<p>Envisager l&rsquo;habiter au prisme de l&rsquo;<em>&eacute;cogynie</em> revient &agrave; &eacute;tablir des liens entre diff&eacute;rents champs, comme ceux de l&rsquo;art et de la philosophie. En effet, l&rsquo;<em>&eacute;cogynie</em> articule des r&eacute;f&eacute;rences artistiques et th&eacute;oriques d&eacute;pliant un double corpus qu&rsquo;oriente une esth&eacute;tique de la trace. Ce texte se propose ainsi d&rsquo;&eacute;tudier la notion d&rsquo;habiter &agrave; travers les traces visibles et invisibles laiss&eacute;es dans les corps et dans les paysages, puisqu&rsquo;elles peuvent guider vers une mani&egrave;re d&rsquo;habiter diff&eacute;remment la Terre. Nous verrons, de mani&egrave;re synth&eacute;tique dans le cadre de cet article, en quoi les &oelig;uvres de l&rsquo;artiste cubano-am&eacute;ricaine Ana Mendieta (La Havane, 1948 &ndash; New-York, 1985), analys&eacute;es au regard de certains &eacute;crits de Jacques Derrida (El Biar, 1930 &ndash; Paris, 2004), principal th&eacute;oricien de la trace, permettent de concevoir l&rsquo;&eacute;tendue des horizons ouverts par la notion d&rsquo;<em>&eacute;cogynie</em>. Il s&rsquo;agit en premier lieu de d&eacute;finir cette notion, consolid&eacute;e dans un second temps gr&acirc;ce &agrave; la pens&eacute;e derridienne. Enfin, l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;Ana Mendieta est &eacute;tudi&eacute;e &agrave; travers la trace qu&rsquo;elle laisse depuis ses chairs dans l&rsquo;environnement naturel, permettant de penser une mani&egrave;re d&rsquo;habiter le monde &agrave; travers l&rsquo;<em>&eacute;cogynie</em>.</p> <h2><strong>La notion d&rsquo;<em>&eacute;cogynie</em> </strong></h2> <p>L&rsquo;<em>&eacute;cogynie</em> est un n&eacute;ologisme que j&rsquo;ai cr&eacute;&eacute; afin d&rsquo;orienter le regard vers les traces qui se logent dans les corps et dans les paysages. C&rsquo;est au constat des stigmates contemporains<a href="#nbp1" id="footnoteref1_9eftrt3" name="liennbp1" title="La nouvelle ère géologique appelée « anthropocène » permet de concevoir la présence des stigmates dans l’environnement naturel et culturel, comme le montre, dans sa conférence titrée « Anthropocène : quand l'histoire humaine rencontre celle de la Terre », Jean-Baptiste Fressoz, historien au CNRS et professeur au King’s College de Londres, en avril 2018. [En ligne] https://www.franceculture.fr/conferences/campus-condorcet/anthropocene-quand-lhistoire-humaine-rencontre-celle-de-la-terre? [consulté le 23 novembre 2018].">1</a> pr&eacute;sents dans les sols terrestres et dans les chairs corporelles, que la trace s&rsquo;impose comme la principale source d&rsquo;inspiration de la notion d&rsquo;<em>&eacute;cogynie</em>. Visible dans le pr&eacute;sent, la trace ne peut toutefois s&rsquo;y restreindre&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est ce qui nous a autoris&eacute; &agrave; appeler <em>trace</em> ce qui ne se laisse r&eacute;sumer dans la simplicit&eacute; d&rsquo;un pr&eacute;sent<a href="#nbp2" id="footnoteref2_shpj3ed" name="liennbp2" title="Jacques Derrida, De la grammatologie [1967], Paris, Minuit, 2006, p. 97.">2</a> &raquo;. Pour Derrida, comme pour Mendieta, faire trace revient &agrave; poser la question du sens. Comme elle est de l&rsquo;ordre du double, la trace n&rsquo;appara&icirc;t jamais seule obligeant &agrave; se placer depuis un lieu <em>originaire&nbsp;</em>:</p> <p><q><em>&nbsp;La trace est en effet l&#39;origine absolue du sens en g&eacute;n&eacute;ral. Ce qui revient &agrave; dire, encore une fois, qu&#39;il n&#39;y a pas d&#39;origine absolue du sens en g&eacute;n&eacute;ral. La trace est la diff&eacute;rance</em> qui ouvre l&#39;appara&icirc;tre et la signification. Articulant le vivant sur le non-vivant en g&eacute;n&eacute;ral, origine de toute r&eacute;p&eacute;tition, origine de l&#39;id&eacute;alit&eacute;, elle n&#39;est pas plus id&eacute;ale que r&eacute;elle, pas plus intelligible que sensible, pas plus une signification transparente qu&#39;une &eacute;nergie opaque<a href="#nbp3" id="footnoteref3_nb8tzbo" name="liennbp3" title="Idem, p. 95.">3</a>. </q></p> <p>Ainsi, la trace renvoie &agrave; ce qui permet son apparition, articulant l&rsquo;absence et la pr&eacute;sence de l&rsquo;objet dans le signe. Selon Derrida, le signe est d&rsquo;abord une unit&eacute; linguistique<a href="#nbp4" id="footnoteref4_9k9sfw3" name="liennbp4" title="Au début de sa théorie, Derrida s’inspire des cours du linguiste suisse Ferdinand de Saussure puisque c’est d’abord la langue qui permet la formulation des pensées, à travers lesquelles nous considérons le monde.">4</a> constitu&eacute;e mat&eacute;riellement par le signifiant et conceptuellement par le signifi&eacute;. Les diff&eacute;rences phoniques prononc&eacute;es oralement modifient l&rsquo;&eacute;criture, parfois sans laisser de trace<a href="#nbp5" id="footnoteref5_3erhp7l" name="liennbp5" title="Ces différences phoniques amènent Derrida à théoriser la notion de différance, notamment dans Marges de la philosophie (1972).">5</a>. L&rsquo;approche linguistique de la trace place le corps au centre de la r&eacute;flexion&nbsp;: c&rsquo;est lui qui ressent et transforme la langue en s&rsquo;exprimant. Depuis sa mat&eacute;rialit&eacute;, le corps rend possible les traces qui marquent les &eacute;changes entre les &ecirc;tres vivants. Cette enveloppe, apparence, vecteur d&rsquo;appartenance au monde visible est, selon Derrida, &laquo;&nbsp;archive<a href="#nbp6" id="footnoteref6_i5csem4" name="liennbp6" title="« Arkhé, rappelons-nous, nomme à la fois le commencement et le commandement. Ce nom coordonne apparemment deux principes en un : le principe selon la nature ou l’histoire, là où les choses commencent – principe physique, historique ou ontologique –, mais aussi le principe selon la loi, là où des hommes et des dieux commandent, là où s’exerce l’autorité, l’ordre social, en ce lieu depuis lequel l’ordre est donné – principe nomologique », Jacques Derrida dans Mal d’Archive. Une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995, p. 11.">6</a> &raquo;. Ainsi, le corps renferme dans ses tissus des histoires dont le contenu et la temporalit&eacute; peuvent demeurer imp&eacute;n&eacute;trables&nbsp;: il interagit dans l&rsquo;environnement &agrave; travers ses m&eacute;moires inconnues, oubli&eacute;es ou manqu&eacute;es.</p> <p>L&rsquo;&eacute;cogynie se d&eacute;voile de cette mani&egrave;re&nbsp;: dans un dialogue entre les traces visibles et invisibles que rev&ecirc;tent malgr&eacute; eux les corps dans leurs interactions avec l&rsquo;environnement. La notion s&rsquo;attache, &agrave; travers les traces laiss&eacute;es par les interventions humaines dans les paysages culturels ou naturels, &agrave; d&eacute;crypter les r&eacute;sonances que produisent ces traces, mettant en &eacute;vidence les interp&eacute;n&eacute;trations propres &agrave; l&rsquo;ensemble du vivant.</p> <p>Dans sa cr&eacute;ation, le n&eacute;ologisme est aussi inspir&eacute; de la pens&eacute;e &eacute;cof&eacute;ministe, que l&rsquo;activiste indienne Vandana Shiva et la sociologue allemande Maria Mies d&eacute;finissent ainsi&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;[E]nsemble avec beaucoup d&rsquo;autres femmes, nous avons commenc&eacute; &agrave; entrevoir le lien &eacute;troit entre la relation d&rsquo;exploitation et de domination de la nature par l&rsquo;homme (mise en place par la science moderne r&eacute;ductionniste depuis le 16<sup>e</sup> si&egrave;cle) et la relation d&rsquo;exploitation et d&rsquo;oppression des femmes par les hommes qui pr&eacute;domine dans la plupart des soci&eacute;t&eacute;s patriarcales, m&ecirc;me dans les soci&eacute;t&eacute;s industrielles<a href="#nbp7" id="footnoteref7_gkwtgf3" name="liennbp7" title="Vandana Shiva et Maria Mies, Ecoféminisme, [1993], trad. Elisabeth Rubinstein [1998], Paris, L’Harmattan, 2001, p. 15. « [I]n common with many other women, we began to see that the relationship of exploitative dominance between man and nature, (shaped by reductionist modern science since the 16th century) and the exploitative and oppressive relationship between men and women that prevails in most patriarchal societies, even modern industrial ones, were closely connected. », Vandana Shiva and Maria Mies, in Ecoféminism [1993], London, Zed Books, 2014.">7</a>. </q></p> <p>Toutefois la conception du mot <em>&eacute;cof&eacute;minisme</em> est attribu&eacute;e &agrave; la femme de lettres Fran&ccedil;oise d&rsquo;Eaubonne&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Bien que Sulamith Firestone ait d&eacute;j&agrave; fait allusion au contenu &eacute;cologique du f&eacute;minisme dans <em>La Dialectique du Sexe</em> [1970], cette id&eacute;e est rest&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;tat de germe jusqu&rsquo;en 1973.&nbsp;Elle fut reprise par certains membres du &laquo;&nbsp;Front F&eacute;ministe&nbsp;&raquo; qui l&rsquo;inscrivit d&rsquo;abord sur son manifeste, puis y renon&ccedil;a&nbsp;; leurs auteurs se s&eacute;par&egrave;rent alors d&rsquo;un nouveau mouvement si timor&eacute;, et fond&egrave;rent un centre d&rsquo;information, &laquo;&nbsp;Ecologie-F&eacute;minisme Centre&nbsp;&raquo;, destin&eacute; &agrave; devenir plus tard, dans leur projet le creuset d&rsquo;une analyse et le d&eacute;part d&rsquo;une nouvelle action&nbsp;: l&rsquo;<em>&eacute;cof&eacute;minisme</em><a href="#nbp8" id="footnoteref8_wfnllsf" name="liennbp8" title="Françoise d’Eaubonne, Le Féminisme ou la Mort, Paris, Pierre Horay, 1974, p. 216.">8</a><em>. </em></q></p> <p>Le courant &eacute;merge simultan&eacute;ment aux quatre coins du monde avec la naissance de mouvements militants comme <em>Chipko</em> en Inde (1973), <em>Green Belt Movement</em> au Kenya (1977) ou la <em>Women&rsquo;s Pentagon Action</em> aux &Eacute;tats-Unis (1980). L&rsquo;&eacute;cof&eacute;minisme regroupe un large corpus de textes majoritairement anglophones<a href="#nbp9" id="footnoteref9_jj4117o" name="liennbp9" title="Susan Griffin a, comme Shiva, Mies, Orenstein ou Diamond, contribué à la théorisation de l’écoféminisme, notamment avec l’ouvrage Woman and Nature. The Roaring Inside Her (The Women’s Press, 1978). Des auteures comme Val Plumwood (Feminism and the Mastey of Nature, Routledge, 1994) ou Mary Mellor (Feminism and Ecology, Polity Presse, 1997) ont elles aussi participé à l’étude de ce mouvement.">9</a> puisque le mouvement est surtout men&eacute; aux &Eacute;tats-Unis. &Agrave; cette p&eacute;riode, Ana Mendieta entre &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; d&rsquo;Iowa. Au vu de son &oelig;uvre qui tisse des liens entre f&eacute;minin, nature et culture, elle est r&eacute;pertori&eacute;e dans le corpus d&rsquo;art &eacute;cof&eacute;ministe par la femme de lettres et critique Gloria Feman Orenstein<a href="#nbp10" id="footnoteref10_m2jg23d" name="liennbp10" title="Gloria Feman Orenstein, « Artists as healers: envisioning life-giving culture », in Reweaving the World: The Emergence of Ecofeminism, Gloria Feman Orenstein, Irene Diamond (dir.), San Francisco, Sierra Club Books, 1990, p. 282.">10</a> (1938, New-York) qui voit la s&eacute;rie de performances <em>Silueta</em> (1973-1980) comme un argument en faveur de cette orientation&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;[Ana Mendieta] ex&eacute;cute des rituels o&ugrave; elle se fond &agrave; l&#39;esprit et &agrave; la mati&egrave;re de la Terre-M&egrave;re&nbsp;: elle imprime sur la terre l&#39;image de son corps, les bras lev&eacute;s comme dans le motif de la D&eacute;esse cr&eacute;toise et minoenne, pour ensuite faire exploser de la poudre [&agrave; canon] sur le contour. De telles images en forme de silhouettes imprim&eacute;es dans la terre consacrent la revendication que fait la femme contemporaine de sa lign&eacute;e maternelle spirituelle &agrave; partir de la Terre-M&egrave;re<a href="#nbp11" id="footnoteref11_l6tawtf" name="liennbp11" title="Gloria Feman Orenstein, « Une vision gynocentrique dans la littérature et l’art féministe contemporain », dans Études littéraires, n° 1, Université de Laval, avril 1984, p. 150 [En ligne]. https://www.erudit.org/fr/revues/etudlitt/1984-v17-n1-etudlitt2224/500638ar/ [Site consulté le 19 novembre 2018].">11</a>. </q></p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="Girodon1.jpg" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="295" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/Girodon1.jpg" width="500" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;"><strong>Ana Mendieta, <em>Untitled (from the Silueta Series)</em>, 1976</strong><br /> Photographies couleur 50, 8 x 40, 6 cm, Salina Cruz, Mexico. Courtesy of the Estate of Ana Mendieta and Galerie Lelong.</p> </figcaption> </figure> <p><em>Untitled (from the Silueta Series)</em> montre, par exemple, l&rsquo;empreinte du corps de l&rsquo;artiste les bras lev&eacute;s. Toutefois, Mendieta se d&eacute;fend des critiques d&rsquo;Orenstein lors d&rsquo;une conf&eacute;rence donn&eacute;e en 1981 &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Alfred situ&eacute;e &agrave; l&rsquo;ouest de New-York et affirme qu&rsquo;elle ne fait pas pr&eacute;cis&eacute;ment r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la d&eacute;esse serpent cr&eacute;toise et minoenne. Par la suite, elle d&eacute;cide de ramener ses bras le long du corps<a href="#nbp12" id="footnoteref12_wjzcah4" name="liennbp12" title="« [C]e qu'il s'est passé, c'est que quelques critiques ont commencé à écrire sur mon travail très spécifiquement, en termes de la Grande Déesse, et je n'ai pas voulu que mon travail soit regardé d’une manière si spécifique. Je veux que mon travail soit ouvert parce qu'il est fait dans cet esprit là. Alors plus tard, je me suis débarrassé des bras. », trad. Maïlys Girodon. « [I] found happened was that some critics started writing about my work very specifically, in terms of the Great Goddess, and I didn’t want my work to be looked at in such a very specific kind of way. I want my work to be open because it’s made in that kind of spirit. So I later on got rid of the arm. », « Extracts from a lecture by Ana Mendieta. Delivered at Alfred State University, New-York, September 1981 », in Stephanie Rosenthal, Adrian Heathfield and Julia Bryan-Wilson, Ana Mendieta. Traces, Southbank Centre, Hayward Publishing, 2013, p. 208.">12</a>. Mendieta refuse de verrouiller son &oelig;uvre. Bien que f&eacute;ministe, elle ne souhaite pas que son travail y soit directement reli&eacute; puisqu&rsquo;elle s&rsquo;adresse d&rsquo;abord &agrave; toutes les exp&eacute;riences humaines. Selon elle, son histoire est aussi celle que les autres traversent<a href="#nbp13" id="footnoteref13_uf1lck5" name="liennbp13" title="Howard Oransky, un des commissaires de l’exposition Ana Mendieta. Le temps et l’histoire me recouvrent, organisée par le Jeu de Paume du 16 octobre 2018 au 27 janvier 2019, rappelle, lors de sa conférence donnée le jour du vernissage public, que l’histoire de Mendieta est notre histoire [« Her story is our story »] puisqu’elle travaille des questions que tout le monde se pose.">13</a>. Le caract&egrave;re spirituel qu&rsquo;elle conf&egrave;re &agrave; son &oelig;uvre l&rsquo;am&egrave;ne &agrave; parler plus volontiers de la d&eacute;esse de la Terre-M&egrave;re<a href="#nbp14" id="footnoteref14_lnf36z5" name="liennbp14" title="« [J]’ai été arrachée à l’utérus, au sol d’où je viens. Et je suppose que c’est l’une des raisons pour lesquelles je suis retournée travailler avec la nature, afin d’essayer de récupérer ça. », trad. Maïlys Girodon. « [I] was torn away from the womb, from the motherland. And that, I guess is one of the reasons why I’ve gone back and worked with nature, sort of trying to recapture that. », « Extracts from a lecture by Ana Mendieta. Delivered at Alfred State University, New-York, September 1981», in Stephanie Rosenthal, Adrian Heathfield and Julia Bryan-Wilson, Ana Mendieta.Traces, op. cit., p. 208.">14</a>,&nbsp;comme d&rsquo;une terre que chacun doit retrouver afin de se reconnecter &agrave; soi et &agrave; la nature. &Agrave; ce titre, l&rsquo;historienne de l&rsquo;art Abigail Solomon-Godeau &eacute;crit&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;M&ecirc;me si elles [ses performances] oscillent entre le corps individualis&eacute; de l&rsquo;artiste (ou sa trace dans les <em>Silueta</em>), et la sc&eacute;nographie visuelle g&eacute;n&eacute;rique de corps de femme dans ses travaux sur papier, ses &oelig;uvres r&eacute;sistent &agrave; toute universalisation &ndash; mythique ou autre &ndash; par la place obsessionnelle qu&rsquo;elles accordent aux diff&eacute;rences sexuelles et corporelles<a href="#nbp15" id="footnoteref15_0s2nget" name="liennbp15" title="Abigail Solomon-Godeau dans « Ana Mendieta sans atavisme », Ana Mendieta. Blood and Fire, trad. Jean-François Allain, Paris, Galerie Lelong, 2011, p. 13. « [E]ven as her works oscillate between the Siluetas, or the generic visual shorthand for female bodies in her works on paper, in their obsessive inscription of sexual, bodily difference they resist impulses to universalization, mythic or otherwise. », Abigail Solomon-Godeau in « Ana Mendieta without Atavism », Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit., p. 16.">15</a>. </q></p> <p>Mendieta et Derrida font part de leur sentiment d&rsquo;habiter un monde pluriel, qu&rsquo;aucun mouvement ou courant ne saurait r&eacute;duire. C&rsquo;est pourquoi l&rsquo;&eacute;cogynie fait en premier lieu r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la notion de trace. Mendieta rejoint ainsi un point important de la pens&eacute;e derridienne, notamment d&eacute;velopp&eacute; dans le texte &laquo;&nbsp;<em>Geschlecht</em>&nbsp;: diff&eacute;rence sexuelle, diff&eacute;rence ontologique<a href="#nbp16" id="footnoteref16_qk1j3nx" name="liennbp16" title="Jacques Derrida, « Geschlecht : différence sexuelle, différence ontologique » [1983], dans Psyché. Inventions de l’autre, Paris, Galilée, 1987, p. 395-414. Le terme allemand Geschlecht est intraduisible en français mais peut, dans sa traduction et relativement à ce qu’écrit Derrida, renvoyer à la fois au sexe, au genre, à la famille, à la génération ou à la race. Ce point majeur de la pensée derridienne inspire la théorie queer. Mendieta elle aussi s’inscrit comme précurseuse de ce mouvement, mené par des individus qui ne se reconnaissent pas dans les sexes masculin ou féminin, notamment avec la performance Untitled (Facial Hair Transplant) réalisée à l’Université d’Iowa en 1972, où elle colle les poils de barbe de son professeur Hans Breder sur son visage.">16</a> &raquo; dans lequel le philosophe (re)place l&rsquo;&ecirc;tre humain dans un ensemble plus grand, celui du <em>Dasein</em><a href="#nbp17" id="footnoteref17_bjm9901" name="liennbp17" title="Le terme allemand Dasein est traduit par être-là en français. Il est théorisé par Heidegger dans Être et Temps (1927). Selon Derrida, le Dasein permet de penser une ontologie fondamentale.">17</a> qui fait r&eacute;f&eacute;rence &agrave; l&rsquo;<em>&ecirc;tre-l&agrave; </em>en tant que pr&eacute;sence. L&rsquo;&eacute;thique du <em>Dasein</em> pr&eacute;c&egrave;derait toutes consid&eacute;rations relatives &agrave; la sexuation des organes. Ainsi l&rsquo;&eacute;cogynie permet d&rsquo;analyser l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;Ana Mendieta sous un angle plus grand&nbsp;: celui, avant tout, d&rsquo;un &ecirc;tre humain qui, par la trace qu&rsquo;il laisse dans le paysage naturel ou culturel, ne cherche qu&rsquo;&agrave; transmettre le besoin de libert&eacute; inh&eacute;rent au corps de chaque individu.</p> <h2><strong>La trace indicatrice de l&rsquo;habiter</strong></h2> <p>Les traces laiss&eacute;es par Mendieta et Derrida r&eacute;sonnent dans un &eacute;cho similaire &agrave; travers la pens&eacute;e de la d&eacute;construction<a href="#nbp18" id="footnoteref18_ebo1wcj" name="liennbp18" title="Derrida et Mendieta envisagent la déconstruction dans une dynamique de construction, par la réappropriation et la revalorisation de ce qui a été enfoui, caché, comme le lien à la Terre pour Mendieta, ou le lien à l’écriture pour Derrida, qui voit en elle une espèce de trace, archi-écriture ou archi-trace.">18</a>, peut-&ecirc;tre parce que leurs histoires personnelles sont intimement li&eacute;es &agrave; leurs &oelig;uvres. Majoritairement th&eacute;oris&eacute;e par Derrida, la d&eacute;construction peut se d&eacute;finir par la qu&ecirc;te de transmission de meilleures connaissances dans l&rsquo;interpr&eacute;tation des traces vues, v&eacute;cues et int&eacute;rioris&eacute;es dans les cultures occidentales. Mendieta a elle aussi travaill&eacute; en ce sens et &eacute;crit un texte titr&eacute; <em>La Lutte pour la Culture est Aujourd&#39;hui la Lutte pour la Vie</em><a href="#nbp19" id="footnoteref19_23q20mh" name="liennbp19" title="Ana Mendieta, « The Struggle for Culture Today is the Struggle for Life », dans le catalogue Ana Mendieta, Santiago de Compostela, Centro Galego de Arte Contemporánea, 1996, p. 171-176 [Texte en ligne] https://www.artpractical.com/uploads/columns/AnaMendieta-Excerpt-GloriaMoure-als-reduced.pdf [consulté le 23 novembre 2018].">19</a>, dans lequel elle &eacute;voque la d&eacute;culturation de la culture am&eacute;ricaine.</p> <p>N&eacute;e &agrave; La Havane en 1948, dans une famille catholique &eacute;minente du pays, Mendieta fut exil&eacute;e en 1961<a href="#nbp20" id="footnoteref20_s878d5x" name="liennbp20" title="Ana Mendieta et sa sœur font partie des 14000 enfants envoyés depuis Cuba aux États-Unis au cours de l’Opération Peter Pan organisée par l’Église catholique de 1960 à 1962. Ayant perdu sa terre natale à cause des catholiques, Mendieta rompt avec l’Église et cherche une forme de spiritualité dans les éléments naturels.">20</a> aux &Eacute;tats-Unis par ses parents craignant la r&eacute;pression croissante du r&eacute;gime castriste en place depuis 1958. Avec sa s&oelig;ur a&icirc;n&eacute;e Raquelin, elle se d&eacute;place de familles en institutions d&rsquo;accueil avant que leur m&egrave;re ne les rejoigne avec leur petit fr&egrave;re en 1966, apr&egrave;s que leur p&egrave;re, accus&eacute; de collaborer avec la CIA, a &eacute;t&eacute; emprisonn&eacute;<a href="#nbp21" id="footnoteref21_zwl8ulk" name="liennbp21" title="Leur père les rejoindra en 1979, après avoir passé dix-huit ans en prison à cause de son implication dans le débarquement de la baie des Cochons.">21</a>. Ce d&eacute;racinement est le premier d&eacute;chirement que conna&icirc;t Mendieta. L&rsquo;exil lui fait vivre de pr&egrave;s le sentiment de non-appartenance et marque l&rsquo;ensemble de son &oelig;uvre&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Ce fut une exp&eacute;rience tr&egrave;s dure, car je me sentais coup&eacute;e de tout&nbsp;; c&rsquo;&eacute;tait un vrai choc des cultures. L&rsquo;Am&eacute;rique est une soci&eacute;t&eacute; bigarr&eacute;e, mais je venais d&rsquo;un pays o&ugrave; tout le monde &eacute;tait pareil. Quand plus tard, j&rsquo;ai appris la langue et que j&rsquo;ai pu converser avec d&rsquo;autres gens, je me suis rendue compte que nous regardions un m&ecirc;me &eacute;v&eacute;nement, que nous en discutions mais que nous avions une fa&ccedil;on tr&egrave;s diff&eacute;rente de l&rsquo;envisager. J&rsquo;ai pris conscience &agrave; ce moment-l&agrave; que je vivais dans un petit monde &agrave; moi, dans ma t&ecirc;te. Je ne souffrais pas de ne pas &ecirc;tre comme les autres, mais, jusque-l&agrave;, je ne m&rsquo;&eacute;tais pas rendu compte &agrave; quel point les gens &eacute;taient diff&eacute;rents. L&rsquo;id&eacute;e de trouver une place dans la terre et d&rsquo;essayer de me d&eacute;finir vient de cette prise de conscience<a href="#nbp22" id="footnoteref22_3t72p03" name="liennbp22" title="Ana Mendieta citée par Linda Montano dans « Entretien avec Ana Mendieta », Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit., p. 27. « It was a very devastating experience because I felt alienated and totally misplaced – a culture shock. America is a multicolored society, but I came from a place where everyone was alike, so when I finally got to Iowa and finally learned the language and talked to other people, I found that we would look at the same event, talk about it, and would see it totally differently. It was then that I realized that I lived in a little world inside my head. It wasn’t that being different was bad; it’s just that I had never realized that people were different. So, trying to find a place in the earth and trying to define myself came from that experience of discovering differences. », Ana Mendieta quoted by Linda Montano in « An interview with Ana Mendieta », Ana Mendieta. Blood and Fire, idem.">22</a>. </q></p> <p>En 1967, Mendieta int&egrave;gre l&rsquo;Universit&eacute; d&rsquo;Iowa et obtient en 1972 une ma&icirc;trise de lettres et un mast&egrave;re en peinture, m&eacute;dium qu&rsquo;elle abandonne pour la photographie et la vid&eacute;o avec lesquelles elle r&eacute;alise des performances &agrave; l&rsquo;Universit&eacute;. Hans Breder, son professeur et amant, dirige le master en Interm&eacute;dia et la guide sur les pas de Bruce Nauman, Dennis Oppenheim et Vito Acconci. Par la suite, Mendieta r&eacute;alise ses performances dans la nature o&ugrave; elle laisse la trace de son corps <em>via</em> le sang, le feu, l&rsquo;eau et la terre. Elle titre <em>earth/body</em> ses &oelig;uvres retranscrites par le biais de la photographie ou de la vid&eacute;o. Mendieta s&rsquo;inscrit alors dans les champs du <em>body art</em><a href="#nbp23" id="footnoteref23_i8t7320" name="liennbp23" title="Le body art voit le jour dans les années 1950. Cet art place le langage du corps au cœur même de son dispositif de performance ou d’installation, à l’image des œuvres produites par Michel Journiac, Chris Burden ou Carolee Schneemann.">23</a> et du <em>land art</em><a href="#nbp24" id="footnoteref24_rsshy3g" name="liennbp24" title="Les artistes land art comme Richard Long, Andy Goldsworthy ou Nancy Holt, se servent de la nature comme matériau de base à leur création. Leurs pratiques artistiques en extérieur permettent aux œuvres de poursuivre leurs destinées indépendamment de l’artiste qui en devient le témoin. Ce courant marque une rupture avec le monde institutionnel puisqu’il fait sortir l’art des musées et des galeries. Les premières œuvres ont été réalisées dans les paysages désertiques de l’Ouest américain à la fin des années 1960.">24</a> par son d&eacute;sir de travailler en ext&eacute;rieur, <em>in situ</em>, dans un contact physique, sensible et charnel avec la nature. En 1978, elle s&rsquo;installe &agrave; New York puis devient membre l&rsquo;ann&eacute;e suivante de l&rsquo;A.I.R Gallery<a href="#nbp25" id="footnoteref25_cnybbm6" name="liennbp25" title="L’A.I.R Gallery (Artists In Residence, Inc), fondée 1972, est le premier espace d’exposition féministe à New-York. De 1978 à 1982, Mendieta y est également commissaire et critique d’art.">25</a> o&ugrave; elle expose les photographies de la s&eacute;rie <em>Silueta</em>. Entre 1980 et 1983, elle retourne sept fois &agrave; Cuba o&ugrave; elle est la seule artiste f&eacute;minine accept&eacute;e sur la place publique. Elle re&ccedil;oit une commande de l&rsquo;&Eacute;tat et sculpte les <em>Esculturas Rupestres</em> dans la roche.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="Girodon2.jpg" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="384" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/Girodon2.jpg" width="278" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;"><strong>Ana Mendieta, <em>Untitled (Guanaroca, First Woman),</em> de la s&eacute;rie<em> Sculptures Rupestres </em>[<em>Esculturas Rupestres</em>], 1981</strong><br /> Grottes d&rsquo;&Agrave;guila, Parc de Jaruco, La Havane. Courtesy of the Estate of Ana Mendieta and Galerie Lelong.</p> </figcaption> </figure> <p>En 1982, Mendieta cr&eacute;e des objets en mat&eacute;riaux naturels et accepte en 1983 le prestigieux Prix de Rome en sculpture et la r&eacute;sidence d&rsquo;un an qui l&rsquo;accompagne. Deux ann&eacute;es plus tard, elle se marie &agrave; Rome avec Carl Andre, et trouve la mort en tombant de la fen&ecirc;tre de son appartement new-yorkais<a href="#nbp26" id="footnoteref26_n293p7t" name="liennbp26" title="À ce propos, voir l’ouvrage de Christine Redfern et Caro Caron (préfacé par Lucy R. Lippard), Qui a tué Ana Mendieta ?, Montréal, Remue-ménage, 2011.">26</a>. Mendieta est l&rsquo;une des seules plasticiennes &agrave; s&rsquo;&ecirc;tre forg&eacute; une place dans un contexte artistique misogyne qui, depuis les avant-gardes<a href="#nbp27" id="footnoteref27_9gh06oc" name="liennbp27" title="Le terme « avant-garde » provient du vocabulaire militaire et désigne les soldats d’élites portés en avant du combat. En art, les avant-gardes renvoient aux artistes qui se sont portés en avant dans la construction sociale puisqu’ils ont innové à travers un langage qui dépasse les règles de l’académisme. Les avant-gardes débutent avec le Salon des refusés qui a lieu en 1863, au Palais de l’Industrie à Paris.">27</a>, montre encore des r&eacute;ticences &agrave; concevoir que les<em> muses </em>peuvent devenir artistes.</p> <p>Derrida est lui aussi marqu&eacute; par les traces de l&rsquo;exil. N&eacute; en Alg&eacute;rie en 1930<a href="#nbp28" id="footnoteref28_kcqogaf" name="liennbp28" title="Établis depuis deux siècles en Algérie, ses aïeux ont reçu la nationalité française lors de la promulgation du Décret Crémieux en 1870.">28</a>, il s&rsquo;installe &agrave; Paris en 1949 pour &eacute;tudier la philosophie. Apr&egrave;s son parcours universitaire et d&egrave;s ses premiers ouvrages<a href="#nbp29" id="footnoteref29_tykguwh" name="liennbp29" title="En 1967, Derrida publie La Voix et le phénomène. Introduction au problème du signe dans la phénoménologie de Husserl, L’Écriture et la différence et De la grammatologie.">29</a>, il entreprend la th&eacute;orisation de la d&eacute;construction en commen&ccedil;ant, comme nous l&rsquo;avons vu, par les syst&egrave;mes de la langue analys&eacute;s dans la linguistique. Il s&rsquo;inspire ensuite de ces raisonnements pour d&eacute;construire les textes aux fondements de la m&eacute;taphysique occidentale<a href="#nbp30" id="footnoteref30_mm5c2do" name="liennbp30" title="Dans L’Écriture et la différence, Derrida déconstruit des textes comme ceux de Descartes, Freud ou Hegel. L’Ecriture et la différence, Paris, Le Seuil, 1967.">30</a>. C&rsquo;est ainsi que la d&eacute;construction s&rsquo;&eacute;tend, se diss&eacute;mine dans ses ouvrages, marquant l&rsquo;ensemble de la pens&eacute;e derridienne du sceau de la trace laiss&eacute;e et &agrave; venir. Dans <em>Mal d&rsquo;Archive. Une impression freudienne</em><a href="#nbp31" id="footnoteref31_y774bop" name="liennbp31" title="Jacques Derrida, Mal d’Archive. Une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995.">31</a>, il affirme&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Les d&eacute;sastres qui marquent cette fin de mill&eacute;naire, ce sont aussi des <em>archives du mal</em>&nbsp;: dissimul&eacute;es ou d&eacute;truites, interdites, d&eacute;tourn&eacute;es, &laquo;&nbsp;refoul&eacute;es&nbsp;&raquo;. Leur traitement est &agrave; la fois massif et raffin&eacute; au cours de guerres civiles ou internationales, de manipulations priv&eacute;es ou secr&egrave;tes. On ne renonce jamais, c&rsquo;est l&rsquo;inconscient m&ecirc;me, &agrave; s&rsquo;approprier un pouvoir sur le document, sur sa d&eacute;tention, sa r&eacute;tention ou son interpr&eacute;tation. Mais &agrave; qui revient en derni&egrave;re instance l&rsquo;autorit&eacute; sur l&rsquo;institution de l&rsquo;archive&nbsp;? [&hellip;] Ext&eacute;riorit&eacute; d&rsquo;un lieu, mise en &oelig;uvre topographique d&rsquo;une technique de consignation, constitution d&rsquo;une instance et d&rsquo;un <em>lieu d&rsquo;autorit&eacute;</em> (l&rsquo;archonte, l&rsquo;<em>arkhe&icirc;on</em>, c&rsquo;est-&agrave;-dire souvent l&rsquo;&Eacute;tat, et m&ecirc;me un &Eacute;tat patriarchique ou fratriarchique), telle serait la condition de l&rsquo;archive. Celle-ci ne se livre donc jamais au cours d&rsquo;un acte d&rsquo;anamn&egrave;se intuitive qui ressusciterait, vivante, innocente ou neutre, l&rsquo;originalit&eacute; d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement<a href="#nbp32" id="footnoteref32_lrn187z" name="liennbp32" title="Idem, p. 1-2.">32</a>. </q></p> <p>Ainsi, il n&rsquo;y a pas de pouvoir politique qui ne contr&ocirc;lerait pas l&rsquo;archive et donc, la m&eacute;moire&nbsp;: &laquo;&nbsp;[L]&rsquo;archive a lieu au lieu de d&eacute;faillance originaire et structurelle de ladite m&eacute;moire. [&hellip;] L&rsquo;archive est hypomn&eacute;sique<a href="#nbp33" id="footnoteref33_l91wx9d" name="liennbp33" title="Idem, p. 26.">33</a>.&nbsp;&raquo; Cette suite de s&eacute;lections, impos&eacute;e et mise en &oelig;uvre au cours des si&egrave;cles pour parvenir aux connaissances dont nous disposons aujourd&rsquo;hui, forment les cultures qui guident les interactions humaines. L&rsquo;archive renseigne sur la mani&egrave;re dont l&rsquo;humain habite le monde puisque habiter revient &agrave; laisser, trier ou d&eacute;truire ce qui est produit. La trace est dans ce cas primordiale puisqu&rsquo;elle constitue un objet d&rsquo;observation et un mat&eacute;riau de base, un signe qui informe sur l&rsquo;Histoire. Elle est l&rsquo;h&eacute;ritage dont nous disposons&nbsp;:</p> <p><q><em>&nbsp;Mal d&rsquo;Archive </em>rappelle sans doute un sympt&ocirc;me, une souffrance, une passion&nbsp;: l&rsquo;archive du mal mais aussi ce qui ruine, d&eacute;porte ou emporte jusqu&rsquo;au principe d&rsquo;archive, &agrave; savoir le mal radical. Se l&egrave;ve alors infinie, hors de proportion, toujours en instance, &laquo;&nbsp;en mal d&rsquo;archive&nbsp;&raquo;, l&rsquo;attente sans horizon d&rsquo;attente, l&rsquo;impatience absolue d&rsquo;un d&eacute;sir de m&eacute;moire<a href="#nbp34" id="footnoteref34_yb1zwhf" name="liennbp34" title="Idem, p. 3.">34</a>. </q></p> <p>Ainsi, la trace renvoie &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience, au vivant m&ecirc;me&nbsp;: elle fait surgir le jeu que la pr&eacute;sence tient dans l&rsquo;absence ou inversement, que l&rsquo;absence tient dans la pr&eacute;sence. Les legs culturels appel&eacute;s &laquo;&nbsp;patrimoniaux&nbsp;&raquo;, s&rsquo;ils sont inscrits dans les archives, le sont &eacute;galement dans les chairs<a href="#nbp35" id="footnoteref35_uqd9y95" name="liennbp35" title="Jacques Derrida, Circonfession, Paris, Seuil, 1991. Construit en 59 séquences, le thème du sang est central dans ce texte autobiographique qui traite de la mémoire du corps.">35</a>. Qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de stigmates visibles ou invisibles, ces traces peuvent mettre en &eacute;veil une sorte d&rsquo;ardeur&nbsp;: &laquo;&nbsp;Que devient alors l&rsquo;archive quand elle s&rsquo;inscrit &agrave; m&ecirc;me le corps dit propre&nbsp;? Par exemple selon une <em>circoncision</em>, dans sa lettre ou dans ses figures<a href="#nbp36" id="footnoteref36_0p4dgho" name="liennbp36" title="Jacques Derrida, Mal d’Archive, op. cit., p. 3.">36</a> ?&nbsp;&raquo; En effet, pour Derrida le corps est aussi propice &agrave; l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;et les marques qu&rsquo;il porte l&rsquo;am&egrave;nent &agrave; g&eacute;n&eacute;rer une pens&eacute;e profond&eacute;ment novatrice et transformatrice.</p> <p>&Agrave; l&rsquo;articulation entre esth&eacute;tique de la trace et pratique artistique, l&rsquo;&eacute;cogynie rend compte des cons&eacute;quences des actes sur l&#39;habitat commun, la Terre, et (re)met l&rsquo;accent sur les traces du pass&eacute; qui restent inscrites dans le pr&eacute;sent. L&rsquo;&eacute;cogynie propose ainsi une r&eacute;ponse entre art et th&eacute;orie, entre des ph&eacute;nom&egrave;nes pr&eacute;sents, pens&eacute;s depuis un regard tourn&eacute; vers leurs traces. Par cons&eacute;quent, l&rsquo;&eacute;cogynie tente d&rsquo;influencer le sentiment pr&eacute;sent d&rsquo;habiter &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur du vivant. Car les traces restent, dans la visibilit&eacute; de leur support, des marques concr&egrave;tes d&rsquo;appartenance &agrave; des formes de vies abstraites, desquelles peuvent na&icirc;tre une volont&eacute; d&rsquo;ind&eacute;pendance comme l&rsquo;affirme Mendieta. &Agrave; travers l&rsquo;art, elle cherche le moyen de mieux habiter le monde et tente de se r&eacute;concilier avec l&rsquo;histoire de son propre corps.</p> <h2><strong>Ancrer dans la Terre</strong></h2> <p>Ana Mendieta a une conscience aigu&euml; de ce que peut repr&eacute;senter l&rsquo;habiter et de ce que ce travail de cohabitation entre le monde vivant, qu&rsquo;il soit humain, v&eacute;g&eacute;tal ou animal, et soi, peut signifier et impliquer. Elle est extr&ecirc;mement prolifique puisque c&rsquo;est l&rsquo;art qui l&rsquo;aide &agrave; penser et &agrave; panser son &ecirc;tre au monde. En effet, l&rsquo;art permet &agrave; Mendieta de t&eacute;moigner de son histoire &agrave; la mani&egrave;re dont elle en est affect&eacute;e. Elle semble ainsi &oelig;uvrer par n&eacute;cessit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;[le travail] m&rsquo;apprend tout&nbsp;; il a toujours &eacute;t&eacute; en avance sur moi, et je ne le comprends vraiment que des ann&eacute;es plus tard. Mon travail me rend forte, il me d&eacute;finit<a href="#liennbp37" id="footnoteref37_qcsxag6" name="liennbp37" title="Ana Mendieta citée par Linda Montano dans « Entretien avec Ana Mendieta », Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit., p. 32. « The work continues to teach me everything. It is always been ahead of me, and I learn what it is about years later. Work makes me strong – it defines me. », Ana Mendieta quoted by Linda Montano in « An interview with Ana Mendieta », Ana Mendieta Blood and Fire, idem.">37</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Mendieta op&egrave;re par catharsis dans le but de se &laquo;&nbsp;purifier<a href="#nbp38" id="footnoteref38_y18aihg" name="liennbp38" title="Ana Mendieta citée par Charles Merewether dans « From Inscription to Dissolution: an Essay on Consumption in the Work of Ana Mendieta », catalogue Ana Mendieta, op. cit., p. 98.">38</a> &raquo; mais &eacute;galement de sensibiliser le spectateur sur ce que la culture impose comme violence aux individus. En tant qu&rsquo;exil&eacute;e disposant de peu d&rsquo;argent, Mendieta cr&eacute;e simplement &agrave; partir de son corps, comme le montre ses premi&egrave;res performances r&eacute;alis&eacute;es &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; d&rsquo;Iowa entre 1972 et 1974. <em>Untitled (Glass on Body Imprints)</em> est, par exemple, une performance retranscrite gr&acirc;ce &agrave; des photographies o&ugrave; l&rsquo;on voit le corps de l&rsquo;artiste &eacute;nergiquement comprim&eacute; contre une vitre transparente, ce <em>mur de verre</em> qui le d&eacute;forme. D&egrave;s l&rsquo;ann&eacute;e suivante, Mendieta cr&eacute;e en ext&eacute;rieur &agrave; partir de mati&egrave;res naturelles telles que le sable, l&rsquo;herbe, le bois ou la terre. Progressivement, elle passe de la verticalit&eacute; de son corps agissant &agrave; l&rsquo;horizontalit&eacute; de sa silhouette allong&eacute;e statiquement pour retourner &agrave; la terre d&rsquo;o&ugrave; elle vient.</p> <p>Dans le but de se connecter &agrave; la Terre, notamment &agrave; sa terre natale perdue depuis le lieu d&rsquo;accueil qui lui a &eacute;t&eacute; donn&eacute; de force, Mendieta commence &agrave; ancrer son corps dans la nature, donnant vie &agrave; la s&eacute;rie <em>Silueta</em>. La premi&egrave;re, titr&eacute;e <em>Imagen de Yagul </em>(1973), est r&eacute;alis&eacute;e sur le site arch&eacute;ologique de Yagul, dans la r&eacute;gion d&rsquo;Oaxaca au Mexique. Entre 1971 et 1981, elle y retourne pratiquement chaque &eacute;t&eacute; pour travailler. Ce pays latin repr&eacute;sente pour elle un passage entre Cuba et les &Eacute;tats-Unis&nbsp;: elle renoue avec ses origines, tente de retrouver ses racines, recherchant les liens qu&rsquo;entretenaient ses anc&ecirc;tres avec la nature. La s&eacute;rie de performances<em> Silueta</em> &eacute;volue avec l&rsquo;empreinte des contours de son corps laiss&eacute;e dans le paysage lors de rituels faisant &eacute;cho &agrave; la religion de la Santer&iacute;a, d&eacute;riv&eacute;e de la culture Yoruba pratiqu&eacute;e &agrave; Cuba. Mendieta s&rsquo;inspire de ces pratiques afro-cubaines qu&rsquo;elle qualifie elle-m&ecirc;me de primitives<a href="#nbp39" id="footnoteref39_tqwhzm0" name="liennbp39" title="« [M]on œuvre a aussi été très inspirée et touchée par l’art ancien, l’art primitif [...]. Je voulais que mon travail projette cette sorte de pouvoir et de magie. », trad. Maïlys Girodon. « [M]y work has also been very inspired and moved by ancien art, primitive art [...]. So I wanted my work to project that some kind of power and magic. », Extracts from a lecture by Ana Mendieta delivered at Alfred State University, in Nature Inside, video of Raquelin Cécilia Mendieta, 2015, 8 minutes.">39</a>. Tout au long de son &oelig;uvre, elle conserve cet h&eacute;ritage dans le rapport qu&rsquo;elle entretient avec la nature, ses symboles, sa magie. Elle le montre avec force lorsqu&rsquo;elle s&rsquo;ancre charnellement dans la terre, agissant comme si la vue m&ecirc;me &eacute;ph&eacute;m&egrave;re de son empreinte pouvait lui redonner un peu de sa substance organique. En fusionnant son corps avec la Terre, Mendieta m&ecirc;le art et r&eacute;alit&eacute; tangible dans une dialectique commune. En 1984, elle visite des temples n&eacute;olithiques sur l&rsquo;&icirc;le de Malte et d&eacute;clare&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les habitants de l&rsquo;&icirc;le avaient jadis une culture matriarcale qui reposait sur l&rsquo;image d&rsquo;une grosse femme asexu&eacute;e. [&hellip;] C&rsquo;est vraiment l&agrave; qu&rsquo;il faut chercher le sens de l&rsquo;art, dans les liens qu&rsquo;il tisse avec l&rsquo;histoire<a href="#nbp40" id="footnoteref40_s8iekxn" name="liennbp40" title="Ana Mendieta citée par Linda Montano dans « Entretien avec Ana Mendieta », Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit., p. 32. « Their culture was matriarchal and based on the image of a sexless fat woman. [...] That’s really what art is about – it bonds us historically. », Ana Mendieta quoted by Linda Montano in « An interview with Ana Mendieta », Ana Mendieta. Blood and Fire, idem.">40</a>.&raquo;</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="Girodon3.jpg" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="600" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/Girodon3.jpg" width="403" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;"><strong>Ana Mendieta, <em>Imagen de Yagul,</em> 1973, de la s&eacute;rie&nbsp;<em>Silueta Works in Mexico</em> (1973-1977)</strong><br /> Photographie, 50.8 cm x 33.97 cm, Yagul, M&eacute;xico. Courtesy of the Estate of Ana Mendieta and Galerie Lelong.</p> </figcaption> </figure> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="Girodon4.jpg" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="382" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/Girodon4.jpg" width="500" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;"><strong>Ana Mendieta,&nbsp;<em>Silueta sangrienta, </em>1975</strong><br /> Vid&eacute;o Super 8, couleur, 1 minutes 51, Iowa. Courtesy of the Estate of Ana Mendieta and Galerie Lelong.</p> </figcaption> </figure> <p>Cette d&eacute;marche permet d&rsquo;envisager l&rsquo;habiter comme participant de l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une &oelig;uvre par son attention tourn&eacute;e vers le corps qui, dans ses relations &agrave; l&rsquo;environnement, devient mati&egrave;re et processus constitutif de l&rsquo;art lui-m&ecirc;me&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je suis retourn&eacute;e &agrave; maintes reprises sur certains sites, simplement parce que je me sentais reli&eacute;e &agrave; eux. [&hellip;] Quand j&rsquo;ai trouv&eacute; mon site, j&rsquo;y accomplis certains rituels de travail<a href="#nbp41" id="footnoteref41_br0nptm" name="liennbp41" title="Ana Mendieta citée par Linda Montano dans « Entretien avec Ana Mendieta », Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit., p. 28. « There are many places that I’ve gone to time and time again just because I feel connected to them. [...] When I find the site, I have things to do there – work rituals. », Ana Mendieta quoted by Linda Montano in « An interview with Ana Mendieta », idem.">41</a>.&nbsp;&raquo; Le corps, dans les multiples informations qu&rsquo;il re&ccedil;oit de l&rsquo;environnement, est appr&eacute;hend&eacute; tel un vecteur de transformation. Il devient un outil permettant d&rsquo;entrer en union avec la Terre comme l&rsquo;affirme Mendieta&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Agrave; travers les <em>earth/body</em> je ne fais qu&rsquo;un avec la terre... Je deviens une extension de la nature et la nature devient une extension de mon corps<a href="#nbp42" id="footnoteref42_28elbmt" name="liennbp42" title="Ana Mendieta citée par Donald Kuspit dans « Ana Mendieta, Corps autonome », catalogue Ana Mendieta, op. cit., p. 51, trad. Maïlys Girodon. « Through my earth/body sculptures I become one with the earth... I become an extension of nature and nature becomes an extension of my body. », Ana Mendieta quoted by Donald Kuspit in « Ana Mendieta, Autonomous Body », catalogue Ana Mendieta, idem.">42</a>.&nbsp;&raquo; Cette prise de parole par le corps t&eacute;moigne d&rsquo;une recherche de r&eacute;appropriation de celui-ci par l&rsquo;affirmation d&rsquo;un nouvel espace de libert&eacute; cr&eacute;&eacute; gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;art. En sollicitant les profondeurs de la Terre&nbsp;pour se panser, Mendieta transmet dans un langage qui lui est propre, l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un&nbsp;<em>faire&nbsp;monde</em> humble et d&eacute;miurgique&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Mon art est enracin&eacute; dans des accumulations primordiales, dans les pulsions inconscientes qui animent le monde, dans une tentative pour racheter non pas le pass&eacute; mais plut&ocirc;t &ndash; dans une confrontation avec le vide &ndash; le fait d&rsquo;&ecirc;tre orphelin, la terre non baptis&eacute;e des d&eacute;buts, le temps qui nous regarde depuis l&rsquo;int&eacute;rieur de la terre<a href="#nbp43" id="footnoteref43_0o8jran" name="liennbp43" title="Ana Mendieta citée par Abigail Solomon-Godeau dans « Ana Mendieta sans atavisme », Ana Mendieta Blood and Fire, op. cit., p. 8. « My art is grounded on the primordial accumulations, the unconscious urges that animate the world, not in an attempt to redeem the past, but rather, in confrontation with the void, the orphanhood, the unbaptized earth of the beginning, the time that from within the earth looks upon us », Ana Mendieta quoted by Abigail Solomon-Godeau in « Ana Mendieta without Atavism », Ana Mendieta. Blood and Fire, idem.">43</a>. </q></p> <p>&Agrave; travers la trace laiss&eacute;e, Mendieta interroge la violence du monde contemporain et atteste gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;art que la trace visible dans les sols est par l&agrave; m&ecirc;me pr&eacute;sente dans les chairs et leurs m&eacute;moires. L&rsquo;ancrage de son corps dans des mati&egrave;res naturelles lie des gestes artistiques et des rituels purificateurs<a href="#nbp44" id="footnoteref44_j24rls2" name="liennbp44" title="Le rituel de purification est présent dans plusieurs performances, notamment Blood Inside Ouside, réalisée dans l’Iowa en 1975.">44</a> qui invoquent des formes de vie interd&eacute;pendantes, qu&rsquo;elles soient c&eacute;lestes, terrestres, animales ou v&eacute;g&eacute;tales, lui permettant d&rsquo;enraciner son &ecirc;tre au monde&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;J&rsquo;ai poursuivi un dialogue entre le paysage et le corps f&eacute;minin (&agrave; partir de ma propre silhouette). Je pense que c&rsquo;est la cons&eacute;quence directe d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; s&eacute;par&eacute;e de ma terre natale &agrave; l&rsquo;adolescence. Je suis submerg&eacute;e par le sentiment d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; chass&eacute;e du sein maternel (la nature). Mon art est ce qui me permet de r&eacute;tablir les liens qui m&rsquo;unissent &agrave; l&rsquo;univers<a href="#nbp45" id="footnoteref45_qi6w223" name="liennbp45" title="Ana Mendieta citée par Olga Viso et Guy Brett dans Ana Mendieta. Earth Body : Sculpture and Performance, 1972-1985, Washington DC, Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Smithsonian Institution, Hatje Cantz, 2004, p. 47. Citation traduite par Jean-François Allain dans Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit., p. 57-58. « I have been carrying on a dialogue between the landscape and the female body (based on my own silhouette). I believe this to be a direct result of my having been torn away from my homeland during my adolescence. I am overwhelmed by the feeling of having been cast out from the womb (nature). My art is the way I re-establish the bonds that unite me to the universe », Ana Mendieta quoted by Olga Viso and Guy Brett in Ana Mendieta. Earth Body : Sculpture and Performance, 1972-1985, idem.">45</a>. </q></p> <p>Avec le sentiment de faire partie int&eacute;grante du tout qui compose l&rsquo;univers, Mendieta se fond aux &eacute;l&eacute;ments naturels en lesquels elle croit. Elle affirme&nbsp;: &laquo; Mon art est fond&eacute; sur la croyance en une unique &eacute;nergie universelle qui impr&egrave;gne tout&nbsp;: de l&rsquo;insecte &agrave; l&rsquo;homme, de l&rsquo;homme au spectre, du spectre &agrave; la plante et de la plante &agrave; la galaxie<a href="#nbp46" id="footnoteref46_6tsb9a9" name="liennbp46" title="Ana Mendieta citée par Olga Viso et Guy Brett dans Ana Mendieta. Earth Body : Sculpture and Performance, 1972-1985, op. cit., p. 35. Citation traduite par Jean-François Allain dans Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit., p. 56. « My art is grounded in the belief in one universal energy which runs through everything: from insect to man, from man to spectre, from spectre to plant, from plant to galaxy. », Ana Mendieta quoted by Olga Viso and Guy Brett in Ana Mendieta. Earth Body : Sculpture and Performance, 1972-1985, idem.">46</a>.&nbsp;&raquo; Cette croyance peut &ecirc;tre qualifi&eacute;e de sacr&eacute;e dans le sens o&ugrave; certaines &oelig;uvres comme <em>Och&uacute;n</em>, r&eacute;alis&eacute;e en Floride en 1981, renvoient &agrave; la religion de la Santer&iacute;a. Point&eacute;e vers Cuba, l&rsquo;Och&uacute;n, orisha des eaux des rivi&egrave;res, est repr&eacute;sent&eacute;e ouverte de bas en haut. L&rsquo;eau ruisselle en son centre, marquant la s&eacute;paration entre les &Eacute;tats-Unis et Cuba, m&eacute;taphoris&eacute;es par la figure d&rsquo;Och&uacute;n. Avec cette &oelig;uvre, Mendieta montre la possibilit&eacute; de r&eacute;conciliation entre ces terres voisines. Le caract&egrave;re primitif d&rsquo;<em>Och&uacute;n</em> r&eacute;active, par le rituel, le sentiment d&rsquo;&ecirc;tre intimement reli&eacute; &agrave; la nature&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Aujourd&rsquo;hui, je crois en l&rsquo;eau, en l&rsquo;air et en la terre. Ce sont autant de divinit&eacute;s. De plus, elles parlent. Je suis reli&eacute;e &agrave; la d&eacute;esse de l&rsquo;eau douce&nbsp;; c&rsquo;est son ann&eacute;e et il pleut beaucoup. Pour moi, ce sont des forces tr&egrave;s importantes&nbsp;; je ne comprends pas pourquoi les gens s&rsquo;en sont d&eacute;tourn&eacute;s<a href="#nbp47" id="footnoteref47_coh7dy6" name="liennbp47" title="Ana Mendieta citée par Linda Montano dans « Entretien avec Ana Mendieta », Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit., p. 28. « Now I believe in water, air, and earth. They are all deities. They also speak. I am connected with the goddess of sweet water – this has been her year, and it is raining a lot. I don’t know why people have gotten away from these ideas. », Ana Mendieta quoted by Linda Montano in « An interview with Ana Mendieta », Ana Mendieta. Blood and Fire, idem.">47</a>. </q></p> <p>&Agrave; travers la s&eacute;rie <em>Silueta</em>, Mendieta tente de recouvrer le sentiment d&rsquo;habiter au sein d&rsquo;une nature mouvante. Par le biais de ces performances, elle invite &agrave; renouer avec les &eacute;l&eacute;ments naturels et le monde non-humain d&rsquo;o&ugrave; proviennent les humanit&eacute;s. L&rsquo;&oelig;uvre de Mendieta tisse des liens entre art et philosophie mettant en lumi&egrave;re la notion d&rsquo;&eacute;cogynie&nbsp;: comme l&rsquo;artiste s&rsquo;adresse &agrave; tous les individus, les traces concernent l&rsquo;ensemble du vivant.</p> <p>&nbsp;</p> <p>L&rsquo;&eacute;cogynie s&rsquo;attache, &agrave; travers les traces laiss&eacute;es par l&rsquo;intervention humaine, &agrave; d&eacute;crypter les interactions entretenues avec l&rsquo;environnement et les r&eacute;sonances que celles-ci produisent dans les corps. Ainsi, l&rsquo;&eacute;cogynie introduit le lien entre l&rsquo;humain et le non-humain &agrave; la faveur de dialogues entre art et th&eacute;orie, mettant en lumi&egrave;re l&rsquo;importance de la transdisciplinarit&eacute; et la notion d&rsquo;interd&eacute;pendance. Les &oelig;uvres &eacute;tudi&eacute;es se joignent &agrave; la qu&ecirc;te de ce que peut &ecirc;tre habiter dans ce lieu clos, cet &laquo;&nbsp;enclos<a href="#nbp48" name="liennbp48">48</a> &raquo; qu&rsquo;est la Terre&nbsp;: &agrave; l&rsquo;instar de ce qu&rsquo;exprime Mendieta, cette r&eacute;flexion peut tendre vers une certaine dimension du sacr&eacute;. De m&ecirc;me l&rsquo;&eacute;cogynie tente, dans le sillage de la d&eacute;construction derridienne, de recouvrer certaines connaissances effac&eacute;es par les soci&eacute;t&eacute;s occidentales, modifiant leurs mani&egrave;res d&rsquo;habiter au sein du &laquo;&nbsp;jardin plan&eacute;taire<a href="#nbp49" id="footnoteref49_z27gpqb" name="liennbp49" title="Gilles Clément, Claude Eveno, Sylvie Groueff, Le Jardin planétaire [1997], La Tour-d'Aigues, L’Aube, 1999.">49</a> &raquo;. Ce cheminement esth&eacute;tique permet au corps et &agrave; l&rsquo;esprit de faire chemin sans dichotomie afin de comprendre des points de vue f&eacute;minin et masculin soutenant l&rsquo;&eacute;quit&eacute; dans la diff&eacute;rence. Derrida et Mendieta guident vers une perp&eacute;tuelle recherche de sens&nbsp;: ils tentent de s&rsquo;&eacute;manciper d&rsquo;une Histoire qui occulte ce qu&rsquo;elle ne veut pas concevoir et s&rsquo;efforcent par l&agrave;-m&ecirc;me de modifier les traces &agrave; venir, dans l&rsquo;espoir de changer la mani&egrave;re dont leurs soci&eacute;t&eacute;s habitent la Terre.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="Girodon5.jpg" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="624" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/Girodon5.jpg" width="500" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;"><strong>Ana Mendieta, <em>Och&uacute;n</em>, 1981</strong><br /> Vid&eacute;o couleur, son, 8 minutes 12, Key Biscayne, Floride. Courtesy of the Estate of Ana Mendieta and Galerie Lelong.</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> </figcaption> </figure> <hr /> <p><b>Notes et r&eacute;f&eacute;rences</b></p> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>Beauvoir, Simone de, <em>Le Deuxi&egrave;me sexe I </em>[1949], Paris, Gallimard, 1977.</p> <p>Derrida, Jacques, <em>De la grammatologie </em>[1967], Paris, Minuit, 2006.</p> <p>&ndash;, <em>Mal d&rsquo;Archive. Une impression freudienne</em>, Paris, Galil&eacute;e, 1995.</p> <p>&ndash;, &laquo;&nbsp;<em>Geschlecht&nbsp;</em>: diff&eacute;rence sexuelle, diff&eacute;rence ontologique&nbsp;&raquo; [1983], in <em>Psych&eacute;. Inventions de l&rsquo;autre</em>, Paris, Galil&eacute;e, 1987, p.&nbsp;395-414.</p> <p>D&rsquo;Eaubonne, Fran&ccedil;oise, <em>Le F&eacute;minisme ou la Mort</em>, Paris, Pierre Horay, 1974.</p> <p>Moure, Gloria, Donald Kuspit, Charles Merewether, Mary Sabbatino, Ana Mendieta et Raquel&iacute;n Mendieta, <em>Ana Mendieta</em>, Santiago de Compostela, Centro Galego de Arte Contempor&aacute;nea, 1996.</p> <p>Orenstein, Gloria Feman et Irene Diamond (dir.), <em>Reweaving the World: The Emergence of Ecofeminism, </em>San Francisco, Sierra Club Books, 1990.</p> <p>Orenstein, Gloria Feman, &laquo;&nbsp;Une vision gynocentrique dans la litt&eacute;rature et l&rsquo;art f&eacute;ministe contemporain&nbsp;&raquo;,&nbsp;dans <em>&Eacute;tudes litt&eacute;raires</em>, n&deg;&nbsp;1, Universit&eacute; de Laval, avril 1984, p.&nbsp;143-160 [En ligne]. <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/etudlitt/1984-v17-n1-etudlitt2224/500638ar/">https://www.erudit.org/fr/revues/etudlitt/1984-v17-n1-etudlitt2224/500638ar/</a> [consult&eacute; le 15/11/2018].</p> <p>Redfern, Christine et Caro Caron, pr&eacute;face de Lucy R. Lippard, <em>Qui a tu&eacute; Ana Mendieta ?</em>, Montr&eacute;al, Remue-m&eacute;nage, 2011.</p> <p>Rosenthal, Stephanie, Adrian Heathfield et Julia Bryan-Wilson, <em>Ana Mendieta. Traces</em>, Southbank Centre, Hayward Publishing, 2013.</p> <p>Shiva, Vandana et Maria Mies, <em>Ecof&eacute;minism</em>e [1993], trad. Edith Rubinstein [1998], Paris, L&rsquo;Harmattan, 2001.</p> <p>Solomon-Godeau, Abigail, Linda Montano, Nancy Princenthal et Mary Sabbatino, <em>Ana Mendieta. Blood and Fire</em>, trad. Jean-Fran&ccedil;ois allain, Paris, Galerie Lelong, 2011.</p> <p>Viso, Olga et Guy Brett, <em>Ana Mendieta. Earth Body&nbsp;: Sculpture and Performance, 1972-1985</em>, Washington DC, Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Smithsonian Institution, Hatje Cantz, 2005.</p> <hr /> <p><a href="#liennbp1" name="nbp1">1</a> La nouvelle &egrave;re g&eacute;ologique appel&eacute;e &laquo;&nbsp;anthropoc&egrave;ne&nbsp;&raquo; permet de concevoir la pr&eacute;sence des stigmates dans l&rsquo;environnement naturel et culturel, comme le montre, dans sa conf&eacute;rence titr&eacute;e &laquo;&nbsp;Anthropoc&egrave;ne&nbsp;: quand l&#39;histoire humaine rencontre celle de la Terre&nbsp;&raquo;, Jean-Baptiste Fressoz, historien au CNRS et professeur au King&rsquo;s College de Londres, en avril 2018. [En ligne] <a href="https://www.franceculture.fr/conferences/campus-condorcet/anthropocene-quand-lhistoire-humaine-rencontre-celle-de-la-terre">https://www.franceculture.fr/conferences/campus-condorcet/anthropocene-quand-lhistoire-humaine-rencontre-celle-de-la-terre</a>? [consult&eacute; le 23 novembre 2018].</p> <p><a href="#liennbp2" name="nbp2">2</a> Jacques Derrida, <em>De la grammatologie </em>[1967], Paris, Minuit, 2006, p.&nbsp;97.</p> <p><a href="#liennbp3" name="nbp3">3 </a><em>Idem</em>, p.&nbsp;95.</p> <p><a href="#liennbp4" name="nbp4">4</a> Au d&eacute;but de sa th&eacute;orie, Derrida s&rsquo;inspire des cours du linguiste suisse Ferdinand de Saussure puisque c&rsquo;est d&rsquo;abord la langue qui permet la formulation des pens&eacute;es, &agrave; travers lesquelles nous consid&eacute;rons le monde.</p> <p><a href="#liennbp5" name="nbp5">5</a> Ces diff&eacute;rences phoniques am&egrave;nent Derrida &agrave; th&eacute;oriser la notion de <em>diff&eacute;rance</em>, notamment dans <em>Marges de la philosophie</em> (1972).</p> <p><a href="#liennbp6" name="nbp6">6</a> &laquo;&nbsp;<em>Arkh&eacute;</em>, rappelons-nous, nomme &agrave; la fois le <em>commencement</em> et le <em>commandement</em>. Ce nom coordonne apparemment deux principes en un&nbsp;: le principe selon la nature ou l&rsquo;histoire,<em> l&agrave; o&ugrave; </em>les choses <em>commencen</em>t&nbsp;&ndash; principe physique, historique ou ontologique &ndash;, mais aussi le principe selon la loi, <em>l&agrave; o&ugrave;</em> des hommes et des dieux <em>commandent</em>, <em>l&agrave; o&ugrave;</em> s&rsquo;exerce l&rsquo;autorit&eacute;, l&rsquo;ordre social, <em>en ce lieu </em>depuis lequel l&rsquo;<em>ordre</em> est donn&eacute; &ndash; principe nomologique&nbsp;&raquo;, Jacques Derrida dans <em>Mal d&rsquo;Archive. Une impression freudienne</em>, Paris, Galil&eacute;e, 1995, p.&nbsp;11.</p> <p><a href="#liennbp7" name="nbp7">7</a> Vandana Shiva et Maria Mies, <em>Ecof&eacute;minisme, </em>[1993], trad. Elisabeth Rubinstein [1998], Paris, L&rsquo;Harmattan, 2001, p.&nbsp;15. &laquo;&nbsp;[I]n common with many other women, we began to see that the relationship of exploitative dominance between man and nature, (shaped by reductionist modern science since the 16<sup>th</sup> century) and the exploitative and oppressive relationship between men and women that prevails in most patriarchal societies, even modern industrial ones, were closely connected. &raquo;, Vandana Shiva and Maria Mies, in <em>Ecof&eacute;minism </em>[1993], London, Zed Books, 2014.</p> <p><a href="#liennbp8" name="nbp8">8</a> Fran&ccedil;oise d&rsquo;Eaubonne, <em>Le F&eacute;minisme ou la Mort</em>, Paris, Pierre Horay, 1974, p.&nbsp;216.</p> <p><a href="#liennbp9" name="nbp9">9</a> Susan Griffin a, comme Shiva, Mies, Orenstein ou Diamond, contribu&eacute; &agrave; la th&eacute;orisation de l&rsquo;&eacute;cof&eacute;minisme, notamment avec l&rsquo;ouvrage <em>Woman and Nature. The Roaring Inside Her </em>(The Women&rsquo;s Press, 1978). Des auteures comme Val Plumwood (<em>Feminism and the Mastey of Nature</em>, Routledge, 1994) ou Mary Mellor (<em>Feminism and Ecology</em>, Polity Presse, 1997) ont elles aussi particip&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;tude de ce mouvement.</p> <p><a href="#liennbp10" name="nbp10">10</a> Gloria Feman Orenstein, &laquo;&nbsp;Artists as healers: envisioning life-giving culture &raquo;, in <em>Reweaving the World: The Emergence of Ecofeminism,</em> Gloria Feman Orenstein, Irene Diamond (dir.), San Francisco, Sierra Club Books, 1990, p.&nbsp;282.</p> <p><a href="#liennbp11" name="nbp11">11</a> Gloria Feman Orenstein, &laquo;&nbsp;Une vision gynocentrique dans la litt&eacute;rature et l&rsquo;art f&eacute;ministe contemporain&nbsp;&raquo;, dans <em>&Eacute;tudes litt&eacute;raires</em>, n&deg;&nbsp;1, Universit&eacute; de Laval, avril 1984, p.&nbsp;150 [En ligne]. <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/etudlitt/1984-v17-n1-etudlitt2224/500638ar/">https://www.erudit.org/fr/revues/etudlitt/1984-v17-n1-etudlitt2224/500638ar/</a> [Site consult&eacute; le 19 novembre 2018].</p> <p><a href="#liennbp12" name="nbp12">12 </a>&laquo;&nbsp;[C]e qu&#39;il s&#39;est pass&eacute;, c&#39;est que quelques critiques ont commenc&eacute; &agrave; &eacute;crire sur mon travail tr&egrave;s sp&eacute;cifiquement, en termes de la Grande D&eacute;esse, et je n&#39;ai pas voulu que mon travail soit regard&eacute; d&rsquo;une mani&egrave;re si sp&eacute;cifique. Je veux que mon travail soit ouvert parce qu&#39;il est fait dans cet esprit l&agrave;. Alors plus tard, je me suis d&eacute;barrass&eacute; des bras.&nbsp;&raquo;, trad. Ma&iuml;lys Girodon. &laquo;&nbsp;[I] found happened was that some critics started writing about my work very specifically, in terms of the Great Goddess, and I didn&rsquo;t want my work to be looked at in such a very specific kind of way. I want my work to be open because it&rsquo;s made in that kind of spirit. So I later on got rid of the arm.&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Extracts from a lecture by Ana Mendieta. Delivered at Alfred State University, New-York, September 1981&nbsp;&raquo;, in Stephanie Rosenthal, Adrian Heathfield and Julia Bryan-Wilson, <em>Ana Mendieta. Traces</em>, Southbank Centre, Hayward Publishing, 2013, p.&nbsp;208.</p> <p><a href="#liennbp13" name="nbp13">13 </a>Howard Oransky, un des commissaires de l&rsquo;exposition <em>Ana Mendieta. Le temps et l&rsquo;histoire me recouvrent</em>, organis&eacute;e par le Jeu de Paume du 16 octobre 2018 au 27 janvier 2019, rappelle, lors de sa conf&eacute;rence donn&eacute;e le jour du vernissage public, que l&rsquo;histoire de Mendieta est notre histoire&nbsp;[&laquo;&nbsp;Her story is our story&nbsp;&raquo;] puisqu&rsquo;elle travaille des questions que tout le monde se pose.</p> <p><a href="#liennbp14" name="nbp14">14</a> &laquo;&nbsp;[J]&rsquo;ai &eacute;t&eacute; arrach&eacute;e &agrave; l&rsquo;ut&eacute;rus, au sol d&rsquo;o&ugrave; je viens. Et je suppose que c&rsquo;est l&rsquo;une des raisons pour lesquelles je suis retourn&eacute;e travailler avec la nature, afin d&rsquo;essayer de r&eacute;cup&eacute;rer &ccedil;a.&nbsp;&raquo;, trad. Ma&iuml;lys Girodon. &laquo;&nbsp;[I] was torn away from the womb, from the motherland. And that, I guess is one of the reasons why I&rsquo;ve gone back and worked with nature, sort of trying to recapture that.&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Extracts from a lecture by Ana Mendieta. Delivered at Alfred State University, New-York, September 1981&raquo;, in Stephanie Rosenthal, Adrian Heathfield and Julia Bryan-Wilson, <em>Ana Mendieta.</em><em>Traces</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;208.</p> <p><a href="#liennbp15" name="nbp15">15</a> Abigail Solomon-Godeau dans &laquo;&nbsp;Ana Mendieta sans atavisme&nbsp;&raquo;, <em>Ana Mendieta. Blood and Fire</em>, trad. Jean-Fran&ccedil;ois Allain, Paris, Galerie Lelong, 2011, p.&nbsp;13. &laquo;&nbsp;[E]ven as her works oscillate between the <em>Siluetas</em>, or the generic visual shorthand for female bodies in her works on paper, in their obsessive inscription of sexual, bodily difference they resist impulses to universalization, mythic or otherwise.&nbsp;&raquo;, Abigail Solomon-Godeau in &laquo;&nbsp;Ana Mendieta without Atavism&nbsp;&raquo;, <em>Ana Mendieta. Blood and Fire</em>, <em>op. cit</em>., p.&nbsp;16.</p> <p><a href="#liennbp16" name="nbp16">16</a> Jacques Derrida, &laquo;&nbsp;<em>Geschlecht</em>&nbsp;: diff&eacute;rence sexuelle, diff&eacute;rence ontologique&nbsp;&raquo; [1983], dans <em>Psych&eacute;. Inventions de l&rsquo;autre</em>, Paris, Galil&eacute;e, 1987, p.&nbsp;395-414. Le terme allemand <em>Geschlecht</em> est intraduisible en fran&ccedil;ais mais peut, dans sa traduction et relativement &agrave; ce qu&rsquo;&eacute;crit Derrida, renvoyer &agrave; la fois au&nbsp;sexe, au genre, &agrave; la famille, &agrave; la g&eacute;n&eacute;ration ou &agrave; la race. Ce point majeur de la pens&eacute;e derridienne inspire la th&eacute;orie <em>queer</em>. Mendieta elle aussi s&rsquo;inscrit comme pr&eacute;curseuse de ce mouvement, men&eacute; par des individus qui ne se reconnaissent pas dans les sexes masculin ou f&eacute;minin, notamment avec la performance <em>Untitled (Facial Hair Transplant)</em> r&eacute;alis&eacute;e &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; d&rsquo;Iowa en 1972, o&ugrave; elle colle les poils de barbe de son professeur Hans Breder sur son visage.</p> <p><a href="#liennbp17" name="nbp17">17</a> Le terme allemand <em>Dasein</em> est traduit par <em>&ecirc;tre-l&agrave;</em> en fran&ccedil;ais. Il est th&eacute;oris&eacute; par Heidegger dans <em>&Ecirc;tre et Temps</em> (1927). Selon Derrida, le <em>Dasein</em> permet de penser une ontologie fondamentale.</p> <p><a href="#liennbp18" name="nbp18">18 </a>Derrida et Mendieta envisagent la d&eacute;construction dans une dynamique de construction, par la r&eacute;appropriation et la revalorisation de ce qui a &eacute;t&eacute; enfoui, cach&eacute;, comme le lien &agrave; la Terre pour Mendieta, ou le lien &agrave; l&rsquo;&eacute;criture pour Derrida, qui voit en elle une esp&egrave;ce de trace, <em>archi-&eacute;criture</em> ou <em>archi-trace</em>.</p> <p><a href="#liennbp19" name="nbp19">19 </a>Ana Mendieta, &laquo;&nbsp;The Struggle for Culture Today is the Struggle for Life&nbsp;&raquo;, dans le catalogue<em> Ana Mendieta</em>, Santiago de Compostela, Centro Galego de Arte Contempor&aacute;nea, 1996, p.&nbsp;171-176 [Texte en ligne] <a href="https://www.artpractical.com/uploads/columns/AnaMendieta-Excerpt-GloriaMoure-als-reduced.pdf">https://www.artpractical.com/uploads/columns/AnaMendieta-Excerpt-GloriaMoure-als-reduced.pdf</a> [consult&eacute; le 23 novembre 2018].</p> <p><a href="#liennbp20" name="nbp20">20 </a>Ana Mendieta et sa s&oelig;ur font partie des 14000 enfants envoy&eacute;s depuis Cuba aux &Eacute;tats-Unis au cours de l&rsquo;Op&eacute;ration Peter Pan organis&eacute;e par l&rsquo;&Eacute;glise catholique de 1960 &agrave; 1962. Ayant perdu sa terre natale &agrave; cause des catholiques, Mendieta rompt avec l&rsquo;&Eacute;glise et cherche une forme de spiritualit&eacute; dans les &eacute;l&eacute;ments naturels.</p> <p><a href="#liennbp21" name="nbp21">21 </a>Leur p&egrave;re les rejoindra en 1979, apr&egrave;s avoir pass&eacute; dix-huit ans en prison &agrave; cause de son implication dans le d&eacute;barquement de la baie des Cochons.</p> <p><a href="#liennbp22" name="nbp22">22</a> Ana Mendieta cit&eacute;e par Linda Montano dans &laquo;&nbsp;Entretien avec Ana Mendieta&nbsp;&raquo;,<em> Ana Mendieta. Blood and Fire</em>, <em>op. cit.,</em> p.&nbsp;27. &laquo;&nbsp;It was a very devastating experience because I felt alienated and totally misplaced &ndash; a culture shock. America is a multicolored society, but I came from a place where everyone was alike, so when I finally got to Iowa and finally learned the language and talked to other people, I found that we would look at the same event, talk about it, and would see it totally differently. It was then that I realized that I lived in a little world inside my head. It wasn&rsquo;t that being different was bad; it&rsquo;s just that I had never realized that people were different. So, trying to find a place in the earth and trying to define myself came from that experience of discovering differences.&nbsp;&raquo;, Ana Mendieta quoted by Linda Montano in &laquo;&nbsp;An interview with Ana Mendieta&nbsp;&raquo;, <em>Ana Mendieta. Blood and Fire</em>, <em>idem.</em></p> <p><a href="#liennbp23" name="nbp23">23</a> Le <em>body art</em> voit le jour dans les ann&eacute;es 1950. Cet art place le langage du corps au c&oelig;ur m&ecirc;me de son dispositif de performance ou d&rsquo;installation, &agrave; l&rsquo;image des &oelig;uvres produites par Michel Journiac, Chris Burden ou Carolee Schneemann.</p> <p><a href="#liennbp24" name="nbp24">24</a> Les artistes <em>land art</em> comme Richard Long, Andy Goldsworthy ou Nancy Holt, se servent de la nature comme mat&eacute;riau de base &agrave; leur cr&eacute;ation. Leurs pratiques artistiques en ext&eacute;rieur permettent aux &oelig;uvres de poursuivre leurs destin&eacute;es ind&eacute;pendamment de l&rsquo;artiste qui en devient le t&eacute;moin. Ce courant marque une rupture avec le monde institutionnel puisqu&rsquo;il fait sortir l&rsquo;art des mus&eacute;es et des galeries. Les premi&egrave;res &oelig;uvres ont &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;es dans les paysages d&eacute;sertiques de l&rsquo;Ouest am&eacute;ricain &agrave; la fin des ann&eacute;es 1960.</p> <p><a href="#liennbp25" name="nbp25">25</a> L&rsquo;A.I.R Gallery (Artists In Residence, Inc), fond&eacute;e 1972, est le premier espace d&rsquo;exposition f&eacute;ministe &agrave; New-York. De 1978 &agrave; 1982, Mendieta&nbsp;y est &eacute;galement commissaire et critique d&rsquo;art.</p> <p><a href="#liennbp26" name="nbp26">26</a> &Agrave; ce propos, voir l&rsquo;ouvrage de Christine Redfern et Caro Caron (pr&eacute;fac&eacute; par Lucy R. Lippard), <em>Qui a tu&eacute; Ana Mendieta&nbsp;?</em>, Montr&eacute;al, Remue-m&eacute;nage, 2011.</p> <p><a href="#liennbp27" name="nbp27">27 </a>Le terme &laquo;&nbsp;avant-garde&nbsp;&raquo; provient du vocabulaire militaire et d&eacute;signe les soldats d&rsquo;&eacute;lites port&eacute;s en avant du combat. En art, les avant-gardes renvoient aux artistes qui se sont port&eacute;s en avant dans la construction sociale puisqu&rsquo;ils ont innov&eacute; &agrave; travers un langage qui d&eacute;passe les r&egrave;gles de l&rsquo;acad&eacute;misme. Les avant-gardes d&eacute;butent avec le Salon des refus&eacute;s qui a lieu en 1863, au Palais de l&rsquo;Industrie &agrave; Paris.</p> <p><a href="#liennbp28" name="nbp28">28</a> &Eacute;tablis depuis deux si&egrave;cles en Alg&eacute;rie, ses a&iuml;eux ont re&ccedil;u la nationalit&eacute; fran&ccedil;aise lors de la promulgation du D&eacute;cret Cr&eacute;mieux en 1870.</p> <p><a href="#liennbp29" name="nbp29">29 </a>En 1967,&nbsp;Derrida publie <em>La Voix et le ph&eacute;nom&egrave;ne. Introduction au probl&egrave;me du signe dans la ph&eacute;nom&eacute;nologie de Husserl, L&rsquo;&Eacute;criture et la diff&eacute;rence</em> et <em>De la grammatologie</em>.</p> <p><a href="#liennbp30" name="nbp30">30</a> Dans <em>L&rsquo;&Eacute;criture et la diff&eacute;rence, </em>Derrida d&eacute;construit des textes comme ceux de Descartes, Freud ou Hegel. <em>L&rsquo;Ecriture et la diff&eacute;rence</em>, Paris, Le Seuil, 1967.</p> <p><a href="#liennbp31" name="nbp31">31</a> Jacques Derrida, <em>Mal d&rsquo;Archive. Une impression freudienne, </em>Paris, Galil&eacute;e, 1995.</p> <p><a href="#liennbp32" name="nbp32">32</a><em> Idem</em>, p.&nbsp;1-2.</p> <p><a href="#liennbp33" name="nbp33">33</a><em> Idem</em>, p.&nbsp;26.</p> <p><a href="#liennbp34" name="nbp34">34</a><em> Idem</em>, p.&nbsp;3.</p> <p><a href="#liennbp35" name="nbp35">35</a> Jacques Derrida, <em>Circonfession</em>, Paris, Seuil, 1991. Construit en 59 s&eacute;quences, le th&egrave;me du sang est central dans ce texte autobiographique qui traite de la m&eacute;moire du corps.</p> <p><a href="#liennbp36" name="nbp36">36</a> Jacques Derrida, <em>Mal d&rsquo;Archive, op. cit</em>., p.&nbsp;3.</p> <p><a href="#liennbp37" name="nbp37">37 </a>Ana Mendieta cit&eacute;e par Linda Montano dans &laquo;&nbsp;Entretien avec Ana Mendieta&nbsp;&raquo;,<em> Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit., </em>p.&nbsp;32. &laquo;&nbsp;The work continues to teach me everything. It is always been ahead of me, and I learn what it is about years later. Work makes me strong &ndash; it defines me.&nbsp;&raquo;, Ana Mendieta quoted by Linda Montano in &laquo;&nbsp;An interview with Ana Mendieta&nbsp;&raquo;, <em>Ana Mendieta Blood and Fire, idem.</em></p> <p><a href="#liennbp38" name="nbp38">38</a> Ana Mendieta cit&eacute;e par Charles Merewether dans &laquo;&nbsp;From Inscription to Dissolution: an Essay on Consumption in the Work of Ana Mendieta&nbsp;&raquo;, catalogue<em> Ana Mendieta, op. cit.,</em> p.&nbsp;98.</p> <p><a href="#liennbp39" name="nbp39">39 </a>&laquo;&nbsp;[M]on &oelig;uvre a aussi &eacute;t&eacute; tr&egrave;s inspir&eacute;e et touch&eacute;e par l&rsquo;art ancien, l&rsquo;art primitif [...]. Je voulais que mon travail projette cette sorte de pouvoir et de magie.&nbsp;&raquo;, trad. Ma&iuml;lys Girodon. &laquo;&nbsp;[M]y work has also been very inspired and moved by ancien art, primitive art [...]. So I wanted my work to project that some kind of power and magic.&nbsp;&raquo;, Extracts from a lecture by Ana Mendieta delivered at Alfred State University, in <em>Nature Inside, </em>video of Raquelin C&eacute;cilia Mendieta, 2015, 8 minutes.</p> <p><a href="#liennbp40" name="nbp40">40</a> Ana Mendieta cit&eacute;e par Linda Montano dans &laquo;&nbsp;Entretien avec Ana Mendieta&nbsp;&raquo;,<em> Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit., </em>p.&nbsp;32. &laquo;&nbsp;Their culture was matriarchal and based on the image of a sexless fat woman. [...] That&rsquo;s really what art is about &ndash; it bonds us historically. &raquo;, Ana Mendieta quoted by Linda Montano in &laquo;&nbsp;An interview with Ana Mendieta&nbsp;&raquo;, <em>Ana Mendieta. Blood and Fire, idem.</em></p> <p><a href="#liennbp41" name="nbp41">41 </a>Ana Mendieta cit&eacute;e par Linda Montano dans &laquo;&nbsp;Entretien avec Ana Mendieta&nbsp;&raquo;,<em> Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit., </em>p.&nbsp;28. &laquo;&nbsp;There are many places that I&rsquo;ve gone to time and time again just because I feel connected to them. [...] When I find the site, I have things to do there &ndash; work rituals.&nbsp;&raquo;, Ana Mendieta quoted by Linda Montano in &laquo;&nbsp;An interview with Ana Mendieta&nbsp;&raquo;, <em>idem.</em></p> <p><a href="#liennbp42" name="nbp42">42 </a>Ana Mendieta cit&eacute;e par Donald Kuspit dans &laquo;&nbsp;Ana Mendieta, Corps autonome&nbsp;&raquo;, catalogue <em>Ana Mendieta, op. cit</em>., p.&nbsp;51, trad. Ma&iuml;lys Girodon. &laquo;&nbsp;Through my <em>earth/body</em> sculptures I become one with the earth... I become an extension of nature and nature becomes an extension of my body.&nbsp;&raquo;, Ana Mendieta quoted by Donald Kuspit in &laquo;&nbsp;Ana Mendieta, Autonomous Body&nbsp;&raquo;, catalogue <em>Ana Mendieta, idem.</em></p> <p><a href="#liennbp43" name="nbp43">43</a> Ana Mendieta cit&eacute;e par Abigail Solomon-Godeau dans &laquo;&nbsp;Ana Mendieta sans atavisme&nbsp;&raquo;,<em> Ana Mendieta Blood and Fire, op. cit</em>., p.&nbsp;8. &laquo;&nbsp;My art is grounded on the primordial accumulations, the unconscious urges that animate the world, not in an attempt to redeem the past, but rather, in confrontation with the void, the orphanhood, the unbaptized earth of the beginning, the time that from within the earth looks upon us&nbsp;&raquo;, Ana Mendieta quoted by Abigail Solomon-Godeau in &laquo;&nbsp;Ana Mendieta without Atavism&nbsp;&raquo;, <em>Ana Mendieta. Blood and Fire, idem.</em></p> <p><a href="#liennbp44" name="nbp44">44</a> Le rituel de purification est pr&eacute;sent dans plusieurs performances, notamment <em>Blood Inside Ouside</em>, r&eacute;alis&eacute;e dans l&rsquo;Iowa en 1975.</p> <p><a href="#liennbp45" name="nbp45">45</a> Ana Mendieta cit&eacute;e par Olga Viso et Guy Brett dans <em>Ana Mendieta. Earth Body&nbsp;: Sculpture and Performance, 1972-1985</em>, Washington DC, Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Smithsonian Institution, Hatje Cantz, 2004, p.&nbsp;47. Citation traduite par Jean-Fran&ccedil;ois Allain dans <em>Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit.,</em> p. 57-58. &laquo;&nbsp;I have been carrying on a dialogue between the landscape and the female body (based on my own silhouette). I believe this to be a direct result of my having been torn away from my homeland during my adolescence. I am overwhelmed by the feeling of having been cast out from the womb (nature). My art is the way I re-establish the bonds that unite me to the universe&nbsp;&raquo;, Ana Mendieta quoted by Olga Viso and Guy Brett in <em>Ana Mendieta. Earth Body&nbsp;: Sculpture and Performance, 1972-1985, idem.</em></p> <p><a href="#liennbp46" name="nbp46">46</a> Ana Mendieta cit&eacute;e par Olga Viso et Guy Brett dans <em>Ana Mendieta. Earth Body&nbsp;: Sculpture and Performance, 1972-1985</em>, <em>op. cit., </em>p.&nbsp;35. Citation traduite par Jean-Fran&ccedil;ois Allain dans <em>Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit.,</em> p. 56. &laquo;&nbsp;My art is grounded in the belief in one universal energy which runs through everything: from insect to man, from man to spectre, from spectre to plant, from plant to galaxy.&nbsp;&raquo;, Ana Mendieta quoted by Olga Viso and Guy Brett in <em>Ana Mendieta. Earth Body&nbsp;: Sculpture and Performance, 1972-1985, idem.</em></p> <p><a href="#liennbp47" name="nbp47">47</a> Ana Mendieta cit&eacute;e par Linda Montano dans &laquo;&nbsp;Entretien avec Ana Mendieta&nbsp;&raquo;,<em> Ana Mendieta. Blood and Fire, op. cit</em>., p.&nbsp;28. &laquo;&nbsp;Now I believe in water, air, and earth. They are all deities. They also speak. I am connected with the goddess of sweet water &ndash; this has been her year, and it is raining a lot. I don&rsquo;t know why people have gotten away from these ideas.&nbsp;&raquo;, Ana Mendieta&nbsp;quoted by Linda Montano in &laquo;&nbsp;An interview with Ana Mendieta&nbsp;&raquo;,<em> Ana Mendieta. Blood and Fire, idem.</em></p> <p><a href="#liennbp48" name="nbp48">48</a> Expression utilis&eacute;e par Gilles Cl&eacute;ment dans ses ouvrages et conf&eacute;rences, notamment celle donn&eacute;e &agrave; la biblioth&egrave;que de l&rsquo;Alcazar de Marseille le 13 f&eacute;vrier 2018, intitul&eacute;e &laquo;&nbsp;Le vivant, le jardinier&nbsp;: le partage de la signature&nbsp;&raquo;<em>.</em></p> <p><a href="#liennbp49" name="nbp49">49 </a>Gilles Cl&eacute;ment, Claude Eveno, Sylvie Groueff, <em>Le Jardin plan&eacute;taire </em>[1997], La Tour-d&#39;Aigues, L&rsquo;Aube, 1999.</p>