<p>La succession des révolutions et des régimes politiques au XIX<sup>e</sup> siècle signale une négociation douloureuse entre Ancien Régime et République. La transition institutionnelle s’accompagne d’un mouvement idéologique dont l’haussmannisation des grandes villes françaises à partir de 1852 offre un observatoire privilégié. En effet, cette transformation urbaine bouleverse non seulement la ville mais également l’habitat. Les appartements sont désormais construits autour de pièces à l’usage programmé et plus standardisé qu’auparavant. L’ameublement et la décoration sont des marchés en pleine expansion, puisqu’ils manifestent l’accession à la vie bourgeoise – manifestation d’abord intérieure et tournée vers soi-même. L’acquisition de biens, signes matériels de réussite, s’accompagne du recours à un personnel qui prend en charge l’hygiène et le confort intérieurs. La délégation des tâches domestiques, le plus souvent à une « bonne à tout faire » unique et à domicile, s’étend jusqu’à la petite bourgeoisie et devient le signe distinctif des classes moyennes. La transition de l’acquisition de mobilier à l’acquisition de travail ne va pas de soi. Deux manières de penser les rapports de subordination dans le foyer s’opposent : alors que l’idéologie républicaine se veut égalitariste, d’une part, elle contractualise la subordination ; et d’autre part, elle sépare de plus en plus espaces féminins et espaces masculins. Dès lors, habiter un foyer n’a plus le même sens selon qu’on est maître ou serviteur, homme ou femme, rémunéré ou hébergé gracieusement.</p>