<p><q>[&Agrave;] celui qui n&rsquo;a pas toujours &agrave; l&rsquo;esprit la pr&eacute;sence massive et agressive, dans le march&eacute; interne, du film &eacute;tranger, il est impossible de comprendre quoi que ce soit &agrave; ce qui constitue le cin&eacute;ma br&eacute;silien<sup><a href="#nbp_1" id="note_1" name="lien_nbp_1" title="Aller à la note de bas de page n°1">1</a></sup>.</q></p> <p>Ainsi d&eacute;bute l&rsquo;ouvrage&nbsp;<em>Cinema brasileiro&nbsp;: Propostas para uma historia</em>&nbsp;de Jean-Claude Bernadet &ndash; ouvrage qui, depuis sa parution en 1979, a tr&egrave;s souvent &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute; comme la meilleure introduction existante &agrave; l&rsquo;histoire du cin&eacute;ma br&eacute;silien. Le succ&egrave;s m&ecirc;me du livre semble confirmer son hypoth&egrave;se fondamentale, &eacute;nonc&eacute;e ci-dessus avec beaucoup de force&nbsp;: il serait impossible de penser le cin&eacute;ma br&eacute;silien pour lui-m&ecirc;me. Tout film doit &ecirc;tre analys&eacute;, affirme le critique, &agrave; la lumi&egrave;re du contexte dans lequel il a &eacute;t&eacute; produit&nbsp;; et dans le cas du Br&eacute;sil, quelle que soit l&rsquo;&eacute;poque consid&eacute;r&eacute;e, ce contexte est toujours celui d&rsquo;une omnipr&eacute;sence &eacute;crasante des films &laquo;&nbsp;&eacute;trangers&nbsp;&raquo;. Aussi les cin&eacute;astes nationaux peuvent-ils imiter ces films &laquo;&nbsp;&eacute;trangers&nbsp;&raquo; (Bernadet pr&eacute;cise plus tard qu&rsquo;il d&eacute;signe par ce terme les cin&eacute;matographies europ&eacute;ennes et &eacute;tasuniennes), ou chercher &agrave; s&rsquo;en d&eacute;marquer&nbsp;; mais leurs &oelig;uvres ne pourraient de toute fa&ccedil;on pas cr&eacute;er de sens de fa&ccedil;on autonome, ni &ecirc;tre &eacute;tudi&eacute;es pour elles-m&ecirc;mes. Or, un rapide survol historiographique confirme l&rsquo;intuition de Bernadet&nbsp;: la plupart des textes th&eacute;oriques consacr&eacute;s au cin&eacute;ma br&eacute;silien se pr&eacute;sentent soit comme des br&ucirc;lots politiques d&eacute;non&ccedil;ant la supr&eacute;matie de la culture nord-am&eacute;ricaine<sup><a href="#nbp_2" id="note_2" name="lien_nbp_2" title="Aller à la note de bas de page n°2">2</a></sup>, soit comme des trait&eacute;s d&rsquo;&eacute;conomie traitant des conditions d&rsquo;importation des films &eacute;trangers sur le territoire national<sup><a href="#nbp_3" id="note_3" name="lien_nbp_3" title="Aller à la note de bas de page n°3">3</a></sup>. Encore aujourd&rsquo;hui, il est difficile de trouver des ouvrages consid&eacute;rant l&rsquo;histoire du cin&eacute;ma br&eacute;silien comme autre chose que l&rsquo;histoire de la r&eacute;ception au Br&eacute;sil du cin&eacute;ma occidental<sup><a href="#nbp_4" id="note_4" name="lien_nbp_4" title="Aller à la note de bas de page n°4">4</a></sup>. Toutefois, disons-le sans attendre&nbsp;: nous n&rsquo;essayerons pas, dans cet article, de prendre cette tendance critique &agrave; contre-pied. En effet, proposer une histoire alternative du cin&eacute;ma br&eacute;silien, o&ugrave; l&rsquo;influence des cin&eacute;matographies occidentales serait ni&eacute;e au profit de l&rsquo;&eacute;loge aveugle de l&rsquo;&laquo;&nbsp;originalit&eacute;&nbsp;&raquo; des cin&eacute;astes nationaux, reviendrait &agrave; nier une r&eacute;alit&eacute; historique fondamentale&nbsp;: le cin&eacute;ma est, par sa nature m&ecirc;me, un art d&rsquo;importation. Aussi emprunterons-nous une autre voie&nbsp;: celle qui consiste &agrave; interroger les conditions et les modalit&eacute;s de cette importation.</p> <p>Il est par exemple tout &agrave; fait frappant de constater que le cin&eacute;ma br&eacute;silien est tr&egrave;s souvent associ&eacute; aux cin&eacute;matographies africaines ou asiatiques sous l&rsquo;appellation g&eacute;n&eacute;rique (et controvers&eacute;e) de&nbsp;<em>Third cinema</em>&nbsp;(qu&rsquo;il faudrait traduire par &laquo;&nbsp;Tiers-cin&eacute;ma&nbsp;&raquo; pour conserver la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la notion de &laquo;&nbsp;Tiers-monde&nbsp;&raquo;). Bien entendu, le terme n&rsquo;entend pas gommer les sp&eacute;cificit&eacute;s de chaque cin&eacute;ma national, ainsi que l&rsquo;expliquent tr&egrave;s bien Jim Pines et Paul Willemen<sup><a href="#nbp_5" id="note_5" name="lien_nbp_5" title="Aller à la note de bas de page n°5">5</a></sup>&nbsp;; mais le simple geste consistant &agrave; rassembler tous ces films sous une m&ecirc;me banni&egrave;re tend &agrave; faire oublier un &eacute;l&eacute;ment de d&eacute;finition fondamental. C&rsquo;est que contrairement au cas de certains pays d&rsquo;Afrique, par exemple, o&ugrave; les cin&eacute;astes subissent encore le joug (culturel, esth&eacute;tique et dans de nombreux cas, &eacute;conomique) des m&eacute;tropoles dont ils ne se sont &eacute;mancip&eacute;s que r&eacute;cemment, l&rsquo;emprise effective du Portugal sur le Br&eacute;sil a pris fin depuis plusieurs si&egrave;cles. Lorsque le cin&eacute;matographe parvient au Br&eacute;sil en 1897, le pays est depuis longtemps ind&eacute;pendant, la langue qui y est parl&eacute;e n&rsquo;a plus grand-chose de commun avec le portugais d&rsquo;Europe, et personne ne songe alors &agrave; nier l&rsquo;existence d&rsquo;une &laquo;&nbsp;identit&eacute;&nbsp;&raquo; culturelle br&eacute;silienne. Pourtant, c&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment avec cette question que le cin&eacute;ma br&eacute;silien devra se battre, jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;&eacute;poque tr&egrave;s contemporaine. Pourquoi&nbsp;? Pourquoi, jusqu&rsquo;aux ann&eacute;es 1910, chaque nouvelle sortie est-elle accompagn&eacute;e d&rsquo;une notice publicitaire annon&ccedil;ant l&rsquo;arriv&eacute;e messianique du &laquo;&nbsp;premier film br&eacute;silien&nbsp;&raquo;&nbsp;? Pourquoi les cin&eacute;astes Humberto Moura et Alex Viany &eacute;voquent-ils encore, en 1952, le &laquo; devoir patriotique&nbsp;&raquo; consistant &agrave; aller voir des films nationaux<sup><a href="#nbp_6" id="note_6" name="lien_nbp_6" title="Aller à la note de bas de page n°6">6</a></sup>&nbsp;? Pourquoi aujourd&rsquo;hui, alors m&ecirc;me que de tr&egrave;s nombreux Br&eacute;siliens s&rsquo;enorgueillissent de n&rsquo;&eacute;couter que de la musique br&eacute;silienne, les salles ind&eacute;pendantes, attach&eacute;es &agrave; la diffusion de films nationaux, peinent-elles tant &agrave; attirer les foules&nbsp;? Selon nous, il n&rsquo;est possible de r&eacute;pondre &agrave; ces questions qu&rsquo;&agrave; condition de consid&eacute;rer ce qui fait la sp&eacute;cificit&eacute; du m&eacute;dium cin&eacute;matographique &ndash; c&rsquo;est-&agrave;-dire sa nature technique, qui en fait un mode d&rsquo;expression intrins&egrave;quement moderne. La &laquo;&nbsp;modernit&eacute;&nbsp;&raquo; peut, en premi&egrave;re approximation, se caract&eacute;riser par le progr&egrave;s technique et l&rsquo;invention d&rsquo;outils nouveaux (au sens o&ugrave; la locomotive &eacute;lectrique constitua une invention &laquo;&nbsp;moderne&nbsp;&raquo; par rapport &agrave; la machine &agrave; vapeur)&nbsp;: en ce sens, le cin&eacute;ma, art n&eacute; de l&rsquo;industrialisation, est au XX<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle l&rsquo;art moderne par excellence. Si toutefois l&rsquo;on adopte une d&eacute;finition plus pr&eacute;cise et plus contextualis&eacute;e du terme, ainsi que nous y invitent Jean Baudrillard, Alain Brunn et Jacinto Lageira lorsqu&rsquo;ils &eacute;crivent&nbsp;: &laquo;&nbsp;face &agrave; la diversit&eacute; g&eacute;ographique et symbolique de[s traditions], la modernit&eacute; s&rsquo;impose comme une, homog&egrave;ne, irradiant mondialement &agrave; partir de l&rsquo;Occident<sup><a href="#nbp_7" id="note_7" name="lien_nbp_7" title="Aller à la note de bas de page n°7">7</a></sup>. &raquo; Alors, l&agrave; encore, le cin&eacute;ma s&rsquo;impose comme le parangon de l&rsquo;art moderne, puisqu&rsquo;il promeut tr&egrave;s largement, ainsi que nous allons le montrer, des mod&egrave;les &eacute;conomiques, culturels et esth&eacute;tiques occidentaux. Ainsi, &eacute;tudier la fa&ccedil;on dont l&rsquo;art cin&eacute;matographique s&rsquo;est implant&eacute; et d&eacute;velopp&eacute; au Br&eacute;sil, c&rsquo;est interroger l&rsquo;&eacute;volution d&rsquo;une certaine id&eacute;e de la &laquo;&nbsp;modernit&eacute;&nbsp;&raquo; au sein des mentalit&eacute;s br&eacute;siliennes&nbsp;; et c&rsquo;est ce processus que nous entendons explorer ici gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;analyse de films produits entre le d&eacute;but du si&egrave;cle et la fin des ann&eacute;es 1960.</p> <p>Nous avons choisi de restreindre notre corpus &agrave; un petit nombre de films pr&eacute;sentant un point commun fort&nbsp;: ils se d&eacute;roulent &agrave; S&atilde;o Paulo, et la ville y occupe une grande importance, tant th&eacute;matiquement que visuellement. Plusieurs consid&eacute;rations ont motiv&eacute; ce choix&nbsp;: offrant aux regards ses usines, lumi&egrave;res artificielles et transports m&eacute;canis&eacute;s, elle est (du moins jusqu&rsquo;&agrave; la construction de Bras&iacute;lia) l&rsquo;image m&ecirc;me du renouveau industriel dans un pays encore tr&egrave;s largement domin&eacute; par l&rsquo;exploitation agricole et l&rsquo;&eacute;levage&nbsp;; ville n&eacute;e de l&rsquo;immigration (italienne, portugaise et allemande, puis libanaise, syrienne et japonaise au d&eacute;but du XX<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle), elle constitue le lieu de rencontre entre diff&eacute;rentes cultures et diff&eacute;rents mod&egrave;les de sociabilit&eacute; ; et enfin, symbole d&rsquo;une modernit&eacute; architecturale, elle fournit aux cin&eacute;astes surfaces planes, reflets et sym&eacute;tries &ndash; un mat&eacute;riau propre &agrave; l&rsquo;invention d&rsquo;un nouveau langage visuel. Filmer S&atilde;o Paulo, c&rsquo;est se confronter &agrave; un espace et &agrave; une soci&eacute;t&eacute; en pleine mutation. Chaque film tourn&eacute; &agrave; &laquo;&nbsp;Sampa&nbsp;&raquo; r&eacute;v&egrave;le donc toujours une perspective (enthousiaste ou critique) sur ce double processus d&rsquo;&rsquo;industrialisation et d&rsquo;&laquo;&nbsp;occidentalisation&nbsp;&raquo; du pays&nbsp;; mais par le simple fait d&rsquo;avoir recours au m&eacute;dium cin&eacute;matographique, art industriel et nativement occidental, chaque cin&eacute;aste participe in&eacute;vitablement, et tr&egrave;s paradoxalement, de ces m&ecirc;mes processus. Ainsi que nous allons le voir, il a fallu plusieurs d&eacute;cennies avant que les artistes, les producteurs et les critiques ne s&rsquo;&eacute;veillent &agrave; la conscience de ce paradoxe, et en tirent les cons&eacute;quences&nbsp;: c&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment cette progressive &eacute;volution des mentalit&eacute;s, et la fa&ccedil;on dont les films en t&eacute;moignent, qui fera l&rsquo;objet de cet article.</p> <h1>Le cin&eacute;ma des premiers temps, ou la promotion paradoxale d&rsquo;une &laquo;&nbsp;brasilit&eacute;&nbsp;&raquo; rurale, au d&eacute;triment d&rsquo;une modernit&eacute; urbaine encore suspecte (1897-1929)</h1> <p>Dans les toutes premi&egrave;res d&eacute;cennies du si&egrave;cle, la production cin&eacute;matographique br&eacute;silienne se limite essentiellement &agrave; des court-m&eacute;trages documentaires&nbsp;: c&rsquo;est l&rsquo;&eacute;poque de la&nbsp;<em>cava&ccedil;&atilde;o</em>&nbsp;et des&nbsp;<em>cinejornais</em>&nbsp;(actualit&eacute;s film&eacute;es financ&eacute;es par la haute bourgeoisie industrielle pauliste, souvent politiquement et moralement tr&egrave;s conservatrices). Tr&egrave;s rapidement, ce nouveau m&eacute;dium de communication appara&icirc;t comme un moyen de pr&eacute;senter &agrave; un large public les &Eacute;tats les plus &eacute;loign&eacute;s des zones urbaines. &laquo;&nbsp;Tous les Br&eacute;siliens ont l&rsquo;obligation de conna&icirc;tre leur patrie ! Le Br&eacute;sil, l&rsquo;un des plus grands pays du monde, est encore ignor&eacute; par la quasi-totalit&eacute; des Br&eacute;siliens<sup><a href="#nbp_8" id="note_8" name="lien_nbp_8" title="Aller à la note de bas de page n°8">8</a></sup>&nbsp;!&nbsp;&raquo;, proclament les annonces publicitaires de films aux titres &eacute;vocateurs&nbsp;:<em>&nbsp;Campagnes du Br&eacute;sil, Voyage au Br&eacute;sil, Br&eacute;sil pittoresque, Br&eacute;sil inconnu, Br&eacute;sil grandiose</em>&hellip; Dans son article &laquo;&nbsp;A Cidade, o campo&nbsp;&raquo;, Jean-Claude Bernardet voit dans ces films&nbsp;:</p> <p><q>[&hellip;] l&rsquo;exaltation de la vie paysanne et de l&rsquo;int&eacute;rieur du pays en r&eacute;action contre le capitalisme urbain, comme une pr&eacute;servation de l&rsquo;originalit&eacute; br&eacute;silienne, d&rsquo;une&nbsp;<em>brasilit&eacute;</em>&nbsp;contre le capitalisme cosmopolite [&hellip;] et contre les formes de culture qui d&eacute;figureraient cette brasilit&eacute;<sup><a href="#nbp_9" id="note_9" name="lien_nbp_9" title="Aller à la note de bas de page n°9">9</a></sup>.</q></p> <p>Mais si le sujet de ces premiers films se veut authentiquement &laquo;&nbsp;br&eacute;silien&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire, comme on le voit, rural, l&rsquo;objet &laquo;&nbsp;film&nbsp;&raquo; quant &agrave; lui, par son mode de production et de diffusion, ne peut se passer d&rsquo;&ecirc;tre un produit industriel. De l&agrave; provient l&rsquo;un des paradoxes les plus frappants de la litt&eacute;rature critique de cette &eacute;poque&nbsp;: par exemple, un critique de&nbsp;<em>l&rsquo;Estado de S&atilde;o Paulo&nbsp;</em>&eacute;crit en 1917, au sujet de&nbsp;<em>O Curandeiro&nbsp;</em>: &laquo;&nbsp;Quant &agrave; la partie photographique, on ne pouvait pas r&ecirc;ver mieux [&hellip;] il y a des&nbsp;&ldquo;trucsˮ et effets cin&eacute;matographiques qui jusqu&rsquo;ici n&rsquo;existaient que sur les pellicules am&eacute;ricaines<sup><a href="#nbp_10" id="note_10" name="lien_nbp_10" title="Aller à la note de bas de page n°10">10</a></sup><a href="https://alepreuve.org/node/24#_edn10" id="_ednref10" name="_ednref10">.&nbsp;</a>&raquo; Dans une perspective aussi ouvertement patriotique de pr&eacute;sentation et de glorification de la culture locale, n&rsquo;est-il pas curieux que l&rsquo;emprunt d&rsquo;une esth&eacute;tique import&eacute;e soit pr&eacute;sent&eacute; comme une qualit&eacute; essentielle du film&nbsp;?</p> <p>Dans le m&ecirc;me temps, la ville moderne, et en particulier S&atilde;o Paulo, se voit pr&eacute;sent&eacute;e dans les premi&egrave;res fictions comme le berceau de tous les vices. Le cin&eacute;ma balbutiant h&eacute;rite ainsi d&rsquo;une importante tradition litt&eacute;raire et th&eacute;&acirc;trale, encore incarn&eacute;e au d&eacute;but du XX<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle par Artur de Azevedo, et qui perdurera jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;&eacute;poque contemporaine, consistant &agrave; d&eacute;peindre la &laquo;&nbsp;grande ville&nbsp;&raquo; comme un lieu de perdition morale&nbsp;:&nbsp;<em>Nh&ocirc; Anastacio chegou de viagem</em>&nbsp;(J&uacute;lio Ferrez, 1908),&nbsp;<em>A Capital Federal</em>&nbsp;(Luis de Barros, 1923),&nbsp;<em>O Candinho</em>&nbsp;(1954, adaptation par le cin&eacute;aste tr&egrave;s populaire Mazzaropi du conte&nbsp;<em>Candide&nbsp;</em>de Voltaire), ou encore&nbsp;<em>O Diabo mora no sangue</em>&nbsp;(Cecil Thir&eacute;, 1968) racontent tous l&rsquo;histoire d&rsquo;un personnage na&iuml;f et innocent, fra&icirc;chement arriv&eacute; de sa campagne natale, et d&eacute;couvrant &agrave; ses d&eacute;pens la corruption, la pauvret&eacute;, l&rsquo;alcool et le travail abrutissant &agrave; l&rsquo;usine. L&rsquo;exemple le plus frappant dans la p&eacute;riode qui nous int&eacute;resse est sans doute&nbsp;<em>Fragmentos da vida</em>, r&eacute;alis&eacute; en 1929 par Jos&eacute; Medina. Le film pr&eacute;sente l&rsquo;histoire d&rsquo;un jeune vagabond cherchant, afin de passer l&rsquo;hiver au chaud, &agrave; se faire arr&ecirc;ter par les forces de l&rsquo;ordre&nbsp;; cette id&eacute;e est pr&eacute;texte &agrave; nombre de gags comiques. Mais la premi&egrave;re sc&egrave;ne du film, elle, n&rsquo;a rien d&rsquo;humoristique&nbsp;: nous y voyons le p&egrave;re du vagabond, ouvrier travaillant &agrave; l&rsquo;&eacute;l&eacute;vation d&rsquo;un grand building dans le centre-ville, tombant de son &eacute;chafaudage et faisant promettre &agrave; son jeune fils de mener une vie morale et droite. Un panneau informe le spectateur que cette sc&egrave;ne date d&rsquo;&laquo;&nbsp;il y a moins de quinze ans, [&agrave; l&rsquo;&eacute;poque o&ugrave;] S&atilde;o Paulo, qui engrangeait les &eacute;nergies, &eacute;tait loin d&rsquo;&ecirc;tre la ville-tourbillon qu&rsquo;elle est aujourd&rsquo;hui<sup><a href="#nbp_11" id="note_11" name="lien_nbp_11" title="Aller à la note de bas de page n°11">11</a></sup>&nbsp;&raquo;, et le prologue se conclut, apr&egrave;s l&rsquo;accident du p&egrave;re, par le panneau suivant&nbsp;: &laquo;&nbsp;Comme si elle se r&eacute;veillait d&rsquo;un grand r&ecirc;ve, la ville de S&atilde;o Paulo, d&rsquo;un moment &agrave; l&rsquo;autre, se transforma radicalement, se couvrant de gratte-ciels, s&rsquo;&eacute;talant sur des places, o&ugrave; r&eacute;gnaient jusqu&rsquo;alors le raffinement, le bon go&ucirc;t de ses habitants<sup><a href="#nbp_12" id="note_12" name="lien_nbp_12" title="Aller à la note de bas de page n°12">12</a></sup><a href="https://alepreuve.org/node/24#_edn12" id="_ednref12" name="_ednref12">.&nbsp;</a>&raquo; Hormis ce panneau, les images elles-m&ecirc;mes ne montrent pas une seule fois ces &laquo;&nbsp;gratte-ciels&nbsp;&raquo;. De fa&ccedil;on tr&egrave;s sch&eacute;matique, l&rsquo;ouvrier vertueux est donc associ&eacute; &agrave; un &acirc;ge d&rsquo;or pr&eacute;-industrialisation (il est m&ecirc;me tu&eacute; par l&rsquo;industrie), et le vagabond, amoral, &agrave; l&rsquo;&eacute;poque industrielle&nbsp;; mais d&rsquo;un point de vue cin&eacute;matographique, ce discours tr&egrave;s critique et moralisateur sur les p&eacute;rils de l&rsquo;&egrave;re moderne n&rsquo;occasionne aucune r&eacute;flexion visuelle ou formelle. Que la corruption morale de la ville provienne de l&rsquo;industrie est un fait reconnu&nbsp;; mais que le cin&eacute;ma soit le produit de cette m&ecirc;me industrie, tous pr&eacute;f&egrave;rent l&rsquo;ignorer.</p> <h1>L&rsquo;&egrave;re de &laquo;&nbsp;l&rsquo;enchantement cosmopolite<sup><a href="#nbp_13" id="note_13" name="lien_nbp_13" title="Aller à la note de bas de page n°13">13</a></sup>&nbsp;&raquo;&nbsp;: le cin&eacute;ma devient le bras arm&eacute; d&rsquo;une propagande moderniste (1929-1948)</h1> <p>Dans ce contexte, la premi&egrave;re rupture de l&rsquo;histoire de la repr&eacute;sentation de la ville de S&atilde;o Paulo au cin&eacute;ma semble &ecirc;tre&nbsp;<em>S&atilde;o Paulo, Symphonie de la m&eacute;tropole (Sinfonia da metropole</em>, Adalberto Kemeny et Rudolf Rex Lustig, 1929). Ce long-m&eacute;trage documentaire, faisant l&rsquo;&eacute;loge univoque de la modernisation de la ville, ressort de la production contemporaine pour diff&eacute;rentes raisons&nbsp;: sa dur&eacute;e, tout d&rsquo;abord (exceptionnellement longue pour un documentaire)&nbsp;; son co&ucirc;t de production tr&egrave;s &eacute;lev&eacute;, la dur&eacute;e du tournage (plus d&rsquo;un an), et aussi sa sophistication formelle&nbsp;(le film utilise des cadres soign&eacute;s, une lumi&egrave;re contrast&eacute;e, de nombreux effets de surimpression&hellip;). Pour manifester l&rsquo;efficacit&eacute; des employ&eacute;s des postes et t&eacute;l&eacute;graphes, l&rsquo;image des nuques des travailleurs appliqu&eacute;s, leurs mains s&rsquo;agitant sur les machines &agrave; &eacute;crire, et les rouages desdites machines en fonctionnement&nbsp;; un peu plus loin, l&rsquo;emploi d&rsquo;images dupliqu&eacute;es et multipli&eacute;es &agrave; l&rsquo;&eacute;cran (s&eacute;par&eacute; en quatre sous-cadres reproduisant la m&ecirc;me image en miroir) fait entrer en collision voitures et bus, comme pour manifester visuellement la folie du trafic pauliste. Pour la premi&egrave;re fois, le m&eacute;dium cin&eacute;matographique est donc consciemment et explicitement exploit&eacute; pour son lien privil&eacute;gi&eacute; avec l&rsquo;industrie moderne : l&rsquo;enthousiasme des cin&eacute;astes pour les moyens techniques dont dispose le cin&eacute;ma se superpose tr&egrave;s exactement &agrave; l&rsquo;optimisme exub&eacute;rant dont le film fait preuve au sujet du d&eacute;veloppement industriel de la ville. En bon fils de l&rsquo;industrie, le cin&eacute;ma appara&icirc;t donc comme le m&eacute;dium de choix pour diffuser les messages d&rsquo;une propagande moderniste. Le discours en est d&rsquo;ailleurs d&rsquo;autant plus univoque que le tournage d&rsquo;un tel film n&eacute;cessite des financements importants d&rsquo;institutions publiques et priv&eacute;es. Soucieux de m&eacute;nager ses m&eacute;c&egrave;nes, le film accompagne des c&eacute;r&eacute;monies militaires, expose longuement les b&acirc;timents des secr&eacute;taires d&rsquo;&Eacute;tat, pr&eacute;sente en un long travelling de l&rsquo;avenue Brigadeiro Luiz Ant&ocirc;nio l&rsquo;immeuble de la Cin&eacute; Paramount jusqu&rsquo;au panneau final du film qui indique : &laquo;&nbsp;Et l&rsquo;homme, qui soumit la Nature &agrave; sa volont&eacute; de fer, en transformant les &eacute;l&eacute;ments les plus r&eacute;sistants en forces de progr&egrave;s, contempla son &oelig;uvre superbe<sup><a href="#nbp_14" id="note_14" name="lien_nbp_14" title="Aller à la note de bas de page n°14">14</a></sup><a href="https://alepreuve.org/node/24#_edn14" id="_ednref14" name="_ednref14">.&nbsp;</a>&raquo; Le film semble tout ignorer de la crise &eacute;conomique mondiale qui se profile (nous sommes en 1929), et fait m&ecirc;me soigneusement l&rsquo;impasse sur tout ce qui pourrait sugg&eacute;rer une situation de conflit social ou professionnel&nbsp;: le livreur de lait, par exemple, d&eacute;pose ses bouteilles sur le bord de la fen&ecirc;tre d&rsquo;une maison bourgeoise, et prend soin de s&rsquo;effacer de l&rsquo;&eacute;cran avant qu&rsquo;une main lourde de bagues ne saisisse les bouteilles et ne les emporte &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur.</p> <p>Mais un aspect du film nous interpelle ici particuli&egrave;rement&nbsp;: le film prend ouvertement mod&egrave;le sur&nbsp;<em>Berlin, Symphonie d&rsquo;une grande ville (</em><em>Berlin, Sinfonie der Gro&szlig;stadt</em>, Walther Ruttmann, 1927). Lui aussi film officiel, lui aussi chantant les louanges de l&rsquo;industrialisation galopante et d&eacute;veloppant des ressources cin&eacute;matographiques similaires &agrave; celles que nous avons d&eacute;j&agrave; d&eacute;crites, le documentaire allemand pr&eacute;sente un nombre impressionnant de similitudes avec le film de Kemeny et Lustig. Pourquoi faut-il donc qu&rsquo;un documentaire br&eacute;silien portant explicitement (et portant aux nues) la modernisation du pays emprunte sa forme cin&eacute;matographique &agrave; un mod&egrave;le europ&eacute;en&nbsp;? Ceci n&rsquo;emp&ecirc;che pas les r&eacute;alisateurs, au demeurant, de conclure leur film sur des panneaux pr&eacute;disant l&rsquo;av&egrave;nement de S&atilde;o Paulo au rang des premi&egrave;res m&eacute;tropoles mondiales, et d&rsquo;offrir, en guise d&rsquo;image ultime, la superposition d&rsquo;une petite plan&egrave;te Terre tournant sur elle-m&ecirc;me, et de la banni&egrave;re&nbsp;<em>Ordem e Progresso</em>&nbsp;du drapeau national. Le film se pr&eacute;sente donc comme un objet tr&egrave;s curieusement nationaliste&nbsp;: malgr&eacute; la co&iuml;ncidence &eacute;vidente de l&rsquo;objet du discours (la modernisation foudroyante de la ville) et de la forme filmique employ&eacute;e (multipliant les &laquo;&nbsp;effets&nbsp;&raquo;, aujourd&rsquo;hui un peu pass&eacute;s de mode, mais qui t&eacute;moignaient &agrave; l&rsquo;&eacute;poque de la modernit&eacute; du m&eacute;dium), et malgr&eacute; l&rsquo;affirmation tonitruante de la supr&eacute;matie de l&rsquo;industrie br&eacute;silienne sur le reste du monde, les r&eacute;alisateurs persistent dans leur recours aux mod&egrave;les esth&eacute;tiques import&eacute;s d&rsquo;Europe, plut&ocirc;t que de d&eacute;velopper un langage visuel et sonore propre. Encore dans les ann&eacute;es 1930, on ne pense pas la modernit&eacute; autrement qu&rsquo;&agrave; travers le prisme de l&rsquo;Occident.</p> <h1>Le&nbsp;<em>cinema novo&nbsp;</em>part en campagne&nbsp;: vers l&rsquo;invention d&rsquo;un langage cin&eacute;matographique national (1949-1964)</h1> <p>Cet &eacute;tat des choses &eacute;volue relativement peu, en r&eacute;alit&eacute;, jusqu&rsquo;au milieu des ann&eacute;es 1950. Dans le domaine de la production cin&eacute;matographique se produit alors un &eacute;v&eacute;nement fondamental : la Companhia Cinematografica Vera Cruz, grande compagnie de production fond&eacute;e &agrave; S&atilde;o Paulo en 1949 et empruntant explicitement son mod&egrave;le &eacute;conomique aux&nbsp;<em>majors&nbsp;</em>nord-am&eacute;ricaines, fait la faillite apr&egrave;s seulement six ann&eacute;es d&rsquo;activit&eacute;. Avec elle, c&rsquo;est un r&ecirc;ve qui s&rsquo;&eacute;croule, et peut-&ecirc;tre aussi une id&eacute;ologie toute enti&egrave;re&nbsp;: chez les producteurs et les cin&eacute;astes s&rsquo;&eacute;veille la conscience de la n&eacute;cessit&eacute;, pour le Br&eacute;sil, d&rsquo;inventer un mode de production qui corresponde aux structures &eacute;conomiques du pays, plut&ocirc;t que de s&rsquo;&eacute;vertuer &agrave; importer des mod&egrave;les inadapt&eacute;s. Le mim&eacute;tisme vis-&agrave;-vis du mod&egrave;le &eacute;tasunien n&rsquo;est plus une voie valable. Or, cette prise de conscience se produit &agrave; une &eacute;poque d&rsquo;&eacute;bullition intellectuelle et &eacute;conomique : l&rsquo;arriv&eacute;e au pouvoir de Jo&atilde;o Goulart, en 1961, lance dans le pays une large prise de conscience des probl&egrave;mes sociaux et politiques du pays. Les syndicats se d&eacute;veloppent et les mouvements de protestations se multiplient. Partout les d&eacute;bats populaires s&rsquo;animent&nbsp;: on voit appara&icirc;tre les &laquo;&nbsp;<em>ligas camponesas</em>&nbsp;&raquo; progressistes dans les campagnes, auxquelles s&rsquo;opposent des marches en faveur de Dieu, de la famille et de la libert&eacute;. Un d&eacute;bat s&rsquo;amorce autour de la r&eacute;forme agraire et sur la question de l&rsquo;expatriation des fonds nationaux&nbsp;: les intellectuels et artistes se voient mis en face de l&rsquo;obligation morale de s&rsquo;engager aupr&egrave;s d&rsquo;un parti et de produire des films id&eacute;ologiques.</p> <p>C&rsquo;est &agrave; ce moment de l&rsquo;histoire qu&rsquo;entre en sc&egrave;ne le&nbsp;<em>c</em><em>inema novo</em>, &agrave; la fois t&eacute;moin et acteur de ce mouvement de politisation de la soci&eacute;t&eacute; br&eacute;silienne. En d&eacute;veloppant sa th&eacute;orie de l&rsquo;&laquo;&nbsp;esth&eacute;tique de la faim&nbsp;&raquo;, Glauber Rocha &eacute;nonce la th&eacute;matique principale du cin&eacute;ma de cette p&eacute;riode&nbsp;: il s&rsquo;agira de filmer le peuple et la mis&egrave;re sociale. Et il ajoute&nbsp;: il s&rsquo;agira de filmer les pauvres, pauvrement. C&rsquo;est le documentaire&nbsp;<em>Aruanda</em>, r&eacute;alis&eacute; par Linduarte Noronha en 1959 &agrave; Paraiba, petit &Eacute;tat sans tradition cin&eacute;matographique aucune, qui lui aurait ouvert les yeux. Ce film, pr&eacute;sentant une tribu indig&egrave;ne qui jusqu&rsquo;alors avait surv&eacute;cu dans un syst&egrave;me &eacute;conomique primitif, sans argent, employait les moyens cin&eacute;matographiques les plus modestes&nbsp;: pi&egrave;tre qualit&eacute; sonore, lumi&egrave;re instable, faux-raccords hurlants associant un champ de jour et un contre-champ nocturne. Mais au lieu de regarder le film avec commis&eacute;ration ou honte, le cin&eacute;aste per&ccedil;ut dans ce documentaire de petite ambition &eacute;conomique une voie esth&eacute;tique possible pour le cin&eacute;ma national. Il y admira une co&iuml;ncidence jusqu&rsquo;alors jamais atteinte entre le propos du film et sa forme, c&rsquo;est-&agrave;-dire, entre la r&eacute;alit&eacute; br&eacute;silienne et son expression filmique<sup><a href="#nbp_15" id="note_15" name="lien_nbp_15" title="Aller à la note de bas de page n°15">15</a></sup>. Il existe d&eacute;j&agrave; nombre d&rsquo;essais sur le&nbsp;<em>cinema novo&nbsp;</em>auquel le lecteur pourra se reporter pour une analyse plus approfondie des enjeux artistiques et politiques de &laquo;&nbsp;l&rsquo;esth&eacute;tique de la faim&nbsp;&raquo;&nbsp;; mais deux aspects pr&eacute;cis appellent ici notre attention. Nous avons vu que jusqu&rsquo;alors, S&atilde;o Paulo avait &eacute;t&eacute; le d&eacute;cor privil&eacute;gi&eacute; des films cherchant &agrave; observer les mutations de la soci&eacute;t&eacute; br&eacute;silienne&nbsp;: que faut-il conclure du fait que les &laquo;&nbsp;cin&eacute;manovistes<em>&nbsp;&raquo;</em>&nbsp;se soient presque tous tourn&eacute;s vers l&rsquo;int&eacute;rieur du pays et les &Eacute;tats recul&eacute;s, comme si personne ne mourrait de faim en ville&nbsp;? Et d&rsquo;autre part, nous remarquons que le&nbsp;<em>cinema novo&nbsp;</em>est tr&egrave;s fr&eacute;quemment pr&eacute;sent&eacute; comme une &laquo;&nbsp;acclimatation&nbsp;&raquo; br&eacute;silienne du n&eacute;o-r&eacute;alisme italien. Faut-il vraiment admettre qu&rsquo;encore une fois, les solutions aux probl&egrave;mes existentiels du cin&eacute;ma br&eacute;silien n&rsquo;ont pu qu&rsquo;&ecirc;tre import&eacute;es d&rsquo;Europe ?</p> <p>&Agrave; quelques exceptions pr&egrave;s donc, la plupart des films pr&eacute;sent&eacute;s et &eacute;tudi&eacute;s aujourd&rsquo;hui comme exemples du&nbsp;<em>c</em><em>inema novo</em>&nbsp;sont des films ruraux. Nous pouvons &eacute;mettre plusieurs hypoth&egrave;ses pour expliquer ce choix. Glauber Rocha &eacute;tant lui-m&ecirc;me originaire de l&rsquo;&eacute;tat de Bahia, il lui &eacute;tait sans aucun doute naturel de filmer le Nordeste&nbsp;: de la m&ecirc;me fa&ccedil;on que Walter Khouri &agrave; qui il reprochait de ne filmer que S&atilde;o Paulo, Glauber Rocha &laquo;&nbsp;ne filmait que ce qu&rsquo;il connaissait&nbsp;&raquo;. Mais l&rsquo;attrait conjoncturel des cin&eacute;manovistes pour la terre et l&rsquo;agriculture ne saurait ne d&eacute;pendre que de l&rsquo;origine g&eacute;ographique de Glauber Rocha. Une autre explication possible serait que les cin&eacute;astes, craignant que les citadins les plus pauvres &ndash; car il y en avait, &agrave; n&rsquo;en pas douter, autant sinon davantage que dans les campagnes &ndash; ne ressemblent trop aux survivants de la Guerre en Europe, et soucieux, comme on l&rsquo;a vu, de rendre compte des difficult&eacute;s sociales propres au Br&eacute;sil contemporain, furent chercher la mis&egrave;re l&agrave; o&ugrave; elle &eacute;tait la plus ancienne, pr&eacute;c&eacute;dant l&rsquo;apparition m&ecirc;me des premiers mis&eacute;reux de l&rsquo;industrie naissante. Il est &eacute;galement probable que dans leur souci optimiste d&rsquo;annoncer l&rsquo;av&egrave;nement d&rsquo;une nouvelle &egrave;re r&eacute;volutionnaire, certains des cin&eacute;manovistes aient pris pour mod&egrave;le &laquo;&nbsp;visuel&nbsp;&raquo; et id&eacute;ologique la R&eacute;volution russe, laquelle s&rsquo;est bien davantage jou&eacute;e dans les fermes et les champs que dans les usines<sup><a href="#nbp_16" id="note_16" name="lien_nbp_16" title="Aller à la note de bas de page n°16">16</a></sup>. Enfin, s&rsquo;il est une autre explication possible, ce serait peut-&ecirc;tre celle de la n&eacute;cessit&eacute; pour les cin&eacute;astes de r&eacute;unir les financements indispensables au tournage du film. Ainsi que le sugg&egrave;re Jean-Claude Bernardet dans ses&nbsp;<em>Propostas</em>, au milieu des ann&eacute;es 1960, le processus d&rsquo;industrialisation a suffisamment avanc&eacute; pour que les propri&eacute;taires d&rsquo;usines repr&eacute;sentent des financiers et producteurs bien plus int&eacute;ressants que les propri&eacute;taires fonciers ou fermier. D&egrave;s lors, ce sont les grands du monde rural qui se font la cible des critiques sociales de ces films engag&eacute;s, et la bourgeoisie industrielle se voit relativement &eacute;pargn&eacute;e. Naturellement, ces id&eacute;es sont &agrave; manipuler avec pr&eacute;caution. Car, m&ecirc;me si cette autocensure s&rsquo;observe effectivement chez un certain nombre de cin&eacute;astes, la repr&eacute;sentation des injustices en milieu rural a sans doute &eacute;t&eacute; tr&egrave;s largement pens&eacute;e comme une m&eacute;taphore des conflits agitant la soci&eacute;t&eacute; br&eacute;silienne dans son ensemble.</p> <p>Reste donc &agrave; discuter dans quelle mesure les films du&nbsp;<em>cinema novo&nbsp;</em>se pr&eacute;sent&egrave;rent, ainsi que le sugg&egrave;rent certains critiques<sup><a href="#nbp_17" id="note_17" name="lien_nbp_17" title="Aller à la note de bas de page n°17">17</a></sup>, comme des imitations plus ou moins serviles de mod&egrave;les esth&eacute;tiques import&eacute;s d&rsquo;Italie. Dans son article &laquo;<em>&nbsp;</em>O Neo-realismo de Rossellini<em>&nbsp;</em>&raquo;, Rocha ne dissimule pas son admiration pour le ma&icirc;tre italien&nbsp;; mais ce qui l&rsquo;impressionne avant tout, c&rsquo;est la force du lien reliant la situation sociopolitique italienne de l&rsquo;apr&egrave;s-guerre et la nouveaut&eacute; radicale de l&rsquo;esth&eacute;tique n&eacute;o-r&eacute;aliste. Naturellement, il existe des similitudes entre les esth&eacute;tiques n&eacute;o-r&eacute;alistes et cin&eacute;manovistes&nbsp;: les deux courants ont rejet&eacute; les tournages en studio&nbsp;; les deux sont all&eacute;s chercher leurs acteurs dans la rue&nbsp;; les deux ont explor&eacute; les potentialit&eacute;s d&rsquo;une cam&eacute;ra au mouvement fluide, &agrave; hauteur d&rsquo;homme, sans la lourdeur du dispositif hollywoodien. Mais il est visible que ce que Glauber Rocha a emprunt&eacute; &agrave; Rossellini, ce n&rsquo;est pas tant un produit fini qu&rsquo;il aurait copi&eacute; aveugl&eacute;ment, que le processus de r&eacute;flexion et d&rsquo;analyse&nbsp;<em>en amont</em>&nbsp;de la production. Voulant imiter&nbsp;<em>Allemagne, ann&eacute;e z&eacute;ro</em>, Rocha aurait d&ucirc; se rendre dans les ruines du vieux centre de S&atilde;o Paulo pour y trouver un appartement &eacute;triqu&eacute; o&ugrave; se serait &eacute;teint un pauvre vieillard&nbsp;; c&rsquo;est en ayant analys&eacute; la relation de l&rsquo;Allemagne &agrave; son pass&eacute; et &agrave; son avenir que Rocha prit le parti de r&eacute;aliser son &oelig;uvre dans le Nordeste, lui aussi lieu de pass&eacute; et de honte.&nbsp;Ainsi, le cin&eacute;aste peut &eacute;crire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je filmais &ldquo;&agrave; la Rossellini&rdquo; ou &ldquo;&agrave; la&nbsp;<em>Rome, ville ouverte</em>&rdquo;, je veux dire, je filmais avec l&rsquo;attitude et le courage, avec peu de pellicule, en improvisant, mais guid&eacute; par ce sens de la r&eacute;alit&eacute; qu&rsquo;a Rossellini<sup><a href="#nbp_18" id="note_18" name="lien_nbp_18" title="Aller à la note de bas de page n°18">18</a></sup><a href="https://alepreuve.org/node/24#_edn18" id="_ednref18" name="_ednref18">.&nbsp;</a>&raquo;</p> <p>Aussi ces films ruraux de la premi&egrave;re moiti&eacute; des ann&eacute;es 1960 apparaissent-ils comme une &eacute;tape fondamentale du processus menant, dans le domaine de la production cin&eacute;matographique, &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;un concept de &laquo;&nbsp;modernit&eacute;&nbsp;&raquo; proprement br&eacute;silien. L&rsquo;ad&eacute;quation de la forme filmique employ&eacute;e et du discours promu par le film, esquiss&eacute;e avec optimisme et exub&eacute;rance dans&nbsp;<em>S&atilde;o Paulo, Sinfonia da metropole</em>, se voit ici invers&eacute;e, puisque l&rsquo;indigence des personnages rencontre le peu de moyens financiers dont dispose le cin&eacute;aste&nbsp;; et le rapport entretenu par le r&eacute;alisateur aux &laquo;&nbsp;mod&egrave;les&nbsp;&raquo; esth&eacute;tiques europ&eacute;ens y est &eacute;galement d&eacute;cal&eacute;, puisqu&rsquo;il ne s&rsquo;est plus agi d&rsquo;en imiter la forme, mais d&rsquo;analyser et de questionner leur gen&egrave;se esth&eacute;tique. En un sens, notre article pourrait donc s&rsquo;interrompre ici&nbsp;: il semble qu&rsquo;avec Rocha, le cin&eacute;ma br&eacute;silien ait atteint une forme de maturit&eacute;, et soit parvenu &agrave; fabriquer son propre concept de modernit&eacute;, tant par le mod&egrave;le &eacute;conomique adopt&eacute; que sur le plan esth&eacute;tique. Mais si l&rsquo;&oelig;uvre de Rocha repr&eacute;sente bien une forme d&rsquo;aboutissement du processus que nous nous sommes attach&eacute;e &agrave; d&eacute;crire, elle n&rsquo;en est pas, ainsi que nous allons le voir d&eacute;sormais, la r&eacute;solution d&eacute;finitive.</p> <h1>Les derni&egrave;res ann&eacute;es de libert&eacute; d&rsquo;expression&nbsp;: abandon de l&rsquo;id&eacute;al d&rsquo;un cin&eacute;ma nationaliste et exp&eacute;rimentations marginales (1964-1969)</h1> <p>C&rsquo;est donc &agrave; ce moment que le coup d&rsquo;&eacute;tat militaire de 1964 vint renverser la donne. Ainsi que l&rsquo;exprime de fa&ccedil;on tr&egrave;s synth&eacute;tique Inacio Araujo, r&eacute;alisateur et critique contemporain&nbsp;:</p> <p><q>D&rsquo;une heure &agrave; l&rsquo;autre, le&nbsp;<em>cinema novo</em>&nbsp;commen&ccedil;a &agrave; para&icirc;tre obsol&egrave;te. L&rsquo;id&eacute;e de &laquo;&nbsp;national&nbsp;&raquo;, tel que con&ccedil;u par lui, paraissait soudainement quelque chose de caduque. [&hellip;] Le d&eacute;sir constructif d&rsquo;instaurer un cin&eacute;ma national, de l&rsquo;institutionnaliser, alors que l&rsquo;&Eacute;tat devenait soudainement r&eacute;pressif, paraissait une insanit&eacute;<sup><a href="#nbp_19" id="note_19" name="lien_nbp_19" title="Aller à la note de bas de page n°19">19</a></sup>.</q></p> <p>Apr&egrave;s l&rsquo;instauration de la dictature militaire, l&rsquo;id&eacute;al d&rsquo;un cin&eacute;ma national patriote, qui avait, comme on l&rsquo;a vu, guid&eacute; les productions br&eacute;siliennes pendant un demi-si&egrave;cle, prit un sens beaucoup plus trouble. Cependant, les mesures r&eacute;pressives mirent plusieurs ann&eacute;es &agrave; se mettre v&eacute;ritablement en place&nbsp;; d&egrave;s 1964, le gouvernement militaire d&eacute;mantela les Centres Populaires de Culture et emp&ecirc;cha autant que possible les organismes publics de financer activement les films (le Geicine, Grupo Executivo da Industria Cinematografica, par exemple, se fait annexer par le Minist&egrave;re de l&rsquo;Industrie et du Commerce). Mais il fallut attendre 1966 pour que se mette en place le INC (Instituto Nacional de Cinema), destin&eacute; officiellement &agrave; promouvoir la production de films &laquo; exportables &raquo; et &agrave; contr&ocirc;ler le flux d&rsquo;importation de films &eacute;trangers sur le march&eacute; national, puis progressivement d&eacute;tourn&eacute; de son objectif initial et transform&eacute; en un organe de surveillance et de contr&ocirc;le du march&eacute; du travail cin&eacute;matographique. C&rsquo;est finalement en 1969 qu&rsquo;est mis en place l&rsquo;AI-5<sup><a href="#nbp_20" id="note_20" name="lien_nbp_20" title="Aller à la note de bas de page n°20">20</a></sup>&nbsp;et c&rsquo;est &agrave; cette date aussi que voit le jour l&rsquo;Embrafilme, v&eacute;ritable institution de censure. En raison de la lenteur relative de ce processus de restriction des libert&eacute;s d&rsquo;expression, entre 1964 et 1969, les intellectuels et artistes peinent &agrave; croire &agrave; la r&eacute;alit&eacute; de la dictature. Et c&rsquo;est pendant ces quelques ann&eacute;es d&rsquo;incr&eacute;dulit&eacute; qu&rsquo;un petit groupe de jeunes gens, originaires de S&atilde;o Paulo et regroup&eacute;s dans le quartier de la &laquo;&nbsp;Boca do Lixo<sup><a href="#nbp_21" id="note_21" name="lien_nbp_21" title="Aller à la note de bas de page n°21">21</a></sup>&nbsp;&raquo; (litt&eacute;ralement &laquo;&nbsp;Bouche &agrave; ordures&nbsp;&raquo; &ndash; aujourd&rsquo;hui davantage connu sous le nom, tout aussi explicite, de &laquo;&nbsp;Crackoland &raquo;), d&eacute;veloppe en r&eacute;action &agrave; ces premi&egrave;res pressions politiques un mode de production radical, minimaliste, &agrave; l&rsquo;&eacute;cart de toute forme d&rsquo;institution&nbsp;: leurs films seront par la suite regroup&eacute;s, dans l&rsquo;histoire du cin&eacute;ma br&eacute;silien, sous le nom de &laquo;&nbsp;cin&eacute;ma marginal&nbsp;&raquo;.</p> <p>L&agrave; o&ugrave; le&nbsp;<em>cinema novo</em>&nbsp;pr&eacute;sentait encore un discours relativement optimiste quant &agrave; l&rsquo;arriv&eacute;e de la r&eacute;volution salutaire et la r&eacute;union finale des opposants de la lutte sociale, le cin&eacute;ma marginal se fait id&eacute;ologiquement beaucoup plus sombre. Pour le Br&eacute;sil, plus de salut &agrave; venir&nbsp;: le film marginal est un film de fin du monde. Il se traduit par un retour de la civilisation moderne &agrave; une sexualit&eacute; primitive et bestiale (<em>Gamal, o delirio do sexo</em>, Jo&atilde;o Batisto de Andrade, 1970), par une invasion extraterrestre (<em>O Bandido da Luz Vermelha,&nbsp;</em>Rog&eacute;rio Sganzerla, 1967), par l&rsquo;av&egrave;nement au pouvoir d&rsquo;un Hitler br&eacute;silien (<em>Hitler Terceiro mundo</em>, Jos&eacute; Agrippino de Paula, 1968), ou &ndash; plus litt&eacute;ralement &ndash; par une h&eacute;catombe (<em>A Margem,&nbsp;</em>Ozualdo Candeias, 1967). Sur bien des points, le cin&eacute;ma marginal appara&icirc;t donc comme une radicalisation du discours cin&eacute;manoviste&nbsp;; l&agrave; o&ugrave; le p&egrave;re r&eacute;v&eacute;lait et illuminait la mis&egrave;re sociale, les fils assument et exhibent la &laquo;&nbsp;vulgarit&eacute;&nbsp;&raquo; populaire br&eacute;silienne. Inacio Araujo, encore une fois, en propose l&rsquo;analyse suivante&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le bien-faire, la grammaire adapt&eacute;e, la lumi&egrave;re bien compos&eacute;e ne voulaient plus dire grand-chose. Le cin&eacute;ma n&rsquo;&eacute;tait plus un art, mais bien une gu&eacute;rilla contre le bon go&ucirc;t, le monde &eacute;tabli, les personnes bien dans leur peau<sup><a href="#nbp_22" id="note_22" name="lien_nbp_22" title="Aller à la note de bas de page n°22">22</a></sup><a href="https://alepreuve.org/node/24#_edn22" id="_ednref22" name="_ednref22">.&nbsp;</a>&raquo;</p> <p>Si cette d&eacute;marche int&eacute;resse directement notre probl&eacute;matique, c&rsquo;est qu&rsquo;elle s&rsquo;est tr&egrave;s souvent traduite, d&rsquo;un point de vue esth&eacute;tique, par un recours syst&eacute;matis&eacute; &agrave; la parodie et au pastiche de films &laquo;&nbsp;occidentaux&nbsp;&raquo;. &laquo;&nbsp;Nombre de ces films organise une esp&egrave;ce de collage de mat&eacute;riaux recueillis, promouvant l&rsquo;id&eacute;e selon laquelle le Tiers-monde ne ferait que ramasser les miettes du Premier<sup><a href="#nbp_23" id="note_23" name="lien_nbp_23" title="Aller à la note de bas de page n°23">23</a></sup><a href="https://alepreuve.org/node/24#_edn23" id="_ednref23" name="_ednref23">.&nbsp;</a>&raquo; C&rsquo;est cette tendance &agrave; emprunter au cin&eacute;ma occidental ses sc&egrave;nes classiques pour les d&eacute;tourner qui a pouss&eacute; Glauber Rocha &agrave; baptiser ce mouvement &laquo;&nbsp;Udigrudi&nbsp;&raquo; &ndash; appellation performative s&rsquo;il en est, puisque provenant d&rsquo;une d&eacute;formation du &laquo;&nbsp;underground&nbsp;&raquo; am&eacute;ricain dont certains cin&eacute;astes marginaux se proclamaient effectivement les parents pauvres. Du reste, le corpus occidental n&rsquo;est pas la seule cible de la parodie marginale&nbsp;; les cin&eacute;astes se jouent &eacute;galement des codes du cin&eacute;ma national, de la&nbsp;<em>chanchada</em><sup><a href="#nbp_24" id="note_24" name="lien_nbp_24" title="Aller à la note de bas de page n°24">24</a></sup>&nbsp;la plus vulgaire au meilleur du&nbsp;<em>cinema novo.</em></p> <p>L&rsquo;un des meilleurs exemples des films produits au cours de cette p&eacute;riode est&nbsp;<em>Le&nbsp;</em><em>Bandit de la lumi&egrave;re rouge</em>&nbsp;(<em>O Bandido da Luz Vermelha,&nbsp;</em>Rog&eacute;rio Sganzerla, 1967). Le film se pr&eacute;sente, au premier abord, comme un collage d&eacute;sordonn&eacute; de bouts de pastiches et de parodies de films occidentaux et br&eacute;siliens, auquel le cin&eacute;aste a ajout&eacute; une bande-son elle-m&ecirc;me h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne, form&eacute;e d&rsquo;un programme de radio grand public et d&rsquo;un alliage de musiques d&rsquo;origines diverses. Pour analyser correctement ce parti pris, celui de &laquo;&nbsp;l&rsquo;esth&eacute;tique de l&rsquo;ordure&nbsp;&raquo;, du mauvais go&ucirc;t revendiqu&eacute; et du&nbsp;<em>patchwork</em>&nbsp;de citations, il semble utile de revenir en arri&egrave;re quelques instants pour &eacute;voquer le texte fondateur qui donna naissance &agrave; ce courant esth&eacute;tique br&eacute;silien consistant &agrave; s&rsquo;approprier voracement les cultures &eacute;trang&egrave;res&nbsp;: le&nbsp;<em>Manifeste anthropophage</em>&nbsp;du po&egrave;te Oswald de Andrade, r&eacute;dig&eacute; en 1928. Le texte d&eacute;fend la l&eacute;gitimit&eacute; du m&eacute;canisme cr&eacute;atif consistant &agrave; int&eacute;grer, au sein de la culture nationale, des &eacute;l&eacute;ments issus de cultures &eacute;trang&egrave;res. Il se moque de la soumission des &eacute;lites intellectuelles br&eacute;siliennes &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des pouvoirs culturels occidentaux. Mais, conscient de la valeur intrins&egrave;que desdits chefs-d&rsquo;&oelig;uvre occidentaux, il d&eacute;fend l&rsquo;art de la &laquo;&nbsp;d&eacute;glutition&nbsp;&raquo; (le vocabulaire de l&rsquo;anthropophagie semble avoir &eacute;t&eacute; choisi &agrave; dessein pour sa violence m&eacute;taphorique). &laquo;&nbsp;Ne m&rsquo;int&eacute;resse que ce qui n&rsquo;est pas mien<sup><a href="#nbp_25" id="note_25" name="lien_nbp_25" title="Aller à la note de bas de page n°25">25</a></sup><a href="https://alepreuve.org/node/24#_edn25" id="_ednref25" name="_ednref25">&nbsp;</a>&raquo;, affirme-t-il, avant de proposer la formule qui restera le mot d&rsquo;ordre du mouvement, efficace par sa performativit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Tupi or not Tupi that is the question</em>&nbsp;&raquo; (en &laquo;&nbsp;anglais&nbsp;&raquo; dans le texte), expression import&eacute;e de la culture occidentale et &laquo;&nbsp;acclimat&eacute;e&nbsp;&raquo; &agrave; la culture br&eacute;silienne (les&nbsp;<em>tupis</em>&nbsp;composent, encore aujourd&rsquo;hui, l&rsquo;ethnie indig&egrave;ne d&eacute;mographiquement la plus importante du Br&eacute;sil). La tendance qu&rsquo;a eue le cin&eacute;ma marginal &agrave; s&rsquo;emparer des images occidentales pour les d&eacute;tourner le pose donc ouvertement en h&eacute;ritier de ce courant litt&eacute;raire des ann&eacute;es 1930.</p> <p>Que pouvons-nous observer, d&egrave;s lors, dans&nbsp;<em>Le Bandit de la lumi&egrave;re rouge</em>, qui nourrisse notre r&eacute;flexion sur l&rsquo;acclimatation, par le cin&eacute;ma br&eacute;silien, du concept de &laquo;&nbsp;modernit&eacute;&nbsp;&raquo;&nbsp;? Rappelons rapidement l&rsquo;intrigue du film avant de nous pencher plus pr&eacute;cis&eacute;ment sur les ressources formelles de l&rsquo;&oelig;uvre&nbsp;: on suit le parcours d&rsquo;un bandit, interpr&eacute;t&eacute; par Paulo Villa&ccedil;a, qui traverse une crise identitaire et existentielle&nbsp;; on assiste &agrave; plusieurs de ses rapines, puis &agrave; ses diff&eacute;rentes tentatives de suicide, jusqu&rsquo;&agrave; la derni&egrave;re &ndash; qui aboutit. Sur son chemin, il rencontre Janet Jane, une prostitu&eacute;e libre et d&eacute;sinvolte qui finira par le vendre aux forces de l&rsquo;ordre. Le r&eacute;cit est rythm&eacute; par la voix&nbsp;<em>off</em>&nbsp;de deux pr&eacute;sentateurs radio. Ce r&eacute;sum&eacute; de l&rsquo;intrigue, insuffisant &agrave; retracer la complexit&eacute; narrative du film, donne toutefois quelques pistes concernant ses influences occidentales. La trahison de la compagne rappelle sans aucun doute celle &laquo;&nbsp;d&eacute;gueulasse&nbsp;&raquo; d&rsquo;<em>&Agrave;</em><em>&nbsp;bout de souffle</em>, tandis que le suicide final &eacute;voque (c&rsquo;est &eacute;vident lorsqu&rsquo;on compare les deux images)&nbsp;<em>Pierrot le fou&nbsp;</em>; la qu&ecirc;te identitaire rythm&eacute;e par une narration d&eacute;structur&eacute;e, faite de&nbsp;<em>flashbacks</em>&nbsp;et d&rsquo;ellipses, n&rsquo;est pas sans &eacute;voquer le r&eacute;cit wellesien&nbsp;(on sait combien le r&eacute;alisateur am&eacute;ricain influen&ccedil;a Sganzerla, qui ira jusqu&rsquo;&agrave; lui consacrer deux films,&nbsp;<em>Nem tudo &eacute; verdade</em>&nbsp;en 1986 et&nbsp;<em>Tudo &eacute; Brasil&nbsp;</em>en 1997). Le film cite abondamment&nbsp;<em>La Soif du mal&nbsp;</em>(<em>A Touch of Evil,&nbsp;</em>1958<em>)</em>, et fait sans aucun doute r&eacute;f&eacute;rence &agrave;&nbsp;<em>La Guerre des mondes</em>&nbsp;(<em>The War of the Worlds</em>, dont l&rsquo;adaptation radiophonique date de 1938) lors de son final apocalyptique (en m&ecirc;me temps que des panneaux lumineux proclament l&rsquo;invasion de Bahia par les forces militaires, une soucoupe volante atterrit dans la &laquo;&nbsp;Boca do Lixo&nbsp;&raquo;). La<em>&nbsp;Symphonie</em>&nbsp;n&deg;5 de Beethoven, sommet s&rsquo;il en est de la culture musicale europ&eacute;enne, est diffus&eacute;e en m&ecirc;me temps qu&rsquo;une chanson populaire nationale de Luiz Gonzaga,&nbsp;<em>Asa Branca</em>. Le cin&eacute;aste lui-m&ecirc;me, le &laquo;&nbsp;Glauber de l&rsquo;asphalte&nbsp;&raquo;, comme Carlos Reichenbach se plaisait &agrave; l&rsquo;appeler, a toujours revendiqu&eacute; l&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; g&eacute;n&eacute;rique de son film. Dans son manifeste de 1968, il le d&eacute;crit comme un &laquo;&nbsp;western sur le Tiers-monde&nbsp;&raquo; &ndash; mais aussi &laquo;&nbsp;musical, documentaire, policier, com&eacute;die,&nbsp;<em>chanchada</em>&nbsp;et film de science-fiction&nbsp;&raquo;. Il cite Rossellini pour la sinc&eacute;rit&eacute;, Fuller pour le policier, Sennett et Keaton pour la com&eacute;die et le &laquo;&nbsp;rythme anarchique&nbsp;&raquo;, enfin le western de Hawks et Mann pour les plans larges et les grands espaces<sup><a href="#nbp_26" id="note_26" name="lien_nbp_26" title="Aller à la note de bas de page n°26">26</a></sup>.</p> <p>Aussi la forme m&ecirc;me du film semble-t-elle &eacute;pouser le questionnement existentiel qui trouble le personnage principal&nbsp;: &laquo;&nbsp;Qui suis-je&nbsp;?&nbsp;&raquo; ne cesse ainsi de se demander le Bandit, sa voix (off) se m&ecirc;lant aux voix des journalistes de radio qui le qualifient successivement de &laquo;&nbsp;Robin des bois&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;tueur trafiquant&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;ph&eacute;nom&egrave;ne freudien&nbsp;&raquo;. Et la ville, r&eacute;ceptacle d&rsquo;images issues d&rsquo;horizons divers, se fait le berceau de ce questionnement identitaire&nbsp;: la &laquo;&nbsp;Boca do Lixo&nbsp;&raquo;, sur laquelle on colle l&rsquo;image de New-York comme celle des rues sombres de &laquo;&nbsp;Frisco&nbsp;&raquo;, quand elle ne recr&eacute;e pas la plage de&nbsp;<em>Pierrot le fou</em>&nbsp;sur le littoral pauliste, perd elle-m&ecirc;me de ses coh&eacute;rences spatiale, sociale, historique. Le cin&eacute;ma br&eacute;silien tout entier, peut-&ecirc;tre, recevant du public national, du gouvernement militaire autoritaire, et des critiques internationaux, des directives diverses quant au discours &agrave; tenir, cherche une voie qu&rsquo;il peine &agrave; trouver. Et si l&rsquo;on maintient jusqu&rsquo;au bout cette superposition du sort du personnage et celui du cin&eacute;ma national, quelle conclusion tirer du suicide final du Bandit ?</p> <h1>Conclusion&nbsp;: la modernit&eacute; contrari&eacute;e du cin&eacute;ma br&eacute;silien</h1> <p>Au d&eacute;but de cet article, nous nous demandions pourquoi le cin&eacute;ma br&eacute;silien doit encore, plus d&rsquo;un si&egrave;cle apr&egrave;s sa naissance, r&eacute;pondre de sa l&eacute;gitimit&eacute; en tant qu&rsquo;<em>art national</em>&nbsp;&ndash; alors que la question n&rsquo;est jamais pos&eacute;e, ou du moins pas dans des termes aussi br&ucirc;lants, dans le domaine de la musique ou de la litt&eacute;rature. La r&eacute;ponse, avions-nous sugg&eacute;r&eacute;, se trouve dans la nature technique du m&eacute;dium cin&eacute;matographique&nbsp;: en tant que forme artistique n&eacute;e de (et indissociablement li&eacute;e &agrave;) l&rsquo;industrialisation des moyens de production, le cin&eacute;ma ne peut que tr&egrave;s difficilement faire oublier son origine occidentale, m&ecirc;me lorsqu&rsquo;il s&rsquo;emploie &agrave; mettre en valeur des formes de culture locales et ancestrales. Dans le sch&eacute;ma opposant le &laquo;&nbsp;traditionnel&nbsp;&raquo; au &laquo;&nbsp;moderne&nbsp;&raquo; (l&rsquo;opposition peut para&icirc;tre simpliste, mais elle sous-tend la plupart des films que nous avons &eacute;tudi&eacute;s, de&nbsp;<em>Fragmentos da vida</em>&nbsp;aux films ruraux de Glauber Rocha), le film est donc toujours, par sa nature m&ecirc;me, du c&ocirc;t&eacute; du moderne. La solution de l&rsquo;&eacute;quation, pos&eacute;e en ces termes, para&icirc;t donc &eacute;vidente&nbsp;: le cin&eacute;ma br&eacute;silien ne pourra &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; ind&eacute;pendamment de la relation qu&rsquo;il entretient avec le cin&eacute;ma occidental que lorsque le concept de &laquo;&nbsp;modernit&eacute;&nbsp;&raquo; se sera enti&egrave;rement d&eacute;tach&eacute; de celui d&rsquo;&laquo;&nbsp;Occident&nbsp;&raquo;.</p> <p>Toutefois, en survolant comme nous l&rsquo;avons fait (trop rapidement, bien s&ucirc;r) un demi-si&egrave;cle de cin&eacute;ma br&eacute;silien, il est possible de percevoir la complexit&eacute; de ce processus. Pendant longtemps, les cin&eacute;matographies &eacute;tasuniennes et europ&eacute;ennes ont &eacute;t&eacute; pos&eacute;es en mod&egrave;le absolu par les producteurs br&eacute;siliens : ils ont cherch&eacute; &agrave; en reproduire les structures &eacute;conomiques (&agrave; leurs d&eacute;pens, comme l&rsquo;a montr&eacute; l&rsquo;exemple de la Vera Cruz) et en ont emprunt&eacute; les &laquo;&nbsp;trucs&nbsp;&raquo; visuels et narratifs (<em>S&atilde;o Paulo, Symphonie de la m&eacute;tropole</em>). Jusque dans les ann&eacute;es 1950, m&ecirc;me si certains cherchent &agrave; s&rsquo;en distinguer, l&rsquo;Occident reste le lieu o&ugrave; s&rsquo;invente la modernit&eacute;. En ce sens, si Glauber Rocha, par ses textes et ses films, parvient &agrave; sortir de ce syst&egrave;me binaire opposant la modernit&eacute; occidentale &agrave; la tradition br&eacute;silienne, c&rsquo;est en d&eacute;calant le sens m&ecirc;me du terme de &laquo;&nbsp;modernit&eacute;&nbsp;&raquo;&nbsp;: il invite ses contemporains &agrave; penser le moderne en-dehors du technologique. En choisissant de tourner en lumi&egrave;re naturelle, avec une cam&eacute;ra l&eacute;g&egrave;re, une &eacute;quipe extr&ecirc;mement r&eacute;duite, et en prise de son direct, il r&eacute;duit au maximum la dimension technique de l&rsquo;objet filmique&nbsp;; et, par un tour de force rh&eacute;torique, il pose par l&agrave; m&ecirc;me les jalons d&rsquo;une nouvelle d&eacute;finition du concept de modernit&eacute;, o&ugrave; primerait la dimension&nbsp;<em>novatrice</em>&nbsp;du geste cr&eacute;ateur.</p> <p>Mais le coup d&rsquo;&eacute;tat militaire, escort&eacute;, comme toujours, d&rsquo;un bataillon de censeurs, vint couper cet &eacute;lan avant m&ecirc;me que son potentiel r&eacute;volutionnaire ne soit per&ccedil;u par les contemporains. Ce que les films marginaux de la fin des ann&eacute;es 1960 illustrent, en ce sens, c&rsquo;est l&rsquo;effondrement de l&rsquo;id&eacute;al d&rsquo;un cin&eacute;ma proprement br&eacute;silien, ind&eacute;pendant et novateur&nbsp;: sous la dictature, le &laquo;&nbsp;national&nbsp;&raquo; devient suspect, par principe, et le &laquo;&nbsp;novateur&nbsp;&raquo; a un go&ucirc;t amer. La g&eacute;n&eacute;ration de Sganzerla, Person et Candeias ne croit plus au &laquo;&nbsp;moderne&nbsp;&raquo;. Limit&eacute; dans sa production, contraint par le manque de moyens financiers dont il dispose, le cin&eacute;ma br&eacute;silien entre alors dans la p&eacute;riode probablement la plus populaire et ha&iuml;e de son histoire&nbsp;: celle du film musical &eacute;rotique (Sganzerla &eacute;crira &agrave; ce sujet, bien des ann&eacute;es plus tard&nbsp;: &laquo;&nbsp;la&nbsp;<em>pornochanchada</em>&nbsp;fut une cons&eacute;quence, un effet, et non une cause de ce moment o&ugrave; le bateau &ndash; ou la cath&eacute;drale &ndash; du cin&eacute;ma br&eacute;silien s&rsquo;est enfonc&eacute; dans l&rsquo;eau et que les rats &ndash; comme toujours &ndash; sont mont&eacute;s sur le pont, combl&eacute;s<sup><a href="#nbp_27" id="note_27" name="lien_nbp_27" title="Aller à la note de bas de page n°27">27</a></sup>&nbsp;&raquo;). Le cin&eacute;ma br&eacute;silien entre, au tournant des ann&eacute;es 1970, dans un tunnel d&rsquo;o&ugrave; il ne sortira que de longues d&eacute;cennies plus tard.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>Notes et r&eacute;f&eacute;rences</h2> <p><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1&nbsp;</a><em>&laquo;&nbsp;</em><em>N&atilde;o &eacute; poss&iacute;vel entender qualquer coisa que seja no cinema brasileiro, se n&atilde;o se tiver sempre em mente a presen&ccedil;a maci&ccedil;a e agressiva, no mercado interno, do filme estrangeiro&nbsp;&raquo;,</em>&nbsp;Jean-Claude Bernadet, &laquo;&nbsp;Cinema brasileiro : propostas para uma hist&oacute;ria&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Cinema brasileiro : propostas para uma hist&oacute;ria&nbsp;</em>(1979), S&atilde;o Paulo, Companhia das Letras, 2009, p.&nbsp;21.</p> <p><a href="#lien_nbp_2" name="nbp_2">2 </a>Isma&iuml;l Xavier<em>, Alegorias do subdesenvolvimento</em>, S&atilde;o Paulo, Editora Brasiliense, 1993.</p> <p><a href="#" name="nbp_3">3</a> Paulo Emilio Salles Gomes,&nbsp;<em>Cinema : trajet&oacute;ria no subdesenvolvimento</em>, Rio de Janeiro, Paz e Terra/Embrafilme, 1980.</p> <p><a href="#" name="nbp_4">4</a> Le terme recouvre, naturellement, des r&eacute;alit&eacute;s fluctuantes, et son emploi m&eacute;riterait une justification plus d&eacute;velopp&eacute;e que la longueur de cet article ne le permet. Nous l&rsquo;entendons ici dans son usage g&eacute;opolitique, plus que g&eacute;ographique, c&rsquo;est-&agrave;-dire en d&eacute;signant sous cette appellation les pays d&rsquo;Europe et les &Eacute;tats-Unis&nbsp;: c&rsquo;est du reste ainsi que l&rsquo;emploient la plupart des auteurs de notre bibliographie, en opposant le cin&eacute;ma&nbsp;&laquo;&nbsp;occidental&nbsp;&raquo; aux films &laquo;&nbsp;nationaux&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire br&eacute;siliens.</p> <p><a href="#lien_nbp_5" name="nbp_5">5</a> Jim Pines, Paul Willemen [dir.],&nbsp;<em>Questions of Third Cinema</em>, London, British Film Institute, 1989.</p> <p><a href="#lien_nbp_6" name="nbp_6">6</a> Anecdote rapport&eacute;e par Jean-Claude Bernadet,<em>&nbsp;op.cit.</em>, p.&nbsp;47.</p> <p><a href="#lien_nbp_7" name="nbp_7">7</a> Jean Baudrillard, Alain Brunn, Jacinto Lageira, &laquo;&nbsp;Modernit&eacute; &raquo;,&nbsp;<em>Encyclop&aelig;dia Universalis</em>&nbsp;[en ligne],&nbsp;&nbsp;<a href="http://www.universalis.fr/encyclopedie/modernite/">http://www.universalis.fr/encyclopedie/modernite/</a>&nbsp;[consult&eacute; le 5 octobre 2015].</p> <p><a href="#lien_nbp_8" name="nbp_8">8</a>&nbsp;<em>&laquo;&nbsp;Todos os brasileiros t&ecirc;m obriga&ccedil;&atilde;o de conhecer a sua patria ! O Brasil, um dos miores paises do mundo, &eacute; ainda ignorado pela quase totalidade dos brasileiros !&nbsp;&raquo;</em>, &laquo;&nbsp;Viagem ao Brasil&nbsp;&raquo;,<em>&nbsp;O Estado de S. Paulo</em>, S&atilde;o Paulo, 1928, cit&eacute; par Jean-Claude Bernardet,&nbsp;<em>op.cit.</em>, p.&nbsp;17.</p> <p><a href="#lien_nbp_9" name="nbp_9">9</a>&nbsp;<em>&laquo;&nbsp;Essa exalta&ccedil;&atilde;o do interior e da vida sertaneja como rea&ccedil;&atilde;o contra o capitalismo urbano, como preserva&ccedil;&atilde;o de uma originalidade brasileira, de uma brasilidade contra o capitalismo cosmopolita [&hellip;] e contra as formas de cultura que desfigurariam esta brasilidade&nbsp;&raquo;,&nbsp;</em>Jean-Claude Bernadet, &laquo;&nbsp;A Cidade, o campo&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Cinema brasileiro; 8 estudos</em>, Rio de Janeiro, Edi&ccedil;&atilde;o Embrafilme (Funarte), 1980, p. 140 (nous soulignons).</p> <p><a href="#lien_nbp_10" name="nbp_10">10</a>&nbsp;<em>&laquo;&nbsp;Quanto &agrave; parte fotografica, n&atilde;o se pode desejar melhor [&hellip;] ha &ldquo;trucsˮ&nbsp;</em><em>e efeitos de cinematografia que so possuem as peliculas americanas&nbsp;&raquo;</em>, cit&eacute; par Jean-Claude Bernadet,<em>&nbsp;ibid.,&nbsp;</em>p.&nbsp;142-143.</p> <p><a href="#lien_nbp_11" name="nbp_11">11</a>&nbsp;<em>&laquo;&nbsp;Data apenas de uns quinze annos, S&atilde;o Paulo, que armazenava energias, estava longe de ser a cidade-encanto que &eacute; agora&nbsp;&raquo;.</em></p> <p><a href="#lien_nbp_12" name="nbp_12">12</a>&nbsp;<em>&laquo;&nbsp;Como se despertasse de um grande somno, a cidade de S&atilde;o Paulo, de um momento para outro, transformava-se radicalmente, cobrindo-se de arranhac&eacute;os, esteirando-se de pra&ccedil;as, onde predominava o requinte e o gosto de seus habitantes&nbsp;&raquo;.</em></p> <p><a href="#lien_nbp_13" name="nbp_13">13</a> Rubens Machado Jr.,&nbsp;<em>Imagens brasileiras da metropole &ndash; A presen&ccedil;a da cidade de S&atilde;o Paulo na historia do cinema</em>, th&egrave;se d&rsquo;&Eacute;tat non publi&eacute;e.</p> <p><a href="#lien_nbp_14" name="nbp_14">14</a> &laquo;&nbsp;<em>E o homem, que subjuga a Natureza a sua vontade de ferro, transformando as pousas mais rudes em for&ccedil;as de progresso, contempla a sua obra soberba</em>&nbsp;&raquo;<a href="https://alepreuve.org/node/24#_edn14" id="_ednref14" name="_ednref14"><em>.</em></a></p> <p><a href="#lien_nbp_15" name="nbp_15">15</a> Glauber Rocha, &laquo; Pour une esth&eacute;tique de la faim &raquo;,&nbsp;<em>D&eacute;rives</em>&nbsp;[en ligne], n&deg; 3 (2015),&nbsp;<a href="http://www.derives.tv/Esthetique-de-la-faim">http://www.derives.tv/Esthetique-de-la-faim</a>.</p> <p><a href="#lien_nbp_16" name="nbp_16">16</a> Le lecteur curieux pourra lire l&rsquo;article de Glauber Rocha intitul&eacute; &laquo; Eisenstein e a Revolu&ccedil;&atilde;o sovietica &raquo;,&nbsp;<em>O S&eacute;culo do cinema</em>, Rio de Janeiro, Editorial Alhambra, 1983.</p> <p><a href="#lien_nbp_17" name="nbp_17">17</a> Annick Lemperi&egrave;re, Georges Lomne, Fr&eacute;d&eacute;ric Martinez et Denis Rolland [dir.],&nbsp;<em>L&rsquo;Am&eacute;rique latine et les mod&egrave;les europ&eacute;ens</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 1998.</p> <p><a href="#lien_nbp_18" name="nbp_18">18</a> &laquo;&nbsp;<em>Eu filmava &ldquo;&agrave; la Rossellini&rdquo; ou &ldquo;&agrave; la Roma, Cidade Aberta&rdquo;, quer dizer, filmava com a cara e a coragem, com pouca pel&iacute;cula, improvisando, mas guiado por aquele sentido da realidade de Rosselini</em>&nbsp;&raquo;, Glauber Rocha, &laquo;&nbsp;<em>A passagem das mitologias</em>&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>O S&eacute;culo do cinema</em>,&nbsp;<em>op.cit</em>., p. 248.</p> <p><a href="#lien_nbp_19" name="nbp_19">19 </a>&laquo;&nbsp;<em>De uma hora para outra, o Cinema Novo come&ccedil;ou a parecer obsoleto. A ideia de &ldquo;nacional&rdquo;, tal como era concebida por ele, de repente parecia um,a coisa caqu&eacute;tica. [&hellip;] O desejo construtivo de instaurar um cinema macional, de institucionaliz&aacute;-lo, enquanto o Estado se mostrava uma coisa brutalmente repressora, parecia uma ins&acirc;nia</em>&nbsp;&raquo;, &laquo;<em>&nbsp;No meio da Tempestade</em>&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 28.</p> <p><a href="#lien_nbp_20" name="nbp_20">20 </a>Ensemble de d&eacute;crets se substituant &agrave; la Constitution de 1967, accordant des pouvoirs quasi-illimit&eacute;s au chef d&rsquo;&Eacute;tat, notamment concernant la limitation des libert&eacute;s d&rsquo;expression publique et priv&eacute;e et la r&eacute;pression des contrevenants.</p> <p><a href="#lien_nbp_21" name="nbp_21">21 </a>Situ&eacute; au c&oelig;ur du plus ancien foyer historique de la ville (on lui refuse, de ce fait, le nom de &laquo; p&eacute;riph&eacute;rie &raquo; ou de &laquo; favela &raquo;), il &eacute;tait traditionnellement l&rsquo;abri des prostitu&eacute;es et trafiquants, ainsi que des professionnels du cin&eacute;ma. Inicio Araujo, toujours, &eacute;crit : &laquo; Ce n&rsquo;est pas par hasard que, ici &agrave; S&atilde;o Paulo, ce cin&eacute;ma n&rsquo;a pas tard&eacute; &agrave; se faire conna&icirc;tre comme &ldquo;Boca do lixo&rdquo;. [&hellip;] La zone de prostitution, en somme. Meilleur symbolisme, impossible &raquo;. (&laquo;&nbsp;<em>N&atilde;o ser&aacute; por acaso que, aqui em S&atilde;o Paulo, este cinema logo se torna conhecido como Boca do Lixo.&nbsp;</em><em>[&hellip;] A zona da prostitui&ccedil;&atilde;o, em suma. Melhor simbolismo, imposs&iacute;vel&nbsp;</em>&raquo;) Inicio Araujo, &laquo;&nbsp;<em>No meio da Tempestade</em>&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 28.</p> <p><a href="#lien_nbp_22" name="nbp_22">22 </a>&laquo;&nbsp;<em>O bem-feito, a gram&aacute;tica ajeitada, a luz bem composta n&atilde;o queriam dizer muita coisa. O cinema n&atilde;o era uma arte, e sim uma guerrilha contra o bom gosto, contra o mundo estabelecido, as pessoas bnem em sua pele</em>&nbsp;&raquo;, In&aacute;cio Ara&uacute;jo,&nbsp;<em>ibidem</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_23" name="nbp_23">23 </a>&laquo;&nbsp;<em>Muitos desses filmes organizam uma esp&eacute;cie de colagem de materiais achados, promovendo a no&ccedil;&atilde;o de que o Terceiro Mundo s&oacute; herda as migalhas do Primeiro</em>&nbsp;&raquo;, Jo&atilde;o Luiz Vieira, &laquo;&nbsp;<em>Lixo, marginais e chanchada</em>&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Cinema Marginal brasileiro e suas fronteiras. Filmes produzidos nos anos 1960 e 1970</em>, S&atilde;o Paulo, Heco Produ&ccedil;&otilde;es Ltda, 2012, p. 107.</p> <p><a href="#lien_nbp_24" name="nbp_24">24 </a>Extr&ecirc;mement populaire entre 1930 et 1960, la chanchada est un genre cin&eacute;matographique &agrave; la crois&eacute;e de la com&eacute;die musicale, du spectacle burlesque et du grand guignol.</p> <p><a href="#lien_nbp_25" name="nbp_25">25 </a>&laquo;&nbsp;<em>So me interessa o que n&atilde;o &eacute; meu</em>&nbsp;&raquo;. Le texte original est disponible &agrave; cette adresse :&nbsp;<a href="http://www.tanto.com.br/manifestoantropofago.htm">http://www.tanto.com.br/manifestoantropofago.htm</a>&nbsp;et en traduction anglaise ici : dmp.bard.edu/wp-content/uploads/2011/11/Andrade_CannibalistManifesto.pdf [consult&eacute; le 5 juin 2015].</p> <p><a href="#lien_nbp_26" name="nbp_26">26 </a>Le texte int&eacute;gral est lisible en portugais sur la page suivante :&nbsp;<a href="http://www.contracampo.com.br/27/cinemaforadalei.htm">http://www.contracampo.com.br/27/cinemaforadalei.htm</a>&nbsp;[consult&eacute;e le 5 juin 2015].</p> <p><a href="#lien_nbp_27" name="nbp_27">27&nbsp;</a><em>&laquo;&nbsp;A pornochanchada &eacute; um efeito, uma consequ&euml;ncia, e n&atilde;o causa daquele momento em que o navio &ndash; ou a catedral &ndash; do cinema brasileiro foi para o fundo e os ratos como sempre &ndash; subiram &agrave; tona, satisfeitissimos&nbsp;&raquo;,&nbsp;</em>Rog&eacute;rio Sganzerla dans la revue&nbsp;<em>Status,</em>1977, cit&eacute; par Jean-Claude Bernardet dans&nbsp;<em>O Bandido da luz vermelha</em>, S&atilde;o Paulo, Funda&ccedil;&atilde;o para o desenvolvimento da educa&ccedil;&atilde;o, 1992.</p> <section>&nbsp;</section>