<p>Les avanc&eacute;es scientifiques et techniques qui se multiplient au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle sur un fond positiviste am&egrave;nent un changement de perspective en mati&egrave;re de perception du temps. Plut&ocirc;t que le progr&egrave;s en soi, ce sont la rapidit&eacute; vertigineuse avec laquelle se succ&egrave;dent les inventions ainsi que le rythme effr&eacute;n&eacute; de leur quotidien qui angoissent les contemporains. Le Second Empire constitue &agrave; cet &eacute;gard une p&eacute;riode particuli&egrave;re, en ce sens que des &eacute;volutions sp&eacute;cifiques, telles l&rsquo;agrandissement du r&eacute;seau ferroviaire, qui modifie les pratiques du voyage, et l&rsquo;am&eacute;lioration des technologies d&rsquo;impression, entra&icirc;nant l&rsquo;essor de la presse qui impose sa mesure du temps, font p&eacute;n&eacute;trer la vitesse dans tous les aspects de la vie.</p> <p>La nouvelle vision de la coordonn&eacute;e temporelle f&eacute;d&egrave;re l&rsquo;impression d&eacute;stabilisante de ne plus &ecirc;tre capable de suivre les &eacute;v&eacute;nements, soit de vivre en d&eacute;calage par rapport &agrave; son temps. Voil&agrave; pr&eacute;cis&eacute;ment ce que ressent Fernando de Ulmo, protagoniste du conte fantastique &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Icirc;le des brouillards&nbsp;&raquo;, publi&eacute; dans&nbsp;<em>Le Si&egrave;cle illustr&eacute;</em>&nbsp;par B&eacute;n&eacute;dict-Henry R&eacute;voil en 1865. Ce jeune Portugais parvient par hasard &agrave; visiter l&rsquo;&icirc;le l&eacute;gendaire de Saint-Brandan, lieu paradisiaque o&ugrave; &ndash; apparemment &ndash; vivaient maintes cr&eacute;atures mythologiques, et qui rec&egrave;le des tr&eacute;sors d&rsquo;une valeur inestimable. Cependant, de retour dans son pays natal, cent ans se sont &eacute;coul&eacute;s&nbsp;: personne ne croit &agrave; la v&eacute;racit&eacute; de son aventure, sa ma&icirc;tresse est morte depuis longtemps et tout le monde le prend pour un fou. Fernando comprend que la nuit pass&eacute;e sur l&rsquo;&icirc;le correspond &agrave; un si&egrave;cle au Portugal o&ugrave; le temps s&rsquo;est &eacute;coul&eacute; plus rapidement. De son vivant, il ne parvient pas &agrave; regagner l&rsquo;&icirc;le une seconde fois, le conte pr&eacute;servant le myst&egrave;re sur le rapport temporel entre Saint-Brandan et le Portugal.</p> <p>La vitesse surnaturelle avec laquelle le temps passe &agrave; Lisbonne t&eacute;moigne d&rsquo;une &eacute;volution de la mesure et de la perception du temps. La logique anamorphotique qui transpara&icirc;t dans l&rsquo;&oelig;uvre &ndash; la vitesse de l&rsquo;&eacute;coulement du temps &agrave; Lisbonne n&rsquo;est per&ccedil;ue comme telle que par rapport &agrave; un autre lieu et d&eacute;pend du point de vue &ndash; montre que le rep&egrave;re temporel devient mall&eacute;able et relatif. Bien avant les th&eacute;ories einsteiniennes, le conte fantastique distord le temps, invitant &agrave; la r&eacute;flexion sur les mutations scientifiques et culturelles d&rsquo;une part, sur leurs s&eacute;quelles psychopathologiques d&rsquo;autre part. Quand l&rsquo;homme d&eacute;fie l&rsquo;espace-temps, l&rsquo;&oelig;uvre en d&eacute;cline les cons&eacute;quences sous forme de d&eacute;chirement identitaire qui fragmente le personnage. Dans quelle mesure l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration et la vitesse sont-elles des outils de pens&eacute;e d&rsquo;une conscience humaine &eacute;branl&eacute;e, aux prises avec les &eacute;volutions du monde moderne&nbsp;?</p> <p><strong>D&eacute;placements et circulations rapides</strong></p> <p>Bien que le conte fantastique ait pour cadre le Portugal du XV<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, il probl&eacute;matise des &eacute;volutions et des enjeux propres au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle. Le h&eacute;ros vit dans une &eacute;poque &agrave; cheval entre le Moyen &Acirc;ge et le d&eacute;but d&rsquo;une nouvelle &egrave;re, la Renaissance. Le XV<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle est celui o&ugrave; Christophe Colomb atteint l&rsquo;Am&eacute;rique, d&eacute;couverte qui bouleverse la repr&eacute;sentation du monde. C&rsquo;est aussi le commencement de la galaxie Gutenberg et des changements qu&rsquo;implique l&rsquo;invention de l&rsquo;imprimerie. Une p&eacute;riode marqu&eacute;e par l&rsquo;entre-deux sur les plans politique, architectural ou socioculturel, une perception diff&eacute;rente de l&rsquo;espace et l&rsquo;influence r&eacute;ciproque de la presse et des conceptions de soi et du monde sont des ph&eacute;nom&egrave;nes observables au Second Empire, p&eacute;riode de publication de l&rsquo;&oelig;uvre, qui engagent une r&eacute;flexion sur la vitesse. Le conte met au jour les enjeux du pr&eacute;sent.</p> <p>Le titre associe le d&eacute;placement g&eacute;ographique &agrave; la fois au temps et &agrave; une dimension psychologique. Par son aspect exotique (&laquo;&nbsp;De loin, on apercevait des pics dor&eacute;s par les rayons du soleil, et des caps qui s&rsquo;avan&ccedil;aient au milieu des flots ombrag&eacute;s par une verdure luxuriante<a href="#nbp_1" id="footnoteref1_psucixg" name="lien_nbp_1" title="Bénédict-Henry Révoil, «&amp;nbsp;L’Île des brouillards&amp;nbsp;», Le Siècle illustré, 25 janvier 1865, p.&amp;nbsp;886.">1</a>&nbsp;&raquo;) et myst&eacute;rieux (l&rsquo;&icirc;le est pr&eacute;sent&eacute;e par le narrateur &agrave; la fois comme une v&eacute;rit&eacute; et comme irr&eacute;elle<a href="#nbp_2" id="footnoteref2_4lxecq3" name="lien_nbp_2" title="D’un côté, il s’appuie sur des témoins des sources afin de rendre la description de l’île vraisemblable&amp;nbsp;; de l’autre, il rend ses sources suspectes en ne les nommant pas précisément. Ainsi, le narrateur occupe une position déroutante entre la crédibilité et la décrédibilisation. Quand bien même il défend la réalité de l’île, le récit qu’il en fait à la fois corrobore et contredit son propos. Dès lors, cette ambiguïté fait référence à l’identité du héros, dans la mesure où ce qui importe est moins de savoir si l’île existe que de comprendre les manières dont elle exerce un effet sur une conscience. Cette investigation passe par l’association du lieu et du héros. Seuls ceux qui sont dignes ont le droit d’accoster à l’île réservée aux favorisés du ciel. Ces êtres d’exception se marginalisent par ce privilège&amp;nbsp;; or, la figure mise à l’écart en raison d’un savoir qu’elle est seule à posséder est le fou.">2</a>), elle stimule l&rsquo;imagination et suscite des fantasmes. La l&eacute;gende de l&rsquo;&icirc;le de Saint-Brandan, dont on affirmait l&rsquo;existence jusqu&rsquo;au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, provient d&rsquo;un journal de bord du XII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;; au moment o&ugrave; R&eacute;voil publie son conte, l&rsquo;&icirc;le a un statut contest&eacute; et incertain, ce qui renforce son aspect &eacute;nigmatique. Isol&eacute;e, difficile d&rsquo;acc&egrave;s, l&rsquo;&icirc;le &eacute;voque le danger et la solitude (que l&rsquo;on songe &agrave; Robinson Cruso&eacute;). De ce fait, elle fonctionne comme m&eacute;taphore d&rsquo;une part de la conscience que l&rsquo;homme n&rsquo;atteint pas facilement, et comme un espace propice &agrave; la confrontation &agrave; soi-m&ecirc;me. Le brouillard cr&eacute;e une ambiance lugubre et provoque la peur en l&rsquo;homme dont il obstrue la vision. Ce dernier doit admettre qu&rsquo;il vit &agrave; la merci des forces incontr&ocirc;lables, car ses sens insuffisants ne lui permettent pas de se rep&eacute;rer aux sens g&eacute;ographique et m&eacute;taphysique. La fragilit&eacute; de l&rsquo;identit&eacute; humaine se trouve ainsi probl&eacute;matis&eacute;e.</p> <p>L&rsquo;&icirc;le porte plusieurs noms. Outre Saint-Brandan et l&rsquo;&icirc;le aux brouillards, elle est nomm&eacute;e &laquo;&nbsp;Eden inconnu<a href="#nbp_3" id="footnoteref3_13n2mx2" name="lien_nbp_3" title="Bénédict-Henry Révoil, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;886.">3</a>&nbsp;&raquo; et mise en rapport avec des lieux imaginaires comme le pays de Cocagne (que l&rsquo;&icirc;le &eacute;voque par ses richesses et sa flore abondante) ou l&rsquo;Utopie<a href="#nbp_4" id="footnoteref4_u5wgfjm" name="lien_nbp_4" title="Au fur et à mesure que le protagoniste explore l’île dont il rêve depuis longtemps, on découvre des détails en désaccord avec l’image pacifique et paradisiaque du lieu&amp;nbsp;: les habitants sont armés et de nombreuses gardes et postes de contrôle sont à franchir avant de parvenir au château-fort. Ce lieu éminemment hybride, à la fois utopie et dystopie, fait comprendre que certaines caractéristiques angoissantes ne se découvrent pas du premier coup d’œil. Comme Fernando est destiné à l’île avec laquelle il a des traits en commun, le conte permet de transposer ces aspects sur le plan psychologique du héros où ils fonctionnent comme une allusion aux côtés sombres existant en chacun.">4</a>&nbsp;de Thomas More. L&rsquo;&icirc;le exhibe ses nombreuses facettes. La multitude est comprise dans le nom &laquo;&nbsp;&icirc;le aux Sept-Cit&eacute;s&nbsp;&raquo; qu&rsquo;attribuent les habitants &agrave; ce lieu qui constitue un espace syncr&eacute;tique de lieux mythologiques. L&rsquo;&icirc;le abrite le jardin des Hesp&eacute;rides et co&iuml;ncide en plusieurs points avec la mythique Atlantide. La multiplication se joue &eacute;galement sur le plan de l&rsquo;intertextualit&eacute;&nbsp;: les r&eacute;f&eacute;rences &agrave;&nbsp;<em>The Tempest</em>&nbsp;de Shakespeare<a href="#nbp_5" id="footnoteref5_425khj7" name="lien_nbp_5" title="«&amp;nbsp;C’est aussi dans cette île que régnait l’enchanteur Cycorax, au moment où Prospero et sa jeune fille Miranda furent jetés sur les côtes&amp;nbsp;». Bénédict-Henry Révoil, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;886. Cette référence n’est pas anodine puisque le magicien modifie la courbe du temps.">5</a>&nbsp;ou &agrave; Don Quichotte de Cervant&egrave;s<a href="#nbp_6" id="footnoteref6_qar9sm2" name="lien_nbp_6" title="«&amp;nbsp;Toutes ces déceptions avaient peu à peu dérangé les facultés du pauvre hidalgo&amp;nbsp;», ibid., 8 février 1865, p.&amp;nbsp;919.">6</a>&nbsp;rendent l&rsquo;&icirc;le insaisissable, bien que, &agrave; mesure que le r&eacute;cit progresse, les personnages tentent d&rsquo;en apprendre davantage.</p> <p>La vitesse implique les coordonn&eacute;es de l&rsquo;espace sous forme de distance, et du temps, notions essentielles du voyage. Celui effectu&eacute; par Fernando de Ulmo a trait aux modifications des habitudes de d&eacute;placement et les nouveaux moyens de transport en termes de perception de l&rsquo;&eacute;coulement rapide du temps. Au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, lorsque le voyage et son r&eacute;cit connaissent un essor, le chemin de fer influence la perception du territoire. Des endroits alors abandonn&eacute;s deviennent soudainement accessibles. Sur l&rsquo;eau, les voyages sont li&eacute;es &agrave; l&rsquo;entreprise coloniale<a href="#nbp_7" id="footnoteref7_k39ft4c" name="lien_nbp_7" title="Cette entreprise s’intensifie dans la deuxième moitié du siècle.">7</a>&nbsp;par la mani&egrave;re dont Fernando compte s&rsquo;emparer de l&rsquo;&icirc;le. Ses tr&eacute;sors mat&eacute;riels closent la description propos&eacute;e par le narrateur&nbsp;; il s&rsquo;agit d&rsquo;exploiter l&rsquo;&icirc;le et de se servir de son port tandis que l&rsquo;&eacute;change humain, la rencontre de l&rsquo;autre et le dialogue des cultures et des id&eacute;es passent apr&egrave;s l&rsquo;enrichissement personnel de Fernando. Celui-ci r&ecirc;ve de devenir le gouverneur de l&rsquo;&icirc;le et, avant son d&eacute;part, n&rsquo;a pas h&eacute;sit&eacute; &agrave; vendre ses biens, certain de pouvoir d&eacute;cupler l&rsquo;argent d&eacute;pens&eacute;. Par cet acte, il coupe les liens avec son pass&eacute;, soit avec ce qui le distingue et le caract&eacute;rise, afin de laisser sa premi&egrave;re vie derri&egrave;re lui pour adopter une nouvelle identit&eacute; ailleurs. Fernando d&eacute;cide de se rendre &agrave; la limite de la terre alors connue&nbsp;; il se propose de franchir un seuil qui sera aussi celui qui s&eacute;pare son identit&eacute; connue d&rsquo;une part inconnue et inqui&eacute;tante. Son d&eacute;part d&eacute;termine la fragmentation de son identit&eacute; corr&eacute;l&eacute;e &agrave; l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration du temps. Le d&eacute;placement rapide qui introduit une atmosph&egrave;re fantastique et propose une r&eacute;flexion sur l&rsquo;int&eacute;riorit&eacute; se retrouve dans &laquo;&nbsp;La Morte amoureuse&nbsp;&raquo; de Th&eacute;ophile Gautier. La chevauch&eacute;e fantastique &agrave; travers la for&ecirc;t pense la vitesse par le paysage qui d&eacute;file (&laquo;&nbsp;Nous d&eacute;vorions le chemin&nbsp;; la terre filait sous nous grise et ray&eacute;e, et les silhouettes noires des arbres s&rsquo;enfuyaient comme une arm&eacute;e en d&eacute;route<a href="#nbp_8" id="footnoteref8_er2oryr" name="lien_nbp_8" title="Théophile Gautier, «&amp;nbsp;La Morte amoureuse&amp;nbsp;» [1836], in Romans, contes et nouvelles, tome&amp;nbsp;1, Paris, Gallimard, coll.&amp;nbsp;«&amp;nbsp;Pléiade&amp;nbsp;», 2002, p.&amp;nbsp;536.">8</a>&nbsp;&raquo;. L&rsquo;injonction &agrave; la vitesse vient du chevalier, personnage myst&eacute;rieux qui veille &agrave; &eacute;viter le ralentissement, poussant les chevaux aux limites de leurs forces. Le voyage &agrave; Venise s&rsquo;effectue &eacute;galement &agrave; cheval et avec une rapidit&eacute; que l&rsquo;on ne peut appr&eacute;hender qu&rsquo;&agrave; travers le discours mythologique coupl&eacute; &agrave; celui fantastique&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il fallait que ces chevaux fussent des genets d&rsquo;Espagne, n&eacute;s de juments f&eacute;cond&eacute;es par le z&eacute;phyr&nbsp;; car ils allaient aussi vite que le vent, et la lune [&hellip;] roulait dans le ciel comme une roue d&eacute;tach&eacute;e de son char<a href="#nbp_9" id="footnoteref9_a6tsrim" name="lien_nbp_9" title="Ibid., p.&amp;nbsp;546.">9</a>&nbsp;&raquo;. L&rsquo;espace-temps para&icirc;t tordu et entre en r&eacute;sonance avec l&rsquo;&eacute;moi du protagoniste. Le conte de R&eacute;voil montre aussi que ce sont les &eacute;motions du h&eacute;ros qui influencent avant tout le vecteur temporel, comme on le verra par la suite.</p> <p><strong>Strat&eacute;gies d&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration</strong></p> <p>Tombant amoureux d&rsquo;une belle femme r&eacute;sidant sur l&rsquo;&icirc;le, Fernando fait l&rsquo;exp&eacute;rience que son voyage est indissociable d&rsquo;une implication &eacute;motionnelle dans la relation interpersonnelle. Le voyage met en jeu le psychisme, il &laquo;&nbsp;est en effet un processus interactionnel [&hellip;]. Le voyage est autant d&eacute;placement spatial que rencontre entre deux soci&eacute;t&eacute;s, entre deux mondes. Or ce m&eacute;canisme social produit in&eacute;vitablement des changements, des alt&eacute;rations pour les deux parties. Cette confrontation entre deux ensembles diff&eacute;rents peut mener &agrave; des difficult&eacute;s, des incompr&eacute;hensions, tout autant qu&rsquo;&agrave; un enrichissement ou un b&eacute;n&eacute;fice, quel qu&rsquo;il soit<a href="#nbp_10" id="footnoteref10_6h0low1" name="lien_nbp_10" title="Romain Guicharrousse, et Nicolas Siron, «&amp;nbsp;L’invitation au voyage. Acteurs, représentations, enjeux&amp;nbsp;», Hypothèses, n°&amp;nbsp;17, 2014, p.&amp;nbsp;23.">10</a>&nbsp;&raquo;. Le voyage d&rsquo;une part transforme l&rsquo;int&eacute;riorit&eacute; du voyageur, et d&rsquo;autre part articule la vitesse &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience viatique et &agrave; sa relation. Les &eacute;crivains-voyageurs, parmi lesquels on compte R&eacute;voil lui-m&ecirc;me, sont marqu&eacute;s par les injonctions provenant du commanditaire du r&eacute;cit de voyage, qui est souvent un journal. Leurs d&eacute;placements sont conditionn&eacute;s par un &laquo;&nbsp;rapport pr&eacute;cipit&eacute; au temps<a href="#nbp_11" id="footnoteref11_euo0pii" name="lien_nbp_11" title="Marie-Ève Thérenty, «&amp;nbsp;L’atelier journalistique du récit de voyage chez Gautier&amp;nbsp;: l’effet-feuilleton&amp;nbsp;», Bulletin de la Société Théophile Gautier, n°&amp;nbsp;29, 2007, p.&amp;nbsp;83. ">11</a>&nbsp;&raquo; qui donne naissance &agrave; une po&eacute;tique de l&rsquo;esquisse. C&rsquo;est ce que l&rsquo;on retrouve dans la pr&eacute;sentation de l&rsquo;&icirc;le sur laquelle s&rsquo;ouvre le conte. D&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, la sc&egrave;ne au sens narratologique ralentit le rythme du conte&nbsp;; de l&rsquo;autre, elle peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme une sorte de sommaire qui acc&eacute;l&egrave;re le rythme. La description propose un panorama large mais rapidement bross&eacute; qui donne au lecteur l&rsquo;impression de d&eacute;couvrir en peu de temps de nombreux aspects tr&egrave;s diff&eacute;rents de l&rsquo;&icirc;le. Lorsque le narrateur juge &laquo;&nbsp;qu&rsquo;il est inutile de mentionner<a href="#nbp_12" id="footnoteref12_f3xh1i1" name="lien_nbp_12" title="Bénédict-Henry Révoil, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;886.">12</a>&nbsp;&raquo; certains trait&eacute;s, il pr&eacute;tend ne pas vouloir s&rsquo;attarder sur ses sources pour gagner du temps. Toutefois, il s&rsquo;agit d&rsquo;une strat&eacute;gie pour sugg&eacute;rer une connivence avec le lecteur (le narrateur laisse sous-entendre que le lecteur conna&icirc;t les trait&eacute;s) et introduire le doute sur l&rsquo;existence de l&rsquo;&icirc;le. Sa description probl&eacute;matise la vitesse en mati&egrave;re d&rsquo;articulation de la dur&eacute;e des &eacute;v&eacute;nements de l&rsquo;histoire &agrave; la dur&eacute;e du r&eacute;cit. Elle condense en un peu plus d&rsquo;une colonne plusieurs logiques temporelles, telles le temps cyclique (par la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la mythologie et &agrave; des &eacute;v&eacute;nements qui se r&eacute;p&egrave;tent) et le temps lin&eacute;aire. Les mythes compris comme interrogation sur les origines jouent le r&ocirc;le de rep&egrave;re spatio-temporel<a href="#nbp_13" id="footnoteref13_jocg5jz" name="lien_nbp_13" title="«&amp;nbsp;L’origine est cependant le terme clé de la réflexion mythique&amp;nbsp;; elle reflète le besoin vital de l’homme primitif de s’orienter dans le temps et dans l’espace, de donner un sens à sa propre existence ainsi qu’à celle de l’univers entier&amp;nbsp;». Sanja Boscovic, «&amp;nbsp;Le temps et l’espace - de la conscience mythique à la conscience phénoménologique&amp;nbsp;», Cahiers du MIMMOC, n°&amp;nbsp;2, 2006, [en ligne]. https://journals.openedition.org/mimmoc/204 [Site consulté le 9 septembre 2019].">13</a>. Tout au long du conte, d&rsquo;autres faisceaux temporels s&rsquo;ajoutent&nbsp;: le temps naturel (jour et nuit), le temps pa&iuml;en (la f&ecirc;te qui se tient sur l&rsquo;&icirc;le le jour de l&rsquo;arriv&eacute;e de Fernando ressemble au carnaval&nbsp;; or, le conte a &eacute;t&eacute; publi&eacute; pendant la p&eacute;riode du carnaval, entre d&eacute;but janvier et d&eacute;but mars selon le calendrier mobile). Par ailleurs, la rapidit&eacute; de la lecture augmente aussi &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle des livraisons&nbsp;: tandis que les deux premi&egrave;res font une page et demie, la troisi&egrave;me couvre une page et un quart, la quatri&egrave;me une page, et la derni&egrave;re trois quarts de page.</p> <p>La description de l&rsquo;&icirc;le se compose de passages o&ugrave; le narrateur relate les &eacute;v&eacute;nements du pass&eacute;. Son r&eacute;sum&eacute;, o&ugrave; le temps racont&eacute; est bien plus important que le temps racontant, donne une impression d&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration. D&rsquo;autres moyens stylistiques comme l&rsquo;effet liste, provoqu&eacute; par des &eacute;num&eacute;rations, ou l&rsquo;anaphore, contribuent &agrave; cr&eacute;er un sentiment de pr&eacute;cipitation. Le narrateur privil&eacute;gie les phrases embo&icirc;t&eacute;es construites avec plusieurs subordonn&eacute;es, s&eacute;par&eacute;es par des virgules. Elles acc&eacute;l&egrave;rent la vitesse de lecture et cr&eacute;ent un rythme, rep&egrave;re temporel qui marque le passage du temps dans le conte (&laquo;&nbsp;N&rsquo;est-ce pas l&agrave;, peut-&ecirc;tre, que Neptune et Amphitrite, souverains d&eacute;tr&ocirc;n&eacute;s et envoy&eacute;s en exil, tenaient leur semblant de cour, d&eacute;bris de leur splendeur pass&eacute;e&nbsp;? Tout porte &agrave; croire que leur char, habitu&eacute; &agrave; glisser sur les plaines liquides de l&rsquo;Oc&eacute;an, g&icirc;t en ces lieux, remis&eacute; dans quelque caverne profonde battue par les flots irrit&eacute;s<a href="#nbp_14" id="footnoteref14_10r7il8" name="lien_nbp_14" title="Bénédict-Henry Révoil, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;886.">14</a>&nbsp;&raquo;). En outre, le regard du narrateur tant&ocirc;t embrasse un laps de temps allant d&rsquo;un point de d&eacute;part ind&eacute;fini jusqu&rsquo;au temps pr&eacute;sent, tant&ocirc;t se tourne vers un avenir &agrave; l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;&eacute;ventualit&eacute;, tant&ocirc;t vers le pass&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;&icirc;le de Saint-Brandan, une des Canaries,<em>&nbsp;a toujours pass&eacute;&nbsp;</em>pour &ecirc;tre un des myst&eacute;rieux s&eacute;jours de ce monde. Tous ceux qui se sont occup&eacute;s de ces &icirc;les Fortun&eacute;es,&nbsp;<em>pourraient, au besoin, certifier</em>&nbsp;le nombre de prodiges attribu&eacute;s &agrave; ces terres fantastiques. Bien souvent des exp&eacute;ditions&nbsp;<em>ont &eacute;t&eacute; organis&eacute;es</em><a href="#nbp_15" id="footnoteref15_8lm46gu" name="lien_nbp_15" title="Ibid. Italiques ajoutées.">15</a>[&hellip;]&nbsp;&raquo;. L&rsquo;incipit attire l&rsquo;attention sur un nouveau rapport au temps qui s&rsquo;installe aux temps modernes, o&ugrave; le pass&eacute; n&rsquo;&eacute;claire plus le pr&eacute;sent. Les m&eacute;dias de la seconde moiti&eacute; du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle creusent cet &eacute;cart.</p> <p>Les r&eacute;cents travaux sur la &laquo;&nbsp;scansion m&eacute;diatique<a href="#nbp_16" id="footnoteref16_w0g6p0e" name="lien_nbp_16" title="Marie-Ève Thérenty, «&amp;nbsp;Vivre au rythme du journal&amp;nbsp;», dans Dominique Kalifa et al. (dir.), La Civilisation du journal&amp;nbsp;: histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, Nouveau monde éditions, 2011, p.&amp;nbsp;1310.">16</a>&nbsp;&raquo; de la presse ont mis en avant que le journal bouleverse la temporalit&eacute;&nbsp;: il cr&eacute;e son temps autant qu&rsquo;il en est inform&eacute;<a href="#nbp_17" id="footnoteref17_72ky84c" name="lien_nbp_17" title="Voir par exemple Guillaume Pinson, L’imaginaire médiatique. Histoire et fiction du journal au XIXe siècle, Paris, Classiques Garnier, coll. «&amp;nbsp;Études romantiques et dix-neuviémistes&amp;nbsp;», 2012, p.&amp;nbsp;13.">17</a>. Dans le cas du fantastique, souvent publi&eacute; d&rsquo;abord dans un p&eacute;riodique avant de para&icirc;tre en volume, la sp&eacute;cificit&eacute; de son rapport au temps a partie li&eacute;e avec le paysage m&eacute;diatique. Le support de diffusion, comme le conte, combine plusieurs logiques temporelles, instaurant son propre temps m&eacute;diatique. D&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, le journal marche au pas de la modernit&eacute; au c&oelig;ur de laquelle est la vitesse. La structure m&ecirc;me d&rsquo;&eacute;laboration et de publication du journal impose aux contributeurs de r&eacute;diger beaucoup et rapidement. La diffusion et la circulation rapides des nouvelles sont des n&eacute;cessit&eacute;s &eacute;conomiques et strat&eacute;giques, la rapidit&eacute; &eacute;tant aussi un argument de vente. Cette vitesse qui, pour de nombreux contemporains, trouve la meilleure illustration de son pouvoir ali&eacute;nant dans le journal, suscite des inqui&eacute;tudes qui se voient par exemple dans les condamnations de la tyrannie de la vitesse infernale. Mais le journal n&rsquo;est point le seul moyen de communication accus&eacute;&nbsp;: le t&eacute;l&eacute;graphe &eacute;lectrique<a href="#nbp_18" id="footnoteref18_d4a77eq" name="lien_nbp_18" title="«&amp;nbsp;Trois bouleversements majeurs affectèrent l’histoire des transports au XIXe siècle&amp;nbsp;: la navigation à vapeur, les canaux interocéaniques et le chemin de fer. Il faudrait leur ajouter, pour mesurer l’ensemble des progrès de la communication à cette époque, la télégraphie électrique&amp;nbsp;». Sylvain Venayre, «&amp;nbsp;La révolution de la vitesse&amp;nbsp;», L’Histoire, n°&amp;nbsp;425, 2016, p.&amp;nbsp;68. Par ailleurs, Pascal Durand affirme&amp;nbsp;: «&amp;nbsp;la corrélation croissante de la presse écrite, dans la seconde moitié du siècle, avec la technologie du télégraphe électrique, dont l’incidence, avec d’autres facteurs, sera forte sur les techniques du reportage, la rhétorique de certains journaux […] et l’esthétique générale de la mosaïque journalistique&amp;nbsp;». Pascal Durand, «&amp;nbsp;Presse ou médias, littérature ou culture médiatique&amp;nbsp;? Question de concepts&amp;nbsp;», COnTEXTES, n°&amp;nbsp;11, 2012 [en ligne].&amp;nbsp; https://journals.openedition.org/contextes/5392 [Site consulté le 15 septembre 2019].">18</a>, qui ne se d&eacute;veloppe que sous le Second Empire, subit lui aussi des critiques s&eacute;v&egrave;res. La vitesse de la communication est v&eacute;cue comme un bouleversement d&eacute;stabilisant. Incarnation du progr&egrave;s, le t&eacute;l&eacute;graphe acc&eacute;l&egrave;re les &eacute;changes et participe &agrave; une impression de r&eacute;tr&eacute;cissement de l&rsquo;espace. Lorsque le p&egrave;re de l&rsquo;amante de Fernando enferme celle-ci dans sa chambre apr&egrave;s avoir essay&eacute; de la convaincre de la folie de son fianc&eacute;, elle &eacute;tablit avec Fernando une communication sur le mod&egrave;le t&eacute;l&eacute;graphique&nbsp;: &laquo;&nbsp;Du haut de ce balcon, la belle S&eacute;raph&icirc;ta entreprit une correspondance t&eacute;l&eacute;graphique avec son amant, qui venait causer ainsi avec elle chaque nuit<a href="#nbp_19" id="footnoteref19_8ws3tuw" name="lien_nbp_19" title="Bénédict-Henry Révoil, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;895. Le conte semble montrer que la vitesse n’a pas uniquement des conséquences néfastes, apportant ainsi une nuance importante. Par ailleurs, le rapport entre vitesse et communication est aussi établi dans le champ scientifique par les tentatives de mesurer la rapidité des pensées.">19</a>&nbsp;&raquo;. Leur conversation intime qui se passe de mots instaure un lien privil&eacute;gi&eacute; et quasi surnaturel entre deux consciences. La t&eacute;l&eacute;graphie ancre le conte fantastique dans le XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle des prouesses technologiques et introduit une forme de vitesse dans la sc&egrave;ne d&rsquo;adieu. Le dialogue des amants est caract&eacute;ris&eacute; &agrave; la fois par son volet psychologique et la vitesse du transfert des mots. Ce passage est doublement crucial&nbsp;: il pr&eacute;c&egrave;de non seulement le d&eacute;part de Fernando pour l&rsquo;&icirc;le myst&eacute;rieuse, destination pr&eacute;sent&eacute;e de mani&egrave;re &agrave; cr&eacute;er le suspense, mais aussi une accumulation de faisceaux temporels o&ugrave; la vitesse associ&eacute;e &agrave; la modernit&eacute; avoisine les temps mythiques et les rep&egrave;res temporels impr&eacute;cis. Ainsi, les indications &laquo;&nbsp;[v]ers le milieu de la nuit<a href="#nbp_20a" id="footnoteref20_w8bwdsz" name="lien_nbp_20a" title="Ibid.">20</a>&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;[a]u soleil levant<a href="#nbp_20b" id="footnoteref20_xoigjlp" name="lien_nbp_20b" title="Ibid.">20</a>&nbsp;&raquo; s&rsquo;inscrivent dans une appr&eacute;hension du temps d&rsquo;avant les mesures technologiques. L&rsquo;observation du cycle des jours et des nuits m&egrave;ne &agrave; l&rsquo;invention d&rsquo;instruments de mesure de plus en plus pr&eacute;cis et ing&eacute;nieux. Au XV<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, le ressort moteur est invent&eacute;, qui rend possible la construction d&rsquo;horloges portables&nbsp;; la montre m&eacute;canique fait son apparition &agrave; ce moment-l&agrave;. Ce n&rsquo;est qu&rsquo;au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle que l&rsquo;horlogerie entre dans le quotidien. Alors que l&rsquo;horlogerie progresse, le conte insiste sur les ph&eacute;nom&egrave;nes astronomiques et ne mentionne aucune horloge, quoique la navigation maritime ait fait avancer l&rsquo;horlogerie. Comme, aux temps modernes, &laquo;&nbsp;[l]e temps a perdu sa relation intime avec la nature &ndash; le soleil levant ou au z&eacute;nith &ndash; pour devenir une abstraction<a href="#nbp_21" id="footnoteref21_e2z0ykr" name="lien_nbp_21" title="Marie-Agnès Dequidt, «&amp;nbsp;Comment mesurer l’intériorisation du temps&amp;nbsp;? (Paris, début XIXe siècle)&amp;nbsp;», Revue d’histoire du XIXe siècle, n°&amp;nbsp;45, 2012, p.&amp;nbsp;70. ">21</a>&nbsp;&raquo;, la mention de la nuit et du soleil rappelle aux contemporains l&rsquo;artificialit&eacute; de leur syst&egrave;me de mesure &eacute;loign&eacute; des ph&eacute;nom&egrave;nes naturels (que l&rsquo;on songe au ph&eacute;nom&egrave;ne de l&rsquo;&eacute;quation<a href="#nbp_22" id="footnoteref22_k160p8b" name="lien_nbp_22" title="Un autre conte fantastique problématise l’éloignement des repères naturels&amp;nbsp;: «&amp;nbsp;Maître Zacharius, ou l’horloger qui a perdu son âme&amp;nbsp;» de Jules Verne pointe du doigt la démesure prométhéenne dont est coupable l’homme moderne qui s’arroge le droit de penser que le soleil «&amp;nbsp;va mal&amp;nbsp;».">22</a>).</p> <p>L&rsquo;impr&eacute;cision des rep&egrave;res naturels forme un contraste avec la dur&eacute;e de voyage assez pr&eacute;cise que Fernando annonce &agrave; S&eacute;raph&icirc;ta (&laquo;&nbsp;Ce n&rsquo;est qu&rsquo;une absence de deux mois<a href="#nbp_23" id="footnoteref23_t6iwk1f" name="lien_nbp_23" title="Bénédict-Henry Révoil, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;895.">23</a>&nbsp;&raquo;). S&eacute;raph&icirc;ta jure fid&eacute;lit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Des ann&eacute;es, des si&egrave;cles s&rsquo;&eacute;couleraient sans quelle oubli&acirc;t son amour, qui survivrait m&ecirc;me &agrave; la mort de don Fernando<a href="#nbp_20c" id="footnoteref20_pj7rcpj" name="lien_nbp_20c" title="Ibid.">20</a>&nbsp;&raquo;. Tant S&eacute;raph&icirc;ta que Fernando (&laquo;&nbsp;je reviendrai triomphant. Votre p&egrave;re rougira alors de m&rsquo;avoir montr&eacute; une incr&eacute;dulit&eacute; aussi obstin&eacute;e, et il s&rsquo;empressera d&rsquo;ouvrir sa maison &agrave; celui qui portera justement le titre de gouverneur de l&rsquo;&icirc;le aux Sept-Cit&eacute;s<a href="#nbp_20d" id="footnoteref20_je1p8r4" name="lien_nbp_20d" title="Ibid.">20</a>&nbsp;&raquo;) font des projets et donnent &agrave; un &eacute;v&eacute;nement du futur une forme de pr&eacute;sence dans le temps pr&eacute;sent. La vitesse du r&eacute;cit est mise en jeu par cette projection dans l&rsquo;avenir.</p> <p>Les passages o&ugrave; le temps de l&rsquo;histoire est sup&eacute;rieur au temps du r&eacute;cit, c&rsquo;est-&agrave;-dire o&ugrave; l&rsquo;&eacute;crivain parvient &agrave; acc&eacute;l&eacute;rer la vitesse par le sommaire ou l&rsquo;ellipse, sont fr&eacute;quents dans le conte. On note la pr&eacute;sence de ces deux proc&eacute;d&eacute;s directement apr&egrave;s les adieux des amants&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Une semaine apr&egrave;s ce d&eacute;part</em>, lorsqu&rsquo;on e&ucirc;t d&eacute;pass&eacute; les roches de Gibraltar, une furieuse temp&ecirc;te s&eacute;para les deux caravelles.&nbsp;<em>Pendant plusieurs jours cons&eacute;cutifs</em>, celle que montait don Fernando se vit ballott&eacute;e &agrave; la merci des flots irrit&eacute;s<a href="#nbp_24" id="footnoteref24_eg0hwft" name="lien_nbp_24" title="Ibid. Italiques ajoutées.">24</a>&nbsp;&raquo;. &Agrave; peine le h&eacute;ros a-t-il quitt&eacute; sa terre natale que le passage du temps s&rsquo;acc&eacute;l&egrave;re. La temp&ecirc;te extr&ecirc;mement violente fait perdre tous les rep&egrave;res &agrave; l&rsquo;&eacute;quipage et tue un certain nombre des matelots accompagnant Fernando. Elle am&egrave;ne le h&eacute;ros sur le seuil de la mort o&ugrave; r&egrave;gne une autre temporalit&eacute;&nbsp;: non seulement les croyances populaires des revenants, mais aussi des &eacute;volutions sp&eacute;cifiques au Second Empire comme l&rsquo;essor du purgatoire<a href="#nbp_25" id="footnoteref25_7ioqzkl" name="lien_nbp_25" title="Voir les travaux de Guillaume Cuchet sur les conditions d’émergence et de l’essor de la croyance au purgatoire.">25</a>&nbsp;montrent que les morts mettent du temps &agrave; mourir. Fernando lui-m&ecirc;me ressemble &agrave; un mort-vivant &agrave; son retour par sa p&acirc;leur d&rsquo;abord (&laquo;&nbsp;il devint aussi p&acirc;le qu&rsquo;un cadavre<a href="#nbp_26" id="footnoteref26_we2styl" name="lien_nbp_26" title="Bénédict-Henry Révoil, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;911.">26</a>&nbsp;&raquo;), par son immobilit&eacute; ensuite (il reste assis toute la journ&eacute;e sur un rocher et regarde en direction de l&rsquo;&icirc;le).</p> <p>Le proc&eacute;d&eacute; rh&eacute;torique de la prolepse et les pressentiments influencent la perception de la vitesse. La prolepse influence en effet la vitesse narrative parce qu&rsquo;elle permet de conna&icirc;tre d&rsquo;avance les &eacute;v&eacute;nements encore &agrave; venir. Il s&rsquo;agit d&rsquo;un proc&eacute;d&eacute; programmatique qui annonce &agrave; demi-mot ce qui suivra. La subtilit&eacute; des indices est inh&eacute;rente aux pressentiments, aux pr&eacute;monitions et aux intuitions&nbsp;: souvent associ&eacute;s &agrave; un savoir surnaturel renouant avec les oracles, inv&eacute;rifiables scientifiquement, ces aper&ccedil;us de l&rsquo;avenir v&eacute;hiculent une id&eacute;e de vitesse. Les personnages comprennent plus rapidement ce qui leur arrive&nbsp;; l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement qui se produit &agrave; la fin de l&rsquo;intrigue se trouve d&eacute;j&agrave; en amont sous une forme att&eacute;nu&eacute;e<a href="#nbp_27" id="footnoteref27_eo3kw2u" name="lien_nbp_27" title="Dans une moindre mesure, le sommaire imprimé à la une du Siècle illustré remplit une fonction d’anticipation&amp;nbsp;: le conte fantastique est annoncé avant d’être véritablement présent. Fractionné en cinq livraisons espacées de plusieurs jours (il s’agit d’un titre bihebdomadaire), il crée le suspense et provoque un effet d’attente chez le lecteur.">27</a>. Ce proc&eacute;d&eacute; peut &ecirc;tre li&eacute; au support m&eacute;diatique dans la mesure o&ugrave; celui-ci est responsable de &laquo;&nbsp;ph&eacute;nom&egrave;nes d&rsquo;allongement temporel dus &agrave; l&rsquo;ennui ou &agrave; l&rsquo;expectative<a href="#nbp_28" id="footnoteref28_b64zdwh" name="lien_nbp_28" title="Marie-Ève Thérenty, «&amp;nbsp;Montres molles et journaux fous. Rythmes et imaginaires du temps quotidien au XIXe siècle&amp;nbsp;», COnTEXTES, n°&amp;nbsp;11, 2012 [en ligne]. https://journals.openedition.org/contextes/5407 [Site consulté le 15 septembre 2019].">28</a>&nbsp;&raquo;. Dans la litt&eacute;rature de voyages, la mer appara&icirc;t &eacute;galement comme un &laquo;&nbsp;espace de l&rsquo;attente, un intervalle entre deux terres<a href="#nbp_29" id="footnoteref29_8cs8m1n" name="lien_nbp_29" title="Sylvie Requemora, «&amp;nbsp;L’espace dans la littérature de voyages&amp;nbsp;», Études littéraires, vol.&amp;nbsp;34, n°&amp;nbsp;1-2, 2002, p.&amp;nbsp;257.">29</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>La pr&eacute;destination de Fernando &agrave; accoster sur l&rsquo;&icirc;le fait partie des proc&eacute;d&eacute;s d&rsquo;anticipation et d&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration. Elle passe par l&rsquo;association du lieu et du h&eacute;ros. Seuls ceux qui sont dignes ont le droit d&rsquo;accoster l&rsquo;&icirc;le r&eacute;serv&eacute;e aux favoris&eacute;s du ciel. Ces &ecirc;tres d&rsquo;exception, par d&eacute;finition diff&eacute;rents des autres, se marginalisent par ce privil&egrave;ge&nbsp;; or, la figure mise &agrave; l&rsquo;&eacute;cart en raison d&rsquo;un savoir qu&rsquo;elle est seule &agrave; poss&eacute;der est le fou. Fernando est un personnage ambivalent qui r&eacute;unit des &eacute;l&eacute;ments de personnalit&eacute;s et des traits de caract&egrave;re divers. Le h&eacute;ros partage cet &eacute;clectisme avec l&rsquo;&icirc;le des Sept-Cit&eacute;s. C&rsquo;est un jeune homme de haut rang &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;imagination romanesque<a href="#nbp_30" id="footnoteref30_c1bnu9s" name="lien_nbp_30" title="Bénédict-Henry Révoil, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;887.">30</a>&nbsp;&raquo;. Il a des qualit&eacute;s artistiques et est pr&eacute;sent&eacute; comme un personnage d&rsquo;exception<a href="#nbp_31" id="footnoteref31_0olnk63" name="lien_nbp_31" title="«&amp;nbsp;Personne, mieux que don Fernando, ne savait disputer le prix de la joûte [sic] ou du jeu de bague. Nul, mieux que lui, ne montrait plus de force et d’audace, dans les combats de taureaux. Aucun poëte [sic] ne savait écrire des madrigaux plus galants que les siens en l’honneur des charmes d’une noble dame&amp;nbsp;», ibid., 28 janvier 1865, p.&amp;nbsp;894. Il partage ce caractère exceptionnel avec l’île.">31</a>, mais est d&eacute;cr&eacute;dibilis&eacute; par la vivacit&eacute; de sa facult&eacute; mentale qui l&rsquo;&eacute;loigne en partie du r&eacute;el, d&rsquo;autant plus que l&rsquo;&icirc;le est &laquo;&nbsp;le jour, l&rsquo;objet unique de ses pens&eacute;es, et la nuit celui de ses r&ecirc;ves<a href="#nbp_32" id="footnoteref32_bhd6sif" name="lien_nbp_32" title="Ibid., 25 janvier 1865, p.&amp;nbsp;887.">32</a>&nbsp;&raquo;. Il para&icirc;t monomaniaque, obs&eacute;d&eacute; par ce lieu myst&eacute;rieux. Le champ lexical de la richesse et de l&rsquo;exc&egrave;s est employ&eacute; pour l&rsquo;&icirc;le et pour le h&eacute;ros, ce qui renforce leur lien et nourrit l&rsquo;id&eacute;e que Fernando est fait pour ce lieu, car non seulement il le d&eacute;sire, il en a aussi besoin pour se distraire et pour trouver sa place dans le monde.</p> <p><strong>Vitesse et int&eacute;riorit&eacute;</strong></p> <p>Les diff&eacute;rentes formes d&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration mettent en place une logique de dislocation du temps qui annonce la perturbation de l&rsquo;&eacute;coulement uniforme du temps et le d&eacute;rangement mental du h&eacute;ros. La copr&eacute;sence de logiques temporelles diff&eacute;rentes caract&eacute;rise tout le XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et le journal en particulier&nbsp;: si &laquo;&nbsp;certains pr&ocirc;nent le retour &agrave; une culture populaire, fond&eacute;e sur la stabilit&eacute; des cycles naturels<a href="#nbp_33" id="footnoteref33_wlf9fiq" name="lien_nbp_33" title="Julien Schuh, «&amp;nbsp;Le temps du journal. Construction médiatique de l’expérience temporelle au XIXe siècle&amp;nbsp;», Romantisme, n°&amp;nbsp;174, 2016, p.&amp;nbsp;77.">33</a>&nbsp;&raquo;, il faut reconna&icirc;tre aussi que le temps lin&eacute;aire n&rsquo;est pas la seule logique temporelle &agrave; laquelle ob&eacute;it le journal parce que &laquo;&nbsp;de nombreux dispositifs viennent contrebalancer cette impression de fuite en avant<a href="#nbp_34" id="footnoteref34_usptljb" name="lien_nbp_34" title="Ibid, p.&amp;nbsp;79.">34</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Le temps qui passe n&rsquo;est pas qu&rsquo;objectif, il est aussi personnel et d&eacute;pend des &eacute;motions. Cela se voit notamment lorsque le narrateur, adoptant le point de vue de Fernando, dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;heure sonna enfin pour ce d&eacute;part si longtemps annonc&eacute;<a href="#nbp_35" id="footnoteref35_14h7hi9" name="lien_nbp_35" title="Bénédict-Henry Révoil, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;895.">35</a>&nbsp;&raquo;. Le d&eacute;sir de vitesse se heurte au passage du temps per&ccedil;u comme trop lent. La divergence entre l&rsquo;&eacute;coulement r&eacute;el et l&rsquo;&eacute;coulement r&ecirc;v&eacute; du temps montre que celui-ci ne constitue pas un rep&egrave;re immuable. Il d&eacute;pend de l&rsquo;int&eacute;riorit&eacute; et du contexte culturel et scientifique&nbsp;: la rapidit&eacute; est toujours relative et ne peut exister qu&rsquo;en comparaison avec d&rsquo;autres vitesses. C&rsquo;est ce que se dit Fernando qui croit que des forces inexplicables par la raison seule ont modul&eacute; le temps, et que sa conscience a particip&eacute; &agrave; cette modulation&nbsp;: &laquo;&nbsp;il finit par se convaincre que c&rsquo;&eacute;tait gr&acirc;ce &agrave; une influence surnaturelle qu&rsquo;il avait pris pour un si&egrave;cle l&rsquo;espace d&rsquo;une nuit<a href="#nbp_36" id="footnoteref36_11uwyd0" name="lien_nbp_36" title="Ibid., 8 février 1865, p.&amp;nbsp;919.">36</a>&nbsp;&raquo;. Fernando ne pense pas que le temps soit vraiment diff&eacute;rent selon les lieux mais que cela lui para&icirc;t ainsi, que la vitesse est une affaire d&rsquo;int&eacute;riorit&eacute;. Voil&agrave; pourquoi la vitesse est une construction et rel&egrave;ve de conventions susceptibles de changer avec le temps. Il est toutefois int&eacute;ressant de noter que c&rsquo;est l&rsquo;observation des astres, alors rep&egrave;res d&rsquo;une approche naturelle du temps, qui am&egrave;ne la d&eacute;couverte de la vitesse de la lumi&egrave;re, th&eacute;orie confirm&eacute;e aux ann&eacute;es 1860.</p> <p>Sauv&eacute; en pleine mer, Fernando tente de r&eacute;int&eacute;grer son ancienne vie en insistant toutefois sur la v&eacute;racit&eacute; de son histoire de l&rsquo;&icirc;le fabuleuse. Il d&eacute;sire r&eacute;unir en lui deux identit&eacute;s dont l&rsquo;incompatibilit&eacute; est cependant sugg&eacute;r&eacute;e &agrave; plusieurs niveaux, notamment celui temporel. En effet, son pays d&rsquo;origine et l&rsquo;&icirc;le n&rsquo;ob&eacute;issent pas au m&ecirc;me r&eacute;gime de temps. Sous le Second Empire, ce d&eacute;calage devient significatif de l&rsquo;ali&eacute;nation de l&rsquo;homme moderne par l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration du rythme de vie. Le h&eacute;ros devient un &eacute;tranger &agrave; sa ville natale, pris pour fou. Le fait paradoxal d&rsquo;&ecirc;tre &eacute;tranger &agrave; son pays d&rsquo;origine montre &agrave; quel point le d&eacute;calage des vitesses ali&egrave;ne l&rsquo;homme lorsque le monde plus moderne va plus vite que l&rsquo;&icirc;le aux m&oelig;urs anciennes. Le sentiment romantique de ne pas &ecirc;tre de son temps, l&rsquo;une des caract&eacute;ristiques du mal du si&egrave;cle, est conjugu&eacute; &agrave; la p&eacute;riode du Second Empire pour lier le bouleversement mental &agrave; la transformation de l&rsquo;espace-temps.</p> <p>L&rsquo;&eacute;vanouissement du h&eacute;ros constitue donc une &eacute;tape importante vers la distorsion du temps. Dans une autre &oelig;uvre repr&eacute;sentative, c&rsquo;est le sommeil qui fait coexister deux logiques temporelles&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le Cabaliste Hans Weinland&nbsp;&raquo; d&rsquo;Erckmann-Chatrian raconte comment l&rsquo;&acirc;me de Weinland se rend en Inde o&ugrave; elle reste pendant deux jours. Tandis que le temps passe vite pour Weinland, il para&icirc;t long &agrave; Christian&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le temps se consumait dans ces m&eacute;ditations&nbsp;; ce n&rsquo;est qu&rsquo;&agrave; la chute du jour, lorsque l&rsquo;horloge de Saint-&Eacute;tienne-du-Mont eut sonn&eacute; huit heures, que je montai chez moi prendre quelques heures de repos. Je ne doutais plus alors que le sommeil l&eacute;thargique de Hans Weinland ne poursuiv&icirc;t tranquillement son cours jusqu&rsquo;au lendemain<a href="#nbp_37" id="footnoteref37_sl4a52j" name="lien_nbp_37" title="Erckmann-Chatrian, «&amp;nbsp;Le Cabaliste Hans Weinland, conte fantastique&amp;nbsp;» [1860], Contes et Romans nationaux et populaires, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;140.">37</a>&nbsp;&raquo;. Par le corps de Weinland qui reste immobile &agrave; Paris mais se meut en Inde, ainsi que la mise en relief de la vitesse du d&eacute;placement (six mille lieues en deux jours), la vitesse met &eacute;galement en jeu l&rsquo;espace.</p> <p>Les premiers jours de Fernando &agrave; Lisbonne apr&egrave;s sa visite de l&rsquo;&icirc;le sont marqu&eacute;s par la rapidit&eacute; de ses actions&nbsp;: il se pr&eacute;cipite vers la demeure qu&rsquo;il croit celle de S&eacute;raph&icirc;ta, puis il s&rsquo;&eacute;lance hors de l&rsquo;appartement et r&eacute;sume son histoire aux bureaux du ministre de la marine qu&rsquo;il se h&acirc;te de quitter quand il se rend compte que personne ne le reconna&icirc;t. Ce comportement est mis en rapport avec la folie&nbsp;: Maraquita l&rsquo;appelle insens&eacute;, et Fernando reste incompris par tous ceux qu&rsquo;il rencontre. Comme le texte maintient l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; sur les &eacute;v&eacute;nements et juxtapose des points de vue divergents, l&rsquo;identit&eacute; du h&eacute;ros est multiple et ind&eacute;finissable. Son p&eacute;riple g&eacute;ographique et spirituel qui bouleverse les certitudes m&egrave;ne &agrave; la d&eacute;couverte du Moi &eacute;miett&eacute; et montre que, aux temps modernes, certains restent plus longtemps &agrave; l&rsquo;&eacute;cart de l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration.</p> <p>Le document officiel qui atteste le d&eacute;part d&rsquo;un Fernando de Ulmo ne fournit pas la preuve de l&rsquo;existence de l&rsquo;&icirc;le. Fernando est &agrave; la fois un &ecirc;tre vivant &agrave; une &eacute;poque pr&eacute;cise, et un personnage d&rsquo;un autre temps dont on trouve des traces dans les archives. Le monde a &eacute;volu&eacute; sans lui qui n&rsquo;appartient &agrave; aucun temps et &agrave; aucun lieu bien qu&rsquo;il sente des attachements pour l&rsquo;&icirc;le et sa ville natale. Tiraill&eacute; entre deux lieux, deux temps, deux femmes et plusieurs identit&eacute;s dont il convoite certaines (gouverneur de l&rsquo;&icirc;le) et r&eacute;cuse d&rsquo;autres (un monomane en qui &laquo;&nbsp;le d&eacute;sir de renouveler le voyage devint [&hellip;] une id&eacute;e fixe<a href="#nbp_38" id="footnoteref38_5nr9i15" name="lien_nbp_38" title="Bénédict-Henry Révoil, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;919.">38</a>&nbsp;&raquo;), Fernando est bris&eacute;. Quand il confond Maraquita avec S&eacute;raph&icirc;ta, Fernando lui reproche l&rsquo;inconstance parce qu&rsquo;il se croit trahi. Il est sinc&egrave;rement offusqu&eacute; alors qu&rsquo;il a lui-m&ecirc;me &eacute;t&eacute; infid&egrave;le. M&ecirc;me lorsqu&rsquo;il est conduit devant la tombe de sa bien-aim&eacute;e, Fernando se concentre sur sa rage d&eacute;clench&eacute;e par l&rsquo;inconstance de S&eacute;raph&icirc;ta. La vitesse remet de ce fait en question les valeurs consid&eacute;r&eacute;es comme importantes par les personnages. Elle annule les projets et les promesses amoureux, d&eacute;stabilise le h&eacute;ros et lui fait reconna&icirc;tre le caract&egrave;re &eacute;ph&eacute;m&egrave;re de ses constructions et de ses convictions. Car &laquo;&nbsp;le temps, ce grand destructeur<a href="#nbp_20e" id="footnoteref20_ko4h6tz" name="lien_nbp_20e" title="Ibid.">20</a>&nbsp;&raquo; montre que la vitesse se constitue en outil de conception de la conscience humaine aux prises avec les enjeux du monde moderne.</p> <p>La seconde moiti&eacute; du si&egrave;cle voit le passage d&rsquo;un temps lent &agrave; un temps calcul&eacute; et productif<a href="#nbp_39" id="footnoteref39_6dji6s8" name="lien_nbp_39" title="Jean-Claude Yon, Histoire culturelle de la France au XIXe siècle, Paris, Armand Colin, coll. «&amp;nbsp;U Histoire&amp;nbsp;», 2010, p.&amp;nbsp;177.">39</a>. Dans le fantastique, on conna&icirc;t la corr&eacute;lation du d&eacute;placement dans l&rsquo;espace et la remont&eacute;e dans le temps, mais le conte de R&eacute;voil, intimement ancr&eacute; dans l&rsquo;&eacute;poque de sa publication, traite le voyage dans le temps comme une mani&egrave;re de penser l&rsquo;&eacute;tat psychique corr&eacute;l&eacute; &agrave; une p&eacute;riode de bouleversement dans la conception de l&rsquo;espace-temps qui change le regard sur l&rsquo;homme. Il propose de d&eacute;couvrir la part des conventions dans les r&eacute;f&eacute;rentiels spatio-temporels, et de d&eacute;velopper cette conception jusqu&rsquo;&agrave; en faire des pures illusions&nbsp;: la question du d&eacute;terminisme se pose, qui d&eacute;coule de l&rsquo;avenir d&eacute;j&agrave; &eacute;crit et qui, par l&rsquo;absence du libre arbitre, renvoie &agrave; la pathologie mentale. Le voyage de Fernando est un voyage psychique qui l&rsquo;am&egrave;ne au fond de lui-m&ecirc;me. Son exp&eacute;rience originale du temps, fond&eacute;e sur la vitesse hallucinante du temps qui passe, renvoie les lecteurs aux caract&eacute;ristiques ali&eacute;nantes de leur &eacute;poque. Le niveau atteint par la rapidit&eacute; dans diff&eacute;rents domaines affectant directement la vie quotidienne dans la seconde moiti&eacute; du si&egrave;cle modifie les structures et les comportements. Ainsi, la temporalit&eacute; singuli&egrave;re dans le conte fantastique propose un nouveau cadre de pens&eacute;e et am&egrave;ne les contemporains &agrave; cr&eacute;er des liens avec leur pr&eacute;sent marqu&eacute; par une vitesse inou&iuml;e et anxiog&egrave;ne.</p> <hr /> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p><strong><em>&OElig;uvres fantastiques</em></strong></p> <p>Erckmann-Chatrian, &laquo;&nbsp;Le Cabaliste Hans Weinland, conte fantastique&nbsp;&raquo; [1860], in&nbsp;<em>Contes et Romans nationaux et&nbsp;</em>populaires, tome&nbsp;13, Paris, &eacute;d.&nbsp;Jean-Jacques Pauvert, 1988.</p> <p>Gautier, Th&eacute;ophile, &laquo;&nbsp;La Morte amoureuse&nbsp;&raquo; [1836], in&nbsp;<em>Romans, contes et nouvelles</em>, tome&nbsp;1, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 2002.</p> <p>R&eacute;voil, B&eacute;n&eacute;dict-Henry, &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Icirc;le des brouillards&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Si&egrave;cle illustr&eacute;</em>, 25 janvier-8 f&eacute;vrier 1865.</p> <p><strong><em>Ouvrages critiques</em></strong></p> <p><strong><em>Le voyage</em></strong></p> <p>Guicharrousse, Romain et Nicolas Siron, &laquo;&nbsp;L&rsquo;invitation au voyage. Acteurs, repr&eacute;sentations, enjeux&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Hypoth&egrave;ses</em>, n&deg;&nbsp;17, 2014, p.&nbsp;15-24.</p> <p>Requemora, Sylvie, &laquo;&nbsp;L&rsquo;espace dans la litt&eacute;rature de voyages&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>&Eacute;tudes litt&eacute;raires</em>, vol.&nbsp;34, n&deg;&nbsp;1-2, 2002, p.&nbsp;249-276.</p> <p>Th&eacute;renty, Marie-&Egrave;ve, &laquo;&nbsp;L&rsquo;atelier journalistique du r&eacute;cit de voyage chez Gautier&nbsp;: l&rsquo;effet-feuilleton&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Bulletin de la Soci&eacute;t&eacute; Th&eacute;ophile Gautier</em>, n&deg;&nbsp;29, 2007, p.&nbsp;81-96.</p> <p><strong><em>Temps et mesure du temps</em></strong></p> <p>Boscovic, Sanja, &laquo;&nbsp;Le temps et l&rsquo;espace - de la conscience mythique &agrave; la conscience ph&eacute;nom&eacute;nologique&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Cahiers du MIMMOC</em>, n&deg;&nbsp;2, 2006 [en ligne].&nbsp;<a href="https://journals.openedition.org/mimmoc/204">https://journals.openedition.org/mimmoc/204</a>&nbsp;[Site consult&eacute; le 9 septembre 2019].</p> <p>Dequidt, Marie-Agn&egrave;s, &laquo;&nbsp;Comment mesurer l&rsquo;int&eacute;riorisation du temps&nbsp;? (Paris, d&eacute;but XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle)&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Revue d&rsquo;histoire du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, n&deg;&nbsp;45, 2012, p.&nbsp;69-81.</p> <p>Schuh, Julien, &laquo;&nbsp;Le temps du journal. Construction m&eacute;diatique de l&rsquo;exp&eacute;rience temporelle au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Romantisme,</em>&nbsp;n&deg;&nbsp;174, 2016, p.&nbsp;72-82.</p> <p>Th&eacute;renty, Marie-&Egrave;ve, &laquo;&nbsp;Montres molles et journaux fous. Rythmes et imaginaires du temps quotidien au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>COnTEXTES</em>, n&deg;&nbsp;11, 2012, [en ligne].&nbsp;<a href="https://journals.openedition.org/contextes/5407">https://journals.openedition.org/contextes/5407</a>&nbsp;[Site consult&eacute; le 15 septembre 2019].</p> <p>&ndash;, &laquo;&nbsp;Vivre au rythme du journal&nbsp;&raquo;, in Dominique Kalifa&nbsp;<em>et al</em>. (dir.),&nbsp;<em>La civilisation du journal&nbsp;: histoire culturelle et litt&eacute;raire de la presse fran&ccedil;aise au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Nouveau monde &eacute;ditions, 2011, p.&nbsp;1309-1317.</p> <p>Venayre, Sylvain, &laquo;&nbsp;La r&eacute;volution de la vitesse&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>L&rsquo;Histoire</em>, n&deg;&nbsp;425, 2016, p.&nbsp;68-75.</p> <p><strong><em>Presse et culture (m&eacute;diatique)</em></strong></p> <p>Durand, Pascal, &laquo;&nbsp;Presse ou m&eacute;dias, litt&eacute;rature ou culture m&eacute;diatique&nbsp;? Question de concepts&raquo;,&nbsp;<em>COnTEXTES</em>, n&deg;&nbsp;11, 2012 [en ligne]&nbsp;<a href="https://journals.openedition.org/contextes/5392">https://journals.openedition.org/contextes/5392</a>&nbsp;[Site consult&eacute; le 15 septembre 2019].</p> <p>Pinson, Guillaume,<em>&nbsp;L&rsquo;imaginaire m&eacute;diatique. Histoire et fiction du journal au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle,</em>&nbsp;Paris, Classiques Garnier, coll. &laquo;&nbsp;&Eacute;tudes romantiques et dix-neuvi&eacute;mistes&nbsp;&raquo;, 2012.</p> <p>Yon, Jean-Claude,&nbsp;<em>Histoire culturelle de la France au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Armand Colin, coll. &laquo;&nbsp;U&nbsp;Histoire&nbsp;&raquo;, 2010.</p> <p><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1</a>&nbsp;B&eacute;n&eacute;dict-Henry R&eacute;voil, &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Icirc;le des brouillards&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Si&egrave;cle illustr&eacute;</em>, 25 janvier 1865, p.&nbsp;886.</p> <p><a href="#lien_nbp_2" name="nbp_2">2</a>&nbsp;D&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, il s&rsquo;appuie sur des t&eacute;moins des sources afin de rendre la description de l&rsquo;&icirc;le vraisemblable&nbsp;; de l&rsquo;autre, il rend ses sources suspectes en ne les nommant pas pr&eacute;cis&eacute;ment. Ainsi, le narrateur occupe une position d&eacute;routante entre la cr&eacute;dibilit&eacute; et la d&eacute;cr&eacute;dibilisation. Quand bien m&ecirc;me il d&eacute;fend la r&eacute;alit&eacute; de l&rsquo;&icirc;le, le r&eacute;cit qu&rsquo;il en fait &agrave; la fois corrobore et contredit son propos. D&egrave;s lors, cette ambigu&iuml;t&eacute; fait r&eacute;f&eacute;rence &agrave; l&rsquo;identit&eacute; du h&eacute;ros, dans la mesure o&ugrave; ce qui importe est moins de savoir si l&rsquo;&icirc;le existe que de comprendre les mani&egrave;res dont elle exerce un effet sur une conscience. Cette investigation passe par l&rsquo;association du lieu et du h&eacute;ros. Seuls ceux qui sont dignes ont le droit d&rsquo;accoster &agrave; l&rsquo;&icirc;le r&eacute;serv&eacute;e aux favoris&eacute;s du ciel. Ces &ecirc;tres d&rsquo;exception se marginalisent par ce privil&egrave;ge&nbsp;; or, la figure mise &agrave; l&rsquo;&eacute;cart en raison d&rsquo;un savoir qu&rsquo;elle est seule &agrave; poss&eacute;der est le fou.</p> <p><a href="#lien_nbp_3" name="nbp_3">3</a>&nbsp;B&eacute;n&eacute;dict-Henry R&eacute;voil,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;886.</p> <p><a href="#lien_nbp_4" name="nbp_4">4</a>&nbsp;Au fur et &agrave; mesure que le protagoniste explore l&rsquo;&icirc;le dont il r&ecirc;ve depuis longtemps, on d&eacute;couvre des d&eacute;tails en d&eacute;saccord avec l&rsquo;image pacifique et paradisiaque du lieu&nbsp;: les habitants sont arm&eacute;s et de nombreuses gardes et postes de contr&ocirc;le sont &agrave; franchir avant de parvenir au ch&acirc;teau-fort. Ce lieu &eacute;minemment hybride, &agrave; la fois utopie et dystopie, fait comprendre que certaines caract&eacute;ristiques angoissantes ne se d&eacute;couvrent pas du premier coup d&rsquo;&oelig;il. Comme Fernando est destin&eacute; &agrave; l&rsquo;&icirc;le avec laquelle il a des traits en commun, le conte permet de transposer ces aspects sur le plan psychologique du h&eacute;ros o&ugrave; ils fonctionnent comme une allusion aux c&ocirc;t&eacute;s sombres existant en chacun.</p> <p><a href="#lien_nbp_5" name="nbp_5">5</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;C&rsquo;est aussi dans cette &icirc;le que r&eacute;gnait l&rsquo;enchanteur Cycorax, au moment o&ugrave; Prospero et sa jeune fille Miranda furent jet&eacute;s sur les c&ocirc;tes&nbsp;&raquo;. B&eacute;n&eacute;dict-Henry R&eacute;voil,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;886. Cette r&eacute;f&eacute;rence n&rsquo;est pas anodine puisque le magicien modifie la courbe du temps.</p> <p><a href="#lien_nbp_6" name="nbp_6">6</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Toutes ces d&eacute;ceptions avaient peu &agrave; peu d&eacute;rang&eacute; les facult&eacute;s du pauvre hidalgo&nbsp;&raquo;,<em>&nbsp;ibid</em>., 8 f&eacute;vrier 1865, p.&nbsp;919.</p> <p><a href="#lien_nbp_7" name="nbp_7">7</a>&nbsp;Cette entreprise s&rsquo;intensifie dans la deuxi&egrave;me moiti&eacute; du si&egrave;cle.</p> <p><a href="#lien_nbp_8" name="nbp_8">8</a>&nbsp;Th&eacute;ophile Gautier, &laquo;&nbsp;La Morte amoureuse&nbsp;&raquo; [1836], in&nbsp;<em>Romans, contes et nouvelles</em>, tome&nbsp;1, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 2002, p.&nbsp;536.</p> <p><a href="#lien_nbp_9" name="nbp_9">9</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;546.</p> <p><a href="#lien_nbp_10" name="nbp_10">10</a>&nbsp;Romain Guicharrousse, et Nicolas Siron, &laquo;&nbsp;L&rsquo;invitation au voyage. Acteurs, repr&eacute;sentations, enjeux&nbsp;&raquo;,<em>&nbsp;Hypoth&egrave;ses,</em>&nbsp;n&deg;&nbsp;17, 2014, p.&nbsp;23.</p> <p><a href="#lien_nbp_11" name="nbp_11">11</a>&nbsp;Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, &laquo;&nbsp;L&rsquo;atelier journalistique du r&eacute;cit de voyage chez Gautier&nbsp;: l&rsquo;effet-feuilleton&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Bulletin de la Soci&eacute;t&eacute; Th&eacute;ophile Gautier</em>, n&deg;&nbsp;29, 2007, p.&nbsp;83.</p> <p><a href="#lien_nbp_12" name="nbp_12">12</a>&nbsp;B&eacute;n&eacute;dict-Henry R&eacute;voil,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;886.</p> <p><a href="#lien_nbp_13" name="nbp_13">13</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;L&rsquo;origine est cependant le terme cl&eacute; de la r&eacute;flexion mythique&nbsp;; elle refl&egrave;te le besoin vital de l&rsquo;homme primitif de s&rsquo;orienter dans le temps et dans l&rsquo;espace, de donner un sens &agrave; sa propre existence ainsi qu&rsquo;&agrave; celle de l&rsquo;univers entier&nbsp;&raquo;. Sanja Boscovic, &laquo;&nbsp;Le temps et l&rsquo;espace - de la conscience mythique &agrave; la conscience ph&eacute;nom&eacute;nologique&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Cahiers du MIMMOC</em>, n&deg;&nbsp;2, 2006, [en ligne].&nbsp;<a href="https://journals.openedition.org/mimmoc/204">https://journals.openedition.org/mimmoc/204</a>&nbsp;[Site consult&eacute; le 9 septembre 2019].</p> <p><a href="#lien_nbp_14" name="nbp_14">14</a>&nbsp;B&eacute;n&eacute;dict-Henry R&eacute;voil,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;886.</p> <p><a href="#lien_nbp_15" name="nbp_15">15</a>&nbsp;<em>Ibid</em>. Italiques ajout&eacute;es.</p> <p><a href="#lien_nbp_16" name="nbp_16">16</a>&nbsp;Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, &laquo;&nbsp;Vivre au rythme du journal&nbsp;&raquo;, dans Dominique Kalifa&nbsp;<em>et al.</em>&nbsp;(dir.),&nbsp;<em>La Civilisation du journal&nbsp;: histoire culturelle et litt&eacute;raire de la presse fran&ccedil;aise au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Nouveau monde &eacute;ditions, 2011, p.&nbsp;1310.</p> <p><a href="#lien_nbp_17" name="nbp_17">17</a>&nbsp;Voir par exemple Guillaume Pinson,&nbsp;<em>L&rsquo;imaginaire m&eacute;diatique. Histoire et fiction du journal au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Classiques Garnier, coll. &laquo;&nbsp;&Eacute;tudes romantiques et dix-neuvi&eacute;mistes&nbsp;&raquo;, 2012, p.&nbsp;13.</p> <p><a href="#lien_nbp_18" name="nbp_18">18</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Trois bouleversements majeurs affect&egrave;rent l&rsquo;histoire des transports au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;: la navigation &agrave; vapeur, les canaux interoc&eacute;aniques et le chemin de fer. Il faudrait leur ajouter, pour mesurer l&rsquo;ensemble des progr&egrave;s de la communication &agrave; cette &eacute;poque, la t&eacute;l&eacute;graphie &eacute;lectrique&nbsp;&raquo;. Sylvain Venayre, &laquo;&nbsp;La r&eacute;volution de la vitesse&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>L&rsquo;Histoire</em>, n&deg;&nbsp;425, 2016, p.&nbsp;68. Par ailleurs, Pascal Durand affirme&nbsp;: &laquo;&nbsp;la corr&eacute;lation croissante de la presse &eacute;crite, dans la seconde moiti&eacute; du si&egrave;cle, avec la technologie du t&eacute;l&eacute;graphe &eacute;lectrique, dont l&rsquo;incidence, avec d&rsquo;autres facteurs, sera forte sur les techniques du reportage, la rh&eacute;torique de certains journaux [&hellip;] et l&rsquo;esth&eacute;tique g&eacute;n&eacute;rale de la mosa&iuml;que journalistique&nbsp;&raquo;. Pascal Durand, &laquo;&nbsp;Presse ou m&eacute;dias, litt&eacute;rature ou culture m&eacute;diatique&nbsp;? Question de concepts&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>COnTEXTES</em>, n&deg;&nbsp;11<em>,&nbsp;</em>2012 [en ligne].&nbsp;&nbsp;<a href="https://journals.openedition.org/contextes/5392">https://journals.openedition.org/contextes/5392</a>&nbsp;[Site consult&eacute; le 15 septembre 2019].</p> <p><a href="#lien_nbp_19" name="nbp_19">19</a>&nbsp;B&eacute;n&eacute;dict-Henry R&eacute;voil,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;895. Le conte semble montrer que la vitesse n&rsquo;a pas uniquement des cons&eacute;quences n&eacute;fastes, apportant ainsi une nuance importante. Par ailleurs, le rapport entre vitesse et communication est aussi &eacute;tabli dans le champ scientifique par les tentatives de mesurer la rapidit&eacute; des pens&eacute;es.</p> <p><a href="https://alepreuve.org/content/quand-une-nuit-compte-cent-ans-la-vitesse-du-temps-qui-passe#footnoteref20_w8bwdsz">20</a><br /> <a href="#lien_nbp_20a" name="nbp_20a">a</a><br /> <a href="#lien_nbp_20b" name="nbp_20b">b</a><br /> <a href="#lien_nbp_20c" name="nbp_20c">c</a><br /> <a href="#lien_nbp_20d" name="nbp_20d">d</a><br /> <a href="#lien_nbp_20e" name="nbp_20e">e</a><br /> <em>Ibid.</em></p> <p><a href="#lien_nbp_21" name="nbp_21">21</a>&nbsp;Marie-Agn&egrave;s Dequidt, &laquo;&nbsp;Comment mesurer l&rsquo;int&eacute;riorisation du temps&nbsp;? (Paris, d&eacute;but XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle)&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Revue d&rsquo;histoire du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, n&deg;&nbsp;45, 2012, p.&nbsp;70.</p> <p><a href="#lien_nbp_22" name="nbp_22">22</a>&nbsp;Un autre conte fantastique probl&eacute;matise l&rsquo;&eacute;loignement des rep&egrave;res naturels&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ma&icirc;tre Zacharius, ou l&rsquo;horloger qui a perdu son &acirc;me&nbsp;&raquo; de Jules Verne pointe du doigt la d&eacute;mesure prom&eacute;th&eacute;enne dont est coupable l&rsquo;homme moderne qui s&rsquo;arroge le droit de penser que le soleil &laquo;&nbsp;va mal&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#lien_nbp_23" name="nbp_23">23</a>&nbsp;B&eacute;n&eacute;dict-Henry R&eacute;voil,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;895.</p> <p><a href="#lien_nbp_24" name="nbp_24">24</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>&nbsp;Italiques ajout&eacute;es.</p> <p><a href="#lien_nbp_25" name="nbp_25">25</a>&nbsp;Voir les travaux de Guillaume Cuchet sur les conditions d&rsquo;&eacute;mergence et de l&rsquo;essor de la croyance au purgatoire.</p> <p><a href="#lien_nbp_26" name="nbp_26">26</a>&nbsp;B&eacute;n&eacute;dict-Henry R&eacute;voil,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;911.</p> <p><a href="#lien_nbp_27" name="nbp_27">27</a>&nbsp;Dans une moindre mesure, le sommaire imprim&eacute; &agrave; la une du&nbsp;<em>Si&egrave;cle illustr&eacute;</em>&nbsp;remplit une fonction d&rsquo;anticipation&nbsp;: le conte fantastique est annonc&eacute; avant d&rsquo;&ecirc;tre v&eacute;ritablement pr&eacute;sent. Fractionn&eacute; en cinq livraisons espac&eacute;es de plusieurs jours (il s&rsquo;agit d&rsquo;un titre bihebdomadaire), il cr&eacute;e le suspense et provoque un effet d&rsquo;attente chez le lecteur.</p> <p><a href="#lien_nbp_28" name="nbp_28">28</a>&nbsp;Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, &laquo;&nbsp;Montres molles et journaux fous. Rythmes et imaginaires du temps quotidien au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>COnTEXTES</em>, n&deg;&nbsp;11, 2012 [en ligne].&nbsp;<a href="https://journals.openedition.org/contextes/5407">https://journals.openedition.org/contextes/5407</a>&nbsp;[Site consult&eacute; le 15 septembre 2019].</p> <p><a href="#lien_nbp_29" name="nbp_29">29</a>&nbsp;Sylvie Requemora, &laquo;&nbsp;L&rsquo;espace dans la litt&eacute;rature de voyages&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>&Eacute;tudes litt&eacute;raires</em>, vol.&nbsp;34, n&deg;&nbsp;1-2, 2002, p.&nbsp;257.</p> <p><a href="#lien_nbp_30" name="nbp_30">30</a>&nbsp;B&eacute;n&eacute;dict-Henry R&eacute;voil,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;887.</p> <p><a href="#lien_nbp_31" name="nbp_31">31</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Personne, mieux que don Fernando, ne savait disputer le prix de la jo&ucirc;te [sic] ou du jeu de bague. Nul, mieux que lui, ne montrait plus de force et d&rsquo;audace, dans les combats de taureaux. Aucun po&euml;te [sic] ne savait &eacute;crire des madrigaux plus galants que les siens en l&rsquo;honneur des charmes d&rsquo;une noble dame&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>ibid.,</em>&nbsp;28 janvier 1865, p.&nbsp;894. Il partage ce caract&egrave;re exceptionnel avec l&rsquo;&icirc;le.</p> <p><a href="#lien_nbp_32" name="nbp_32">32</a>&nbsp;<em>Ibid.,&nbsp;</em>25 janvier 1865, p.&nbsp;887.</p> <p><a href="#lien_nbp_33" name="nbp_33">33</a>&nbsp;Julien Schuh, &laquo;&nbsp;Le temps du journal. Construction m&eacute;diatique de l&rsquo;exp&eacute;rience temporelle au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;&raquo;,<em>&nbsp;Romantisme,&nbsp;</em>n&deg;&nbsp;174, 2016, p.&nbsp;77.</p> <p><a href="#lien_nbp_34" name="nbp_34">34</a>&nbsp;<em>Ibid</em>, p.&nbsp;79.</p> <p><a href="#lien_nbp_35" name="nbp_35">35</a>&nbsp;B&eacute;n&eacute;dict-Henry R&eacute;voil,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;895.</p> <p><a href="#lien_nbp_36" name="nbp_36">36</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, 8 f&eacute;vrier 1865, p.&nbsp;919.</p> <p><a href="#lien_nbp_37" name="nbp_37">37</a>&nbsp;Erckmann-Chatrian, &laquo;&nbsp;Le Cabaliste Hans Weinland, conte fantastique&nbsp;&raquo; [1860],&nbsp;<em>Contes et Romans nationaux et populaires, op.&nbsp;cit.,&nbsp;</em>p.&nbsp;140.</p> <p><a href="#lien_nbp_38" name="nbp_38">38</a>&nbsp;B&eacute;n&eacute;dict-Henry R&eacute;voil,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;919.</p> <p><a href="#lien_nbp_39" name="nbp_39">39</a>&nbsp;Jean-Claude Yon,&nbsp;<em>Histoire culturelle de la France au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Armand Colin, coll. &laquo;&nbsp;U Histoire&nbsp;&raquo;, 2010, p.&nbsp;177.</p> <nav aria-labelledby="book-label-197" role="navigation"> <ul> </ul> </nav>