<p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; L&rsquo;historiographie et les &eacute;tudes historiques se voient profond&eacute;ment renouvel&eacute;es &agrave; partir des ann&eacute;es 1870 en France sous l&rsquo;impulsion des historiens r&eacute;publicains. Dans la continuit&eacute; des transformations conduites sous le Second Empire par Victor Duruy, apr&egrave;s le choc de la d&eacute;faite militaire contre la Prusse, il appara&icirc;t n&eacute;cessaire de mieux former les &eacute;lites du pays pour soutenir la refondation nationale. Ce sont alors les historiens dits m&eacute;thodiques qui conduisent la progressive modernisation de l&rsquo;universit&eacute; fran&ccedil;aise. L&rsquo;histoire, fer de lance p&eacute;dagogique du d&eacute;veloppement de la III<sup>e</sup> R&eacute;publique, se professionnalise et s&rsquo;affirme en tant que discipline autonome. Peu &agrave; peu, les autres domaines (la g&eacute;ographie, la philosophie, la sociologie naissante&hellip;) subissent l&rsquo;influence de l&rsquo;id&eacute;al m&eacute;thodique, qui est parfois appel&eacute; &laquo;&nbsp;positiviste&nbsp;&raquo;. &Agrave; la fin du XIX<sup>e </sup>si&egrave;cle, le mandarin Ernest Lavisse, professeur en Sorbonne d&egrave;s 1880, puis directeur de l&rsquo;&Eacute;cole normale sup&eacute;rieure &agrave; partir de 1904, incarne la supr&eacute;matie des historiens, scientifiques, universitaires et p&eacute;dagogues alli&eacute;s au r&eacute;gime r&eacute;publicain.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; En 1876, le premier &laquo;&nbsp;manifeste&nbsp;&raquo; m&eacute;thodique, le lancement de la <em>Revue historique</em> de Gabriel Monod, pr&eacute;conise une nouvelle fa&ccedil;on d&rsquo;&eacute;tablir et d&rsquo;&eacute;crire l&rsquo;histoire. &Agrave; l&rsquo;image de ce qui se pratique dans les prestigieuses universit&eacute;s allemandes, il stipule que l&rsquo;historien doit adopter une d&eacute;marche philologique et se montrer impartial face aux documents qu&rsquo;il &eacute;tudie. Plus question de s&rsquo;adonner aux fioritures litt&eacute;raires, comme les historiens romantiques des g&eacute;n&eacute;rations pr&eacute;c&eacute;dentes, ou aux interpr&eacute;tations philosophiques. En 1898, les historiens Charles Seignobos et Charles-Victor Langlois publient le c&eacute;l&egrave;bre manuel d&rsquo;<em>Introduction aux &eacute;tudes historiques </em>qui consacre la &laquo;&nbsp;m&eacute;thode&nbsp;&raquo; et sacralise la critique des sources documentaires dans l&rsquo;exercice de la raison historienne. Leurs revendications th&eacute;oriques s&rsquo;appuient sur des &eacute;volutions institutionnelles tr&egrave;s concr&egrave;tes, comme la r&eacute;forme des programmes et cursus universitaires.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; L&rsquo;exigence d&rsquo;une plus grande scientificit&eacute; dans la discipline historique a des cons&eacute;quences directes sur les rapports entre litt&eacute;rature et histoire. Tout au long de la p&eacute;riode consid&eacute;r&eacute;e (1870-1914), l&rsquo;av&egrave;nement des humanit&eacute;s modernes est en effet per&ccedil;u comme un cheval de Troie dans l&rsquo;universit&eacute;. La promotion de la m&eacute;thode bouscule la tradition litt&eacute;raire et lettr&eacute;e. De nombreux &eacute;crivains, journalistes et hommes de lettres per&ccedil;oivent la m&eacute;thode comme une provocation moderniste visant &agrave; d&eacute;truire le socle des humanit&eacute;s classiques (pr&eacute;gnantes dans la formation des &eacute;lites) pour la remplacer par une culture jug&eacute;e utilitariste. Par ailleurs, la m&eacute;thode est souvent accus&eacute;e d&rsquo;&ecirc;tre une importation d&rsquo;outre-Rhin, donc &eacute;trang&egrave;re &agrave; l&rsquo;esprit national, et ce malgr&eacute; la dimension patriotique ind&eacute;niable de l&rsquo;histoire r&eacute;publicaine. L&rsquo;histoire est un domaine profond&eacute;ment politique. Apr&egrave;s un si&egrave;cle de r&eacute;volutions, apr&egrave;s le double traumatisme du si&egrave;ge de Paris et de la Commune, les enjeux politiques de l&rsquo;histoire sont plus que jamais d&rsquo;actualit&eacute;. On comprend donc que le sujet soit si pol&eacute;mique et que les &eacute;crivains et journalistes veuillent avoir voix au chapitre en mati&egrave;re de transmission du pass&eacute; et de place du savoir dans la cit&eacute;.</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Cette contribution vise &agrave; montrer comment l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;Anatole France (1844-1924) investit les d&eacute;bats historiographiques de la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, en particulier comment il r&eacute;agit &agrave; l&rsquo;av&egrave;nement de l&rsquo;historiographie m&eacute;thodique. Passionn&eacute; par l&rsquo;&eacute;tude du pass&eacute; et conscient des profonds enjeux politiques et moraux que rev&ecirc;t l&rsquo;&eacute;criture de l&rsquo;histoire, France envisage la relation entre historiens et gens de lettres sur le mode de la rivalit&eacute;. Il se montre parfois pol&eacute;mique, tout en proposant des renouvellements du cadre de pens&eacute;e impos&eacute; par la m&eacute;thode. France est un auteur indissociable de la &laquo;Troisi&egrave;me R&eacute;publique des lettres<a href="#nbp1" id="footnoteref1_xf1a0pw" name="liennbp1" title=" Selon l’expression forgée par Antoine Compagnon : La Troisième République des lettres : de Flaubert à Proust, Paris, Seuil, 1983. ">1</a> &raquo;&nbsp;; par son positionnement historique, il accompagne les scansions de l&rsquo;actualit&eacute;, de ses premiers succ&egrave;s en prose vers 1880, jusqu&rsquo;&agrave; sa mort au milieu des ann&eacute;es 1920. Il occupe &eacute;galement, tout au long de cette p&eacute;riode, une position centrale dans la vie litt&eacute;raire et journalistique &ndash; &eacute;l&eacute;ment d&eacute;terminant dans la mesure o&ugrave; la litt&eacute;rature, tout particuli&egrave;rement &agrave; cette &eacute;poque, est le &laquo;&nbsp;n&oelig;ud constitutif de l&rsquo;identit&eacute; politique &agrave; la fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo;, selon une formule de Pierre Nora. Tr&egrave;s lu &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, France est un faiseur d&rsquo;opinions influent, ce qui est pr&eacute;cieux pour observer les effets de r&eacute;seaux autour de la r&eacute;forme m&eacute;thodique de l&rsquo;histoire, accomplie sous l&rsquo;action d&rsquo;un petit cercle d&rsquo;universitaires et d&rsquo;hommes politiques.</p> <h2><strong>L&rsquo;envers de l&rsquo;historiographie contemporaine</strong></h2> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; La culture et la sensibilit&eacute; d&rsquo;Anatole France semblent le pr&eacute;disposer, d&egrave;s ses premi&egrave;res exp&eacute;riences, &agrave; apporter sa pierre aux &eacute;difices du &laquo;&nbsp;si&egrave;cle de l&rsquo;histoire&nbsp;&raquo;. N&eacute; en 1844, il est le fils de Fran&ccedil;ois No&euml;l Thibaut, dit No&euml;l France, un libraire sp&eacute;cialis&eacute; dans les ouvrages et documents de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise&nbsp;: le contact avec la librairie paternelle lui procure une familiarit&eacute; privil&eacute;gi&eacute;e avec l&rsquo;univers des archivistes et des collectionneurs. Dans sa jeunesse, France travaille pour la revue biographique et historique <em>L&rsquo;Amateur d&rsquo;autographes</em> dirig&eacute;e par son parrain Jacques Charavay. Bien qu&rsquo;il n&rsquo;ait pas entam&eacute; d&rsquo;&eacute;tudes d&rsquo;histoire, il d&eacute;veloppe une pratique &eacute;rudite. &Agrave; vingt-quatre ans, il a l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une encyclop&eacute;die collective de la R&eacute;volution, projet rest&eacute; au stade de prospectus. En 1882, il livre le d&eacute;but d&rsquo;une <em>Histoire de France</em> &agrave; l&rsquo;&eacute;diteur Lemerre &ndash; l&rsquo;ouvrage n&rsquo;est cependant pas publi&eacute; et sera le pr&eacute;texte d&rsquo;une brouille entre l&rsquo;&eacute;crivain et l&rsquo;&eacute;diteur. Dans ses souvenirs (<em>Le</em> <em>Livre de mon ami</em>), France &eacute;voque le projet sublime d&rsquo;&eacute;crire une histoire de France en 50 volumes&nbsp;: cette r&ecirc;verie attribu&eacute;e &agrave; un enfant est significative des ressorts de son imaginaire ainsi que de son ambition intellectuelle.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; L&rsquo;&oelig;uvre majeure de France dans le domaine historique est sa <em>Vie de Jeanne d&rsquo;Arc</em> en deux volumes, parue en 1908, fruit de trente ans de lectures et de recherches. Ayant &eacute;tudi&eacute; le proc&egrave;s de Jeanne d&rsquo;Arc et la litt&eacute;rature sur les miracles, l&rsquo;&eacute;crivain se prononce en faveur de la th&egrave;se rationaliste selon laquelle Jeanne d&rsquo;Arc aurait &eacute;t&eacute; sujette &agrave; des hallucinations auditives (sa vision s&rsquo;accorde &agrave; celle de la plupart des contemporains la&iuml;cs, tel le c&eacute;l&egrave;bre professeur Thalamas). La <em>Vie de Jeanne d&rsquo;Arc</em> soul&egrave;ve de vives critiques, en particulier aupr&egrave;s du lectorat catholique. Car &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne lorraine est une figure extr&ecirc;mement politis&eacute;e, au centre d&rsquo;une bataille des m&eacute;moires entre r&eacute;publicains et nationalistes. L&rsquo;accueil tr&egrave;s peu favorable de sa <em>Jeanne d&rsquo;Arc</em> peut expliquer une partie de la virulence antipositiviste de France &agrave; la fin de sa carri&egrave;re, et notamment les pages les plus acerbes de <em>L&rsquo;&Icirc;le des Pingouins</em>, publi&eacute; quelques mois apr&egrave;s la <em>Vie de Jeanne d&rsquo;Arc</em>. Cependant, la critique des historiens est une dimension r&eacute;currente dans son &oelig;uvre, et bien plus ancienne&nbsp;: depuis ses premiers r&eacute;cits en prose, l&rsquo;&eacute;crivain exerce son ironie contre le manque d&rsquo;humanit&eacute; des savants. D&rsquo;une &oelig;uvre &agrave; l&rsquo;autre, les repr&eacute;sentations des intellectuels dans l&rsquo;&oelig;uvre de France se font l&eacute;g&egrave;rement satiriques ou franchement critiques. Elles s&rsquo;infl&eacute;chissent en lien avec l&rsquo;actualit&eacute; politique et universitaire, et selon l&rsquo;&eacute;volution du regard que l&rsquo;&eacute;crivain porte sur sa propre condition.</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Chez France, l&rsquo;histoire est principalement caricatur&eacute;e &agrave; travers les nombreux personnages d&rsquo;historiens qui peuplent l&rsquo;&oelig;uvre de fiction. Il s&rsquo;agit d&rsquo;historiens&nbsp;au sens large, c&rsquo;est-&agrave;-dire aussi bien des professionnels qui &eacute;crivent l&rsquo;histoire et l&rsquo;enseignent en Sorbonne, que des repr&eacute;sentants des sciences auxiliaires de l&rsquo;histoire, tels les arch&eacute;ologues, et des professions li&eacute;es au domaine historique, comme les biblioth&eacute;caires ou les collectionneurs. Les professeurs d&rsquo;universit&eacute;, comme le latiniste M.&nbsp;Bergeret dans <em>L&rsquo;Histoire contemporaine </em>(1897-1901), ne sont pas des historiens &agrave; proprement parler, mais ils sont ind&eacute;fectiblement li&eacute;s &agrave; l&rsquo;univers intellectuel de l&rsquo;historiographie contemporaine pour deux raisons. D&rsquo;abord, ils partagent les m&ecirc;mes traits sociologiques et la m&ecirc;me culture que leurs coll&egrave;gues. Ensuite, avec l&rsquo;av&egrave;nement de la m&eacute;thode dans l&rsquo;universit&eacute; fran&ccedil;aise du dernier quart du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, eux aussi sont encourag&eacute;s au culte du document, &agrave; la critique des sources et &agrave; la pratique bibliographique, ainsi que le montre la fondation de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire moderne sous l&rsquo;&eacute;gide de Lanson.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Le proc&eacute;d&eacute; de la caricature, outre l&rsquo;accentuation des traits per&ccedil;us dans la r&eacute;alit&eacute;, comporte une dimension critique r&eacute;v&eacute;latrice. Dans <em>Le Crime de Sylvestre Bonnard, membre de l&rsquo;Institut </em>(1881), le personnage &eacute;ponyme est un archiviste-pal&eacute;ographe d&eacute;bonnaire et ridicule. Sp&eacute;cialiste de l&rsquo;histoire de la Gaule chr&eacute;tienne, Sylvestre Bonnard fait figure d&rsquo;&eacute;rudit d&eacute;suet, anachronique&nbsp;:&nbsp;il conna&icirc;t les lois m&eacute;di&eacute;vales, mais ignore celles de son si&egrave;cle, en particulier le Code Napol&eacute;on<a href="#nbp2" id="footnoteref2_3lu208d" name="liennbp2" title="Anatole France, Le Crime de Sylvestre Bonnard, dans Œuvres I, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1984, p. 294.">2</a>. On pourrait lui appliquer ce que France &eacute;crira &agrave; propos d&rsquo;Adone Doni dans <em>Le Puits de sainte Claire</em> (1895) :&nbsp;&laquo;&nbsp;Il vivait dans les images du pass&eacute; et dans le songe de l&rsquo;avenir. La notion du temps pr&eacute;sent lui &eacute;tait absolument &eacute;trang&egrave;re<a href="#nbp3" id="footnoteref3_bg070tc" name="liennbp3" title="Le Puits de sainte Claire, dans Œuvres II, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1987, p. 567.">3</a> &raquo;. Toutefois, le personnage &eacute;volue au fil du r&eacute;cit et de ses efforts pour enlever sa pupille Jeanne &agrave; sa pension&nbsp;; la pupille finit par &eacute;pouser l&rsquo;autre prot&eacute;g&eacute; de Bonnard, le jeune chartiste et docteur en histoire m&eacute;di&eacute;vale G&eacute;lis, sous la b&eacute;n&eacute;diction ambigu&euml; de l&rsquo;&eacute;rudit qui sacrifie sa biblioth&egrave;que pour la dot.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; M. Pigeonneau, tir&eacute; d&rsquo;une nouvelle &eacute;ponyme du recueil <em>Balthasar </em>(1889), est un arch&eacute;ologue. France ridiculise cet &eacute;rudit en soulignant sa propension &agrave; se laisser manipuler sans vergogne par la gent f&eacute;minine, ainsi qu&rsquo;en lui pr&ecirc;tant de nombreuses contradictions. L&rsquo;assurance que professe Pigeonneau (&laquo;&nbsp;J&rsquo;ai vou&eacute; <em>comme chacun sait</em> ma vie &agrave; l&rsquo;arch&eacute;ologie&nbsp;&raquo;&hellip;) est proportionnelle au grotesque du personnage, ainsi que le laisse deviner l&rsquo;onomastique peu flatteuse.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Par ailleurs, l&rsquo;&eacute;crivain utilise aussi le proc&eacute;d&eacute; satirique de l&rsquo;animalisation (&laquo;&nbsp;Pigeonneau&nbsp;&raquo;), et m&ecirc;me l&rsquo;intensifie, dans le roman m&eacute;ta-historique <em>L&rsquo;&Icirc;le des Pingouins</em> (1908), avec le duo des historiens Fulgence Tapir et Johann&egrave;s Talpa, le tapir et la taupe<a href="#nbp4" id="footnoteref4_y6tcjxs" name="liennbp4" title="Pour une étude plus approfondie de ce roman, nous nous permettons de renvoyer à : Julie Moucheron, « L’Île des Pingouins d’Anatole France : origines et horizons d’un antiroman historique », Belphégor, « Le roman historique dans la première moitié du XXe siècle », n°18/2, 2020 [en ligne] : https://doi.org/10.4000/bel phegor.3277 ">4</a>. Le narrateur rend visite au premier dans la pr&eacute;face&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Introduit dans son cabinet de travail, je trouvai, assis devant un bureau &agrave; cylindre, sous un amas &eacute;pouvantable de papiers, un petit homme merveilleusement myope dont les paupi&egrave;res clignotaient derri&egrave;re des lunettes d&rsquo;or. [&hellip;] Les murs du cabinet de travail, le plancher, le plafond m&ecirc;me portaient des liasses d&eacute;bordantes, des cartons d&eacute;mesur&eacute;ment gonfl&eacute;s, des bo&icirc;tes o&ugrave; se pressait une multitude innombrable de fiches, et je contemplai avec une admiration m&ecirc;l&eacute;e de terreur les cataractes de l&rsquo;&eacute;rudition pr&ecirc;tes &agrave; se rompre<a href="#nbp5" id="footnoteref5_f4ddnxb" name="liennbp5" title="L'Île des Pingouins, dans Œuvres IV, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1994, p. 10.">5</a>. </q></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; La d&eacute;rision est patente. Elle se diss&eacute;mine finement dans le texte, avec la syllepse sur &laquo;&nbsp;myope&nbsp;&raquo; (car le savant malvoyant est incapable de prendre du recul, de s&rsquo;adonner &agrave; la synth&egrave;se) ou sur &laquo;&nbsp;cataracte&nbsp;&raquo; (qui d&eacute;signe &eacute;tymologiquement une chute d&rsquo;eau, puis une affection de l&rsquo;&oelig;il). &Agrave; la fin de la sc&egrave;ne, le narrateur ouvre malencontreusement la bo&icirc;te &agrave; fiches, symbole et repr&eacute;sentation st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;e de l&rsquo;&eacute;rudition m&eacute;thodique. Le savant tapir dispara&icirc;t, englouti par le d&eacute;luge documentaire. L&rsquo;autre historien des Pingouins, Talpa, est un chroniqueur du Moyen &Acirc;ge. Dans le r&eacute;cit, il continue sa t&acirc;che de copiste m&ecirc;me quand le monast&egrave;re prend feu. Son nom renvoie &agrave; la taupe, autre animal vivant au ras du sol&hellip; et aux vues bien courtes. L&rsquo;int&eacute;gralit&eacute; de <em>L&rsquo;&Icirc;le des Pingouins </em>regorge ainsi de repr&eacute;sentations satiriques. Les nuances ironiques remettent au go&ucirc;t du jour les proc&eacute;d&eacute;s traditionnels de la caricature, en accentuant leur port&eacute;e critique &agrave; l&rsquo;encontre des professionnels de l&rsquo;histoire.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; De fa&ccedil;on plus directement politique, la t&eacute;tralogie <em>Histoire contemporaine</em> introduit un microcosme de personnages repr&eacute;sentatifs des &eacute;lites de la III<sup>e</sup> R&eacute;publique. L&rsquo;&eacute;rudit local, M.&nbsp;de Terremondre est catholique. Il pr&eacute;side une fictive Soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;agriculture et d&rsquo;arch&eacute;ologie&nbsp;:&nbsp;avec humour, France associe les deux domaines, sugg&eacute;rant que les fouilles arch&eacute;ologiques ne sont que la version raffin&eacute;e du glanage de pommes de terre. Le comparse de Terremondre, l&rsquo;archiviste anticl&eacute;rical Mazure, est sp&eacute;cialis&eacute; dans les documents d&rsquo;histoire locale li&eacute;s &agrave; la R&eacute;volution fran&ccedil;aise. Pour le lecteur de l&rsquo;&eacute;poque, il d&eacute;signe de fa&ccedil;on &eacute;vidente la vaste entreprise de collecte documentaire conduite par l&rsquo;historien m&eacute;thodique (et r&eacute;publicain) Alphonse Aulard dans les ann&eacute;es 1880, pour le centenaire de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise. &Agrave; cette &eacute;poque, le d&eacute;bat sur la place de la violence r&eacute;volutionnaire dans l&rsquo;identit&eacute; nationale est vif. Or l&rsquo;archiviste Mazure fait figure de jacobin inqui&eacute;tant.</p> <p><q>&nbsp;&mdash; Donnez-nous vos raisons, Bergeret, dit l&rsquo;archiviste Mazure qui, vivant dans l&rsquo;admiration de 93 et de la Terreur, trouvait &agrave; la guillotine une sorte de vertu myst&eacute;rieuse et de beaut&eacute; morale. Moi, je suis pour la suppression de la peine de mort en droit commun et pour son r&eacute;tablissement en mati&egrave;re politique<a href="#nbp6" id="footnoteref6_au0fykm" name="liennbp6" title="Le Mannequin d'osier, dans Œuvres II, op. cit., p. 950. Nous soulignons.">6</a>. </q></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; France sugg&egrave;re &agrave; plusieurs reprises que l&rsquo;archiviste pense avoir des convictions r&eacute;volutionnaires et anticl&eacute;ricales quand ses actions sont en r&eacute;alit&eacute; motiv&eacute;es par l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t personnel &ndash; il r&ecirc;ve en effet de se voir d&eacute;cerner des palmes acad&eacute;miques, et il alterne entre la misanthropie et l&rsquo;indulgence en fonction de son avancement. L&rsquo;&eacute;crivain caract&eacute;rise de la m&ecirc;me mani&egrave;re le pr&eacute;fet Worms-Clavelin. Ce repr&eacute;sentant du gouvernement &laquo;&nbsp;se cro[i]t de bonne foi positiviste<a href="#nbp7" id="footnoteref7_4dcub81" name="liennbp7" title="L'Orme du mail, dans Œuvres II, op. cit., p. 775.">7</a> &raquo; quand il gouverne de fa&ccedil;on technocratique&nbsp;: le personnage trinque &laquo;&nbsp;avec des chimistes politiciens<a href="#nbp8a" id="footnoteref8_96h5ylz" name="liennbp8a" title="Ibid.">8</a> &raquo; (allusion probable &agrave; Marcelin Berthelot) et &laquo;&nbsp;appr&eacute;ci[e] d&rsquo;autant mieux la science qu&rsquo;elle lui &eacute;tait plus utile<a href="#nbp8b" id="footnoteref8_77ofics" name="liennbp8b" title="Ibid.">8</a> &raquo;. C&rsquo;est une nouvelle fa&ccedil;on de d&eacute;noncer la collusion des historiens et du pouvoir, autrement dit l&rsquo;alliance du savant et du politique sous la III<sup>e</sup> R&eacute;publique positiviste. D&eacute;j&agrave;, dans <em>Les D&eacute;sirs de Jean Servien </em>(1882), le grotesque pr&eacute;cepteur Tudesco est une figure de la science qui s&rsquo;enivre de sa propre autorit&eacute;&nbsp;: faisant l&rsquo;&eacute;loge du savoir, le personnage s&#39;exclame &laquo; La science ! Les &eacute;tudes ! Quelle puissance ! Savoir, c&rsquo;est pouvoir<a href="#nbp9" id="footnoteref9_2m9e131" name="liennbp9" title="Les Désirs de Jean Servien, dans Œuvres II, op. cit., p. 419.">9</a> &raquo; tout en s&rsquo;imbibant g&eacute;n&eacute;reusement d&rsquo;absinthe dans une distillerie.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Le m&eacute;morable personnage principal de l&rsquo;<em>Histoire contemporaine</em>, M. Bergeret, pr&eacute;sente initialement des caract&eacute;ristiques proches de celles de Sylvestre Bonnard. Mais l&rsquo;&eacute;rudit enferm&eacute; dans la tour d&rsquo;ivoire de sa biblioth&egrave;que, se montre, au fil du r&eacute;cit, de plus en plus humain et alerte envers les enjeux du pr&eacute;sent. En outre, comme Bonnard, M. Bergeret voit l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve d&eacute;passer le ma&icirc;tre en mati&egrave;re de conqu&ecirc;tes f&eacute;minines &ndash; car son prot&eacute;g&eacute;, M. Roux, s&eacute;duit Mme Bergeret. Les figures de l&rsquo;autorit&eacute; savante et professorale chez France&nbsp;ont un trait commun :&nbsp;la plupart de ces personnages sont maladroits avec les femmes, na&iuml;fs ou incomp&eacute;tents dans le commerce amoureux. Dans <em>Jocaste et le Chat maigre </em>(1879), le jeune m&eacute;decin Longuemare est un positiviste au c&oelig;ur froid, insensible aux charmes de la belle H&eacute;l&egrave;ne. L&rsquo;&eacute;crivain passionn&eacute; d&rsquo;histoire souligne le parall&egrave;le entre l&rsquo;homme qui n&rsquo;est pas &eacute;mu par la beaut&eacute; f&eacute;minine, et l&rsquo;historien qui autopsie les documents de fa&ccedil;on syst&eacute;matique, sans &eacute;tat d&rsquo;&acirc;me.</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Par ailleurs, la critique &agrave; l&rsquo;&eacute;gard du positivisme dans les &eacute;tudes historiques se d&eacute;ploie au travers d&rsquo;un certain nombre de lieux communs, emprunt&eacute;s au lexique et aux arguments des historiens m&eacute;thodiques eux-m&ecirc;mes. Comme d&rsquo;autres &eacute;crivains de la m&ecirc;me &eacute;poque (ainsi Huysmans dans <em>L&agrave;-Bas</em>, Bloy dans <em>Le D&eacute;sesp&eacute;r&eacute;</em>, Barr&egrave;s dans <em>Le Jardin de B&eacute;r&eacute;nice</em>&hellip; ou plus tard P&eacute;guy), France ironise &agrave; propos des &laquo;&nbsp;faits&nbsp;&raquo;, des &laquo;&nbsp;fiches&nbsp;&raquo;, de la sacralisation des &laquo;&nbsp;sources&nbsp;&raquo;, et bien entendu de la &laquo;&nbsp;m&eacute;thode&nbsp;&raquo;. Ses allusions, plus ou moins d&eacute;velopp&eacute;es, visent &agrave; remettre en question le degr&eacute; de certitude plac&eacute; par les m&eacute;thodiques dans l&rsquo;accumulation documentaire. Elles explorent donc l&rsquo;imaginaire du d&eacute;coupage analytique et du classement. France ne rejette pas le principe scientifique pour lui-m&ecirc;me, mais il r&eacute;cuse certaines de ses applications, par exemple la fa&ccedil;on dont l&rsquo;offensive m&eacute;thodique empi&egrave;te sur la tradition litt&eacute;raire.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Les d&eacute;rives de la m&eacute;thode sont sugg&eacute;r&eacute;es entre autres dans <em>L&rsquo;Orme du mail</em>, avec le g&eacute;n&eacute;ral Cartier de Chalmot. Le portrait satirique contre l&rsquo;arm&eacute;e est d&rsquo;autant plus savoureux qu&rsquo;il est publi&eacute; peu avant l&rsquo;affaire Dreyfus.</p> <p><q>&nbsp;[&hellip;] le g&eacute;n&eacute;ral Cartier de Chalmot avait mis sa division en fiches dans de petites bo&icirc;tes de carton qu&rsquo;il posait chaque matin sur son bureau et qu&rsquo;il rangeait chaque soir sur des tablettes de bois blanc, au-dessus de son lit de fer. <em>Il tenait ses fiches &agrave; jour avec une exactitude scrupuleuse, dans un ordre qui le remplissait de satisfaction. Chaque fiche repr&eacute;sentait un homme</em>. La forme sous laquelle il consid&eacute;rait d&eacute;sormais ses officiers, ses sous-officiers et ses soldats contentait son instinct de r&eacute;gularit&eacute;, et correspondait &agrave; son intelligence de la nature. [&hellip;] Probe et timide, excellent calligraphe, il avait enfin trouv&eacute; la m&eacute;thode appropri&eacute;e &agrave; son g&eacute;nie et il l&rsquo;appliquait avec la derni&egrave;re rigueur, commandant sa division sur fiches.<br /> Ce jour-l&agrave;, s&rsquo;&eacute;tant lev&eacute;, selon son habitude, &agrave; cinq heures du matin, il avait pass&eacute; de son tub &agrave; sa table de travail&nbsp;;&nbsp;et, pendant que le soleil montait avec une auguste lenteur au-dessus des ormes de l&rsquo;archev&ecirc;ch&eacute;, le g&eacute;n&eacute;ral organisait des man&oelig;uvres en maniant ses cartons repr&eacute;sentatifs de la r&eacute;alit&eacute;, et identiques &agrave; la r&eacute;alit&eacute; pour <em>cette intelligence respectueuse excessivement des signes</em>. Il y avait plus de trois heures qu&rsquo;il appliquait sur ses fiches sa pens&eacute;e et sa face, p&acirc;les et tristes comme les fiches elles-m&ecirc;mes, quand son domestique lui annon&ccedil;a M.&nbsp;l&rsquo;abb&eacute; de Lalonde<a href="#nbp10" id="footnoteref10_e761sda" name="liennbp10" title="L'Orme du mail, dans Œuvres II, op. cit., p. 775.">10</a>. </q></p> <p>Le g&eacute;n&eacute;ral fait preuve d&rsquo;une forme de cratylisme irrespectueux. Il r&eacute;duit les hommes &agrave; des morceaux de papier, comme l&rsquo;historien m&eacute;thodique r&eacute;duirait les &eacute;motions des hommes du pass&eacute; &agrave; des collections de dates. L&rsquo;absence de sensibilit&eacute; du g&eacute;n&eacute;ral est d&rsquo;autant plus condamnable que ce dernier ignore les charmes de l&rsquo;existence. Son rythme de vie m&eacute;canique lui donne des allures d&rsquo;automate. La repr&eacute;sentation traduit l&rsquo;inqui&eacute;tude de l&rsquo;&eacute;crivain vis-&agrave;-vis de la vie moderne r&eacute;guli&egrave;re et syst&eacute;matique, infiniment rang&eacute;e et norm&eacute;e, sans joie. Pour France, dont toute l&rsquo;&oelig;uvre exalte la beaut&eacute; de la nature, de l&rsquo;imagination et de la r&ecirc;verie, la vie mise en fiches constitue un repoussoir absolu sur les plans esth&eacute;tique et &eacute;thique&hellip; mais aussi politique.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp; Ainsi, dans <em>Sur la pierre blanche </em>(1905), une sorte de roman d&rsquo;anticipation moraliste, un personnage se pr&eacute;sente comme &agrave; la fois artisan et scientifique. La description s&rsquo;appuie sur les convictions teint&eacute;es de socialisme de France apr&egrave;s l&rsquo;affaire Dreyfus&nbsp;: l&rsquo;&eacute;crivain sous-entend que&nbsp;l&rsquo;organisation m&eacute;thodique du travail est un p&eacute;ril pour l&rsquo;individu, dont la vie se trouve alors soumise aux al&eacute;as de la soci&eacute;t&eacute; productiviste.</p> <p><q>&nbsp;Je suis boulanger pendant six heures. C&rsquo;est la dur&eacute;e de la journ&eacute;e telle qu&rsquo;elle a &eacute;t&eacute; fix&eacute;e par le Comit&eacute; f&eacute;d&eacute;ral. Le reste du temps, je fais de <em>la statistique. C&rsquo;est la science qui a remplac&eacute; l&rsquo;histoire</em>. Les anciens historiens contaient les actions &eacute;clatantes d&rsquo;un petit nombre d&rsquo;hommes. Les n&ocirc;tres enregistrent <em>tout ce qui se produit et tout ce qui se consomme</em><a href="#nbp11" id="footnoteref11_rnizg56" name="liennbp11" title="Sur la pierre blanche, dans Œuvres III, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 1109.">11</a>. </q></p> <p>Si le ton peut rappeler certaines inqui&eacute;tudes anciennes (telles celles de Jules Verne face au d&eacute;clin des humanit&eacute;s classiques, d&eacute;j&agrave; sous le Second Empire<a href="#nbp12" id="footnoteref12_bodlzus" name="liennbp12" title="Voir par exemple le roman de jeunesse refusé par l’éditeur Hetzel Paris au XXe siècle, découvert et édité pour la première fois à la fin des années 1980.">12</a>), c&rsquo;est ici l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration du capitalisme industriel au d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle qui est d&eacute;nonc&eacute;. Dans l&rsquo;extrait, la rationalisation m&eacute;thodique du temps de l&rsquo;existence sociale, avec l&rsquo;enregistrement m&eacute;canique de la journ&eacute;e ouvri&egrave;re, d&eacute;poss&egrave;de l&rsquo;individu du sens de son travail.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Certes, les &eacute;tudes statistiques ne deviennent pas v&eacute;ritablement importantes dans la discipline historique avant le milieu du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle et le d&eacute;veloppement de l&rsquo;histoire dite s&eacute;rielle en France. Vers 1900, la statistique est plut&ocirc;t un outil de la sociologie, une discipline universitaire rivale de l&rsquo;histoire alors en voie d&rsquo;affirmation. Les querelles m&eacute;thodologiques entre sociologues durkheimiens et historiens sont rest&eacute;es c&eacute;l&egrave;bres, &agrave; l&rsquo;image de la controverse entre Seignobos et Simiand en 1903. Cependant, les &eacute;crivains de l&rsquo;&eacute;poque, au premier rang desquels France, assimilent les deux sciences sociales. La sociologie est per&ccedil;ue comme une extension naturelle de l&rsquo;histoire m&eacute;thodique, puisqu&rsquo;elle repose &agrave; l&rsquo;origine sur le m&ecirc;me principe d&rsquo;accumulation de donn&eacute;es factuelles et d&rsquo;effacement de la subjectivit&eacute; de l&rsquo;enqu&ecirc;teur, et qu&rsquo;elle s&rsquo;accomplit dans les m&ecirc;mes lieux, &agrave; savoir l&rsquo;universit&eacute; r&eacute;publicaine r&eacute;form&eacute;e. Ainsi, les critiques exprim&eacute;s par France &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la sociologie fonctionnent de la m&ecirc;me mani&egrave;re que celles contre l&rsquo;historiographie r&eacute;publicaine. Dans <em>Monsieur Bergeret &agrave; Paris</em>, le personnage de Bissolo, qui est cens&eacute; &ecirc;tre un militant socialiste, se r&eacute;v&egrave;le fort inqui&eacute;tant dans son m&eacute;pris du peuple.</p> <p><q>&nbsp;Je ne pus me retenir de reprocher s&eacute;v&egrave;rement au citoyen Bissolo de calomnier la foule fran&ccedil;aise. Il r&eacute;pondit qu&rsquo;il &eacute;tait sociologue, il faisait du socialisme &agrave; base scientifique, il poss&eacute;dait dans une petite bo&icirc;te une collection de faits exactement class&eacute;s qui lui permettaient d&rsquo;op&eacute;rer la r&eacute;volution m&eacute;thodique. Et il ajouta : <em>c&rsquo;est la science et non le peuple qui est la souverainet&eacute;</em><a href="#nbp13" id="footnoteref13_pwh0k8w" name="liennbp13" title="M. Bergeret à Paris, dans Œuvres III, p. 258. Nous soulignons.">13</a>. </q></p> <p>La m&eacute;thode pr&eacute;tendument rationnelle et neutre s&#39;av&egrave;re profond&eacute;ment politique. Elle est ici per&ccedil;ue comme usurpant l&rsquo;autorit&eacute; qui revient normalement au peuple dans un r&eacute;gime d&eacute;mocratique. Elle impose sa domination formelle. Or France exprime fr&eacute;quemment la crainte que l&rsquo;histoire statistique (math&eacute;matique, impersonnelle) remplace l&rsquo;histoire narrative traditionnelle. Il vise notamment les id&eacute;es de Louis Bourdeau, historien et auteur d&rsquo;un manifeste<a href="#nbp14" id="footnoteref14_sd9j9ri" name="liennbp14" title="Louis Bourdeau, L’Histoire et les Historiens, essai critique sur l’histoire considéré comme une science positive, Paris, Alcan, 1888.">14</a> pour une histoire encore plus &laquo;&nbsp;scientifique&nbsp;&raquo; que celle des m&eacute;thodiques. En 1888, France avait attaqu&eacute; l&rsquo;histoire-science de Bourdeau dans une recension au <em>Temps</em>. Sans d&eacute;nier l&rsquo;importance d&rsquo;&eacute;tudier l&rsquo;histoire &eacute;conomique et sociale plut&ocirc;t que l&rsquo;histoire politique, il refuse la froideur du regard ainsi port&eacute; sur le peuple.</p> <p><q>&nbsp;Nous voulons des contes que nous puissions croire, l&rsquo;histoire de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise, par exemple. <em>Laissez-nous le roman de l&rsquo;histoire</em>. S&rsquo;il n&rsquo;est pas vrai tout entier, il contient quelque v&eacute;rit&eacute;. Je dirai m&ecirc;me qu&rsquo;<em>il renferme des v&eacute;rit&eacute;s que votre statistique ne contiendra jamais</em>. La vieille histoire est un art&nbsp;;&nbsp;c&rsquo;est pourquoi elle a, dans sa beaut&eacute;, une v&eacute;rit&eacute; spirituelle et id&eacute;ale bien sup&eacute;rieure &agrave; toutes les v&eacute;rit&eacute;s mat&eacute;rielles et tangibles des sciences d&rsquo;observation pure&nbsp;:&nbsp;elle peint l&rsquo;homme et les passions de l&rsquo;homme. C&rsquo;est ce que la statistique ne fera jamais. L&rsquo;histoire narrative est inexacte par essence. Je l&rsquo;ai dit et ne m&rsquo;en d&eacute;dis pas&nbsp;:&nbsp;mais elle est encore, avec la po&eacute;sie, la plus fid&egrave;le image que l&rsquo;homme ait trac&eacute;e de lui-m&ecirc;me. Elle est un portrait. <em>Votre histoire statistique ne sera jamais qu&rsquo;une autopsie</em><a href="#nbp15" id="footnoteref15_w48wsux" name="liennbp15" title="« Les torts de l’histoire », Le Temps, 13 mai 1888, repris dans La Vie Littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1890. Nous soulignons.">15</a>. </q></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &Agrave; travers ces formules, l&rsquo;&eacute;crivain exprime des critiques &eacute;pist&eacute;mologiques&nbsp;qui portent sur l&rsquo;inad&eacute;quation de la m&eacute;thode aux objets. C&rsquo;est pour cela que France fustige le savant qui serait insensible au charme de ses objets d&rsquo;&eacute;tude et &agrave; leur potentiel &eacute;motif&nbsp;: l&agrave; r&eacute;side leur essence. Il avance &eacute;galement de s&eacute;rieux doutes sur les implications morales et politiques de l&rsquo;histoire-science. Selon lui, loin d&rsquo;&ecirc;tre un outil de formation et de gouvernement &eacute;clair&eacute;, les approches &laquo;&nbsp;scientifiques&nbsp;&raquo; de l&rsquo;humain qui s&rsquo;accentuent au tournant des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> si&egrave;cles comporteraient des germes de despotisme.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Remarquons tout de m&ecirc;me que, dans sa critique de l&rsquo;historiographie r&eacute;publicaine, France n&rsquo;est pas irrationaliste et ne condamne pas la science comme principe. Il s&rsquo;insurge seulement contre les exc&egrave;s de la science, contre le peu d&rsquo;humanit&eacute; des sciences dites humaines. En cela, il se distingue de nombre d&rsquo;&eacute;crivains id&eacute;alistes qui s&rsquo;affirment dans les ann&eacute;es 1890, au premier rang desquels les &eacute;crivains du renouveau catholique. Par ailleurs, quand il repr&eacute;sente les intellectuels de fa&ccedil;on satirique, ou quand il d&eacute;nonce les travers des r&eacute;publicains et des socialistes, c&rsquo;est contre ses semblables qu&rsquo;il ironise&nbsp;:&nbsp;par la satire morale, intellectuelle et sociale, l&rsquo;&eacute;crivain travaille &agrave; la d&eacute;limitation de ses propres missions.</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Son propos critique est moins nuanc&eacute; quand il tourne en d&eacute;rision une autre forme d&rsquo;historiographie encore tr&egrave;s en vogue &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, l&rsquo;histoire religieuse, avec un anticl&eacute;ricalisme moqueur. De mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, France nourrit tout au long de son &oelig;uvre un refus des grands r&eacute;cits sur l&rsquo;histoire qui ont fait flor&egrave;s au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle. S&rsquo;il reconna&icirc;t qu&rsquo;il est parfois souhaitable de d&eacute;laisser les documents pour s&rsquo;adonner &agrave; l&rsquo;art de la synth&egrave;se, toute explication syst&eacute;matique tourne au ridicule. Quand lui-m&ecirc;me s&rsquo;autorise le grand r&eacute;cit, c&rsquo;est au futur, sur le mode de la sp&eacute;culation ambigu&euml; (<em>Sur la pierre blanche</em>), en utilisant le surnaturel (<em>La R&eacute;volte des anges</em>), ou encore sur un mode satirique et bouffon (<em>L&rsquo;&Icirc;le des pingouins</em>).</p> <h2><strong>D&rsquo;autres arts du r&eacute;cit&nbsp;:&nbsp;&eacute;criture de l&rsquo;histoire id&eacute;ale et &laquo;&nbsp;r&eacute;visionnisme&nbsp;&raquo; narratif</strong></h2> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Si France brandit de nombreux repoussoirs historiographiques, il a cependant des mod&egrave;les, et admire certaines fa&ccedil;ons d&rsquo;&eacute;crire l&rsquo;histoire. Il lit par exemple Michelet en litt&eacute;raire et en artiste, &eacute;voquant ses &laquo;&nbsp;romans plaisants&nbsp;&raquo;. Dans un article de critique litt&eacute;raire consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;<em>Histoire de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise</em>, France valorise Thiers comme historien &eacute;crivant dans le &laquo;&nbsp;feu de l&rsquo;enthousiasme&nbsp;&raquo;, sans longues recherches pr&eacute;liminaires, vivant au pr&eacute;sent et puisant un souffle dans les combats de son temps. Il oppose cet anti-mod&egrave;le m&eacute;thodique, aux &laquo;&nbsp;&eacute;rudits de la nouvelle &eacute;cole [&hellip;] plus enclins &agrave; publier des documents qu&rsquo;&agrave; les mettre en &oelig;uvre<a href="#nbp16" id="footnoteref16_ck9kdqf" name="liennbp16" title="« À propos de l'inauguration du monument de M. Thiers au Père-Lachaise : M. Thiers historien », Le Temps, 11 septembre 1887, repris dans La Vie littéraire. Première série, Paris, Calmann-Lévy, 1888. Il y a bien entendu une dimension polémique à mettre en avant Thiers historiographe et une œuvre du début des années 1820 au moment où est érigé son monument funéraire, seize ans après la Commune de Paris.">16</a> &raquo;.</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; L&rsquo;historien de pr&eacute;dilection de l&rsquo;auteur (si l&rsquo;on accepte de laisser de c&ocirc;t&eacute; la complexe question de l&rsquo;influence de Voltaire) semble &ecirc;tre Ernest Renan. Jusqu&rsquo;&agrave; sa mort en 1892 et au-del&agrave;, Renan constitue une figure tut&eacute;laire pour les &eacute;crivains de la III<sup>e</sup> R&eacute;publique, en rivalit&eacute; avec Hippolyte Taine qui b&eacute;n&eacute;ficie une image de savant positiviste plus syst&eacute;matique (et dont les <em>Origines de la France contemporaine</em>, publi&eacute;es &agrave; partir de 1875, ravissent les d&eacute;tracteurs de l&#39;h&eacute;ritage r&eacute;volutionnaire). Vis-&agrave;-vis de Renan, France privil&eacute;gie la dimension d&rsquo;auteur de la <em>Vie de J&eacute;sus </em>(une influence de la <em>Vie de Jeanne d&rsquo;Arc</em>) et met &agrave; distance les &eacute;lans de jeunesse comme <em>L&rsquo;Avenir de la science</em>. Le projet de Renan d&rsquo;&eacute;crire l&rsquo;histoire du christianisme de fa&ccedil;on d&eacute;passionn&eacute;e, ainsi que son origine bretonne qui le rattache &agrave; un territoire p&eacute;tri de l&eacute;gendes, stimulent assur&eacute;ment la sensibilit&eacute; francienne. Ainsi, la figure du sage abb&eacute; J&eacute;r&ocirc;me Coignard, qui repara&icirc;t &eacute;pisodiquement dans l&rsquo;&oelig;uvre<a href="#nbp17" id="footnoteref17_so5e5xn" name="liennbp17" title="Notamment dans La Rôtisserie de la reine Pédauque (1893), Les Opinions de Jérôme Coignard (1893) et Les Contes de Jacques Tournebroche (1908).">17</a>, pourrait &ecirc;tre un hommage. L&rsquo;&eacute;crivain devient d&rsquo;ailleurs indirectement li&eacute; &agrave; la famille de Renan quand sa fille, Suzanne, &eacute;pouse en 1908 Michel Psichari, petit-fils du ma&icirc;tre. Loin d&rsquo;&ecirc;tre anecdotique, ce d&eacute;tail r&eacute;v&egrave;le la proximit&eacute; sociale des acteurs du d&eacute;bat historiographique de la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Dans un article &eacute;logieux sur le premier tome de l&rsquo;<em>Histoire d&rsquo;Isra&euml;l</em>, France c&eacute;l&egrave;bre la capacit&eacute; de Renan &agrave; se saisir des v&eacute;rit&eacute;s rigoureuses &eacute;tablies par la m&eacute;thode philologique, tout en les pr&eacute;sentant de fa&ccedil;on d&eacute;licate et nuanc&eacute;e &ndash; c&rsquo;est l&agrave; une diff&eacute;rence majeure avec l&rsquo;historiographie scientiste qui pr&eacute;conise l&rsquo;effacement stylistique :&nbsp;&laquo;&nbsp;La substance &eacute;tait l&agrave;. Il lui donna la forme, il lui donna l&rsquo;&acirc;me, &eacute;tant artiste et po&egrave;te<a href="#nbp18" id="footnoteref18_ry37npu" name="liennbp18" title="« M. Ernest Renan, historien des origines », Le Temps, 23 octobre 1887, repris dans La Vie littéraire. Première série, op. cit.">18</a> &raquo;, souligne-t-il. La comparaison de deux repr&eacute;sentations du roi David, l&rsquo;une douce et modeste, l&rsquo;autre majestueuse, lui inspire l&rsquo;id&eacute;e suivante :&nbsp;&laquo;&nbsp;il est doux de vivre en un temps o&ugrave; la science et la po&eacute;sie trouvent chacune son compte, puisqu&rsquo;une large critique nous montre tout ensemble, d&rsquo;une fa&ccedil;on merveilleuse, et le bourgeon plein de s&egrave;ve de la r&eacute;alit&eacute; et la fleur &eacute;panouie de la l&eacute;gende&nbsp;&raquo;. La m&eacute;taphore v&eacute;g&eacute;tale du propos critique est essentielle, en tant qu&rsquo;elle allie les deux aspects n&eacute;cessaires &agrave; la repr&eacute;sentation du pass&eacute; selon France :&nbsp;le &laquo;&nbsp;bourgeon&nbsp;&raquo; de la r&eacute;alit&eacute; et la &laquo;&nbsp;fleur&nbsp;&raquo; de la l&eacute;gende, le premier poss&eacute;dant peut-&ecirc;tre plus de substance, mais le second ayant ind&eacute;niablement plus d&rsquo;attrait.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; De mani&egrave;re r&eacute;currente dans son &oelig;uvre, France proclame l&rsquo;id&eacute;e selon laquelle l&rsquo;histoire est un art, c&rsquo;est-&agrave;-dire un genre litt&eacute;raire &agrave; vis&eacute;e en partie esth&eacute;tique. Il reproduit les m&ecirc;mes propos, au mot pr&egrave;s, &agrave; la fin du <em>Crime de Sylvestre Bonnard</em>, dans l&rsquo;article &laquo; Les torts de l&rsquo;histoire&nbsp;&raquo;, d&eacute;j&agrave; mentionn&eacute;s, et dans le recueil d&rsquo;aphorismes <em>Le Jardin d&rsquo;&Eacute;picure</em> (1895). On peut r&eacute;sumer&nbsp;son argumentation par cette formule proverbiale :&nbsp;&laquo;&nbsp;L&rsquo;histoire n&rsquo;est pas un art, c&rsquo;est une science, et on n&rsquo;y r&eacute;ussit que par l&rsquo;imagination&nbsp;&raquo;. M&ecirc;me si au fond France n&rsquo;est pas oppos&eacute; &agrave; l&rsquo;esprit scientifique, il noircit le trait afin de s&rsquo;inscrire en faux contre l&rsquo;histoire m&eacute;thodique. Par le terme d&rsquo;&laquo;&nbsp;imagination&nbsp;&raquo;, l&rsquo;&eacute;crivain d&eacute;signe le pouvoir de la fiction et de la r&ecirc;verie, mais aussi l&rsquo;&eacute;motion. Comme on l&rsquo;a vu, il d&eacute;nie &agrave; la science tout charme. Selon lui, le positivisme engendre des monstres froids et inqui&eacute;tants (avant m&ecirc;me d&rsquo;en envisager les possibles r&eacute;percussions politiques, comme dans <em>Sur la pierre blanche</em>). Ainsi, le conte &laquo;&nbsp;Abeille&nbsp;&raquo; dans le recueil <em>Balthasar </em>(1883) pr&eacute;sente la figure repoussoir d&rsquo;une petite fille qui se documente sur les microscopes et lit des &laquo;&nbsp;romans scientifiques&nbsp;&raquo;. Que dire d&rsquo;une enfant de neuf ans qui r&eacute;cite des notices de dictionnaire au lieu de se laisser envo&ucirc;ter par l&rsquo;univers du conte merveilleux&nbsp;? L&rsquo;imagination, c&rsquo;est aussi la sensibilit&eacute;, la capacit&eacute; &agrave; s&rsquo;&eacute;mouvoir et &agrave; s&rsquo;&eacute;carter d&rsquo;une doctrine pr&eacute;con&ccedil;ue, &agrave; appliquer une justice humaine et tout simplement &agrave; aimer&hellip; Autant de qualit&eacute;s que valorise France. Dans <em>Les dieux ont soif </em>(1912), le r&eacute;volutionnaire &Eacute;variste Gamelin n&rsquo;est pas capable de cette &eacute;motion &eacute;thique qui fait &eacute;cart &agrave; l&rsquo;imp&eacute;ratif rationnel et humanise l&rsquo;individu. Au Tribunal r&eacute;volutionnaire, il applique sans discernement et sans exception la d&eacute;cision de combattre les suppos&eacute;s ennemis du mouvement&nbsp;:&nbsp;son orthodoxie fanatique et son absence d&rsquo;&eacute;motion le transforment en meurtrier de masse.</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; L&rsquo;art n&rsquo;est pas seulement un agr&eacute;ment&nbsp;:&nbsp;pour France, il est un besoin de l&rsquo;humanit&eacute;. En se fondant sur sa propre exp&eacute;rience de lecteur, en repensant &agrave; ses souvenirs d&rsquo;enfance et &agrave; la fameuse &laquo;&nbsp;vieille Bible en estampes&nbsp;&raquo; remplie d&rsquo;images d&rsquo;&Eacute;pinal qu&rsquo;il &eacute;voque souvent, l&rsquo;&eacute;crivain d&eacute;fend un certain go&ucirc;t pour la l&eacute;gende, le charme d&rsquo;une histoire merveilleuse et le plaisir du texte. Il est significatif que l&rsquo;historien Sylvestre Bonnard, dans la qu&ecirc;te documentaire qui occupe une bonne partie du <em>Crime de Sylvestre Bonnard</em>, recherche un exemplaire de <em>La L&eacute;gende dor&eacute;e</em>, et non une source arch&eacute;ologique ou historique. Dans plusieurs textes critiques, France pr&eacute;tend que chaque homme poss&egrave;de, &laquo;&nbsp;au fond du c&oelig;ur&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;le go&ucirc;t du merveilleux&nbsp;&raquo;. Commentant des contes, il affirme&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Le merveilleux est un mensonge. Nous le savons et nous voulons qu&rsquo;on nous mente<a href="#nbp19" id="footnoteref19_kh4zwla" name="liennbp19" title="« Roman et magie », Le Temps, 13 janvier 1889, repris dans La Vie littéraire. Deuxième série, op. cit.">19</a> &raquo; &raquo;. Dans <em>L&rsquo;Anneau d&rsquo;am&eacute;thyste</em>, le recteur Leterrier pr&eacute;tend que la science est bonne pour &eacute;clairer la d&eacute;mocratie. Bergeret lui r&eacute;pond :&nbsp;</p> <p><q>&nbsp;Les v&eacute;rit&eacute;s scientifiques ne sont pas sympathiques au vulgaire. Les peuples, monsieur, vivent de mythologie. Ils tirent de la fable toutes les notions dont ils ont besoin pour vivre. Il ne leur en faut pas beaucoup, et quelques simples mensonges suffisent &agrave; dorer des millions d&rsquo;existences. Bref, la v&eacute;rit&eacute; n&rsquo;a point de prise sur les hommes. Et il serait f&acirc;cheux qu&rsquo;elle en e&ucirc;t, car elle est contraire &agrave; leurs g&eacute;nies comme &agrave; leurs int&eacute;r&ecirc;ts<a href="#nbp20" id="footnoteref20_5t8kdz7" name="liennbp20" title="L'Anneau d'améthyste, dans Œuvres III, op. cit., p. 82.">20</a>. </q></p> <p>La vision de Leterrier, qui semble inspir&eacute;e du &laquo;&nbsp;Pouvoir des fables&nbsp;&raquo; de La Fontaine<a href="#nbp21" id="footnoteref21_7hi5k81" name="liennbp21" title="Jean de la Fontaine, Fables, VIII, 4 (1678) : « Le monde est vieux, dit-on : je le crois, cependant / Il le faut amuser encor comme un enfant ».">21</a>, est un <em>topos </em>&eacute;thique chez France. On la trouve, exactement dans les m&ecirc;mes termes, dans ses <em>Opinions sociales</em> (1902) et dans <em>Le Jardin d&rsquo;&Eacute;picure </em>(1895). Cela ne signifie pas que l&rsquo;&eacute;crivain serait d&eacute;magogue ou machiav&eacute;lien. D&rsquo;ailleurs, il n&rsquo;&eacute;nonce pas directement l&rsquo;id&eacute;e selon laquelle un r&eacute;cit adress&eacute; au peuple doit &ecirc;tre formul&eacute; de fa&ccedil;on agr&eacute;able. Il sugg&egrave;re cette dimension par un biais non assertif, le dialogue contradictoire entre plusieurs personnages, au sein duquel chaque intervenant refl&egrave;te une partie de sa r&eacute;flexion. Comme il s&rsquo;agit d&rsquo;un texte contemporain de l&rsquo;affaire Dreyfus et que France est impliqu&eacute; aux c&ocirc;t&eacute;s des dreyfusards, Leterrier &eacute;met aussit&ocirc;t un contre-argument en citant la conception de la v&eacute;rit&eacute; selon Zola (celle en &oelig;uvre dans &laquo;&nbsp;J&rsquo;Accuse&nbsp;!&hellip;&nbsp;&raquo;). Il s&rsquo;agit d&rsquo;une v&eacute;rit&eacute; imm&eacute;diate, une v&eacute;rit&eacute; universelle dans l&rsquo;esprit des Lumi&egrave;res, tout comme la justice. Mais l&rsquo;&eacute;crivain est rarement si optimiste &agrave; propos du pouvoir manifeste de la v&eacute;rit&eacute;.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Dans ce plaidoyer pour des formes d&rsquo;&eacute;criture distinctes des pr&eacute;ceptes m&eacute;thodiques, France ne fait pas l&rsquo;apologie du mensonge. Il ne pr&eacute;tend pas qu&rsquo;il vaut mieux &eacute;crire une histoire plaisante qu&rsquo;une histoire vraie. Son attention au document original, ainsi que son &eacute;rudition pr&eacute;cise quand il &eacute;voque des &eacute;poques recul&eacute;es, montrent sa volont&eacute; de saisir, autant que possible, l&rsquo;authenticit&eacute; des temps pass&eacute;s. Ses travaux minutieux sur Jeanne d&rsquo;Arc, dans lesquels il a essay&eacute; de d&eacute;m&ecirc;ler le faux de la l&eacute;gende, attestent, de m&ecirc;me, de son profond respect pour la v&eacute;rit&eacute;. L&rsquo;auteur conteste en priorit&eacute; la fa&ccedil;on dont l&rsquo;histoire scientifique s&rsquo;&eacute;crit selon des recettes norm&eacute;es, et comment l&rsquo;&eacute;cole scientiste pr&eacute;tend &agrave; l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie au d&eacute;triment du patrimoine litt&eacute;raire, avec toutes les r&eacute;percussions sociales et politiques que l&rsquo;on peut imaginer.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; L&rsquo;&eacute;crivain id&eacute;al selon France n&rsquo;a pas vocation &agrave; innover. Puisque tout a d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; pens&eacute; et &eacute;crit, en mati&egrave;re historiographique et au-del&agrave;, sa responsabilit&eacute; est de s&rsquo;exprimer avec style et nuance, avec go&ucirc;t, et de mobiliser ses connaissances (y compris tir&eacute;es de documents) de fa&ccedil;on personnelle. France plaide pour une &eacute;criture subjective de l&rsquo;histoire, &agrave; rebours du mod&egrave;le collectif et impersonnel des m&eacute;thodiques. Pour lui, il n&rsquo;y a pas une seule bonne mani&egrave;re de se faire historien. En commentant &eacute;logieusement l&rsquo;&eacute;volution de Thiers, il &eacute;crit&nbsp;:&nbsp;</p> <p><q>&nbsp;Sa fa&ccedil;on &eacute;tait bonne, mais il se trompait en croyant qu&rsquo;elle &eacute;tait la seule bonne. Plus d&rsquo;un style convient &agrave; l&rsquo;histoire. Celui d&rsquo;Augustin Thierry y est parfaitement appropri&eacute;. On en peut dire autant de celui de Guizot, qui est tout autre. Tacite et Michelet ne sont simples ni l&rsquo;un ni l&rsquo;autre, et ce sont tous deux de grands &eacute;crivains<a href="#nbp22" id="footnoteref22_em798j6" name="liennbp22" title="« À propos de l'inauguration du monument de M. Thiers au Père-Lachaise : M. Thiers historien », art. cit.">22</a>. </q></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Au-del&agrave; de la critique des mod&egrave;les historiographiques existants, France d&eacute;veloppe ses propres dispositifs pour repr&eacute;senter et &eacute;crire l&rsquo;histoire, essentiellement &agrave; travers son &oelig;uvre de fiction (qui n&rsquo;est pas toujours ais&eacute;ment cat&eacute;gorisable comme &laquo;&nbsp;fiction historique&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;roman historique&nbsp;&raquo;). L&rsquo;un de ces proc&eacute;d&eacute;s, la r&eacute;&eacute;criture &laquo;&nbsp;r&eacute;visionniste&nbsp;&raquo;, s&rsquo;adosse &agrave; l&rsquo;historiographie existante tout en la subvertissant. Cette notion de&nbsp;r&eacute;visionnisme doit &ecirc;tre entendue&nbsp;au sens premier, distinct de toute connotation n&eacute;gationniste qu&rsquo;elle a pu acqu&eacute;rir au cours du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une approche qui vise &agrave; remettre en cause des dogmes &eacute;tablis&nbsp;; la d&eacute;fense de Dreyfus, en 1898, est r&eacute;visionniste en ce sens.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Une nouvelle du recueil <em>L&rsquo;&Eacute;tui de nacre</em> (1892), &laquo;&nbsp;Le Procurateur de Jud&eacute;e&nbsp;&raquo;, est un exemple de relecture d&rsquo;un &eacute;pisode historique souvent cit&eacute; dans les &eacute;tudes franciennes. Elle d&eacute;peint une conversation d&rsquo;un fonctionnaire romain consciencieux, un certain Pontius Pilatus, dans une Antiquit&eacute; qui n&rsquo;est pas &eacute;pargn&eacute;e par l&rsquo;antis&eacute;mitisme, &agrave; l&rsquo;instar de la France des ann&eacute;es 1890. La chute de la nouvelle r&eacute;v&egrave;le que Ponce Pilate ne se souvient plus avoir condamn&eacute; un certain J&eacute;sus le Nazar&eacute;en&hellip; Il y a bien s&ucirc;r de la provocation anticl&eacute;ricale dans la r&eacute;habilitation du procurateur, et dans cette relativisation de l&rsquo;importance de la mort du Christ (la nouvelle para&icirc;t initialement dans la presse le jour de No&euml;l). Cependant, France est coutumier d&rsquo;un tel proc&eacute;d&eacute; de d&eacute;tournement ou d&eacute;centrement.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Les contes du recueil <em>Clio</em> (1900) fonctionnent pour la plupart sur le m&ecirc;me sch&eacute;ma que &laquo;&nbsp;Le Procurateur de Jud&eacute;e&nbsp;&raquo;. On y rencontre un vieux chanteur aveugle qui se r&eacute;v&egrave;le finalement &ecirc;tre le po&egrave;te Hom&egrave;re ;&nbsp;un conjur&eacute; contre la ville de Florence qui l&rsquo;a aussi sauv&eacute;e, dans l&rsquo;ignorance de tous ;&nbsp;un petit clerc, coupable d&rsquo;assassinat sur un chanoine, qui devient un h&eacute;ros de la guerre de Cent Ans. Dans &laquo;&nbsp;La Muiron&nbsp;&raquo;, Napol&eacute;on sur une fr&eacute;gate, un mois avant le coup d&rsquo;&Eacute;tat du 18 brumaire, parle de science et de po&eacute;sie&nbsp;;&nbsp;il pr&eacute;sente un tout autre visage que le g&eacute;n&eacute;ral victorieux ou l&rsquo;empereur autoritaire de l&rsquo;historiographie traditionnelle. M&ecirc;me <em>Tha&iuml;s </em>(1890), l&rsquo;histoire d&rsquo;un ermite du IV<sup>e</sup> si&egrave;cle s&eacute;duit par une danseuse, qui par certains aspects est un roman historique, constitue &agrave; sa mani&egrave;re une r&eacute;vision de l&eacute;gende. <em>Les</em> <em>dieux ont soif</em> (1912), le grand roman historique de l&rsquo;auteur, d&eacute;roge &agrave; l&rsquo;image traditionnelle de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise&nbsp;: il offre une peinture de la vie quotidienne sous la R&eacute;volution, par opposition &agrave; l&rsquo;horizon d&rsquo;attente qui est structur&eacute; &agrave; partir d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements politiques et de personnages iconiques. Pour preuve de l&rsquo;importance de la veine r&eacute;visionniste chez France, le recueil <em>Les</em> <em>Sept Femmes de Barbe Bleue</em> (1909), qui ne traite pas d&rsquo;histoire mais de contes de f&eacute;es, offre de m&ecirc;me des r&eacute;&eacute;critures subversives des contes de Perrault au moyen d&rsquo;allusions m&eacute;diatiques anachroniques. L&rsquo;incipit de &laquo;&nbsp;La Belle au Bois dormant&nbsp;&raquo; assimile la d&eacute;marche du conteur r&eacute;visionniste &agrave; celle d&rsquo;un journaliste qui communiquerait au public des r&eacute;v&eacute;lations in&eacute;dites &agrave; l&rsquo;aide de nouveaux documents :&nbsp; la presse de la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle encourage sans doute une telle approche&hellip;<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Dans la diversit&eacute; des &eacute;poques consid&eacute;r&eacute;es et des tonalit&eacute;s narratives mobilis&eacute;es, ces textes ne portent pas de jugement sur les &eacute;v&eacute;nements pass&eacute;s, qu&rsquo;ils soient proches ou lointains. Les d&eacute;placements de regard qu&rsquo;ils induisent invitent &agrave; consid&eacute;rer d&rsquo;un &oelig;il neuf la grande histoire, et &agrave; d&eacute;faire certaines (fausses) &eacute;vidences. &Agrave; terme, ils s&eacute;cr&egrave;tent de nouvelles pistes pour &eacute;crire l&rsquo;histoire, en s&rsquo;&eacute;loignant des dogmes et des biais de l&rsquo;historiographie m&eacute;thodique.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><strong>Notes et r&eacute;f&eacute;rences :</strong></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Bibliographie indicative</strong></p> <p><strong>Corpus primaire</strong></p> <p>France, Anatole, <em>&OElig;uvres</em>, 4 vol., &eacute;d. Marie-Claire Bancquart, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 1984-1994.</p> <p>France, Anatole, <em>Le Jardin d&#39;&Eacute;picure</em>, Paris, Calmann-L&eacute;vy, 1905.</p> <p>France, Anatole, <em>Opinions sociales</em>, Paris, Soci&eacute;t&eacute; nouvelle de librairie et d&#39;&eacute;dition, 1902.</p> <p><strong>Corpus secondaire</strong></p> <p>Amalvi, Christian&nbsp;(dir.), <em>Les Lieux de l&rsquo;histoire</em>, Paris, A. Colin, 2005.</p> <p>Bancquart, Marie-Claire, <em>Anatole France pol&eacute;miste</em>, Paris, A. G. Nizet, 1962.</p> <p>Bancquart, Marie-Claire, <em>Les &eacute;crivains et l&rsquo;histoire :&nbsp;d&rsquo;apr&egrave;s Maurice Barr&egrave;s, L&eacute;on Bloy, Anatole France, Charles P&eacute;guy</em>, Paris, A.G. Nizet, 1966.</p> <p>Bancquart, Marie-Claire, <em>Anatole France :&nbsp;un sceptique passionn&eacute;</em>, Paris, Calmann-L&eacute;vy, 1984.</p> <p>Cadiou, Fran&ccedil;ois, Coulomb, Clarisse, Lemonde, Anne et Santamaria, Yves, <em>Comment se fait l&rsquo;histoire. Pratiques et enjeux</em>, Paris, La D&eacute;couverte, &laquo;&nbsp;Rep&egrave;res&nbsp;&raquo;, 2011.</p> <p>Compagnon, Antoine, <em>La Troisi&egrave;me R&eacute;publique des lettres :&nbsp;de Flaubert &agrave; Proust</em>, Paris, Seuil, 1983.</p> <p>Delacroix, Christian, Dosse, Fran&ccedil;ois et Garcia, Patrick, <em>Les courants historiques en France, 19<sup>e</sup>-20<sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, Paris, Armand Colin, 1999.</p> <p>Genette, G&eacute;rard, <em>Palimpsestes. La Litt&eacute;rature au second degr&eacute;</em>, Paris, Le Seuil, &laquo;&nbsp;Essais&nbsp;&raquo;, 1982.</p> <p>Langlois, Charles-Victor, et Seignobos, Charles, <em>Introduction aux &eacute;tudes historiques </em>[1898], Paris, Kim&eacute;, 1992.</p> <p>Monod, Gabriel, &laquo;&nbsp;Du progr&egrave;s des &eacute;tudes historiques en France depuis le XVI<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;&raquo;, <em>Revue historique</em>, n&deg;1, 1876, p. 5-38.</p> <p>Nora, Pierre, <em>Pr&eacute;sent, nation, m&eacute;moire</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que des histoires&nbsp;&raquo;, 2011.</p> <hr /> <p><a href="#liennbp1" name="nbp1">1</a> Selon l&rsquo;expression forg&eacute;e par Antoine Compagnon&nbsp;: <em>La Troisi&egrave;me R&eacute;publique des lettres :&nbsp;de Flaubert &agrave; Proust</em>, Paris, Seuil, 1983.</p> <p><a href="#liennbp2" name="nbp2">2 </a>Anatole France, <em>Le Crime de Sylvestre Bonnard,</em> dans <em>&OElig;uvres I</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 1984, p.&nbsp;294.</p> <p><a href="#liennbp3" name="nbp3">3</a><em> Le Puits de sainte Claire</em>, dans <em>&OElig;uvres II,</em> Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 1987, p.&nbsp;567.</p> <p><a href="#liennbp4" name="nbp4">4</a> Pour une &eacute;tude plus approfondie de ce roman, nous nous permettons de renvoyer &agrave; : Julie Moucheron,&nbsp;&laquo;&nbsp;<em>L&rsquo;&Icirc;le des Pingouins</em> d&rsquo;Anatole France : origines et horizons d&rsquo;un antiroman historique&nbsp;&raquo;, <em>Belph&eacute;gor</em>, &laquo;&nbsp;Le roman historique dans la premi&egrave;re moiti&eacute; du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;&raquo;, n&deg;18/2, 2020 [en ligne]&nbsp;: <a href="https://doi.org/10.4000/bel%20phegor.3277">https://doi.org/10.4000/bel phegor.3277</a></p> <p><a href="#liennbp5" name="nbp5">5</a><em> L&#39;&Icirc;le des Pingouins</em>, dans <em>&OElig;uvres IV</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 1994, p.&nbsp;10.</p> <p><a href="#liennbp6" name="nbp6">6</a><em> Le Mannequin d&#39;osier</em>, dans <em>&OElig;uvres II</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;950. Nous soulignons.</p> <p><a href="#liennbp7" name="nbp7">7</a><em> L&#39;Orme du mail</em>, dans <em>&OElig;uvres II</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;775.</p> <p>8 <a href="#liennbp8a" name="nbp8a">a</a> <a href="#liennbp8b" name="nbp8b">b</a> <em>Ibid.</em></p> <p><a href="#liennbp9" name="nbp9">9</a><em> Les D&eacute;sirs de Jean Servien</em>, dans <em>&OElig;uvres II</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p. 419.</p> <p><a href="#liennbp10" name="nbp10">10 </a><em>L&#39;Orme du mail</em>, dans <em>&OElig;uvres II</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;775.</p> <p><a href="#liennbp11" name="nbp11">11</a><em> Sur la pierre blanche</em>, dans <em>&OElig;uvres III</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 1991, p.&nbsp;1109.</p> <p><a href="#liennbp12" name="nbp12">12</a> Voir par exemple le roman de jeunesse refus&eacute; par l&rsquo;&eacute;diteur Hetzel <em>Paris au XX<sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, d&eacute;couvert et &eacute;dit&eacute; pour la premi&egrave;re fois &agrave; la fin des ann&eacute;es 1980.</p> <p><a href="#liennbp13" name="nbp13">13</a> M. Bergeret &agrave; Paris, dans &OElig;uvres III, p.&nbsp;258. Nous soulignons.</p> <p><a href="#liennbp14" name="nbp14">14</a> Louis Bourdeau, <em>L&rsquo;Histoire et les Historiens, essai critique sur l&rsquo;histoire consid&eacute;r&eacute; comme une science positive</em>, Paris, Alcan, 1888.</p> <p><a href="#liennbp15" name="nbp15">15</a> &laquo;&nbsp;Les torts de l&rsquo;histoire&nbsp;&raquo;, <em>Le Temps</em>, 13 mai 1888, repris dans <em>La Vie Litt&eacute;raire. Deuxi&egrave;me s&eacute;rie</em>, Paris, Calmann-L&eacute;vy, 1890. Nous soulignons.</p> <p><a href="#liennbp16" name="nbp16">16</a> &laquo; &Agrave; propos de l&#39;inauguration du monument de M. Thiers au P&egrave;re-Lachaise : M. Thiers historien&nbsp;&raquo;, <em>Le Temps</em>, 11 septembre 1887, repris dans <em>La Vie litt&eacute;raire. Premi&egrave;re s&eacute;rie</em>, Paris, Calmann-L&eacute;vy, 1888. Il y a bien entendu une dimension pol&eacute;mique &agrave; mettre en avant Thiers historiographe et une &oelig;uvre du d&eacute;but des ann&eacute;es 1820 au moment o&ugrave; est &eacute;rig&eacute; son monument fun&eacute;raire, seize ans apr&egrave;s la Commune de Paris.</p> <p><a href="#liennbp17" name="nbp17">17</a> Notamment dans <em>La R&ocirc;tisserie de la reine P&eacute;dauque</em> (1893), <em>Les Opinions de J&eacute;r&ocirc;me Coignard </em>(1893) et <em>Les Contes de Jacques Tournebroche</em> (1908).</p> <p><a href="#liennbp18" name="nbp18">18</a> &laquo;&nbsp;M. Ernest Renan, historien des origines &raquo;, <em>Le Temps</em>, 23 octobre 1887, repris dans <em>La Vie litt&eacute;raire. Premi&egrave;re s&eacute;rie</em>, <em>op. cit.</em></p> <p><a href="#liennbp19" name="nbp19">19</a> &laquo; Roman et magie &raquo;, <em>Le Temps</em>, 13 janvier 1889, repris dans <em>La Vie litt&eacute;raire. Deuxi&egrave;me s&eacute;rie</em>, <em>op. cit.</em></p> <p><a href="#liennbp20" name="nbp20">20</a><em> L&#39;Anneau d&#39;am&eacute;thyste</em>, dans <em>&OElig;uvres III</em>, <em>op. cit.</em>, p. 82.</p> <p><a href="#liennbp21" name="nbp21">21</a> Jean de la Fontaine, <em>Fables</em>, VIII, 4 (1678) : &laquo;&nbsp;Le monde est vieux, dit-on :&nbsp;je le crois, cependant / Il le faut amuser encor comme un enfant&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#liennbp22" name="nbp22">22</a> &laquo; &Agrave; propos de l&#39;inauguration du monument de M. Thiers au P&egrave;re-Lachaise : M. Thiers historien&nbsp;&raquo;, art. cit.</p>