<p>&nbsp; Le th&eacute;&acirc;tre de marionnettes, surtout celui des marionnettes &agrave; gaine (des marionnettes en bois et en tissu manipul&eacute;es du dessous par le marionnettiste, qui est g&eacute;n&eacute;ralement cach&eacute; derri&egrave;re le paravent appel&eacute; &laquo; castelet &raquo;), peut souffrir de quelques st&eacute;r&eacute;otypes. Dans l&rsquo;imaginaire commun il est consid&eacute;r&eacute; comme un th&eacute;&acirc;tre &laquo; mineur &raquo;, puisque compos&eacute; de courtes sc&egrave;nes qui se succ&egrave;dent de mani&egrave;re non harmonis&eacute;e, qu&rsquo;il est parfois anim&eacute; par des blagues faciles voire vulgaires, ainsi que par des masques traditionnels dont le spectateur attend toujours un certain type d&rsquo;attitude. Le th&eacute;&acirc;tre de Gigio Brunello, auteur et marionnettiste italien, est tr&egrave;s &eacute;loign&eacute; de cette image du th&eacute;&acirc;tre de marionnettes : en ne dissociant jamais la pratique textuelle de la v&eacute;rification sc&eacute;nique, cet auteur utilise les canons de la tradition pour les r&eacute;inventer et les rendre enti&egrave;rement originaux, en r&eacute;ussissant &agrave; rendre vivant le bois de ses marionnettes. Ses textes forment des architectures complexes, des m&eacute;canismes dramaturgiques raisonn&eacute;s dans lesquels les histoires v&eacute;cues par les marionnettes d&eacute;terminent une possibilit&eacute;, pour les marionnettes elles-m&ecirc;mes, de s&rsquo;&eacute;loigner de leurs r&ocirc;les canoniques. Les textes de Brunello donnent vie &agrave; un &eacute;ventail d&rsquo;histoires qui ne constituent pas un th&eacute;&acirc;tre de masques st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;s, mais au contraire, un univers d&eacute;taill&eacute; de personnages aux traits fondamentalement humains : son <em>genos</em>, sa propre petite lign&eacute;e imaginaire. Les masques classiques d&eacute;riv&eacute;s de la<em> Commedia dell&rsquo;Arte</em> ou des traditions r&eacute;gionales italiennes (Arlecchino, Brighella, Balanzone, Colombina, pour citer les plus r&eacute;currents dans les textes de Brunello), sont associ&eacute;s &agrave; de nombreux autres personnages, invent&eacute;s par l&rsquo;auteur lui-m&ecirc;me ; ou bien les m&ecirc;mes masques traditionnels sont plong&eacute;es dans des situations in&eacute;dites, ce qui d&eacute;termine des r&eacute;ponses tout aussi peu canoniques : dans les textes de Brunello, il peut arriver qu&rsquo;Arlequin r&eacute;cite <em>Macbeth</em> et qu&rsquo;un lapin soit retrouv&eacute; chez le diable. &Agrave; travers l&rsquo;analyse de quelques &oelig;uvres de l&rsquo;auteur, nous chercherons donc &agrave; mettre en lumi&egrave;re les m&eacute;canismes de composition r&eacute;currents qui conf&egrave;rent aux marionnettes &agrave; gaine un niveau de complexit&eacute; peu fr&eacute;quent dans les castelets, et ainsi permettent d&rsquo;engendrer une r&eacute;flexion m&eacute;ta-th&eacute;&acirc;trale.</p>