<p>Au cours d’un entretien à propos de son premier récit, <em>The House on Mango Street</em> (1984) qui lui fait une place dans le canon littéraire américain, Sandra Cisneros avoue qu’elle ne se reconnaît pas dans les espaces domestiques idéalisés de Gaston Bachelard qu’elle étudie lors d’un séminaire sur la métaphore de la maison dans <em>La Poétique de l’espace</em>. Dans ce texte rédigé en 1958, Bachelard propose une approche phénoménologique de la maison en tant qu’espace vécu, et comme des « espaces heureux » propices à la rêverie qui procurent une protection et une stabilité à ceux qui les habitent. Pour l’écrivaine, cette confrontation est révélatrice, car elle se rend compte de sa différence de classe sociale et de genre par rapport à la conception bachelardienne de la maison. En tant que fille d’un immigré mexicain et d’une mère mexico-américaine, qui a vécu la pauvreté et de nombreux déménagements à Chicago, la conception positiviste de la maison de la campagne européenne à la manière de Bachelard paraît bien loin du quotidien de Cisneros. Si l’auteure a vécu dans des quartiers hispaniques difficiles, Bachelard, peut-on penser, n’a jamais dû subir ni les tâches ménagères, ni l’enferment associés à un genre, ni la discrimination ethnique.</p>