<p><em>Les lieux ne sont jamais partis. Ils sont rest&eacute;s &agrave; leur place. C&rsquo;est nous qui nous sommes &eacute;loign&eacute;s. Mais il suffit que nous y revenions, et, plus pr&eacute;cis&eacute;ment, que nous y retournions, que nous nous tournions de nouveau vers eux, pour les retrouver, intacts, comme attendant dans l&rsquo;ombre notre visite</em><a href="#nbp1" id="footnoteref1_fg9bmwn" name="liennbp1" title="Jean-Marc Besse, Habiter un monde à mon image, Paris, Flammarion, 2013, p. 126.">1</a><em>.</em></p> <p>&nbsp;</p> <p>Il existe en castillan plusieurs adjectifs couramment utlis&eacute;s pour &eacute;voquer un lieu vide d&rsquo;hommes : <em>abandonado</em>, <em>solitario, despoblado, inhabitado, deshabitado </em>etc. Ces termes disposent bien souvent d&rsquo;un &eacute;quivalent fran&ccedil;ais&nbsp;: <em>abandonn&eacute;, solitaire, d&eacute;peupl&eacute;, inhabit&eacute;</em>. <em>Deshabitado</em>&nbsp;est une exception car, en fran&ccedil;ais, le verbe <em>d&eacute;shabiter </em>et son adjectif sont tomb&eacute;s en d&eacute;su&eacute;tude<a href="#nbp2" id="footnoteref2_7or0y1n" name="liennbp2" title="Le verbe déshabiter (cesser d’habiter) et son adjectif sont d’un usage très rare dans le français actuel. Le terme aurait été plus courant à l’époque moderne et jusqu’au XIXe siècle. (Voir Cnrtl et Littré).">2</a>. La diff&eacute;rence entre les usages de l&rsquo;une et l&rsquo;autre langue pourrait venir d&rsquo;un exode rural d&eacute;cal&eacute; chronologiquement de part et d&rsquo;autre des Pyr&eacute;n&eacute;es. En effet, avant d&rsquo;en illustrer le r&eacute;sultat, c&rsquo;est, au moins depuis l&rsquo;&eacute;poque contemporaine, essentiellement le d&eacute;part vers la ville que servait &agrave; d&eacute;signer le mot.&nbsp;</p> <p>Dire d&rsquo;un lieu qu&rsquo;il est <em>deshabitado</em> / <em>d&eacute;shabit&eacute; </em>ne signifie pas que c&rsquo;est un espace totalement d&eacute;sert. Cela rappelle surtout qu&rsquo;il n&rsquo;en a pas toujours &eacute;t&eacute; ainsi. Si le verbe <em>habiter </em>est intrins&egrave;quement li&eacute; &agrave; une notion de pr&eacute;sence <em>permanente</em>, le terme <em>deshabitado</em> insiste lui sur un changement d&rsquo;&eacute;tat, sur le passage de l&rsquo;<em>habit&eacute;</em> vers l&rsquo;<em>inhabit&eacute; </em>qui, lui aussi, se joue <em>dans le temps</em>. Si le paradigme de l&rsquo;<em>habiter</em> est la s&eacute;dentarit&eacute;, c&rsquo;est dans le mouvement, envisag&eacute; &agrave; des &eacute;chelles de temps larges, au-del&agrave; d&rsquo;une g&eacute;n&eacute;ration, qu&rsquo;il faut donc concevoir le <em>d&eacute;shabit&eacute;</em>.</p> <p>Ainsi, ne nous y trompons pas, il existe des <em>habitants</em> dans les territoires <em>d&eacute;shabit&eacute;s</em>. La fa&ccedil;on dont nous envisageons ces territoires modifie et tend &agrave; &eacute;largir le sens initial du terme. Un territoire <em>d&eacute;shabit&eacute;</em>, d&egrave;s lors, d&eacute;signe un lieu o&ugrave; l&rsquo;on trouve un <em>habiter</em> particulier caract&eacute;ris&eacute; par un d&eacute;calage entre les capacit&eacute;s d&rsquo;un b&acirc;ti formant une unit&eacute; coh&eacute;rente et ses usages r&eacute;els en termes d&rsquo;occupation humaine. Un d&eacute;calage, qui plus est, que certains acteurs cherchent &agrave; combler<a href="#nbp3" id="footnoteref3_5y4u2zm" name="liennbp3" title="Pour un éclairage du vocabulaire de l’habiter, voir : Thierry Paquot, « “Habitat”, “habitation”, “habiter”, précisions sur trois termes parents » dans Thierry Paquot, Michel Lussault et Chris Younès (dir.), Habiter, le propre de l’humain. Villes, territoires et philosophie, Paris, La Découverte, 2007, p. 7-16.">3</a>. Par la traduction en fran&ccedil;ais et la revivification cons&eacute;quente d&rsquo;un mot qui n&rsquo;&eacute;tait plus gu&egrave;re usit&eacute;, le <em>d&eacute;shabit&eacute; </em>prend donc un autre sens. Le champ du <em>d&eacute;shabit&eacute; </em>ne se r&eacute;duit plus &agrave; la question de la d&eacute;population rurale. Il d&eacute;signe plut&ocirc;t une forme de contradiction entre le b&acirc;ti et l&rsquo;<em>habitant </em>(au g&eacute;rondif). Il interroge un rapport marqu&eacute; par l&rsquo;exc&egrave;s entre un construit (fait pour durer) et un <em>habiter</em> (changeant). De ces temporalit&eacute;s affront&eacute;es naissent les territoires <em>d&eacute;shabit&eacute;s</em>. Si habiter ce n&rsquo;est pas seulement &laquo;&nbsp;&ecirc;tre quelque part&nbsp;&raquo; mais &laquo;&nbsp;y &ecirc;tre d&rsquo;une certaine mani&egrave;re et pendant un certain temps&nbsp;&raquo;, <em>d&eacute;shabiter</em>, loin d&rsquo;en &ecirc;tre le contraire, loin d&rsquo;&ecirc;tre synonyme de <em>quitter un lieu</em>, c&rsquo;est une mani&egrave;re particuli&egrave;re d&rsquo;&ecirc;tre <em>collectivement</em> dans un territoire marqu&eacute; par un d&eacute;calage profond entre un b&acirc;ti pens&eacute; pour une communaut&eacute; et le <em>pueblo </em>(village et peuple en espagnol) r&eacute;ellement existant<a href="#nbp4" id="footnoteref4_23emtfh" name="liennbp4" title="Jean-Marc Besse, op. cit., p. 10. Sur la dimension collective de l’habiter, on peut consulter les pages 40 à 66 de ce même ouvrage. Elles sont consacrées à l’espacement. L’auteur y écrit notamment : « Habiter, c’est trouver, définir, ajuster, entretenir les bonnes distances entre moi et les autres, entre les autres et moi. Ni trop près, car alors ce sont les passions, les effusions, la violence toujours possible, c’est la conclusion ou la fusion, c’est l’inhabitable. Ni trop loin, parce que en ce cas c’est l’indifférence, l’oubli, la réduction de l’autre en objet pour moi ou de moi en objet pour lui ou elle », p. 43.">4</a>. Tenter d&rsquo;offrir une conceptualisation du d&eacute;shabit&eacute; est donc une fa&ccedil;on de poser la question de la dur&eacute;e de l&rsquo;habiter. C&rsquo;est envisager, au-del&agrave; de la g&eacute;n&eacute;ration, ce qu&rsquo;est ce &laquo;&nbsp;certain temps&nbsp;&raquo; qui caract&eacute;rise l&rsquo;habiter. En ce sens, les territoires d&eacute;shabit&eacute;s constituent de bons observatoires de l&rsquo;habiter con&ccedil;u dans le temps long. De plus, cela permet d&rsquo;entrevoir sous un nouveau jour des r&eacute;alit&eacute;s apparemment &eacute;loign&eacute;es.</p> <p><em>Le voyage par l&rsquo;Espagne d&eacute;shabit&eacute;e </em>que nous, Ana&iuml;s Boudot (photographe), Marine Delouvrier (illustratrice et architecte) et Herv&eacute; Siou (doctorant en histoire), avons r&eacute;alis&eacute; au printemps 2017, a permis d&rsquo;&eacute;clairer certains aspects de ces enjeux. En huit &eacute;tapes, depuis le d&eacute;troit de Gibraltar jusqu&rsquo;aux Pyr&eacute;n&eacute;es catalanes, nous nous sommes int&eacute;ress&eacute;s &agrave; une Espagne de territoires construits et anthropis&eacute;s mais o&ugrave; les deux sens du mot <em>pueblo, </em>village et peuple, ne se superposent pas ou plus totalement, une Espagne o&ugrave; la communaut&eacute; -&nbsp;puisqu&rsquo;il s&rsquo;agit bien ici d&rsquo;un habiter <em>collectif&nbsp;</em>- s&rsquo;&eacute;chappe ou a disparu de son espace b&acirc;ti parce que le village n&rsquo;est plus ou plus comme avant&nbsp;; parce qu&rsquo;il a &eacute;t&eacute; d&eacute;plac&eacute;, qu&rsquo;il ne vit plus que dans le souvenir&nbsp;; parce que ses habitants ne forment plus ou pas encore un v&eacute;ritable village ou encore parce qu&rsquo;ils ne font que passer. Il s&rsquo;agissait, en somme, sans pr&eacute;tention aucune &agrave; l&rsquo;exhaustivit&eacute;, mais &agrave; travers certains exemples signifiants, d&rsquo;interroger la fa&ccedil;on dont les hommes <em>font territoire</em> <em>dans le temps</em>. La r&eacute;flexion de Jean-Marc Besse cit&eacute;e en exergue &agrave; propos de la m&eacute;moire des lieux aurait pu impulser le d&eacute;part de ce projet&nbsp;: nous souhaitions en quelque sorte rendre visite &agrave; quelques-uns de ces lieux qui <em>ne sont jamais partis</em>, pour voir, justement, ce qu&rsquo;il en reste, <em>sur place</em>, pour voir si nous pouvons les <em>retrouver</em>. Ici, elle nous guidera dans le retour d&rsquo;exp&eacute;rience que nous nous proposons d&rsquo;effectuer. Un an apr&egrave;s notre voyage, &agrave; pr&eacute;sent que nous nous sommes &eacute;loign&eacute;s et que nous pr&eacute;parons un site internet, que dire des lieux qui <em>sont rest&eacute;s sur place</em><a href="#nbp5" id="footnoteref5_1t6mb6k" name="liennbp5" title="Au moment de l’écriture de cet article, notre projet est toujours en cours. Une exposition a été présentée à Paris en juin 2018 dans l’espace Le Dorothy (85 bis rue de Ménilmontant, 75020). Elle migrera en avril 2019 à Madrid à l’Institut français (Calle Marqués de la Ensenada, 12, 28004 Madrid). Une publication en ligne est en cours sur le site de la revue Entre-temps (https://entre-temps.net/). Par ailleurs, un site internet bilingue (français et espagnol) est en cours de préparation et devrait voir le jour au printemps 2019 à l’adresse « espagnedeshabitee.fr ». Outre les textes, dessins, photographies et captations sonores que nous avons réalisés, nous avons également invité d’autres artistes à participer à notre travail. Le site internet fera état de l’ensemble de ces productions.">5</a> ? Dans les lignes qui suivent, nous revenons dans un premier temps sur le cadre pr&eacute;cis de notre projet, le contexte, notre d&eacute;marche et les difficult&eacute;s qu&rsquo;elle pr&eacute;sente, avant de proposer quelques r&eacute;flexions qui ont &eacute;merg&eacute; de ces plus de 3000 kilom&egrave;tres sur les routes de l&rsquo;Espagne <em>d&eacute;shabit&eacute;e</em>.</p> <h2><strong>Un voyage &agrave; travers l&rsquo;Espagne <em>d&eacute;shabit&eacute;e</em></strong></h2> <h3><strong><em>Le d&eacute;shabit&eacute;, une question d&rsquo;actualit&eacute;&nbsp;? </em></strong></h3> <p>Au d&eacute;but de ce projet, il existe un contexte, pas uniquement espagnol, qui met en &eacute;vidence l&rsquo;actualit&eacute; des enjeux portant sur le logement et, de fa&ccedil;on plus g&eacute;n&eacute;rale, sur la relation entretenue par les hommes avec leurs territoires de vie. C&rsquo;est, en premier lieu, la profonde crise &eacute;conomique que traverse l&rsquo;Espagne &agrave; partir de 2007-2008 suite &agrave; l&rsquo;explosion de la bulle immobili&egrave;re. Le pays construisait, dans les ann&eacute;es 2000, autant de logements neufs que l&rsquo;Angleterre, la France et l&rsquo;Allemagne r&eacute;unies<a href="#nbp6" id="footnoteref6_mlt14yj" name="liennbp6" title="Les chiffres varient en fonction des années mais oscillent autour de 500 000 nouveaux logements par an.">6</a>. Avec la fin de ce cycle, le monde d&eacute;couvre les immenses infrastructures inutiles et les milliers de logements neufs vides d&rsquo;habitants que la sp&eacute;culation a engendr&eacute;s. La crise financi&egrave;re et &eacute;conomique est aussi sociale&nbsp;: la courbe du ch&ocirc;mage ne cesse d&rsquo;augmenter, le co&ucirc;t de la vie aussi, les jeunes s&rsquo;exilent<a href="#nbp7" id="footnoteref7_lxcodpg" name="liennbp7" title="Le nombre des exilés économiques n’est pas connu avec précision. Quant à la courbe du chômage, elle se situe largement au-dessus de 20 % pendant la crise économique.">7</a>... Beaucoup de m&eacute;nages, noy&eacute;s sous les dettes, sont expuls&eacute;s de chez eux par les banques. Ces <em>desahucios </em>(expulsions) aux cons&eacute;quences dramatiques ont profond&eacute;ment repolitis&eacute; la question de l&rsquo;<em>habiter</em> et c&rsquo;est en partie du fait des mobilisations sociales que ces expulsions ont suscit&eacute;es qu&rsquo;est n&eacute; <em>Podemos</em><a href="#nbp8" id="footnoteref8_gc9elyi" name="liennbp8" title="Voir Quentin Ravelli, Les briques rouges. Logement, dettes et luttes sociales en Espagne, Paris, Éditions Amsterdam, 2017.">8</a>.</p> <p>Parall&egrave;lement &agrave; la crise immobili&egrave;re et en partie de ce fait, la question de l&rsquo;abandon rural a connu un regain d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t important<a href="#nbp9" id="footnoteref9_bb8py16" name="liennbp9" title="Sur ce point, voir : Hervé Siou, « Reflexiones en torno a un éxito : La España vacía », Artes del ensayo. Revista internacional sobre el ensayo hispánico, n° 2 (2018), p. 355-361. [En ligne] https://www.raco.cat/index.php/artesdelensayo/article/view/339869.">9</a>. Le monde rural confirmait l&agrave; une vocation n&eacute;e de la modernit&eacute;, celle du r&eacute;servoir de fantasmes. Il devenait le r&eacute;ceptacle de projections et d&rsquo;aspirations sociales id&eacute;alis&eacute;es pour des vies en ville dont l&rsquo;avenir semblait bouch&eacute;. Les m&eacute;dias &eacute;voquaient avec insistance l&rsquo;approfondissement de l&rsquo;abandon rural entam&eacute; &agrave; partir des ann&eacute;es 1950-1960 et contribuaient &agrave; pr&eacute;senter le <em>repeuplement</em> rural comme une possible opportunit&eacute; pour un nouveau d&eacute;part<a href="#nbp10" id="footnoteref10_j3m38uw" name="liennbp10" title="Voir par exemple les chroniques de Julio Llamazares dans les colonnes du journal El País qui, régulièrement, traitent du thème de la dépopulation : https://elpais.com/autor/julio_llamazares/a/ (consulté le 20 novembre 2018).">10</a>. Pendant que des habitants se trouvaient expuls&eacute;s par milliers de logements dont ils ne pouvaient rembourser les traites, des centaines de villages des r&eacute;gions de l&rsquo;int&eacute;rieur de la Galice, des provinces de Soria, de Teruel ou encore des Pyr&eacute;n&eacute;es aragonaises se trouvaient sur le point d&rsquo;&ecirc;tre abandonn&eacute;s, et des dizaines d&rsquo;autres &eacute;taient d&eacute;j&agrave;, depuis bien longtemps parfois, envahis par les ronces. Il y avait l&agrave; mati&egrave;re &agrave; questionnement. La litt&eacute;rature s&rsquo;emparait du sujet et &agrave; la suite du succ&egrave;s du roman de Jes&uacute;s Carrasco, <em>Intemperie </em>(2012) et des &eacute;crits de jeunes auteurs comme Lara Molino <em>(Por si se va la luz, </em>2013) ou Jenn D&iacute;az (<em>Belfondo</em>, 2011), les critiques commen&ccedil;aient &agrave; parler d&rsquo;une litt&eacute;rature <em>n&eacute;oruraliste</em>. C&rsquo;est pourtant un essai qui contribua le plus au d&eacute;bat public&nbsp;: Sergio del Molino fit para&icirc;tre en 2016 <em>Espa&ntilde;a vac&iacute;a</em>, un remarquable essai d&rsquo;histoire culturelle sur les territoires ruraux espagnols qui mit en &eacute;vidence le profond traumatisme collectif que repr&eacute;senta l&rsquo;exode rural massif. Il montrait un territoire oubli&eacute; et tabou, cet immense d&eacute;sert humain, l&rsquo;un des plus grands d&rsquo;Europe, dans lequel les densit&eacute;s ne d&eacute;passent pas les 2 hab/km<sup>2</sup> et qu&rsquo;il nomme l&rsquo;<em>Espagne vide</em><a href="#nbp11" id="footnoteref11_gpnxamw" name="liennbp11" title="Voir Sergio Del Molino, España vacía. Viaje por un país que nunca fue, Madrid, Turner, 2016. L’ouvrage de Jesús Carrasco a été traduit en français : Jesús Carrasco, Intempérie, Paris, Robert Laffont, 2015.">11</a>.</p> <p>Il convient de souligner que le lien entre crise &eacute;conomique et nouvel int&eacute;r&ecirc;t pour le monde rural ne reposait pas uniquement sur les fantasmes accumul&eacute;s autour de ce dernier&nbsp;: la crise mettait au jour la profondeur du d&eacute;ficit d&eacute;mographique d&rsquo;une <em>Espagne vide </em>que la venue pass&eacute;e d&rsquo;immigr&eacute;s, &agrave; pr&eacute;sent sur le d&eacute;part, avait largement masqu&eacute;e. Leur d&eacute;part, la baisse du nombre de nouvelles arriv&eacute;es ainsi que l&rsquo;exil des jeunes espagnols hors des fronti&egrave;res et la faible natalit&eacute; jetaient une lumi&egrave;re crue sur la r&eacute;partition profond&eacute;ment in&eacute;gale des hommes sur le territoire et les dynamiques d&eacute;mographiques du pays qui commen&ccedil;a &agrave; perdre des habitants &agrave; partir de 2012. Tout cela au moment ou les m&eacute;dias commen&ccedil;aient &agrave; parler d&rsquo;une &laquo;&nbsp;crise des migrants&nbsp;&raquo; et de l&rsquo;arriv&eacute;e importante de r&eacute;fugi&eacute;s par l&rsquo;est du continent europ&eacute;en essentiellement, mais aussi par la M&eacute;diterran&eacute;e. Abandon rural et migrations ne pouvaient pas ne pas &ecirc;tre en rapport, ne pas poser une m&ecirc;me question. C&rsquo;est tout au moins ce que soulignait le documentaire de Shu Aiello et Catherine Catella <em>Un paese di Calabria</em> lorsqu&rsquo;il retra&ccedil;ait l&rsquo;histoire d&rsquo;un village de Calabre sauv&eacute; de la d&eacute;population par l&rsquo;arriv&eacute;e de r&eacute;fugi&eacute;s<a href="#nbp12" id="footnoteref12_2frsa19" name="liennbp12" title="Shu Aiello, Catherine Catella, Un paese di Calabria, 2016, 90 min, France, Suisse, Italie.">12</a>.</p> <p>La br&ucirc;lante actualit&eacute; du questionnement sur l&rsquo;<em>habiter</em>, particuli&egrave;rement forte en Espagne du fait de la concentration des crises qui s&rsquo;y d&eacute;roulaient, rejoignait &eacute;galement des interrogations que les sciences sociales avaient abord&eacute; depuis le d&eacute;but des ann&eacute;es 2000. En effet, la d&eacute;sarticulation des soci&eacute;t&eacute;s rurales n&rsquo;est pas chose nouvelle et l&rsquo;accroissement des mobilit&eacute;s, la transformation des modes de vie et le nouveau nomadisme contemporain avaient d&eacute;j&agrave; suscit&eacute; de nombreuses publications abordant l&rsquo;habiter, ou plut&ocirc;t le brouillement de la fronti&egrave;re entre l&rsquo;habit&eacute; et l&rsquo;inhabit&eacute; et r&eacute;visant les notions de mobilit&eacute; et d&rsquo;ancrage<a href="#nbp13" id="footnoteref13_ziargmh" name="liennbp13" title="Sur le nomadisme contemporain et la fin de la vie sédentaire, voir Rémy Knafou, La planète “nomade”. Les mobilités géographiques aujourd’hui, Paris, Belin, 1998.">13</a>. C&rsquo;&eacute;tait donc pour nous le signe que le d&eacute;shabit&eacute; s&rsquo;&eacute;tendait et qu&rsquo;il ne pouvait plus se r&eacute;duire au seul monde rural. En effet, le terme qui avait servi &agrave; d&eacute;signer les migrations rurales pouvait servir &agrave; qualifier bien d&rsquo;autres territoires qu&rsquo;on ne cessait de quitter du fait des mobilit&eacute;s accrues.</p> <p>De plus, ces interrogations centr&eacute;es sur l&rsquo;Espagne prennent, <em>avec la</em> prise de conscience &eacute;cologique de la finitude de l&rsquo;espace terrestre et de ses ressources, une tournure globale&nbsp;: le choix de l&rsquo;&eacute;chelle du pays n&rsquo;en interpelle pas moins une probl&eacute;matique plan&eacute;taire puisqu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;aborder la pr&eacute;carit&eacute; d&rsquo;un <em>habiter</em> collectif <em>en sursis</em>. Si occuper un lieu est diff&eacute;rent de s&rsquo;occuper d&rsquo;un lieu, il fallait int&eacute;grer &agrave; notre r&eacute;flexion la dimension &laquo;&nbsp;m&eacute;nag&egrave;re&nbsp;&raquo; de l&rsquo;habiter, c&rsquo;est-&agrave;-dire l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;habiter, c&rsquo;est d&rsquo;abord entretenir un lieu, en prendre soin<a href="#nbp14" id="footnoteref14_z7cxk5g" name="liennbp14" title="Jean-Marc Besse, op.cit., p. 13-39.">14</a>. Or, dans un monde fini, la multiplication des espaces impropres &agrave; la vie du fait des activit&eacute;s humaines nuisibles interroge &agrave; nouveau frais la notion d&rsquo;<em>habitabilit&eacute;</em><a href="#nbp15" id="footnoteref15_u2jha4z" name="liennbp15" title="De même, d’ailleurs, qu’elle réinterroge la définition heideggérienne de l’habiter comme un être dans le monde. Voir Martin Heidegger, « Bâtir, habiter, penser », Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1958, p. 170-193 et Chris Younès, « Conclusion. Au tournant de la modernité, habiter entre Terre et monde », dans Thierry Paquot, Michel Lussault et Chris Younès (dir.), Habiter, le propre de l’humain…, op.cit., p. 63-73.">15</a><em>. </em>Notre questionnement sur le <em>d&eacute;shabit&eacute;</em> se situe donc en lisi&egrave;re de deux <em>inhabitables&nbsp;</em>: le <em>non-lieu</em>, espace sans interactions sociales et donc sans communaut&eacute; et la &laquo;&nbsp;zone morte&nbsp;&raquo;, espace rendu invivable du fait des activit&eacute;s humaines pr&eacute;datrices de l&rsquo;environnement<a href="#nbp16" id="footnoteref16_cg4qfsg" name="liennbp16" title="Sur les non-lieux : Marc Augé, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992.">16</a>.</p> <p>Au croisement de la crise &eacute;conomique et sociale, des questions migratoires et d&eacute;mographiques, d&rsquo;une prise de conscience &eacute;cologique, des nouvelles recherches en sciences sociales et de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t renouvel&eacute; de la litt&eacute;rature espagnole pour le monde rural, l&rsquo;<em>habiter </em>apparaissait comme un champ d&rsquo;interrogations multiples et profond&eacute;ment politiques. Dans ce contexte, le <em>d&eacute;shabit&eacute;</em> pouvait fournir une clef d&rsquo;entr&eacute;e pour brosser le portrait d&rsquo;une certaine Espagne, tout en abordant des probl&eacute;matiques qui relevaient d&rsquo;un rapport plus global des hommes &agrave; leurs territoires et dont les enjeux d&eacute;passaient la seule Espagne. Avec le <em>d&eacute;shabit&eacute; </em>pour concept et le prisme ib&eacute;rique qui nous r&eacute;unissait pour fronti&egrave;re, restait &agrave; penser la mani&egrave;re de rendre compte de ces interrogations. Ce fut le voyage et le croisement des m&eacute;diums.</p> <h3><strong><em>Saisir un habiter en le traversant&nbsp;?</em></strong></h3> <p>Parce que le d&eacute;calage qu&rsquo;il nous int&eacute;ressait de saisir entre un b&acirc;ti et ses habitants n&rsquo;est pas fig&eacute;, il fallait d&rsquo;embl&eacute;e assumer que nous ne pouvions en rendre compte qu&rsquo;&agrave; un instant <em>t</em>, n&eacute;cessairement soumis &agrave; expiration. De plus, nous souhaitions &eacute;galement mettre en relation des dynamiques territoriales qui n&rsquo;avaient <em>a priori</em> rien &agrave; voir, mettre en lumi&egrave;re des r&eacute;alit&eacute;s paradoxales, de celles qui font coexister, distants parfois de quelques kilom&egrave;tres seulement, des villages abandonn&eacute;s, des appartements neufs non occup&eacute;s et des sans-logis qui aimeraient en avoir un. Pour r&eacute;pondre &agrave; ces objectifs, le voyage s&rsquo;est impos&eacute; comme une solution. Par son propre mouvement, il fournissait une dynamique au r&eacute;cit, permettait de multiplier les jeux d&rsquo;&eacute;chos entre &eacute;tapes et surtout, de retourner en avantage les limites de notre d&eacute;marche. Comment, en effet, saisir un <em>habiter</em> en ne faisant qu&rsquo;y passer&nbsp;?&nbsp;</p> <p>Ce n&rsquo;est pas en quinze jours de voyage que l&rsquo;on est en mesure de saisir et de pouvoir rendre compte de la complexit&eacute; de huit territoires profond&eacute;ment diff&eacute;rents. Aussi, le travail de rep&eacute;rage et de lectures en amont fut important pour fixer ce que chaque lieu devait nous dire quant &agrave; notre probl&eacute;matique g&eacute;n&eacute;rale. Le choix des territoires &agrave; aborder se fit donc en fonction de celle-ci, chaque lieu devant en illustrer un aspect. Il se fit &eacute;galement en fonction de la localisation et de l&rsquo;information disponible. Notre voyage d&eacute;cline donc en huit &eacute;tapes des cas de figures diff&eacute;rents du <em>d&eacute;shabit&eacute;</em>, en essayant d&rsquo;enrichir, &agrave; chaque fois sous un angle diff&eacute;rent, le sens du mot. En aucun cas, il ne s&rsquo;agit de faire le portrait exhaustif d&rsquo;un lieu, si tant est que cela soit possible.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="S1.jpg" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="486" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/S1.jpg" width="600" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;"><strong>Carte 1. Les 8 &eacute;tapes du voyage (Marine Delouvrier)</strong></p> <p style="text-align: center;">&nbsp;</p> </figcaption> </figure> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="S2.jpg" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="573" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/S2.jpg" width="827" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;"><strong>Tableau 1. Pr&eacute;sentation r&eacute;sum&eacute;e de chacune des 8 &eacute;tapes</strong></p> </figcaption> </figure> <p>&Agrave; partir de la lecture du tableau 1, aper&ccedil;u qui pr&eacute;sente succinctement chacun des lieux choisis, on peut fournir une d&eacute;clinaison des territoires <em>d&eacute;shabit&eacute;s</em> selon plusieurs probl&eacute;matiques territoriales qui se croisent et se font &eacute;cho entre elles au fur et &agrave; mesure des huit &eacute;tapes&nbsp;: le <em>d&eacute;shabit&eacute;</em> comme lieu habit&eacute; &agrave; temps partiel, en fonction des saisons comme &agrave; Zahara de los Atunes (&eacute;tape 1) ou &agrave; Sarnago (&eacute;tape 5) ou bien sur un temps plus long comme &agrave; Villa de Ves (&eacute;tape 3) ou &agrave; Solanell (&eacute;tape 8)&nbsp;; le <em>d&eacute;shabit&eacute; </em>comme un espace anciennement habit&eacute; et patrimonialis&eacute; comme dans le cas du site arch&eacute;ologique de <em>Baelo Claudia</em> (&eacute;tape 1) ou en cours de patrimonialisation pour la centrale &eacute;lectrique de Villa de Ves (&eacute;tape 3)&nbsp;; le <em>d&eacute;shabit&eacute;</em> comme un lieu essentiellement investi par la m&eacute;moire mais avec des cons&eacute;quences en termes d&rsquo;am&eacute;nagement territorial (Mediano - &eacute;tape 7 -, Los Pozos - &eacute;tape 2 -, Rod&eacute;n - &eacute;tape 6 -)&nbsp;; le <em>d&eacute;shabit&eacute;</em> comme territoire de la disproportion entre b&acirc;ti et <em>habitant </em>dont Sese&ntilde;a (&eacute;tape 4) serait la meilleure illustration, comme une exacte antith&egrave;se de l&rsquo;exode rural puisque ce n&rsquo;est pas un b&acirc;ti ancien qui se vide mais un b&acirc;ti tout neuf qui tarde &agrave; se remplir pour former une sorte de nouveau <em>pueblo</em>&nbsp;; le <em>d&eacute;shabit&eacute;</em> comme un espace anciennement habit&eacute; qui r&eacute;siste &agrave; l&rsquo;abandon total (Sarnago - &eacute;tape 5 - et Solanell - &eacute;tape 8 -)&nbsp;; le <em>d&eacute;shabit&eacute; </em>comme territoire g&eacute;n&eacute;r&eacute; par une grande industrie ou un grand am&eacute;nagement qui n&rsquo;est plus en usage (Alquife - &eacute;tape 2 -, Villa de Ves - &eacute;tape 3 -).</p> <p>Malgr&eacute; la diversit&eacute; des territoires abord&eacute;s, chacun de ces espaces peut bien &ecirc;tre pr&eacute;sent&eacute; comme un lieu <em>d&eacute;shabit&eacute;</em>, un lieu o&ugrave; s&rsquo;est d&eacute;velopp&eacute; un <em>habiter</em> particulier marqu&eacute; par la disproportion entre un b&acirc;ti collectif ayant une unit&eacute; propre et une occupation humaine r&eacute;elle qui ne remplit que partiellement ce b&acirc;ti (en y habitant par moment, ponctuellement, ou en faible nombre par rapport aux capacit&eacute;s du construit, ou bien encore, d&rsquo;une autre fa&ccedil;on, en investissant le lieu d&rsquo;une forte charge m&eacute;morielle). Il ne s&rsquo;y d&eacute;veloppe donc pas une &laquo;&nbsp;communaut&eacute;&nbsp;&raquo; au sens d&rsquo;un groupe formant une unit&eacute; sociale issue du partage d&rsquo;un m&ecirc;me territoire. Soulignons que cette notion de communaut&eacute; rel&egrave;ve, pour nous, d&rsquo;une construction culturelle qui verrait une correspondance id&eacute;ale entre les deux sens du mot <em>pueblo&nbsp;</em>: village et peuple. Nous l&rsquo;utilisons comme un mod&egrave;le, une sorte d&rsquo;id&eacute;al-type, pris pour tel, et &agrave; partir duquel la notion de <em>d&eacute;shabit&eacute;</em> prend forme. Partant, dans ce projet, nous interrogeons &eacute;galement nos propres imaginaires b&acirc;tis autour de cet id&eacute;al-type. Cependant, nous pr&eacute;tendons, en les confrontant &agrave; travers des m&eacute;diums diff&eacute;rents, faire &eacute;merger une mise &agrave; distance critique.</p> <h3><strong><em>Multiplier les m&eacute;diums</em></strong></h3> <p>Ce projet cherche &agrave; mettre en sc&egrave;ne les probl&eacute;matiques de certains territoires <em>d&eacute;shabit&eacute;s</em> tout en soulignant les limites d&rsquo;une approche documentaire qui ne peut pr&eacute;tendre rendre compte de l&rsquo;exhaustivit&eacute; et de la complexit&eacute; de ces lieux et de ces habitants. Il ne s&rsquo;agit pas l&agrave; d&rsquo;une pr&eacute;vention d&rsquo;usage mais bien d&rsquo;une r&eacute;elle contrainte. En effet, certains de ces lieux, spectaculaires, ont suscit&eacute; des travaux artistiques et des recherches. Bien souvent cependant, il s&rsquo;agit d&rsquo;approches &laquo;&nbsp;hors-sol&nbsp;&raquo; dans lesquelles les aprioris classistes se m&ecirc;lent &agrave; une encombrante fascination paysag&egrave;re, romantique et / ou d&eacute;cadentiste. Afin d&rsquo;&eacute;viter de d&eacute;river sur une pente glissante, ce travail m&ecirc;le diff&eacute;rents regards et m&eacute;diums qui cherchent, conjointement, &agrave; repr&eacute;senter ces territoires et leurs habitants &agrave; travers un kal&eacute;idoscope.</p> <p>Aux dessins en couleur, la repr&eacute;sentation en plan large des lieux. Aux photographies en noir et blanc, les plans plus serr&eacute;s et les portraits. Captations sonores et interviews servent &agrave; reproduire une voix autochtone et les textes sont davantage explicatifs et analytiques. M&ecirc;me si chacun des m&eacute;diums remplit un r&ocirc;le, carte blanche &eacute;tait laiss&eacute;e &agrave; chacun des participants au voyage. Ainsi, l&rsquo;approche reste largement intuitive. Le temps limit&eacute; du voyage ne permet qu&rsquo;une rapide immersion. Il s&rsquo;agit alors, pour chacun des m&eacute;diums, de saisir des fragments et des bribes, de garder une trace ou une impression. Ce n&rsquo;est qu&rsquo;au retour, une fois le voyage effectu&eacute; qu&rsquo;une s&eacute;lection des photos a lieu, que certains recadrages sont effectu&eacute;s, que les croquis pris sur le vif sont repris et les montages sonores r&eacute;alis&eacute;s. Apr&egrave;s le voyage, une phase de digestion et de mise en commun des productions a lieu. Cet article est le produit de celle-ci.</p> <p>Le but de cette d&eacute;marche est d&rsquo;offrir une mosa&iuml;que de regards et de confronter aussi les m&eacute;diums entre eux. Que dit la photographie que ne dit pas le dessin et inversement&nbsp;? De l&rsquo;instantan&eacute; d&rsquo;un d&eacute;clic aux heures dont a besoin l&rsquo;aquarelliste, les temporalit&eacute;s de cr&eacute;ation ne sont pas les m&ecirc;mes. Les photographies optent pour des cadrages serr&eacute;s, s&rsquo;attellent &agrave; la saisie des d&eacute;tails, de l&rsquo;instant et des signes quand le regard de l&rsquo;architecte-peintre se porte sur le b&acirc;ti, l&rsquo;habitat et l&rsquo;environnement en grand angle. Alternant entre les deux m&eacute;diums, on peut alors zoomer et d&eacute;zoomer et choisir, en quelque sorte, sa propre temporalit&eacute; pour regarder l&rsquo;Espagne <em>d&eacute;shabit&eacute;e</em>. Dans tous les cas, l&rsquo;objectif n&rsquo;est pas d&rsquo;atteindre une v&eacute;rit&eacute;, plut&ocirc;t de saisir une ambiance. Il s&rsquo;agit aussi de rendre visible notre subjectivit&eacute; et les limites de nos regards.</p> <h2><strong>La repr&eacute;sentation des vides habit&eacute;s</strong></h2> <h3><strong><em>Repr&eacute;sentations et r&eacute;cit collectif</em></strong></h3> <p>Au terme de ce voyage, plusieurs aspects r&eacute;v&eacute;lateurs nous semblent marquer les territoires <em>d&eacute;shabit&eacute;s </em>que nous avons &eacute;tudi&eacute;s. Il existe souvent une distance entre l&rsquo;image qu&rsquo;ont les habitants de leur territoire de vie et les repr&eacute;sentations qui sont produites depuis l&rsquo;ext&eacute;rieur de celui-ci. C&rsquo;&eacute;tait vrai &agrave; Alquife o&ugrave; le dernier reportage paru &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision n&rsquo;avait pas beaucoup plu mais l&rsquo;exemple le plus frappant se trouvait au Qui&ntilde;&oacute;n. Territoire devenu symbole de la crise &eacute;conomique, il a attir&eacute; en effet de nombreux journalistes venus rendre compte de l&rsquo;escroquerie dont avaient &eacute;t&eacute; victimes les habitants. Territoire satur&eacute; de repr&eacute;sentations, image de la &laquo;&nbsp;ville fant&ocirc;me&nbsp;&raquo; dont les habitants ont &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute;s comme les dindons d&rsquo;une farce &eacute;conomique qui les d&eacute;passait<a href="#nbp17" id="footnoteref17_6ie23bm" name="liennbp17" title="Voir à ce propos le reportage de Iñigo Domínguez dans El País semanal, 2 mars 2016 : https://elpais.com/elpais/2016/02/29/eps/1456761278_486731.html (consulté le 3 mars 2016).">17</a>. Ce que beaucoup auraient cependant aim&eacute; mettre en avant, ce sont les v&eacute;ritables raisons pour lesquelles ils s&rsquo;y &eacute;taient install&eacute;s, l&rsquo;espace, les logements de qualit&eacute;, la vie sociale qui malgr&eacute; tout se d&eacute;veloppait, avec un club de foot, des caf&eacute;s pleins et une population en pleine croissance&nbsp;!</p> <p>Un autre exemple int&eacute;ressant se trouve &agrave; Rod&eacute;n&nbsp;: l&rsquo;histoire de la destruction du vieux village pendant la guerre civile que racontent les habitants n&rsquo;a pas grand-chose &agrave; voir avec celle que vient d&rsquo;avancer une th&egrave;se sur le sujet<a href="#nbp18" id="footnoteref18_qjzj1ce" name="liennbp18" title="La thèse de Carlos Bitrián sur les ruines de la guerre civile n’a pas encore été publiée. Voir son article : Carlos Bitrián, « Espacio y memoria. Habitar donde habita el recuerdo de la Guerra Civil Española », en Marta Llorente (coord.), Topología del espacio urbano. Palabras, imágenes y experiencias que definen la ciudad, Madrid, Abada Editores, 2014, p. 247-302. Nous remercions chaleureusement l’auteur de nous avoir fait part de ses travaux.">18</a>. Dans le premier cas, ce seraient les r&eacute;publicains qui, occupant le village situ&eacute; sur la ligne de front aragonaise, l&rsquo;auraient en partie d&eacute;truit pour se barricader et se chauffer et, dans l&rsquo;autre, c&rsquo;est le bombardement de l&rsquo;aviation franquiste qui serait &agrave; l&rsquo;origine de sa destruction.</p> <p>Il nous appara&icirc;t que la distance entre la repr&eacute;sentation des habitants et les repr&eacute;sentations ext&eacute;rieures est le produit de l&rsquo;absence de r&eacute;cit collectif unificateur. Il ne s&rsquo;agit pas l&agrave; d&rsquo;une sp&eacute;cificit&eacute; des lieux <em>d&eacute;shabit&eacute;s </em>mais tous les lieux <em>d&eacute;shabit&eacute;s</em> que nous avons abord&eacute;s sont marqu&eacute;s par cette absence. En effet, la communaut&eacute; s&rsquo;&eacute;tant d&eacute;sagr&eacute;g&eacute;e ou bien se trouvant en phase de formation et / ou de reconstruction, les r&eacute;cits collectifs se sont effrit&eacute;s, laissant libre cours &agrave; une profusion d&rsquo;images et de repr&eacute;sentations. Autrement dit, le territoire <em>d&eacute;shabit&eacute;</em> appara&icirc;t <em>en recherche</em> d&rsquo;un r&eacute;cit collectif. Les cas des tentatives de repeuplement de Sarnago et de Solanell illustrent bien la fa&ccedil;on dont une communaut&eacute; tente de redonner un sens collectif &agrave; un lieu. &Agrave; Sarnago, l&rsquo;association fond&eacute;e par les derniers habitants a r&eacute;cup&eacute;r&eacute; les f&ecirc;tes traditionnelles des <em>M&oacute;ndidas </em>et fait vivre le village autour de certains &eacute;v&eacute;nements<a href="#nbp19" id="footnoteref19_rcss72x" name="liennbp19" title="Voir à ce propos : https://www.sarnago.com/ (consulté le 20 novembre 2018).">19</a>. Dans le cas de Solanell, la rupture g&eacute;n&eacute;rationnelle entre les derniers habitants et les nouveaux est presque enti&egrave;re&nbsp;: c&rsquo;est davantage la coop&eacute;rative qui vient redonner une histoire au lieu et un sens collectif &agrave; la d&eacute;marche. &Agrave; Mediano, dans le village inond&eacute;, ce n&rsquo;est que r&eacute;cemment qu&rsquo;un r&eacute;cit collectif a r&eacute;&eacute;merg&eacute; &agrave; partir de la publication d&rsquo;un ouvrage et de la r&eacute;alisation de documentaires (Dessin 1)<a href="#nbp20" id="footnoteref20_fjdpn90" name="liennbp20" title="Voir Alberto Sabio Alcutén, Mediano. El ojo del pasado, Huesca, Diputación provincial de Huesca, 2011. On peut également consulter le documentaire disponible en Dvd-livre La memoria ahogada de Maite Cortina et Roberto Roldán produit par Aragón Televisión et Factoría Plural en 2010.">20</a>. Le brusque d&eacute;part forc&eacute; des habitants suite &agrave; la mont&eacute;e des eaux en 1969 &eacute;tait jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent rest&eacute; tabou. Lors des f&ecirc;tes qui ont lieu chaque ann&eacute;e ou sur le groupe <em>Facebook</em> des amis de Mediano, ce ne sont pas uniquement les anciens habitants ou les descendants de ceux-ci que l&rsquo;on trouve&nbsp;: une nouvelle communaut&eacute; s&rsquo;est form&eacute;e autour du souvenir traumatique de l&rsquo;expulsion des derniers habitants du village mais aussi autour du magnifique paysage qui entoure le clocher de l&rsquo;&eacute;glise partiellement immerg&eacute;e<a href="#nbp21" id="footnoteref21_sqj2wiq" name="liennbp21" title="Un roman récent de Julio Llamazares présente très bien cette problématique générationnelle. Il montre les regards que portent différentes personnes sur les eaux d’un barrage qui a inondé un village. Voir Julio Llamazares, Distintas formas de mirar el agua, Barcelona, Alfaguara, 2015.">21</a>. &Agrave; Alquife, m&ecirc;me si tous les anciens mineurs se souviennent avec nostalgie de la vie dans le village de Los Pozos (les puits), construit pour les h&eacute;berger, ils sont pourtant peu nombreux &agrave; le visiter. Les conditions de la fermeture, l&rsquo;&eacute;tat d&eacute;plorable dans lequel se trouve l&rsquo;ancien village et le serpent de mer de la r&eacute;ouverture de la mine ont laiss&eacute; des traces. Et puis, beaucoup d&rsquo;anciens mineurs sont morts ou sont partis au moment de la fermeture. L&agrave; non plus, aucun r&eacute;cit collectif r&eacute;ellement partag&eacute; n&rsquo;a pu &eacute;merger.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img height="231" src="https://www.numerev.com/img/ck_3170_31_image-20240406182541-1.png" width="605" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;"><strong>Dessin 1. Le barrage de Mediano (Marine Delouvrier)</strong><br /> [aquarelle sur papier, 63 x 22 cm]</p> </figcaption> </figure> <p>Ainsi, le territoire <em>d&eacute;shabit&eacute;</em> appara&icirc;t d&rsquo;autant plus difficile &agrave; saisir que l&rsquo;absence relative d&rsquo;habitants freine la formation d&rsquo;un r&eacute;cit collectif de l&rsquo;histoire du lieu. Au fond, les r&eacute;cits les plus unifi&eacute;s que l&rsquo;on a trouv&eacute;s durant notre voyage proviennent des lieux patrimonialis&eacute;s ou en cours de patrimonialisation. Lorsque les habitants ont disparu depuis longtemps, un nouveau r&eacute;cit peut prendre place. C&rsquo;est le discours acad&eacute;mique -&nbsp;non sans controverses il est vrai&nbsp;- des arch&eacute;ologues de la cit&eacute; romaine de <em>Baelo Claudia</em> ou bien celui que porte l&rsquo;architecte qui cherche &agrave; cr&eacute;er un mus&eacute;e &agrave; Villa de Ves, dans la premi&egrave;re centrale hydro&eacute;lectrique espagnole aujourd&rsquo;hui abandonn&eacute;e. Dans ces lieux, l&rsquo;approche scientifique de l&rsquo;abandon et la distance chronologique permettent au discours acad&eacute;mique de s&rsquo;imposer, mais dans les autres territoires <em>d&eacute;shabit&eacute;s</em>, les voix sont plus diverses et chacun y va de son histoire, de son r&eacute;cit personnel, sans que cela ne parvienne toujours &agrave; constituer un v&eacute;ritable r&eacute;cit unificateur. C&rsquo;est l&agrave; s&ucirc;rement en partie l&rsquo;effet d&rsquo;une caract&eacute;ristique de ces territoires&nbsp;: ils sont vides d&rsquo;hommes mais pourtant satur&eacute;s de pr&eacute;sences.</p> <h3><strong><em>Saturation d&rsquo;empreintes et pr&eacute;carit&eacute;</em></strong></h3> <p>Les territoires <em>d&eacute;shabit&eacute;s </em>peuvent &ecirc;tre caract&eacute;ris&eacute;s par un vide d&rsquo;hommes (relatif) mais aussi, paradoxalement, par une saturation des signes de la pr&eacute;sence humaine. Le territoire <em>d&eacute;shabit&eacute;</em> n&rsquo;est pas seulement un espace anthropique, c&rsquo;est un lieu o&ugrave; l&rsquo;implantation humaine a impliqu&eacute; et implique encore une occupation et des am&eacute;nagements, raisons pour lesquelles l&rsquo;empreinte de l&rsquo;homme y est omnipr&eacute;sente. Pour autant, dans les territoires <em>d&eacute;shabit&eacute;s</em>, cette omnipr&eacute;sence des traces est inversement proportionnelle &agrave; la pr&eacute;sence r&eacute;elle des hommes. Ainsi, lorsque l&rsquo;on traque les traces de l&rsquo;installation humaine, on s&rsquo;aper&ccedil;oit que tout le &laquo;&nbsp;paysage&nbsp;&raquo; a &eacute;t&eacute; forg&eacute; par la main de l&rsquo;homme et que tous les &eacute;l&eacute;ments semblent converger pour dire sa pr&eacute;sence. Ici quelques planches &agrave; l&rsquo;abandon et comme en attente d&rsquo;un nouvel usage, moment de suspens que d&eacute;robe la photographie avant qu&rsquo;une main ne vienne s&rsquo;en saisir (Photo 1). L&agrave; une inscription, les fondations d&rsquo;un mur &eacute;croul&eacute; mitoyen d&rsquo;une maison r&eacute;nov&eacute;e ou encore les contreforts de fortune qui voudraient &eacute;viter la ruine &agrave; des murs branlants (Photo 2).</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="S4.jpg" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="600" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/S4.jpg" width="600" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;"><strong>Photo 1. Planches de bois &agrave; Solanell (Ana&iuml;s Boudot)</strong><br /> [Prise de vue au format 6 x 6, photographie argentique en noir et blanc</p> </figcaption> </figure> <p>La pr&eacute;sence / absence de l&rsquo;homme est particuli&egrave;rement &eacute;vocatrice dans le cas des ruines. &Agrave; Sarnago et Solanell, les deux &eacute;tapes du voyage o&ugrave; l&rsquo;on en trouvait le plus, les nouvelles occupations de ces villages ont pour objet de relever les murs et de reconstruire les maisons, ce qui donne lieu &agrave; des images &eacute;tonnantes de maisons flambant neuves au milieu des ruines. Le <em>topos </em>romantique s&rsquo;y trouve &eacute;trangement subverti puisque les <em>repobladores</em>, ces <em>repeupleurs </em>qui s&rsquo;adonnent &agrave; la reconstruction, sont aussi fascin&eacute;s par les ruines que provoquent l&rsquo;abandon et le langage m&eacute;taphorique du passage du temps qu&rsquo;elles incarnent. Ainsi, Enric, seul nouvel habitant &agrave; l&rsquo;ann&eacute;e de Solanell, nous explique qu&rsquo;il est venu pour reconstruire le village mais que ce qui l&rsquo;a attir&eacute; en premier lieu, c&rsquo;est la beaut&eacute; des ruines ocres du site pr&eacute;-pyr&eacute;n&eacute;en. Certes, lorsque la route sera reconstruite, cela facilitera l&rsquo;avanc&eacute;e des travaux mais dans le m&ecirc;me temps, la tranquillit&eacute; et le charme des lieux y perdront. Il raconte aussi l&rsquo;observation minutieuse qu&rsquo;il fait de la progressive destruction des maisons qui entourent la sienne&nbsp;: ce bout de toit qui s&rsquo;est effondr&eacute; la semaine pr&eacute;c&eacute;dente, le fragment de mur qui s&rsquo;est abattu, la fissure qui s&rsquo;est agrandie&hellip;</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="S5.jpg" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="600" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/S5.jpg" width="600" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;"><strong>Photo 2. Sarnago (Ana&iuml;s Boudot)</strong><a href="#nbp22" id="footnoteref22_k37duyu" name="liennbp22" title="Cet étayage de fortune vise à consolider l’église dans l’attente de financements pour la rénovation. Il montre la volonté et l’énergie des membres de l’association du village de Sarnago qui cherchent à sauvegarder leur patrimoine en dépit du manque de moyens. Il évoque l’urgence et la recherche d’une trêve contre le passage du temps.">22</a><br /> [Prise de vue au format 6 x 6, photographie argentique en noir et blanc]</p> </figcaption> </figure> <p>Dans un sens diff&eacute;rent, on pourrait voir dans Sese&ntilde;a, ses constructions et grands am&eacute;nagements mort-n&eacute;s, des sortes de ruines invers&eacute;es&nbsp;: &agrave; peine construites, toutes neuves, elles commencent un lent processus de d&eacute;t&eacute;rioration provoqu&eacute; par l&rsquo;absence d&rsquo;usage. M&eacute;taphore, ici, non du passage du temps, mais plut&ocirc;t d&rsquo;une forme de d&eacute;cadence civilisationnelle. Ce qui r&eacute;unit Sarnago et Sese&ntilde;a cependant, ce n&rsquo;est pas tant la destruction ou la ruine progressive que l&rsquo;avancement et la reconqu&ecirc;te progressive de la &laquo;&nbsp;nature&nbsp;&raquo;.</p> <p>C&rsquo;est vrai &agrave; Sese&ntilde;a o&ugrave; les routes semi-construites sont peu &agrave; peu grignot&eacute;es par les herbes, c&rsquo;est vrai &agrave; Sarnago et &agrave; Solanell o&ugrave; l&rsquo;n nettoie chaque ann&eacute;e les chemins pour pouvoir circuler entre les rues. Ici, les habitants apparaissent doublement <em>en lutte&nbsp;</em>: ils le sont pour exister comme communaut&eacute;, nous l&rsquo;avons vu, mais aussi pour dominer la nature et lui imposer une forme qui rende le lieu <em>habit&eacute;</em>. Ce qu&rsquo;offrent au fond les territoires <em>d&eacute;shabit&eacute;s</em>, c&rsquo;est une sorte de mise en sc&egrave;ne de la lutte entre l&rsquo;homme et la nature o&ugrave;, si l&rsquo;un peut&nbsp; jour une manche ou deux, jamais il ne peut r&eacute;duire totalement son adversaire. En effet, malgr&eacute; le travail du temps et la reconqu&ecirc;te par la nature des espaces artificialis&eacute;s, les empreintes humaines ne sont jamais totalement effac&eacute;es. Mediano, sous les eaux, conserve ses ruines, on peut les visiter lorsque le niveau des eaux baisse. Dans le vieux Rod&eacute;n bombard&eacute;, on reconna&icirc;t encore le trac&eacute; des rues du village. M&ecirc;me si Alquife est devenu un camp d&rsquo;entra&icirc;nement &agrave; la <em>guerrilla</em> urbaine pour les militaires des casernes andalouses, m&ecirc;me si les tuiles des toits ont &eacute;t&eacute; revendues, l&rsquo;ancien cin&eacute;ma aux si&egrave;ges d&eacute;fonc&eacute;s semble avoir &eacute;t&eacute; ferm&eacute; hier.</p> <p>Au&nbsp; fond, de par la confrontation entre nature et am&eacute;nagement ou artificialisation humaine, il appara&icirc;t que les territoires <em>d&eacute;shabit&eacute;s</em> se r&eacute;v&egrave;lent, peut-&ecirc;tre plus facilement qu&rsquo;ailleurs, comme des palimpsestes. Il s&rsquo;agit d&rsquo;espaces satur&eacute;s d&rsquo;empreintes vari&eacute;es dont le regard contemporain peut ais&eacute;ment mesurer les s&eacute;quences chronologiques. Au d&eacute;but de notre voyage, &agrave; Tarifa, les ruines de la petite cit&eacute; autochtone de la <em>Silla del Papa</em> abandonn&eacute;e suite &agrave; l&rsquo;arriv&eacute;e des Romains, l&rsquo;abandon de la ville romaine en contrebas quelques si&egrave;cles plus tard puis l&rsquo;expulsion, au moment des fouilles du d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, du village de p&ecirc;cheurs qui s&rsquo;&eacute;tait install&eacute; dans les ruines de la cit&eacute;, en sont une bonne illustration. Sur le temps long, <em>habiter </em>y appara&icirc;t comme quelque chose de pr&eacute;caire. Les <em>habitants </em>saisonniers de la station baln&eacute;aire de Zahara de los Atunes qui se trouve &agrave; proximit&eacute; de ces anciennes villes, sont-ils, au fond, si diff&eacute;rents des populations pass&eacute;es qui ont v&eacute;cu &agrave; Tarifa&nbsp;? Question d&rsquo;&eacute;chelle de temps.</p> <p>&Agrave; Villa de Ves, le jeu de transfert et les mouvements permanents de populations qui se sont d&eacute;roul&eacute;s dans la vall&eacute;e du J&uacute;car depuis la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle illustrent aussi, d&rsquo;une autre fa&ccedil;on, cette pr&eacute;carit&eacute; de <em>l&rsquo;habiter </em>dans le temps&nbsp;: au village de la vall&eacute;e et au village du <em>secano</em>, sur le plateau non irrigu&eacute;, se sont ajout&eacute;s de nombreux habitants venus travailler &agrave; la construction des infrastructures de la premi&egrave;re centrale hydro&eacute;lectrique espagnole au d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle. Un troisi&egrave;me village, pour les ing&eacute;nieurs, a vu le jour mais il est rest&eacute; &agrave; l&rsquo;abandon suite &agrave; la fermeture de la centrale. La construction du barrage qui d&eacute;viait les eaux coulant jusqu&rsquo;&agrave; lui a par ailleurs provoqu&eacute; l&rsquo;abandon du village de la vall&eacute;e qui ne disposait plus de ses bonnes terres. Beaucoup ont immigr&eacute;. Seul le village du plateau survivait&nbsp;: aujourd&rsquo;hui, il est lui aussi menac&eacute; par la d&eacute;sertification rurale, pendant que certaines maisons du village de la vall&eacute;e sont r&eacute;habilit&eacute;es pour en faire des r&eacute;sidences secondaires.</p> <p>Les abandons successifs &agrave; Tarifa et les mouvements de population dans la vall&eacute;e du J&uacute;car questionnent le rapport des hommes au territoire et la durabilit&eacute; de l&rsquo;<em>habiter</em>. Tant et si bien qu&rsquo;arriv&eacute;s &agrave; la derni&egrave;re &eacute;tape de notre voyage, &agrave; Solanell, lorsque l&rsquo;on d&eacute;couvre les figures d&rsquo;hommes grav&eacute;es dans la pierre dat&eacute;es du pal&eacute;olithique, on en vient &agrave; se demander si ce ne sont pas les seuls v&eacute;ritables habitants qui r&eacute;sistent au passage du temps.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="S6-min.jpg" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="458" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/S6-min.jpg" width="600" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;"><strong>Dessin 2. Villa de Ves (Marine Delouvrier) </strong><br /> [aquarelle sur papier, 24,5 x 18,5 cm]</p> </figcaption> </figure> <h2><strong>Conclusion</strong></h2> <p>Notre voyage &agrave; travers l&rsquo;Espagne <em>d&eacute;shabit&eacute;e </em>interroge la fa&ccedil;on de saisir une pr&eacute;sence. Sans hommes, ou avec peu d&rsquo;<em>habitants</em>, il s&rsquo;agit n&eacute;anmoins de tirer le portrait d&rsquo;un lieu <em>habit&eacute;</em>, d&rsquo;en faire une sorte de biographie et, en ce sens, de rendre compte d&rsquo;un vide pourtant plein de pr&eacute;sences. Nous rejoignons l&agrave; un questionnement classique relatif &agrave; la production d&rsquo;images et de repr&eacute;sentations. Il s&rsquo;agit d&rsquo;attraper au vol, dans le temps de la travers&eacute;e, des images et des sons, des objets signifiants qui nous disent cette Espagne <em>d&eacute;shabit&eacute;e</em>, qui la condensent, peut-&ecirc;tre, en certains signes. Le bilan que l&rsquo;on vient d&rsquo;esquisser est le r&eacute;sultat de cette r&eacute;cente mise en commun.</p> <p>&Agrave; l&rsquo;instar d&rsquo;un Sylvain Tesson empruntant les <em>chemins noirs</em>, chemins de traverse pour &agrave; la fois r&eacute;v&eacute;ler et fuir le monde, notre enqu&ecirc;te interroge, depuis les marges, un <em>habiter </em>en pleine mutation<a href="#nbp23" id="footnoteref23_xcpwsw8" name="liennbp23" title="Sylvain Tesson, Sur les chemins noirs, Paris, Gallimard, 2016.">23</a>. Au terme de ce travail, il nous appara&icirc;t que les territoires <em>d&eacute;shabit&eacute;s</em> tels que nous les avons d&eacute;finis permettent de mettre en &eacute;vidence la pr&eacute;carit&eacute; de celui-ci. Gageons que plans larges et focus plus pr&eacute;cis, dessins en couleurs et photos 6 x 6 en noir et blanc, captations d&rsquo;ambiances sonores et textes explicatifs permettent de <em>prendre la mesure</em> du <em>d&eacute;shabit&eacute;</em>, c&rsquo;est-&agrave;-dire de saisir quelque chose de l&rsquo;exc&egrave;s et de la disproportion qui le caract&eacute;risent et, partant, de la fragilit&eacute; de l&rsquo;<em>habiter</em>.</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><b>Notes et r&eacute;f&eacute;rences</b></p> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>Aug&eacute;, Marc, <em>Non-lieux. Introduction &agrave; une anthropologie de la surmodernit&eacute;</em>, Paris, Seuil, 1992.</p> <p>Besse, Jean-Marc, <em>Habiter un monde &agrave; mon image</em>, Paris, Flammarion, 2013.</p> <p>Bitri&aacute;n, Carlos, &laquo;&nbsp;Espacio y memoria. Habitar donde habita el recuerdo de la Guerra Civil Espa&ntilde;ola&nbsp;&raquo;, en Marta Llorente (coord.), <em>Topolog&iacute;a del espacio urbano. Palabras, im&aacute;genes y experiencias que definen la ciudad</em>, Madrid, Abada Editores, 2014, p.&nbsp;247-302.</p> <p>Carrasco, Jes&uacute;s, <em>Intemperie</em>, Barcelona, Seix Barral, 2012.</p> <p>Del Molino, Sergio, <em>Espa&ntilde;a vac&iacute;a. Viaje por un pa&iacute;s que nunca fue</em>, Madrid, Turner, 2016.</p> <p>D&iacute;az, Jenn, <em>Belfondo</em>, Barcelona, Principal de los libros, 2011.</p> <p>Heidegeer, Martin, &laquo;&nbsp;B&acirc;tir, habiter, penser&nbsp;&raquo;, dans <em>Essais et conf&eacute;rences</em>, Paris, Gallimard, 1958.</p> <p>Knafou, R&eacute;my, <em>La plan&egrave;te &ldquo;nomade&rdquo;. Les mobilit&eacute;s g&eacute;ographiques aujourd&rsquo;hui</em>, Paris, Belin, 1998.</p> <p>Lazzarotti, Olivier, <em>Habiter. La condition g&eacute;ographique</em>, Paris, Belin, 2006.</p> <p>Llamazares, Julio, <em>Distintas formas de mirar el agua</em>, Barcelona, Alfaguara, 2015.</p> <p>Molino, Lara, <em>Por si se va la luz, </em>Barcelona, Lumen, 2012.</p> <p>Ravelli, Quentin, <em>Les briques rouges. Logement, dettes et luttes sociales en Espagne</em>, Paris, Editions Amsterdam, 2017.</p> <p>Siou, Herv&eacute;, &laquo;&nbsp;Reflexiones en torno a un &eacute;xito&nbsp;: <em>La Espa&ntilde;a vac&iacute;a</em>&nbsp;&raquo;, <em>Artes del ensayo. Revista internacional sobre el ensayo hisp&aacute;nico</em>, n&deg;2, 2018, p.&nbsp;355-361.</p> <p>Paquot, Thierry, Michel Lussault et Chris Youn&egrave;s (dir.), <em>Habiter, le propre de l&rsquo;humain. Villes, territoires et philosophie</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2007.</p> <p>Tesson, Sylvain, <em>Sur les chemins noirs</em>, Paris, Gallimard, 2016.</p> <hr /> <p><a href="#liennbp1" name="nbp1">1</a> Jean-Marc Besse, <em>Habiter un monde &agrave; mon image</em>, Paris, Flammarion, 2013, p.&nbsp;126.</p> <p><a href="#liennbp2" name="nbp2">2 </a>Le verbe <em>d&eacute;shabiter</em> (cesser d&rsquo;habiter) et son adjectif sont d&rsquo;un usage tr&egrave;s rare dans le fran&ccedil;ais actuel. Le terme aurait &eacute;t&eacute; plus courant &agrave; l&rsquo;&eacute;poque moderne et jusqu&rsquo;au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle. (Voir <em>Cnrtl</em> et <em>Littr&eacute;</em>).</p> <p><a href="#liennbp3" name="nbp3">3</a> Pour un &eacute;clairage du vocabulaire de l&rsquo;habiter, voir&nbsp;: Thierry Paquot, &laquo; &ldquo;Habitat&rdquo;, &ldquo;habitation&rdquo;, &ldquo;habiter&rdquo;, pr&eacute;cisions sur trois termes parents &raquo; dans Thierry Paquot, Michel Lussault et Chris Youn&egrave;s (dir.), <em>Habiter, le propre de l&rsquo;humain. Villes, territoires et philosophie</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2007, p.&nbsp;7-16.</p> <p><a href="#liennbp4" name="nbp4">4</a> Jean-Marc Besse, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;10. Sur la dimension collective de l&rsquo;habiter, on peut consulter les pages 40 &agrave; 66 de ce m&ecirc;me ouvrage. Elles sont consacr&eacute;es &agrave; l&rsquo;espacement. L&rsquo;auteur y &eacute;crit notamment&nbsp;: &laquo; Habiter, c&rsquo;est trouver, d&eacute;finir, ajuster, entretenir les bonnes distances entre moi et les autres, entre les autres et moi. Ni trop pr&egrave;s, car alors ce sont les passions, les effusions, la violence toujours possible, c&rsquo;est la conclusion ou la fusion, c&rsquo;est l&rsquo;inhabitable. Ni trop loin, parce que en ce cas c&rsquo;est l&rsquo;indiff&eacute;rence, l&rsquo;oubli, la r&eacute;duction de l&rsquo;autre en objet pour moi ou de moi en objet pour lui ou elle &raquo;, p.&nbsp;43.</p> <p><a href="#liennbp5" name="nbp5">5</a> Au moment de l&rsquo;&eacute;criture de cet article, notre projet est toujours en cours. Une exposition a &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute;e &agrave; Paris en juin 2018 dans l&rsquo;espace <em>Le Dorothy</em> (85 bis rue de M&eacute;nilmontant, 75020). Elle migrera en avril 2019 &agrave; Madrid &agrave; l&rsquo;Institut fran&ccedil;ais (Calle Marqu&eacute;s de la Ensenada, 12, 28004 Madrid). Une publication en ligne est en cours sur le site de la revue <em>Entre-temps</em> (<a href="https://entre-temps.net/">https://entre-temps.net/</a>). Par ailleurs, un site internet bilingue (fran&ccedil;ais et espagnol) est en cours de pr&eacute;paration et devrait voir le jour au printemps 2019 &agrave; l&rsquo;adresse &laquo;&nbsp;espagnedeshabitee.fr&nbsp;&raquo;. Outre les textes, dessins, photographies et captations sonores que nous avons r&eacute;alis&eacute;s, nous avons &eacute;galement invit&eacute; d&rsquo;autres artistes &agrave; participer &agrave; notre travail. Le site internet fera &eacute;tat de l&rsquo;ensemble de ces productions.</p> <p><a href="#liennbp6" name="nbp6">6</a> Les chiffres varient en fonction des ann&eacute;es mais oscillent autour de 500&nbsp;000 nouveaux logements par an.</p> <p><a href="#liennbp7" name="nbp7">7</a> Le nombre des exil&eacute;s &eacute;conomiques n&rsquo;est pas connu avec pr&eacute;cision. Quant &agrave; la courbe du ch&ocirc;mage, elle se situe largement au-dessus de 20 % pendant la crise &eacute;conomique.</p> <p><a href="#liennbp8" name="nbp8">8 </a>Voir Quentin Ravelli, <em>Les briques rouges. Logement, dettes et luttes sociales en Espagne</em>, Paris, &Eacute;ditions Amsterdam, 2017.</p> <p><a href="#liennbp9" name="nbp9">9</a> Sur ce point, voir&nbsp;: Herv&eacute; Siou, &laquo;&nbsp;Reflexiones en torno a un &eacute;xito&nbsp;: <em>La Espa&ntilde;a vac&iacute;a</em>&nbsp;&raquo;, <em>Artes del ensayo. Revista internacional sobre el ensayo hisp&aacute;nico</em>, n&deg; 2 (2018), p.&nbsp;355-361. [En ligne] <a href="https://www.raco.cat/index.php/artesdelensayo/article/view/339869">https://www.raco.cat/index.php/artesdelensayo/article/view/339869</a>.</p> <p><a href="#liennbp10" name="nbp10">10</a> Voir par exemple les chroniques de Julio Llamazares dans les colonnes du journal <em>El Pa&iacute;s</em> qui, r&eacute;guli&egrave;rement, traitent du th&egrave;me de la d&eacute;population&nbsp;: <a href="https://elpais.com/autor/julio_llamazares/a/">https://elpais.com/autor/julio_llamazares/a/</a> (consult&eacute; le 20 novembre 2018).</p> <p><a href="#liennbp11" name="nbp11">11 </a>Voir Sergio Del Molino,<em> Espa&ntilde;a vac&iacute;a. Viaje por un pa&iacute;s que nunca fue</em>, Madrid, Turner, 2016. L&rsquo;ouvrage de Jes&uacute;s Carrasco a &eacute;t&eacute; traduit en fran&ccedil;ais&nbsp;: Jes&uacute;s Carrasco, <em>Intemp&eacute;rie</em>, Paris, Robert Laffont, 2015.</p> <p><a href="#liennbp12" name="nbp12">12 </a>Shu Aiello, Catherine Catella, <em>Un paese di Calabria</em>, 2016, 90 min, France, Suisse, Italie.</p> <p><a href="#liennbp13" name="nbp13">13</a> Sur le nomadisme contemporain et la fin de la vie s&eacute;dentaire, voir R&eacute;my Knafou, <em>La plan&egrave;te &ldquo;nomade&rdquo;. Les mobilit&eacute;s g&eacute;ographiques aujourd&rsquo;hui</em>, Paris, Belin, 1998.</p> <p><a href="#liennbp14" name="nbp14">14</a> Jean-Marc Besse, <em>op.cit.</em>, p.&nbsp;13-39.</p> <p><a href="#liennbp15" name="nbp15">15</a> De m&ecirc;me, d&rsquo;ailleurs, qu&rsquo;elle r&eacute;interroge la d&eacute;finition heidegg&eacute;rienne de l&rsquo;habiter comme un &ecirc;tre dans le monde. Voir Martin Heidegger, &laquo; B&acirc;tir, habiter, penser &raquo;, <em>Essais et conf&eacute;rences</em>, Paris, Gallimard, 1958, p.&nbsp;170-193 et Chris Youn&egrave;s, &laquo;&nbsp;Conclusion. Au tournant de la modernit&eacute;, habiter entre Terre et monde&nbsp;&raquo;, dans Thierry Paquot, Michel Lussault et Chris Youn&egrave;s (dir.), <em>Habiter, le propre de l&rsquo;humain&hellip;</em>, <em>op.cit.</em>, p.&nbsp;63-73.</p> <p><a href="#liennbp16" name="nbp16">16</a> Sur les non-lieux&nbsp;: Marc Aug&eacute;, <em>Non-lieux. Introduction &agrave; une anthropologie de la surmodernit&eacute;</em>, Paris, Seuil, 1992.</p> <p><a href="#liennbp17" name="nbp17">17</a> Voir &agrave; ce propos le reportage de I&ntilde;igo Dom&iacute;nguez dans <em>El Pa&iacute;s semanal</em>, 2 mars 2016&nbsp;: <a href="https://elpais.com/elpais/2016/02/29/eps/1456761278_486731.html">https://elpais.com/elpais/2016/02/29/eps/1456761278_486731.html</a> (consult&eacute; le 3 mars 2016).</p> <p><a href="#liennbp18" name="nbp18">18 </a>La th&egrave;se de Carlos Bitri&aacute;n sur les ruines de la guerre civile n&rsquo;a pas encore &eacute;t&eacute; publi&eacute;e. Voir son article&nbsp;: Carlos Bitri&aacute;n, &laquo;&nbsp;Espacio y memoria. Habitar donde habita el recuerdo de la Guerra Civil Espa&ntilde;ola&nbsp;&raquo;, en Marta Llorente (coord.), <em>Topolog&iacute;a del espacio urbano. Palabras, im&aacute;genes y experiencias que definen la ciudad</em>, Madrid, Abada Editores, 2014, p.&nbsp;247-302. Nous remercions chaleureusement l&rsquo;auteur de nous avoir fait part de ses travaux.</p> <p><a href="#liennbp19" name="nbp19">19 </a>Voir &agrave; ce propos&nbsp;: <a href="https://www.sarnago.com/">https://www.sarnago.com/</a> (consult&eacute; le 20 novembre 2018).</p> <p><a href="#liennbp20" name="nbp20">20</a> Voir Alberto Sabio Alcut&eacute;n, <em>Mediano. El ojo del pasado</em>, Huesca, Diputaci&oacute;n provincial de Huesca, 2011. On peut &eacute;galement consulter le documentaire disponible en Dvd-livre <em>La memoria ahogada </em>de Maite Cortina et Roberto Rold&aacute;n produit par Arag&oacute;n Televisi&oacute;n et Factor&iacute;a Plural en 2010.</p> <p><a href="#liennbp21" name="nbp21">21 </a>Un roman r&eacute;cent de Julio Llamazares pr&eacute;sente tr&egrave;s bien cette probl&eacute;matique g&eacute;n&eacute;rationnelle. Il montre les regards que portent diff&eacute;rentes personnes sur les eaux d&rsquo;un barrage qui a inond&eacute; un village. Voir Julio Llamazares, <em>Distintas formas de mirar el agua</em>, Barcelona, Alfaguara, 2015.</p> <p><a href="#liennbp22" name="nbp22">22</a> Cet &eacute;tayage de fortune vise &agrave; consolider l&rsquo;&eacute;glise dans l&rsquo;attente de financements pour la r&eacute;novation. Il montre la volont&eacute; et l&rsquo;&eacute;nergie des membres de l&rsquo;association du village de Sarnago qui cherchent &agrave; sauvegarder leur patrimoine en d&eacute;pit du manque de moyens. Il &eacute;voque l&rsquo;urgence et la recherche d&rsquo;une tr&ecirc;ve contre le passage du temps.</p> <p><a href="#liennbp23" name="nbp23">23 </a>Sylvain Tesson, <em>Sur les chemins noirs</em>, Paris, Gallimard, 2016.</p>