacute;j&agrave; ouvert l&rsquo;&eacute;tude des contenus id&eacute;ologiques d&rsquo;une &oelig;uvre<sup><a href="#" id="note_10" name="lien_nbp_10" title="Aller à la note de bas de page n°10">10</a></sup>&nbsp;;&nbsp;Gayatri Spivak s&rsquo;inspire de Foucault, et Zecchini et Lorre &eacute;crivent que&nbsp;:</p> <p><q>Le courant de pens&eacute;e des&nbsp;<em>Postcolonial Studies</em>&nbsp;est bien en partie n&eacute; de la r&eacute;interpr&eacute;tation outre-atlantique de la th&eacute;orie poststructuraliste. Celle-ci correspond &agrave; la notion de &laquo;&nbsp;bo&icirc;te &agrave; outils&nbsp;&raquo; formul&eacute;e par Foucault et Deleuze (Cusset 99)<sup><a href="#nbp_11" id="note_11" name="lien_nbp_11" title="Aller à la note de bas de page n°11">11</a></sup>.</q></p> <p>Il est cependant difficile de consid&eacute;rer que le postcolonial dans son application fran&ccedil;aise serait en fait une sorte de&nbsp;&laquo;&nbsp;retour aux sources&nbsp;&raquo; :&nbsp;les concepts ont en effet voyag&eacute;, se sont transform&eacute;s, ont &eacute;t&eacute; adapt&eacute;s, et reviennent donc sous une forme qui tient plus de la d&eacute;clinaison que de l&rsquo;identique, d&rsquo;o&ugrave; la formulation de Murphy et Forsdick qui parlent de</p> <p><q>version &laquo;&nbsp;fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo; des &eacute;tudes postcoloniales [qui] existe ind&eacute;niablement depuis les ann&eacute;es 1990, &eacute;poque &agrave; laquelle des chercheurs et intellectuels commenc&egrave;rent &agrave; explorer de pr&egrave;s les rapports entre le pass&eacute; colonial et un pr&eacute;sent qui se montrait, d&rsquo;une mani&egrave;re de plus en plus complexe, &laquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;&raquo;<sup><a href="#" id="note_12" name="lien_nbp_12" title="Aller à la note de bas de page n°12">12</a></sup>.</q></p> <p>Sont alors mentionn&eacute;s le groupe ACHAC (Association pour la Connaissance de l&rsquo;Histoire de l&rsquo;Afrique Contemporaine), les revues&nbsp;<em>D&eacute;dale</em>&nbsp;(1997) et&nbsp;<em>Africultures</em>&nbsp;(2000) pour donner une identit&eacute; &agrave; cette version fran&ccedil;aise. Dans le m&ecirc;me esprit, c&rsquo;est aussi le mot de &laquo; red&eacute;couverte<sup><a href="#nbp_13" id="note_13" name="lien_nbp_13" title="Aller à la note de bas de page n°13">13</a></sup>&nbsp;&raquo; qu&rsquo;emploie Vincent Chamabarlhac, la m&ecirc;me ann&eacute;e, pour cerner ce mouvement qui s&rsquo;op&egrave;re autour du groupe ACHAC.</p> <p>Pour trouver une d&eacute;finition simple du postcolonial, un moyen terme serait alors de l&rsquo;envisager comme une remise en question de la pens&eacute;e coloniale et des repr&eacute;sentations ethnocentr&eacute;es qu&rsquo;elle a pu g&eacute;n&eacute;rer. Les &eacute;tudes postcoloniales peuvent &ecirc;tre identifi&eacute;es &agrave; une prise de conscience du poids de l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie occidentale dans les repr&eacute;sentations et &eacute;tudes litt&eacute;raires, historiques et sociales, et on peut alors consid&eacute;rer que c&rsquo;est une forme de renversement de perspective &ndash; et c&rsquo;est ainsi que commence un ouvrage court destin&eacute; &agrave; pr&eacute;senter cette notion, par l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;turning the world upside down<sup><a href="#nbp_14" id="note_14" name="lien_nbp_14" title="Aller à la note de bas de page n°14">14</a></sup>&nbsp;&raquo;. Le renversement est une dynamique qui tient aussi du voyage&nbsp;; mais adopter ce moyen terme comme axe de d&eacute;finition signifie aussi une perte de compr&eacute;hension face aux enjeux du postcolonial. On laisserait de c&ocirc;t&eacute;, notamment, la question de la confrontation de deux mod&egrave;les coloniaux oppos&eacute;s, question qui vaut la peine d&rsquo;&ecirc;tre soulev&eacute;e et d&eacute;battue pour comprendre les enjeux de ce concept. Puisque le postcolonial se pr&eacute;sente d&rsquo;abord comme &eacute;tant anglophone et issu du monde intellectuel anglo-saxon, la question de son ad&eacute;quation aux &eacute;tudes universitaires fran&ccedil;aises s&rsquo;est pos&eacute;e, en puisant dans l&rsquo;argument selon lequel les mod&egrave;les coloniaux anglo-saxons et fran&ccedil;ais diff&egrave;rent. Il &eacute;tait bien question d&rsquo;identit&eacute;s. Le concept postcolonial pouvait ne pas &ecirc;tre signifiant dans le contexte intellectuel et historique fran&ccedil;ais comme il l&rsquo;&eacute;tait dans le contexte anglais&nbsp;: il y avait l&agrave; mati&egrave;re &agrave; diff&eacute;rencier deux types de relations aux colonies,&nbsp;<em>indirect rule</em>&nbsp;ou application du mod&egrave;le universaliste fran&ccedil;ais si l&rsquo;on veut &eacute;baucher une distinction entre les deux empires. Mais Pierre Singarav&eacute;lou remet en question et en perspective cette distinction quand il &eacute;crit que</p> <p><q>jusqu&rsquo;&agrave; la fin du XX<sup>e&nbsp;</sup>si&egrave;cle, les historiographies nationales ont identifi&eacute; des mod&egrave;les imp&eacute;riaux&nbsp;: le mod&egrave;le lib&eacute;ral britannique fond&eacute; sur le gouvernement indirect, le paradigme r&eacute;publicain fran&ccedil;ais de l&rsquo;assimilation, etc. Aujourd&rsquo;hui, la comparaison n&rsquo;est plus mobilis&eacute;e par les chercheurs pour mettre en avant des habitus coloniaux nationaux, mais comme un outil r&eacute;flexif pour d&eacute;construire des traditions imp&eacute;riales invent&eacute;es par les contemporains. L&rsquo;id&eacute;e de mod&egrave;le national de colonisation ne r&eacute;siste pas &agrave; la diversit&eacute; des situations et des pratiques coloniales au sein de chaque formation imp&eacute;riale<sup><a href="#nbp_15" id="note_15" name="lien_nbp_15" title="Aller à la note de bas de page n°15">15</a></sup>.</q></p> <p>D&eacute;passant alors cette question, il est possible de consid&eacute;rer que, plut&ocirc;t que l&rsquo;histoire des colonisations, c&rsquo;est celle des d&eacute;colonisations qui a davantage occasionn&eacute; les diff&eacute;rences les plus parlantes entre les deux espaces anglophone et francophone, et c&rsquo;est sur ce point que Claire Joubert prend appui pour son ouvrage sur le &laquo;&nbsp;postcolonial compar&eacute;&nbsp;&raquo; entre anglophonie et francophonie&nbsp;:</p> <p><q>Le &laquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;&raquo; compar&eacute; entre anglophonie et francophonie nous ouvre les perspectives de deux traditions intellectuelles au contact d&rsquo;histoires de la d&eacute;colonisation dont les tournants ont profond&eacute;ment diff&eacute;r&eacute;<sup><a href="#nbp_16" id="note_16" name="lien_nbp_16" title="Aller à la note de bas de page n°16">16</a></sup>.</q></p> <p>S&rsquo;affiche donc une distinction revendiqu&eacute;e entre deux aires culturelles qui justifie le terme de &laquo;&nbsp;voyage&nbsp;&raquo; employ&eacute; pour parler du postcolonial. Marqu&eacute; par une dynamique d&rsquo;abord transatlantique qui oppose &ndash; et r&eacute;unit &ndash; des concepts anglo-saxons et fran&ccedil;ais, ce dernier appara&icirc;t donc de prime abord comme une forme d&rsquo;hybride, mais viable et f&eacute;cond. Outre sa composante g&eacute;ographique, le voyage du postcolonial est aussi un voyage entre deux sph&egrave;res culturelles, et devient alors, au sein du monde universitaire fran&ccedil;ais, un voyage entre deux disciplines&nbsp;: le d&eacute;cloisonnement entre l&rsquo;histoire et la litt&eacute;rature devient, quand il est question du postcolonial, la possibilit&eacute; de d&eacute;bats sur la sp&eacute;cificit&eacute; des &eacute;tudes litt&eacute;raires.</p> <h1><strong>Une querelle disciplinaire&nbsp;</strong></h1> <p>Les &laquo;&nbsp;&eacute;tudes litt&eacute;raires fran&ccedil;aises&nbsp;&raquo; que nous avons mentionn&eacute;es dans notre titre sont &agrave; entendre au sens des &eacute;tudes concernant les ouvrages de langue fran&ccedil;aise, qu&rsquo;ils soient francophones, coloniaux ou ressortissent aux &eacute;tudes postcoloniales par leur application d&rsquo;un sch&eacute;ma de domination &agrave; &eacute;lucider. La litt&eacute;rature francophone est &eacute;videmment concern&eacute;e au premier chef par les &eacute;tudes postcoloniales&nbsp;: c&rsquo;est elle qui fait le fond des textes &eacute;tudi&eacute;s, parce qu&rsquo;elle t&eacute;moigne justement de la complexit&eacute; d&rsquo;un monde h&eacute;rit&eacute; des grands empires coloniaux du dix-neuvi&egrave;me si&egrave;cle. Mais elle n&rsquo;est pas seule en cause, et l&rsquo;&eacute;tude des &laquo;&nbsp;litt&eacute;ratures francophones postcoloniales&nbsp;&raquo; sonnerait presque comme un pl&eacute;onasme si on ne prend pas en compte l&rsquo;id&eacute;e que bien des textes peuvent se pr&ecirc;ter &agrave; une lecture postcoloniale quand ils font entrer en jeu des probl&eacute;matiques dites &laquo;&nbsp;postcoloniales&nbsp;&raquo;&nbsp;: identit&eacute;s complexes, langues m&eacute;tiss&eacute;es, domination sociale et id&eacute;ologique entre autres. Dans un premier temps &eacute;merge donc l&rsquo;id&eacute;e que le postcolonial est d&rsquo;abord une m&eacute;thode qui peut s&rsquo;appliquer &agrave; diff&eacute;rents textes, et qui s&rsquo;inspire du poststructuralisme<sup><a href="#nbp_17" id="note_17" name="lien_nbp_17" title="Aller à la note de bas de page n°17">17</a></sup>.</p> <p>Mais dans la r&eacute;alit&eacute;, &laquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;francophone&nbsp;&raquo; sont des adjectifs que l&rsquo;on retrouve souvent pour d&eacute;signer les m&ecirc;mes corpus. Il est vrai que les &eacute;tudes postcoloniales se r&eacute;v&egrave;lent comme le lieu d&rsquo;un encha&icirc;nement de questions sur le statut m&ecirc;me de la litt&eacute;rature francophone telle qu&rsquo;elle est d&eacute;finie habituellement. Le postcolonial met au jour des questions sur le positionnement &agrave; la marge de la litt&eacute;rature francophone par rapport &agrave; une litt&eacute;rature institutionnelle, sur son enseignement et sur ses implications politiques aussi&nbsp;:&nbsp;sa connaissance et sa m&eacute;fiance vis-&agrave;-vis des mod&egrave;les de domination h&eacute;rit&eacute;s du colonialisme le rendent propre &agrave; d&eacute;signer les dangers d&rsquo;une conception de la litt&eacute;rature qui opposerait trop facilement le centre et la p&eacute;riph&eacute;rie. Appliquant cette m&eacute;fiance au domaine litt&eacute;raire, le postcolonial est cens&eacute; en effet apporter un gain de r&eacute;flexion &agrave; cette litt&eacute;rature francophone qui est, de fait, post-coloniale. Mais &agrave; ne consid&eacute;rer la litt&eacute;rature francophone que sous cet angle probl&eacute;matique du postcolonial, sans doute y a-t-il le risque de l&rsquo;isoler, justement, d&rsquo;un corpus litt&eacute;raire global en la marquant d&rsquo;un sceau politique ou contextuel qui ne peut pourtant pas la r&eacute;sumer enti&egrave;rement. La place de la litt&eacute;rature francophone ne peut &ecirc;tre ici qu&rsquo;&eacute;voqu&eacute;e&nbsp;: elle n&eacute;cessiterait bien plus qu&rsquo;un paragraphe dans un article pour &ecirc;tre d&eacute;velopp&eacute;e. Mais il est notable que le postcolonial, parce qu&rsquo;il s&rsquo;applique d&rsquo;abord &agrave; la litt&eacute;rature francophone, semble contribuer &agrave; son autonomisation par rapport &agrave; un corpus litt&eacute;raire plus large, et cette autonomisation peut aussi r&eacute;sonner comme une mise au ban.</p> <p>Le postcolonial, parce qu&rsquo;il &eacute;mane de questionnements historiques &ndash; ou en tout cas chronologiques &ndash; devrait permettre de r&eacute;fl&eacute;chir plus pr&eacute;cis&eacute;ment aux cat&eacute;gories des &eacute;tudes litt&eacute;raires fran&ccedil;aises que sont la litt&eacute;rature francophone et la litt&eacute;rature coloniale, l&rsquo;une venant forc&eacute;ment apr&egrave;s l&rsquo;autre sur une frise chronologique&nbsp;: ce sont,&nbsp;<em>a priori</em>, les deux champs concern&eacute;s au premier chef par la probl&eacute;matique postcoloniale. Nous employons la pr&eacute;caution de cet &laquo;&nbsp;<em>a priori</em>&nbsp;&raquo; car la litt&eacute;rature coloniale fran&ccedil;aise &agrave; proprement parler se retrouve bien souvent n&eacute;glig&eacute;e. Peu connue, id&eacute;ologiquement tr&egrave;s contestable, esth&eacute;tiquement souvent contest&eacute;e, elle offre pourtant de formidables pistes de recherche et la perspective d&rsquo;une plus grande compr&eacute;hension du discours et de l&rsquo;imaginaire issus des colonies&nbsp;: il faudrait alors se pencher sur ce que signifie, concr&egrave;tement, une &eacute;tude postcoloniale de la litt&eacute;rature coloniale, sur les gains mais aussi les dangers qu&rsquo;elle peut pr&eacute;senter. Ne risque-t-on pas d&rsquo;enfermer dans des anachronismes une litt&eacute;rature au fort contenu id&eacute;ologique qui s&rsquo;adapte bien &agrave; son temps de production&nbsp;? Il existe en effet un paradoxe que rel&egrave;ve bien Norbert Dodille quand il remarque que le sp&eacute;cialiste des litt&eacute;ratures coloniales est oblig&eacute; de passer par l&rsquo;histoire postcoloniale pour pouvoir r&eacute;affirmer son propos et critiquer, d&rsquo;ailleurs, certaines postures postcoloniales<sup><a href="#nbp_18" id="note_18" name="lien_nbp_18" title="Aller à la note de bas de page n°18">18</a></sup>. Les litt&eacute;ratures francophones, elles, ne regardent que rarement vers les textes coloniaux ; et Dodille a pu avancer l&rsquo;id&eacute;e que certaines analyses postcoloniales faisaient mine de d&eacute;couvrir ce que les textes coloniaux affirmaient sans ambages<sup><a href="#nbp_19" id="note_19" name="lien_nbp_19" title="Aller à la note de bas de page n°19">19</a></sup>. Dans une perspective voisine quoique tr&egrave;s clairement historique et non litt&eacute;raire, l&rsquo;accusation la plus percutante contre le postcolonial consiste &agrave; lui reprocher une tendance &agrave; la simplification id&eacute;ologique face au ph&eacute;nom&egrave;ne complexe de la colonisation. Emmanuelle Sibeud pr&eacute;cise ainsi que&nbsp;:</p> <p><q>Les notions d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; et d&rsquo;hybridit&eacute; sont devenues les pivots de raisonnements binaires qui transforment &laquo;&nbsp;le&nbsp;&raquo; colonisateur&nbsp;et &laquo;&nbsp;le&nbsp;&raquo; colonis&eacute; en essences et qui partent de l&rsquo;hypoth&egrave;se que leur relation fonctionne comme une opposition structurale et structurante<sup><a href="#nbp_20" id="note_20" name="lien_nbp_20" title="Aller à la note de bas de page n°20">20</a></sup>.</q></p> <p>C&rsquo;est aussi ce que constate Pierre Bayart, et on pourrait encore multiplier les points de vue qui vont dans ce sens&nbsp;:</p> <p><q>L&agrave; o&ugrave; les&nbsp;<em>Postcolonial studies</em>&nbsp;d&eacute;clinent le fait colonial au singulier et l&rsquo;enferment dans un rapport exclusif du colonis&eacute; &agrave; son colonisateur et &agrave; sa m&eacute;tropole pr&eacute;vaut en fait l&rsquo;&eacute;vidence de sa multidimensionnalit&eacute;<sup><a href="#nbp_21" id="note_21" name="lien_nbp_21" title="Aller à la note de bas de page n°21">21</a></sup>.</q></p> <p>Emmanuelle Sibeud aboutit, par la formulation de cette critique, &agrave; une confrontation entre les &eacute;tudes postcoloniales et les&nbsp;<em>colonial studies</em>, qui ne sont pas forc&eacute;ment synonymes d&rsquo;ethnocentrisme, mais qui pr&eacute;f&egrave;rent faire &laquo;&nbsp;varier la focale en distinguant en particulier une dimension coloniale et une dimension imp&eacute;riale<sup><a href="#nbp_22" id="note_22" name="lien_nbp_22" title="Aller à la note de bas de page n°22">22</a></sup>&nbsp;&raquo;&nbsp;: cette perspective laisse voir comment le champ historique influence aussi le champ litt&eacute;raire tel qu&rsquo;il a &eacute;t&eacute; &eacute;voqu&eacute; plus haut. Plus largement, le postcolonial appliqu&eacute; &agrave; la litt&eacute;rature a donc comme effet collat&eacute;ral de redessiner une ligne de fracture entre litt&eacute;rature coloniale et litt&eacute;rature francophone&nbsp;:&nbsp;il souligne en quelque sorte le manque de communication entre ces deux domaines et les diff&eacute;rentes postures adopt&eacute;es par les universitaires affili&eacute;s &agrave; l&rsquo;un ou &agrave; l&rsquo;autre.</p> <p>Outre ce face &agrave; face entre litt&eacute;rature coloniale et litt&eacute;rature francophone se pose aussi la question de la litt&eacute;rature compar&eacute;e quand on &eacute;voque les probl&eacute;matiques postcoloniales&nbsp;: sur le mod&egrave;le des&nbsp;<em>area studies</em>, mises &agrave; l&rsquo;honneur par la circulation des th&eacute;ories et des penseurs postcoloniaux, d&rsquo;autres &eacute;tudes litt&eacute;raires se redessinent qui sortiraient des sch&eacute;mas nationaux et correspondraient alors davantage au monde actuel et &agrave; sa globalisation. Les &eacute;tudes postcoloniales pourraient remplacer en quelque sorte la litt&eacute;rature compar&eacute;e en important de nouvelles m&eacute;thodes&nbsp;:&nbsp;l&agrave; encore, c&rsquo;est Yves Clavaron qui situe le mieux ce d&eacute;bat en explicitant ses enjeux dans la red&eacute;finition de champs universitaires qui ont, dans l&rsquo;Universit&eacute; fran&ccedil;aise, des identit&eacute;s claires<sup><a href="#nbp_23" id="note_23" name="lien_nbp_23" title="Aller à la note de bas de page n°23">23</a></sup>. C&rsquo;est une autre mani&egrave;re de poser la question des textes et des sujets que les &eacute;tudes postcoloniales, tout comme les &eacute;tudes comparatistes, consid&egrave;rent comme leur pr&eacute; carr&eacute;.</p> <p>En plus de cette question des textes vis&eacute;s par les &eacute;tudes postcoloniales, l&rsquo;un des enjeux qui fait le fond du transfert du postcolonial depuis l&rsquo;anglophonie vers la francophonie s&rsquo;explique plus largement par la distinction entre les champs universitaires diff&eacute;rents que sont l&rsquo;histoire et la litt&eacute;rature, pour le dire vite, et dans ce que chacun revendique comme son domaine d&rsquo;&eacute;tudes. Chaque discipline, par la voix de ses universitaires, semble avoir des reproches &agrave; faire &agrave; l&rsquo;autre, souvent dans les pages d&rsquo;introduction. Il en va ainsi de celle que Pierre Singarav&eacute;lou donne &agrave; un ouvrage collectif sur les empires coloniaux&nbsp;:</p> <p><q>L&rsquo;approche litt&eacute;raire d&rsquo;Edward Sa&iuml;d et de ses premiers &eacute;pigones a n&eacute;glig&eacute; la vari&eacute;t&eacute; des contextes sociaux, des interactions entre colonisateurs et colonis&eacute;s et a eu tendance &agrave; essentialiser l&rsquo;Occident comme les orientalistes europ&eacute;ens du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle ont essentialis&eacute; l&rsquo;Orient<sup><a href="#" id="note_24" name="lien_nbp_24" title="Aller à la note de bas de page n°24">24</a></sup>.</q></p> <p>La vivacit&eacute; du d&eacute;bat suscit&eacute; par le postcolonial se complique par la mani&egrave;re dont ce concept remet en question les approches disciplinaires de l&rsquo;universit&eacute; et la mani&egrave;re dont ces derni&egrave;res se pensent. Et, dans une perspective qui devient alors quelque peu l&rsquo;inverse de celle-ci, on peut &eacute;voquer &laquo;&nbsp;une certaine frustration du lecteur &ldquo;&nbsp;litt&eacute;raireˮ<sup><a href="#nbp_25" id="note_25" name="lien_nbp_25" title="Aller à la note de bas de page n°25">25</a></sup>&nbsp;&raquo;&nbsp;face &agrave; des &eacute;tudes qui d&eacute;passent &ndash; de trop loin&nbsp;? &ndash; le cadre litt&eacute;raire et l&rsquo;oublient quelque peu au profit d&rsquo;une perspective trop historicis&eacute;e.</p> <p>La question de l&rsquo;origine premi&egrave;re du postcolonial &ndash; histoire ou litt&eacute;rature&nbsp;? &ndash; a &eacute;t&eacute; &eacute;voqu&eacute;e plus haut, avec la difficult&eacute; suppl&eacute;mentaire de passer d&rsquo;un syst&egrave;me universitaire anglophone &agrave; un syst&egrave;me universitaire francophone. Cette origine constitue en effet un point sur lequel achoppent les d&eacute;finitions du postcolonial, puisque dans son ouvrage de synth&egrave;se d&eacute;j&agrave; cit&eacute;, Yves Clavaron &eacute;crit que&nbsp;:</p> <p><q>Les &eacute;tudes postcoloniales se sont d&rsquo;abord appliqu&eacute;es au domaine litt&eacute;raire comme en atteste l&rsquo;essai [&hellip;] de Bill Ashcroft, Gareth Griffiths et Helen Tiffin,&nbsp;<em>The Empire writes back</em>. La primaut&eacute; de la mati&egrave;re litt&eacute;raire a &eacute;t&eacute; affich&eacute;e et revendiqu&eacute;e<sup><a href="#nbp_26" id="note_26" name="lien_nbp_26" title="Aller à la note de bas de page n°26">26</a></sup>.</q></p> <p>Mais il s&rsquo;agit alors davantage de litt&eacute;rature anglophone, ou du travail qu&rsquo;a men&eacute; Edward Sa&iuml;d, s&rsquo;int&eacute;ressant au &laquo;&nbsp;discours&nbsp;&raquo; colonial de mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale et sans se focaliser particuli&egrave;rement sur les textes litt&eacute;raires&nbsp;:&nbsp;dans les &eacute;tudes universitaires fran&ccedil;aises, ce serait plut&ocirc;t par l&rsquo;histoire que le postcolonial serait abord&eacute;, au vu des publications qui s&rsquo;int&eacute;ressent explicitement aux apports du postcolonial dans le champ litt&eacute;raire. Le maillage tr&egrave;s fin des deux disciplines au sein des publications postcoloniales n&rsquo;aide pas &agrave; d&eacute;finir clairement les apports de chaque discipline. Si on a d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute; ici, avec Jacqueline Bardolph, l&rsquo;origine &laquo;&nbsp;litt&eacute;raire&nbsp;&raquo; des penseurs qui ont influenc&eacute; notamment Edward Sa&iuml;d, l&rsquo;usage m&ecirc;me du terme &laquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;&raquo; semble susciter une r&eacute;elle m&eacute;fiance quand il s&rsquo;agit de litt&eacute;rature, comme s&rsquo;il s&rsquo;agissait d&rsquo;imposer une marque non-litt&eacute;raire aux &eacute;tudes litt&eacute;raires&nbsp;:&nbsp;on peut en conclure que les &laquo;&nbsp;allers-retours&nbsp;&raquo; qui ont donn&eacute; naissance au concept n&rsquo;ont pas &eacute;t&eacute; que &laquo;&nbsp;transatlantiques&nbsp;&raquo;, mais ont aussi concern&eacute; des disciplines.</p> <p>Cette m&eacute;fiance trouverait son origine dans une critique de la politisation des &eacute;tudes postcoloniales, renvoyant ainsi &agrave; une conception de l&rsquo;universit&eacute; et des &eacute;tudes litt&eacute;raires, historiques ou sociales propre &agrave; la France. Forsdick et Murphy insistent eux aussi sur ce point extr&ecirc;mement important, qui touche au discours port&eacute; sur les disciplines universitaires en France et surtout sur la mani&egrave;re dont elles se per&ccedil;oivent. Commen&ccedil;ant par donner l&rsquo;exemple de la somme de Neil Lazarus<sup><a href="#nbp_27" id="note_27" name="lien_nbp_27" title="Aller à la note de bas de page n°27">27</a></sup>, souvent rang&eacute;e dans les rayons &laquo;&nbsp;histoire&nbsp;&raquo; des librairies, ils &eacute;crivent&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Quand on utilise le terme &ldquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;ˮ en France, c&rsquo;est plut&ocirc;t pour parler de questions historiques ou politiques que de probl&eacute;matiques litt&eacute;raires<sup><a href="#nbp_28" id="note_28" name="lien_nbp_28" title="Aller à la note de bas de page n°28">28</a></sup>. &raquo; Les librairies et les biblioth&egrave;ques seraient donc le meilleur indice d&rsquo;&eacute;tudes litt&eacute;raires qui refusent de trop clairement se faire politiques et pr&eacute;f&egrave;rent se cantonner au texte comme un objet autosuffisant. Mais il faut alors noter, et cela s&rsquo;explique par les histoires respectives mises en jeu, que les universit&eacute;s fran&ccedil;aises ne peuvent pas traiter de la question coloniale comme les universit&eacute;s am&eacute;ricaines&nbsp;:&nbsp;les enjeux d&rsquo;histoire et de m&eacute;moire, les enjeux juridiques m&ecirc;mes sont trop importants en France pour sous-estimer le risque politique d&rsquo;instrumentalisation des &eacute;tudes litt&eacute;raires. En 2008, Yves Clavaron pose plus largement la question d&rsquo;une inadaptation des universitaires fran&ccedil;ais &agrave; consid&eacute;rer les aspects politiques des recherches en sciences humaines, et donne une r&eacute;ponse assur&eacute;e&nbsp;:</p> <p><q>Les Fran&ccedil;ais &ndash; et leurs universitaires &ndash; auraient-ils du mal &agrave; regarder en face les fant&ocirc;mes de leur pass&eacute; colonial comme le sugg&egrave;re la doxa anglo-saxonne&nbsp;? La r&eacute;ponse est non, &agrave; l&rsquo;&eacute;vidence, quand on voit l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t actuel pour la p&eacute;riode coloniale et les travaux qui se multiplient, m&ecirc;me s&rsquo;ils touchent un point douloureux de la conscience fran&ccedil;aise (celle de la r&eacute;publique h&eacute;rit&eacute;e des Lumi&egrave;res)<sup><a href="#nbp_29" id="note_29" name="lien_nbp_29" title="Aller à la note de bas de page n°29">29</a></sup>.</q></p> <p>Car l&rsquo;un des probl&egrave;mes du postcolonial envisag&eacute; sur le territoire fran&ccedil;ais reste aussi son implication dans le champ politique imm&eacute;diat&nbsp;: si 2005 a marqu&eacute; l&rsquo;explosion en termes de lisibilit&eacute; du terme &laquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;&raquo;, ce n&rsquo;est pas un hasard &ndash; la loi de f&eacute;vrier 2005 pr&eacute;voyait de reconna&icirc;tre le &laquo;&nbsp;r&ocirc;le positif de la colonisation&nbsp;&raquo; &ndash; et les &eacute;tudes postcoloniales &agrave; la fran&ccedil;aise semblent surtout se rapporter &agrave; ce non-dit d&rsquo;une implication politique que les &eacute;v&eacute;nements ont mis au jour. Gr&eacute;goire Lem&eacute;nager<sup><a href="#nbp_30" id="note_30" name="lien_nbp_30" title="Aller à la note de bas de page n°30">30</a></sup>&nbsp;souligne ainsi dans un article la port&eacute;e politique de l&rsquo;ouvrage&nbsp;<em>La</em>&nbsp;<em>Fracture coloniale</em><sup><a href="#nbp_31" id="note_31" name="lien_nbp_31" title="Aller à la note de bas de page n°31">31</a></sup>; un m&eacute;moire de l&rsquo;IEP de Lyon<sup><a href="#nbp_32" id="note_32" name="lien_nbp_32" title="Aller à la note de bas de page n°32">32</a></sup>&nbsp;portant sur le postcolonial et les troubles de l&rsquo;identit&eacute; fran&ccedil;aise r&eacute;dig&eacute; par un &eacute;tudiant devenu juriste, et se servant de son travail sur le postcolonial pour &eacute;tablir une th&eacute;orie d&rsquo;action juridique. Le lien entre le mod&egrave;le r&eacute;publicain et le mod&egrave;le colonial constitue en effet un soubassement des &eacute;tudes postcoloniales&nbsp;:&nbsp;l&rsquo;implication politique est donc actuelle, puisqu&rsquo;elle est &agrave; la base d&rsquo;une analyse de la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise contemporaine, mais sur des bases historiques qui remontent aux premi&egrave;res ann&eacute;es de la troisi&egrave;me R&eacute;publique<sup><a href="#nbp_33" id="note_33" name="lien_nbp_33" title="Aller à la note de bas de page n°33">33</a></sup>. Le sous-titre de l&rsquo;ouvrage de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire prend alors tout son sens&nbsp;: il y aurait bien un &laquo;&nbsp;prisme<sup><a href="#nbp_34" id="note_34" name="lien_nbp_34" title="Aller à la note de bas de page n°34">34</a></sup>&nbsp;&raquo; postcolonial, qui envisagerait la situation contemporaine fran&ccedil;aise et ses probl&eacute;matiques socio-culturelles sous l&rsquo;angle du pass&eacute; colonial. C&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment ce prisme qui pose probl&egrave;me et occasionne des d&eacute;bats vifs entre universitaires. Il y aurait d&eacute;j&agrave; trop de difficult&eacute;s en France &agrave; s&rsquo;extraire du d&eacute;bat politique dans le cas des &eacute;tudes litt&eacute;raires coloniales ou francophones pour risquer d&rsquo;y replonger par le biais d&rsquo;une approche postcoloniale d&eacute;finie en partie par sa fonction politique &ndash; et par sa volont&eacute; de dresser des parall&egrave;les entre la situation coloniale pass&eacute;e et la situation sociale pr&eacute;sente sur le territoire national.</p> <p>Quand Zecchini et Lorre &eacute;crivent qu&rsquo; &laquo;&nbsp;en France, la litt&eacute;rature (et &agrave; plus forte raison les litt&eacute;ratures &eacute;trang&egrave;res) appara&icirc;t [&hellip;]&nbsp;<em>a contrario</em>&nbsp;des &Eacute;tats-Unis, comme le parent pauvre, d&eacute;politis&eacute; et&nbsp;&ldquo;&nbsp;ornemental&nbsp;ˮ des sciences humaines<sup><a href="#nbp_35" id="note_35" name="lien_nbp_35" title="Aller à la note de bas de page n°35">35</a></sup>&nbsp;&raquo;, elles exposent des probl&egrave;mes disciplinaires d&rsquo;identit&eacute; souvent non explicit&eacute;s&nbsp;: le d&eacute;bat serait ici de savoir si le fait d&rsquo;&ecirc;tre &laquo;&nbsp;d&eacute;politis&eacute;&nbsp;&raquo; m&egrave;ne forc&eacute;ment &agrave; la conception d&rsquo;une discipline &laquo;&nbsp;ornementale&nbsp;&raquo;, qui n&rsquo;a pas la m&ecirc;me dignit&eacute; que ses comparses. Les &eacute;tudes litt&eacute;raires fran&ccedil;aises seraient trop cloisonn&eacute;es et refuseraient la &laquo;&nbsp;politisation&nbsp;&raquo;, autrement dit une perspective plus historique et contextuelle de l&rsquo;implication des &eacute;crits litt&eacute;raires dans la vie culturelle. &Agrave; l&rsquo;inverse, une critique port&eacute;e contre le postcolonial concerne justement la mani&egrave;re dont on abandonnerait l&rsquo;analyse des textes pour les utiliser dans une perspective plus politique ou id&eacute;ologique ; Yves Clavaron &eacute;crit que&nbsp;:</p> <p><q>Les &eacute;tudes postcoloniales sont contest&eacute;es dans la mesure o&ugrave; elles reposent sur un textualisme &agrave; tendance d&eacute;constructionniste, qui consiste &agrave; prendre le texte pour la pratique et &agrave; instrumentaliser la litt&eacute;rature<sup><a href="#nbp_36" id="note_36" name="lien_nbp_36" title="Aller à la note de bas de page n°36">36</a></sup>.</q></p> <p>Le d&eacute;bat de l&rsquo;adaptation a le m&eacute;rite de poser la question du but et de l&rsquo;inscription des &eacute;tudes litt&eacute;raires dans la soci&eacute;t&eacute;, d&eacute;bat bien plus large que celui qui ne concerne que des champs litt&eacute;raires d&eacute;finis par la chronologie ou la g&eacute;ographie&nbsp;;&nbsp;il permet aussi de remonter &agrave; la question du statut et du poids r&eacute;el d&rsquo;un texte litt&eacute;raire dans la soci&eacute;t&eacute; dont il &eacute;mane. Instrumentalisation ou prise de position&nbsp;semblent &ecirc;tre les deux &eacute;cueils que les &eacute;tudes postcoloniales mettent particuli&egrave;rement en lumi&egrave;re dans leur traitement du champ litt&eacute;raire universitaire.</p> <h1>Conclusion&nbsp;: lieu commun et r&eacute;alit&eacute; des &eacute;tudes postcoloniales en France</h1> <p>Charles Forsdick et David Murphy postulaient que les &eacute;tudes litt&eacute;raires fran&ccedil;aises, avant 2010, manifestaient &agrave; la fois une r&eacute;sistance &eacute;vidente au concept postcolonial et une certaine acceptation de la terminologie postcoloniale. Dans les publications r&eacute;centes, force est de constater que c&rsquo;est plut&ocirc;t la dynamique de r&eacute;sistance qui semble l&rsquo;emporter<sup><a href="#nbp_37" id="note_37" name="lien_nbp_37" title="Aller à la note de bas de page n°37">37</a></sup>&nbsp;:</p> <p><q>De telles r&eacute;ponses restent pourtant un combat d&rsquo;arri&egrave;re-garde, &eacute;vidence dans le contexte fran&ccedil;ais de l&rsquo;agonie nostalgique d&rsquo;un universalisme identitaire qui refuse d&rsquo;accepter la postcolonialit&eacute; ind&eacute;niable de la&nbsp;&laquo;&nbsp;R&eacute;publique m&eacute;tiss&eacute;e&nbsp;&raquo; contemporaine<sup><a href="#nbp_38" id="note_38" name="lien_nbp_38" title="Aller à la note de bas de page n°38">38</a></sup>.</q></p> <p>Ce passage de leur article laisse aussi entrevoir pourquoi l&rsquo;acceptation du postcolonial reste une question sensible&nbsp;:&nbsp;l&rsquo;arri&egrave;re-plan politique est extr&ecirc;mement vif, dans le fond comme dans la forme&nbsp;; on sort du domaine purement historique ou litt&eacute;raire pour revenir &agrave; la structure politique et sociale de la R&eacute;publique fran&ccedil;aise, avec comme corollaire l&rsquo;impression d&rsquo;un d&eacute;bat qui pose depuis plus d&rsquo;une d&eacute;cennie les m&ecirc;mes questions, sans pour autant avancer. Le postcolonial est souvent d&eacute;crit comme une &eacute;vidence, pas comme un sujet &agrave; d&eacute;battre&nbsp;: d&rsquo;o&ugrave;, aussi, une impression de guerre de tranch&eacute;es entre les diff&eacute;rents auteurs. C&rsquo;est sur une image similaire que Nicolas Martin-Granel et Anthony Mangeon ouvraient leur article de 2010, &eacute;voquant le &laquo;&nbsp;champ de bataille&nbsp;&raquo; sur lequel arriverait un &laquo;&nbsp;ing&eacute;nu lecteur, tel Fabrice &agrave; Waterloo<sup><a href="#nbp_39" id="note_39" name="lien_nbp_39" title="Aller à la note de bas de page n°39">39</a></sup>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Le lecteur semble bien condamn&eacute; &agrave; demeurer dans la position de Fabrice, et le pr&eacute;sent&nbsp;&ndash; et court&nbsp;&ndash;&nbsp;article ne pr&eacute;tend pas &agrave; autre chose que de donner quelques pistes de r&eacute;flexion sur la question des &eacute;tudes postcoloniales. Mais il &eacute;mane d&rsquo;une interrogation qui est celle de nombreux &eacute;tudiants qui se trouvent confront&eacute;s &agrave; ces &eacute;tudes, et qui per&ccedil;oivent imm&eacute;diatement la puissance des d&eacute;bats qui constituent en quelque sorte la structure m&ecirc;me du postcolonial. La force de cette structure en mouvement conduit &agrave; repenser le terme m&ecirc;me de &laquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;&raquo;&nbsp;; Yves Clavaron concluait ainsi son article de 2008&nbsp;:</p> <p><q>Un demi-si&egrave;cle environ apr&egrave;s les ind&eacute;pendances, il faut sans doute envisager l&rsquo;obsolescence du terme postcolonial et de la r&eacute;f&eacute;rence au colonialisme, m&ecirc;me si la nostalgie est puissante dans la cr&eacute;ation litt&eacute;raire<sup><a href="#nbp_40" id="note_40" name="lien_nbp_40" title="Aller à la note de bas de page n°40">40</a></sup>.</q></p> <p>La nostalgie comme moteur du &laquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;&raquo; et du blocage qu&rsquo;il peut entra&icirc;ner est une piste qui n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; suivie&nbsp;; le concept, comme le d&eacute;bat, ne sont pas devenus obsol&egrave;tes, et la r&eacute;f&eacute;rence au colonialisme est une forme de constante. C&rsquo;est que le postcolonial, en raison m&ecirc;me du halo que lui procurent une bibliographie intense et des questionnements suscit&eacute;s amplement au-del&agrave; du cadre universitaire, a plut&ocirc;t pris une couleur presque mythologique et a d&eacute;pass&eacute; la question m&ecirc;me de la terminologie. Chacun est somm&eacute; d&rsquo;avoir un avis sur le postcolonial&nbsp;sans que soient bien claires les limites m&ecirc;mes du concept&nbsp;: il faut prendre position. On peut cependant conclure en suivant l&rsquo;exemple de Sarga Moussa qui ouvre une &eacute;tude sur l&rsquo;esclavage dans la litt&eacute;rature en 2010, au moment m&ecirc;me de ce d&eacute;bat sur l&rsquo;adaptation, par ces mots&nbsp;:</p> <p><q>S&rsquo;inscrire dans une perspective tenant compte des apports de la critique postcoloniale, c&rsquo;est n&eacute;anmoins affirmer clairement son appartenance &agrave; un pr&eacute;sent au nom duquel il para&icirc;t possible de porter un regard d&eacute;mythifiant sur des images, des clich&eacute;s, des mythologies, renvoyant &agrave; des ph&eacute;nom&egrave;nes historiques encore insuffisamment pris en compte<sup><a href="#nbp_41" id="note_41" name="lien_nbp_41" title="Aller à la note de bas de page n°41">41</a></sup>.</q></p> <p>Chaque chercheur se trouve somm&eacute;, par le d&eacute;bat toujours renouvel&eacute; autour du postcolonial, de clarifier sa position intellectuelle avant de se lancer dans l&rsquo;&eacute;tude&nbsp;: mise au point fastidieuse peut-&ecirc;tre, mais qui a le m&eacute;rite de remettre en question la d&eacute;marche envisag&eacute;e dans toute &eacute;tude, son objectif et ses finalit&eacute;s. Une &eacute;tude int&eacute;ressante serait &agrave; mener en interrogeant les &eacute;tudiants qui travaillent sur la litt&eacute;rature francophone &ndash; et sur la litt&eacute;rature coloniale, mais celle-ci est bien moins &eacute;tudi&eacute;e, donc moins forte de signification &ndash; et qui sont les premiers concern&eacute;s par ces questions&nbsp;: qu&rsquo;ont-ils lu des travaux postcoloniaux&nbsp;? Que pensent-ils de ce d&eacute;bat&nbsp;? S&rsquo;inscrivent-ils dans cette lign&eacute;e&nbsp;? Car les &eacute;tudes postcoloniales &agrave; la fran&ccedil;aise sont en effet &laquo;&nbsp;descendues&nbsp;&raquo; dans les universit&eacute;s&nbsp;: pour avancer, peut-&ecirc;tre faudrait-il savoir dans quelle mesure elles guident r&eacute;ellement aujourd&rsquo;hui les</p> <h2>Notes et r&eacute;f&eacute;rences</h2> <p><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1</a> Jean-Marc Moura, &laquo;&nbsp;Postcolonialisme et comparatisme&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Vox&nbsp;Po&eacute;tica&nbsp;</em>[en ligne], 2006,&nbsp;<a href="http://www.vox-poetica.org/sflgc/biblio/moura.html">http://www.vox-poetica.org/sflgc/biblio/moura.html</a>&nbsp;[consult&eacute; le 22 septembre 2014].</p> <p><a href="#lien_nbp_2" name="nbp_2">2 </a>Laetitia Zecchini et Christine Lorre, &laquo;&nbsp;Le Postcolonial dans ses allers-retours transatlantiques&nbsp;: glissements, malentendus, r&eacute;invention&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Revue fran&ccedil;aise d&rsquo;&eacute;tudes am&eacute;ricaines</em>, n&deg; 126 (2010), p.&nbsp;66-81.</p> <p><a href="#lien_nbp_3" name="nbp_3">3 </a>David Murphy et Charles Forsdick, &laquo;&nbsp;R&eacute;actions fran&ccedil;aises &agrave; une perspective postcoloniale&nbsp;: ‟retour au pays natal&rdquo; ou invention anglo-saxonne&nbsp;?&nbsp;&raquo;, dans Nicolas Bancel&nbsp;<em>et</em>&nbsp;<em>al</em>. [dir.],<em>&nbsp;Ruptures postcoloniales : les nouveaux visages de la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2010, p.&nbsp;139-148.</p> <p><a href="#lien_nbp_4" name="nbp_4">4</a> Claire Joubert [dir.],<em>&nbsp;<em>Le postcolonial compar&eacute; : anglophonie, francophonie</em></em>, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2014.</p> <p><a href="#lien_nbp_5" name="nbp_5">5 </a>Yves Clavaron,<em>&nbsp;<em>Petite introduction aux postcolonial studies</em></em>, Paris, Kim&eacute;, 2015.</p> <p><a href="#lien_nbp_6" name="nbp_6">6 </a>En 2010 paraissent ainsi des textes majeurs portant sur ces probl&egrave;mes d&rsquo;adaptation&nbsp;: l&rsquo;article de Laetitia Zecchini et Christine Lorre, l&rsquo;ouvrage&nbsp;<em>Ruptures postcoloniales</em>&nbsp;dirig&eacute; par Nicolas Bancel, Florence Bernault, Pascal Blanchard, Ahmed Boubeker, Achille Mbembe et Fran&ccedil;ois Verg&egrave;s, celui de Jean-Fran&ccedil;ois Bayart,&nbsp;<em>Les &eacute;tudes postcoloniales&nbsp;: un carnaval acad&eacute;mique</em>, Paris, Karthala, 2010.</p> <p><a href="#lien_nbp_7" name="nbp_7">7 </a>Neil Lazarus [dir.],&nbsp;<em>Penser le postcolonial&nbsp;: une introduction critique</em>, Paris, &Eacute;ditions Amsterdam, 2006.</p> <p><a href="#lien_nbp_8" name="nbp_8">8 </a>Edward Sa&iuml;d,&nbsp;<em>Orientalism</em>, New York, Pantheon Books, 1978.</p> <p><a href="#lien_nbp_9" name="nbp_9">9 </a>David Murphy et Charles Forsdick,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;139.</p> <p><a href="#lien_nbp_10" name="nbp_10">10 </a>Jacqueline Bardolph<em>, &Eacute;tudes postcoloniales et litt&eacute;rature,</em>&nbsp;Paris, Champion, 2002, p.&nbsp;16.</p> <p><a href="#lien_nbp_11" name="nbp_11">11 </a>Laetitia Zecchini et Christine Lorre,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;70.</p> <p><a href="#lien_nbp_12" name="nbp_12">12 </a>David Murphy et Charles Forsdick,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;144.</p> <p><a href="#lien_nbp_13" name="nbp_13">13 </a>Vincent Chambarlhac, &laquo;&nbsp;Fragments du jeu acad&eacute;mique postcolonial&nbsp;&raquo; (&agrave; propos d&rsquo;un collectif, l&rsquo;Association pour la connaissance de l&rsquo;histoire de l&rsquo;Afrique contemporaine, ACHAC),&nbsp;<em>Histoire@Politique. Politique, culture et soci&eacute;t&eacute;&nbsp;</em>[en ligne], n&deg; 12 (2010),&nbsp;<a href="http://www.cairn.info/revue-histoire-politique-2010-3-page-12.htm">www.cairn.info/revue-histoire-politique-2010-3-page-12.htm</a>&nbsp;[consult&eacute; le 12 avril 2015].</p> <p><a href="#lien_nbp_14" name="nbp_14">14 </a>Robert J.C. Young,&nbsp;<em>Postcolonialism&nbsp;: a very short introduction</em>, Oxford U.P., 2003, p.&nbsp;2.</p> <p><a href="#lien_nbp_15" name="nbp_15">15 </a>Pierre Singarav&eacute;lou [dir.],&nbsp;<em>Les empires coloniaux&nbsp;: XIX<sup>e&nbsp;</sup>&ndash; XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Points, 2013, p.&nbsp;24.</p> <p><a href="#lien_nbp_16" name="nbp_16">16 </a>Claire Joubert [dir.],&nbsp;<em>Le postcolonial compar&eacute;&nbsp;: anglophonie, francophonie</em>, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2014, p.&nbsp;7.</p> <p><a href="#lien_nbp_17" name="nbp_17">17 </a>Voir l&rsquo;ouvrage d&eacute;j&agrave; cit&eacute; d&rsquo;Yves Clavaron, p.&nbsp;26 notamment.</p> <p><a href="#lien_nbp_18" name="nbp_18">18 </a>Norbert Dodille,&nbsp;<em>Introduction aux discours coloniaux</em>, Paris, PUPS, 2011.</p> <p><a href="#lien_nbp_19" name="nbp_19">19&nbsp;</a><em>Ibid.</em>, p.&nbsp;164.</p> <p><a href="#lien_nbp_20" name="nbp_20">20 </a>Emmanuelle Sibeud, &laquo;&nbsp;Post-Colonial et Colonial Studies&nbsp;: enjeux et d&eacute;bats&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Revue d&rsquo;histoire moderne et contemporaine</em>, n&deg; 51-4bis (2004), p.&nbsp;90.</p> <p><a href="#lien_nbp_21" name="nbp_21">21 </a>Jean-Fran&ccedil;ois Bayart,&nbsp;<em>Les &eacute;tudes postcoloniales&nbsp;: un carnaval acad&eacute;mique</em>, Paris, Karthala, 2010, p. 83.</p> <p><a href="#lien_nbp_22" name="nbp_22">22 </a>Emmanuelle Sibeud,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;94.</p> <p><a href="#lien_nbp_23" name="nbp_23">23 </a>Yves Clavaron,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;109.</p> <p><a href="#lien_nbp_24" name="nbp_24">24 </a>Pierre Singarav&eacute;lou, &laquo;&nbsp;Introduction&nbsp;&raquo;, dans Pierre Singarav&eacute;lou [dir.],&nbsp;<em>Les empires coloniaux&nbsp;: XIX</em><em><sup>e</sup></em>&nbsp;<em>&ndash;</em>&nbsp;<em>XX</em><em><sup>e&nbsp;</sup></em><em>si&egrave;cle</em>, Paris, Points, 2013, p.&nbsp;28-29.</p> <p><a href="#lien_nbp_25" name="nbp_25">25 </a>Nicolas Martin-Granel et Anthony Mangeon, &laquo;&nbsp;&Agrave; propos des &eacute;tudes postcoloniales, ‟&agrave; l&rsquo;angle des rues parall&egrave;les&rdquo;&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>&Eacute;tudes litt&eacute;raires africaines</em>, n&deg; 30 (2010), p.&nbsp;99-100.</p> <p><a href="#lien_nbp_26" name="nbp_26">26 </a>Yves Clavaron,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;39.</p> <p><a href="#lien_nbp_27" name="nbp_27">27 </a>Neil Lazarus, 2006,&nbsp;<em>op.cit.</em></p> <p><a href="#lien_nbp_28" name="nbp_28">28 </a>David Murphy et Charles Forsdick,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;143-144.</p> <p><a href="#lien_nbp_29" name="nbp_29">29 </a>Yves Clavaron, &laquo; &Eacute;tudes francophones,&nbsp;<em>postcolonial studies&nbsp;</em>: entre m&eacute;sentente cordiale et strat&eacute;gies partag&eacute;es&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Neohelicon</em>, XXXV (2008), p.&nbsp;42.</p> <p><a href="#lien_nbp_30" name="nbp_30">30 </a>Gr&eacute;goire Lem&eacute;nager, &laquo;&nbsp;Des &eacute;tudes (post)coloniales &agrave; la fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Labyrinthe</em>&nbsp;[en ligne],&nbsp;<a href="http://labyrinthe.revues.org/1251">http://labyrinthe.revues.org/1251</a>&nbsp;[consult&eacute; le 13 octobre 2012].</p> <p><a href="#lien_nbp_31" name="nbp_31">31 </a>Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire [dir.],<em>&nbsp;<em>La fracture coloniale&nbsp;: la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise au prisme de l&rsquo;h&eacute;ritage colonial</em>,</em>&nbsp;Paris, La D&eacute;couverte, 2005.</p> <p><a href="#lien_nbp_32" name="nbp_32">32 </a>Tammouz Al-Douri,&nbsp;<em>Troubles dans l&rsquo;identit&eacute; nationale&nbsp;: les &eacute;tudes postcoloniales en France</em>, M&eacute;moire de sciences sociales, Universit&eacute; Lyon 2, Institut d&rsquo;&eacute;tudes politiques de Lyon, 2011.</p> <p><a href="#lien_nbp_33" name="nbp_33">33 </a>C&rsquo;est aussi sur ce point politique que Laetitia Zecchini et Christine Lorre m&egrave;nent une analyse remarquable de la port&eacute;e des &eacute;tudes postcoloniales dans leur article.</p> <p><a href="#lien_nbp_34" name="nbp_34">34 </a>Suivant la d&eacute;finition donn&eacute;e par le TLF, un prisme est, au figur&eacute;, un &laquo;&nbsp;&eacute;l&eacute;ment transformant l&rsquo;image du r&eacute;el, g&eacute;n&eacute;ralement en la d&eacute;formant&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#lien_nbp_35" name="nbp_35">35 </a>Laetitia Zecchini et Christine Lorre,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;68.</p> <p><a href="#lien_nbp_36" name="nbp_36">36 </a>Yves Clavaron,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;45.</p> <p><a href="#lien_nbp_37" name="nbp_37">37 </a>Ils intitulent ainsi une partie de leur article&nbsp;&laquo;&nbsp;une mutation en cours&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;147), pour montrer que malgr&eacute; des r&eacute;sistances, le vocabulaire postcolonial et les id&eacute;es qu&rsquo;il porte sont devenus familiers au monde universitaire fran&ccedil;ais.</p> <p><a href="#lien_nbp_38" name="nbp_38">38 </a>David Murphy et Charles Forsdick,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;148.</p> <p><a href="#lien_nbp_39" name="nbp_39">39 </a>Nicolas Martin-Granel et Anthony Mangeon,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;93.</p> <p><a href="#lien_nbp_40" name="nbp_40">40&nbsp;</a><em>Ibid.</em>, p.&nbsp;49.</p> <p><a href="#lien_nbp_41" name="nbp_41">41 </a>Sarga Moussa [dir.],&nbsp;<em>Litt&eacute;rature et esclavage&nbsp;: XVIII</em><em><sup>e</sup></em><em>&nbsp;<em>&ndash;</em>&nbsp;<em>XIX</em></em><em><sup>e</sup></em>, Paris, &Eacute;ditions Desjonqu&egrave;res, 2010, p.&nbsp;13.</p>