<p>Le scénario n’est pas considéré comme un genre littéraire, ni comme un objet artistique. Genre – s’il en est un – délégitimé par excellence, il se définit généralement comme un objet transitoire, qui fait passer une œuvre du virtuel à la réalisation. Dès lors, le geste de publication du scénario, l’avènement de cet objet préparatoire en livre, est emblématique d’une volonté de renversement de la valeur, en le proposant comme genre littéraire autonome. Marcel Pagnol édite les textes de ses films : il est un cas exemplaire d’une entreprise de légitimation du genre scénaristique. Il appelle les cinéastes à « introduire le cinéma dans la littérature », à proposer une forme éditoriale de leur cinéma, en prenant <em>in fine</em> pour modèle le théâtre. Se servant de la légitimité institutionnelle de la pièce de théâtre pour donner ses lettres de noblesse au genre scénaristique, Marcel Pagnol aboutit à un brouillage générique entre scénario et pièce de théâtre, deux genres à la marge du littéraire, proches du livret d’opéra, qui reposent sur l’alternance entre dialogue et didascalie. Nous étudierons ainsi cette démarche aporétique qui n’obtient la légitimation d’un genre qu’au prix de l’abandon de ses spécificités.</p>