<p>Tout énoncé, qu’il s’agisse de la parole la plus poétique ou de l’énoncé le plus subversif, est actualisation de la multiplicité corrélée de ce que l’on pourrait appeler les « usages » qui font une langue, et il est producteur d’une unité qui ne lui préexiste pas comme telle. On peut donc dire de chaque énoncé, qu’il soit produit à la manière d’un mot d’ordre, redondant par rapport à la situation, ou à la manière d’un énoncé poétique, actualisant un usage inédit, qu’il est conditionné par « l’univers corrélé » de la langue, qu’il est actualisation d’une « potentialité réelle », mais il faut alors ajouter qu’une langue, en tant que potentialité réelle, pose la question de sa « réalité », qui ne se confond avec aucune de ses expressions. En d’autres mots, les « usages » ne sont pas des cas entre lesquels il faudrait choisir, comme les diverses possibilités de traduction présentées par un dictionnaire. Ils devraient plutôt évoquer ce que ces possibilités sont faites pour susciter, la nébuleuse perplexe et indivise d’où émerge le choix, « c’est le mot qui convient ».</p>
<p>Isabelle Stengers</p>