<p>Cet article s&rsquo;inscrit dans le cadre d&rsquo;une th&egrave;se sur l&rsquo;histoire litt&eacute;raire du reportage au Qu&eacute;bec d&rsquo;Arthur Buies &agrave; Gabrielle Roy (1870-1945). Depuis les r&eacute;cits de voyage en journaux jusqu&rsquo;aux grands reportages des ann&eacute;es&nbsp;1940, l&rsquo;&eacute;tude porte sur un corpus encore largement m&eacute;connu. Ce ne sont donc pas les r&eacute;sultats de l&rsquo;&eacute;tude ni l&rsquo;aboutissement du projet qui seront ici pr&eacute;sent&eacute;s, mais plut&ocirc;t un aper&ccedil;u des questions n&eacute;es en amont de l&rsquo;analyse, au fil de cette plong&eacute;e dans le travail journalistique des &eacute;crivains sur le terrain au Qu&eacute;bec.</p> <p>Dans ce contexte, il est sans doute plus simple de commencer ce survol &agrave; rebours, par Gabrielle Roy, dont les reportages &eacute;voquent d&rsquo;embl&eacute;e la g&eacute;n&eacute;alogie singuli&egrave;re et ancienne du genre du reportage au Qu&eacute;bec. Dans les ann&eacute;es&nbsp;1940, Roy rythme ses d&eacute;placements journalistiques par la liste des toponymes associ&eacute;s aux aventuriers fran&ccedil;ais qui ont circul&eacute; en Am&eacute;rique du Nord. Elle &eacute;tablit ainsi son appartenance &agrave; la lign&eacute;e des lointains voyageurs&nbsp;: &laquo;&nbsp;De Montr&eacute;al et de Qu&eacute;bec, des explorateurs ont essaim&eacute; en tous sens. Louis Jolliet et le p&egrave;re Marquette ont navigu&eacute; sur les eaux noires du Mississippi. [&hellip;] La V&eacute;rendrye et ses fils ont franchi les plaines de l&rsquo;Ouest et pousseront plus tard jusqu&rsquo;aux Montagnes Rocheuses<a href="#nbp1" id="footnoteref1_qzjhy4s" name="liennbp1" title="Gabrielle Roy, « Tout Montréal : Après trois cents ans », Le Bulletin des agriculteurs, vol. XXXVII, n° 9, septembre 1941, p. 9, 37, 39.">1</a>.&nbsp;&raquo; De Jacques Cartier &agrave; Pierre Le Moyne d&rsquo;Iberville, en passant par Marc Lescarbot, &Eacute;tienne Br&ucirc;l&eacute;, Louis Joliett et Pierre Gaultier de Varennes de La V&eacute;rendrye, les personnages et les textes de la Nouvelle-France offrent la d&eacute;couverte d&rsquo;un horizon de possibilit&eacute;s et d&rsquo;un monde s&eacute;dentaire difficile, intense et radicalement diff&eacute;rent. De la Baie d&rsquo;Hudson jusqu&rsquo;au Golfe du Mexique, en passant par tout l&rsquo;int&eacute;rieur du continent, voyageurs et colons parcourent d&rsquo;immenses distances et s&rsquo;installent sur des terres dans des conditions de privation difficiles &agrave; imaginer. Toute la g&eacute;ographie est &agrave; nommer&nbsp;: la faune, la flore, les conditions m&eacute;t&eacute;orologiques, les itin&eacute;raires des voyageurs. Les reporters comme Gabrielle Roy &eacute;voquent fr&eacute;quemment l&rsquo;imaginaire des explorateurs comme un h&eacute;ritage pr&eacute;cieux mais le renvoi au pass&eacute; colonial c&egrave;de &eacute;galement le pas &agrave; une repr&eacute;sentation ambigu&euml; du territoire. Dans un reportage sur la C&ocirc;te-Nord, Gabrielle Roy d&eacute;crit une temporalit&eacute; d&eacute;pouill&eacute;e d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Bient&ocirc;t le <em>Matane</em> d&eacute;crocha les amarres. Il disparaissait presque aussit&ocirc;t, filant &agrave; une vitesse de dix n&oelig;uds &agrave; l&rsquo;heure. Le <em>Sable&nbsp;1</em>, plus lent, s&rsquo;en allait dans un tourbillon de fum&eacute;e. Le village retombait dans son ennui. Et le vent revenait du large harceler les sapins malingres. </q></p> <p><q>&nbsp;[&hellip;] [D] ans bien des villages isol&eacute;s de la c&ocirc;te, la vie ne conna&icirc;t m&ecirc;me pas ces brefs moments de pulsation rapide. Quelques caboteurs y prennent le poisson, une ou deux fois la semaine. Le navire-passager n&rsquo;y arr&ecirc;te souvent que pour laisser choir les sacs de malle dans une barque qui s&rsquo;aventure &agrave; sa rencontre. Le courrier tombe de l&rsquo;avion, l&rsquo;hiver, comme une manne pr&eacute;cieuse. </q></p> <p><q>&nbsp;L&rsquo;isolement y p&egrave;se encore lourdement. Un m&eacute;decin pour cent milles de territoire ; une garde-malade, ici et l&agrave; ; le radio, bien souvent, la seule distraction; les vivres, un secours que l&rsquo;on re&ccedil;oit parfois &agrave; la derni&egrave;re extr&eacute;mit&eacute;. [&hellip;]&nbsp;Le temps ? Ce n&rsquo;est pas en termes d&rsquo;ann&eacute;es qu&rsquo;il faut le mesurer ici, mais en termes de vies humaines<a href="#nbp2" id="footnoteref2_0orx0lo" name="liennbp2" title="Gabrielle Roy, « La côte de tous les vents », Le Bulletin des agriculteurs, vol. XXXVII, n° 10, octobre 1941, p. 43.">2</a>. </q></p> <p>La vie sur la C&ocirc;te-Nord est capt&eacute;e par Roy dans toute sa monotonie esseul&eacute;e. L&rsquo;isolement au fondement de l&rsquo;existence des habitants de Sept-&Icirc;les dans le texte de la journaliste canadienne rejoint la description du milieu de vie de toute une galerie d&rsquo;individus dans l&rsquo;ensemble des articles de Roy<a href="#nbp3" id="footnoteref3_0t8qke1" name="liennbp3" title="Parmi la cinquantaine de reportages de Roy, on pourrait entre autres citer ceux qui portent sur les bûcherons à Saint-Donat, sur les colons dans l’Ouest canadien et sur les pêcheurs en Gaspésie.">3</a>. Les personnages se retrouvent dans un d&eacute;cor tapi de neige ou bord&eacute; par le fleuve. Le plus souvent, ils semblent moins en train d&rsquo;agir sur leur milieu qu&rsquo;en train de durer, de survivre ou de &laquo;&nbsp;vivocher&nbsp;&raquo; pour reprendre le terme d&rsquo;H&eacute;liodore Vigneault, l&rsquo;un des personnages du texte &laquo;&nbsp;La c&ocirc;te de tous les vents&nbsp;&raquo;. Les individus sont plant&eacute;s dans des espaces nordiques, insulaires, arides et recul&eacute;s &agrave; partir desquels l&rsquo;&eacute;crivaine d&eacute;veloppe la mati&egrave;re de ces reportages. Ce faisant, Roy substitue en fait &agrave; l&rsquo;intrigue d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement social et historique le relief du territoire.</p> <p>Le texte sur Sept-&Icirc;les &laquo;&nbsp;La c&ocirc;te de tous les vents&nbsp;&raquo; est publi&eacute; en octobre 1941 dans le magazine mensuel <em>Le Bulletin des agriculteurs</em>. Dans les journaux canadiens, les nouvelles europ&eacute;ennes sur la guerre inondent les pages. L&rsquo;article de Roy c&ocirc;toie donc tout un discours sur le conflit. En feuilletant l&rsquo;&eacute;dition d&rsquo;octobre 1941, on rencontre quantit&eacute; de publicit&eacute;s sur les Certificats d&rsquo;&eacute;pargne de guerre, sur l&rsquo;effort de guerre des vaches canadiennes ou sur des nouveaut&eacute;s comme la r&eacute;cente &laquo;&nbsp;Radio &Eacute;pargne Batterie RCA Victor&nbsp;&raquo; qui vous fait entendre la nouvelle &laquo;&nbsp;de l&rsquo;endroit m&ecirc;me o&ugrave; les &eacute;v&eacute;nements historiques s&rsquo;accomplissent<a href="#nbp4" id="footnoteref4_x3aoyb2" name="liennbp4" title="Le Bulletin des agriculteurs, vol. XXXVII, n° 10, octobre 1941.">4</a> &raquo;.</p> <p>Beaucoup d&rsquo;articles concernent la question de la conscription. En 1941, on craint une deuxi&egrave;me crise, apr&egrave;s celle de 1917 <a href="#nbp5" id="footnoteref5_9yowwz4" name="liennbp5" title="En 1917, le gouvernement fait passer une loi pour un service militaire obligatoire. Il y aura des manifestations un peu partout.">5</a>. Le <em>Bulletin des agriculteurs</em> qui publie les textes de Roy fait para&icirc;tre dans le m&ecirc;me num&eacute;ro la traduction d&rsquo;un reportage de Leslie Roberts de la revue <em>Maclean&rsquo;s</em> sur l&rsquo;attitude des Canadiens fran&ccedil;ais par rapport au conflit. Le texte fait &eacute;cho d&rsquo;une mani&egrave;re &eacute;trange au reportage de Roy. Le journaliste anglophone part &agrave; la rencontre des populations de villages qu&rsquo;il dit &laquo;&nbsp;typiquement&nbsp;&raquo; canadiens-fran&ccedil;ais. Il interroge les gens qu&rsquo;il croise &agrave; Trois-Rivi&egrave;res, &agrave; Sainte-Anne-de-la-P&eacute;rade, &agrave; Berthier et &agrave; Iberville, entre autres, sur les raisons de leur opposition &agrave; la conscription. Il conclut son analyse en pr&eacute;tendant cibler le n&oelig;ud du probl&egrave;me. Roberts affirme que l&rsquo;indiff&eacute;rence des habitants de ces r&eacute;gions se rapporte &laquo;&nbsp;&agrave; la vie m&ecirc;me du Qu&eacute;bec&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Ses habitants ne se pr&eacute;occupent gu&egrave;re de la marche du monde. [&hellip;] Pour eux, l&rsquo;Europe est une &eacute;trange contr&eacute;e, aux antipodes du Canada. Ils ne l&rsquo;ont jamais vue, ne la verront jamais et ne le regrettent pas. Ils n&rsquo;ont pas de parent&eacute; l&agrave;-bas, parce que leurs anc&ecirc;tres sont install&eacute;s dans la province de Qu&eacute;bec depuis plus de trois si&egrave;cles. [&hellip;] Bref la population rurale du Canada fran&ccedil;ais (et une partie consid&eacute;rable de la population urbaine) se soucie peu du monde entier. [&hellip;] Le Canada fran&ccedil;ais s&rsquo;est trop occup&eacute; &agrave; combattre pour son existence pour avoir le temps d&rsquo;examiner la situation de l&rsquo;humanit&eacute; en dehors de ses fronti&egrave;res<a href="#nbp6" id="footnoteref6_62l6xn0" name="liennbp6" title="Leslie Roberts, « Québec et la Guerre », Le Bulletin des agriculteurs, vol. XXXVII, n°10, octobre 1941, p. 9 ; 40-41.">6</a>. </q></p> <p>L&rsquo;espace en retrait mis en sc&egrave;ne par Gabrielle Roy devient politique dans le regard de Roberts. Les Canadiens fran&ccedil;ais<a href="#nbp7" id="footnoteref7_rm8s810" name="liennbp7" title="Au XIXe siècle, le qualificatif « canadien » est progressivement remplacé par celui de « canadien français » dans le contexte des luttes nationalistes des francophones au Canada. Il faut attendre les années 1960 pour marquer le passage à une identité québécoise.">7</a> se sentent loin, loin de l&rsquo;Europe, loin d&rsquo;une organisation militaire o&ugrave;, pour r&eacute;sumer les choses trop simplement, on ne parle pas leur langue. &Agrave; l&rsquo;isolement g&eacute;ographique s&rsquo;ajoute ainsi une double n&eacute;gation politique et identitaire d&rsquo;un peuple ni fran&ccedil;ais ni anglo-saxon.</p> <p>Or, la comparaison entre les deux extraits appelle &eacute;galement un autre constat sur la forme du reportage. Contrairement &agrave; l&rsquo;enqu&ecirc;te de Roberts, le rapport au temps dans le texte de Roy a peu &agrave; voir avec l&rsquo;actualit&eacute; qui d&eacute;finit g&eacute;n&eacute;ralement le genre. &laquo;&nbsp;La c&ocirc;te de tous les vents&nbsp;&raquo; ne se raccroche &agrave; aucun autre &eacute;v&eacute;nement qu&rsquo;au d&eacute;placement de la reporter qui a s&eacute;journ&eacute; &agrave; Sept-&Icirc;les en 1941. Quand on la compare au journaliste anglophone qui sonde l&rsquo;opinion du peuple canadien-fran&ccedil;ais pour cerner les effets d&rsquo;une &eacute;ventuelle conscription, le reportage de Roy para&icirc;t encore plus loin du bruit des &eacute;v&eacute;nements mondiaux, loin de l&rsquo;actualit&eacute;.</p> <p>Le genre du grand reportage repose pourtant sur des notions comme l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, l&rsquo;enqu&ecirc;te et l&rsquo;actualit&eacute;. Le genre revendique par diff&eacute;rents moyens une prise sur les faits les plus pr&eacute;gnants dans les m&eacute;dias auxquels il s&rsquo;imbrique. De nombreux chercheurs ont montr&eacute; que l&rsquo;essor du grand reportage &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, que ce soit en Europe ou en Am&eacute;rique du Nord, est associ&eacute; &agrave; des conflits, &agrave; des crises, &agrave; de grands &eacute;v&eacute;nements. Les premiers grands reporters dans l&rsquo;histoire du journalisme se sont illustr&eacute;s sur le terrain des guerres<a href="#nbp8" id="footnoteref8_er2zsoz" name="liennbp8" title="Thomas Ferenczi, Le Journalisme, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je? », 2005.">8</a>. Aux &Eacute;tats-Unis, par exemple, la guerre de S&eacute;cession catalyse un nouveau besoin d&rsquo;informations, qui donnera un des premiers &eacute;lans au grand reportage<a href="#nbp9" id="footnoteref9_skp4uxm" name="liennbp9" title="Edwin Emery et Michael Emery, The Press and America. An Interpretive History of the Mass Media, fifth Edition, Englewood Cliffs, Prentice-Hall, 1984, [1954].">9</a>. En France, le terrain des conflits est aussi d&eacute;terminant dans le d&eacute;veloppement du genre. On peut penser &agrave; la guerre de Crim&eacute;e, la guerre franco-prussienne et surtout &agrave; la guerre russo-japonaise qui propulsent &agrave; l&rsquo;avant-sc&egrave;ne les correspondants<a href="#nbp10" id="footnoteref10_ublacuy" name="liennbp10" title="Christian Delporte, Histoire du journalisme et des journalistes en France, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 1995, p. 23.">10</a>.</p> <p>Le reportage accueille aussi dans sa d&eacute;finition des textes ayant un rapport &agrave; l&rsquo;actualit&eacute; plus souple. Le genre est en effet h&eacute;ritier du r&eacute;cit de voyage<a href="#nbp11" id="footnoteref11_z7hsoso" name="liennbp11" title="Sylvain Venayre, Panorama du voyage 1780-1920. Mots, figures pratiques, Paris, Les Belles lettres, 2012.">11</a>. En ce sens, il est &eacute;troitement li&eacute; &agrave; la colonisation. Le reportage colonial en France se raccroche n&eacute;anmoins &eacute;galement &agrave; une dimension politique d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t &laquo;&nbsp;actuel&nbsp;&raquo;, dont il se porte parfois lui-m&ecirc;me le messager. La contrainte ou le pr&eacute;texte du reportage instaure donc g&eacute;n&eacute;ralement une forme d&rsquo;actualit&eacute;. Des reporters c&eacute;l&egrave;bres en t&eacute;moignent. Leur travail repose sur l&rsquo;exposition de r&eacute;alit&eacute;s qui acc&egrave;dent gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;&eacute;criture du reporter &agrave; l&rsquo;actualit&eacute;. Il suffit de penser &agrave; quelques figures tut&eacute;laires du genre, comme Nellie Bly avec son tour du monde<a href="#nbp12" id="footnoteref12_00dotdn" name="liennbp12" title="« Around the Wolrd in Seventy-Two Days » est publié dans le New York World en 1888-1889.">12</a> ou Albert Londres avec les bagnes en Guyane<a href="#nbp13" id="footnoteref13_9b2oftc" name="liennbp13" title="La série est publiée en 1923 dans Le Petit Parisien.">13</a>. Dans ces explorations, le genre s&rsquo;appuie sur un d&eacute;voilement du r&eacute;el. L&rsquo;actualit&eacute; prend l&agrave; toute sa dimension performative. Le grand reporter actualise un contenu, le r&eacute;sultat d&rsquo;une enqu&ecirc;te, introduisant dans l&rsquo;&eacute;criture de l&rsquo;histoire un pan du r&eacute;el.</p> <p>De ce point de vue, la notion d&rsquo;actualit&eacute; pose probl&egrave;me non seulement dans le reportage de Gabrielle Roy, mais plus largement dans l&rsquo;&eacute;criture de grands reportages chez les Canadiens fran&ccedil;ais. La question qui s&rsquo;impose &agrave; la lecture de ces textes concerne le d&eacute;calage entre, d&rsquo;une part, une forme qui exige d&rsquo;&ecirc;tre au c&oelig;ur de l&rsquo;actualit&eacute; et de l&rsquo;histoire et, d&rsquo;autre part, un espace g&eacute;ographiquement et symboliquement en marge des grands &eacute;v&eacute;nements. L&rsquo;&eacute;criture du reportage se r&eacute;v&egrave;le ambigu&euml; dans ce rapport g&eacute;n&eacute;riquement paradoxal au temps dont on trouve la trace d&egrave;s les r&eacute;cits de voyage journalistiques publi&eacute;s &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle. Au Canada fran&ccedil;ais, l&rsquo;exploration des r&eacute;gions dans le sillon du voyage colonial trahit tout particuli&egrave;rement le d&eacute;calage avec l&rsquo;actualit&eacute;, parce que les r&eacute;gions canadiennes sont associ&eacute;es &agrave; une forme d&rsquo;isolement accrue.</p> <h2><strong>Des r&eacute;cits de voyage journalistiques</strong></h2> <p>Il existe au Qu&eacute;bec, comme dans beaucoup de cultures ayant un h&eacute;ritage colonial, un ensemble de textes documentaires sur la g&eacute;ographie et sur les conditions de vie en&nbsp;Nouvelle-France (1608-1759), corpus liminaire d&rsquo;abord &eacute;dit&eacute; dans la m&eacute;tropole et principalement destin&eacute; &agrave; un lectorat europ&eacute;en. Le lieu repr&eacute;sent&eacute; s&rsquo;offre dans un premier temps comme l&rsquo;invention europ&eacute;enne d&rsquo;une certaine id&eacute;e de l&rsquo;Am&eacute;rique du Nord. &Agrave; travers les textes de Jacques Cartier, de Samuel de Champlain, du baron de Lahontan, &agrave; travers les <em>Relations</em> des J&eacute;suites, le <em>Grand Voyage du pays des Hurons</em> du fr&egrave;re Gabriel Sagard ou encore les lettres de Marie de l&rsquo;Incarnation, la litt&eacute;rature qu&eacute;b&eacute;coise appara&icirc;t d&rsquo;embl&eacute;e &eacute;troitement li&eacute;e &agrave; la saisie de ce grand vide, de cette impressionnante &eacute;tendue qui a des &eacute;chos dans le paysage comme dans la perception int&eacute;rieure des premiers &eacute;crivains n&eacute;s sur place. &Agrave; l&rsquo;origine, l&rsquo;arri&egrave;re-plan g&eacute;ographique de la Nouvelle-France est extr&ecirc;mement vaste s&rsquo;&eacute;tendant de la Baie d&rsquo;Hudson jusqu&rsquo;au Golfe du Mexique. Le caract&egrave;re aventurier du voyage, les itin&eacute;raires &agrave; travers l&rsquo;inconnu et les difficult&eacute;s des colons se trouvent au c&oelig;ur des divers aspects qui int&eacute;ressent les premiers destinateurs et destinataires de ces r&eacute;cits, des Europ&eacute;ens.</p> <p>Or, c&rsquo;est seulement dans un second temps, &agrave; partir d&rsquo;une r&eacute;appropriation des textes que cet espace deviendra le d&eacute;cor des d&eacute;buts de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire nationale. Dans <em>Int&eacute;rieurs du Nouveau Monde</em>, Pierre Nepveu d&eacute;crit l&rsquo;exp&eacute;rience de transplantation dont la litt&eacute;rature qu&eacute;b&eacute;coise d&eacute;coule et la n&eacute;cessit&eacute; du lieu dans l&rsquo;&eacute;mergence lente d&rsquo;une subjectivit&eacute;&nbsp;:</p> <p><q>[...] reparcourir ou &eacute;voquer ce vaste continent qui appartient surtout &agrave; notre m&eacute;moire et dont il nous faut bien faire notre deuil (pour ce qui est de la possession concr&egrave;te), ce n&rsquo;est pas uniquement aller au dehors, se donner de l&rsquo;air pour respirer de nouveau, c&rsquo;est se donner du dedans, c&rsquo;est s&rsquo;inventer une int&eacute;riorit&eacute; qui a toujours manqu&eacute; ou qui du moins a toujours occup&eacute; une bien petite place [...]<a href="#nbp14" id="footnoteref14_w84xra0" name="liennbp14" title="Pierre Nepveu, Intérieurs du Nouveau Monde, Montréal, Boréal, coll. « Papiers collés », 1998, p. 108.">14</a>.</q></p> <p>En parall&egrave;le du renoncement lent et ambivalent &agrave; l&rsquo;espace mythique que les voyageurs europ&eacute;ens ont construit<a href="#nbp15" id="footnoteref15_b1cq6q5" name="liennbp15" title="Certains voyageurs français continuent de nourrir un exotisme suranné qui lie le territoire canadien à la France d’Ancien Régime bien après la Conquête. Les voyageurs Xavier Marmier, Jean-Jacques Ampère, Philarète Chasles, d’Ernest Duvergier de Hauranne et Maurice Sand publient, par exemple, des récits autour des années 1860 qui véhiculent encore ces topoï. Ceux-ci sont repris en partie ou en totalité par la suite dans le reportage français. Voir Maurice Lemire et Denis Saint-Jacques, La Vie littéraire. vol. III, Un peuple sans histoire ni littérature, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « La vie littéraire au Québec », 1996, p. 128.">15</a>, il faut donc s&rsquo;&eacute;tablir dans la dur&eacute;e sur ce qu&rsquo;il reste de l&rsquo;&eacute;tendue continentale aux francophones. Il faut exister au-del&agrave; de l&rsquo;exotisme. Si l&rsquo;&eacute;criture du lieu s&rsquo;impose donc comme une entreprise n&eacute;cessaire, elle s&rsquo;av&egrave;re difficile. Pour le voyageur qui &eacute;crit dans les journaux au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle comme pour le grand reporter du d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, l&rsquo;&eacute;criture du r&eacute;el semble subordonn&eacute;e &agrave; un territoire singulier, porteur du souvenir des explorations et difficile &agrave; actualiser. Au d&eacute;but de l&rsquo;histoire du reportage au Canada fran&ccedil;ais, &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, on croise dans les journaux beaucoup d&rsquo;&eacute;crivains qui voyagent. Arthur Buies et Honor&eacute; Beaugrand, par exemple, entreprennent le trajet vers l&rsquo;ouest du continent gr&acirc;ce aux nouveaux chemins de fer et publient leur r&eacute;cit dans des p&eacute;riodiques. Buies est sans doute l&rsquo;un des plus connus d&rsquo;entre eux. Son voyage en Californie est mis en recueil apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; publi&eacute; dans deux journaux.</p> <p>Il peut para&icirc;tre extr&ecirc;mement &eacute;trange de refaire le trajet de Montr&eacute;al jusqu&rsquo;&agrave; San Francisco en 1874 avec Buies, parce qu&rsquo;une fois arriv&eacute; en Californie, le journaliste ne passe que trois jours sur la c&ocirc;te ouest. Buies part en nourrissant entre autres l&rsquo;espoir de travailler pour le journal fran&ccedil;ais <em>Le Courrier de San Francisco</em>. Ses plans &eacute;chouent d&egrave;s son arriv&eacute;e. En fait, Buies d&eacute;cide de faire marche arri&egrave;re en tr&egrave;s peu de temps. Le r&eacute;cit penche ainsi lourdement vers le milieu d&rsquo;origine qu&rsquo;il faut regagner presque &agrave; la course. La n&eacute;gation du voyage par le r&eacute;cit de voyage m&ecirc;me existe aussi chez d&rsquo;autres voyageurs canadiens-fran&ccedil;ais. Pierre Rajotte cite Verch&egrave;res de Boucherville qui dit dans un de ses voyages&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] les Canadiens sont mieux en Canada que partout ailleurs&nbsp;: c&rsquo;est la morale de mon voyage [&hellip;]<a href="#nbp16" id="footnoteref16_tiaxb7c" name="liennbp16" title="Cité par Pierre Rajotte, Le Récit de voyage au XIXe siècle. Aux frontières du littéraire, Montréal, Triptyque, 1997, p. 60.">16</a> &raquo;. Le lecteur arrive &agrave; cette &eacute;trange conclusion, tout &agrave; fait similaire, au bout du voyage de Buies.</p> <p>Le trajet de Buies se d&eacute;roule presque enti&egrave;rement dans des wagons, dans un &eacute;touffement constant. Le journaliste n&rsquo;&eacute;vite pas la r&eacute;p&eacute;tition pour dire les &laquo;&nbsp;longs jours et les longues interminables soir&eacute;es<a href="#nbp17" id="footnoteref17_w2uy66c" name="liennbp17" title="Arthur Buies, « Deux mille deux cents lieues en chemin de fer », dans Chroniques II, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, « Bibliothèque du Nouveau Monde », 1991, p. 139.">17</a> &raquo; qu&rsquo;il passe seul, incapable de dormir sur la plateforme des cars. L&rsquo;espace int&eacute;rieur du train est pr&eacute;sent&eacute; comme une prison &ndash; prison de fer, prison flottante, prison roulante &ndash; et il a des propri&eacute;t&eacute;s cathartiques. Les conditions du voyage d&eacute;cuplent le d&eacute;sir de rentrer au pays. Tout ce que Buies voit dans le train aux &Eacute;tats-Unis est d&rsquo;ailleurs toujours moins beau que le lieu quitt&eacute;. Le Mississippi n&rsquo;est qu&rsquo;une guenille, un &eacute;gout boueux en comparaison du magnifique fleuve Saint-Laurent.</p> <p>La fin du voyage ferme une parenth&egrave;se qui aurait pu ne pas avoir lieu. Le trajet vers la Californie a ce pouvoir &eacute;trange, qui d&eacute;passe la nostalgie, de s&rsquo;effacer au fur et &agrave; mesure qu&rsquo;il s&rsquo;&eacute;crit. La conclusion du texte semble avaler les quelques semaines inutilement pass&eacute;es en train. Hormis la s&eacute;rie publi&eacute;e dans les journaux, il ne reste donc rien, c&rsquo;est un retour au point de d&eacute;part, c&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;il n&rsquo;y aura aucune transformation survenue par l&rsquo;aventure de Buies &agrave; San Francisco, sinon la certitude qu&rsquo;il faut revenir chez soi. La s&eacute;rie de Buies est celle d&rsquo;une aventure qui se fragilise au profit du lieu quitt&eacute; jusqu&rsquo;&agrave; se d&eacute;liter dans l&rsquo;&eacute;criture du r&eacute;cit.</p> <p>Quelques ann&eacute;es apr&egrave;s Buies, Honor&eacute; Beaugrand entreprend lui aussi un voyage vers l&rsquo;Ouest en train. Il se rend au Colorado en 1889. Beaugrand n&rsquo;a pas la verve de Buies, mais son r&eacute;cit publi&eacute; dans <em>La Patrie</em> souffre similairement d&rsquo;une esp&egrave;ce de distraction &agrave; l&rsquo;&eacute;gard du pr&eacute;sent du paysage qui d&eacute;file devant lui. Chez Beaugrand, l&rsquo;int&eacute;gration d&rsquo;intertexte menace &agrave; plusieurs reprises l&rsquo;actualisation de la chose vue. Les citations font passer dans l&rsquo;arri&egrave;re-plan le pr&eacute;sent du journaliste au profit d&rsquo;une autre m&eacute;moire. &Agrave; son d&eacute;part pour le Colorado en 1889, Beaugrand annonce qu&rsquo;il emporte avec lui les deux volumes des <em>Lettres du Baron de Lahontan</em>. Devant le continent, le journaliste explique que &laquo;&nbsp;trop malade&nbsp;&raquo; pour faire un travail d&rsquo;observation s&eacute;rieux et r&eacute;gulier, il notera au hasard ce qui le frappe le plus. Il privil&eacute;gie plut&ocirc;t la m&eacute;moire de Lahontan.</p> <p>Beaugrand r&eacute;sume l&rsquo;efficacit&eacute; du trajet de Montr&eacute;al &agrave; Chicago, et il quitte rapidement le champ de vision qui est le sien, pr&eacute;f&eacute;rant la comparaison avec le trajet du Baron de Lahontan<a href="#nbp18" id="footnoteref18_kch7soz" name="liennbp18" title="La lettre que cite Beaugrand est datée 1689.">18</a>, qui a parcouru le m&ecirc;me itin&eacute;raire dans des conditions tr&egrave;s diff&eacute;rentes au XVII<sup>e</sup> si&egrave;cle. Beaugrand cite de longs passages du r&eacute;cit de Lahontan d&eacute;crivant les canots, les bisons, le Mississippi ou encore relatant un affrontement entre les guerriers iroquois et sioux. L&rsquo;intertexte ram&egrave;ne le lecteur vers un pass&eacute; qui est d&rsquo;autant plus flou qu&rsquo;il engage une dimension mythique associ&eacute;e &agrave; l&rsquo;exploration du continent. Dans cette r&eacute;miniscence des temps de la colonisation, le r&eacute;cit de Beaugrand trahit une forme d&rsquo;artifice. Au terme de ces longues citations, Beaugrand, &laquo;&nbsp;douillettement install&eacute; dans le train<a href="#nbp19" id="footnoteref19_f5p5f84" name="liennbp19" title="Honoré Beaugrand, « De Montréal à Chicago », dans Six Mois dans les Montagnes Rocheuses. Colorado, Utah, Nouveau-Mexique, Montréal, Granger frères, 1890, p. 23.">19</a> &raquo; conclut son texte du 28 octobre sur le fait que les Indiens et les bisons sont d&eacute;sormais pour la plupart disparus, ce qui justifie qu&rsquo;il ne d&eacute;crive pas vraiment ce qui d&eacute;file devant lui et l&eacute;gitime l&rsquo;absence de plong&eacute;e dans le panorama. Beaugrand ne tente pas de concurrencer les descriptions des aventures de Lahontan, se contentant de relever quelques d&eacute;tails techniques qui lui paraissent utiles au lecteur. Les paragraphes du voyageur sont courts &agrave; c&ocirc;t&eacute; du r&eacute;cit du voyageur du XVII<sup>e</sup> si&egrave;cle dont la force et le pittoresque gomment la pr&eacute;sence et le trajet r&eacute;els de Beaugrand.</p> <p>De ce point de vue, l&rsquo;int&eacute;gration de citations n&rsquo;est pas sans probl&egrave;me. Les r&eacute;f&eacute;rences litt&eacute;raires des journalistes soul&egrave;vent des questions d&rsquo;appartenances nationales complexes. Au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, la litt&eacute;rature canadienne-fran&ccedil;aise en est encore &agrave; ces d&eacute;buts. Pour Jules Fournier en 1907, elle n&rsquo;existe peut-&ecirc;tre m&ecirc;me pas encore. En effet, quand le critique fran&ccedil;ais Charles ab der Halden publie des &eacute;tudes sur la litt&eacute;rature canadienne-fran&ccedil;aise, Fournier r&eacute;pond sur un ton assez irrit&eacute; dans la<em> Revue canadienne&nbsp;</em>:</p> <p><q>Et d&rsquo;abord, vous affirmez l&rsquo;existence d&rsquo;une litt&eacute;rature canadienne-fran&ccedil;aise. Quelle preuve en donnez-vous ? Que Gasp&eacute;, Garneau, Cr&eacute;mazie et Buies ont laiss&eacute; des pages de m&eacute;rite, et que nous avons encore aujourd&rsquo;hui des gens de talent. Je n&rsquo;ai jamais pr&eacute;tendu autre chose de ma vie, Monsieur. J&rsquo;ai seulement dit qu&rsquo;une douzaine de bons ouvrages de troisi&egrave;me ordre ne font pas plus une litt&eacute;rature qu&rsquo;une hirondelle ne fait le printemps. Et si cela ne vous para&icirc;t pas &eacute;vident, si vous persistez &agrave; croire que cela peut se discuter, je suis bien forc&eacute; de conclure que vous voulez &agrave; toutes forces vous moquer de nous<a href="#nbp20" id="footnoteref20_8e0cylu" name="liennbp20" title="Jules Fournier, « Réplique à M. ab der Halden », Revue canadienne, février 1907, p. 128.">20</a>.</q></p> <p>Dans ce d&eacute;bat d&eacute;sormais c&eacute;l&egrave;bre, Fournier exprime une difficult&eacute; r&eacute;currente pour les &eacute;crivains quand il s&rsquo;agit d&rsquo;appr&eacute;hender le r&eacute;el canadien &agrave; partir d&rsquo;un r&eacute;pertoire. Les r&eacute;f&eacute;rences des &eacute;crivains viennent souvent de l&rsquo;&eacute;tranger. Longtemps, le regard sur le territoire d&eacute;coule d&rsquo;un h&eacute;ritage colonial. Quand Beaugrand entreprend trois ans plus tard son voyage autour du monde, il annonce encore au lecteur du journal <em>La Patrie</em> qu&rsquo;il emm&egrave;ne avec lui Pierre Loti.</p> <p>La biblioth&egrave;que des journalistes, comme celle de Beaugrand (qui poss&egrave;de une collection de 8&nbsp;000 livres), fait signe vers une m&eacute;moire emprunt&eacute;e, charriant en elle une aventure qui n&rsquo;a pas de continuit&eacute; historique, culturelle et litt&eacute;raire totale avec celle de Beaugrand, qui n&rsquo;appartient pas &agrave; la m&ecirc;me tradition ni aux m&ecirc;mes journaux, parce qu&rsquo;&agrave; rebours, Beaugrand ne peut s&rsquo;inscrire dans cette filiation. Dans les reportages, il existe la m&ecirc;me dissonance dans certains renvois historiques. Quand les journalistes de <em>La Presse</em>, Lorenzo Prince et Auguste Marion, arrivent en Russie en 1901 lors de leur course autour du monde, ils font r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la France sous Napol&eacute;on. En mettant le pied en Russie, Lorenzo Prince &eacute;voque avec nostalgie la campagne de 1812, alors que le Canada fran&ccedil;ais n&rsquo;y a pas particip&eacute;. La r&eacute;f&eacute;rence est connue pour le lecteur canadien-fran&ccedil;ais, mais elle ne lui appartient pas. Le souvenir est un emprunt, comme la biblioth&egrave;que de Beaugrand.</p> <p>Le cas des journalistes Lorenzo Prince et Auguste Marion est particuli&egrave;rement &eacute;loquent &agrave; cet &eacute;gard. Envoy&eacute;s par <em>La Presse</em> de Montr&eacute;al, les deux reporters prennent part &agrave; l&rsquo;extraordinaire course autour du monde &agrave; laquelle diff&eacute;rents journaux europ&eacute;ens et nord-am&eacute;ricains participent. <em>La Presse </em>semble propulser Montr&eacute;al sur la carte mondiale du reportage au tournant du si&egrave;cle. La course est lanc&eacute;e par le journal fran&ccedil;ais <em>Le Matin</em> en 1901 dans la foul&eacute;e de l&rsquo;ach&egrave;vement du transsib&eacute;rien. Quand les journalistes sont envoy&eacute;s par <em>La Presse</em> &agrave; Montr&eacute;al, c&rsquo;est pourtant &agrave; la toute derni&egrave;re minute. La r&eacute;daction n&rsquo;a pas le temps d&rsquo;annoncer le d&eacute;but de la course, que d&eacute;j&agrave; les journalistes ont d&ucirc; partir pour rattraper le d&eacute;part.&nbsp; Les premiers textes, le 29 mai, accusent le retard, alors que Lorenzo Prince et Auguste Marion ont pris la route le 27 mai. L&rsquo;image des deux hommes d&eacute;campant sans pr&eacute;paration de Montr&eacute;al, touchant <em>in extremis</em> New York et rattrapant de justesse le bateau qui doit fendre les eaux vers l&rsquo;Europe incarne au fond tr&egrave;s significativement la difficult&eacute; du reporter canadien-fran&ccedil;ais &agrave; rejoindre l&rsquo;actualit&eacute; au tournant du si&egrave;cle.</p> <p>La course autour du monde dans <em>La Presse</em> de Montr&eacute;al en 1901 marque n&eacute;anmoins la force d&rsquo;un changement qui s&rsquo;op&egrave;re dans les journaux au profit du d&eacute;veloppement du genre du reportage. Si des voyageurs comme Buies ou comme Beaugrand traitaient distraitement les lieux qu&rsquo;ils traversaient, le reporter qu&eacute;b&eacute;cois du d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle observe de plus pr&egrave;s les r&eacute;alit&eacute;s par l&rsquo;&eacute;criture. Le reporter pr&eacute;sente un souci de saisir le monde par une description concr&egrave;te de la situation socio&eacute;conomique du Qu&eacute;bec et du Canada. Les journalistes s&rsquo;int&eacute;ressent tout particuli&egrave;rement &agrave; l&rsquo;occupation du territoire et &agrave; l&rsquo;exil des Qu&eacute;b&eacute;cois.</p> <h2><strong>H&eacute;ro&iuml;ques colonisateurs et scabreux Franco-am&eacute;ricains</strong></h2> <p>&Agrave; l&rsquo;automne qui suit la course autour du monde en 1901, Georgina B&eacute;langer (qui signe le plus souvent ses textes sous le pseudonyme de Ga&euml;tane de Montreuil) est envoy&eacute;e au Lac-Saint-Jean par <em>La Presse</em> pour faire un reportage sur la soci&eacute;t&eacute; de colonisation et sur les colons de la r&eacute;gion<a href="#nbp21" id="footnoteref21_hi0ruyk" name="liennbp21" title="Anne-Marie Gleason fait un article sur le même sujet pour le journal La Patrie, tout comme Éva Circé-Côté pour Le Pionnier.">21</a>. Les nouvelles villes font quelques centaines d&rsquo;habitants, les plus importantes d&rsquo;entre elles atteignent au plus un ou deux milliers de t&ecirc;tes. La journaliste d&eacute;crit la r&eacute;alit&eacute; des colons. Elle parle du nouveau moulin &agrave; pulpe et des infrastructures. L&rsquo;hiver n&rsquo;est pas commenc&eacute; qu&rsquo;il fait d&eacute;j&agrave; froid. Avec l&rsquo;automne, le voyage est difficile et sem&eacute; d&rsquo;obstacles. En compagnie de deux autres journalistes, Anne-Marie Gleason et Eva Circ&eacute;-C&ocirc;t&eacute;, la reporter se retrouve coinc&eacute;e plus longtemps que pr&eacute;vu sur place. Ga&euml;tane de Montreuil insiste sur l&rsquo;isolement de la r&eacute;gion&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Agrave; P&eacute;ribonka, l&rsquo;absence de communication t&eacute;l&eacute;phonique et t&eacute;l&eacute;graphique &eacute;veille l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre absolument perdu loin de toute civilisation<a href="#nbp22" id="footnoteref22_xkyjn89" name="liennbp22" title="Georgina Bélanger [Gaëtane de Montreuil], « Récit de voyage », La Presse, vol. XVII, n°302, 26 octobre 1901, p. 29.">22</a>.&nbsp;&raquo; Le reportage offre la repr&eacute;sentation de la m&ecirc;me solitude, de la m&ecirc;me cadence &eacute;tiol&eacute;e de vie que dans le texte de Gabrielle Roy sur Sept-&Icirc;les. Les lieux du reportage qu&eacute;b&eacute;cois apparaissent comme des seuils au d&eacute;but d&rsquo;un vide nordique.</p> <p>La journaliste de <em>La Presse</em> fait l&rsquo;apologie des colons, qui apparaissent ici en v&eacute;ritables h&eacute;ros quand ils se soumettent &agrave; l&rsquo;&eacute;loignement et &agrave; la m&eacute;t&eacute;o difficile. La reporter &eacute;crit qu&rsquo;ils &laquo;&nbsp;f&eacute;condent de leurs sueurs le sol de la patrie; ils m&eacute;ritent notre admiration tout autant que le soldat qui verse son sang pour elle<a href="#nbp23a" id="footnoteref23_q0wrsp5" name="liennbp23a" title="Ibid.">23</a>.&nbsp;&raquo; Le lexique militaire participe de cette h&eacute;ro&iuml;sation des habitants. B&eacute;langer parle d&rsquo;eux, mais en fait elle parle d&rsquo;avenir. Aussi, l&rsquo;image d&rsquo;un combat h&eacute;ro&iuml;que contre le climat et le sol s&rsquo;&eacute;vanouit &agrave; l&rsquo;instant m&ecirc;me o&ugrave; elle s&rsquo;&eacute;nonce, parce que le rythme tr&egrave;s r&eacute;gulier de la petite vie &agrave; Normandin ou &agrave; P&eacute;ribonka ne rompt pas la continuit&eacute; du r&eacute;cit colonial, il ne se distingue pas fondamentalement d&rsquo;une vision traditionnelle, r&eacute;p&eacute;t&eacute;e depuis longtemps, de la vie dans ces r&eacute;gions. Le contexte n&rsquo;offre pas de saillie temporelle suffisante &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement. Le texte se formule comme une esp&eacute;rance vis-&agrave;-vis de l&rsquo;entreprise coloniale. Il est prospectif. En attendant les r&eacute;sultats du travail du colon, B&eacute;langer r&eacute;affirme qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un espace loin de tout, sans &eacute;v&eacute;nement.</p> <p>L&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un colon glorifi&eacute; en h&eacute;ros &ndash; v&eacute;ritable soldat canadien-fran&ccedil;ais &ndash; trouve son contraire dans la figure du Qu&eacute;b&eacute;cois exil&eacute;, parti travailler aux &Eacute;tats-Unis. Entre 1860 et 1900, en effet, plus du quart de la population &eacute;migre aux &Eacute;tats-Unis, attir&eacute; par les perspectives d&rsquo;emploi<a href="#nbp24" id="footnoteref24_az706wb" name="liennbp24" title="Yves Roby, « Les Canadiens français des États-Unis (1860-1900) : dévoyés ou missionnaires », Revue d'histoire de l'Amérique française, 1987, p. 3-22.">24</a>. L&rsquo;&eacute;crivain journaliste Jules Fournier publie de 1905 &agrave; 1906 une s&eacute;rie de reportages sur ces Franco-Am&eacute;ricains install&eacute;s en Nouvelle-Angleterre<a href="#nbp25" id="footnoteref25_7uwymri" name="liennbp25" title="La série sur les Franco-américains paraît dans Le Canada du 30 octobre 1905 au 18 janvier 1906.">25</a>. Le sort des Canadiens exil&eacute;s dans les villes am&eacute;ricaines et celui des colons partis au lac Saint-Jean sont per&ccedil;us tr&egrave;s diff&eacute;remment. Fournier le souligne &agrave; grand trait en expliquant sa d&eacute;marche&nbsp;: &laquo;&nbsp;Avons-nous besoin de dire, apr&egrave;s cela que nous n&rsquo;ignorons pas jusqu&rsquo;&agrave; quel point le sujet que nous allons traiter est difficile&nbsp;! Nous savons pareillement combien il est complexe, et encore plus, scabreux<a href="#nbp26" id="footnoteref26_rhcpifp" name="liennbp26" title="Jules Fournier, « Chez les Franco-Américains », Le Canada, 30 octobre 1905, p. 4.">26</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Fournier s&rsquo;engage &agrave; &eacute;tudier la vie des citoyens d&rsquo;origine canadienne-fran&ccedil;aise de l&rsquo;est des &Eacute;tats-Unis pour savoir s&rsquo;ils peuvent r&eacute;sister aux dangers qui menacent leur langue maternelle. Son immersion a une fonction documentaire. Il d&eacute;crit lui-m&ecirc;me son travail un peu comme celui d&rsquo;un ethnographe, dessinant un tableau des diff&eacute;rentes facettes de l&rsquo;existence des francophones exil&eacute;s&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nous essaierons de les montrer dans leur existence journali&egrave;re, tels qu&rsquo;on les voit au travail, au milieu de leurs amusements, dans les salles de <em>pool</em> &ndash; qu&rsquo;ils affectionnent beaucoup, &ndash; au foyer, dans la rue, &agrave; l&rsquo;usine, au cabaret, partout<a href="#nbp23b" id="footnoteref23_7x3ybl8" name="liennbp23b" title="Ibid.">23</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Fournier entreprend l&rsquo;examen d&rsquo;une culture extr&ecirc;mement fragile &agrave; ses yeux, et c&rsquo;est cette fragilit&eacute; qui fait l&rsquo;objet de ses textes en Nouvelle-Angleterre. D&rsquo;embl&eacute;e, le ton est assez pessimiste. &Agrave; l&rsquo;inverse du travail de la journaliste Ga&euml;tane de Montreuil, le reportage de Fournier ne se pose pas dans l&rsquo;avenir, mais ne s&rsquo;ancre nulle part dans le pr&eacute;sent non plus. L&rsquo;histoire des &eacute;migrants partis faire un peu d&rsquo;argent en se promettant de revenir semble d&eacute;j&agrave; perdue dans les mots de Fournier. Son texte oscille entre la description et le pamphlet. Le journaliste parle du destin des Canadiens fran&ccedil;ais avec amertume. Une partie de la s&eacute;rie s&rsquo;&eacute;crit &agrave; ce titre au conditionnel pass&eacute; et &agrave; l&rsquo;imparfait&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans la Nouvelle-Angleterre, cet eldorado de leurs r&ecirc;ves, ils auraient vite amass&eacute; quelques centaines de piastres [&hellip;]. Pendant ce temps-l&agrave; la vie redeviendrait plus facile, sans doute, par ici. Et ils s&rsquo;empresseraient de repasser la fronti&egrave;re<a href="#nbp27" id="footnoteref27_hopgarf" name="liennbp27" title="Jules Fournier, « Chez les Franco-Américains », Le Canada, 8 novembre 1905, p. 4.">27</a>.&nbsp;&raquo; Les lignes de Fournier se posent ainsi de mani&egrave;re r&eacute;trospective, dans une d&eacute;ception qui est &agrave; peine masqu&eacute;e. Fournier &eacute;crit en effet que la plus grande partie des &eacute;migr&eacute;s, comme il le constate, reste aux &Eacute;tats-Unis.</p> <h2><strong>Conclusion</strong></h2> <p>Dans les reportages tourn&eacute;s vers le pass&eacute; ou dans ceux qui, charg&eacute;s d&rsquo;espoir, glorifient l&rsquo;avenir des colons, le genre est dans une forme d&rsquo;actualit&eacute; seulement au sens tr&egrave;s restreint de ce qui int&eacute;resse &laquo;&nbsp;actuellement&nbsp;&raquo; les Canadiens fran&ccedil;ais. Dans les deux cas, le texte se situe difficilement dans l&rsquo;histoire mondialis&eacute;e du grand reportage. Chez Arthur Buies et Honor&eacute; Beaugrand, le r&eacute;cit n&rsquo;atteint jamais vraiment le paysage qui aurait d&ucirc; s&rsquo;imposer devant eux. Chez des reporters comme Ga&euml;tane de Montreuil ou Jules Fournier, le pr&eacute;sent du reportage &eacute;chappe aux journalistes au profit de consid&eacute;rations id&eacute;ologiques nationales. La curieuse parenth&egrave;se de la course autour du monde ne marque pas une sorte d&rsquo;entr&eacute;e mondiale du reportage qu&eacute;b&eacute;cois, mais elle signale bien la relation entre l&rsquo;histoire mondiale du grand reportage et son incarnation dans un contexte particulier.</p> <p>Si les quelques textes cit&eacute;s ici t&eacute;moignent d&rsquo;un d&eacute;calage par rapport au genre du grand reportage, il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;&eacute;vacuer l&rsquo;&eacute;criture des reporters francophones du Canada. Le corpus impose une r&eacute;flexion sur les limites des d&eacute;finitions des grands genres litt&eacute;raires et journalistiques, &agrave; partir de laquelle les cadres d&rsquo;analyse peuvent &eacute;voluer. La temporalit&eacute; d&eacute;cal&eacute;e du reportage au Qu&eacute;bec de la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle jusqu&rsquo;aux ann&eacute;es&nbsp;1940 participe &eacute;galement d&rsquo;une des particularit&eacute;s de l&rsquo;&eacute;criture journalistique au Qu&eacute;bec au sein de laquelle le territoire occupe une place exceptionnelle.</p> <p>Dans les ann&eacute;es&nbsp;1940, les membres du Toronto Women Press Club peuvent entendre l&rsquo;&eacute;crivaine et reporter Germaine Gu&egrave;vremont raconter avec nostalgie ce qu&rsquo;ont repr&eacute;sent&eacute; pour elle ses ann&eacute;es de journalisme &agrave; Sorel. Au reportage elle associe la m&eacute;t&eacute;o, la faune et le paysage&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] when spring comes along and ice-breakers out their way through the ice bridge and free the St-Lawrence waters and the blue-winged teal sails north, I begin to wonder restlessly what is going on at Sorel and what news could be picked up there<a href="#nbp28" id="footnoteref28_6acxhgj" name="liennbp28" title="Je traduis : « Quand le printemps vient, quand les brise-glaces tracent leur chemin à travers le pont de glace libérant les eaux du fleuve Saint-Laurent et quand les sarcelles avec leurs ailes bleues mettent les voiles vers le nord, je me surprends à penser à ce qui se trame à Sorel et aux nouvelles que je pourrais raconter là-bas. » Voir Germaine Guèvremont, Les Écrits de Germaine Guèvremont. Tu seras journaliste et autres œuvres sur le journalisme, [édition et présentation de David Décarie et Lori Saint-Martin], Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2013, p. 209.">28</a>.&nbsp;&raquo; La pr&eacute;s&eacute;ance du territoire sur une actualit&eacute; d&eacute;faillante est particuli&egrave;rement &eacute;vidente dans ce souvenir. Si elle a sans doute contribu&eacute; &agrave; placer ces textes en marge de l&rsquo;aventure du grand reportage, elle leur conf&egrave;re sans doute aussi un int&eacute;r&ecirc;t particulier.</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p align="right"><b>Notes et r&eacute;f&eacute;rences</b></p> <p><strong>Bibliographie </strong></p> <p>Beaugrand, Honor&eacute;, <em>Six Mois dans les Montagnes Rocheuses. Colorado, Utah</em>, Nouveau-Mexique, Montr&eacute;al, Granger fr&egrave;res, 1890 [d&rsquo;abord paru sous le titre &laquo;&nbsp;Lettres de voyage&nbsp;&raquo;, <em>La Patrie</em>, du 22 mars 1890 au 3 mai 1890].</p> <p>B&eacute;langer, Georgina [Ga&euml;tane de Montreuil], &laquo;&nbsp;R&eacute;cit de voyage&nbsp;&raquo;, <em>La Presse</em>, vol.&nbsp;XVII, n&deg;&nbsp;302, 26 octobre 1901.</p> <p>Buies, Arthur, &laquo;&nbsp;Deux mille deux cents lieues en chemin de fer&nbsp;&raquo;, dans <em>Chroniques&nbsp;II,</em> Montr&eacute;al, Presses de l&rsquo;Universit&eacute; de Montr&eacute;al, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que du Nouveau Monde&nbsp;&raquo;, 1991 [d&rsquo;abord paru dans <em>Chroniques, voyages, etc., etc.</em>, Qu&eacute;bec, C. Darveau, 1875, p.&nbsp;71-251, dans <em>L&rsquo;Opinion publique</em>, vol.&nbsp;5, 30&nbsp;juillet-22 octobre 1874 et dans <em>Le National</em>, vol.&nbsp;3, 18 juillet-8 octobre 1874, p.&nbsp;2].</p> <p>Delporte, Christian, <em>Histoire du journalisme et des journalistes en France</em>, Paris, Presses universitaires de France, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Que sais-je?&nbsp;&raquo;, 1995.</p> <p>Emery, Edwin et Michael Emery, <em>The Press and America. An Interpretive History of the Mass Media</em>, fifth Edition, Englewood Cliffs, Prentice-Hall, 1984, [1954].</p> <p>Ferenczi, Thomas, <em>Le Journalisme</em>, Paris, Presses universitaires de France, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Que sais-je?&nbsp;&raquo;, 2005.</p> <p>Fournier, Jules, &laquo;&nbsp;Chez les Franco-Am&eacute;ricains&nbsp;&raquo;, <em>Le Canada</em>, du 30 octobre 1905 au 18 janvier 1906.</p> <p>&ndash;, &laquo;&nbsp;Réplique à M. ab der Halden&nbsp;&raquo;, <em>La Revue canadienne</em>, f&eacute;vrier 1907, p.&nbsp;128-136.</p> <p>Gu&egrave;vremont, Germaine, <em>Les &Eacute;crits de Germaine Gu&egrave;vremont. </em>Tu seras journaliste<em> et autres &oelig;uvres sur le journalisme</em>, [&eacute;dition et pr&eacute;sentation de David D&eacute;carie et Lori Saint-Martin], Montr&eacute;al, Presses de l&rsquo;Universit&eacute; de Montr&eacute;al, 2013.</p> <p>Lemire, Maurice et Denis Saint-Jacques, <em>La Vie litt&eacute;raire. vol.&nbsp;III, Un peuple sans histoire ni litt&eacute;rature, </em>Qu&eacute;bec, Presses de l&rsquo;Universit&eacute; Laval, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;La vie litt&eacute;raire au Qu&eacute;bec&nbsp;&raquo;, 1996.</p> <p>Nepveu, Pierre, <em>Int&eacute;rieurs du Nouveau Monde</em>, Montr&eacute;al, Bor&eacute;al, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Papiers coll&eacute;s&nbsp;&raquo;, 1998.</p> <p>Rajotte, Pierre [avec la collaboration d&rsquo;Anne-Marie Carle et Fran&ccedil;ois Couture], <em>Le R&eacute;cit de voyage au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle. Aux fronti&egrave;res du litt&eacute;raire</em>, Montr&eacute;al, Triptyque, 1997.</p> <p>Roberts, Leslie, &laquo;&nbsp;Qu&eacute;bec et la Guerre&nbsp;&raquo;, <em>Le Bulletin des agriculteurs</em>, vol.&nbsp;XXXVII, n&deg;&nbsp;10, octobre 1941, p.&nbsp;9&nbsp;; 40-41.</p> <p>Roy, Gabrielle, &laquo;&nbsp;La c&ocirc;te de tous les vents&nbsp;&raquo;, <em>Le Bulletin des agriculteurs</em>, vol.&nbsp;XXXVII, n&deg;&nbsp;10, octobre 1941, p.&nbsp;7, 42-45.</p> <p>&ndash;, &laquo;&nbsp;Tout Montr&eacute;al&nbsp;: Apr&egrave;s trois cents ans&nbsp;&raquo;, <em>Le Bulletin des agriculteurs</em>, vol.&nbsp;XXXVII, n&deg;&nbsp;9, septembre 1941, p.&nbsp;9, 37, 39.</p> <p>Venayre, Sylvain, <em>Panorama du voyage&nbsp;1780-1920. Mots, figures pratiques</em>, Paris, Les Belles lettres, 2012.</p> <hr /> <p><a href="#liennbp1" name="nbp1">1</a> Gabrielle Roy, &laquo;&nbsp;Tout Montr&eacute;al&nbsp;: Apr&egrave;s trois cents ans&nbsp;&raquo;, <em>Le Bulletin des agriculteurs</em>, vol.&nbsp;XXXVII, n&deg;&nbsp;9, septembre 1941, p.&nbsp;9, 37, 39.</p> <p><a href="#liennbp2" name="nbp2">2</a> Gabrielle Roy, &laquo;&nbsp;La c&ocirc;te de tous les vents&nbsp;&raquo;, <em>Le Bulletin des agriculteurs</em>, vol.&nbsp;XXXVII, n&deg;&nbsp;10, octobre 1941, p.&nbsp;43.</p> <p><a href="#liennbp3" name="nbp3">3</a> Parmi la cinquantaine de reportages de Roy, on pourrait entre autres citer ceux qui portent sur les b&ucirc;cherons &agrave; Saint-Donat, sur les colons dans l&rsquo;Ouest canadien et sur les p&ecirc;cheurs en Gasp&eacute;sie.</p> <p><a href="#liennbp4" name="nbp4">4</a><em> Le Bulletin des agriculteurs</em>, vol.&nbsp;XXXVII, n&deg;&nbsp;10, octobre 1941.</p> <p><a href="#liennbp5" name="nbp5">5</a> En 1917, le gouvernement fait passer une loi pour un service militaire obligatoire. Il y aura des manifestations un peu partout.</p> <p><a href="#liennbp6" name="nbp6">6</a> Leslie Roberts, &laquo;&nbsp;Qu&eacute;bec et la Guerre&nbsp;&raquo;, <em>Le Bulletin des agriculteurs</em>, vol.&nbsp;XXXVII, n&deg;10, octobre 1941, p.&nbsp;9&nbsp;; 40-41.</p> <p><a href="#liennbp7" name="nbp7">7</a> Au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, le qualificatif &laquo;&nbsp;canadien&nbsp;&raquo; est progressivement remplac&eacute; par celui de &laquo;&nbsp;canadien fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo; dans le contexte des luttes nationalistes des francophones au Canada. Il faut attendre les ann&eacute;es 1960 pour marquer le passage &agrave; une identit&eacute; qu&eacute;b&eacute;coise.</p> <p><a href="#liennbp8" name="nbp8">8</a> Thomas Ferenczi, <em>Le Journalisme</em>, Paris, Presses universitaires de France, coll. &laquo;&nbsp;Que sais-je?&nbsp;&raquo;, 2005.</p> <p><a href="#liennbp9" name="nbp9">9</a> Edwin Emery et Michael Emery, <em>The Press and America. An Interpretive History of the Mass Media</em>, fifth Edition, Englewood Cliffs, Prentice-Hall, 1984, [1954].</p> <p><a href="#liennbp10" name="nbp10">10</a> Christian Delporte, <em>Histoire du journalisme et des journalistes en France</em>, Paris, Presses universitaires de France, coll. &laquo;&nbsp;Que sais-je&nbsp;?&nbsp;&raquo;, 1995, p.&nbsp;23.</p> <p><a href="#liennbp11" name="nbp11">11 </a>Sylvain Venayre, <em>Panorama du voyage 1780-1920. Mots, figures pratiques</em>, Paris, Les Belles lettres, 2012.</p> <p><a href="#liennbp12" name="nbp12">12</a> &laquo;&nbsp;Around the Wolrd in Seventy-Two Days&nbsp;&raquo; est publi&eacute; dans le <em>New York World</em> en 1888-1889.</p> <p><a href="#liennbp13" name="nbp13">13</a> La s&eacute;rie est publi&eacute;e en 1923 dans <em>Le Petit Parisien</em>.</p> <p><a href="#liennbp14" name="nbp14">14</a> Pierre Nepveu, <em>Int&eacute;rieurs du Nouveau Monde</em>, Montr&eacute;al, Bor&eacute;al, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Papiers coll&eacute;s&nbsp;&raquo;, 1998, p.&nbsp;108.</p> <p><a href="#liennbp15" name="nbp15">15</a> Certains voyageurs fran&ccedil;ais continuent de nourrir un exotisme surann&eacute; qui lie le territoire canadien &agrave; la France d&rsquo;Ancien R&eacute;gime bien apr&egrave;s la Conqu&ecirc;te. Les voyageurs Xavier Marmier, Jean-Jacques Amp&egrave;re, Philar&egrave;te Chasles, d&rsquo;Ernest Duvergier de Hauranne et Maurice Sand publient, par exemple, des r&eacute;cits autour des ann&eacute;es&nbsp;1860 qui v&eacute;hiculent encore ces topo&iuml;. Ceux-ci sont repris en partie ou en totalit&eacute; par la suite dans le reportage fran&ccedil;ais. Voir Maurice Lemire et Denis Saint-Jacques, <em>La Vie litt&eacute;raire. vol.&nbsp;III, Un peuple sans histoire ni litt&eacute;rature, </em>Qu&eacute;bec, Presses de l&rsquo;Universit&eacute; Laval, coll. &laquo;&nbsp;La vie litt&eacute;raire au Qu&eacute;bec&nbsp;&raquo;, 1996, p.&nbsp;128.</p> <p><a href="#liennbp16" name="nbp16">16</a> Cit&eacute; par Pierre Rajotte, <em>Le R&eacute;cit de voyage au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle. Aux fronti&egrave;res du litt&eacute;raire</em>, Montr&eacute;al, Triptyque, 1997, p.&nbsp;60.</p> <p><a href="#liennbp17" name="nbp17">17</a> Arthur Buies, &laquo;&nbsp;Deux mille deux cents lieues en chemin de fer&nbsp;&raquo;, dans <em>Chroniques II</em>, Montr&eacute;al, Presses de l&rsquo;Universit&eacute; de Montr&eacute;al, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que du Nouveau Monde&nbsp;&raquo;, 1991, p.&nbsp;139.</p> <p><a href="#liennbp18" name="nbp18">18</a> La lettre que cite Beaugrand est dat&eacute;e 1689.</p> <p><a href="#liennbp19" name="nbp19">19</a> Honor&eacute; Beaugrand, &laquo;&nbsp;De Montr&eacute;al &agrave; Chicago&nbsp;&raquo;, dans <em>Six Mois dans les Montagnes Rocheuses. Colorado, Utah</em>, Nouveau-Mexique, Montr&eacute;al, Granger fr&egrave;res, 1890, p.&nbsp;23.</p> <p><a href="#liennbp20" name="nbp20">20</a> Jules Fournier, &laquo;&nbsp;Réplique à M. ab der Halden&nbsp;&raquo;, <em>Revue canadienne</em>, f&eacute;vrier 1907, p.&nbsp;128.</p> <p><a href="#liennbp21" name="nbp21">21</a> Anne-Marie Gleason fait un article sur le m&ecirc;me sujet pour le journal <em>La Patrie</em>, tout comme &Eacute;va Circ&eacute;-C&ocirc;t&eacute; pour<em> Le Pionnier</em>.</p> <p><a href="#liennbp22" name="nbp22">22</a> Georgina B&eacute;langer [Ga&euml;tane de Montreuil], &laquo;&nbsp;R&eacute;cit de voyage&nbsp;&raquo;, <em>La Presse</em>, vol.&nbsp;XVII, n&deg;302, 26 octobre 1901, p.&nbsp;29.</p> <p>23 <a href="#liennbp23a" name="nbp23a">a</a> <a href="#liennbp23b" name="nbp23b">b</a> <em>Ibid</em>.</p> <p><a href="#liennbp24" name="nbp24">24</a> Yves Roby, &laquo;&nbsp;Les Canadiens fran&ccedil;ais des &Eacute;tats-Unis (1860-1900)&nbsp;: d&eacute;voy&eacute;s ou missionnaires&nbsp;&raquo;, <em>Revue d&#39;histoire de l&#39;Am&eacute;rique fran&ccedil;aise</em>, 1987, p.&nbsp;3-22.</p> <p><a href="#liennbp25" name="nbp25">25</a> La s&eacute;rie sur les Franco-am&eacute;ricains para&icirc;t dans <em>Le Canada</em> du 30 octobre 1905 au 18 janvier 1906.</p> <p><a href="#liennbp26" name="nbp26">26</a> Jules Fournier, &laquo;&nbsp;Chez les Franco-Am&eacute;ricains &raquo;, <em>Le Canada</em>, 30 octobre 1905, p.&nbsp;4.</p> <p><a href="#liennbp27" name="nbp27">27</a> Jules Fournier, &laquo;&nbsp;Chez les Franco-Am&eacute;ricains &raquo;, <em>Le Canada</em>, 8 novembre 1905, p.&nbsp;4.</p> <p><a href="#liennbp28" name="nbp28">28</a> Je traduis&nbsp;: &laquo;&nbsp;Quand le printemps vient, quand les brise-glaces tracent leur chemin &agrave; travers le pont de glace lib&eacute;rant les eaux du fleuve Saint-Laurent et quand les sarcelles avec leurs ailes bleues mettent les voiles vers le nord, je me surprends &agrave; penser &agrave; ce qui se trame &agrave; Sorel et aux nouvelles que je pourrais raconter l&agrave;-bas.&nbsp;&raquo; Voir Germaine Gu&egrave;vremont, <em>Les &Eacute;crits de Germaine Gu&egrave;vremont. </em>Tu seras journaliste<em> et autres &oelig;uvres sur le journalisme</em>, [&eacute;dition et pr&eacute;sentation de David D&eacute;carie et Lori Saint-Martin], Montr&eacute;al, Presses de l&rsquo;Universit&eacute; de Montr&eacute;al, 2013, p.&nbsp;209.</p>