<p><q>[À] celui qui n’a pas toujours à l’esprit la présence massive et agressive, dans le marché interne, du film étranger, il est impossible de comprendre quoi que ce soit à ce qui constitue le cinéma brésilien.</q></p>
<p>Ainsi débute l’ouvrage <em>Cinema brasileiro : Propostas para uma historia</em> de Jean-Claude Bernadet – ouvrage qui, depuis sa parution en 1979, a très souvent été présenté comme la meilleure introduction existante à l’histoire du cinéma brésilien. Le succès même du livre semble confirmer son hypothèse fondamentale, énoncée ci-dessus avec beaucoup de force : il serait impossible de penser le cinéma brésilien pour lui-même. Tout film doit être analysé, affirme le critique, à la lumière du contexte dans lequel il a été produit ; et dans le cas du Brésil, quelle que soit l’époque considérée, ce contexte est toujours celui d’une omniprésence écrasante des films « étrangers ». Aussi les cinéastes nationaux peuvent-ils imiter ces films « étrangers » (Bernadet précise plus tard qu’il désigne par ce terme les cinématographies européennes et étasuniennes), ou chercher à s’en démarquer ; mais leurs œuvres ne pourraient de toute façon pas créer de sens de façon autonome, ni être étudiées pour elles-mêmes. Or, un rapide survol historiographique confirme l’intuition de Bernadet : la plupart des textes théoriques consacrés au cinéma brésilien se présentent soit comme des brûlots politiques dénonçant la suprématie de la culture nord-américaine, soit comme des traités d’économie traitant des conditions d’importation des films étrangers sur le territoire national. Encore aujourd’hui, il est difficile de trouver des ouvrages considérant l’histoire du cinéma brésilien comme autre chose que l’histoire de la réception au Brésil du cinéma occidental. Toutefois, disons-le sans attendre : nous n’essayerons pas, dans cet article, de prendre cette tendance critique à contre-pied. En effet, proposer une histoire alternative du cinéma brésilien, où l’influence des cinématographies occidentales serait niée au profit de l’éloge aveugle de l’« originalité » des cinéastes nationaux, reviendrait à nier une réalité historique fondamentale : le cinéma est, par sa nature même, un art d’importation. Aussi emprunterons-nous une autre voie : celle qui consiste à interroger les conditions et les modalités de cette importation.</p>