<p style="text-align: right;"><em>Quelle que soit l&rsquo;incompr&eacute;hension contemporaine devant la hi&eacute;rarchie des genres, toute lecture correcte de la peinture ancienne suppose qu&rsquo;on la garde pr&eacute;sente &agrave; l&rsquo;esprit.</em></p> <p style="text-align: right;">Antoine Schnapper, &laquo;&nbsp;Peinture &ndash; Les Cat&eacute;gories&nbsp;&raquo; , <em>Encyclopaedia Universalis France</em>, version num&eacute;rique, 2015.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Ces mots d&rsquo;Antoine Schnapper t&eacute;moignent de l&rsquo;importance de la hi&eacute;rarchie des genres pour l&rsquo;&eacute;tude de l&rsquo;art des XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cles. R&eacute;cemment les historiens de l&rsquo;art ont voulu r&eacute;habiliter le r&ocirc;le de l&rsquo;Acad&eacute;mie royale de Peinture et de Sculpture, &eacute;laborant un propos contraire &agrave; celui des premiers historiens de l&rsquo;art qui, guid&eacute;s par un discours nationaliste, jugeaient l&rsquo;institution n&eacute;faste. Cependant, ils ont b&acirc;ti cette r&eacute;vision en niant la r&eacute;elle influence de la hi&eacute;rarchie des genres, d&eacute;construisant l&rsquo;id&eacute;e que si l&rsquo;Acad&eacute;mie n&rsquo;est pas la seule institution artistique ni l&rsquo;unique moteur de cr&eacute;ation de l&rsquo;Ancien R&eacute;gime<sup><a href="#nbp1" id="note_1" name="liennbp1" title="Aller à la note de bas de page n°1">1</a></sup> &ndash; la production artistique de la p&eacute;riode Moderne ne se r&eacute;sumant &eacute;videmment pas aux seuls acad&eacute;miciens &ndash; elle n&rsquo;en demeure pas moins l&rsquo;institution qui domina la production artistique des deux derniers si&egrave;cles de l&rsquo;Ancien R&eacute;gime, depuis sa cr&eacute;ation en 1648 jusqu&rsquo;&agrave; sa dissolution en 1793.</p> <p>Les notions de genres picturaux, pleinement li&eacute;s &agrave; la doctrine acad&eacute;mique, constituent un point essentiel de l&rsquo;&eacute;tude de l&rsquo;art des XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cles. Il faut les aborder selon plusieurs biais&nbsp;: historiquement d&rsquo;une part, en terme de cr&eacute;ation d&rsquo;autre part, et enfin, il ne faut n&eacute;gliger ni l&rsquo;&eacute;tude des d&eacute;finitions ni la profondeur s&eacute;mantique qui s&rsquo;y rattache.</p> <p>Nous aborderons bri&egrave;vement la th&eacute;orie des genres avant de nous int&eacute;resser plus sp&eacute;cifiquement au cas de la peinture animali&egrave;re. La hi&eacute;rarchie n&rsquo;est pas d&eacute;termin&eacute;e en premier lieu par la qualit&eacute; d&rsquo;ex&eacute;cution des &oelig;uvres mais par leur sujet qui peut-&ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme plus ou moins noble, et qui d&eacute;termine le genre. C&rsquo;est l&rsquo;&eacute;tude des sujets qui pr&eacute;domine ainsi toute la th&eacute;orie, la qualit&eacute; de l&rsquo;ex&eacute;cution n&rsquo;arrivant qu&rsquo;en seconde place lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;&eacute;valuer le talent des peintres.</p> <p>Vouloir aborder un genre par sa d&eacute;finition c&rsquo;est avant tout devoir affronter de nombreuses interrogations, et d&rsquo;autant plus lorsque nous nous retrouvons confront&eacute;s &agrave; un nombre relativement restreint de sources textuelles. Dans le cas qui nous pr&eacute;occupe ici, celui donc de la peinture animali&egrave;re, nous nous heurtons &agrave; des probl&egrave;mes allant de sa d&eacute;finition m&ecirc;me &agrave; son existence en tant que genre autonome et uniforme. Nous envisagerons ici la d&eacute;finition du genre animalier d&rsquo;un point de vue m&eacute;thodologique&nbsp;: son existence est-elle l&eacute;gitim&eacute;e par la th&eacute;orie&nbsp;? Comment aborder la peinture animali&egrave;re, pour la comprendre, d&rsquo;un point de vue historiographique&nbsp;? Pourtant, au premier abord, sa d&eacute;finition appara&icirc;t comme &eacute;vidente et, si la question &eacute;tait pos&eacute;e, chacun r&eacute;pondrait sans h&eacute;siter qu&rsquo;il s&rsquo;agit, tout simplement, de la repr&eacute;sentation d&rsquo;animaux.</p> <p>&nbsp;</p> <h2><strong>1. Gen&egrave;se de la peinture animali&egrave;re fran&ccedil;aise</strong></h2> <p>&nbsp;</p> <p>Esquissons, pour commencer, un rapide panorama de la peinture animali&egrave;re fran&ccedil;aise. Si, en France, c&rsquo;est durant le XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle que se d&eacute;veloppe r&eacute;ellement le genre animalier, c&rsquo;est d&egrave;s la seconde moiti&eacute; du XVII<sup>e</sup> qu&rsquo;il appara&icirc;t, sous le pinceau de peintres flamands amenant avec eux une tradition picturale de pr&egrave;s d&rsquo;un si&egrave;cle. La peinture animali&egrave;re reste toutefois un genre apparu tardivement dans la peinture europ&eacute;enne. Bien que quelques exemples &eacute;pars ponctuent les diff&eacute;rentes &eacute;coles il faut attendre les peintres du XVII<sup>e</sup> flamand, en particulier Frans Snyders (1579-1657), qui en se l&rsquo;appropriant pleinement permettent au genre de se d&eacute;velopper. Auparavant, lorsque des artistes s&rsquo;int&eacute;ressaient aux animaux c&rsquo;&eacute;tait plut&ocirc;t pour en faire des &eacute;tudes anatomiques, morphologiques, ou encore expressives, afin de ponctuer leurs compositions d&rsquo;une faune diversifi&eacute;e et document&eacute;e&nbsp;; les animaux y &eacute;taient g&eacute;n&eacute;ralement ornementaux &ndash; d&rsquo;autant plus dans le cas des esp&egrave;ces exotiques &ndash; ou all&eacute;goriques. La repr&eacute;sentation animali&egrave;re relevait d&rsquo;une sp&eacute;cialit&eacute;, le genre n&rsquo;existait pas encore. Une fois qu&rsquo;il parvint &agrave; s&rsquo;&eacute;tablir, la production picturale fran&ccedil;aise connut une v&eacute;ritable profusion d&rsquo;&oelig;uvres. Les trois &eacute;coles les plus prolifiques des XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cles en ce qui concerne la peinture animali&egrave;re sont celles des Pays-Bas, dans un premier temps, puis viennent la France et l&rsquo;Angleterre.</p> <p>En France, la peinture animali&egrave;re est d&rsquo;abord pratiqu&eacute;e exclusivement par deux peintres des Pays-Bas, Pieter Boel (1626-1674) et Nicasius Bernaerts (1620-1678), brossant les portraits des animaux de la M&eacute;nagerie royale de Versailles. Le flambeau animalier est repris &agrave; la fin du si&egrave;cle par Alexandre-Fran&ccedil;ois Desportes (1661-1743) qui r&eacute;alise, &agrave; la demande du roi, des portraits des chiens de la meute royale. Il est suivi, pour la peinture de chasse, au si&egrave;cle suivant par Jean-Baptiste Oudry (1686-1755), et d&rsquo;autres artistes tels que Jean-Jacques Bachelier (1724-1806) s&rsquo;illustrent dans le genre animalier durant la seconde moiti&eacute; du si&egrave;cle.</p> <p>Les &eacute;tudes physiognomoniques de Charles Le Brun<sup><a href="#nbp2" id="note_2" name="liennbp2" title="Aller à la note de bas de page n°2">2</a></sup> (1619-1690), inspir&eacute;es de celles de l&rsquo;Italien Giambattista della Porta<sup><a href="#nbp3" id="note_3" name="liennbp3" title="Aller à la note de bas de page n°3">3</a></sup> (1535-1615), attestent d&eacute;j&agrave; d&rsquo;un int&eacute;r&ecirc;t nouveau, m&ecirc;lant pratique et th&eacute;orie, port&eacute; par un artiste fran&ccedil;ais &agrave; la figure animale. Il ne s&rsquo;agit cependant pas encore, pour l&rsquo;artiste, de s&rsquo;attarder sur l&rsquo;animal pour lui-m&ecirc;me, mais d&rsquo;une mani&egrave;re de d&eacute;finir l&rsquo;Homme d&rsquo;un point de vue moral en regard de sa physionomie compar&eacute;e &agrave; celle d&rsquo;animaux qui lui ressemblent, et des caract&egrave;res qui leurs sont attribu&eacute;s. La philosophie des Lumi&egrave;res, qui fonctionne aussi selon une logique de miroir mettant l&rsquo;Homme face &agrave; un reflet animal, aborde cependant cette approche tout &agrave; fait diff&eacute;remment. Si les animaux n&rsquo;&eacute;chappent pas &agrave; des d&eacute;terminations anthropomorphes toujours tr&egrave;s fortes, l&rsquo;av&egrave;nement des sciences naturelles et la philosophie des Lumi&egrave;res, qui conduisent &agrave; repenser le r&egrave;gne du vivant, conf&egrave;rent aux animaux une place jamais acquise auparavant.</p> <p>Le XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle, en s&rsquo;&eacute;mancipant de la th&egrave;se m&eacute;caniste cart&eacute;sienne qui pr&eacute;dominait au si&egrave;cle pr&eacute;c&eacute;dent, permet aux animaux d&rsquo;obtenir un nouveau statut et une certaine reconnaissance. C&rsquo;est dans ce contexte que tout naturellement ils parviennent &agrave; trouver leur place dans la peinture. Comme le souligne Ren&eacute; D&eacute;moris, pour appr&eacute;hender la peinture animali&egrave;re il faut d&rsquo;abord &laquo;&nbsp;[&hellip;] comprendre, ce qui dans cette &eacute;poque de crise ou de vertige qu&rsquo;est le d&eacute;but du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle, est en rapport avec une progressive modification du rapport entre l&rsquo;homme et l&rsquo;animalit&eacute;<sup><a href="#nbp4" id="note_4" name="liennbp4" title="Aller à la note de bas de page n°4">4</a></sup>.&nbsp;&raquo; Les animaux ne commencent &agrave; &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;s comme les sujets valables d&rsquo;une composition picturale qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;extr&ecirc;me fin du XVII<sup>e</sup> si&egrave;cle pour se d&eacute;velopper au si&egrave;cle suivant sous l&rsquo;impulsion d&rsquo;une nouvelle appr&eacute;hension du r&egrave;gne animal.</p> <p>Les animaux deviennent donc des objets autonomes dans la pens&eacute;e comme dans la figuration. Un &eacute;cho tr&egrave;s fort entre la hi&eacute;rarchie des genres picturaux et celle de la Cr&eacute;ation persiste toutefois et se manifeste tout particuli&egrave;rement dans le cas de la peinture animali&egrave;re&nbsp;: Dieu a fait les Hommes qui cr&eacute;ent, &agrave; leur tour, les animaux. Les hommes assoient ainsi, d&rsquo;une mani&egrave;re nouvelle, la domination qu&rsquo;ils exercent sur les milieux naturels.</p> <p>Avant d&rsquo;aborder plus sp&eacute;cifiquement la place de la peinture animali&egrave;re au sein de la hi&eacute;rarchie des genres, il est important de rappeler que le XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle est moins soumis que son pr&eacute;d&eacute;cesseur &agrave; la doctrine de la hi&eacute;rarchie des genres. &laquo;&nbsp;Il suffit d&rsquo;ailleurs de consid&eacute;rer la production artistique fran&ccedil;aise au commencement du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle [&hellip;] pour comprendre qu&rsquo;au dogmatisme de Le Brun a succ&eacute;d&eacute; un r&eacute;gime de libert&eacute; aussi &eacute;loign&eacute; de l&rsquo;individualisme de nos jours que du formalisme de l&rsquo;&eacute;poque pr&eacute;c&eacute;dente<sup><a href="#nbp5" id="note_5" name="liennbp5" title="Aller à la note de bas de page n°5">5</a></sup>.&nbsp;&raquo; &eacute;crit &agrave; ce sujet Andr&eacute; Fontaine.</p> <h2>&nbsp;</h2> <h2><strong>2.&nbsp;Les th&eacute;ories artistiques</strong></h2> <p>&nbsp;</p> <h3><em><strong>2.1. La place de la peinture animali&egrave;re dans les th&eacute;ories fran&ccedil;aises</strong></em></h3> <p><q><em>&nbsp;La repr&eacute;sentation qui se fait d&rsquo;un corps en tra&ccedil;ant simplement des lignes, ou en m&ecirc;lant des couleurs est consid&eacute;r&eacute;e comme un travail m&eacute;canique ; C&rsquo;est pourquoi comme dans cet Art il y a diff&eacute;rents ouvriers qui s&rsquo;appliquent &agrave; diff&eacute;rents sujets ; il est constant qu&rsquo;&agrave; mesure qu&rsquo;ils s&rsquo;occupent aux choses les plus difficiles et les plus nobles, ils sortent de ce qu&rsquo;il y a de plus bas et de plus commun, et s&rsquo;anoblissent par un travail plus illustre. Ainsi celui qui fait parfaitement des paysages est au dessus d&rsquo;un autre qui ne fait que des fruits, des fleurs, ou des coquilles. Celui qui peint des animaux vivants est plus estimable que ceux qui ne repr&eacute;sentent que des choses mortes et sans mouvement ; Et comme la figure de l&rsquo;homme est le plus parfait ouvrage de Dieu sur la terre, Il est certain aussi que celui qui se rend l&rsquo;imitateur de Dieu en peignant des figures humaines, est beaucoup plus excellent que tous les autres<sup><a href="#nbp6" id="note_6" name="liennbp6" title="Aller à la note de bas de page n°6">6</a></sup>.</em></q></p> <p>En 1667, dans la pr&eacute;face aux <em>Conf&eacute;rences de l&rsquo;Acad&eacute;mie de Peinture</em>, Andr&eacute; F&eacute;libien (1619-1695) d&eacute;finit la hi&eacute;rarchie des genres qui va &ecirc;tre, durant un si&egrave;cle et demi, la doctrine &ndash; souvent qualifi&eacute;e de dogmatique &ndash; de l&rsquo;Acad&eacute;mie royale. Son importance r&eacute;side, selon Andr&eacute; Fontaine, dans le fait qu&rsquo;avec cette th&eacute;orie &laquo;&nbsp;F&eacute;libien a vraiment &eacute;t&eacute; l&rsquo;interpr&egrave;te de son temps et aussi celui du si&egrave;cle suivant<sup><a href="#nbp7" id="note_7" name="liennbp7" title="Aller à la note de bas de page n°7">7</a></sup>.&nbsp;&raquo; La hi&eacute;rarchie picturale perdure d&rsquo;ailleurs apr&egrave;s la R&eacute;volution et le Grand genre conna&icirc;t m&ecirc;me un regain d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&egrave;s le d&eacute;but du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle.</p> <p>De cette c&eacute;l&egrave;bre citation de F&eacute;libien l&rsquo;histoire de l&rsquo;art a retenu cinq genres principaux, par lesquels la cr&eacute;ation artistique actuelle reste encore marqu&eacute;e. C&rsquo;est ainsi que, d&rsquo;ordinaire, l&rsquo;enseignement de l&rsquo;histoire de l&rsquo;art nous apprend qu&rsquo;au sein de l&rsquo;Acad&eacute;mie l&rsquo;histoire pr&eacute;c&egrave;de le portrait et la sc&egrave;ne de genre, le paysage puis enfin la nature morte. Ces distinctions, fortes de nuances, ont en premier lieu, aux XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cles, un effet sur la place des peintres au sein de l&rsquo;Institution acad&eacute;mique<sup><a href="#nbp8" id="note_8" name="liennbp8" title="Aller à la note de bas de page n°8">8</a></sup>, la virtuosit&eacute; qu&rsquo;on leur reconna&icirc;t en tant que cr&eacute;ateurs &ndash; la hi&eacute;rarchie distinguant l&rsquo;invention de la copie<sup><a href="#nbp9" id="note_9" name="liennbp9" title="Aller à la note de bas de page n°9">9</a></sup> &ndash; et la teneur de l&rsquo;enseignement prodigu&eacute; &agrave; l&rsquo;Acad&eacute;mie qui place au-dessus de tout l&rsquo;&eacute;tude de la figure humaine. &Agrave; l&rsquo;heure actuelle, ces cat&eacute;gories permettent aux historiens de classer les &oelig;uvres qui nous sont parvenues et d&rsquo;&eacute;tablir une histoire du go&ucirc;t et de son &eacute;volution.</p> <p>F&eacute;libien &eacute;voque <em>celui qui peint les animaux vivants</em>, presque au plus bas de l&rsquo;&eacute;chelle, juste au-dessus de la nature morte (nous reviendrons, par ailleurs, plus loin sur la confusion qui peut s&rsquo;op&eacute;rer entre ce genre et celui de la peinture animali&egrave;re). S&rsquo;impose alors une premi&egrave;re interrogation&nbsp;: pourquoi la repr&eacute;sentation de l&rsquo;animal vivant est-elle plac&eacute;e parmi les genres les plus inf&eacute;rieurs tandis que la nature anim&eacute;e semble valoris&eacute;e dans les th&eacute;ories&nbsp;? En r&eacute;alit&eacute;, il faut d&rsquo;embl&eacute;e distinguer le mod&egrave;le anim&eacute; du mod&egrave;le humain, qui est, pour sa part, bien qu&rsquo;&eacute;galement anim&eacute;, surtout pensant et moral. La nature est certes consid&eacute;r&eacute;e comme le premier objet sur lequel le peintre doit porter son attention mais, sur le mod&egrave;le de l&rsquo;art italien, ce qui distingue le grand artiste du bon copiste c&rsquo;est l&rsquo;id&eacute;alisation de la nature pour s&rsquo;approcher le plus possible de la perfection, perfection qu&rsquo;on ne peut retrouver qu&rsquo;en la nature divine. &laquo;&nbsp;En fait de peinture, on peut comparer la simple nature, avec la simple narration pour un po&egrave;me. Il faut qu&rsquo;un peintre &eacute;l&egrave;ve ses id&eacute;es, au-dessus de ce qu&rsquo;il voit, et qu&rsquo;il imagine un mod&egrave;le de perfection, qui ne se trouve que tr&egrave;s rarement<sup><a href="#nbp10" id="note_10" name="liennbp10" title="Aller à la note de bas de page n°10">10</a></sup>.&nbsp;&raquo; &eacute;crit Antoine-Joseph Pernety (1716-1796) en 1757. L&rsquo;auteur admet n&eacute;anmoins que l&rsquo;on puisse admirer Fran&ccedil;ois Desportes et Frans Snyders, tous deux peintres animaliers, qui sont parvenus &agrave; conf&eacute;rer &agrave; leurs sujets &laquo;&nbsp;vils&nbsp;&raquo; une certaine dignit&eacute;<sup><a href="#nbp11" id="note_11" name="liennbp11" title="Aller à la note de bas de page n°11">11</a></sup>.</p> <p>&laquo;&nbsp;Il en est de m&ecirc;me quand il s&rsquo;agit de concurrence entre un sujet d&rsquo;histoire et un tableau de fleurs, ou d&rsquo;animaux, ou un paysage, ou une bambochade, lorsque les uns et les autres sont bien ex&eacute;cut&eacute;s&nbsp;: la raison en est, que ces derniers peuvent plaire&nbsp;; mais ils n&rsquo;ont pas le m&eacute;rite du premier, qui est de plaire et d&rsquo;instruire &agrave; la fois<sup><a href="#nbp12" id="note_12" name="liennbp12" title="Aller à la note de bas de page n°12">12</a></sup>.&nbsp;&raquo; &eacute;crit encore Pernety. Ce qu&rsquo;il faut remarquer ici, outre, une fois de plus, la preuve de la pr&eacute;dominance de la peinture d&rsquo;histoire dans les trait&eacute;s th&eacute;oriques, c&rsquo;est surtout une affirmation de l&rsquo;existence d&rsquo;une peinture d&rsquo;animaux, la place de la peinture animali&egrave;re &eacute;tant suffisamment rare dans les textes pour &ecirc;tre notable.</p> <p>Et pour cause, &agrave; la toute fin du XVII<sup>e</sup> si&egrave;cle, chez le th&eacute;oricien Bernard Dupuy du Grez (1639-1720), la place de l&rsquo;animal dans la peinture, et donc l&rsquo;&eacute;mergence du genre, ne semblait pas encore acquise.</p> <p><q><em>&nbsp;Le peintre peut aussi prendre ses ornements de plusieurs choses que la nature semble avoir invent&eacute;es pour plaire aux yeux&nbsp;: de plusieurs animaux qui servent &agrave; l&rsquo;usage des hommes, ou qui sont aimables pour leur forme ou pour leur couleur [&hellip;].</em></q></p> <p><q><em>&nbsp;Ce n&rsquo;est pas que la plupart des ornements ne soient quelquefois des parties n&eacute;cessaires dans une Histoire&nbsp;: comme les chevaux dans une bataille, dans un Triomphe, ou dans une infinit&eacute; de sujets&nbsp;: Il en est de m&ecirc;me des &eacute;l&eacute;phants et des chameaux dans les histoires asiatiques ou africaines. On peut dire la m&ecirc;me chose du reste des animaux et des autres choses naturelles qui peuvent servir &agrave; l&rsquo;ornement d&rsquo;un ouvrage. Il n&rsquo;y a que l&rsquo;homme qui soit toujours le principal objet dans la peinture&nbsp;: tout le reste ne semble &ecirc;tre fait que pour l&rsquo;accompagner<sup><a href="#nbp13" id="note_13" name="liennbp13" title="Aller à la note de bas de page n°13">13</a></sup>.</em></q></p> <p>Alors qu&rsquo;en France des artistes flamands s&rsquo;attachent d&eacute;j&agrave; &agrave; la figure animale depuis un demi-si&egrave;cle, il para&icirc;t inconcevable &agrave; Dupuy du Grez qu&rsquo;un animal puisse &ecirc;tre envisag&eacute; comme un sujet ind&eacute;pendant.</p> <p>La peinture animali&egrave;re reste toujours tr&egrave;s absente des dictionnaires et trait&eacute;s des XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cles. On n&rsquo;en trouve, par exemple, aucune mention dans les conf&eacute;rences et proc&egrave;s-verbaux de l&rsquo;Acad&eacute;mie royale de Peinture &ndash; les peintres d&rsquo;animaux ayant un statut mineur au sein de l&rsquo;institution. &Agrave; peine les animaux sont-ils &eacute;voqu&eacute;s dans l&rsquo;une des tables de pr&eacute;ceptes de l&rsquo;Acad&eacute;mie, portant ici sur l&rsquo;ordonnance, mais ils y sont consid&eacute;r&eacute;s uniquement comme des &laquo;&nbsp;corps mobiles&nbsp;&raquo; au &laquo;&nbsp;mouvement volontaire&nbsp;&raquo;, dont il faut savoir proportionner la grandeur<sup><a href="#nbp14" id="note_14" name="liennbp14" title="Aller à la note de bas de page n°14">14</a></sup>. Nous n&rsquo;avons trouv&eacute;, dans les textes officiels de l&rsquo;Institution royale, nulle &eacute;vocation de la peinture d&rsquo;animaux hormis les mentions de r&eacute;ceptions d&rsquo;artistes sp&eacute;cialis&eacute;s en ce genre.</p> <p>Dans les th&eacute;ories des XVII<sup>e</sup> et, surtout, XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cles, qui &eacute;voquent les animaux, ceux-ci se perdent g&eacute;n&eacute;ralement dans un tout, m&ecirc;lant la faune, la flore, et divers objets naturels.</p> <p><q><em>&nbsp;Il [l&rsquo;artiste philosophe] voit dans la nature des &ecirc;tres anim&eacute;s et d&rsquo;autres qui ne le sont pas. Dans les &ecirc;tres anim&eacute;s il en voit qui raisonnent, et d&rsquo;autres qui ne raisonnent pas. Dans ceux qui raisonnent, il voit certaines op&eacute;rations qui supposent plus de capacit&eacute;, plus d&rsquo;&eacute;tendue, qui annoncent plus d&rsquo;ordre et de conduite.</em></q></p> <p><q><em>&nbsp;Au-dedans de lui-m&ecirc;me il s&rsquo;aper&ccedil;oit I<sup>e</sup> Que plus les objets s&rsquo;approchent de lui, plus il en est touch&eacute;&nbsp;: plus il s&rsquo;en &eacute;loignent, plus ils lui sont indiff&eacute;rents. Il remarque que la chute d&rsquo;un jeune arbre l&rsquo;int&eacute;resse plus que celle d&rsquo;un rocher&nbsp;: la mort d&rsquo;un animal qui lui paraissait tendre et fid&egrave;le, plus qu&rsquo;un arbre d&eacute;racin&eacute;&nbsp;: allant ainsi&nbsp;; de proche en proche, il trouve que l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t cro&icirc;t &agrave; proportion de la proximit&eacute; qu&rsquo;ont les objets qu&rsquo;il voit, avec l&rsquo;&eacute;tat o&ugrave; il est lui-m&ecirc;me<sup><a href="#nbp15" id="note_15" name="liennbp15" title="Aller à la note de bas de page n°15">15</a></sup>.</em></q></p> <p>&nbsp;Cette r&eacute;flexion de Charles Batteux (1713-1780) fait &eacute;cho &agrave; une interrogation &eacute;mise quelques trente ans auparavant par l&rsquo;abb&eacute; Du Bos (1670-1742)&nbsp;: &laquo;&nbsp;Comment la copie me toucherait-elle, si l&rsquo;original ne saurait me toucher<sup><a href="#nbp16" id="note_16" name="liennbp16" title="Aller à la note de bas de page n°16">16</a></sup>&nbsp;?&nbsp;&raquo; Plus loin, dans ces m&ecirc;mes <em>R&eacute;flexions critiques</em>, Du Bos admet que l&rsquo;&laquo;&nbsp;on pourrait objecter que des tableaux o&ugrave; nous ne voyons que l&rsquo;imitation de diff&eacute;rents objets qui ne nous auraient point attach&eacute;s, si nous les avions vus dans la nature, ne laissent pas de se faire regarder longtemps. Nous donnons plus d&rsquo;attention &agrave; des fruits et &agrave; des animaux repr&eacute;sent&eacute;s dans un tableau, que nous n&rsquo;en donnerions &agrave; ces objets m&ecirc;mes. La copie nous attache plus que l&rsquo;original<sup><a href="#nbp17" id="note_17" name="liennbp17" title="Aller à la note de bas de page n°17">17</a></sup>.&nbsp;&raquo; Ce &agrave; quoi il ajoute&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je r&eacute;ponds que lorsque nous regardons avec application les tableaux de ce genre, n&ocirc;tre attention principale ne tombe pas sur l&rsquo;objet imit&eacute;, mais bien sur l&rsquo;Art de l&rsquo;imitateur<sup><a href="#nbp18" id="note_18" name="liennbp18" title="Aller à la note de bas de page n°18">18</a></sup>.&nbsp;&raquo; Ainsi, comme le stipule la doctrine, des sujets bas ne peuvent pas pr&ecirc;ter &agrave; l&rsquo;admiration, et les animaux &eacute;tant consid&eacute;r&eacute;s parmi ces sujets bas c&rsquo;est le seul talent de l&rsquo;artiste qui pourra &ecirc;tre admir&eacute;. D&rsquo;ailleurs, notons que Du Bos ne fait pas ici &eacute;tat d&rsquo;un <em>artiste</em> mais seulement d&rsquo;un <em>imitateur</em>. Si le th&eacute;oricien fait cette distinction c&rsquo;est que le genre animalier ne fait pas appel, pour lui, &agrave; des qualit&eacute;s d&rsquo;invention mais rel&egrave;ve de la copie.</p> <p>Ainsi se pose le probl&egrave;me de la figure animale : les animaux ne sont pas consid&eacute;r&eacute;s comme des objets suffisamment int&eacute;ressants pour suffire &agrave; produire des &oelig;uvres achev&eacute;es. Dans ces rares exemples, et compte tenu de la faible proportion de textes dont nous disposons sur le sujet en comparaison de la profusion de publications artistiques que connut le XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle, mais aussi compte tenu du grand nombre d&rsquo;&oelig;uvres animali&egrave;res et du v&eacute;ritable go&ucirc;t qui se d&eacute;veloppait malgr&eacute; tout pour le genre, nous pouvons d&eacute;j&agrave; constater que la t&acirc;che sera ardue pour d&eacute;terminer ce qu&rsquo;est exactement la peinture animali&egrave;re.</p> <p>&nbsp;</p> <h3><strong><em>2.2. Les textes du XIX<sup>e</sup> &agrave; nos jours</em></strong></h3> <p>Dans son compte rendu du Salon de 1859, Paul Mantz (1821-1895) retrace une br&egrave;ve histoire du genre animalier, depuis sa venue des Flandres &agrave; son ascension au si&egrave;cle des Lumi&egrave;res pour finir &agrave; son d&eacute;veloppement &agrave; partir de la R&eacute;volution<sup><a href="#nbp19" id="note_19" name="liennbp19" title="Aller à la note de bas de page n°19">19</a></sup>. L&rsquo;historien accorde ainsi un int&eacute;r&ecirc;t in&eacute;dit au genre animalier. Mais pourtant &laquo;&nbsp;l&rsquo;animal, nous dit-il, est fatalement anecdotique, et le cheval aura beau faire et beau dire, il ne sera jamais aussi int&eacute;ressant que le cavalier<sup><a href="#nbp20" id="note_20" name="liennbp20" title="Aller à la note de bas de page n°20">20</a></sup>.&nbsp;&raquo; Malgr&eacute; la R&eacute;volution et la dissolution de l&rsquo;Acad&eacute;mie, la hi&eacute;rarchie perdure, et &agrave; son sommet, plus que jamais, se tient la figure humaine. Ici la perception de l&rsquo;animal se rapproche, dans la th&eacute;orie picturale, de celle du Grand si&egrave;cle. Semble alors s&rsquo;op&eacute;rer un v&eacute;ritable retour en arri&egrave;re de la place acquise par l&rsquo;animal dans la peinture au cours du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle. N&eacute;anmoins, le bref paysage que brosse Paul Mantz offre une visibilit&eacute; encore inconnue &agrave; l&rsquo;histoire du genre animalier en France, et ce d&egrave;s le d&eacute;but de la seconde moiti&eacute; du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle. Tout en rel&eacute;guant le genre aux derniers &eacute;chelons de la hi&eacute;rarchie, il affirme n&eacute;anmoins son existence en le repla&ccedil;ant dans une histoire de l&rsquo;art.</p> <p>En fran&ccedil;ais, le terme <em>animalier</em> est un n&eacute;ologisme de la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, apparu chez &Eacute;mile Littr&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;animalier (a-ni-ma-li&eacute;), s. m., N&eacute;ologisme. Se dit des peintres et des sculpteurs qui repr&eacute;sentent des animaux<sup><a href="#nbp21" id="note_21" name="liennbp21" title="Aller à la note de bas de page n°21">21</a></sup>.&nbsp;&raquo; Auparavant on parlait de <em>peinture d&rsquo;animaux</em>. La terminologie allemande <em>Tierdarstellungen</em><sup><a href="#nbp22" id="note_22" name="liennbp22" title="Aller à la note de bas de page n°22">22</a></sup>, litt&eacute;ralement <em>repr&eacute;sentations d&rsquo;animaux</em>, rejoint la d&eacute;nomination fran&ccedil;aise du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle. Cette terminologie nous semble &ecirc;tre relativement peu pr&eacute;cise car la simple id&eacute;e de repr&eacute;sentation d&rsquo;animaux est vaste. On la retrouve dans tous types d&rsquo;ouvrages, de l&rsquo;histoire, au paysage, en passant par le portrait, l&rsquo;all&eacute;gorie ou encore les repr&eacute;sentations religieuses.</p> <p>Lucia Tongiorgi Tomasi et Edward J. Nygren, dans le <em>Dictionary of Art </em>proposent, quant &agrave; eux, le terme <em>d&rsquo;animal subject</em><sup><a href="#nbp23" id="note_23" name="liennbp23" title="Aller à la note de bas de page n°23">23</a></sup> qui nous semble pouvoir &ecirc;tre envisag&eacute; comme l&rsquo;approche la plus pertinente pour mieux comprendre notre sujet. Ainsi, de la m&ecirc;me mani&egrave;re que les th&eacute;ories anciennes insistent sur l&rsquo;objet repr&eacute;sent&eacute;, ce qui constitue la peinture animali&egrave;re c&rsquo;est l&rsquo;animal entendu comme sujet principal de l&rsquo;&oelig;uvre. De fait, le corpus des &oelig;uvres concern&eacute;es n&rsquo;inclut pas l&rsquo;animal pris comme motif annexe. L&rsquo;objet principal, pour ne pas dire le sujet, est l&rsquo;animal.</p> <p>Si le travail s&eacute;mantique nous para&icirc;t si important dans une d&eacute;marche de d&eacute;finition, c&rsquo;est que les &eacute;tudes consacr&eacute;es &agrave; l&rsquo;art animalier ont tendance &agrave; m&ecirc;ler toutes sortes de genres, et s&rsquo;attardent parfois sur des &oelig;uvres dont l&rsquo;animal n&rsquo;est pas le sujet principal, ou inversement, consid&egrave;rent des &oelig;uvres qui entrent pleinement dans la cat&eacute;gorie animali&egrave;re comme appartenant &agrave; d&rsquo;autres cat&eacute;gories, notamment celle de la nature morte. Sans d&eacute;finition pr&eacute;cise du genre, il para&icirc;t tr&egrave;s difficile d&rsquo;en envisager une &eacute;tude. C&rsquo;est pourquoi, l&rsquo;approche s&eacute;mantique par la consultation des &eacute;quivalents en d&rsquo;autres langues est essentielle pour mieux aborder la probl&eacute;matique du genre animalier.</p> <p>Au tout d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, Walter Gilbey publie, en trois volumes, un dictionnaire consacr&eacute; exclusivement aux peintres animaliers anglais<sup><a href="#nbp24" id="note_24" name="liennbp24" title="Aller à la note de bas de page n°24">24</a></sup>. Une publication d&rsquo;une telle envergure accr&eacute;dite l&rsquo;importance du genre animalier et affirme son existence comme genre autonome. Si l&rsquo;auteur ne propose pas de d&eacute;finition du genre et se concentre plut&ocirc;t sur ce que la peinture animali&egrave;re ancienne peut nous apprendre sur l&rsquo;&eacute;volution de certaines esp&egrave;ces animales, de pratiques de chasse, d&rsquo;&eacute;quipements, <em>etc</em>., il s&rsquo;arr&ecirc;te quelque peu, dans la pr&eacute;face, sur l&rsquo;apparition tardive du genre animalier en Angleterre. Il la situe autour des ann&eacute;es 1700, et tout comme en France, il existait auparavant quelques artistes pratiquant le genre&nbsp; en Angleterre. Il mentionne notamment John Wootton (1682-1764) qui peut &ecirc;tre, selon lui, consid&eacute;r&eacute; comme le premier grand animalier anglais, mais &eacute;galement, entre autres, Luke Cradock (1660-1716) &ndash; aussi connu sous le nom de Marmaduke Cradock &ndash; ou Francis Barlow (v. 1626-1704)<sup><a href="#nbp25" id="note_25" name="liennbp25" title="Aller à la note de bas de page n°25">25</a></sup>.</p> <p>Il existe &eacute;galement un ouvrage, paru en 1911, qui porte sur la peinture animali&egrave;re en Belgique<sup><a href="#nbp26" id="note_26" name="liennbp26" title="Aller à la note de bas de page n°26">26</a></sup>. Georges Eekhoud y fait une rapide analyse de la peinture animali&egrave;re europ&eacute;enne, et nie, pour bon nombre de pays, dont la France, l&rsquo;existence d&rsquo;un r&eacute;el genre animalier, qui rencontra selon lui peu d&rsquo;adeptes. Il justifie ce propos en particulier par la hi&eacute;rarchie, qu&rsquo;il ne cite pas, qui donne la pr&eacute;pond&eacute;rance &agrave; la figure humaine dans des &eacute;coles qu&rsquo;il qualifie de &laquo;&nbsp;classiques&nbsp;&raquo;. Tout en reconnaissant aux Pays-Bas d&rsquo;avoir pratiqu&eacute; le genre, il refuse de les consid&eacute;rer autrement que comme des copistes grossiers de la nature, et son propos tend surtout &agrave; c&eacute;l&eacute;brer le g&eacute;nie animalier belge<sup><a href="#nbp27" id="note_27" name="liennbp27" title="Aller à la note de bas de page n°27">27</a></sup>.</p> <p>Il nous paraissait int&eacute;ressant d&rsquo;aborder l&rsquo;&eacute;tude du genre animalier sous un angle historiographique. Nous avons vu, en effet, sa place dans les th&eacute;ories acad&eacute;miques, bien que tr&egrave;s r&eacute;duite, celle-ci laisse penser que l&rsquo;art animalier, lorsqu&rsquo;il existe, ne peut pas s&rsquo;affranchir de la hi&eacute;rarchie. En France, le genre, d&eacute;j&agrave; peu consid&eacute;r&eacute; par les th&eacute;oriciens de l&rsquo;Ancien R&eacute;gime, ne le sera pas plus par la suite par les historiens pendant les d&eacute;cennies qui suivront la fin de l&rsquo;Acad&eacute;mie. Le corpus des &oelig;uvres animali&egrave;res &ndash; avec seulement l&rsquo;animal comme sujet &ndash; pour le XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle constitue une part non n&eacute;gligeable de la production picturale, et ce n&rsquo;est presque que par le biais d&rsquo;&eacute;tudes monographiques ou sur la nature morte que la peinture animali&egrave;re fran&ccedil;aise est abord&eacute;e.</p> <p>Pourquoi est-il si difficile d&rsquo;appr&eacute;hender le genre animalier&nbsp;? Nous l&rsquo;avons vu, le manque de th&eacute;ories peut entraver sa l&eacute;gitimation, et c&rsquo;est parfois son existence m&ecirc;me qui est remise en question.</p> <p>&nbsp;</p> <h2><strong>3. La confusion des genres</strong></h2> <p>&nbsp;</p> <h3><strong><em>3.1. Du petit au Grand genre</em></strong></h3> <p>Les d&eacute;finitions des genres picturaux sont elles excluantes &ndash; ne peut-il y avoir de sc&egrave;ne animali&egrave;re dans un paysage, dans une nature morte, dans un portrait ?</p> <p>Il nous semblait in&eacute;vitable, en voulant traiter de sa d&eacute;finition, d&rsquo;aborder la question de la peinture animali&egrave;re au prisme des &eacute;tudes sur la nature morte. Ces deux genres sont vraisemblablement les plus confus, souvent m&ecirc;l&eacute;s au sein d&rsquo;une m&ecirc;me cat&eacute;gorie ils n&rsquo;ont de cesse de se croiser et s&rsquo;entrecroiser jusqu&rsquo;&agrave; se confondre. L&rsquo;animal est d&rsquo;ailleurs un objet tout &agrave; fait adapt&eacute; &agrave; ce que revendique le terme de <em>nature morte</em> puisque c&rsquo;est, litt&eacute;ralement, ce dont il s&rsquo;agit, particuli&egrave;rement en ce qui concerne les repr&eacute;sentations de troph&eacute;es de chasse ou encore les gardes manger. Il ne s&rsquo;agit toutefois pas de la seule pr&eacute;sence animale dans la nature morte. Bien souvent ces sc&egrave;nes sont agr&eacute;ment&eacute;es d&rsquo;animaux vivants, gardant le gibier ou tentant de s&rsquo;en octroyer une part. Il faut, afin d&rsquo;&eacute;tudier le genre animalier, se r&eacute;f&eacute;rer r&eacute;guli&egrave;rement &agrave; des publications portant presque exclusivement sur la nature morte.</p> <p>Dans <em>La nature morte ou La place des choses</em>, &Eacute;tienne Jollet consacre un court chapitre &agrave; la place des animaux<sup><a href="#nbp28" id="note_28" name="liennbp28" title="Aller à la note de bas de page n°28">28</a></sup>. Il y &eacute;voque le &laquo;&nbsp;lien &eacute;troit&nbsp;&raquo;, ind&eacute;niable, entre nature morte et peinture animali&egrave;re. L&rsquo;historien de l&rsquo;art diff&eacute;rencie toutefois les deux genres tout en insistant sur le fait que la repr&eacute;sentation animali&egrave;re prend racine dans une tradition remontant &agrave; l&rsquo;Antiquit&eacute; romaine<sup><a href="#nbp29" id="note_29" name="liennbp29" title="Aller à la note de bas de page n°29">29</a></sup>. Par ailleurs, dans un ouvrage paru en 2015, Jean-Michel Croisille remet en lumi&egrave;re l&rsquo;apparition de la nature morte d&egrave;s l&rsquo;Antiquit&eacute;, &agrave; la p&eacute;riode romaine &eacute;galement<sup><a href="#nbp30" id="note_30" name="liennbp30" title="Aller à la note de bas de page n°30">30</a></sup>. Une partie de son livre portant sur &laquo;&nbsp;les sujets, nature et composition&nbsp;&raquo; donne une place aux animaux parmi les premi&egrave;res natures mortes<sup><a href="#nbp31" id="note_31" name="liennbp31" title="Aller à la note de bas de page n°31">31</a></sup>. Les animaux vivants c&ocirc;toient, dans des tableautins &agrave; plusieurs registres, victuailles et objets du quotidien. Ainsi, dans la Rome antique, &agrave; l&rsquo;instar de nos &oelig;uvres des XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cles, la peinture animali&egrave;re et la nature morte sont &eacute;troitement m&ecirc;l&eacute;es.</p> <p>Alain M&eacute;rot, dans <em>La peinture fran&ccedil;aise au XVII<sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, alors qu&rsquo;il consacre un chapitre entier au portrait et un au paysage, rassemble la nature morte et la peinture animali&egrave;re dans un seul court chapitre, mettant une fois encore en &eacute;vidence le rapport &eacute;troit entre les deux genres<sup><a href="#nbp32" id="note_32" name="liennbp32" title="Aller à la note de bas de page n°32">32</a></sup>.</p> <p>Susan Koslow qui s&rsquo;est int&eacute;ress&eacute;e &agrave; la personne et &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre de Frans Snyders, dans une monographie extr&ecirc;mement compl&egrave;te, qualifie l&rsquo;artiste de &laquo;&nbsp;peintre animalier et de nature morte&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est la premi&egrave;re fois que nous avons trouv&eacute;, dans un ouvrage traduit en langue fran&ccedil;aise, une v&eacute;ritable &eacute;tude de la peinture animali&egrave;re en tant que genre, et proposant une analyse th&eacute;orique<sup><a href="#nbp33" id="note_33" name="liennbp33" title="Aller à la note de bas de page n°33">33</a></sup>. Bien qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de la peinture des Pays-Bas, cette d&eacute;finition est tout aussi int&eacute;ressante pour une approche fran&ccedil;aise du sujet. D&rsquo;abord parce que l&rsquo;&eacute;tude que nous propose l&rsquo;historienne de l&rsquo;art offre des cl&eacute;s de lecture et de r&eacute;flexion, mais &eacute;galement car, bien que les artistes fran&ccedil;ais se soient r&eacute;appropri&eacute;s le genre, ce sont les peintres des Pays-Bas qui l&rsquo;ont import&eacute; en France. L&rsquo;historienne nous apprend par ailleurs que chez le peintre et th&eacute;oricien n&eacute;erlandais Samuel van Hoogstraten<sup><a href="#nbp34" id="note_34" name="liennbp34" title="Aller à la note de bas de page n°34">34</a></sup> (1627-1678) la peinture animali&egrave;re est situ&eacute;e au deuxi&egrave;me des trois niveaux de la hi&eacute;rarchie picturale<sup><a href="#nbp35" id="note_35" name="liennbp35" title="Aller à la note de bas de page n°35">35</a></sup>. Toutefois, lorsqu&rsquo;elle &eacute;crit que Snyders anime ses natures mortes de &laquo;&nbsp;diverses sc&egrave;nes animali&egrave;res<sup><a href="#nbp36" id="note_36" name="liennbp36" title="Aller à la note de bas de page n°36">36</a></sup>&nbsp;&raquo;, Susan Koslow nous interroge &agrave; nouveau sur la distinction entre les deux genres et l&rsquo;amalgame qui peut s&rsquo;op&eacute;rer.</p> <p>La question de la dimension des &oelig;uvres, qui ne semble pour autant jamais avoir &eacute;t&eacute; abord&eacute;e en ce sens, rel&egrave;ve &eacute;galement d&rsquo;un aspect du m&eacute;lange des genres. Selon les conventions acad&eacute;miques en vigueur au XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle les grands formats sont r&eacute;serv&eacute;s aux peintures d&rsquo;histoire et les plus petits formats &agrave; la nature morte. Les sc&egrave;nes de chasse d&rsquo;un Oudry et d&rsquo;un Desportes se d&eacute;ploient cependant souvent sur des toiles de tr&egrave;s grandes dimensions<sup><a href="#nbp37" id="note_37" name="liennbp37" title="Aller à la note de bas de page n°37">37</a></sup>, m&ecirc;me lorsqu&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas de cartons de tapisserie. En effet, certaines de ces toiles sont destin&eacute;es &agrave; &ecirc;tre ensuite tiss&eacute;es, de la m&ecirc;me mani&egrave;re que le sont les hauts faits guerriers des monarques. Cela prouve l&rsquo;importance d&eacute;corative de la peinture animali&egrave;re dans les int&eacute;rieurs royaux et princiers, mais aussi que le genre animalier, en ce qui concerne la chasse, s&rsquo;apparente, dans une certaine mesure, &agrave; de la peinture d&rsquo;histoire. Il y a, dans ces tableaux de chasse, quelque chose qui tient de l&rsquo;&eacute;pique, une narration et des passions exacerb&eacute;es, exprim&eacute;es avec vigueur, et un v&eacute;ritable rythme dans la composition, que les artistes animaliers fran&ccedil;ais ont su, en s&rsquo;affranchissant de l&rsquo;enseignement tir&eacute; de leurs a&icirc;n&eacute;s flamands, adapter la peinture de chasse aux go&ucirc;ts des commanditaires fran&ccedil;ais<sup><a href="#nbp38" id="note_38" name="liennbp38" title="Aller à la note de bas de page n°38">38</a></sup>. Les animaux y sont, plus que jamais, les acteurs de toiles grandioses&nbsp;; mis en sc&egrave;ne pour le plaisir de l&rsquo;homme, le pinceau de leurs cr&eacute;ateurs est admir&eacute; &agrave; la hauteur de peintures d&rsquo;histoire.</p> <p>Si le lien entre peinture animali&egrave;re et peinture d&rsquo;histoire reste moins &eacute;quivoque que celui avec la nature morte, il fallait toutefois noter que l&rsquo;art animalier peut s&rsquo;apparenter &agrave; d&rsquo;autres genres, m&ecirc;me le plus &eacute;lev&eacute;. De plus, certains animaliers font preuve d&rsquo;une aisance incontestable dans d&rsquo;autres genres, jonglant entre les cat&eacute;gories. Oudry, nous l&rsquo;avons dit, est re&ccedil;u en tant que peintre d&rsquo;histoire, mais sa production fut plus large, il produisit notamment des paysages qui lui valurent un grand succ&egrave;s. Anne Vallayer-Coster (1744-1818), durant les derni&egrave;res d&eacute;cennies du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle, sut adapter son pinceau aux go&ucirc;ts de son temps en s&eacute;duisant ses contemporains par de d&eacute;licats portraits d&rsquo;animaux autant que par des natures mortes et des portraits de cours.</p> <p>&nbsp;</p> <h3><strong><em>3.2.&nbsp;Sous-genres animaliers</em></strong></h3> <p>Le probl&egrave;me que pose la d&eacute;finition du genre animalier comme tout uniforme est soulev&eacute; par Norman Bryson au sujet de la nature morte. Nous emprunterons ses mots&nbsp;:</p> <p><q><em>&nbsp;La premi&egrave;re difficult&eacute; face &agrave; n&rsquo;importe quel ouvrage portant sur la nature morte repose d&egrave;s son introduction, dans l&rsquo;hypoth&egrave;se selon laquelle la nature morte existe. Bien-s&ucirc;r nous savons tous &agrave; quoi ressemble une nature morte&nbsp;; ce n&rsquo;est pas la question. Mais malgr&eacute; notre familiarit&eacute; avec la nature morte et notre facilit&eacute; &agrave; la reconna&icirc;tre, il reste toujours quelque chose d&rsquo;injustifi&eacute; &agrave; propos du terme, dans la mesure o&ugrave; il englobe tant de choses&nbsp;: Pomp&eacute;i, le cubisme, la nature morte flamande, la nature morte espagnole, le trompe-l&rsquo;&oelig;il, le collage. Pourquoi est-ce que toutes ces diff&eacute;rentes sortes d&rsquo;images devraient-elles &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;es comme une cat&eacute;gorie unique&nbsp;? Quelle est la vraie relation, si il y en a une, entre ces images qui sont historiquement, culturellement, et techniquement si diverses&nbsp;? Ou bien n&rsquo;y a-t-il aucune vraie relation entre elles, si ce n&rsquo;est le discours critique moderne<sup><a href="#nbp39" id="note_39" name="liennbp39" title="Aller à la note de bas de page n°39">39</a></sup>&nbsp;?</em></q></p> <p>La peinture animali&egrave;re peut elle-m&ecirc;me &ecirc;tre d&eacute;coup&eacute;e en plusieurs cat&eacute;gories tout &agrave; fait distinctes&nbsp;: les sc&egrave;nes de chasse, en particulier durant la premi&egrave;re moiti&eacute; du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle jusqu&rsquo;&agrave; la mort de Oudry en 1755, les portraits d&rsquo;animaux, qui sont plut&ocirc;t l&rsquo;&oelig;uvre de la seconde moiti&eacute; du si&egrave;cle, notamment sous le pinceau de Jean-Jacques Bachelier, et la nature morte, qu&rsquo;on ne pr&eacute;sente plus, en &eacute;tant les trois principales &ndash; il y a aussi l&rsquo;histoire naturelle, les fables, les singeries. La synth&egrave;se de ces trois sous-genres se retrouve dans un tableau d&rsquo;Oudry intitul&eacute; aujourd&rsquo;hui <em>Basset avec gibier mort et fusil </em>(1740, 135 x 109 cm, Stockholm, <em>Nationalmuseum</em>), pr&eacute;sentant le portrait de Pehr, chien du comte de Tessin, m&ecirc;lant &agrave; la fois nature morte de gibier, attributs de chasse, et le portrait d&rsquo;un animal ayant r&eacute;ellement exist&eacute;, repr&eacute;sent&eacute; pour lui-m&ecirc;me. &Agrave; quelle cat&eacute;gorie de la peinture appartient cette toile&nbsp;: est-ce une nature morte&nbsp;? Une peinture de chasse&nbsp;? Ou un portrait d&rsquo;animal&nbsp;? Il nous semble, en tout cas, qu&rsquo;elle appartient bel et bien au genre de la peinture animali&egrave;re.</p> <p>Notons, &agrave; titre comparatif, qu&rsquo;en Angleterre, les <em>sporting paintings</em> constituent un genre tout &agrave; fait distinct et autonome. Il s&rsquo;agit de la repr&eacute;sentation exclusive de chevaux de selle dans laquelle un certain nombre d&rsquo;artistes se sont sp&eacute;cialis&eacute;s. Ce genre, sp&eacute;cifique &agrave; la peinture anglaise, trouve son &eacute;quivalent dans la peinture de chasse en France. Cette activit&eacute;, tr&egrave;s &agrave; la mode chez les aristocrates anglais du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle, constitue un divertissement souvent apparent&eacute; &agrave; la chasse, aussi important que le fut la v&eacute;nerie pour les monarques, et nous voyons ainsi que des sous-genres se dessinent selon les diff&eacute;rentes cultures. Alors que la chasse en France est repr&eacute;sent&eacute;e par les chiens, principaux acteurs de la v&eacute;nerie, elle l&rsquo;est par les chevaux, &agrave; la m&ecirc;me &eacute;poque, en Grande-Bretagne. La peinture de chasse en France est tout &agrave; fait &eacute;tudi&eacute;e en ce qui concerne l&rsquo;Ancien R&eacute;gime, lorsqu&rsquo;elle fut &agrave; son apog&eacute;e. Ce sous-genre de la peinture animali&egrave;re tend &agrave; s&rsquo;&eacute;manciper tout &agrave; fait d&rsquo;un cadre plus g&eacute;n&eacute;ral auquel il appartient pourtant. Tout comme des artistes ont fait, en France, de la peinture de chasse leur sp&eacute;cialit&eacute; &ndash; Desportes notamment, des artistes anglais se sont longuement consacr&eacute; aux <em>sporting paintings</em>.</p> <p>Certains sous-genres de la peinture animali&egrave;re ont &eacute;t&eacute; plus &eacute;tudi&eacute;s que d&rsquo;autres, c&rsquo;est particuli&egrave;rement le cas de la peinture de chasse et de la nature morte. Ils ne sont toutefois pas pris dans le cadre exclusif de la peinture animali&egrave;re, puisque la chasse peut inclure des figures humaines ou des natures mortes, de m&ecirc;me qu&rsquo;une nature morte n&rsquo;est pas n&eacute;cessairement animali&egrave;re.</p> <p>La place de ces sous-genres varie &agrave; l&rsquo;Acad&eacute;mie et dans les critiques et trait&eacute;s. La chasse semble &ecirc;tre au sommet de ce que nous pourrions appeler la hi&eacute;rarchie animali&egrave;re : les portraits d&rsquo;animaux s&rsquo;ils sont tout &agrave; fait appr&eacute;ci&eacute;s &ndash; en t&eacute;moigne la large production &ndash; suscitent peu de commentaires, et la nature morte est toujours dans une ambivalence entre un v&eacute;ritable int&eacute;r&ecirc;t qui lui est port&eacute; malgr&eacute; des sujets toujours consid&eacute;r&eacute;s comme bas.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Dans un premier temps il appara&icirc;t que la peinture animali&egrave;re se d&eacute;finisse par exclusion, exclusion de la figure humaine avant tout, mais aussi exclusion d&rsquo;un paysage pr&eacute;dominant, exclusion de nature morte dans lesquels l&rsquo;animal ne serait qu&rsquo;un objet enfoui parmi d&rsquo;autres.</p> <p>Comme nous l&rsquo;avons plusieurs fois &eacute;voqu&eacute;, beaucoup d&rsquo;interrogations sont soulev&eacute;es par l&rsquo;entreprise d&rsquo;un travail de d&eacute;finition. Est-ce que ce travail peut aboutir &agrave; un moment donn&eacute;&nbsp;? Cette &eacute;tude reste malgr&eacute; tout n&eacute;cessaire &agrave; la recherche lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;appr&eacute;hender la production artistique d&rsquo;une p&eacute;riode donn&eacute;e. Que faire face aux risques d&rsquo;anachronisme&nbsp;? Le genre animalier est encore tr&egrave;s pr&eacute;sent de nos jours dans l&rsquo;art, il faut alors veiller &agrave; ne pas confondre les pr&eacute;occupations &eacute;cologiques actuelles avec la philosophie et l&rsquo;histoire sociale du si&egrave;cle des Lumi&egrave;res. Enfin, est-ce que la peinture animali&egrave;re est r&eacute;ellement un petit genre&nbsp;? Si elle &eacute;tait, d&egrave;s la th&eacute;orie de F&eacute;libien, consid&eacute;r&eacute;e comme telle, nous avons pu observer que la diversit&eacute; de ses th&eacute;matiques ne permet pas d&rsquo;en faire un tout uniforme, et il est donc difficile de positionner la peinture animali&egrave;re dans une r&eacute;ception critique. Une hi&eacute;rarchie para&icirc;t m&ecirc;me s&rsquo;&eacute;tablir au sein du genre. Par ailleurs, un artiste comme Jean Sim&eacute;on Chardin (1699-1779) a su prouver &agrave; la post&eacute;rit&eacute; qu&rsquo;un peintre d&rsquo;un genre mineur, s&rsquo;int&eacute;ressant aux sujets les plus bas, pouvait &ecirc;tre appr&eacute;ci&eacute; parmi les meilleurs artistes de son temps en d&eacute;pit de ce que pouvaient exprimer les th&eacute;oriciens.</p> <p>(<em>IRHis, Lille 3</em>)</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><strong>Notes et r&eacute;f&eacute;rences</strong></p> <p><a href="#liennbp1" name="nbp1">1&nbsp; </a>Emmanuel Faure-Carricaburu dans une communication tenue lors du colloque &laquo;Critique d&rsquo;art et nationalisme&raquo; (Institut national d&rsquo;histoire de l&rsquo;art (INHA), Paris, 18-9 avril 2014) &eacute;voque pr&eacute;cis&eacute;ment toute cette probl&eacute;matique de r&eacute;habilitation de l&rsquo;Acad&eacute;mie dans les publications actuelles apr&egrave;s que, dans une volont&eacute; de valoriser le &laquo;&nbsp;g&eacute;nie fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo;, l&rsquo;institution ait longtemps &eacute;t&eacute; d&eacute;cri&eacute;e. Publication &agrave; venir<em>.</em></p> <p><a href="#liennbp2" name="nbp2">2&nbsp; </a>Voir &agrave; ce sujet&nbsp;: <em>De la physionomie humaine et animale : dessins de Charles Le Brun grav&eacute;s pour la chalcographie du mus&eacute;e Napol&eacute;on en 1806</em>, exposition, Paris, Chalcographie du Mus&eacute;e du Louvre, 18 mai-11 septembre 2000, RMN, 2000.</p> <p><a href="#liennbp3" name="nbp3">3</a>&nbsp; Giovanni Battista Della Porta, <em>De humana physiognomonia</em>, Giuseppe Cacchi, 1586.</p> <p><a href="#liennbp4" name="nbp4">4&nbsp; </a>Ren&eacute; D&eacute;moris, &laquo;&nbsp;Oudry et les cruaut&eacute;s du Rococo&nbsp;&raquo;, <em>Fabula / Les colloques</em>, Litt&eacute;rature et arts &agrave; l&rsquo;&acirc;ge classique 1 : Litt&eacute;rature et peinture au XVIIIe s., autour des <em>Salons</em> de Diderot, par R. D&eacute;moris [en ligne] <a href="http://www.fabula.org/colloques/document614.php">http://www.fabula.org/colloques/document614.php</a> [consult&eacute; le 14 juin 2016].</p> <p><a href="#liennbp5" name="nbp5">5&nbsp; </a>Andr&eacute; Fontaine, <em>Les Doctrines d&rsquo;Art en France. Peintres, amateurs et critiques, de Poussin &agrave; Diderot</em>, Paris, H. Laurens, 1909, p. 157.</p> <p><a href="#liennbp6" name="nbp6">6&nbsp; </a>Andr&eacute; F&eacute;libien, &laquo;&nbsp;Pr&eacute;face&nbsp;&raquo;, <em>Conf&eacute;rences de l&rsquo;Acad&eacute;mie royale de Peinture et de Sculpture, pour l&rsquo;ann&eacute;e 1667</em>, Paris, Fr&eacute;d&eacute;ric L&eacute;onard, 1668, n. p.</p> <p><a href="#liennbp7" name="nbp7">7&nbsp; </a>Andr&eacute; Fontaine, <em>op. cit.</em>, p. 57.</p> <p><a href="#liennbp8" name="nbp8">8&nbsp; </a>C&rsquo;est pour cette raison que certains artistes, afin de pouvoir acc&eacute;der au statut de professeur de l&rsquo;Acad&eacute;mie, se faisaient recevoir dans le genre de l&rsquo;histoire. C&rsquo;est par exemple le cas de Jean-Baptiste Oudry qui avec son morceau de r&eacute;ception <em>L&rsquo;Abondance et les attributs</em>, en tant que tableau all&eacute;gorique &agrave; figure, fut re&ccedil;u &agrave; l&rsquo;Acad&eacute;mie comme peintre d&rsquo;histoire en 1719.</p> <p><a href="#liennbp9" name="nbp9">9&nbsp; </a>&laquo;&nbsp;On peut envisager les Arts d&rsquo;imitation sous deux points de vue&nbsp;; i&deg;. comme imitations des objets que l&rsquo;Artiste a actuellement sous les yeux&nbsp;; c&rsquo;est la partie m&eacute;canique ou d&rsquo;ex&eacute;cution&nbsp;; ii&deg; comme repr&eacute;sentations des images qui sont form&eacute;es par l&rsquo;imagination&nbsp;; c&rsquo;est la partie id&eacute;ale ou d&rsquo;invention.&nbsp;&raquo; Daniel Webb, <em>Recherches sur les beaut&eacute;s de la Peinture et sur le m&eacute;rite des plus c&eacute;l&egrave;bres Peintres anciens &amp; modernes</em>, Paris, Briasson, 1765, p. 4-5.</p> <p><a href="#liennbp10" name="nbp10">10&nbsp; </a>Antoine-Joseph Pernety, &laquo;&nbsp;Grace&nbsp;&raquo;, dans <em>Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure, avec un trait&eacute; pratique des diff&eacute;rentes mani&egrave;res de peindre</em>, Paris, Bauche, 1757, p. 338.</p> <p><a href="#liennbp11" name="nbp11">11&nbsp; </a><em>Idem.</em></p> <p><a href="#liennbp12" name="nbp12">12&nbsp; </a><em>Ibidem</em>, p. 90.</p> <p><a href="#liennbp13" name="nbp13">13&nbsp; </a>Bernard Dupuy du Grez, <em>Trait&eacute; sur la peinture pour en apprendre la th&eacute;orie et se perfectionner dans la pratique</em>, Toulouse, J. Pech &amp; A. Pech, 1699, p. 322.</p> <p><a href="#liennbp14" name="nbp14">14&nbsp; </a>&laquo;&nbsp;Table des pr&eacute;ceptes de la peinture sur l&rsquo;ordonnance&nbsp;&raquo;, dans Henry Jouin, <em>Conf&eacute;rences de l&rsquo;Acad&eacute;mie royale de Peinture et de Sculpture, recueillies, annot&eacute;es et pr&eacute;c&eacute;d&eacute;es d&rsquo;une &eacute;tude sur les artistes &eacute;crivains</em>, Paris, A. Quantin, 1883, p. 192-193.</p> <p><a href="#liennbp15" name="nbp15">15&nbsp; </a>Charles Batteux, <em>Les Beaux Arts r&eacute;duits &agrave; un m&ecirc;me principe</em>, Paris, Durand, 1746, p. 79-81.</p> <p><a href="#liennbp16" name="nbp16">16&nbsp; </a>Jean-Baptiste Du Bos, <em>R&eacute;flexions critiques sur la Po&eacute;sie et sur la Peinture</em>, Paris, Jean Mariette, 1719, vol. 1, p. 51.</p> <p><a href="#liennbp17" name="nbp17">17&nbsp; </a><em>Ibidem,</em> p. 62-63.</p> <p><a href="#liennbp18" name="nbp18">18&nbsp; </a><em>Idem.</em></p> <p><a href="#liennbp19" name="nbp19">19&nbsp;&nbsp; </a>Paul Mantz, &laquo;&nbsp;Salon de 1859&nbsp;&raquo;, dans <em>Gazette des Beaux-Arts</em>, Paris, J. Claye, 1859, Tome II, p. 350-353.</p> <p><a href="#liennbp20" name="nbp20">20 </a><em>Ibidem</em>, p. 352.</p> <p><a href="#liennbp21" name="nbp21">21&nbsp; </a>&Eacute;mile Littr&eacute;, <em>Dictionnaire de la langue fran&ccedil;aise</em>, Paris, L. Hachette, 1863-1872, vol. 1, p. 148.</p> <p><a href="#liennbp22" name="nbp22">22&nbsp; </a>Gerhard Strauss, Harald Olbrich, <em>Lexikon der Kunst : Architektur, bildende Kunst, angewandte Kunst, Industrieformgestaltung, Kunsttheorie</em>, Leipzig, E. A. Seemann, 1987-1994, vol. 7, p. 326-327.</p> <p><a href="#liennbp23" name="nbp23">23&nbsp; </a>Jane Turner (&eacute;diteur scientifique), <em>The Dictionary of Art</em>, Londres-New York, Macmillan&nbsp;: Grove, 1996, vol. 2, p. 102-108.</p> <p><a href="#liennbp24" name="nbp24">24&nbsp; </a>Walter Gilbey, <em>Animal painters of England from the year 1650&nbsp;: a brief history of their lives and works</em>, Londres, Vinton, 1900-1911, 3 vol.</p> <p><a href="#liennbp25" name="nbp25">25&nbsp; </a><em>Ibidem</em>, p. VII.</p> <p><a href="#liennbp26" name="nbp26">26&nbsp; </a>Georges Eekhoud, <em>Les peintres animaliers belges</em>, Bruxelles, Libraire nationale d&rsquo;art et d&rsquo;histoire, 1911.</p> <p><a href="#liennbp27" name="nbp27">27&nbsp; </a>&laquo;&nbsp;Introduction&nbsp;&raquo;, <em>Ibid.</em>, p. 1-12.</p> <p><a href="#liennbp28" name="nbp28">28&nbsp; </a>&Eacute;tienne Jollet, &laquo;&nbsp;Objets et animaux&nbsp;&raquo;, <em>La nature morte ou La place des choses&nbsp;: l&rsquo;objet et son lieu dans l&rsquo;art occidental</em>, Paris, Hazan, 2007, p. 186.</p> <p><a href="#liennbp29" name="nbp29">29&nbsp; </a>&laquo;&nbsp;Cependant, les deux pratiques restent bien diff&eacute;renci&eacute;es. La repr&eacute;sentation des animaux prend appui sur une longue tradition remontant &agrave; l&rsquo;Antiquit&eacute;, enrichie par des figures trouv&eacute;es dans des livres de mod&egrave;les ou par des commentaires comme ceux de Hoostraten [&hellip;].&nbsp;&raquo; <em>Idem.</em></p> <p><a href="#liennbp30" name="nbp30">30&nbsp; </a>Jean-Michel Croisille, <em>Natures mortes dans la Rome antique&nbsp;: naissance d&rsquo;un genre artistique</em>, Paris, Picard, 2015.</p> <p><a href="#liennbp31" name="nbp31">31&nbsp; </a><em>Ibidem</em>, p. 54-61.</p> <p><a href="#liennbp32" name="nbp32">32&nbsp; </a>Alain M&eacute;rot, &laquo;&nbsp;Peintres de natures mortes et animaliers&nbsp;&raquo;, <em>La Peinture fran&ccedil;aise au XVII<sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, Paris, Gallimard / Electa, 1994, p. 237-253.</p> <p><a href="#liennbp33" name="nbp33">33&nbsp; </a>Susan Koslow, <em>Frans Snyders&nbsp;: peintre animalier et de natures mortes, 1579-1657</em>, Anvers, Fonds Mercator Paribas, 1995.</p> <p><a href="#liennbp34" name="nbp34">34&nbsp; </a>Samuel van Hoogstraten, <em>Inleying de Hoot Schoole der Schilderkonst&nbsp;: anders de zichtbaere werelt </em>[Introduction aux hautes &eacute;coles d&rsquo;arts picturaux&nbsp;: le monde visible autrement], Rotterdam, 1678.</p> <p><a href="#liennbp35" name="nbp35">35&nbsp; </a>Susan Koslow, <em>op. cit.</em>, p. 201.</p> <p><a href="#liennbp36" name="nbp36">36&nbsp; </a><em>Ibid., </em>p. 31.</p> <p><a href="#liennbp37" name="nbp37">37&nbsp; </a>Nous citerons en exemple la toile de Desportes <em>Hallali de cerf</em>, sign&eacute;e et dat&eacute;e 1742, conserv&eacute;e actuellement au Mus&eacute;e de peinture et de sculpture de Grenoble, qui mesure non moins de 2,87 m&egrave;tres de hauteur par 3,14 de largeur.</p> <p><a href="#liennbp38" name="nbp38">38&nbsp; </a>&laquo;&nbsp;Mais si on appr&eacute;cie les talents des Flamands, comme coloristes et imitateurs de la nature, on continue &agrave; objecter &agrave; leur &ldquo;bassesse&rdquo;, qui les entra&icirc;ne du c&ocirc;t&eacute; du &ldquo;comique&rdquo;, si ce n&rsquo;est du &ldquo;d&eacute;go&ucirc;tant&rdquo;, rejet&eacute;s d&eacute;sormais comme offenses, non tant &agrave; la grandeur qu&rsquo;aux imp&eacute;ratifs nouveaux de raffinement et de d&eacute;licatesse. A ces imp&eacute;ratifs, Desportes comme Oudry ont r&eacute;pondu en excluant presque totalement de leur bestiaire les animaux utiles et domestiques, vaches, poules, cochons, moutons &mdash; la basse-cour en somme, proche de la cuisine &mdash; et en se limitant aux animaux que l&rsquo;on chasse et aux chiens qui servent &agrave; les chasser : la chasse nettoie la nature morte de sa roture.&nbsp;&raquo;, Ren&eacute; D&eacute;moris, <em>op. cit.</em></p> <p><a href="#liennbp39" name="nbp39">39&nbsp; </a>&laquo;&nbsp;<em>The first difficulty facing any book on still life painting lies in its opening move, in the assumption that still life</em> exists. <em>Of course we all know what still life looks like&nbsp;; that is not the problem. But despite our familiarity with still life and our ease in recognising it, there is still something unjustified about the term, in that it takes in so much&nbsp;: Pompeii, Cubism, Dutch still life, Spanish still life, </em>trompe l&rsquo;&oelig;il<em>, collage. Why should these entirely different kinds of image be considered as a single category&nbsp;? What is the real relationship, if any, between these images that are historcally, culturally, and technically so diverse&nbsp;? Or is there no real relationship between them, outside of modern critical discourse&nbsp;?&nbsp;</em>&raquo;, Norman Bryson, <em>Looking at the overlooked&nbsp;: four essays on still life painting</em>, Londres, Reaktion, 1990, p. 7.</p>