<p><q><i>&nbsp;La maison est notre coin du monde. Elle est [&hellip;] notre premier univers. Elle est vraiment un cosmos. Un cosmos dans toute l&rsquo;acceptation du terme. Vue intimement, la plus humble demeure n&rsquo;est-elle pas belle<a href="#nbp1" name="liennbp1">1</a><i> ? </i></i></q></p> <p>Au cours d&rsquo;un entretien &agrave; propos de son premier r&eacute;cit, <em>The House on Mango Street</em><a href="#nbp2" name="liennbp2">2</a> (1984) qui lui fait une place dans le canon litt&eacute;raire am&eacute;ricain, Sandra Cisneros avoue qu&rsquo;elle ne se reconna&icirc;t pas dans les espaces domestiques id&eacute;alis&eacute;s de Gaston Bachelard qu&rsquo;elle &eacute;tudie lors d&rsquo;un s&eacute;minaire sur la m&eacute;taphore de la maison dans <em>La Po&eacute;tique de l&rsquo;espace</em>. Dans ce texte r&eacute;dig&eacute; en 1958, Bachelard propose une approche ph&eacute;nom&eacute;nologique de la maison en tant qu&rsquo;espace v&eacute;cu, et comme des &laquo;&nbsp;espaces heureux&nbsp;&raquo; propices &agrave; la r&ecirc;verie qui procurent une protection et une stabilit&eacute; &agrave; ceux qui les habitent. Pour l&rsquo;&eacute;crivaine, cette confrontation est r&eacute;v&eacute;latrice, car elle se rend compte de sa diff&eacute;rence de classe sociale et de genre par rapport &agrave; la conception bachelardienne de la maison<a href="#nbp3" name="liennbp3">3</a>. En tant que fille d&rsquo;un immigr&eacute; mexicain et d&rsquo;une m&egrave;re mexico-am&eacute;ricaine, qui a v&eacute;cu la pauvret&eacute; et de nombreux d&eacute;m&eacute;nagements &agrave; Chicago, la conception positiviste de la maison de la campagne europ&eacute;enne &agrave; la mani&egrave;re de Bachelard para&icirc;t bien loin du quotidien de Cisneros. Si l&rsquo;auteure a v&eacute;cu dans des quartiers hispaniques difficiles<a href="#nbp4" id="footnoteref4_6b56g5w" name="liennbp4" title="Julian Olivares, « Sandra Cisneros’ The House on Mango Street and The Poetics of Space », dans María Herrera-Sobek et Helena-María Villamontes, Chicana Creativity and Criticism : New Frontiers in American Literature, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1996, p. 233.">4</a>, Bachelard, peut-on penser, n&rsquo;a jamais d&ucirc; subir ni les t&acirc;ches m&eacute;nag&egrave;res, ni l&rsquo;enferment associ&eacute;s &agrave; un genre, ni la discrimination ethnique.</p> <p>Comme le remarque Constante Gonz&aacute;lez Groba, Barchelard ignore les nombreuses implications entre espace et pouvoir&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il ne se demande jamais &agrave; qui appartient la maison ni qui r&egrave;gne dans le nid, il n&rsquo;adresse pas le probl&egrave;me de qui offre la stabilit&eacute;, la s&eacute;curit&eacute; et la protection, et en &eacute;change de quoi, ni ce qui arrive &agrave; l&rsquo;individu qui habite une maison qui n&rsquo;est pas un chez soi<a href="#nbp5" id="footnoteref5_5gy0hqr" name="liennbp5" title="« He never stops to ask who owns the house, or who truly holds rule over the nest ; he does not address the issue of who it is that offers stability, security, and protection, and in return for what, nor what happens to the individual in a house that is not a home. » (traduction de l’auteur). Constante González Groba, On their own premises: Southern Women Writers and the Homeplace, Valencia, Publications de la Universitat de València 2008, p. 287-288.">5</a> &raquo;. Contre cette th&eacute;orie qui r&eacute;duit l&rsquo;&eacute;crivaine citadine &agrave; un &laquo;&nbsp;&ecirc;tre dispers&eacute;<a href="#nbp6" id="footnoteref6_jjud8gd" name="liennbp6" title="Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, op. cit., p. 26.">6</a> &raquo;, sans chez soi, Sandra Cisneros entreprend dans son premier r&eacute;cit un travail pour mettre en sc&egrave;ne la notion de l&rsquo;habiter pour les h&eacute;ritiers des immigr&eacute;s mexicains aux &Eacute;tats-Unis, une notion qu&rsquo;elle explore plus finement encore dans son second roman semi-autobiographique <i>Caramelo</i> (2002).</p> <p>&Eacute;crit pendant dix ans, incorporant des voyages, des conversations, des investigations historiques et des t&eacute;moignages, <i>Caramelo</i> est un roman dense dont la particularit&eacute; r&eacute;side dans sa dimension transnationale de l&rsquo;habiter. Le roman pr&eacute;sente dans ses quatre-vingt-sept vignettes, la saga de la famille Reyes, situ&eacute;e entre les &Eacute;tats-Unis et le Mexique et traversant le XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle jusqu&rsquo;aux ann&eacute;es 1970<a href="#nbp7" id="footnoteref7_x59rcr3" name="liennbp7" title="Les « vignettes », qui sont centrales dans l’œuvre de Cisneros, est le terme général employé par les critiques pour designer des courtes nouvelles qui composent un recueil. Voir Crystel Pinçonnat, Endofiction ou fable de soi. Écriture en héritier de l’immigration, Paris Classiques Garnier, 2016, p. 116."> 7</a>. Avec une narration polyphonique qui incorpore les voix de la cadette am&eacute;ricaine, Celaya Reyes, le fant&ocirc;me de la grand-m&egrave;re mexicaine, Soledad, et la voix extra-di&eacute;g&eacute;tique de Sandra Cisneros dans diverses notes de bas de page, la trame de ce &laquo;&nbsp;texte nomade&nbsp;&raquo; approfondit ce que c&rsquo;est qu&rsquo;habiter dans la dispersion voire dans une culture d&rsquo;&eacute;changes et de rencontres<a href="#nbp8" id="footnoteref8_bc9tfen" name="liennbp8" title="Pour la notion de Caramelo comme « texte nomade » voir Ellen McCracken, « Postmodern Ethnicity in Sandra Cisneros’ Caramelo : Hybridity, Spectacle, and Memory in the Nomadic Text. » JAST n° 12, 2000, p. 3.">8</a>. Mais surtout, le roman nous invite &agrave; concevoir comment le d&eacute;placement, soit par le voyage soit par la migration, peut affecter les conceptions du quotidien et, par extension, celles de l&rsquo;habiter.</p> <p>Les recherches ant&eacute;rieures sur <i>Caramelo</i> portent principalement sur l&rsquo;originalit&eacute; linguistique de sa narration et sur son rapport avec l&rsquo;histoire et l&rsquo;identit&eacute; ethnique (mexicaine, am&eacute;ricaine et mexico-am&eacute;ricaine), r&eacute;v&eacute;lant son caract&egrave;re transnational et multiculturel. Bill Johnson Gonzalez note par exemple que le langage de Cisneros, qui incorpore divers registres tels que des mots en espagnol, de l&rsquo;argot et m&ecirc;me des traductions de l&rsquo;espagnol en anglais, vise &agrave; faire de la langue anglaise un chez soi plus accueillant pour la culture mexico-am&eacute;ricaine<a href="#nbp9" id="footnoteref9_kg5likj" name="liennbp9" title="Bill Johnson Gonzalez, « The Politics of Translation in Sandra Cisneros’s Caramelo », Differences-a Journal of Feminist Cultural Studies, vol. 17. 2016, p. 9.">9</a>. Similairement, Ellen McCracken analyse les notes au bas de page qui font appel &agrave; l&rsquo;histoire et la culture populaire des deux pays, comme des performances paratextuelles qui rendent hommage aux cultures am&eacute;ricaines, mexicaines et mexico-am&eacute;ricaines qui marquent la conception de l&rsquo;habiter du texte<a href="#nbp10" id="footnoteref10_21apwt6" name="liennbp10" title="Ellen McCracken, Paratexts and Performance in the Novels of Junot Díaz and Sandra Cisneros, New York, Palgrave Macmillan, 2016.">10</a>.</p> <p>Plus pertinent pour la question de l&rsquo;habiter dans <i>Caramelo</i> est l&rsquo;&eacute;tude <i>Radical Chicana Poetics</i> de Ricardo Vivanco P&eacute;rez qui souligne la multiplication d&rsquo;espaces domestiques dans le roman<a href="#nbp11" id="footnoteref11_b5qs84f" name="liennbp11" title="Ricardo F. Vivancos Pérez, Radical Chicana Poetics, New York, Palgrave Macmillan, 2013.">11</a>. En effet, contrairement &agrave; <i>The House on Mango Street</i> qui se centre sur une maison physique et symbolique, <i>Caramelo</i> inclut quatre espaces domestiques principaux&nbsp;: aux &Eacute;tats-Unis, la protagoniste habite un premier appartement &agrave; Chicago que sa famille quitte pour s&rsquo;installer &agrave; la &laquo;&nbsp;maison de la rue El Dorado&nbsp;&raquo; &agrave; San Antonio au Texas, avant de retourner dans un autre appartement &agrave; Chicago&nbsp;; au Mexique, la famille Reyes visite annuellement &laquo;&nbsp;la maison de la rue de la Destin&eacute;e&nbsp;&raquo; de Soledad &agrave; Mexico qu&rsquo;elle quitte quand elle devient veuve. Selon Vivanco P&eacute;rez, la prolif&eacute;ration de tels espaces, en plus de ceux imagin&eacute;s par les personnages et leurs espaces symboliques dans la soci&eacute;t&eacute;, &eacute;tendent la distance ressentie par la romanci&egrave;re avec la notion de la maison telle que d&eacute;finie par Bachelard<a href="#nbp12" id="footnoteref12_0cwqwbw" name="liennbp12" title="Ibid., p. 151.">12</a>.</p> <p>Dans cet article nous continuerons l&rsquo;&eacute;tude sur l&rsquo;interconnexion des diff&eacute;rents espaces domestiques dans <i>Caramelo</i> mais en mettant l&rsquo;accent sur leurs &eacute;changes culturels. Comment des espaces familiers &eacute;clat&eacute;s peuvent-ils affecter la conception de l&rsquo;habiter&nbsp;? Peut-on habiter et &ecirc;tre habitant de plusieurs endroits&nbsp;simultan&eacute;ment&nbsp;? Quelles sont les terminologies ad&eacute;quates pour parler d&rsquo;un habiter transnational&nbsp;? Comment se pr&eacute;sente dans la litt&eacute;rature ce type d&rsquo;habiter&nbsp;? Une pr&eacute;sentation contextuelle et th&eacute;orique semble tout d&rsquo;abord n&eacute;cessaire afin d&rsquo;&eacute;tudier les descriptions d&rsquo;espaces domestiques du roman. Puis nous proposerons une lecture du roman qui vise &agrave; trouver les connexions entre la maison &agrave; Mexico et celle &agrave; San Antonio. Au bout de ce chemin, nous esp&eacute;rons offrir l&rsquo;occasion de repenser la mani&egrave;re dont l&rsquo;habiter est d&eacute;fini, par qui et dans quels termes.</p> <h2><b>Sandra Cisneros, &eacute;crivaine de l&rsquo;habiter</b></h2> <p>Bien plus qu&rsquo;un cas isol&eacute;, <i>Caramelo</i> fait partie d&rsquo;une suite d&rsquo;&eacute;crits et d&rsquo;exp&eacute;riences que Sandra Cisneros m&egrave;ne autour du motif &agrave; la fois artistique et politique de la maison. D&egrave;s son premier roman, comme nous l&rsquo;avons mentionn&eacute;, la maison de Cisneros sert de contre-lecture &agrave; <i>La Po&eacute;tique de l&rsquo;espace </i>de Bachelard&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment ce que j&rsquo;ai choisi d&rsquo;&eacute;crire&nbsp;: sur des appartements au deuxi&egrave;me &eacute;tage, et la peur des rats, et des maris ivrognes jetant des pierres aux fen&ecirc;tres, tout ce qui s&rsquo;&eacute;loignait le plus possible du po&eacute;tique<a href="#nbp13" id="footnoteref13_alxqh7j" name="liennbp13" title="« That's precisely what I chose to write: about third-floor flats, and fear of rats, and drunk husbands sending rocks through windows, anything as far from the poetic as possible. And this is when I discovered the voice I'd been suppressing all along without realizing it. » (traduction de l’auteur). Cité dans Julian Olivares, « Sandra Cisneros’ The House on Mango Street and The Poetics of Space », dans María Herrera-Sobek et Helena-María Villamontes, Chicana Creativity and Criticism : New Frontiers in American Literature, op. cit., p. 233.">13</a> &raquo;. Ainsi, Cisneros transforme, par le biais de l&rsquo;&eacute;criture, des avatars des maisons atypiques de son enfance, en texte, comme dans cet extrait sur la maison de la rue Mango&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Mais la maison de la rue Mango n&rsquo;est pas du tout comme on dit. Elle est petite et rouge avec des marches serr&eacute;es devant et des fen&ecirc;tres si petites qu&rsquo;on dirait qu&rsquo;elles retiennent leur souffle. Les briques s&rsquo;effritent en morceaux, et la porte principale est si gonfl&eacute;e qu&rsquo;on doit pousser fort pour y entrer. Il n&rsquo;y a pas de jardin devant la maison, on a seulement quatre petits ormes que la ville a plant&eacute;s au bord du trottoir. Derri&egrave;re se trouve un petit garage pour la voiture que nous ne poss&eacute;dons pas encore et une petite cour qui semble plus petite entre les deux b&acirc;timents qui l&rsquo;entourent. Il y a des marches dans notre maison, mais elles sont des marches ordinaires de hall, et la maison n&rsquo;a qu&rsquo;une salle de bain. Tout le monde doit partager une chambre &ndash; Maman et Papa, Carlos et Kiki, moi et Nenny<a href="#nbp14" id="footnoteref14_4hslhrt" name="liennbp14" title="« But the house on Mango Street is not the way they told it at all. It's small and red with tight steps in front and windows so small you'd think they were holding their breath. Bricks are crumbling in places, and the front door is so swollen you have to push hard to get in. There is no front yard, only four little elms the city planted by the curb. Out back is a small garage for the car we don't own yet and a small yard that looks smaller between the two buildings on either side. There are stairs in our house, but they're ordinary hallway stairs, and the house has only one washroom. Everybody has to share a bedroom – Mama and Papa, Carlos and Kiki, me and Nenny. » (traduction de l’auteur). Sandra Cisneros, The House on Mango Street, Houston, Arte Público Press, 1984, p. 4.">14</a>. </q></p> <p>Consciente des repr&eacute;sentations ethnocentr&eacute;es et androcentriques de la maison dans la philosophie occidentale, Cisneros propose dans <i>The House on Mango Street</i> une d&eacute;-centralisation des espaces domestiques en tant qu&rsquo;univers &laquo;&nbsp;heureux&nbsp;&raquo;, stable, marquant l&rsquo;appartenance. La maison de la rue Mango d&eacute;fie ainsi la vision &laquo;&nbsp;typiquement masculine, blanche, propre &agrave; un milieu privil&eacute;gi&eacute;<a href="#nbp15" id="footnoteref15_58p02gq" name="liennbp15" title="Sandra Cisneros, « Do You Know Me ? I Wrote The House on Mango Street » The Americas Review, 1987, n° 15, p. 78.">15</a> &raquo; de l&rsquo;habiter, et propose une maison Autre dont l&rsquo;existence est inintelligible&nbsp;; comme la narratrice Esperanza le fait remarquer, c&rsquo;est une maison &laquo;&nbsp;&agrave; laquelle j&rsquo;appartiens mais qui ne m&rsquo;appartient pas<a href="#nbp16" id="footnoteref16_zy23g7q" name="liennbp16" title="« […] Mango Street, sad red house, the house I belong but don’t belong to » (traduction de l’auteur). Sandra Cisneros, The House on Mango Street, Houston, Arte Público Press, 1984, p. 108.">16</a> &raquo;.</p> <p>Son entreprise litt&eacute;raire autour d&rsquo;une r&eacute;flexion sur les maisons atypiques continue dans son recueil de nouvelles <i>Woman Hollering Creek and Other Stories</i>&nbsp;(1991), non traduit en fran&ccedil;ais, qui se centre sur des personnages f&eacute;minins dans des espaces domestiques &agrave; la fronti&egrave;re entre les &Eacute;tats-Unis et le Mexique<a href="#nbp17" id="footnoteref17_smrgm1m" name="liennbp17" title="Ada Savin, « Le dialogisme poétique de Sandra Cisneros ». Revue Française d’Études Américaines, vol. 66, 1995, p. 581.">17</a>. Apr&egrave;s la publication de <i>Caramelo</i>, elle poursuit cette r&eacute;flexion avec le recueil de nouvelles autobiographiques et d&rsquo;extraits d&rsquo;entretiens, <i>House of My Own&nbsp;: Stories of My Life</i> (2015), qui appelle d&egrave;s son titre &agrave; une lecture woolfienne de la maison comme un espace lib&eacute;ratoire f&eacute;ministe. Ce texte manifeste aussi l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de Cisneros &agrave; traiter de l&rsquo;habiter en le liant &agrave; la fois &agrave; son manque de maison stable &agrave; Chicago et &agrave; la maison de ses grands-parents au Mexique qu&rsquo;elle visitait fr&eacute;quemment&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Quand j&rsquo;&eacute;tais petite nous voyagions &agrave; Mexico si souvent que je pensais que la maison de mes grands-parents &agrave; la rue Fortuna, num&eacute;ro 12, &eacute;tait ma maison. C&rsquo;&eacute;tait l&rsquo;unique constante dans nos all&eacute;es et venues nomades d&rsquo;un appartement &agrave; l&rsquo;autre &agrave; Chicago. La maison de la rue &laquo;&nbsp;de la Destin&eacute;e&nbsp;&raquo;, num&eacute;ro 12, au quartier Tepeyac serait peut &ecirc;tre l&rsquo;unique maison que j&rsquo;ai connue et cette nostalgie pour une maison sera une th&eacute;matique qui m&rsquo;obs&eacute;dera<a href="#nbp18" id="footnoteref18_8dm9igy" name="liennbp18" title="« When I was a little girl we traveled to Mexico City so much I thought my grandparents’ house on La Fortuna, Number 12, was home. It was the only constant in our nomadic ramblings from one Chicago flat to another. The house on Destiny Street, Number 12, in the colonia Tepeyac, would be perhaps the only home I knew, and that nostalgia for a home would be a theme that would obsess me » (traduction de l’auteur). Sandra Cisneros, A House of My Own: Stories from My Life, New York, Afred Knopf, 2015, p. 18.">18</a>. </q></p> <p>Alors que les maisons du pass&eacute; de l&rsquo;enfance de Cisneros se transposent dans son &oelig;uvre, la th&eacute;matique de l&rsquo;habiter affecte &eacute;galement sa vie personnelle. En 1997, la premi&egrave;re maison qu&rsquo;elle ach&egrave;te avec son travail d&rsquo;&eacute;crivaine, s&rsquo;est retrouv&eacute;e au c&oelig;ur de la pol&eacute;mique lorsqu&rsquo;elle d&eacute;cide de la peindre dans un mauve satur&eacute;. Cette maison se situait &agrave; moins de deux kilom&egrave;tres du monument texan de l&rsquo;Alamo, qui comm&eacute;more la r&eacute;volution texane de 1836. Des demandes officielles ont exig&eacute; que Cisneros repeigne sa maison dans une couleur semblable aux maisons dites historiques qui se sont construites &agrave; partir de la seconde moiti&eacute; du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle suite &agrave; la d&eacute;possession des terres mexicaines au profit de propri&eacute;taires anglo-am&eacute;ricains<a href="#nbp19" id="footnoteref19_03nfqiu" name="liennbp19" title="Mara Salvucci 2007 « “Like the Strands of a Rebozo”: Sandra Cisneros, Caramelo and Chicano Identity », RSA Journal, vol. 17, 2007, p. 163.">19</a>. Refusant de le faire, l&rsquo;&eacute;crivaine affirma que sa d&eacute;cision ne concernait plus son domicile mais l&rsquo;histoire m&ecirc;me, soulignant la dimension historique de l&rsquo;habiter<a href="#nbp20" id="footnoteref20_g2x5hf8" name="liennbp20" title="Ibid., p. 164.">20</a>. Dix-sept ans apr&egrave;s cette controverse, Cisneros d&eacute;m&eacute;nage &agrave; San Miguel Allende au Mexique, pays qu&rsquo;elle d&eacute;crit dans un entretien en espagnol comme l&rsquo;endroit o&ugrave; elle se sent le plus &laquo;&nbsp;chez soi&nbsp;&raquo;, tandis qu&rsquo;elle explique se sentir aux &Eacute;tats-Unis paradoxalement &laquo;&nbsp;toujours comme une &eacute;trang&egrave;re&nbsp;[&hellip;] un peu mal &agrave; l&rsquo;aise comme si ce n&rsquo;&eacute;tait pas chez moi<a href="#nbp21" id="footnoteref21_8lg223i" name="liennbp21" title="[À propos de son déménagement au Mexique] « Bueno la verdad porqué me sentí más en mi casa, me sentí más segura, me sentí más felíz y más conectada a mi comunidad… y yo necesitaba eso después de vivir tantos años en los Estados Unidos, dónde siempre me siento como una extranjera… Siempre me he sentido así, aún cuando niña, me sentí un poco incómoda, como si este no era mi hogar… » (traduction de l’auteur). Sandra Cisneros, entretien avec Jorge Ramos. « Sandra Cisneros dice que ve a Enrique Peña Nieto como un actor » dans Univisión Noticias [En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=r8qELDKV2CM (consulté le 6 octobre 2018).">21</a> &raquo;. Dans ce nouveau pays, elle continue sa mosa&iuml;que litt&eacute;raire de la maison. Sa derni&egrave;re nouvelle bilingue anglais-espagnol <i>Puro Amor</i> (2018) raconte des sc&egrave;nes dans la Maison Bleue de Diego Rivera et Frida Kahlo. Ainsi, l&rsquo;&oelig;uvre et la vie de Sandra Cisneros autour de l&rsquo;habiter prolonge et active la figure centrale du voyage au Mexique que l&rsquo;on trouve dans <i>Caramelo</i>.</p> <h2><b>L&rsquo;habiter transnational et les enjeux de la maison dans <i>Caramelo</i> </b></h2> <p>Les divers espaces domestiques qui figurent dans <i>Caramelo</i> montrent la complexit&eacute; de d&eacute;finir l&rsquo;habiter, comme l&rsquo;illustre nettement un passage o&ugrave; le p&egrave;re de la protagoniste, boulevers&eacute; par une dispute au travail, crie &agrave; sa famille qu&rsquo;ils vont rentrer&nbsp;<i>&agrave; la maison</i>&nbsp;: &laquo;&nbsp;&mdash; &Agrave; la&nbsp;maison. Je veux rentrer &agrave; la maison, dit Papa. &mdash; La maison&nbsp;? O&ugrave; c&rsquo;est &ccedil;a&nbsp;? Le Nord&nbsp;? Le Sud&nbsp;? Le Mexique&nbsp;? San Antonio&nbsp;? Chicago&nbsp;? O&ugrave; &ccedil;a, Papa<a href="#nbp22" id="footnoteref22_km1dgt6" name="liennbp22" title="Sandra Cisneros, Caramelo, traduction de Rémy Lambrechts, Paris, Plon, 2004, p. 388.">22</a> ?&nbsp;&raquo;. Si la question de Celaya rend son p&egrave;re et elle-m&ecirc;me confus, ce n&rsquo;est pas simplement parce que le p&egrave;re a effectivement v&eacute;cu entre les deux pays&nbsp;; c&rsquo;est aussi parce que Celaya est incapable de nommer l&rsquo;endroit o&ugrave; elle se sent chez elle. De plus, son inclusion du Mexique dans la liste de ses maisons, pays de son p&egrave;re qu&rsquo;elle visite annuellement mais jamais de fa&ccedil;on permanente, nous am&egrave;ne &agrave; nous demander pourquoi elle imagine d&rsquo;y &laquo;&nbsp;rentrer&nbsp;&raquo;. Cette question expose ainsi des probl&egrave;mes ancr&eacute;s sur la d&eacute;finition et la terminologie de l&rsquo;habiter, et en particulier, pour un enfant d&rsquo;immigr&eacute;.</p> <p>Il faut souligner que dans le texte original, Sandra Cisneros utilise les deux termes anglais <i>house</i> et <i>home</i> traduit dans la version fran&ccedil;aise par le seul mot &laquo;&nbsp;maison&nbsp;&raquo;. Selon Thomas Barrie, ces deux termes anglais sont souvent distingu&eacute;s dans le langage commun par rapport &agrave; leur sens&nbsp;: <i>house</i> s&rsquo;approche du sens prosa&iuml;que (o&ugrave; j&rsquo;habite) tandis que <i>home</i> du sens po&eacute;tique (comment j&rsquo;habite<a href="#nbp23" id="footnoteref23_g90g1er" name="liennbp23" title="Thomas Barrie, House and Home: Cultural Contexts, Ontological Roles, New York, Routledge, 2017 p. 19.">23</a>). Il donne quelques exemples de leur distinction comme celle de l&rsquo;architecte Joseph Rykwert qui distingue le terme <i>house</i> plut&ocirc;t comme &laquo;&nbsp;un abri&nbsp;&raquo; tandis que <i>home</i> n&rsquo;implique pas une construction<a href="#nbp24" id="footnoteref24_foild3h" name="liennbp24" title="Ibid., p. 21.">24</a>. En d&eacute;pit de ces distinctions, Barrie signale que la prolif&eacute;ration de nomenclatures et d&rsquo;exemples de maisons &agrave; travers le temps sugg&egrave;re que ces concepts sont des artefacts culturels puissants qui jouent des r&ocirc;les diff&eacute;rents dans l&rsquo;histoire de l&rsquo;habitation humaine<a href="#nbp25" id="footnoteref25_m63phqs" name="liennbp25" title="Ibid., p. 25.">25</a>. Les termes associ&eacute;s &agrave; la maison restent donc arbitraires, propres &agrave; une culture donn&eacute;e, et peuvent exprimer des h&eacute;g&eacute;monies culturelles, des concepts de soi, de famille, ou m&ecirc;me, comme Sandra Cisneros l&rsquo;indique dans l&rsquo;entretien, des indications sur la classe sociale et le genre.</p> <p>Devant cette polys&eacute;mie associ&eacute;e au terme &laquo;&nbsp;maison&nbsp;&raquo;, nous croyons n&eacute;cessaire pour &eacute;tudier les maisons d&rsquo;un roman aussi transnational que <i>Caramelo</i>, d&rsquo;&eacute;voquer quelques th&eacute;ories de l&rsquo;habiter centr&eacute;es sur des cas extra-europ&eacute;ens. Dans une &eacute;tude sur diff&eacute;rentes transformations culturelles des soci&eacute;t&eacute;s postcoloniales, Bill Ashcroft (2001) d&eacute;finit &laquo;&nbsp;l&rsquo;habitation&nbsp;&raquo; comme une strat&eacute;gie qui pose des probl&egrave;mes li&eacute;s &agrave; l&rsquo;universalit&eacute; des repr&eacute;sentations occidentales de lieu<a href="#nbp26" id="footnoteref26_cqbkkhy" name="liennbp26" title="Bill Aschcroft, Post-Colonial Transformation, New York, Routledge, 2001, p. 157.">26</a>. Il propose ainsi une d&eacute;finition de l&rsquo;habitation comme &laquo;&nbsp;une fa&ccedil;on d&rsquo;&ecirc;tre dans un lieu, une fa&ccedil;on d&rsquo;&ecirc;tre qui en soi d&eacute;finit et transforme le lieu&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il assimile &agrave; &laquo;&nbsp;une vaste toile d&rsquo;actes imbriqu&eacute;s dans lesquels les enjeux de l&rsquo;h&eacute;ritage, l&rsquo;identit&eacute; ethnique, l&rsquo;appartenance, l&rsquo;histoire, la race, et la terre s&rsquo;entrelacent<a href="#nbp27" id="footnoteref27_grwjutw" name="liennbp27" title="« Habitation is a strategy which addresses the problem of the current universality of Western representations of place. It describes a way of being in place, a way of being which itself defines and transforms place. […] This “practice” of inhabiting is in fact a dense fabric of interwoven acts in which the issues of inheritance, ethnic identity, belonging, history, race, land are all intertwined. » (traduction de l’auteur). Ibid., p. 158. ">27</a> &raquo;. Cette conception de l&rsquo;habiter se rapproche donc d&rsquo;une performance qui permet aux sujets postcoloniaux ou immigrants de transformer la pression culturelle ext&eacute;rieure qui les restreint.</p> <p>La d&eacute;finition de l&rsquo;habitation d&rsquo;Ashcroft peut s&rsquo;approfondir avec les th&eacute;ories spatiales de Michel de Certeau qui, dans <i>L&rsquo;Invention du quotidien</i> <i>1&nbsp;: Arts de faire</i> (1980), fait une distinction entre les termes &laquo;&nbsp;lieu&nbsp;&raquo;&nbsp;et &laquo;&nbsp;espace&nbsp;&raquo;. Pour Certeau, un lieu est &laquo;&nbsp;un ordre selon lequel des &eacute;l&eacute;ments sont distribu&eacute;s dans des rapports de coexistence<a href="#nbp28" id="footnoteref28_o1eruau" name="liennbp28" title="Michel de Certeau, L'Invention du quotidien, Paris, Gallimard, 1990, p. 173.">28</a> &raquo; tandis que l&rsquo;espace est un &laquo;&nbsp;lieu pratiqu&eacute;&nbsp;&raquo; qui int&egrave;gre &laquo;&nbsp;l&rsquo;effet produit par les op&eacute;rations qui l&rsquo;orientent, le circonstancient, le temporalisent et l&rsquo;am&egrave;nent &agrave; fonctionner en unit&eacute;s polyvalentes de programmes conflictuels ou de proximit&eacute;s contractuelles<a href="#nbp29" id="footnoteref29_a9kutmb" name="liennbp29" title="Ibidem.">29</a> &raquo;.</p> <p>Sous ces deux optiques, la question de Celaya &laquo;&nbsp;la maison, o&ugrave; c&rsquo;est &ccedil;a&nbsp;?&nbsp;&raquo; est donc polyvalente car elle peut s&rsquo;adresser &agrave; un lieu comme &agrave; un espace, comme l&rsquo;atteste la r&eacute;ponse du p&egrave;re qui pr&eacute;cise que sa maison est tout simplement d&eacute;finie par des op&eacute;rations familiales&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tout ce que je veux, ce sont mes enfants [...] c&rsquo;est le seul pays dont j&rsquo;aie besoin<a href="#nbp30" id="footnoteref30_zfqpqmb" name="liennbp30" title="Sandra Cisneros, Caramelo, op. cit., p. 388.">30</a> &raquo;.&nbsp;N&eacute;anmoins, la difficult&eacute; de Celaya &agrave; identifier sa propre maison nous invite aussi &agrave; interroger la fa&ccedil;on dont un sujet peut se sentir hors d&rsquo;un chez soi.</p> <p>Dans son essai in&eacute;dit en fran&ccedil;ais &laquo;&nbsp;The World and the Home&nbsp;&raquo;, Homi Bhabha (1992) pr&eacute;sente le concept de l&rsquo;<i>unhomely</i>, ou le &laquo;&nbsp;non-domicil&eacute;&nbsp;&raquo;, pour d&eacute;crire le sentiment de ne pas ressentir d&rsquo;appartenance &agrave; un espace ou de ne pas avoir un chez soi (<em>home</em><a href="#nbp31" id="footnoteref31_po7909c" name="liennbp31" title="Homi Bhabha « The World and the Home », Social Text, vol. 10, n° 2, 1992. Pour la traduction du terme unhomely, voir Nicole Lapirerre, Pensons ailleurs, Paris, Stock, 2014.">31</a>). Il explique en utilisant des mod&egrave;les de la litt&eacute;rature postcoloniale et afro-am&eacute;ricaine que, contrairement au sujet sans ou avec domicile, le sujet <i>unhomely</i> traverse un &eacute;tat dans lequel ses fronti&egrave;res entre l&rsquo;espace priv&eacute; et public deviennent floues, en cr&eacute;ant une exp&eacute;rience de l&rsquo;habiter sans cesse fragment&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans ce d&eacute;placement, les fronti&egrave;res entre le chez soi et le monde deviennent floues, et &eacute;trangement, le priv&eacute; et le public se fusionnent, en imposant sur nous une vision qui est autant divis&eacute;e que d&eacute;stabilisante<a href="#nbp32" id="footnoteref32_rtsj763" name="liennbp32" title="« In that displacement the border between home and world becomes confused ; and, uncannily, the private and the public become part of each other, forcing upon us a vision that is as divided as it is disorienting » (traduction de l’auteur). Ibid., p. 141.">32</a> &raquo;.</p> <p>&nbsp;Ce sentiment d&eacute;stabilisateur pourrait donc expliquer l&rsquo;incapacit&eacute; de Celaya de nommer sa maison&nbsp;: dans toutes les maisons qu&rsquo;elle mentionne, elle se sent &eacute;trang&egrave;re, ou, comme son p&egrave;re d&eacute;crit la ville de San Antonio, elle se trouve &laquo;&nbsp;&agrave; mi-chemin entre ici et l&agrave;-bas, au milieu de nulle part<a href="#nbp33" id="footnoteref33_l4mxozk" name="liennbp33" title="Sandra Cisneros, Caramelo, op. cit., p. 387.">33</a> &raquo;. Mais dans cette terre frontali&egrave;re, Celaya en tant qu&rsquo;&eacute;trang&egrave;re peut contempler les lieux et les espaces de ses habitants, en offrant des r&eacute;flexions sur les diff&eacute;rentes maisons qui forment son h&eacute;ritage.</p> <h2><b>La maison de la rue de la Destin&eacute;e et l&rsquo;espace mexicain</b></h2> <p>La r&eacute;flexion de l&rsquo;habiter dans <i>Caramelo</i> d&eacute;bute, ironiquement, hors de la maison de Celaya &agrave; Chicago, &agrave; l&rsquo;occasion d&rsquo;un long voyage familial dans la maison des grands-parents &agrave; Mexico. Inscrit dans l&rsquo;esprit d&rsquo;un <i>road film</i> am&eacute;ricain, le r&eacute;cit file vers une destination mythique, &laquo;&nbsp;la maison de la rue de la Destin&eacute;e&nbsp;&raquo;, maison portant un nom qui fait allusion au mot espagnol &laquo;&nbsp;<i>destino</i>&nbsp;&raquo; qui signifie &agrave; la fois &laquo;&nbsp;destination&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;destin&eacute;e&nbsp;&raquo;. Pour Celaya, alors enfant, ce voyage est une occasion d&rsquo;observer de nouveaux types d&rsquo;habiter diff&eacute;rents de son quotidien urbain &agrave; Chicago qui, dans les premiers passages du roman, est associ&eacute; uniquement &agrave; des espaces marqu&eacute;s par la migration et le consum&eacute;risme comme le march&eacute; aux puces de la rue Maxwell et l&rsquo;&eacute;glise &laquo;&nbsp;Saint-Fran&ccedil;ois-des-Mexicains<a href="#nbp34" id="footnoteref34_ydncgc8" name="liennbp34" title="Ibid., p. 24.">34</a> &raquo;. Les premi&egrave;res descriptions du Mexique vues depuis sa voiture projettent, en revanche, des s&eacute;ries d&rsquo;images essentiellement diff&eacute;rentes de son quotidien am&eacute;ricain&nbsp;:</p> <p><q>&Eacute;glises de la couleur d&rsquo;un <i>flan</i>. Marchands des rues vendant des tranches de <i>j&iacute;camas</i> avec du <i>chile</i>, du jus de citron et du sel [&hellip;] Petites filles en robe du dimanche comme des cloches en dentelle, comme des parapluies, comme des parachutes, plus il y a de dentelles et de froufrous, mieux &ccedil;a vaut. Maisons peintes en mauve, en bleu &eacute;lectrique, en orange tigre, en bleu vert, en jaune taxi, en rouge hibiscus avec une cl&ocirc;ture jaune et verte. Au-dessus des entr&eacute;es, de couronnes fan&eacute;es remontant &agrave; un anniversaire ou une mort jusqu&rsquo;&agrave; ce que le vent et la pluie aient raison d&rsquo;elles<a href="#nbp35" id="footnoteref35_xc0ggfe" name="liennbp35" title="Ibid., p. 31.">35</a>.</q></p> <p>Description enfantine et synesth&eacute;sique, les lieux mexicains s&rsquo;associent directement &agrave; des couleurs et saveurs exotiques ainsi qu&rsquo;&agrave; des rituels tels que la vente ambulante de fruits locaux ou des images de filles en chemin vers l&rsquo;&eacute;glise. Quoique la description de Celaya se focalise sur des images mexicaines, il convient de noter que son &eacute;vocation de la couleur &laquo;&nbsp;jaune taxi&nbsp;&raquo; ou sa confusion &agrave; savoir si les couronnes de fleurs sont pour un anniversaire ou un enterrement d&eacute;notent le regard am&eacute;ricain de la narratrice, car les taxis mexicains sont traditionnellement verts et les couronnes de fleurs destin&eacute;es aux fun&eacute;railles. Ainsi, le lecteur suit le voyage d&rsquo;un sujet qui entre dans un habiter &eacute;tranger.</p> <p>L&rsquo;&eacute;tranget&eacute; avec le Mexique augmente lorsque Celaya arrive chez ses grands-parents. Ce lieu est d&eacute;crit pourtant avec tr&egrave;s peu de d&eacute;tails physiques. Dans ce premier voyage nous ne parvenons qu&rsquo;&agrave; savoir que la maison de la rue de la Destin&eacute;e poss&egrave;de des grilles en fer vertes, une grande salle &agrave; manger dont le plafond s&rsquo;&eacute;croulera aux pages suivantes et une salle de bain rose. Cette description s&rsquo;enrichit l&eacute;g&egrave;rement lors d&rsquo;un voyage qu&rsquo;elle fait, une fois adulte, o&ugrave; elle mentionne la nouvelle couleur de la maison qu&rsquo;elle trouve d&eacute;sormais laide et &eacute;loign&eacute;e de ses souvenirs d&rsquo;enfance. Malgr&eacute; l&rsquo;absence d&rsquo;une description physique d&eacute;taill&eacute;e, quelques objets intimes sont abord&eacute;s comme des disques de musique mexicaine de sa cousine, des oreillers brod&eacute;s avec des adages mexicains, et surtout les objets gard&eacute;s dans la chambre des grands-parents. Ce lieu interdit livre &agrave; Celaya des images qui rendent compte d&rsquo;un habiter aussi fascinant que les paysages mexicains&nbsp;:</p> <p><q>Tout l&rsquo;immobilier de la chambre est sombre et lugubre. Sur la haute coiffeuse un Santo Ni&ntilde;o de Atocha me d&eacute;visage, ses yeux angoissants me suivant dans mes d&eacute;placements. <i>Ne touche pas</i>, semble-t-il me dire. Sous une cloche en verre, une jolie pendule dor&eacute;e avec des roses tictaquant. Au-dessus du lit, une croix du dimanche des Rameaux, la Virgen de Guadalupe, et un rosaire sur le mur. Des napperons au crochet partout, m&ecirc;me sur le gros poste de t&eacute;l&eacute;vision aux portes de placard. Une bo&icirc;te &agrave; musique qui joue une valse triste<a href="#nbp36" id="footnoteref36_nu724nd" name="liennbp36" title="Ibid., p. 55.">36</a>&hellip;</q></p> <p>La personnification des objets d&eacute;corant cette chambre propose ainsi une description de la maison de la rue de la Destin&eacute;e qui &eacute;voque les traditions et les rituels religieux de la famille. Cette description s&rsquo;approfondit &eacute;galement quand le grand-p&egrave;re montre &agrave; Celaya les objets cach&eacute;s dans l&rsquo;armoire qui comprennent un mouchoir de son arri&egrave;re-grand-m&egrave;re, une photographie de son grand-p&egrave;re jeune et le ch&acirc;le mexicain, le <i>rebozo</i><a href="#nbp37" id="footnoteref37_g7b3t1s" name="liennbp37" title="Ibid., p. 108. Le rebozo est un long châle mexicain qui selon la chronologie de la fin du roman, a été mentionné par écrit pour la première fois en 1572 (p. 443). Une note historique dans Caramelo, indique que ce vêtement a émergé durant la période coloniale mexicaine comme réaction à des lois de la couronne espagnole qui interdisaient aux femmes métisses de s’habiller comme des Amérindiennes. Manquant de moyens pour s’acheter des vêtements européens, elles fabriquent des tissus similaires sur les métiers indigènes, créant un châle marqué par le métissage culturel et qui devient un symbole de l’identité métisse mexicaine.">37</a><i> </i>de couleur caramel<i> </i>de sa grand-m&egrave;re, qui remonte &agrave; la R&eacute;volution mexicaine (1910-1920). En d&eacute;pit de leur caract&egrave;re mondain, tous ces objets portent une signification nouvelle pour Celaya car son appartement &agrave; Chicago se caract&eacute;risait notamment pour le manque d&rsquo;objets personnels. Sa maison am&eacute;ricaine &eacute;tait meubl&eacute;e avec &laquo;&nbsp;une collection d&eacute;pareill&eacute;e de meubles emprunt&eacute;s<a href="#nbp38" id="footnoteref38_wq6cqa3" name="liennbp38" title="Ibid., p. 27.">38</a> &raquo; provenant de l&rsquo;atelier de son p&egrave;re tapissier qui les gardait de ses r&eacute;parations. La maison de la rue de la Destin&eacute;e expose un nouveau type d&rsquo;habiter o&ugrave; les objets se rapportent &agrave; une histoire familiale et sont porteurs de caract&eacute;ristiques symboliques. La maison est submerg&eacute;e par ces objets qui appartiennent &agrave; une longue lign&eacute;e de g&eacute;n&eacute;rations de Reyes.</p> <p>En plus de ces objets charg&eacute;s de m&eacute;moire, la maison mexicaine abrite aussi un &eacute;ventail d&rsquo;espaces riches en actes culturels. L&rsquo;une des premi&egrave;res descriptions nous r&eacute;v&egrave;le, par exemple, que la maison sent une odeur de viande grill&eacute;e. Celaya se focalise ainsi &agrave; percevoir l&rsquo;habiter &agrave; travers ses activit&eacute;s, ses personnages et ses histoires imbriqu&eacute;es comme on peut l&rsquo;appr&eacute;cier dans une description de sieste&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;C&rsquo;est l&rsquo;heure de la sieste. La maison est enfin tranquille. Tous les appartements sont calmes, devant et derri&egrave;re, en haut et en bas, m&ecirc;me la cour. Le monde fait la sieste. D&egrave;s qu&rsquo;Oralia a d&eacute;barrass&eacute; la table du d&eacute;jeuner, la Grand-M&egrave;re se retire dans sa chambre. Porte ferm&eacute;e, cl&eacute; clic-cliquant deux fois derri&egrave;re elle. Tout le monde sait qu&rsquo;il vaut mieux ne pas frapper &agrave; cette porte<a href="#nbp39" id="footnoteref39_aexoz5r" name="liennbp39" title="Ibid., p. 52.">39</a>. </q></p> <p>Personnifi&eacute;e, la maison devient donc un espace de performances o&ugrave; l&rsquo;on apprend les rituels familiers qui se d&eacute;roulent en son sein. Des descriptions comme celle-ci abondent, comme par exemple dans les courtes nouvelles o&ugrave; Celaya raconte les traditions de surnoms mexicains, les jeux d&rsquo;enfants mexicains, les chansons et activit&eacute;s de l&rsquo;anniversaire de son p&egrave;re ou quand son grand-p&egrave;re lui apprend une l&eacute;gende azt&egrave;que. Tous ces riches passages procurent &agrave; Celaya de nouvelles formes d&rsquo;agir dans un lieu et nous sugg&egrave;rent donc que la description de la maison de Mexico privil&eacute;gie le concept de la maison en tant qu&rsquo;espace, un <i>home</i>, qui ne se focalise pas sur la construction physique de la demeure mais sur ce qu&rsquo;elle incorpore dans son usage, comme l&rsquo;avoue la narratrice dans une courte r&eacute;flexion en arrivant &agrave; Mexico&nbsp;: &laquo;&nbsp;Chaque ann&eacute;e quand je traverse la fronti&egrave;re, c&rsquo;est pareil &ndash; mon esprit oublie. Mais mon corps se souvient toujours<a href="#nbp40" id="footnoteref40_sy0uxx1" name="liennbp40" title="Ibid., p. 32.">40</a> &raquo;.</p> <h2><b>La maison de la rue El Dorado&nbsp;et les lieux mexico-am&eacute;ricains </b></h2> <p>En contraste avec la description de la rue de la Destin&eacute;e, le portrait de la maison de la rue El Dorado, la premi&egrave;re maison que ses parents ach&egrave;tent &agrave; San Antonio, se caract&eacute;rise par une qu&ecirc;te incessante pour &eacute;tablir une identit&eacute; de lieu qui int&egrave;gre les traditions du Mexique dans le quotidien am&eacute;ricain. Telle qu&ecirc;te, sans doute rappelant le mythe de l&rsquo;El Dorado introuvable, reste difficile &agrave; mettre en &oelig;uvre &agrave; cause de la distance g&eacute;ographique et culturelle entre ces deux civilisations, comme le &nbsp;montre l&rsquo;une des premi&egrave;res descriptions de Celaya&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Dans notre maison, aucune flamme de cierge votif ne tremblote jour et nuit sur les commodes des chambres. Ni statue potel&eacute;e de l&rsquo;Enfant J&eacute;sus habill&eacute; en Santo Ni&ntilde;o de Atocha, ni talismans, ni sandales us&eacute;es &agrave; force de courir la nuit pour r&eacute;pondre &agrave; des pri&egrave;res n&rsquo;ont jamais eu leur la place chez nous [&hellip;] Personne ne murmure de neuvaine et aucun d&icirc;ner n&rsquo;exige que nous disions le b&eacute;n&eacute;dicit&eacute;. On ne nous chasse pas la &laquo;&nbsp;peur&nbsp;&raquo; avec le balai. Personne ne nous gu&eacute;rit du mauvais &oelig;il avec un &oelig;uf<a href="#nbp41" id="footnoteref41_2ugkydi" name="liennbp41" title="Ibid., p. 320.">41</a>. </q></p> <p>Ici, l&rsquo;absence d&rsquo;artefacts et de rituels commun&eacute;ment associ&eacute;s aux syncr&eacute;tismes religieux mexicains qui enchantent la maison de la rue de la Destin&eacute;e, souligne le foss&eacute; entre la culture mexicaine et sa maison, qui se doit de respecter l&rsquo;id&eacute;ologie de sa m&egrave;re qui &laquo;&nbsp;a grandi dans la ferme suspicion de quiconque repr&eacute;sentait l&rsquo;&Eacute;glise, m&ecirc;me s&rsquo;il n&rsquo;&eacute;tait pas catholique<a href="#nbp42" id="footnoteref42_ys6ql9l" name="liennbp42" title="Ibid., p. 321.">42</a> &raquo;. Bien que priv&eacute;e d&rsquo;une culture religieuse, le personnage de Celaya montre ironiquement une vaste familiarit&eacute; avec des rituels mexicains tels que le recours &agrave; un &oelig;uf contre le mauvais &oelig;il ou le rem&egrave;de pour gu&eacute;rir le mal folklorique hispanique du <i>susto</i> (traduit en fran&ccedil;ais par &laquo;&nbsp;la peur&nbsp;&raquo;). Or, sa description peut &ecirc;tre con&ccedil;ue comme un portrait d&rsquo;une maison mexicaine d&eacute;munie de ses symboles et pratiques culturelles tout en sugg&eacute;rant un habiter am&eacute;ricain qui part d&rsquo;un r&eacute;f&eacute;rent mexicain. Dans ce sens, Celaya ressent dans sa maison le sentiment d&rsquo;<i>unhomeliness</i> car elle trouve sa maison am&eacute;ricaine fragment&eacute;e par la perte d&rsquo;actes mexicains dans son habiter.</p> <p>Si la maison familiale manque de symboles religieux mexicains, hormis un portrait de la vierge mexicaine Notre Dame de Guadalupe, impos&eacute; par la grand-m&egrave;re, la narratrice note des efforts pour int&eacute;grer le Mexique, comme la pr&eacute;sence d&rsquo;un calendrier mexicain de l&rsquo;ann&eacute;e 1965, d&eacute;j&agrave; pass&eacute;e dans le roman, qui rapproche sa maison d&rsquo;une maison dite mexicaine&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Sur la porte de la cuisine nous avons gard&eacute; un calendrier mexicain de 1965, un tableau qui s&rsquo;appelle <i>El rapto</i>. Un cheval blanc, un superbe <i>charro</i>, et, dans ses bras conqu&eacute;rants, une beaut&eacute; p&acirc;m&eacute;e, son <i>rebozo</i> en soie et son corsage d&eacute;couvrant une &eacute;paule sexy. Le cheval l&egrave;ve un sabot en l&rsquo;air, aussi fier qu&rsquo;une statue en bronze. <i>El rapto<a href="#nbp43" id="footnoteref43_5fhoq1m" name="liennbp43" title="Ibid., p. 321-322.">43</a>. </i></q></p> <p>Ce tableau qui d&eacute;peint une sc&egrave;ne sensuelle dans laquelle un <i>charro</i> &ndash; un cavalier mexicain &ndash; enl&egrave;ve une belle femme portant un <i>rebozo,</i> ancre donc la maison dans un espace qui renvoie aux images st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;es du Mexique. En effet, le tableau <i>El Rapto</i> [l&rsquo;enl&egrave;vement] fait allusion aux tableaux de Jes&uacute;s Helguera (1910-1970), peintre mexicain devenu c&eacute;l&egrave;bre pour son art dans des bo&icirc;tes de cigares et des calendriers avec des repr&eacute;sentations folkloriques et exotiques de la mexicanit&eacute;<a href="#nbp44" id="footnoteref44_h5f1eit" name="liennbp44" title="Ellen McCracken, Paratexts and Performance in the Novels of Junot Díaz and Sandra Cisneros, op. cit., p. 105.">44</a>. Le calendrier, pour Celaya, d&eacute;passe son utilit&eacute; d&rsquo;origine et sert comme un artefact d&rsquo;appartenance ethnique qui compense le manque d&rsquo;ic&ocirc;nes religieux mexicains dans la maison. Il est important de noter n&eacute;anmoins que dans la version anglaise, la narratrice inclut une r&eacute;flexion sur le titre en espagnol, <i>El Rapto&nbsp;</i>: &laquo;&nbsp;Je &nbsp;me demande si &ccedil;a veut dire &ldquo;The rape&rdquo; [<i>Le viol</i>]. Et je me demande si &ldquo;rapture&rdquo; [ravissement] et &ldquo;rape&rdquo; [viol] viennent du m&ecirc;me mot<a href="#nbp45" id="footnoteref45_w10dlxr" name="liennbp45" title="« I wonder if that means “The Rape”. And I wonder if “rapture” and “rape” come from the same word » (traduction de l’auteur). Sandra Cisneros, Caramelo, Or Puro Cuento, New York, Alfred Knopf, 2002, p. 313.">45</a>.&nbsp;&raquo; Quoique passag&egrave;re, cette r&eacute;flexion nous montre que la r&eacute;action de Celaya devant ce calendrier, per&ccedil;u comme un viol et non comme un enl&egrave;vement, de fa&ccedil;on similaire &agrave; celle qu&rsquo;elle avait ressenti au Mexique devant la couleur jaune ou les couronnes, trahit un regard am&eacute;ricain, et sugg&egrave;re ainsi une interpr&eacute;tation qui se d&eacute;tache du sens mexicain.</p> <p>L&rsquo;habiter &agrave; San Antonio pour Celaya ne consiste donc pas &agrave; prendre comme cadre de r&eacute;f&eacute;rence un espace anglo-am&eacute;ricain comme dans le cas d&rsquo;Esperanza &agrave; Chicago dans <i>The House on Mango Street</i>, mais plut&ocirc;t &agrave; produire un espace ressemblant &agrave; la maison de la rue de la Destin&eacute;e. Si le calendrier est un effort manqu&eacute; dans cette qu&ecirc;te, dans la description de la fa&ccedil;ade de la maison, la narratrice nous montre un v&eacute;ritable espace d&rsquo;hybridation culturelle o&ugrave; le Mexique entre dans la demeure am&eacute;ricaine&nbsp;:</p> <p><q><i>&nbsp;Rascuache</i>. C&rsquo;est le seul terme pour la qualifier. Un bricolage nul &agrave; chier. Notre maison est une de ces constructions boiteuses, d&eacute;labr&eacute;es, faites au petit bonheur la chance, comme si chaque pi&egrave;ce avait &eacute;t&eacute; rajout&eacute;e au fur et &agrave; mesure que la famille s&rsquo;agrandissait [&hellip;]. Du bois de charpente, de barreaux irr&eacute;guliers, et certaines parties en brique. Une maison comme les fouilles de Mexico. Une v&eacute;randa au rez-de-chauss&eacute;e et une &agrave; l&rsquo;&eacute;tage, avec des rambardes m&eacute;talliques d&eacute;pareill&eacute;es rouill&eacute;es, des stores en aluminium caboss&eacute;, des appuis de fen&ecirc;tre en fer, les d&eacute;corations de No&euml;l de l&rsquo;an dernier &ndash; un p&egrave;re No&euml;l et un renne en fil de fer &ndash; des plantes en pot avec des &eacute;clats de tuile ou de miroir sur les pots, un <i>nicho</i> pour la Virgen de San Juan [&hellip;] Notre maison semble sortie d&rsquo;Acapulco, comme celle de Catita, en fait. Lessiv&eacute;e, pourrie, rouill&eacute;e, tombant en ruine. Naufrag&eacute;s, c&rsquo;est &ccedil;a que nous sommes. Un &eacute;norme galion fait de bric et de broc &eacute;chou&eacute; sur terre<a href="#nbp46" id="footnoteref46_009h9rt" name="liennbp46" title="Sandra Cisneros, Caramelo, op.cit., p. 316.">46</a>. </q></p> <p>Bien que Celaya associe sa maison &agrave; &laquo;&nbsp;un galion fait de bric et de broc&nbsp;&raquo; tout en sugg&eacute;rant une migration rat&eacute;e du Mexique vers les &Eacute;tats-Unis, sa description par la notion de &laquo;&nbsp;<i>rascuache</i>&nbsp;&raquo; renvoie directement &agrave; une esth&eacute;tique mexicaine et mexico-am&eacute;ricaine du recyclage et de l&rsquo;ing&eacute;niosit&eacute; associ&eacute;e aux classes d&eacute;favoris&eacute;es. Litt&eacute;ralement &laquo;&nbsp;pouilleuse, minable, pauvre, induite par le mot-talisman connot&eacute; d&#39;indianit&eacute;<a href="#nbp47" id="footnoteref47_e3z288q" name="liennbp47" title="Alain Suberchicot La Communauté des poètes aux États-Unis, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 1998, p. 71.">47</a> &raquo; cette esth&eacute;tique se caract&eacute;rise pour son effacement des fronti&egrave;res entre le bricolage, les beaux-arts et l&rsquo;art folklorique, comme le d&eacute;finit l&rsquo;historien de l&rsquo;art mexico-am&eacute;ricain, Tom&aacute;s Ybarra-Faustro (1991)&nbsp;:</p> <p><q>&Ecirc;tre <i>rascuache</i>, c&rsquo;est poser une conscience coquine et audacieuse, chercher &agrave; renverser et changer les paradigmes dirigeants. C&rsquo;est une posture pleine d&#39;esprit, irr&eacute;v&eacute;rencieuse et impertinente qui recode et d&eacute;passe les fronti&egrave;res &eacute;tablies [...] Le <i>rascuachisme</i> est une perspective d&rsquo;outsider &ndash; une vue <i>de los de abajo </i>(les d&eacute;favoris&eacute;s), une attitude<a href="#nbp48" id="footnoteref48_h5knhlo" name="liennbp48" title="« To be rascuache is to posit a bawdy, spunky consciousness, to seek to subvert and turn ruling paradigms upside down. It is a witty, irreverent, and impertinent posture that recodes and moves outside established boundaries [...] rascuachismo is an underdog perspective –  a view from los de abajo, an attitude » (traduction de l’auteur). « Rasquachismo: A Chicano Sensibility », dans Richard Griswold del Castillo, Teresa McKenna et Yvonne Yarbro-Bejarano (eds.), Chicano Art: Resistance and Affirmation, 1965-1985, Los Angeles, Wight Art Gallery, 1991, p. 155. ">48</a>.</q></p> <p>Esth&eacute;tique de restructuration avec des objets familiers, le <i>rascuachisme</i> consiste ici &agrave; recoder des objets de diverses origines pour cr&eacute;er une maison qui, malgr&eacute; son malaise, rappelle &agrave; la narratrice une maison mexicaine d&rsquo;Acapulco. Cet habiter devient donc indirectement un lieu am&eacute;ricain qui h&eacute;berge un espace mexicain, c&#39;est-&agrave;-dire un endroit de coexistence et de m&eacute;tissage. Cette conception de l&rsquo;habiter se trouve &eacute;galement dans l&rsquo;histoire du <i>rebozo</i> de la grand-m&egrave;re que Celaya h&eacute;rite et d&eacute;cide de porter adulte comme un accessoire&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est une robe de cocktail, mais je l&rsquo;ai habill&eacute;e avec le caramelo <i>rebozo</i> de la Grand-m&egrave;re. C&rsquo;est OK, c&rsquo;&eacute;tait l&rsquo;id&eacute;e de la Grand-M&egrave;re<a href="#nbp49" id="footnoteref49_yohjd55" name="liennbp49" title="Sandra Cisneros, Caramelo, op. cit., p. 426.">49</a> &raquo;. Ce passage qui fait allusion au motif du fant&ocirc;me de la grand-m&egrave;re montre d&rsquo;une autre fa&ccedil;on comment la culture mexicaine traverse son quotidien am&eacute;ricain. Celaya int&egrave;gre ainsi de fa&ccedil;on <i>rascuache</i> une s&eacute;lection d&rsquo;espaces mexicains dans son lieu am&eacute;ricain, en renversant par cet acte les paradigmes dominants et totalisants de l&rsquo;habiter.</p> <p>Hors du r&eacute;cit, on peut aussi comparer cette esth&eacute;tique <i>rascuache</i> aux performances linguistiques et textuelles de Sandra Cisneros. Son langage emprunte souvent des expressions du pays de son p&egrave;re, en cr&eacute;ant une langue m&eacute;tiss&eacute;e et espi&egrave;gle qui tisse des liens entre les divers h&eacute;ritages de l&rsquo;&eacute;crivaine. Ce bricolage textuel s&rsquo;&eacute;tend &eacute;galement dans le travail paratextuel de Cisneros qui ins&egrave;re dans son roman des extraits de chansons telles que &laquo;&nbsp;Mar&iacute;a Bonita&nbsp;&raquo; du compositeur mexicain Agustin Lara qui ouvre le roman, et de nombreuses notes de bas de page qui enrichissent la lecture de son texte. On trouve deux notes qui capturent cette hybridit&eacute; narrative lors d&rsquo;un passage o&ugrave; la narratrice mentionne le march&eacute; aux puces de la rue Maxwell et o&ugrave; l&rsquo;&eacute;crivaine commente&nbsp;:</p> <p><q>* Le Maxwell Street d&rsquo;origine, un march&eacute; aux puces de Chicago pendant plus de cent vingt ans, s&rsquo;&eacute;tendait autour de l&rsquo;intersection de Maxwell et Halsted Streets. C&rsquo;&eacute;tait un endroit crasseux, merveilleux, plein de gens &eacute;tonnants, avec de la bonne musique et de marchandises de ne-demandez-pas-d&rsquo;o&ugrave;. D&eacute;vor&eacute; par la croissance de l&rsquo;universit&eacute; de l&rsquo;Illinois, il a &eacute;t&eacute; d&eacute;plac&eacute;, et le nouveau march&eacute; de Market Street n&rsquo;est plus dans l&rsquo;ombre de sa crasse et de sa splendeur d&rsquo;antan. Seul Jim&rsquo;s Original Hot Dogs, fond&eacute; en 1939, reste l&agrave; o&ugrave; il a toujours &eacute;t&eacute;, m&eacute;morial du pass&eacute; formidable de Maxwell Street.*</q></p> <p><q>* H&eacute;las&nbsp;! Tandis que j&rsquo;&eacute;tais occup&eacute;e &agrave; &eacute;crire ce livre, Jim&rsquo;s Original Hot Dogs a &eacute;t&eacute; aval&eacute; par l&rsquo;universit&eacute; de l&rsquo;Illinois et l&rsquo;embourgeoisement voulu par le maire Daley&nbsp;; parcs tir&eacute;s au cordeau et maisons proprettes pour les tr&egrave;s, tr&egrave;s riches, tandis que les pauvres, comme toujours, sont balay&eacute;s sous le tapis, hors de vue, hors des esprits<a href="#nbp50" id="footnoteref50_u063lsn" name="liennbp50" title="Ibid., p. 23.">50</a>.</q></p> <p>En construisant un texte visuellement h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne avec plusieurs digressions et des commentaires en notes de bas de page, <i>Caramelo</i> peut donc se concevoir comme un espace textuel similaire &agrave; celui qu&rsquo;essaie de construire Celaya pour son habiter.</p> <p><b>Conclusion</b></p> <p>Les diff&eacute;rentes maisons dans <i>Caramelo</i> suivent le long projet de Sandra Cisneros pour diversifier l&rsquo;image et la conception de l&rsquo;habiter dans la litt&eacute;rature am&eacute;ricaine. Alors que Bachelard pr&eacute;conisait, dans une Europe de l&rsquo;apr&egrave;s-guerre, que&nbsp;la vie &laquo;&nbsp;commence bien, [&hellip;] enferm&eacute;e, prot&eacute;g&eacute;e, toute ti&egrave;de dans le giron de la maison&nbsp;&raquo;, celle de Celaya commence dans un appartement pauvre &agrave; Chicago, bien &eacute;loign&eacute; de cette image chaleureuse<a href="#nbp51" id="footnoteref51_888q8qj" name="liennbp51" title="Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, op. cit., p. 26.">51</a>. Loin de son premier univers am&eacute;ricain, c&rsquo;est au Mexique qu&rsquo;elle trouve alors des espaces qui lui conf&egrave;rent un sentiment de chez soi et qu&rsquo;elle essayera ensuite d&rsquo;int&eacute;grer dans sa demeure am&eacute;ricaine pour en faire un espace habitable. Cette insistance sur la tension toujours renouvel&eacute;e entre les maisons du Mexique et celle des &Eacute;tats-Unis, t&eacute;moigne de l&rsquo;influence de la migration et du voyage dans sa conception de l&rsquo;habiter.</p> <p>Par son ouverture aux &eacute;changes culturels, aussi bien de ses personnages et de ses espaces v&eacute;cus que de son texte-m&ecirc;me, <i>Caramelo</i> se pr&ecirc;te donc admirablement au projet de d&eacute;construction des fronti&egrave;res qui a longtemps d&eacute;fini l&rsquo;habiter. En affirmant la possibilit&eacute; d&rsquo;avoir une maison <i>rascuache</i>, une maison bricol&eacute;e qui, au lieu de s&rsquo;enfermer dans une maison d&rsquo;un autre qui produit un sentiment de non-domicili&eacute;, rassemble et exprime les m&eacute;moires et les espaces qui nous enchantent, l&rsquo;analyse de <i>Caramelo</i> invite &agrave; d&eacute;coloniser l&rsquo;habiter.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><strong>Notes et r&eacute;f&eacute;rences</strong></p> <p><b>Bibliographie </b></p> <p>Ashcroft, Bill,&nbsp;<i>Post-Colonial Transformation</i>. New York, Routledge, 2001.</p> <p>Bachelard, Gaston, <i>La Po&eacute;tique de l&rsquo;espace, </i>Paris, Presses Universitaires de France, 1958.</p> <p>Barrie, Thomas,&nbsp;<i>House and Home&nbsp;: Cultural Contexts, Ontological Roles</i>. New York, Routledge, 2017.</p> <p>Bhabha, Homi,&nbsp;&laquo;&nbsp;The World and the Home&nbsp;&raquo;, <i>Social Text</i>, vol.&nbsp;10, n&deg;&nbsp;2, 1992.</p> <p>Certeau, Michel de., <i>et al.</i>, <i>L&#39;Invention du quotidien</i>, Paris, Gallimard, 1990.</p> <p>Cisneros, Sandra<i>,</i> <i>The House on Mango Street</i>, Houston, Arte P&uacute;blico Press, 1984.</p> <p>&ndash;,&nbsp;&laquo;&nbsp;Do You Know Me&nbsp;? I Wrote The House on Mango Street&nbsp;&raquo; The Americas Review, 1987, n&deg;&nbsp;15, p.&nbsp;77-79.</p> <p>&ndash;,&nbsp;<i>Woman Hollering Creek and Other Stories</i>, New York, Random House, 1991.</p> <p>&ndash;<i>, La Petite fille de la rue Mango</i>, traduit de l&rsquo;anglais par Annie Saumont, Paris, Nil &Eacute;ditions, 1996</p> <p>&ndash;, <i>Caramelo, Or Puro Cuento</i>, New York, Alfred Knopf, 2002.</p> <p>&ndash;, <i>Caramelo</i>, traduit de l&rsquo;anglais par R&eacute;my Lambrechts, Paris, Plon, 2004.</p> <p>&ndash;, <i>A House of My Own&nbsp;: Stories from My Life</i>, New York, Afred Knopf, 2015.</p> <p>&ndash;<i>, Puro Amor</i>, Louisville, Sarbande Books, 2018.</p> <p>Gonz&aacute;lez Groba, Constante, <i>On their own premises&nbsp;: Southern Women Writers and the Homeplace</i>, Valencia, Publications de la Universitat de Val&egrave;ncia 2008.</p> <p>Johnson Gonzalez, Bill, &laquo;&nbsp;The Politics of Translation in Sandra Cisneros&rsquo;s <i>Caramelo</i>&nbsp;&raquo;, <i>Differences-a Journal of Feminist Cultural Studies</i>, vol.&nbsp;17. 2016, p.&nbsp;3&ndash;19.</p> <p>Lapirerre, Nicole, <i>Pensons ailleurs</i>, Paris, Stock, 2014.</p> <p>McCracken, Ellen, &laquo;&nbsp;Postmodern Ethnicity in Sandra Cisneros&rsquo; <i>Caramelo&nbsp;</i>: Hybridity, Spectacle, and Memory in the Nomadic Text&nbsp;&raquo;, <i>JAST, </i>n&deg;&nbsp;12, 2000, p.&nbsp;3-12.</p> <p>&ndash;, <i>Paratexts and Performance in the Novels of Junot D&iacute;az and Sandra Cisneros</i>, New York, Palgrave Macmillan, 2016.</p> <p>Olivares, Julian,&nbsp;&laquo;&nbsp;Sandra Cisneros&rsquo; <i>The House on Mango Street</i> and The&nbsp;Poetics of Space&nbsp;&raquo;, dans Mar&iacute;a Herrera-Sobek et Helena-Mar&iacute;a Villamontes, <i>Chicana Creativity and Criticism&nbsp;: New Frontiers in American Literature</i>, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1996, p.&nbsp;233-244.</p> <p>Oliver-Rotger, Maria-Ant&oacute;nia, &laquo;&nbsp;An Interview with Sandra Cisneros&nbsp;&raquo; dans <i>Voices from the Gaps</i> (2009) [En ligne] <a href="https://conservancy.umn.edu/handle/11299/166369">https://conservancy.umn.edu/handle/11299/166369</a> (consult&eacute; le 8 octobre 2018).</p> <p>Pin&ccedil;onnat, Crystel<i>, Endofiction ou fable de soi. &Eacute;criture en h&eacute;ritier de l&rsquo;immigration</i>, Paris Classiques Garnier, 2016.</p> <p>Savin, Ada, &laquo;&nbsp;Le dialogisme po&eacute;tique de Sandra Cisneros&nbsp;&raquo;. <i>Revue Fran&ccedil;aise d&rsquo;Etudes Am&eacute;ricaines</i>, vol.&nbsp;66, 1995, p.&nbsp;576-584.</p> <p>Salvucci, Mara, &laquo;&nbsp;&ldquo;Like the Strands of a Rebozo&rdquo;&nbsp;: Sandra Cisneros, <i>Caramelo </i>and Chicano Identity&nbsp;&raquo;, <i>RSA Journal</i>, vol.&nbsp;17, 2007, p.&nbsp;163-199.</p> <p>Suberchicot, Alain, <i>La Communaut&eacute; des po&egrave;tes aux &Eacute;tats-Unis</i>, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 1998.</p> <p>Vivancos P&eacute;rez, Ricardo F., <i>Radical Chicana Poetics</i>, New York, Palgrave Macmillan, 2013.</p> <p>Ybarra-Frausto, Tomas,&nbsp;&laquo;&nbsp;Rasquachismo&nbsp;: A Chicano Sensibility&nbsp;&raquo;, dans Richard Griswold del Castillo, Teresa McKenna et Yvonne Yarbro-Bejarano<i> </i>(eds.) <i>Chicano Art&nbsp;: Resistance and Affirmation, 1965-1985</i>, Los Angeles, Wight Art Gallery, 1991, p.&nbsp;155-162.</p> <hr /> <p><a href="#liennbp1" name="nbp1">1</a> Gaston Bachelard, <i>La Po&eacute;tique de l&rsquo;espace, </i>Paris, Presses Universitaires de France, 1958, p.&nbsp;24.</p> <p><a href="#liennbp2" name="nbp2">2</a> Sandra Cisneros, The House on Mango Street, Houston, Arte P&uacute;blico Press, 1984&nbsp;; pour sa traduction en fran&ccedil;ais, Annie Saumont, <em>La Petite fille de la rue Mango</em>, Paris, Nil Editions, 1996.</p> <p><a href="#liennbp3" name="nbp3">3 </a>&laquo;&nbsp;I realized that I was the only person in the creative writing workshop that didn&rsquo;t have the same type of memory as Bachelard did regarding houses. This made me realize my class difference, and, subsequently, my gender difference regarding homes &raquo;. Maria-Ant&oacute;nia Oliver-Rotger, &laquo;&nbsp;An Interview with Sandra Cisneros &raquo; dans <em>Voices from the Gaps</em> (2009) [En ligne] <a href="https://conservancy.umn.edu/handle/11299/166369">https://conservancy.umn.edu/handle/11299/166369</a>&nbsp;(consult&eacute; le 8 octobre 2018).</p> <p><a href="#liennbp4" name="nbp4">4</a> Julian Olivares, &laquo;&nbsp;Sandra Cisneros&rsquo; The House on Mango Street and The&nbsp;Poetics of Space&nbsp;&raquo;, dans Mar&iacute;a Herrera-Sobek et Helena-Mar&iacute;a Villamontes, <em>Chicana Creativity and Criticism&nbsp;: New Frontiers in American Literature</em>, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1996, p.&nbsp;233.</p> <p><a href="#liennbp5" name="nbp5">5</a> &laquo;&nbsp;He never stops to ask who owns the house, or who truly holds rule over the nest&nbsp;; he does not address the issue of who it is that offers stability, security, and protection, and in return for what, nor what happens to the individual in a house that is not a home.&nbsp;&raquo; (traduction de l&rsquo;auteur). Constante Gonz&aacute;lez Groba, <i>On their own premises: Southern Women Writers and the Homeplace</i>, Valencia, Publications de la Universitat de Val&egrave;ncia 2008, p.&nbsp;287-288.</p> <p><a href="#liennbp6" name="nbp6">6</a> Gaston Bachelard, <i>La Po&eacute;tique de l&rsquo;espace</i>, <i>op. cit.</i>, p.&nbsp;26.</p> <p><a href="#liennbp7" name="nbp7">7</a> Les &laquo;&nbsp;vignettes&nbsp;&raquo;, qui sont centrales dans l&rsquo;&oelig;uvre de Cisneros, est le terme g&eacute;n&eacute;ral employ&eacute; par les critiques pour designer des courtes nouvelles qui composent un recueil. Voir Crystel Pin&ccedil;onnat, <i>Endofiction ou fable de soi. &Eacute;criture en h&eacute;ritier de l&rsquo;immigration</i>, Paris Classiques Garnier, 2016, p.&nbsp;116.</p> <p><a href="#liennbp8" name="nbp8">8 </a>Pour la notion de <i>Caramelo</i> comme &laquo;&nbsp;texte nomade&nbsp;&raquo; voir&nbsp;Ellen McCracken, &laquo; Postmodern Ethnicity in Sandra Cisneros&rsquo; Caramelo : Hybridity, Spectacle, and Memory in the Nomadic Text.&nbsp;&raquo; <i>JAST </i>n&deg;&nbsp;12, 2000, p.&nbsp;3.</p> <p><a href="#liennbp9" name="nbp9">9</a> Bill Johnson Gonzalez, &laquo;&nbsp;The Politics of Translation in Sandra Cisneros&rsquo;s <i>Caramelo</i>&nbsp;&raquo;, <i>Differences-a Journal of Feminist Cultural Studies</i>, vol.&nbsp;17. 2016, p.&nbsp;9.</p> <p><a href="#liennbp10" name="nbp10">10</a> Ellen McCracken, <i>Paratexts and Performance in the Novels of Junot D&iacute;az and Sandra Cisneros</i>, New York, Palgrave Macmillan, 2016.</p> <p><a href="#liennbp11" name="nbp11">11</a> Ricardo F. Vivancos P&eacute;rez, <i>Radical Chicana Poetics</i>, New York, Palgrave Macmillan, 2013.</p> <p><a href="#liennbp12" name="nbp12">12</a><i> Ibid.</i>, p. 151.</p> <p><a href="#liennbp13" name="nbp13">13</a> &laquo;&nbsp;That&#39;s precisely what I chose to write: about third-floor flats, and fear of rats, and drunk husbands sending rocks through windows, anything as far from the poetic as possible. And this is when I discovered the voice I&#39;d been suppressing all along without realizing it.&nbsp;&raquo; (traduction de l&rsquo;auteur). Cit&eacute; dans Julian Olivares, &laquo;&nbsp;Sandra Cisneros&rsquo; <i>The House on Mango Street</i> and <i>The&nbsp;Poetics of Space</i>&nbsp;&raquo;, dans Mar&iacute;a Herrera-Sobek et Helena-Mar&iacute;a Villamontes, <i>Chicana Creativity and Criticism&nbsp;: New Frontiers in American Literature</i>, <i>op. cit.</i>, p.&nbsp;233.</p> <p><a href="#liennbp14" name="nbp14">14</a> &laquo;&nbsp;But the house on Mango Street is not the way they told it at all. It&#39;s small and red with tight steps in front and windows so small you&#39;d think they were holding their breath. Bricks are crumbling in places, and the front door is so swollen you have to push hard to get in. There is no front yard, only four little elms the city planted by the curb. Out back is a small garage for the car we don&#39;t own yet and a small yard that looks smaller between the two buildings on either side. There are stairs in our house, but they&#39;re ordinary hallway stairs, and the house has only one washroom. Everybody has to share a bedroom &ndash; Mama and Papa, Carlos and Kiki, me and Nenny.&nbsp;&raquo; (traduction de l&rsquo;auteur). Sandra Cisneros, <i>The House on Mango Street</i>, Houston, Arte P&uacute;blico Press, 1984, p.&nbsp;4.</p> <p><a href="#liennbp15" name="nbp15">15</a> Sandra Cisneros, &laquo;&nbsp;Do You Know Me&nbsp;? I Wrote The House on Mango Street&nbsp;&raquo; <i>The Americas Review</i>, 1987, n&deg;&nbsp;15, p.&nbsp;78.</p> <p><a href="#liennbp16" name="nbp16">16</a> &laquo;&nbsp;[&hellip;] Mango Street, sad red house, the house I belong but don&rsquo;t belong to&nbsp;&raquo; (traduction de l&rsquo;auteur). Sandra Cisneros, <i>The House on Mango Street</i>, Houston, Arte P&uacute;blico Press, 1984, p.&nbsp;108.</p> <p><a href="#liennbp17" name="nbp17">17</a> Ada Savin, &laquo;&nbsp;Le dialogisme po&eacute;tique de Sandra Cisneros&nbsp;&raquo;. <i>Revue Fran&ccedil;aise d&rsquo;&Eacute;tudes Am&eacute;ricaines</i>, vol.&nbsp;66, 1995, p.&nbsp;581.</p> <p><a href="#liennbp18" name="nbp18">18</a> &laquo;&nbsp;When I was a little girl we traveled to Mexico City so much I thought my grandparents&rsquo; house on La Fortuna, Number&nbsp;12, was home. It was the only constant in our&nbsp;nomadic ramblings from one Chicago flat to another. The house on Destiny Street, Number&nbsp;12, in the colonia Tepeyac,<b>&nbsp;</b>would be perhaps the only home I knew, and that nostalgia for a home would be a theme that would obsess me&nbsp;&raquo; (traduction de l&rsquo;auteur). Sandra Cisneros, <i>A House of My Own: Stories from My Life</i>, New York, Afred Knopf, 2015, p.&nbsp;18.</p> <p><a href="#liennbp19" name="nbp19">19</a> Mara Salvucci 2007&nbsp;&laquo;&nbsp;&ldquo;Like the Strands of a Rebozo&rdquo;: Sandra Cisneros, <i>Caramelo </i>and Chicano Identity&nbsp;&raquo;, <i>RSA Journal</i>, vol.&nbsp;17, 2007, p.&nbsp;163.</p> <p><a href="#liennbp20" name="nbp20">20</a><i> Ibid</i>., p.&nbsp;164.</p> <p><a href="#liennbp21" name="nbp21">21</a> [&Agrave; propos de son d&eacute;m&eacute;nagement au Mexique] &laquo;&nbsp;Bueno la verdad porqu&eacute; me sent&iacute; m&aacute;s en mi casa, me sent&iacute; m&aacute;s segura, me sent&iacute; m&aacute;s fel&iacute;z y m&aacute;s conectada a mi comunidad&hellip; y yo necesitaba eso despu&eacute;s de vivir tantos a&ntilde;os en los Estados Unidos, d&oacute;nde siempre me siento como una extranjera&hellip; Siempre me he sentido as&iacute;, a&uacute;n cuando ni&ntilde;a, me sent&iacute; un poco inc&oacute;moda, como si este no era mi hogar&hellip;&nbsp;&raquo; (traduction de l&rsquo;auteur). Sandra Cisneros, entretien avec Jorge Ramos. &laquo;&nbsp;Sandra Cisneros dice que ve a Enrique Pe&ntilde;a Nieto como un actor&nbsp;&raquo; dans <i>Univisi&oacute;n Noticias</i> [En ligne] <a href="https://www.youtube.com/watch?v=r8qELDKV2CM">https://www.youtube.com/watch?v=r8qELDKV2CM</a>&nbsp;(consult&eacute; le 6 octobre 2018).</p> <p><a href="#liennbp22" name="nbp22">22 </a>Sandra Cisneros, <i>Caramelo</i>, traduction de R&eacute;my Lambrechts, Paris, Plon, 2004, p.&nbsp;388.</p> <p><a href="#liennbp23" name="nbp23">23</a> Thomas Barrie, <i>House and Home: Cultural Contexts, Ontological Roles</i>, New York, Routledge, 2017 p.&nbsp;19.</p> <p><a href="#liennbp24" name="nbp24">24</a><i> Ibid.</i>, p.&nbsp;21.</p> <p><a href="#liennbp25" name="nbp25">25</a><i> Ibid.</i>, p.&nbsp;25.</p> <p><a href="#liennbp26" name="nbp26">26 </a>Bill Aschcroft, <i>Post-Colonial Transformation</i>, New York, Routledge, 2001, p.&nbsp;157.</p> <p><a href="#liennbp27" name="nbp27">27 </a>&laquo;&nbsp;Habitation is a strategy which addresses the problem of the current universality of Western representations of place. It describes a way of being in place, a way of being which itself defines and transforms place. [&hellip;] This &ldquo;practice&rdquo; of inhabiting is in fact a dense fabric of interwoven acts in which the issues of inheritance, ethnic identity, belonging, history, race, land are all intertwined.&nbsp;&raquo; (traduction de l&rsquo;auteur). <i>Ibid.</i>, p.&nbsp;158.</p> <p><a href="#liennbp28" name="nbp28">28</a> Michel de Certeau, <i>L&#39;Invention du quotidien</i>, Paris, Gallimard, 1990, p.&nbsp;173.</p> <p><a href="#liennbp29" name="nbp29">29 </a><i>Ibidem</i>.</p> <p><a href="#liennbp30" name="nbp30">30</a> Sandra Cisneros, <i>Caramelo</i>, <i>op. cit.</i>, p.&nbsp;388.</p> <p><a href="#liennbp31" name="nbp31">31 </a>Homi Bhabha &laquo;&nbsp;The World and the Home &raquo;,&nbsp;<em>Social Text</em>, vol.&nbsp;10, n&deg;&nbsp;2, 1992. Pour la traduction du terme <em>unhomely</em>, voir Nicole Lapirerre,<em> Pensons ailleurs</em>, Paris, Stock, 2014.</p> <p><a href="#liennbp32" name="nbp32">32 </a>&laquo;&nbsp;In that displacement the border between home and world becomes confused&nbsp;; and, uncannily, the private and the public become part of each other, forcing upon us a vision that is as divided as it is disorienting&nbsp;&raquo; (traduction de l&rsquo;auteur). <em>Ibid.</em>, p.&nbsp;141.</p> <p><a href="#liennbp33" name="nbp33">33</a> Sandra Cisneros, <i>Caramelo</i>, <i>op. cit.</i>, p.&nbsp;387.</p> <p><a href="#liennbp34" name="nbp34">34</a><i> Ibid.</i>, p.&nbsp;24.</p> <p><a href="#liennbp35" name="nbp35">35</a><i> Ibid.</i>, p.&nbsp;31.</p> <p><a href="#liennbp36" name="nbp36">36</a><i> Ibid.</i>, p.&nbsp;55.</p> <p><a href="#liennbp37" name="nbp37">37 </a><i>Ibid.</i>, p.&nbsp;108. Le <i>rebozo</i> est un long ch&acirc;le mexicain qui selon la chronologie de la fin du roman, a &eacute;t&eacute; mentionn&eacute; par &eacute;crit pour la premi&egrave;re fois en 1572 (p.&nbsp;443). Une note historique dans <i>Caramelo</i>, indique que ce v&ecirc;tement a &eacute;merg&eacute; durant la p&eacute;riode coloniale mexicaine comme r&eacute;action &agrave; des lois de la couronne espagnole qui interdisaient aux femmes m&eacute;tisses de s&rsquo;habiller comme des Am&eacute;rindiennes. Manquant de moyens pour s&rsquo;acheter des v&ecirc;tements europ&eacute;ens, elles fabriquent des tissus similaires sur les m&eacute;tiers indig&egrave;nes, cr&eacute;ant un ch&acirc;le marqu&eacute; par le m&eacute;tissage culturel et qui devient un symbole de l&rsquo;identit&eacute; m&eacute;tisse mexicaine.</p> <p><a href="#liennbp38" name="nbp38">38</a><i> Ibid.</i>, p.&nbsp;27.</p> <p><a href="#liennbp39" name="nbp39">39 </a><i>Ibid.</i>, p.&nbsp;52.</p> <p><a href="#liennbp40" name="nbp40">40</a><i> Ibid</i>., p.&nbsp;32.</p> <p><a href="#liennbp41" name="nbp41">41 </a><i>Ibid., </i>p.&nbsp;320.</p> <p><a href="#liennbp42" name="nbp42">42 </a><i>Ibid.</i>, p.&nbsp;321.</p> <p><a href="#liennbp43" name="nbp43">43 </a>Ibid., p.&nbsp;321-322.</p> <p><a href="#liennbp44" name="nbp44">44</a> Ellen McCracken, <i>Paratexts and Performance in the Novels of Junot D&iacute;az and Sandra Cisneros</i>, <i>op. cit</i>., p.&nbsp;105.</p> <p><a href="#liennbp45" name="nbp45">45 </a>&laquo;&nbsp;I wonder if that means &ldquo;The Rape&rdquo;. And I wonder if &ldquo;rapture&rdquo; and &ldquo;rape&rdquo; come from the same word&nbsp;&raquo; (traduction de l&rsquo;auteur). Sandra Cisneros, <i>Caramelo, Or Puro Cuento</i>, New York, Alfred Knopf, 2002, p.&nbsp;313.</p> <p><a href="#liennbp46" name="nbp46">46 </a>Sandra Cisneros, <i>Caramelo</i>, <i>op.cit.</i>, p.&nbsp;316.</p> <p><a href="#liennbp47" name="nbp47">47</a> Alain Suberchicot <i>La Communaut&eacute; des po&egrave;tes aux &Eacute;tats-Unis</i>, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 1998, p.&nbsp;71.</p> <p><a href="#liennbp48" name="nbp48">48</a> &laquo;&nbsp;To be <i>rascuache</i> is to posit a bawdy, spunky consciousness, to seek to subvert and turn ruling paradigms upside down. It is a witty, irreverent, and impertinent posture that recodes and moves outside established boundaries [...] <i>rascuachismo</i> is an underdog perspective &ndash;&nbsp; a view from <i>los de abajo</i>, an attitude&nbsp;&raquo; (traduction de l&rsquo;auteur). &laquo;&nbsp;Rasquachismo: A Chicano Sensibility&nbsp;&raquo;, dans Richard Griswold del Castillo, Teresa McKenna et Yvonne Yarbro-Bejarano<i> </i>(eds.), <i>Chicano Art: Resistance and Affirmation, 1965-1985</i>, Los Angeles, Wight Art Gallery, 1991, p.&nbsp;155.</p> <p><a href="#liennbp49" name="nbp49">49 </a>Sandra Cisneros, <i>Caramelo</i>, <i>op. cit</i>., p.&nbsp;426.</p> <p><a href="#liennbp50" name="nbp50">50 </a><i>Ibid.</i>, p.&nbsp;23.</p> <p><a href="#liennbp51" name="nbp51">51</a> Gaston Bachelard, <i>La Po&eacute;tique de l&rsquo;espace</i>, <i>op. cit.</i>, p.&nbsp;26.</p>