<p>Un pan de la littérature française actuelle, que l’on pourrait appeler l’« écriture de terrain », rassemble des œuvres non fictionnelles écrites à partir d’une expérience sociale vécue sur le terrain. Des auteurs comme François Bon, Annie Ernaux, Emmanuel Carrère, Philippe Vasset, Ivan Jablonka ou Florence Aubenas, forment un corpus transversal avec des protocoles variés : enquêtes et entretiens, observations et prise de notes, itinérance ou immersion. Ces textes se veulent à la fois une percée documentée dans le terrain choisi et le récit à la première personne de l’entreprise de l’auteur. Étant souvent classés parmi les rayons de littérature, ces livres empruntent pourtant leur pratique de terrain à des domaines différents : le journalisme ou les sciences dites de terrain comme la sociologie, l’histoire ou l’ethnologie. Que nous dit cette tendance collective sur le paysage littéraire actuel ? En quoi redéfinit-elle le rôle social de l’écrivain ? Ces interrogations sont au centre de mes recherches et m’incitent à penser une approche sociologique de cette pratique et à interroger la place de la pratique de terrain dans le champ littéraire français actuel. La notion de « champ », reprise à Bourdieu, permet, je le rappelle, d’appréhender la littérature comme un champ de forces au sein duquel interagissent les agents selon leur position et leurs prises de position.</p>