<p><strong>Introduction - &laquo;&nbsp;L&rsquo;h&eacute;lice tourbillonnante&nbsp;&raquo;</strong></p> <p>En 1913, Apollinaire supprime dans&nbsp;<em>Alcools</em>&nbsp;toute ponctuation, selon les directives du 6<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;imp&eacute;ratif du &laquo;&nbsp;Manifeste technique de la litt&eacute;rature futuriste<a href="#nbp_1" id="footnoteref1_gjte8ns" name="lien_nbp_1" title="Cf. « 6. – Plus de ponctuation. // Les adjectifs, les adverbes et les locutions conjonctives étant supprimés, la ponctuation s’annule naturellement, dans la continuité variée d’un style vivant qui se crée lui-même, sans les arrêts absurdes des virgules et des points. Pour accentuer certains mouvements et indiquer leurs directions, on emploiera les signes mathématiques x + : * = &gt; &lt;, et les signes musicaux. » À consulter sur le site de Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70679b/f2.image.">1</a>&nbsp;&raquo; (1912). Avant d&rsquo;&eacute;num&eacute;rer les modifications qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;apporter au texte po&eacute;tique, Marinetti sugg&egrave;re dans son propos introductif que la vitesse, qu&rsquo;accompagne une r&eacute;orientation de point de vue<a href="#nbp_2" id="footnoteref2_7j1fmia" name="lien_nbp_2" title="« En regardant les objets d’un nouveau point de vue, non plus de face ou de dos, mais à pic, c’est-à-dire en raccourci, j’ai pu rompre les vieilles entraves logiques et les fils à plomb de l’antique compréhension. », Ibid.">2</a>, appelle un changement radical dans le rapport &agrave; la langue&nbsp;:</p> <p><q>Ce fut en a&eacute;roplane, assis sur le cylindre &agrave; essence, le ventre chauff&eacute; par la t&ecirc;te de l&rsquo;aviateur, que je sentis tout &agrave; coup l&rsquo;inanit&eacute; ridicule de la vieille syntaxe h&eacute;rit&eacute;e de Hom&egrave;re. Besoin furieux de d&eacute;livrer les mots en les tirant du cachot de la p&eacute;riode latine. Elle a naturellement, comme tout imb&eacute;cile, une t&ecirc;te pr&eacute;voyante, un ventre, deux jambes et deux pieds plats, mais n&rsquo;aura jamais deux ailes. De quoi marcher, courir quelques instants et s&rsquo;arr&ecirc;ter presque aussit&ocirc;t en soufflant&nbsp;!...</q></p> <p><q>Voil&agrave; ce que m&rsquo;a dit l&rsquo;h&eacute;lice tourbillonnante, tandis que je filais &agrave; deux cents m&egrave;tres, sur les puissantes chemin&eacute;es milanaises.</q></p> <p>Nous faisons face aujourd&rsquo;hui, comme le d&eacute;montrent &agrave; l&rsquo;envi les travaux du sociologue et philosophe Hartmut Rosa<a href="#nbp_3" id="footnoteref3_qqf9mu9" name="lien_nbp_3" title="Cf. Hartmut Rosa, Aliénation et accélération, vers une théorie critique de la modernité tardive [2010], Paris, La Découverte/Poche, 2012/2014.">3</a>, &agrave; une acc&eacute;l&eacute;ration sans pr&eacute;c&eacute;dent du temps. A-t-elle cependant modifi&eacute; le paradigme red&eacute;fini par Rimbaud &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, ent&eacute;rin&eacute; par Apollinaire une g&eacute;n&eacute;ration plus tard&nbsp;? L&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;h&eacute;lice tourbillonnante&nbsp;&raquo; va, certes, de plus en plus vite, les supports d&rsquo;&eacute;criture se multiplient, l&rsquo;outil num&eacute;rique ouvre un champ exploratoire in&eacute;dit au po&egrave;me, mais la relation qu&rsquo;il entretient avec la langue s&rsquo;est-elle pour autant m&eacute;tamorphos&eacute;e&nbsp;? Ce qui est certain, c&rsquo;est que la r&eacute;orientation du point de vue impliqu&eacute;e par la conscience de la vitesse qui accompagne l&rsquo;advenue de la po&eacute;sie moderne &ndash;&nbsp;d&rsquo;abord &agrave; contrec&oelig;ur&nbsp;: le Baudelaire des &laquo;&nbsp;Tableaux parisiens<a href="#nbp_4" id="footnoteref4_hw6rklk" name="lien_nbp_4" title="Cf. Les premiers vers du « Cygne » : « Andromaque, je pense à vous ! Ce petit fleuve, / Pauvre et triste miroir où jadis resplendit / L’immense majesté de vos douleurs de veuve, / Ce Simoïs menteur qui par vos pleurs grandit, // A fécondé soudain ma mémoire fertile, / Comme je traversais le nouveau Carrousel. / Le vieux Paris n’est plus (la forme d’une ville / Change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel) », Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal [1857/1861], Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1972/1996, p. 125.">4</a>&nbsp;&raquo; et du&nbsp;<em>Spleen de Paris&nbsp;</em>; puis avec ferveur&nbsp;: Rimbaud<a href="#nbp_5" id="footnoteref5_6rf0mdu" name="lien_nbp_5" title="Cf. « Vite ! est-il d’autres vies ? », Arthur Rimbaud, Une saison en enfer [1873], Poésies ; Une saison en enfer ; Illuminations, Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1984, p. 129.">5</a>&nbsp;et Apollinaire<a href="#nbp_6" id="footnoteref6_wgarcen" name="lien_nbp_6" title="Cf. Les premiers vers de « Zone » : « À la fin tu es las de ce monde ancien // Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin // Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine // Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes / La religion seule est restée toute neuve la religion / Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation // Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme / L’Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie X », Guillaume Apollinaire, Alcools [1913], Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1966/1990, p. 7. Pie X donna sa bénédiction à l’aviateur Beaumont, vainqueur en 1911 de la course Paris-Rome (départ de Port-Aviation, premier aérodrome français inauguré en 1909, resté actif jusqu’en 1919). C’est ce geste que salue Apollinaire dans son poème.">6</a>&nbsp;&ndash; installe le po&egrave;me dans un paradoxe qu&rsquo;il continue d&rsquo;habiter&nbsp;: si, en tant que po&egrave;me, soit en tant qu&rsquo;espace singulier de langue (mais aussi en tant que produit culturel), il r&eacute;siste &agrave; la folle acc&eacute;l&eacute;ration contemporaine, il ne saurait pour autant s&rsquo;y soustraire, ses formes &eacute;tant redevables du passage au &laquo;&nbsp;temps mondial&nbsp;&raquo; qu&rsquo;aura favoris&eacute;, &agrave; l&rsquo;articulation des XIX<sup>e&nbsp;</sup>et XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cles, l&rsquo;apparition des nouveaux moyens de transport&nbsp;: train, automobile, avion.</p> <p>Je me propose d&rsquo;interroger ce que l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration du temps mondial caract&eacute;ristique de notre contemporan&eacute;it&eacute; fait au po&egrave;me, &agrave; l&rsquo;&eacute;coute de l&rsquo;&oelig;uvre de Jacques R&eacute;da (1929-). Cette derni&egrave;re pose en effet les termes du d&eacute;bat<a href="#nbp_7" id="footnoteref7_jyp6et4" name="lien_nbp_7" title="L’œuvre de Réda est souvent perçue comme “rétrograde” (du fait, notamment, du recours fréquent au vers métrique). Le choix – en apparence paradoxal – de l’évoquer ici invite à reconsidérer un parcours plus complexe qu’il y paraît.">7</a>&nbsp;en en d&eacute;passant les apparentes apories&nbsp;: vitesse&nbsp;<em>vs</em>. lenteur&nbsp;; temps &laquo;&nbsp;mondial&nbsp;&raquo;&nbsp;<em>vs</em>. temps &laquo;&nbsp;local&nbsp;&raquo; (selon la terminologie de Paul Virilio)&nbsp;; acc&eacute;l&eacute;ration&nbsp;<em>vs</em>. d&eacute;c&eacute;l&eacute;ration&nbsp;; apparition&nbsp;<em>vs</em>. disparition&hellip;. De fait, ses formes po&eacute;tiques ni ne r&eacute;sistent vainement ni ne souscrivent aveugl&eacute;ment &agrave; la vitesse contemporaine&nbsp;; et c&rsquo;est parce qu&rsquo;elles assument un tel positionnement qu&rsquo;elles continuent de nous apprendre &agrave; habiter le monde. Loin de tout manich&eacute;isme, elles nous invitent &agrave; accueillir ce que la vitesse nous r&eacute;v&egrave;le du Rythme<a href="#" id="footnoteref8_jqxpr7z" name="lien_nbp_8" title="L’usage de la majuscule reprend celui qu’en fait l’auteur dans Battement, Montpellier, Fata Morgana, 2009.">8</a>, nous aidant &agrave; am&eacute;nager (au sens heidegg&eacute;rien<a href="#nbp_9" id="footnoteref9_ay2nizb" name="lien_nbp_9" title="Cf. Ce que dit Heidegger de la poésie comme « mesure aménageante » (Vermessung) : « Mais habiter n’a lieu que lorsque la poésie apparaît (sich ereignet) et déploie son être, […]. Elle est elle-même la mesure aménageante […], non pas un simple mesurage au moyen de règles graduées pour des plans à établir. Aussi la poésie n’est-elle pas non plus un bâtir (Bauen), si par bâtir on entend : construire des bâtiments et les munir d’installations. Mais la poésie […] est l’‘‘habiter’’ (Bauen) initial. […].. », Martin Heidegger, « ‘‘…L’homme habite en poète…’’ », dans : Essais et conférences [1954], Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1980/1999, p. 242.">9</a>) le monde de la vitesse (folle) qui est le n&ocirc;tre. Ni d&rsquo;arri&egrave;re- ni d&rsquo;avant-garde, la po&eacute;sie continue ainsi de nous apprendre &agrave; &laquo;&nbsp;nous tenir<a href="#nbp_10" id="footnoteref10_mf2s7ro" name="lien_nbp_10" title="Jacques Réda, « Le prisonnier et ses châteaux (André Frénaud) », Autoportraits, Montpellier, Fata Morgana, 2010, p. 69.">10</a>&nbsp;&raquo;. O&ugrave;&nbsp;? Sur le fil d&rsquo;une langue qui, emport&eacute;e par &laquo;&nbsp;l&rsquo;h&eacute;lice tourbillonnante&nbsp;&raquo;, persiste &agrave; vouloir &laquo;&nbsp;fix[er] des vertiges<a href="#nbp_11" id="footnoteref11_s2xskrw" name="lien_nbp_11" title="« J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges. », Arthur Rimbaud, Une saison en enfer, op. cit., p. 140.">11</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p><strong>&laquo;&nbsp;Se laisser prendre de vitesse par le temps&nbsp;&raquo;</strong></p> <p>La po&eacute;sie convoque davantage, dans nos repr&eacute;sentations, un imaginaire de la lenteur que de la vitesse, le po&egrave;me participant de ce qui r&eacute;siste&nbsp;<em>par essence</em>&nbsp;&agrave; &laquo;&nbsp;la loi de la vitesse en vigueur&nbsp;&raquo; dans le monde contemporain. Il contribue, au m&ecirc;me titre que l&rsquo;apprentissage des langues selon Harald Weinrich, &agrave; &eacute;quilibrer les forces&nbsp;:</p> <p><q>Culture veut dire lenteur, veut dire retard, cela en est la d&eacute;finition la plus g&eacute;n&eacute;rale, la plus valable aussi. C&rsquo;est justement parce qu&rsquo;elle ne se laisse pas imposer la loi de la vitesse en vigueur dans tout le reste de notre Civilisation technique que la Culture est capable de former un contre-poids, un contre-fort, un contre-poison aussi contre l&rsquo;omnipr&eacute;sence de la vitesse dans presque tous les autres domaines de la soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;aujourd&rsquo;hui<a href="#nbp_12" id="footnoteref12_g6d7uhf" name="lien_nbp_12" title="Harald Weinrich, « Les langues, les différences », dans Le Français dans le monde, n° 228, octobre 1989, p. 49-56.">12</a>&nbsp;[...].</q></p> <p>&laquo;&nbsp;Lenteur&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;retard&nbsp;&raquo; sont vertus positives dans la construction patiente d&rsquo;un rapport &agrave; la langue que rien ne saurait acc&eacute;l&eacute;rer, et cette essentielle lenteur constitue en soi un acte de r&eacute;sistance face &agrave; l&rsquo;omnipotente vitesse, dont sont reconnus les b&eacute;n&eacute;fices<a href="#nbp_13" id="footnoteref13_pu6f1yb" name="lien_nbp_13" title="« Car tout ce que nous faisons aujourd’hui, nous autres modernes, nous le faisons vite. La vitesse est devenue notre règle de conduite absolue, et la montre, notre maîtresse. Je ne m’en plains pas, car j’en profite moi-même aussi en bien des occasions. », Ibid.">13</a>&nbsp;mais critiqu&eacute;s les diktats (engendrant &agrave; terme cette &laquo;&nbsp;ali&eacute;nation&nbsp;&raquo; analys&eacute;e par le sociologue). Dans un tout autre contexte, Rilke dressait il y a un si&egrave;cle un constat semblable&nbsp;: le po&egrave;me, pour advenir, requiert du temps s&eacute;diment&eacute;&nbsp;; il est fils de lenteur et de patience. Ainsi le passage c&eacute;l&egrave;bre des<em>&nbsp;Carnets de Malte Laurids Brigge</em>&nbsp;(1910)&nbsp;:</p> <p><q>[&hellip;] [D]es vers signifient si peu de chose quand on les a &eacute;crits jeune&nbsp;! On devrait attendre et butiner toute une vie durant, si possible une longue vie durant&nbsp;; et puis enfin, tr&egrave;s tard, peut-&ecirc;tre saurait-on &eacute;crire les dix lignes qui seraient bonnes. Car les vers ne sont pas, comme certains croient, des sentiments (on les a toujours assez t&ocirc;t), ce sont des exp&eacute;riences. Pour &eacute;crire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d&rsquo;hommes et de choses, il faut conna&icirc;tre les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s&rsquo;ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser &agrave; des chemins dans des r&eacute;gions inconnues, &agrave; des rencontres inattendues, &agrave; des d&eacute;parts que l&rsquo;on voyait longtemps approcher, &agrave; des jours d&rsquo;enfance dont le myst&egrave;re ne s&rsquo;est pas encore &eacute;clairci, &agrave; ses parents qu&rsquo;il fallait qu&rsquo;on froiss&acirc;t lorsqu&rsquo;ils vous apportaient une joie et qu&rsquo;on ne la comprenait pas [&hellip;], &agrave; des maladies d&rsquo;enfance [&hellip;], &agrave; des jours pass&eacute;s dans des chambres calmes et contenues, &agrave; des matins au bord de la mer, &agrave; la mer elle-m&ecirc;me, &agrave; des mers, &agrave; des nuits de voyage [&hellip;] &ndash; et il ne suffit m&ecirc;me pas de savoir penser &agrave; tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d&rsquo;amour, [&hellip;], de cris de femmes hurlant en mal d&rsquo;enfant [&hellip;]. Il faut encore avoir &eacute;t&eacute; aupr&egrave;s de mourants, &ecirc;tre rest&eacute; assis aupr&egrave;s de morts, dans la chambre, [&hellip;]. Et il ne suffit m&ecirc;me pas d&rsquo;avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d&rsquo;attendre qu&rsquo;ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n&rsquo;est que lorsqu&rsquo;ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu&rsquo;ils n&rsquo;ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n&rsquo;est qu&rsquo;alors qu&rsquo;il peut arriver qu&rsquo;en une heure tr&egrave;s rare, du milieu d&rsquo;eux, se l&egrave;ve le premier mot d&rsquo;un vers<a href="#nbp_14" id="footnoteref14_pgl748i" name="lien_nbp_14" title="Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge [1910], Paris, Le Seuil, coll. « Points » (trad. Maurice Betz), 1996, p. 24-26.">14</a>.</q></p> <p>Comment, d&egrave;s lors, parvenir &agrave; concilier exp&eacute;rience po&eacute;tique et vitesse&nbsp;? Quatre-vingts ans plus tard, le po&egrave;te Jacques R&eacute;da confie dans &laquo;&nbsp;Le district des lacs&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <p><q>[T]elle est une des particularit&eacute;s de mon caract&egrave;re, qui co&iuml;ncide peut-&ecirc;tre avec une r&egrave;gle de l&rsquo;art&nbsp;: il me faut en g&eacute;n&eacute;ral beaucoup de temps (quelquefois des ann&eacute;es) pour atteindre et comprendre le sens v&eacute;ritable de ce que j&rsquo;ai observ&eacute;. Comme si rien ne parvenait &agrave; sa plus juste intelligence, &agrave; sa pleine capacit&eacute; d&rsquo;&eacute;motion, qu&rsquo;&agrave; travers des &eacute;paisseurs mentales qui font obstacle mais, en m&ecirc;me temps, op&egrave;rent lentement comme des filtres<a href="#nbp_15" id="footnoteref15_cwab4na" name="lien_nbp_15" title="Jacques Réda, « Le district des lacs », Le Sens de la marche, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1990, p. 68.">15</a>.</q></p> <p>&laquo;&nbsp;[A]ppren[dre] &agrave; voir<a href="#nbp_16" id="footnoteref16_j1uqh6e" name="lien_nbp_16" title="Rainer Maria Rilke, op. cit., p. 13 : « J’apprends à voir. Je ne sais pas pourquoi, tout pénètre en moi plus profondément, et ne demeure pas où, jusqu’ici, cela prenait toujours fin. J’ai un intérieur que j’ignorais. Tout y va désormais. Je ne sais pas ce qui s’y passe. »">16</a>&nbsp;&raquo; n&eacute;cessite une infinie patience, qui s&rsquo;accommode mal de la c&eacute;l&eacute;rit&eacute; exig&eacute;e par nos soci&eacute;t&eacute;s contemporaines. Le Parisien R&eacute;da constate, lors d&rsquo;un d&eacute;placement &laquo;&nbsp;[&agrave;] une trentaine de kilom&egrave;tres des tours de Notre-Dame&nbsp;&raquo;, qu&rsquo;il a brusquement &laquo;&nbsp;chang&eacute; de climat historique et humain&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <p><q>D&rsquo;abord une lenteur g&eacute;n&eacute;rale et comme constitutive, indiquant une disposition d&rsquo;esprit sereine envers le temps, ordinairement trait&eacute; comme un adversaire qu&rsquo;il faut battre sur son terrain. Il en r&eacute;sulte une accumulation de d&eacute;faites qu&rsquo;on ne s&rsquo;avoue pas, mais qui s&rsquo;&eacute;noncent d&rsquo;oblique avec cette rengaine&nbsp;: &laquo;&nbsp;je n&rsquo;ai pas le temps<a href="#nbp_17" id="footnoteref17_lsmldwe" name="lien_nbp_17" title="Cf. Les analyses de Hartmut Rosa concernant la « famine temporelle » contemporaine, Accélération et aliénation, op. cit., p. 25.">17</a>&nbsp;&raquo;. On ira quelque jour plus vite que lui peut-&ecirc;tre, et cependant on ne l&rsquo;<em>aura</em>&nbsp;jamais. Non moins du reste &agrave; ceux qui penseraient l&rsquo;avoir il &eacute;chappe<a href="#nbp_18" id="footnoteref18_c12yfc2" name="lien_nbp_18" title="Jacques Réda, Un voyage aux sources de la Seine, Montpellier, Fata Morgana, 1987, p. 23.">18</a>.</q></p> <p>Le po&egrave;te ne se prive pourtant pas, alors que la pluie commence &agrave; tomber, &laquo;&nbsp;au lieu de [s]e jeter vers un abri&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;de vouloir battre l&rsquo;orage de vitesse&nbsp;&raquo;. Il fanfaronne&nbsp;: &laquo;&nbsp;D&egrave;s le premier tiers en v&eacute;rit&eacute; assez palpitant de cette course, je vis que j&rsquo;avais gagn&eacute;<a href="#nbp_19" id="footnoteref19_5zl4kcf" name="lien_nbp_19" title=" Ibid., p. 62.">19</a>.&nbsp;&raquo; L&rsquo;humour de la remarque trahit cependant une v&eacute;rit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;mod&eacute;r&eacute;ment v&eacute;loce<a href="#nbp_20" id="footnoteref20_2xj5pz6" name="lien_nbp_20" title=" Ibid., p. 58.">20</a>&nbsp;&raquo;, le cyclomoteur dont l&rsquo;allure &laquo;&nbsp;modeste&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;d&eacute;passe rarement les 35 &agrave; l&rsquo;heure en terrain plat<a href="#nbp_21" id="footnoteref21_7o9y8l6" name="lien_nbp_21" title=" Ibid., p. 56.">21</a>&nbsp;&raquo; transforme la vitesse toute relative de la &laquo;&nbsp;monture<a href="#nbp_22" id="footnoteref22_4n65e47" name="lien_nbp_22" title=" Ibid., p. 59.">22</a>&nbsp;&raquo; en ivresse, ce dont t&eacute;moignent les premi&egrave;res pages de la relation&nbsp;:</p> <p><q>Bien que des plus modestes, la vitesse en tout cas r&eacute;guli&egrave;re du d&eacute;placement [&hellip;] favorise cette impression comparable &agrave; celle d&rsquo;une ivresse. Laquelle, comme toute ivresse, procure longtemps le d&eacute;sir d&rsquo;&ecirc;tre ivre de plus en plus, soutient la r&eacute;sistance morale et physique &eacute;tonnante dont on fait preuve, ainsi install&eacute; sur une selle qui tr&eacute;pide des heures durant<a href="#nbp_23" id="footnoteref23_tfqhda7" name="lien_nbp_23" title=" Ibid., p. 13-14.">23</a>.</q></p> <p>Le point de vue rejoint celui de Marinetti &laquo;&nbsp;assis sur le cylindre &agrave; essence&nbsp;&raquo; d&rsquo;un avion, contemplant d&rsquo;en haut les chemin&eacute;es milanaises&nbsp;; car &agrave; l&rsquo;allure modeste mais assur&eacute;e du v&eacute;losolex faisant tressauter son &laquo;&nbsp;cavalie[r<a href="#nbp_24" id="footnoteref24_4e567gh" name="lien_nbp_24" title=" Ibid., p. 59.">24</a>]&nbsp;&raquo; s&rsquo;adjoint la possibilit&eacute;, gr&acirc;ce au &laquo;&nbsp;troisi&egrave;me &oelig;il&nbsp;&raquo; du r&eacute;troviseur ainsi qu&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;&agrave; la mobilit&eacute; du regard qu&rsquo;il &eacute;duque&nbsp;&raquo;, d&rsquo;atteindre &agrave; une vision &laquo;&nbsp;kal&eacute;idoscopique<a href="#nbp_25" id="footnoteref25_sdfr4gb" name="lien_nbp_25" title=" Ibid., p. 13.">25</a>&nbsp;&raquo;. Dans les deux cas, gr&acirc;ce &agrave; un moyen de locomotion ne requ&eacute;rant aucun effort physique (&laquo;&nbsp;je reproche &agrave; la bicyclette d&rsquo;exiger des efforts nuisibles &agrave; la contemplation, si menac&eacute;e qu&rsquo;elle soit par l&rsquo;attention requise sur un engin plus rapide<a href="#nbp_26" id="footnoteref26_bofoaph" name="lien_nbp_26" title=" Ibid., p. 57.">26</a>&nbsp;&raquo;), le contemplateur recompose incessamment sa vision, des fragments du monde d&eacute;filant en une danse infinie sous ses yeux&nbsp;<em>ivres de voir<a href="#nbp_27" id="footnoteref27_k7nyijq" name="lien_nbp_27" title=" Cf. Paul Claudel dans « L’entrée de la terre », poème en prose de Connaissance de l’Est [1900], Paris, Gallimard, « Poésie », 1974, p. 51 : « Car, perpétuel piéton, juge sagace de la longueur des ombres je ne perds rien de l’auguste cérémonie de la journée : ivre de voir, je comprends tout. »">27</a>.</em></p> <p>Aussi le po&egrave;te est-il conduit &agrave; composer avec une double certitude&nbsp;&ndash;&nbsp;en apparence contradictoire&nbsp;: d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, apprendre &agrave; voir prend du temps&nbsp;; de l&rsquo;autre, la vitesse apprend &agrave; voir. Il n&rsquo;y a donc pas lieu de choisir l&rsquo;une (la lenteur) au d&eacute;triment de l&rsquo;autre (la vitesse), mais d&rsquo;accueillir l&rsquo;ivresse d&rsquo;un voir que seule accorde la vitesse, et simultan&eacute;ment d&rsquo;accepter que ce qui s&rsquo;y joue n&rsquo;acc&egrave;de pleinement &agrave; la conscience de la langue qu&rsquo;&agrave; travers des &eacute;paisseurs de temps. La remarque du po&egrave;te qui reconna&icirc;t ne prendre que peu de notes sur le motif<a href="#nbp_28" id="footnoteref28_fybmpqk" name="lien_nbp_28" title=" Le poète relit mal, ultérieurement, les « rares notes » qu’il prend, car « [s]on harnachement » ainsi que « l’état second où [l]e jette le spectacle d’une nature encore un peu sauvage, ne permettent pas la mise à jour régulière d’un carnet ». Il ne « griffonne » en effet que quelques « notes elliptiques » ou « vagues croquis », Jacques Réda, Un voyage aux sources de la Seine, op. cit., p. 55 et p. 72.">28</a>&nbsp;s&rsquo;en trouve justifi&eacute;e&nbsp;: s&rsquo;il s&rsquo;av&egrave;re compliqu&eacute; d&rsquo;&eacute;crire assis sur une selle tr&eacute;pidante ou un cylindre &agrave; essence, la contrainte de reporter&nbsp;<em>&agrave; plus tard</em>&nbsp;l&rsquo;&eacute;criture accorde le temps n&eacute;cessaire &agrave; la d&eacute;cantation de l&rsquo;exp&eacute;rience.</p> <p>Chez certains (Rimbaud, Cendrars<a href="#nbp_29" id="footnoteref29_dbezp3z" name="lien_nbp_29" title=" Cendrars dit l’urgence de rattraper par l’écriture le temps vécu qui l’entraîne, bien qu’il avoue ne pas vouloir s’en défendre. Il confie : « [C]ette expérience même, qui fait la matière de mes livres, m’empêche le plus souvent de les écrire, soit que je n’en ai pas le loisir, soit que je trouve que ce que je vais raconter a par trop de retard sur ce que je viens de vivre […], soit que le temps que je mets à faire un livre m’assomme ». Ce n’est que pris par de « soudains scrupules littéraires » qu’il court s’enfermer, « faisant aller [s]a plume ou tapant à tour de bras sur [s]a machine à écrire pour en finir au plus vite avec cette triste corvée d’écrire », Blaise Cendrars, La Vie dangereuse, Paris, Denoël, 1960.">29</a>, ou notre contemporain Andr&eacute; Velter<a href="#nbp_30" id="footnoteref30_i7m1r3d" name="lien_nbp_30" title=" Dans la préface qu’il donne au livre d’André Velter Passage en force (Mont-de-Marsan, Les Écrits des Forges, 1994, p. 7-8), Bernard Noël forge le néologisme « vitesse velter ».">30</a>), vivre vite et intens&eacute;ment acc&eacute;l&egrave;re le processus&nbsp;:&nbsp;<em>&eacute;crire</em>, d&egrave;s lors,&nbsp;<em>ne se fait pas attendre</em>. Comme ces trois-l&agrave;, infatigable marcheur et arpenteur de mondes, R&eacute;da cependant n&rsquo;entretient pas le m&ecirc;me rapport &agrave; la vitesse&nbsp;: l&rsquo;allure &laquo;&nbsp;mod&eacute;r&eacute;ment v&eacute;loce&nbsp;&raquo; de ses trajectoires choisit pr&eacute;f&eacute;rentiellement de proches &laquo;&nbsp;territoires d&rsquo;empire<a href="#nbp_31" id="footnoteref31_pj723g1" name="lien_nbp_31" title=" Jacques Réda, « Tout le monde sait », Les Ruines de Paris [1977], Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1993, p. 96.">31</a>&nbsp;&raquo; pour s&rsquo;exercer&nbsp;: Paris, les provinces fran&ccedil;aises, l&rsquo;Europe. La vitesse mod&eacute;r&eacute;e de ses d&eacute;placements ne s&rsquo;accorde gu&egrave;re &agrave; une exploration des lointains&nbsp;: les deux po&egrave;mes &eacute;ponymes du recueil de 1999,&nbsp;<em>La Course</em>, d&eacute;montrent que &laquo;&nbsp;l&rsquo;allure et l&rsquo;&eacute;lan [retrouv&eacute;s] de la course<a href="#nbp_32" id="footnoteref32_aixg263" name="lien_nbp_32" title="[1] Jacques Réda, « La course (2) », La Course (nouvelles poésies itinérantes et familières 1993-1999), Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1999, p. 139.">32</a>&nbsp;&raquo; sont avant tout ceux du marcheur parisien foulant d&rsquo;un bon pas &laquo;&nbsp;l&rsquo;asphalte incandescent<a href="#nbp_33" id="footnoteref33_o84jm0h" name="lien_nbp_33" title=" Ibid., p. 138.">33</a>&nbsp;&raquo;, qui sait que jamais il ne &laquo;&nbsp;batt[ra] de vitesse la nuit / Qui tombe<a href="#nbp_34" id="footnoteref34_yx2h4u4" name="lien_nbp_34" title=" Ibid., p. 140.">34</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Or si la vitesse est chez R&eacute;da &laquo;&nbsp;modeste&nbsp;&raquo;, il ne s&rsquo;agit pas pour autant d&rsquo;&eacute;riger la lenteur en valeur absolue&nbsp;: l&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;&eacute;loge de la lenteur&nbsp;&raquo; des&nbsp;<em>Recommandations aux promeneurs</em>&nbsp;(1988<a href="#nbp_35" id="footnoteref35_xcsxlcg" name="lien_nbp_35" title=" Jacques Réda, « Éloge modéré de la lenteur », Recommandations aux promeneurs, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1988, p. 85-94.">35</a>) est express&eacute;ment qualifi&eacute; de &laquo;&nbsp;mod&eacute;r&eacute;&nbsp;&raquo;&nbsp;; vitesse et lenteur n&rsquo;ont pas &agrave; &ecirc;tre pens&eacute;es sur un mode exclusif&nbsp;: importent relativit&eacute; et compl&eacute;mentarit&eacute; des allures. Une fable du&nbsp;<em>Sens de la marche&nbsp;</em>met en sc&egrave;ne &laquo;&nbsp;[u]n blaireau, tamponn&eacute; par une automobile&nbsp;&raquo; qui regrette le temps o&ugrave; il &laquo;&nbsp;trott[ait]&nbsp;&raquo; pour tuer les &laquo;&nbsp;imprudents pris par la fl&acirc;nerie<a href="#nbp_36" id="footnoteref36_jqrzqfc" name="lien_nbp_36" title=" Jacques Réda, Le Sens de la marche, op. cit., p. 20.">36</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;: faut-il aller toujours plus vite que les autres pour ne pas mourir victime de leur vitesse<a href="#nbp_37" id="footnoteref37_j7p5xgk" name="lien_nbp_37" title=" Cf. Ce que rapporte Réda quant à Follain : « [L]e nez en l’air sur un trottoir d’où je l’empêchais de descendre, il me confia sa haine pour toutes ces criminelles voitures qui obligent à faire attention. Or, disait-il, l’attention tue la flânerie, et en définitive une persévérance enfantine et lyrique dans la flânerie l’aura tué. », « Dimanche matin », Les Ruines de Paris, op. cit., p. 68.">37</a>&nbsp;? Aller lentement, serait-ce p&eacute;cher&nbsp;? Et &laquo;&nbsp;trotter&nbsp;&raquo;, est-ce aller vite (relativement aux fl&acirc;neurs) ou lentement (relativement &agrave; la voiture)&nbsp;? Si la fable rejoue une distinction fr&eacute;quente chez R&eacute;da<a href="#nbp_38" id="footnoteref38_0piprte" name="lien_nbp_38" title=" Paul Virilio constate que « l’annihilation du temps et de l’espace par les hautes vitesses substitue la vastitude du vide à celle de l’exotisme du voyage », Esthétique de la disparition [1980/1989] Paris, Le Livre de Poche, coll. « biblio essais », 1994, p. 122.">38</a>, qui voit s&rsquo;opposer &laquo;&nbsp;le vieil univers du voyage&nbsp;&raquo; &agrave; celui de &laquo;&nbsp;la moderne circulation<a href="#nbp_39" id="footnoteref39_d30har6" name="lien_nbp_39" title=" Jacques Réda, Châteaux des courants d’air, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1986, p. 111.">39</a>&nbsp;&raquo;, de la &laquo;&nbsp;promenade dont l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t tient en entier dans l&rsquo;intervalle&nbsp;&raquo; au &laquo;&nbsp;voyage d&rsquo;obligation&nbsp;&raquo; dont &laquo;&nbsp;&agrave; peine parti on se dit&nbsp;: je voudrais y &ecirc;tre, et m&ecirc;me&nbsp;: j&rsquo;aimerais en &ecirc;tre d&eacute;j&agrave; revenu<a href="#nbp_40" id="footnoteref40_zzrzmj6" name="lien_nbp_40" title=" Jacques Réda, « Éloge modéré de la lenteur », op. cit., p. 85. Hartmut Rosa analyse en termes socio-philosophiques cette « aliénation par rapport au temps » et ce qu’il appelle « le motif bref/bref » de l’expérience temporelle contemporaine aux p. 127-132 de Aliénation et accélération, op. cit.">40</a>&nbsp;&raquo;, elle n&rsquo;en met pas moins en sc&egrave;ne trois allures distinctes&nbsp;&ndash;&nbsp;qu&rsquo;il importe de&nbsp;<em>mettre en &oelig;uvre</em>. Certes, ainsi que l&rsquo;expose &laquo;&nbsp;Les mains vides&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Nous ne voulions pas aller aussi loin aussi vite, / il aurait fallu prendre le temps<a href="#nbp_41" id="footnoteref41_91xr00t" name="lien_nbp_41" title=" Jacques Réda, « Les mains vides », Retour au calme, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1989, p. 25.">41</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;; n&eacute;anmoins, nous avons &eacute;t&eacute; heureux d&rsquo;aller vite, emport&eacute;s par ce &laquo;&nbsp;camionneur ivre<a href="#nbp_42" id="footnoteref42_1ak2cow" name="lien_nbp_42" title=" Ibid.">42</a>&nbsp;&raquo; qu&rsquo;est le temps, &laquo;&nbsp;par l&rsquo;aspiration de l&rsquo;air et de la vitesse<a href="#nbp_43" id="footnoteref43_2my2iqy" name="lien_nbp_43" title=" Jacques Réda, « La grande côte », Ponts flottants, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 2006, p. 142.">43</a>&nbsp;&raquo;. Car &laquo;&nbsp;on aura beau s&rsquo;indigner contre la fr&eacute;n&eacute;sie de la vitesse. La v&eacute;rit&eacute;, c&rsquo;est qu&rsquo;on ne peut pas faire autrement. L&rsquo;impatience est dans notre nature<a href="#nbp_44" id="footnoteref44_zynxsuy" name="lien_nbp_44" title=" Jacques Réda, « Éloge modéré de la lenteur », op. cit., p. 87.">44</a>.&nbsp;&raquo; Et le po&egrave;te d&rsquo;ajouter dans son &laquo;&nbsp;&Eacute;loge mod&eacute;r&eacute; de la lenteur&nbsp;&raquo; qui s&rsquo;av&egrave;re tout autant un &eacute;loge mod&eacute;r&eacute; de la vitesse&nbsp;: &laquo;&nbsp;On ne serait pas homme si l&rsquo;on ne c&eacute;dait pas quelque peu &agrave; cet antique vertige<a href="#nbp_45" id="footnoteref45_6m9zlwh" name="lien_nbp_45" title=" Ibid., p. 89.">45</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Aussi ne s&rsquo;agit-il pas de choisir une allure&nbsp;<em>contre</em>&nbsp;l&rsquo;autre, mais de conjuguer harmonieusement les trois &laquo;&nbsp;ivresses&nbsp;&raquo; que sont &laquo;&nbsp;immobilit&eacute;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;lenteur&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;vitesse<a href="#nbp_46" id="footnoteref46_xq1feiu" name="lien_nbp_46" title=" Ibid.">46</a>&nbsp;&raquo;. Aux vertiges non consentis, le po&egrave;me substitue ainsi la conjugaison d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;ivresses&nbsp;&raquo; entretenues et d&eacute;sir&eacute;es, dans l&rsquo;ivresse d&rsquo;un voir qui (se) joue de toutes les allures pour se confier, heureux, au &laquo;&nbsp;mouvement qui toujours nous emporte<a href="#nbp_47" id="footnoteref47_ankpmzi" name="lien_nbp_47" title=" Ibid.">47</a>&nbsp;&raquo;. Or cette conjugaison se traduit de multiples fa&ccedil;ons en texte, le vers comme la prose ne cessant de faire &laquo;&nbsp;syncoper<a href="#nbp_48" id="footnoteref48_qakyktd" name="lien_nbp_48" title=" Le terme n’est pas anodin : critique de jazz, Réda consacre de longs développements à la question de la syncope et du swing – autrement dit au phénomène du « Battement ».">48</a>&nbsp;&raquo; la langue&nbsp;: m&eacute;lange des genres&nbsp;; usage des parenth&egrave;ses et des tirets&nbsp;; art de la digression&nbsp;; battement du&nbsp;<em>e</em>&nbsp;muet&nbsp;; &eacute;lasticit&eacute; m&eacute;trique&nbsp;; d&eacute;calage entre la c&eacute;sure et la syntaxe&hellip;, l&rsquo;enjeu de ces modulations &eacute;tant la mise en place d&rsquo;un&nbsp;<em>suspens</em>&nbsp;&eacute;quivalent &agrave; un maintien du vertige. Ce faisant, le po&egrave;me cherche &agrave; fonder un espace qui&nbsp;<em>figure</em>&nbsp;ce &laquo;&nbsp;nulle-part<a href="#nbp_49" id="footnoteref49_q2u6zz4" name="lien_nbp_49" title=" « La fatigue est un bon moteur pour propulser dans le nulle-part un plus-personne […]. », Jacques Réda, « Fugue », Démêlés, poèmes 2003-2007, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 2010, p. 112.">49</a>&nbsp;&raquo; en lequel la fatigue finit par propulser le marcheur, port&eacute; par le &laquo;&nbsp;vieux vertige<a href="#nbp_50" id="footnoteref50_q56yzgc" name="lien_nbp_50" title=" Jacques Réda, « Une lettre de Vaugirard », Châteaux des courants d’air, op. cit., p. 28.">50</a>&nbsp;&raquo; d&eacute;ambulatoire qu&rsquo;il n&rsquo;a de cesse de provoquer. Le po&egrave;te devient alors ce &laquo;&nbsp;plus-personne&nbsp;&raquo; dont le po&egrave;me &laquo;&nbsp;R&eacute;citatif&nbsp;&raquo; (1975) accompagne l&rsquo;advenue&nbsp;:</p> <p><q>quelqu&rsquo;un doucement en chemin vers le plus-personne dit je</q></p> <p><q>laisse tomber laisse peser laisse flotter mourir</q></p> <p><q>la pluie petite les montagnes les arbres et les nuages&nbsp;;</q></p> <p><q>or ici l&agrave; partout quelqu&rsquo;un a march&eacute; attendu tirant</q></p> <p><q>un fil invisible du vide en mouvement de sa pr&eacute;sence<a href="#nbp_51" id="footnoteref51_4259qam" name="lien_nbp_51" title=" Jacques Réda, « Récitatif, II », Récitatif [1970], Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1988, p. 134.">51</a></q></p> <p>Dire &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; donne paradoxalement acc&egrave;s &agrave; un &laquo;&nbsp;plus-personne&nbsp;&raquo;, de m&ecirc;me que la d&eacute;ambulation finit par ne plus conduire &laquo;&nbsp;nulle-part&nbsp;&raquo; et se r&eacute;soudre en suspens. Ce dernier, en lequel se conjuguent immobilit&eacute;, lenteur et vitesse, est ce que cherche &agrave; &laquo;&nbsp;toucher&nbsp;&raquo; le po&egrave;me r&eacute;dien. &laquo;&nbsp;Non, je sais&nbsp;: je ne vais pas lentement&nbsp;&raquo;, confesse&nbsp;<em>in fine</em>&nbsp;le po&egrave;te dans son &laquo;&nbsp;&Eacute;loge&nbsp;&raquo;. Pour reconna&icirc;tre&nbsp;:</p> <p><q>Je d&eacute;rive, je fl&acirc;ne, j&rsquo;acc&eacute;l&egrave;re, je contourne, j&rsquo;emprunte des raccourcis qui m&rsquo;&eacute;garent et font durer le plaisir. Contrairement &agrave; ceux qui un jour prendront le temps de vitesse, et se retrouveront spectateurs ahuris de leur pass&eacute;, j&rsquo;essaye, en louvoyant, de me laisser prendre de vitesse par le temps<a href="#nbp_52" id="footnoteref52_adxg2bc" name="lien_nbp_52" title=" Jacques Réda, « Éloge modéré de la lenteur », op. cit., p. 93.">52</a>.</q></p> <p>D&eacute;rive rimbaldienne et fl&acirc;nerie baudelairienne en viennent &agrave; se confondre, au b&eacute;n&eacute;fice d&rsquo;une &laquo;&nbsp;po&eacute;tique du d&eacute;tour&nbsp;&raquo; dont les ruses stylistiques, m&eacute;triques, prosodiques, rythmiques&hellip; &oelig;uvrent de concert &agrave; provoquer les effets de suspens. Or ce qui appartient en propre &agrave; R&eacute;da&nbsp;&ndash;&nbsp;lorsqu&rsquo;il consent &agrave; abandonner la b&eacute;quille ronronnante du vers m&eacute;trique&nbsp;&ndash;&nbsp;est la ductilit&eacute; dans le m&eacute;lange formel &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur d&rsquo;un m&ecirc;me texte, moderne &laquo;&nbsp;prosim&eacute;trie&nbsp;&raquo; que Michel Sandras commentait dans un article de 2001 de&nbsp;<em>Po&eacute;tique<a href="#nbp_53" id="footnoteref53_tg7bgo3" name="lien_nbp_53" title=" Michel Sandras, « Jacques Réda et le prosimètre moderne », dans : Poétique, Paris, Le Seuil, n° 125, février 2001, p. 51-61.">53</a>, dont j&rsquo;ai poursuivi les analyses<a href="#nbp_54" id="footnoteref54_8hlzwr1" name="lien_nbp_54" title="[1] On se reportera à « Les mots, la marche, la musique », introduction à Jacques Réda, à pied d’œuvre (Paris, Champion, coll. « Poétiques et esthétiques xx-xxie siècles », 2015, p. 11-25) et à l’étude « Jacques Réda : l’imminence et l’extravagance de danser », dans les actes du colloque organisé à l’Université Nice Côte d’Azur en octobre 2017, Articuler danse et poème : enjeux contemporains, Béatrice Bonhomme, Alice Godfroy et Régis Lefort éd., Paris, L’Harmattan, coll. « Thyrse », n° 13, p. 103-130.">54</a>&nbsp;&agrave; la lueur de textes post&eacute;rieurs, telle la &laquo;&nbsp;Fugue&nbsp;&raquo; de&nbsp;<em>D&eacute;m&ecirc;l&eacute;s</em>&nbsp;(2010) ou&nbsp;<em>Prose et rimes de l&rsquo;amour menti</em>&nbsp;(2013). Je ne reconduirai donc pas l&rsquo;&eacute;tude de ce &laquo;&nbsp;troisi&egrave;me terme&nbsp;&raquo; qui, ni prose ni vers&nbsp;&ndash;&nbsp;mieux&nbsp;:&nbsp;<em>et</em>&nbsp;prose&nbsp;<em>et</em>&nbsp;vers&nbsp;&ndash;, suspend le vers/la prose dans une sorte de&nbsp;<em>no man&rsquo;s land</em>&nbsp;formel qui n&rsquo;est pas loin de donner le vertige au lecteur, pour donner &agrave; lire le pur geste du mouvoir, en lequel se confondent folle vitesse et excessive lenteur.</em></p> <p><strong>&laquo;&nbsp;Au rythme du wagon brutal, suavement&nbsp;&raquo;</strong></p> <p>Changeons de moyen de transport (titre d&rsquo;un opuscule paru en 2000 comme d&rsquo;un article ancien sur Cingria<a href="#nbp_55" id="footnoteref55_l5lfc23" name="lien_nbp_55" title=" Jacques Réda, « Charles-Albert Cingria – Moyens de transport », La Sauvette, Lagrasse, Verdier, 1995, p. 41-43.">55</a>) en troquant la marche &agrave; pied et le cyclomoteur pour le train, afin de confronter &agrave; la grande vitesse la r&eacute;flexion du po&egrave;te&nbsp;&ndash;&nbsp;<em>&ecirc;tre ferroviaire</em>&nbsp;s&rsquo;il en est<a href="#nbp_56" id="footnoteref56_pox38kk" name="lien_nbp_56" title=" Je renvoie à la section « Basse ambulante » des Ruines de Paris (op. cit.) ; à l’ouvrage P.L.M. et autres textes (Cognac, Le temps qu’il fait, 1982 ; texte repris dans L’Herbe des talus, section « Ballasts », Paris, Gallimard, coll. « Le chemin », 1984) ; au collectif Chemin de fer de Petite Ceinture de Paris : 1851-1981, photographies de Pierre Pitrou et Bernard Tardien, textes de Jacques Réda et Marc Soriano (Périgueux, Pierre Fanlac, 1982 ; texte repris sous le titre « La Petite Ceinture » dans Gares et trains) ; au volume Gares et trains, photographies de Marc Riboud, textes de Jacques Réda, (Paris, ACE éditeur, coll. « Le Piéton de Paris », 1983 ; textes repris dans Châteaux des courants d’air, section « Les Terminus »).">56</a>. Je sugg&egrave;re que s&rsquo;articulent id&eacute;alement dans ce mode de transport les trois &laquo;&nbsp;ivresses&nbsp;&raquo; mentionn&eacute;es, la (tr&egrave;s) grande vitesse<a href="#nbp_57" id="footnoteref57_5asbzbg" name="lien_nbp_57" title=" Réda est contemporain de la révolution du TGV : il est donc témoin du passage du « tortillard » et des « lignes dites d’intérêt local » (« Éloge modéré de la lenteur », op. cit., p. 86) au TGV.">57</a>&nbsp;ferroviaire (seule) en offrant la possibilit&eacute;. De fait, elle&nbsp;<em>donne une vue</em>&nbsp;au po&egrave;te&nbsp;: celui-l&agrave; qui a vu ce que donne &agrave; voir la vitesse, qui a compris que le &laquo;&nbsp;cadre des porti&egrave;res&nbsp;&raquo; offrait le monde en rythme, qui sait qu&rsquo;il peut jouir de la vitesse en &eacute;tant au repos, recevoir le dehors en cultivant son int&eacute;riorit&eacute;, continue &agrave; en &ecirc;tre habit&eacute; bien apr&egrave;s qu&rsquo;il a quitt&eacute; le coin-fen&ecirc;tre de son compartiment<em>.</em>&nbsp;Verlaine, le premier, en a salu&eacute; l&rsquo;exp&eacute;rience&nbsp;:</p> <p><q>Le paysage dans le cadre des porti&egrave;res</q></p> <p><q>Court furieusement, et des plaines enti&egrave;res</q></p> <p><q>Avec de l&rsquo;eau, des bl&eacute;s, des arbres et du ciel</q></p> <p><q>Vont s&rsquo;engouffrant parmi le tourbillon cruel</q></p> <p><q>O&ugrave; tombent les poteaux minces du t&eacute;l&eacute;graphe</q></p> <p><q>Dont les fils ont l&rsquo;allure &eacute;trange d&rsquo;un paraphe.</q></p> <p>&nbsp;</p> <p><q>Une odeur de charbon qui br&ucirc;le et d&rsquo;eau qui bout,</q></p> <p><q>Tout le bruit que feraient mille cha&icirc;nes au bout</q></p> <p><q>Desquelles hurleraient mille g&eacute;ants qu&rsquo;on fouette&nbsp;;</q></p> <p><q>Et tout &agrave; coup des cris prolong&eacute;s de chouette.</q></p> <p><q>&ndash;&nbsp;Que me fait tout cela, puisque j&rsquo;ai dans les yeux</q></p> <p><q>La blanche vision qui fait mon c&oelig;ur joyeux,</q></p> <p><q>Puisque la douce voix pour moi murmure encore,</q></p> <p><q>Puisque le Nom si beau, si noble et si sonore</q></p> <p><q>Se m&ecirc;le, pur pivot de tout ce tournoiement,</q></p> <p><q>Au rythme du wagon brutal, suavement<a href="#nbp_58" id="footnoteref58_r3c721j" name="lien_nbp_58" title=" Paul Verlaine, « Le paysage dans le cadre des portières », La Bonne chanson [1870], La Bonne Chanson ; Jadis et naguère ; Parallèlement, Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1979/1999, p. 32-33.">58</a>.</q></p> <p>Je ne proposerai pas d&rsquo;analyse comparative entre ce po&egrave;me &laquo;&nbsp;historique&nbsp;&raquo; quant &agrave; la &laquo;&nbsp;po&eacute;sie du rail&nbsp;&raquo; et les textes que R&eacute;da consacre aux d&eacute;placements ferroviaires&nbsp;: je me contente de souligner la commune &laquo;&nbsp;triple mise en rythme&nbsp;&raquo; d&rsquo;un paysage dont la verticalit&eacute; (les poteaux qui d&eacute;filent) scande l&rsquo;horizontalit&eacute; (le monde qui court de part et d&rsquo;autre des rails) au b&eacute;n&eacute;fice d&rsquo;un &laquo;&nbsp;tourbillon&nbsp;&raquo;, d&rsquo;un &laquo;&nbsp;tournoiement&nbsp;&raquo; dont le voyageur (corps, m&eacute;moire et imagination confondus), constitue le pivot central. Or &ecirc;tre sensible &agrave; cette mise en branle du monde, c&rsquo;est &eacute;crire (&agrave; l&rsquo;infini) un po&egrave;me&nbsp;&ndash;&nbsp;Verlaine ne compare pas innocemment les poteaux &agrave; des paraphes. Notons au demeurant que cette &laquo;&nbsp;vision panoramique&nbsp;&raquo;, dont nous avons r&eacute;cemment appris la technique, remarque Hartmut Rosa, qui consiste &agrave; &laquo;&nbsp;fixer [son] regard non pas sur le quai mais bien plus loin&nbsp;&raquo;, nous a permis d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;appr&eacute;ci[er] [le voyage] &agrave; grande vitesse<a href="#nbp_59" id="footnoteref59_ro4nyya" name="lien_nbp_59" title=" Hartmut Rosa, Aliénation et accélération, op. cit., p. 95.">59</a>&nbsp;&raquo;. Regarder un paysage d&eacute;filant dans le &laquo;&nbsp;cadre des porti&egrave;res&nbsp;&raquo;, l&rsquo;&ecirc;tre humain install&eacute; dans une machine lanc&eacute;e &agrave; grande vitesse, est une donn&eacute;e fondamentale de notre Modernit&eacute;. Paul Virilio constate dans&nbsp;<em>Esth&eacute;tique de la disparition&nbsp;</em>:</p> <p><q>Voir d&eacute;filer un paysage par la porti&egrave;re du wagon ou de l&rsquo;auto, ou regarder l&rsquo;&eacute;cran de cin&eacute;ma ou d&rsquo;ordinateur comme on regarde par une porti&egrave;re, &agrave; moins que le wagon ou la carlingue ne devienne &agrave; son tour salle de projection&hellip; chemin de fer, auto, jet, t&eacute;l&eacute;phone, t&eacute;l&eacute;vision&hellip; notre vie tout enti&egrave;re passe par les proth&egrave;ses de voyages acc&eacute;l&eacute;r&eacute;s dont nous ne sommes m&ecirc;me plus conscients<a href="#nbp_60" id="footnoteref60_n4z2z2l" name="lien_nbp_60" title=" Paul Virilio, Esthétique de la disparition, op. cit., p. 67-68.">60</a>&hellip;</q></p> <p>Je crois cependant que&nbsp;&ndash;&nbsp;modestement&nbsp;&ndash;&nbsp;le po&egrave;me est susceptible de&nbsp;<em>relever</em>&nbsp;cette &laquo;&nbsp;annihilation du temps et de l&rsquo;espace<a href="#nbp_61" id="footnoteref61_k7qzw75" name="lien_nbp_61" title=" Ibid.">61</a>&nbsp;&raquo;, pour transformer l&rsquo;inconscience en exp&eacute;rience, la vitesse en le&ccedil;on de regard et en travail sur la langue, voire, en termes benjaminiens, l&rsquo;<em>Erlebnis</em>&nbsp;(les &laquo;&nbsp;&eacute;pisodes d&rsquo;exp&eacute;rience&nbsp;&raquo;) en&nbsp;<em>Erfahrung</em>&nbsp;(&laquo;&nbsp;les exp&eacute;riences qui laissent une trace, qui sont connect&eacute;es, ou en relation pertinente, avec notre identit&eacute; et notre histoire&nbsp;; les exp&eacute;riences qui atteignent ou transforment ceux que nous sommes<a href="#nbp_62" id="footnoteref62_khb7arb" name="lien_nbp_62" title=" L’opposition entre ces deux types d’expérience est rappelée par Hartmut Rosa aux p. 131-132 de Aliénation et accélération, op. cit.">62</a>&nbsp;&raquo;). Afin d&rsquo;&eacute;tayer cette affirmation, je m&rsquo;appuierai sur deux textes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le sens de la marche&nbsp;&raquo;, prose &eacute;ponyme constituant l&rsquo;ultime chapitre du recueil de 1990<a href="#nbp_63" id="footnoteref63_hx4h4fk" name="lien_nbp_63" title=" Jacques Réda, « Le sens de la marche », Le Sens de la marche, op. cit., p. 187-211.">63</a>&nbsp;; &laquo;&nbsp;Prose du TGV&nbsp;&raquo;, compos&eacute;e de trois parties num&eacute;rot&eacute;es ouvrant la cinqui&egrave;me section de&nbsp;<em>Ponts flottants</em>&nbsp;(2006)<a href="#nbp_64" id="footnoteref64_wsmab42" name="lien_nbp_64" title=" Jacques Réda, « Prose du TGV 1, 2 &amp; 3 », Ponts flottants, op. cit., p. 109-119.">64</a>. Les titres, que seize ann&eacute;es s&eacute;parent, sont explicites, &eacute;voquant ce qui se joue, pour le voyageur-po&egrave;te, d&rsquo;un rapport au monde in-form&eacute; par sa situation, &agrave; la fois immobile et mouvante, dans un espace travers&eacute; &agrave; tr&egrave;s grande vitesse. Regardons en quoi cette exp&eacute;rience commune est susceptible d&rsquo;alimenter une pratique po&eacute;tique, de travailler un regard en m&ecirc;me temps qu&rsquo;un rapport &agrave; la langue.</p> <p>&laquo;&nbsp;Le sens de la marche&nbsp;&raquo; relate le voyage paradoxal d&rsquo;un narrateur qui se rend &agrave; Versailles en RER&nbsp;: &laquo;&nbsp;paradoxal&nbsp;&raquo; car sa destination, qui &laquo;&nbsp;peut sembler une apoth&eacute;ose de l&rsquo;immobile<a href="#nbp_65" id="footnoteref65_ukcfxob" name="lien_nbp_65" title=" Jacques Réda, « Le sens de la marche », op. cit., p. 189.">65</a>&nbsp;&raquo;, ne sera pas atteinte&nbsp;: la rame prise &agrave; la station Javel s&rsquo;arr&ecirc;te inopin&eacute;ment Boulevard-Victor, abandonnant ses voyageurs sur un quai o&ugrave; plus aucun train pour Versailles ne passera ce jour-l&agrave;. Mais le bref trajet fournit au po&egrave;te l&rsquo;occasion de m&eacute;diter le cadeau que fait au corps-voyant la vitesse ferroviaire&nbsp;; et son interruption r&eacute;v&egrave;le que la le&ccedil;on a &eacute;t&eacute; entendue&nbsp;: celle du Rythme, dans la mise en tension d&rsquo;un corps regardant avec le paysage travers&eacute;. Car le vertige se poursuit, dans le corps du voyageur d&eacute;sormais &agrave; quai comme dans la langue qui le dit&nbsp;: le texte de R&eacute;da n&rsquo;est en effet jamais aussi &lsquo;juste&rsquo; que lorsqu&rsquo;il s&rsquo;efforce &agrave; traduire les vertiges du Rythme, en lesquels se conjuguent immobilit&eacute;, lenteur et vitesse (&laquo;&nbsp;mise en tension&nbsp;&raquo; du temps), mais encore horizontale, verticale et spirale (&laquo;&nbsp;mise en tension&nbsp;&raquo; de l&rsquo;espace).</p> <p>Je livre deux passages&nbsp;&ndash;&nbsp;dans le premier, le voyageur s&rsquo;installe dans le compartiment, avant de faire l&rsquo;&eacute;preuve de la vitesse puis de la contemplation&nbsp;; dans le second, il se retrouve &agrave; quai, et c&rsquo;est alors son regard qui met en branle le paysage, son corps devenant le moyeu de l&rsquo;espace et du temps confondus&nbsp;:</p> <p><q>[1] [&hellip;] On choisit donc soigneusement son coin, contre une fen&ecirc;tre, et dans le sens contraire de la marche, comme il convient. Car il n&rsquo;y a pas de meilleur moyen de consid&eacute;rer le paysage qui, s&rsquo;il arrive de face, a tendance &agrave; nous bousculer, &agrave; se r&eacute;emballer tout de suite, comme si c&rsquo;&eacute;tait lui qui se d&eacute;pla&ccedil;ait &agrave; toute allure et nous fuyait. Dans l&rsquo;autre sens il s&rsquo;&eacute;tale, se d&eacute;ploie, s&rsquo;attarde et nous laisse savourer la r&eacute;alit&eacute; de notre mouvement. Je ne vois qu&rsquo;une entorse acceptable &agrave; ce principe [&hellip;], et seuls la l&eacute;gitiment certains autorails &agrave; cabine sur&eacute;lev&eacute;e, m&eacute;nageant aux deux bouts du v&eacute;hicule un vitrage accessible aux voyageurs. Si le principe &eacute;nonc&eacute; nous assigne le vitrage arri&egrave;re, on y peut d&eacute;roger en faveur du vitrage avant, afin de se donner l&rsquo;impression qu&rsquo;on m&egrave;ne l&rsquo;engin soi-m&ecirc;me &agrave; travers un &eacute;tourdissant carrousel de cat&eacute;naires, poteaux de toutes sortes, ponts, passerelles, aiguillages. Et l&rsquo;on se jette contre ces poteaux qui ex&eacute;cutent un saut de c&ocirc;t&eacute; &agrave; la derni&egrave;re seconde, on fonce au-devant de ces aiguillages qui nous rattrapent in extremis dans l&rsquo;improbable continuit&eacute; de la voie, avec un brusque effet de bascule de droite et de gauche, centrifugeur. Puis se pr&eacute;sente une large courbe o&ugrave; l&rsquo;on penche le long d&rsquo;une rivi&egrave;re dont, bient&ocirc;t, on se demande si, au m&eacute;pris des lois naturelles, ce n&rsquo;est pas elle qui coule inclin&eacute;e &agrave; quarante degr&eacute;s sans qu&rsquo;une goutte de son eau d&eacute;borde. Et aussit&ocirc;t apr&egrave;s on s&rsquo;engouffre avec un coup de corne modul&eacute; sur deux tons, &eacute;pique, dans un boyau, dans un tunnel qui serait l&rsquo;entr&eacute;e de l&rsquo;enfer [&hellip;]. Enfin une droite &agrave; perte de vue,&nbsp;<em>et la pure ivresse de filer sur les rails parall&egrave;les qui vont se rejoindre &agrave; l&rsquo;infini que signale un peuplier</em>, le toit d&rsquo;une gare&nbsp;: la vitesse la dilue comme une gicl&eacute;e d&rsquo;eau sur une gouache toute fra&icirc;che, avec sa sonnette arrach&eacute;e au passage et dont le vent &eacute;parpille les perles. Pour se reposer, se livrer &agrave; une contemplation en quoi consiste l&rsquo;attrait v&eacute;ritable du train, l&rsquo;enseignement et les agr&eacute;ments qu&rsquo;on en tire,&nbsp;<em>il faut s&rsquo;arracher &agrave; ce vertige&nbsp;</em>et se rendre &agrave; l&rsquo;autre bout de l&rsquo;autorail. L&agrave;, par une baie identique &agrave; la pr&eacute;c&eacute;dente (on ne cesse jamais tout &agrave; fait de penser &agrave; la capacit&eacute; merveilleuse que cet engin poss&egrave;de, d&rsquo;inverser d&rsquo;un seul coup radicalement le sens de sa progression), on s&rsquo;abandonnera aux paisibles m&eacute;tamorphoses du paysage.</q></p> <p><q>[&hellip;] [Le paysage] se red&eacute;ploie, apr&egrave;s une sorte de saut qu&rsquo;il accomplit par-dessus les wagons. Et en se red&eacute;ployant il s&rsquo;ordonne, faisant bien mieux sentir la logique architecturale de ses plans. Enfin, m&ecirc;me si l&rsquo;on admet qu&rsquo;il s&rsquo;&eacute;chappe, cette disparition progressive s&rsquo;accompagne d&rsquo;un intarissable renouvellement. Ce dont on fend le courant comme d&rsquo;un fleuve, c&rsquo;est la profusion merveilleuse du monde qui ruisselle sans autre berge que l&rsquo;horizon, et le ciel lui-m&ecirc;me se d&eacute;verse en cascade impalpable toujours neuve, formant le toit toujours ouvert de cette immense demeure mouvante qui s&rsquo;&eacute;largit<a href="#nbp_66" id="footnoteref66_b37nbjz" name="lien_nbp_66" title=" Ibid., p. 196-198. Je souligne.">66</a>. [&hellip;]</q></p> <p><q>[2] [&hellip;] Je suis ici. Ici, c&rsquo;est donc le point central actuel de mon existence,&nbsp;<em>l&rsquo;exact milieu de tout dans un univers &agrave; &eacute;norme circularit&eacute; variable&nbsp;</em>o&ugrave; n&rsquo;importe qui, n&rsquo;importe o&ugrave;, est fond&eacute; &agrave; penser de m&ecirc;me. [&hellip;] Et alors o&ugrave; je suis je me plais et j&rsquo;observe. Et ce que j&rsquo;observe est d&rsquo;une absolue et f&eacute;conde sobri&eacute;t&eacute; de formes, de lignes, de contrastes, de couleurs. D&rsquo;abord le double jet luisant des rails assujettis sur de gros madriers. [&hellip;]. Tiges, poutres, &eacute;clisses, boulons d&rsquo;un volume et d&rsquo;un poids qui remplissent d&rsquo;aise, [&hellip;] comme si l&rsquo;on &eacute;tait l&rsquo;homme qui fondit et soupesa le premier lingot de fer [&hellip;] &eacute;pousent eux-m&ecirc;mes avec force le sol rembourr&eacute; d&rsquo;un &eacute;pais matelas de cailloux lourds, [&hellip;] dont, en ce qui me concerne, la vue provoque tout de suite une r&eacute;action auditive. J&rsquo;entends comme ils s&rsquo;entre-croquent sous le pied quand on arpente une voie ferr&eacute;e, et ce bruit de gravier cyclop&eacute;en r&eacute;sume &agrave; la fois leur essence et ce que de l&rsquo;essence de l&rsquo;&ecirc;tre qui les foule ils font surgir&nbsp;:&nbsp;<em>la progression lente mais obstin&eacute;e et continue dans un paysage qui bascule de droite et de gauche</em>&nbsp;(car on n&rsquo;avance, en somme, que par faux pas), et le soleil est une double flamme courant en avant sur les rails [&hellip;]</q></p> <p><q>[&hellip;] Pour moi ma destination est atteinte. &Agrave; travers le lacis des fils, je m&rsquo;&eacute;l&egrave;ve vers la r&eacute;gion lumineuse o&ugrave;, comme une roue tournant autour de son axe inflexible, les nuages, les heures, les trains, la vie passent et ne passent pas<a href="#nbp_67" id="footnoteref67_ehwox4a" name="lien_nbp_67" title=" Ibid., p. 206-207 et p. 211.">67</a>.</q></p> <p>On remarque que l&rsquo;&laquo;&nbsp;ivresse&nbsp;&raquo; d&rsquo;aller droit devant, &agrave; folle allure vers l&rsquo;horizon en glissant sur des &laquo;&nbsp;rails parall&egrave;les&nbsp;&raquo;, se rep&egrave;re &agrave; la verticalit&eacute; d&rsquo;un &laquo;&nbsp;peuplier&nbsp;&raquo;, au loin, tandis que tangue &laquo;&nbsp;de droite et de gauche&nbsp;&raquo; la machine centrifuge, digne d&rsquo;un &laquo;&nbsp;carrousel&nbsp;&raquo; (horizontale, verticale, spirale). Or &agrave; ce &laquo;&nbsp;vertige&nbsp;&raquo; il faut s&rsquo;arracher, afin de m&eacute;diter &laquo;&nbsp;l&rsquo;enseignement&nbsp;&raquo; du train&nbsp;; en inversant alors &laquo;&nbsp;le sens de sa progression&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;Comme le vers repart et tourne dans la strophe, / En prenant pour pivot la rime sans raison<a href="#nbp_68" id="footnoteref68_luylbwo" name="lien_nbp_68" title=" Jacques Réda, « L’Incorrigible », L’Incorrigible, poésies itinérantes et familières (1988-1992), Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1995, p. 105.">68</a>&nbsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo;), soit en s&rsquo;installant dans le sens inverse de la marche, on s&rsquo;abandonne au mouvement du monde, &agrave; l&rsquo;infinie reconduction de ses merveilles&nbsp;: la terre y devient ce fleuve dont on &laquo;&nbsp;fend le courant&nbsp;&raquo; (horizontale), le ciel une cascade (verticale) inondant un regard d&eacute;sormais entr&eacute; en po&eacute;sie. Que fait en effet ce double mouvement, compl&eacute;mentaire autant que contradictoire (le corps regardant dans un sens, puis dans l&rsquo;autre&nbsp;; vibrant, puis m&eacute;ditant&nbsp;; dedans, dehors)&nbsp;? Il &eacute;crit un po&egrave;me, dont il livre le fonctionnement&nbsp;: soit quels mouvements, le traversant, l&rsquo;animent.</p> <p>Or cette joie d&rsquo;un corps qui&nbsp;<em>habite et m&eacute;dite la vitesse</em>&nbsp;ne quitte pas le narrateur &agrave; sa descente de train&nbsp;: il se sait d&eacute;sormais capable d&rsquo;habiter le monde, n&rsquo;importe o&ugrave;, &laquo;&nbsp;ici&nbsp;&raquo;, sur ce quai de gare&nbsp;; il sait qu&rsquo;autour de lui, de l&rsquo;axe rotatif dont il est le centre provisoire, le monde ne cesse de bouger, et que sa propre mise en route, aussi &laquo;&nbsp;lente&nbsp;&raquo; soit-elle, contribue &agrave; chaque pas &agrave; rythmer un monde qui ne cesse de se mouvoir. Sa progression &agrave; l&rsquo;horizontale, que contrebalance la syncope d&rsquo;un paysage &laquo;&nbsp;qui bascule de droite et de gauche&nbsp;&raquo; autour de lui, le conduit&nbsp;<em>in fine</em>&nbsp;&agrave; &laquo;&nbsp;[s]&rsquo;&eacute;lever&nbsp;&raquo;. Cette triple &laquo;&nbsp;mise en rythme&nbsp;&raquo; de l&rsquo;espace est la&nbsp;<em>le&ccedil;on du train pass&eacute;e dans le po&egrave;me</em>&nbsp;o&ugrave;, &laquo;&nbsp;&agrave; travers le lacis des fils [=&nbsp;<em>des vers</em>]&nbsp;&raquo;, le temps &laquo;&nbsp;pass[e] et ne pass[e] pas&nbsp;&raquo;.</p> <p>&laquo;&nbsp;Prose du TGV&nbsp;&raquo; reconduit &agrave; l&rsquo;initiale la mise en rythme du paysage&nbsp;:</p> <p><q>Des deux c&ocirc;t&eacute;s de la voie qui file sans une courbe dans l&rsquo;extase de la vitesse, le pays se pose &agrave; plat.[&hellip;]</q></p> <p><q>Puis le cordon s&rsquo;amenuise, &eacute;tire un fil bient&ocirc;t r&eacute;duit &agrave; une persistance th&eacute;orique, et<em>&nbsp;il n&rsquo;y a plus de limite au d&eacute;sir d&rsquo;horizontalit&eacute;.</em>[&hellip;]</q></p> <p><q>Un mouvement unique harmonise&nbsp;<em>les rotations qui simultan&eacute;ment vident l&rsquo;espace, le remplissent</em>, prenant pour axe une de ces fermes dont le bloc condense de place en place une id&eacute;e d&rsquo;horizon<a href="#nbp_69" id="footnoteref69_5qd2f4k" name="lien_nbp_69" title=" Jacques Réda, « Prose du TGV 1 », Ponts flottants, op. cit., p. 109 et p. 110. Je souligne.">69</a>.</q></p> <p>De m&ecirc;me s&rsquo;articulent, gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience de la tr&egrave;s grande vitesse, mouvement et immobilit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Bien &eacute;tabli dans le silence et la r&eacute;gularit&eacute; de sa vitesse, le d&eacute;placement fuit sous une bulle o&ugrave; l&rsquo;on croit ne plus bouger<a href="#nbp_70" id="footnoteref70_kooyo9x" name="lien_nbp_70" title=" Ibid.">70</a>.&nbsp;&raquo; Ce qui cependant diff&egrave;re est le travail de la prose &eacute;pousant le d&eacute;fil&eacute; du paysage sous la forme de brefs paragraphes<a href="#nbp_71" id="footnoteref71_semlzqf" name="lien_nbp_71" title=" Tous les paragraphes sont marqués par un alinéa.">71</a>, syst&eacute;matiquement r&eacute;duits dans la premi&egrave;re partie &agrave; une seule (courte) phrase. La houle du paysage, &laquo;&nbsp;qui simultan&eacute;ment vid[e] [et] rempli[t]&nbsp;&raquo; un espace goul&ucirc;ment aval&eacute; par le regard, g&eacute;n&egrave;re une prose elle-m&ecirc;me houleuse, proche du verset&nbsp;&ndash;&nbsp;le lecteur a l&rsquo;impression de lire des vers plus que de la prose. La le&ccedil;on claud&eacute;lienne a &eacute;t&eacute; entendue<a href="#nbp_72" id="footnoteref72_ik9a6jz" name="lien_nbp_72" title=" Je me permets de renvoyer à deux chapitres de Jacques Réda, à pied d’œuvre, op. cit. : « “Pétrir l’insurrection des formes” : Claudel, Réda » (p. 197-210) et « La mesure d’une ville : Claudel, Réda » (p. 377-392).">72</a>, que m&eacute;dite R&eacute;da dans un des textes qu&rsquo;il consacre au &laquo;&nbsp;po&egrave;te terrestre, terrien&nbsp;&raquo; dont la prose &laquo;&nbsp;supporte la houle du relief et des rythmes&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <p><q>[T]out paysage constitue en soi un ensemble de signes lisibles [&hellip;]. R&eacute;ciproquement, sa prose [<em>celle de Claudel</em>] consistante et d&eacute;lectable s&rsquo;ordonne &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;un paysage, non seulement contempl&eacute; mais en quelque sorte absorb&eacute; par les cinq sens et le cerveau<a href="#nbp_73" id="footnoteref73_4mo7aq6" name="lien_nbp_73" title=" Jacques Réda, « Paul Claudel : un con ? », La Sauvette, op. cit., p. 44-45.">73</a>.</q></p> <p>Or la prose r&eacute;dienne, &eacute;pousant les syncopes d&rsquo;un regard captiv&eacute; par la &laquo;&nbsp;vision panoramique&nbsp;&raquo;, s&rsquo;abandonne au verset d&egrave;s la partie suivante. En m&ecirc;me temps qu&rsquo;elle s&rsquo;allonge comme pour faire justice au &laquo;&nbsp;d&eacute;sir [illimit&eacute;] d&rsquo;horizontalit&eacute;&nbsp;&raquo; du paysage qui s&rsquo;&eacute;tire au-devant, mais simultan&eacute;ment happe perpendiculairement le regard en direction de sites tour &agrave; tour imagin&eacute;s, tour &agrave; tour abandonn&eacute;s, elle s&rsquo;autorise la syncope&nbsp;:</p> <p><q>Grisaille. Grisaille qui s&rsquo;entrepose &agrave; l&rsquo;horizon en longs bancs d&rsquo;ardoise dont profite pour rutiler la tuile terne de rares fermes isol&eacute;es entre de rares villages, celles-ci d&rsquo;une forte structure de citadelle &agrave; saillants et redans brefs, abrupts, autour de cours o&ugrave; la volaille p&acirc;ture entre les hautes pattes de tracteurs jaune d&rsquo;&oelig;uf et sous le pare-chocs de limousines &eacute;clabouss&eacute;es de boue beige, parce qu&rsquo;elles servent &agrave; ramener les vaches par des chemins d&rsquo;orni&egrave;res &agrave; flaques o&ugrave; elles concassent du ciel&nbsp;; ceux-l&agrave;,</q></p> <p><q>les villages</q></p> <p><q>(mais j&rsquo;ouvre une parenth&egrave;se [&hellip;]),</q></p> <p><q>les villages, eux,</q></p> <p><q>restent imp&eacute;n&eacute;trables au regard du fait de leur position en l&eacute;g&egrave;re altitude le long des cr&ecirc;tes qui, presque &agrave; la perpendiculaire, s&rsquo;&eacute;cartent d&rsquo;un chapelet de coteaux bois&eacute;s bas et sur lesquelles, vert&eacute;bralement soud&eacute;s, ils &eacute;tirent une seule rue entre le plus haut bout d&rsquo;o&ugrave; pointe un clocher et la retomb&eacute;e sur la jonction de quatre trap&egrave;zes formant le toit brun d&rsquo;une grosse maison de ma&icirc;tre dont le perron, flanqu&eacute; d&rsquo;urnes, fait s&rsquo;exclamer avec une insistance fun&eacute;raire deux ifs<a href="#nbp_74" id="footnoteref74_h6oxhq8" name="lien_nbp_74" title=" Jacques Réda, « Prose du TGV 2 », op. cit., p. 114-115. Chaque retour à la ligne est marqué par un alinéa.">74</a></q>.</p> <p>Le paysage que traverse un homme &laquo;&nbsp;dans cet ici mouvant d&rsquo;un train qui roule &agrave; 250 &agrave; l&rsquo;heure<a href="#nbp_75" id="footnoteref75_psbpqhg" name="lien_nbp_75" title=" Ibid., p. 115.">75</a>&nbsp;&raquo; court-circuite raisons spatiale autant que temporelle&nbsp;: le narrateur a &laquo;&nbsp;depuis toujours&nbsp;&raquo; v&eacute;cu, et ce &laquo;&nbsp;de mani&egrave;re simultan&eacute;e&nbsp;&raquo;, dans &laquo;&nbsp;chacun de ces villages diff&eacute;rents&nbsp;&raquo;, et il lui semble &laquo;&nbsp;y vivre encore<a href="#nbp_76" id="footnoteref76_e8w05op" name="lien_nbp_76" title=" Ibid. La thématique est récurrente dans l’œuvre : « Un instant, un très court instant car le train va très vite, / un instant on s’arrête en esprit dans cette maison, / et toujours en esprit pendant un instant on l’habite, / mais c’est un instant aussi long et profond que toute une vie […] », Jacques Réda, « Or et noir », Moyens de transport, op. cit., p. 20.">76</a>&nbsp;&raquo;. Il r&eacute;alise ainsi par son regard le r&ecirc;ve humain d&rsquo;ubiquit&eacute; qui &eacute;tait &laquo;&nbsp;jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent r&eacute;serv&eacute; aux contes de f&eacute;es&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;se transporter d&rsquo;un seul coup par la seule pens&eacute;e&nbsp;&ndash;&nbsp;ou le seul d&eacute;sir&nbsp;&ndash;&nbsp;&agrave; l&rsquo;endroit o&ugrave; il a besoin de se rendre<a href="#nbp_77" id="footnoteref77_h2yqs1m" name="lien_nbp_77" title=" Jacques Réda, « Éloge modéré de la lenteur », op. cit., p. 87.">77</a>&nbsp;&raquo;. Car la vision panoramique qu&rsquo;offre le train &agrave; grande vitesse joue de la double dimension informant tout po&egrave;me, notamment versifi&eacute;&nbsp;: continuit&eacute; et rupture. &laquo;&nbsp;Prose du TGV&nbsp;&raquo;&nbsp;&ndash;&nbsp;l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; g&eacute;nitive &eacute;tant essentielle, qui attribue au moyen de transport la capacit&eacute; &agrave; &eacute;crire&nbsp;&ndash;&nbsp;<em>apprend au po&egrave;te le po&egrave;me&nbsp;</em>: de m&ecirc;me que la grande vitesse est le revers de l&rsquo;immobilit&eacute;, que le sens de la marche peut &ecirc;tre r&eacute;versible, que le regard panoramique embrasse des fragments du monde, aller de l&rsquo;avant (la prose&nbsp;:&nbsp;<em>prorsa oratio</em>) s&rsquo;accompagne de syncopes qui fondent le rythme par retour, renversement, &eacute;cart (le vers/et).&nbsp;<em>Le po&egrave;me</em>&nbsp;<em>autorise la r&eacute;versibilit&eacute; du regard</em>&nbsp;&ndash;&nbsp;parce que l&rsquo;on ne peut pas ne pas se retourner (Orph&eacute;e). D&egrave;s lors, le monde en ses assises est susceptible de s&rsquo;inverser&nbsp;: &laquo;&nbsp;Que ne vivons-nous &agrave; l&rsquo;envers, pr&eacute;lass&eacute;s sur le ciel qui prendrait alors &agrave; la terre son tr&eacute;sor de couleurs, plus riches que les nuances pourtant in&eacute;puisablement diverses du gris et du bleu<a href="#nbp_78" id="footnoteref78_b1xa77l" name="lien_nbp_78" title=" Jacques Réda, « Prose du TGV 3 », op. cit., p. 118.">78</a>&nbsp;?&nbsp;&raquo; C&rsquo;est la le&ccedil;on de po&eacute;sie de la troisi&egrave;me partie de la &laquo;&nbsp;Prose&nbsp;&raquo;.</p> <p>Le troisi&egrave;me recueil de Jacques R&eacute;da a pour titre&nbsp;<em>La Tourne</em>&nbsp;(1975), et trahit l&rsquo;essentiel d&rsquo;une exp&eacute;rience po&eacute;tique&nbsp;:&nbsp;<em>la po&eacute;sie tourne</em>. Elle (nous) fait des tours, invite &agrave; ce d&eacute;tour constitutif du&nbsp;<em>logos</em>&nbsp;po&eacute;tique&nbsp;: &laquo;&nbsp;[I]l y a dans la po&eacute;sie ce mouvement, qui doit &ecirc;tre tr&egrave;s ferme, accomplissant en avant ou m&ecirc;me en arri&egrave;re de ce qu&rsquo;on appelle ordre et d&eacute;sordre, un &eacute;clatant ou au contraire imperceptible et humble mais n&eacute;cessaire&nbsp;<em>d&eacute;tour<a href="#nbp_79" id="footnoteref79_u2igskc" name="lien_nbp_79" title=" Jacques Réda, « Le grand muet, 2 », Celle qui vient à pas légers, op. cit., p. 75.">79</a>.&nbsp;&raquo; Deleuze &eacute;crit aux premi&egrave;res pages de&nbsp;<em>Critique et clinique&nbsp;</em>: &laquo;&nbsp;La langue se doit d&rsquo;atteindre &agrave; des d&eacute;tours f&eacute;minins, animaux, mol&eacute;culaires, et tout d&eacute;tour est un devenir mortel. Il n&rsquo;y a pas de ligne droite, ni dans les choses ni dans le langage. La syntaxe est l&rsquo;ensemble des d&eacute;tours n&eacute;cessaires chaque fois cr&eacute;&eacute;s pour r&eacute;v&eacute;ler la vie dans les choses<a href="#nbp_80" id="footnoteref80_t923mz6" name="lien_nbp_80" title=" Gilles Deleuze, « La littérature et la vie », Critique et clinique, Paris, Les éditions de Minuit, 1993, p. 12.">80</a>.&nbsp;&raquo; Or le d&eacute;tour transforme la vitesse en suspens&nbsp;; faisant tourner la prose, il&nbsp;<em>m&eacute;tamorphose l&rsquo;&eacute;lan en Figure</em>&nbsp;&ndash;&nbsp;une Figure qui ne prend sens que dans l&rsquo;abandon sans cesse reconduit au mouvement qui emporte. Ce faisant, la &laquo;&nbsp;tourne&nbsp;&raquo; s&rsquo;accompagne de la prise de conscience du ph&eacute;nom&egrave;ne du &laquo;&nbsp;Battement&nbsp;&raquo;&hellip; dont &laquo;&nbsp;le tocotoc est le mode ferroviaire<a href="#nbp_81" id="footnoteref81_to9imrj" name="lien_nbp_81" title=" Jacques Réda, Battement, op. cit., p. 42.">81</a>&nbsp;&raquo;, pr&eacute;cise R&eacute;da. L&rsquo;enjeu est de penser le tiret entre &laquo;&nbsp;<em>Est-n&rsquo;est pas</em>&nbsp;&raquo; comme une &laquo;&nbsp;liaison-bascule [&hellip;] qui syncope et place cette mesure &agrave; deux temps sous le r&eacute;gime du ternaire&nbsp;&raquo;<a href="#nbp_82" id="footnoteref82_3o9u7qn" name="lien_nbp_82" title=" Ibid., p. 30.">82</a>. D&egrave;s lors&nbsp;:</em></p> <p><q>Il n&rsquo;y a plus de moment qui en pr&eacute;c&egrave;de un autre ou qui le suit&nbsp;: chacun se situe &agrave; la fois dans l&rsquo;avant et l&rsquo;apr&egrave;s qui permutent, et le mouvement ininterrompu s&rsquo;&eacute;quilibre comme les deux plateaux d&rsquo;une balance o&ugrave; les m&ecirc;mes poids, alternativement d&eacute;lest&eacute;s de l&rsquo;impond&eacute;rable de l&rsquo;&eacute;change, paraissent ne plus devoir s&rsquo;arr&ecirc;ter de monter, descendre, flotter sur la houle du temps qui cependant les entra&icirc;ne<a href="#nbp_83" id="footnoteref83_3t17837" name="lien_nbp_83" title=" Ibid., p. 39.">83</a>.</q></p> <p>L&rsquo;exp&eacute;rience de la tr&egrave;s grande vitesse ferroviaire confirme ainsi une exp&eacute;rience essentielle, que pointe d&egrave;s longtemps le po&egrave;te&nbsp;: &laquo;&nbsp;il y a, il n&rsquo;y a pas<a href="#nbp_84" id="footnoteref84_hgdamid" name="lien_nbp_84" title=" Jacques Réda, « L’appareil absolu », Celle qui vient à pas légers, op. cit., p. 30.">84</a>&nbsp;&raquo;. &Agrave; un mouvement d&rsquo;apparition-disparition v&eacute;cu, pour la modernit&eacute; tardive<a href="#nbp_85" id="footnoteref85_9gej0zk" name="lien_nbp_85" title=" Pour une approche de la « modernité tardive », je renvoie aux travaux de Hartmut Rosa.">85</a>, sur le mode angoissant de la destruction, r&eacute;pond l&rsquo;exp&eacute;rience fondamentale, jouissive, po&eacute;tique, du Rythme&nbsp;: perte, absence, manque, douleur sont susceptibles de cr&eacute;er les conditions d&rsquo;une pr&eacute;sence heureuse au monde d&egrave;s lors qu&rsquo;ils ouvrent l&rsquo;<em>Erlebnis</em>&nbsp;&agrave; l&rsquo;<em>Erfahrung</em>, soit cr&eacute;ent, par l&rsquo;&eacute;nergie du Rythme inversant le rapport temps fort-temps faible en quoi se reconna&icirc;t la syncope, la possibilit&eacute;&nbsp;&ndash;&nbsp;si mince soit-elle&nbsp;&ndash;&nbsp;d&rsquo;une vie non ali&eacute;n&eacute;e. C&rsquo;est toute l&rsquo;histoire du jazz&nbsp;:</p> <p><q>Eh bien l&agrave; tout de suite sur le tas, tas de ballots ou de traverses, au ras du han de l&rsquo;effort d&eacute;composant la cadence et en remettant le paquet, une esp&egrave;ce de contre-berceuse pour ne pas s&rsquo;endormir&nbsp;;</q></p> <p><q>ou bien apr&egrave;s le chantier et la nuit m&ecirc;me, quand plut&ocirc;t qu&rsquo;au sommeil furtivement subi par bribes comme des mules, parodiant l&rsquo;arrogance des ma&icirc;tres et la gr&acirc;ce des crinolines, pi&eacute;tinant &agrave; en baver de l&rsquo;&eacute;cume sous la lune dans le sang des coqs &eacute;gorg&eacute;s, ils offraient leur fatigue en p&acirc;ture &agrave; l&rsquo;&eacute;nergie de leurs dieux perdus,</q></p> <p><q>&agrave; la consolation de Celui qui s&rsquo;&eacute;tait coltin&eacute; son lot jusqu&rsquo;au champ sans coton de la derni&egrave;re pause verticale, l&rsquo;esp&egrave;ce de N&egrave;gre-Juif vir&eacute; du temple o&ugrave; l&rsquo;on sait comment le monde doit tourner depuis Abraham et Mo&iuml;se. [&hellip;]</q></p> <p><q>Bien peu ont discern&eacute; le moment o&ugrave;, prenant pour levier l&rsquo;outil m&ecirc;me de la servitude, les hommes du coton et du rail ont, &agrave; la cadence marqu&eacute;e par le fer des pioches, le bois des galoches, impos&eacute; la culbute &eacute;mancipatrice qui nous r&eacute;accorde au battement<a href="#nbp_86" id="footnoteref86_3pg3p2h" name="lien_nbp_86" title=" Ibid., p. 43.">86</a>.</q></p> <p>Or la syncope qui transforme la &laquo;&nbsp;cadenc[e] caporalisatric[e<a href="#nbp_87" id="footnoteref87_nbr2bke" name="lien_nbp_87" title=" Jacques Réda, « Fugue », op. cit., p. 114.">87</a>]&nbsp;&raquo; en&nbsp;<em>swing</em>&nbsp;&laquo;&nbsp;r&eacute;alise une sorte de suspens en progr&egrave;s<a href="#nbp_88" id="footnoteref88_9ggkfdr" name="lien_nbp_88" title=" Ibid., p. 74.">88</a>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;suspens dynamique<a href="#nbp_89" id="footnoteref89_zlyclg4" name="lien_nbp_89" title=" Ibid., p. 76.">89</a>&nbsp;&raquo; qui &laquo;&nbsp;ex&eacute;cute la figure de danse fondamentale<a href="#nbp_90" id="footnoteref90_9o9bz4x" name="lien_nbp_90" title=" Ibid., p. 69.">90</a>&nbsp;&raquo;. Cette &laquo;&nbsp;ivresse<a href="#nbp_91" id="footnoteref91_zoesht3" name="lien_nbp_91" title=" Ibid., p. 70-71.">91</a>&nbsp;&raquo; de la danse est au fondement d&rsquo;une mise en branle cr&eacute;atrice du monde. &laquo;&nbsp;L&rsquo;Un danse<a href="#nbp_92" id="footnoteref92_sqhzmnp" name="lien_nbp_92" title=" Ibid., p. 31.">92</a>&nbsp;&raquo;, affirme le po&egrave;te&nbsp;; car &laquo;&nbsp;[l]e temps nous danse, mais nous avons appris &agrave; danser le temps<a href="#nbp_93" id="footnoteref93_059zirk" name="lien_nbp_93" title=" Ibid., p. 38.">93</a>&nbsp;&raquo;. Le philosophe ne dit pas autre chose que le po&egrave;te&nbsp;: &laquo;&nbsp;Danser, c&rsquo;est, &agrave; la lettre,&nbsp;<em>tuer le temps</em>&nbsp;en l&rsquo;ab&icirc;mant dans le corps<a href="#nbp_94" id="footnoteref94_yp9s5nn" name="lien_nbp_94" title=" Michel Guérin, « Danser », Philosophie du geste, essai philosophique [1995], Arles, Actes sud, nouvelle édition augmentée 2011, p. 75.">94</a>.&nbsp;&raquo; Rimbaud le formulait d&eacute;j&agrave;, juste avant d&rsquo;en appeler &agrave; la vitesse&nbsp;&ndash;&nbsp;&laquo;&nbsp;Vite&nbsp;! est-il d&rsquo;autres vies&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <p><q>Connais-je encore la nature&nbsp;? me connais-je&nbsp;?&nbsp;&ndash;&nbsp;<em>Plus de mots</em>. J&rsquo;ensevelis les morts dans mon ventre. Cris, tambour, danse, danse, danse, danse&nbsp;! Je ne vois m&ecirc;me pas l&rsquo;heure o&ugrave;, les blancs d&eacute;barquant, je tomberai au n&eacute;ant.</q></p> <p><q>Faim, soif, cris, danse, danse, danse, danse&nbsp;!<a href="#nbp_95" id="footnoteref95_huxcbx4" name="lien_nbp_95" title=" Arthur Rimbaud, Une saison en enfer, op. cit., p. 129. On lit encore dans les Illuminations : « J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse. », « Phrases », Illuminations, op. cit., p. 168.">95</a></q></p> <p><q><strong>Conclusion</strong></q></p> <p>Le recueil&nbsp;<em>Battement</em>&nbsp;comme le po&egrave;me &laquo;&nbsp;Fugue&nbsp;&raquo;, dont il constitue le pendant r&eacute;flexif<a href="#nbp_96" id="footnoteref96_586qbom" name="lien_nbp_96" title=" Cf. Jacques Réda, « Note disjointe », Battement, op. cit., p. 58.">96</a>, s&rsquo;attardent sur cette question de la danse, qui n&rsquo;est rien d&rsquo;autre que le geste fondamental consistant &agrave;&nbsp;<em>syncoper le temps</em>&nbsp;et &agrave;&nbsp;<em>tourner l&rsquo;espace</em>&nbsp;pour que, le monde entrant dans le corps,&nbsp;<em>s&rsquo;&eacute;labore la Figure</em>, non comprise comme &laquo;&nbsp;forme-id&eacute;e, premi&egrave;re et d&eacute;finitive&nbsp;&raquo;, mais en tant que &laquo;&nbsp;force d&eacute;formante et la reformation qui s&rsquo;ensuit<a href="#nbp_97" id="footnoteref97_n4ymtyi" name="lien_nbp_97" title=" Michel Guérin, L’Espace plastique, Bruxelles, La Part de l’œil, 2008, p. 11.">97</a>&nbsp;&raquo;. Battement et tourne confondus dessinent alors le chiffre d&rsquo;une pr&eacute;sence au monde qui r&eacute;siste &laquo;&nbsp;&agrave; la pression d&rsquo;un rythme sans cesse accru<a href="#nbp_98" id="footnoteref98_kzszywo" name="lien_nbp_98" title=" Hartmut Rosa, quatrième de couverture de Aliénation et accélération, op. cit.">98</a>&nbsp;&raquo;, par l&rsquo;int&eacute;gration heureuse de ce qui, dans la vitesse, participe du Rythme fondamental&nbsp;: ainsi, de la folle allure potentiellement destructrice et ali&eacute;nante est seul retenu l&rsquo;&eacute;lan cr&eacute;ateur, qui se soustrait, parce qu&rsquo;il accueille syncope et d&eacute;tour, &agrave; l&rsquo;imp&eacute;ratif chronologique, l&rsquo;ali&eacute;nation chronophagique.</p> <p>Le temps, dans le po&egrave;me, ne passe pas parce qu&rsquo;il ne cesse de passer&nbsp;: ce faisant, la po&eacute;sie nous apprend &agrave; &laquo;&nbsp;danser le temps&nbsp;&raquo;. Ce pourquoi elle constitue encore, &agrave; l&rsquo;&eacute;poque contemporaine, l&rsquo;une des deux &laquo;&nbsp;grandes formes culturelles&nbsp;&raquo; qui, selon Hartmut Rosa, ont rendu le monde &laquo;&nbsp;r&eacute;actif&nbsp;&raquo; (&agrave; savoir&nbsp;: la religion et l&rsquo;art&nbsp;; et singuli&egrave;rement pour l&rsquo;art, la po&eacute;sie et la musique<a href="#nbp_99" id="footnoteref99_5jfqmb5" name="lien_nbp_99" title=" Ibid., p. 140.">99</a>). Elle r&eacute;siste, je veux le croire, au &laquo;&nbsp;d&eacute;sastre de la r&eacute;sonance dans le monde de la modernit&eacute; tardive&nbsp;&raquo;, persistant &agrave; travailler &agrave; une &laquo;&nbsp;vie bonne&nbsp;&raquo; qui &laquo;&nbsp;pourrait &ecirc;tre une vie [&hellip;] riche d&rsquo;exp&eacute;riences multidimensionnelles de &ldquo;r&eacute;sonance<a href="#nbp_100" id="footnoteref100_0ek3h1s" name="lien_nbp_100" title=" Ibid., p. 141. Hartmut Rosa fait ici référence aux analyses de Charles Taylor.">100</a>&rdquo;&nbsp;&raquo;. Car le po&egrave;me nous fait entrer en r&eacute;sonance avec un monde qu&rsquo;il nous apprend &agrave; voir dans sa rotondit&eacute; et son mouvement perp&eacute;tuel&nbsp;; le vertige qu&rsquo;il maintient&nbsp;<em>et</em>&nbsp;provoque, loin de nous faire perdre la t&ecirc;te, donne corps dansant &agrave; notre regard.</p> <hr /> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p><strong>Corpus primaire&nbsp;:</strong></p> <p><strong>1. Jacques R&eacute;da&nbsp;:</strong></p> <p>R&eacute;da, Jacques,<em>&nbsp;R&eacute;citatif</em>&nbsp;[1970], Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1988.</p> <p><em>&ndash; Les</em>&nbsp;<em>Ruines de Paris</em>&nbsp;[1977], Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1993.</p> <p><em>&ndash; P.L.M. et autres textes</em>, Cognac, Le temps qu&rsquo;il fait, 1982.</p> <p>&ndash;&nbsp;<em>Chemin de fer de Petite Ceinture de Paris</em>&nbsp;<em>: 1851-1981</em>, avec Marc Soriano et des photographies de Pierre Pitrou et Bernard Tardien, P&eacute;rigueux, Pierre Fanlac, 1982.</p> <p><em>&ndash; Gares et trains</em>, avec des photographies de Marc Riboud, Paris, ACE &eacute;diteur, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Le Pi&eacute;ton de Paris&nbsp;&raquo;, 1983.</p> <p><em>&ndash; L&rsquo;Herbe des talus,&nbsp;</em>Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Le chemin&nbsp;&raquo;, 1984.</p> <p><em>&ndash; Celle qui vient &agrave; pas l&eacute;gers</em>, Montpellier, Fata Morgana, 1985&nbsp;; &eacute;dition revue et augment&eacute;e 1999.</p> <p><em>&ndash; Ch&acirc;teaux des courants d&rsquo;air</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1986.</p> <p>&ndash; Un voyage aux sources de la Seine, Montpellier, Fata Morgana, 1987.</p> <p>&ndash;&nbsp;<em>Recommandations aux promeneurs</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1988.</p> <p>&ndash;&nbsp;<em>Retour au calme</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1989.</p> <p><em>&ndash; Le Sens de la marche</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1990.</p> <p>&ndash;&nbsp;<em>Lettre sur l&rsquo;univers et autres discours en vers fran&ccedil;ais</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1991.</p> <p><em>&ndash; La Sauvette</em>, Lagrasse, Verdier, 1995.</p> <p>&ndash;&nbsp;<em>L&rsquo;Incorrigible, po&eacute;sies itin&eacute;rantes et famili&egrave;res (1988-1992)</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1995.</p> <p>&ndash;&nbsp;<em>La Course (nouvelles po&eacute;sies itin&eacute;rantes et famili&egrave;res 1993-1999)</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1999.</p> <p><em>&ndash; Moyens de transport</em>, Montpellier, Fata Morgana, 2000.</p> <p><em>&ndash; Ponts flottants</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 2006.</p> <p>&ndash;&nbsp;<em>Battement</em>, Montpellier, Fata Morgana, 2009.</p> <p><em>&ndash; Autoportraits</em>, Montpellier, Fata Morgana, 2010.</p> <p><em>&ndash; D&eacute;m&ecirc;l&eacute;s</em>,&nbsp;<em>po&egrave;mes 2003-2007</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 2010.</p> <p><strong>2. Sur Jacques R&eacute;da&nbsp;:</strong></p> <p>Joqueviel-Bourjea, Marie,&nbsp;<em>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &agrave; pied d&rsquo;&oelig;uvre</em>, Paris, Champion, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;tiques et esth&eacute;tiques xx-xxi<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cles&nbsp;&raquo;, 2015.</p> <p>&ndash; &laquo;&nbsp;Jacques R&eacute;da&nbsp;: l&rsquo;imminence et l&rsquo;extravagance de danser&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;:&nbsp;<em>Articuler danse et po&egrave;me&nbsp;: enjeux contemporains</em>, sous la direction de B&eacute;atrice Bonhomme, Alice Godfroy et R&eacute;gis Lefort, Paris, L&rsquo;Harmattan, coll. &laquo;&nbsp;Thyrse&nbsp;&raquo;, n&deg;&nbsp;13, 2018, p.&nbsp;103-130.</p> <p>Sandras, Michel, &laquo;&nbsp;Jacques R&eacute;da et le prosim&egrave;tre moderne&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;:&nbsp;<em>Po&eacute;tique</em>, Paris, Le Seuil, n&deg;125, f&eacute;vrier 2001, p.&nbsp;51-61.</p> <p><strong>Corpus secondaire&nbsp;</strong>:</p> <p><strong>1. Po&eacute;sie&nbsp;:</strong></p> <p>Apollinaire, Guillaume,<em>&nbsp;Alcools</em>&nbsp;[1913], Paris, Gallimard, coll. &laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1966/1990.</p> <p>Baudelaire, Charles,<em>&nbsp;Les Fleurs du Mal</em>&nbsp;[1857/1861], Paris, Gallimard, coll. &laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1972/1996.</p> <p>Cendrars, Blaise,&nbsp;<em>La Vie dangereuse</em>, Paris, Deno&euml;l, 1960.</p> <p>Claudel, Paul&nbsp;<em>Connaissance de l&rsquo;Est</em>&nbsp;[1900], Paris, Gallimard, coll. &laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1974.</p> <p>Rilke, Rainer Maria&nbsp;<em>Les Cahiers de Malte Laurids Brigge&nbsp;</em>[1910], Paris, Le Seuil, &laquo;&nbsp;Points&nbsp;&raquo; (trad. Maurice Betz), 1996.</p> <p>Rimbaud, Arthur,&nbsp;<em>Po&eacute;sies&nbsp;; Une saison en enfer&nbsp;; Illuminations</em>, Paris, Gallimard, coll. &laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1984.</p> <p>Velter, Andr&eacute;,&nbsp;<em>Passage en force</em>, Mont-de-Marsan, Les &Eacute;crits des Forges, 1994.</p> <p>Verlaine, Paul,<em>&nbsp;La Bonne Chanson</em>&nbsp;;&nbsp;<em>Jadis et nagu&egrave;re</em>&nbsp;;&nbsp;<em>Parall&egrave;lement</em>, Paris, Gallimard, coll. &laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1979/1999.</p> <p><strong>2. Critique&nbsp;:</strong></p> <p>Deleuze, Gilles,<em>&nbsp;Critique et clinique</em>, Paris, Les &eacute;ditions de Minuit, 1993.</p> <p>Gu&eacute;rin, Michel,&nbsp;<em>Philosophie du geste</em>,&nbsp;<em>essai philosophique</em>&nbsp;[1995], Arles, Actes sud, nouvelle &eacute;dition augment&eacute;e 2011.</p> <p>&ndash;&nbsp;<em>L&rsquo;Espace plastique</em>, Bruxelles, La Part de l&rsquo;&oelig;il, 2008.</p> <p>Rosa, Hartmut,&nbsp;<em>Ali&eacute;nation et acc&eacute;l&eacute;ration, vers une th&eacute;orie critique de la modernit&eacute; tardive</em>&nbsp;[2010], Paris, La D&eacute;couverte/Poche, 2012/2014.</p> <p>Heidegger, Martin,<em>&nbsp;Essais et conf&eacute;rences</em>&nbsp;[1954], Paris, Gallimard, coll. &laquo;&nbsp;Tel&nbsp;&raquo;, 1980/1999.</p> <p>Virilio, Paul,&nbsp;<em>Esth&eacute;tique de la disparition</em>&nbsp;[1980/1989], Paris, Le Livre de Poche, coll. &laquo;&nbsp;biblio essais&nbsp;&raquo;, 1994.</p> <p>Weinrich, Harald, &laquo;&nbsp;Les langues, les diff&eacute;rences&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>dans</em>&nbsp;:&nbsp;<em>Le Fran&ccedil;ais dans le monde</em>, n&deg;228, octobre 1989, p.&nbsp;49-56.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1</a>&nbsp;<em>Cf</em>. &laquo;&nbsp;6. &ndash; Plus de ponctuation. // Les adjectifs, les adverbes et les locutions conjonctives &eacute;tant supprim&eacute;s, la ponctuation s&rsquo;annule naturellement, dans la continuit&eacute; vari&eacute;e d&rsquo;un style vivant qui se cr&eacute;e lui-m&ecirc;me, sans les arr&ecirc;ts absurdes des virgules et des points. Pour accentuer certains mouvements et indiquer leurs directions, on emploiera les signes math&eacute;matiques x + : * = &gt; &lt;, et les signes musicaux.&nbsp;&raquo; &Agrave; consulter sur le site de Gallica&nbsp;:&nbsp;<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70679b/f2.image">https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70679b/f2.image</a>.</p> <p><a href="#lien_nbp_2" name="nbp_2">2</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;En regardant les objets d&rsquo;un nouveau point de vue, non plus de face ou de dos, mais &agrave; pic, c&rsquo;est-&agrave;-dire en raccourci, j&rsquo;ai pu rompre les vieilles entraves logiques et les fils &agrave; plomb de l&rsquo;antique compr&eacute;hension.&nbsp;&raquo;<i>, Ibid</i>.</p> <p><a href="#lien_nbp_3" name="nbp_3">3</a>&nbsp;<em>Cf</em>. Hartmut Rosa,&nbsp;<em>Ali&eacute;nation et acc&eacute;l&eacute;ration, vers une th&eacute;orie critique de la modernit&eacute; tardive</em>&nbsp;[2010], Paris, La D&eacute;couverte/Poche, 2012/2014.</p> <p><a href="#lien_nbp_4" name="nbp_4">4</a>&nbsp;<i>Cf</i>. Les premiers vers du &laquo;&nbsp;Cygne&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Andromaque, je pense &agrave; vous&nbsp;! Ce petit fleuve, / Pauvre et triste miroir o&ugrave; jadis resplendit / L&rsquo;immense majest&eacute; de vos douleurs de veuve, / Ce Simo&iuml;s menteur qui par vos pleurs grandit, // A f&eacute;cond&eacute; soudain ma m&eacute;moire fertile, / Comme je traversais le nouveau Carrousel. / Le vieux Paris n&rsquo;est plus (la forme d&rsquo;une ville / Change plus vite, h&eacute;las&nbsp;! que le c&oelig;ur d&rsquo;un mortel)&nbsp;&raquo;, Charles Baudelaire,&nbsp;<i>Les Fleurs du Mal</i>&nbsp;[1857/1861], Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1972/1996, p.&nbsp;125.</p> <p><a href="#lien_nbp_5" name="nbp_5">5</a>&nbsp;<i>Cf</i>. &laquo;&nbsp;Vite&nbsp;! est-il d&rsquo;autres vies&nbsp;?&nbsp;&raquo;, Arthur Rimbaud,&nbsp;<i>Une saison en enfer</i>&nbsp;[1873],&nbsp;<i>Po&eacute;sies&nbsp;; Une saison en enfer&nbsp;; Illuminations</i>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1984, p.&nbsp;129.</p> <p><a href="#lien_nbp_6" name="nbp_6">6</a>&nbsp;<i>Cf</i>. Les premiers vers de &laquo;&nbsp;Zone&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Agrave; la fin tu es las de ce monde ancien // Berg&egrave;re &ocirc; tour Eiffel le troupeau des ponts b&ecirc;le ce matin // Tu en as assez de vivre dans l&rsquo;antiquit&eacute; grecque et romaine // Ici m&ecirc;me les automobiles ont l&rsquo;air d&rsquo;&ecirc;tre anciennes / La religion seule est rest&eacute;e toute neuve la religion / Est rest&eacute;e simple comme les hangars de Port-Aviation // Seul en Europe tu n&rsquo;es pas antique &ocirc; Christianisme / L&rsquo;Europ&eacute;en le plus moderne c&rsquo;est vous Pape Pie X&nbsp;&raquo;, Guillaume Apollinaire,&nbsp;<i>Alcools</i>&nbsp;[1913], Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1966/1990, p.&nbsp;7. Pie X donna sa b&eacute;n&eacute;diction &agrave; l&rsquo;aviateur Beaumont, vainqueur en 1911 de la course Paris-Rome (d&eacute;part de Port-Aviation, premier a&eacute;rodrome fran&ccedil;ais inaugur&eacute; en 1909, rest&eacute; actif jusqu&rsquo;en 1919). C&rsquo;est ce geste que salue Apollinaire dans son po&egrave;me.</p> <p><a href="#lien_nbp_7" name="nbp_7">7</a>&nbsp;L&rsquo;&oelig;uvre de R&eacute;da est souvent per&ccedil;ue comme &ldquo;r&eacute;trograde&rdquo; (du fait, notamment, du recours fr&eacute;quent au vers m&eacute;trique). Le choix &ndash;&nbsp;en apparence paradoxal&nbsp;&ndash; de l&rsquo;&eacute;voquer ici invite &agrave; reconsid&eacute;rer un parcours plus complexe qu&rsquo;il y para&icirc;t.</p> <p><a href="#lien_nbp_8" name="nbp_8">8</a>&nbsp;L&rsquo;usage de la majuscule reprend celui qu&rsquo;en fait l&rsquo;auteur dans&nbsp;<i>Battement</i>, Montpellier, Fata Morgana, 2009.</p> <p><a href="#lien_nbp_9" name="nbp_9">9</a>&nbsp;<em>Cf</em>. Ce que dit Heidegger de la po&eacute;sie comme &laquo;&nbsp;mesure am&eacute;nageante&nbsp;&raquo; (<em>Vermessung</em>)&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mais habiter n&rsquo;a lieu que lorsque la po&eacute;sie appara&icirc;t (<em>sich ereignet</em>) et d&eacute;ploie son &ecirc;tre, [&hellip;]. Elle est elle-m&ecirc;me la mesure am&eacute;nageante [&hellip;], non pas un simple mesurage au moyen de r&egrave;gles gradu&eacute;es pour des plans &agrave; &eacute;tablir. Aussi la po&eacute;sie n&rsquo;est-elle pas non plus un b&acirc;tir (<em>Bauen</em>), si par b&acirc;tir on entend&nbsp;: construire des b&acirc;timents et les munir d&rsquo;installations. Mais la po&eacute;sie [&hellip;] est l&rsquo;&lsquo;&lsquo;habiter&rsquo;&rsquo; (<em>Bauen</em>) initial. [&hellip;]..&nbsp;&raquo;, Martin Heidegger, &laquo;&nbsp;&lsquo;&lsquo;&hellip;L&rsquo;homme habite en po&egrave;te&hellip;&rsquo;&rsquo;&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;:&nbsp;<em>Essais et conf&eacute;rences</em>&nbsp;[1954], Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Tel&nbsp;&raquo;, 1980/1999, p.&nbsp;242.</p> <p><a href="#lien_nbp_10" name="nbp_10">10</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Le prisonnier et ses ch&acirc;teaux (Andr&eacute; Fr&eacute;naud)&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Autoportraits</i>, Montpellier, Fata Morgana, 2010, p.&nbsp;69.</p> <p><a href="#lien_nbp_11" name="nbp_11">11</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;J&rsquo;&eacute;crivais des silences, des nuits, je notais l&rsquo;inexprimable. Je fixais des vertiges.&nbsp;&raquo;, Arthur Rimbaud,&nbsp;<em>Une saison en enfer</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;140.</p> <p><a href="#lien_nbp_12" name="nbp_12">12</a>&nbsp;Harald Weinrich, &laquo;&nbsp;Les langues, les diff&eacute;rences&nbsp;&raquo;, dans Le Fran&ccedil;ais dans le monde, n&deg;&nbsp;228, octobre 1989, p.&nbsp;49-56.</p> <p><a href="#lien_nbp_13" name="nbp_13">13</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Car tout ce que nous faisons aujourd&rsquo;hui, nous autres modernes, nous le faisons vite. La vitesse est devenue notre r&egrave;gle de conduite absolue, et la montre, notre ma&icirc;tresse. Je ne m&rsquo;en plains pas, car j&rsquo;en profite moi-m&ecirc;me aussi en bien des occasions.&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_14" name="nbp_14">14</a>&nbsp;Rainer Maria Rilke,&nbsp;<em>Les Cahiers de Malte Laurids Brigge</em>&nbsp;[1910], Paris, Le Seuil, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Points&nbsp;&raquo; (trad. Maurice Betz), 1996, p.&nbsp;24-26.</p> <p><a href="#lien_nbp_15" name="nbp_15">15</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Le district des lacs&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Sens de la marche</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1990, p.&nbsp;68.</p> <p><a href="#lien_nbp_16" name="nbp_16">16</a>&nbsp;Rainer Maria Rilke,&nbsp;<i>op. cit</i>., p.&nbsp;13&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;apprends &agrave; voir. Je ne sais pas pourquoi, tout p&eacute;n&egrave;tre en moi plus profond&eacute;ment, et ne demeure pas o&ugrave;, jusqu&rsquo;ici, cela prenait toujours fin. J&rsquo;ai un int&eacute;rieur que j&rsquo;ignorais. Tout y va d&eacute;sormais. Je ne sais pas ce qui s&rsquo;y passe.&nbsp;&raquo;</p> <p><a href="#lien_nbp_17" name="nbp_17">17</a>&nbsp;<em>Cf</em>. Les analyses de Hartmut Rosa concernant la &laquo;&nbsp;famine temporelle&nbsp;&raquo; contemporaine,&nbsp;<em>Acc&eacute;l&eacute;ration et ali&eacute;nation</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;25.</p> <p><a href="#lien_nbp_18" name="nbp_18">18</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da,&nbsp;<i>Un voyage aux sources de la Seine</i>, Montpellier, Fata Morgana, 1987, p.&nbsp;23.</p> <p><a href="#lien_nbp_19" name="nbp_19">19</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;62.</p> <p><a href="#lien_nbp_20" name="nbp_20">20</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;58.</p> <p><a href="#lien_nbp_21" name="nbp_21">21</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;56.</p> <p><a href="#lien_nbp_22" name="nbp_22">22</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;59.</p> <p><a href="#lien_nbp_23" name="nbp_23">23</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;13-14.</p> <p><a href="#lien_nbp_24" name="nbp_24">24</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;59.</p> <p><a href="#lien_nbp_25" name="nbp_25">25</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;13.</p> <p><a href="#lien_nbp_26" name="nbp_26">26</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;57.</p> <p><a href="#lien_nbp_27" name="nbp_27">27</a>&nbsp;<em>Cf</em>. Paul Claudel dans &laquo;&nbsp;L&rsquo;entr&eacute;e de la terre&nbsp;&raquo;, po&egrave;me en prose de&nbsp;<em>Connaissance de l&rsquo;Est</em>&nbsp;[1900], Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1974, p.&nbsp;51&nbsp;: &laquo;&nbsp;Car, perp&eacute;tuel pi&eacute;ton, juge sagace de la longueur des ombres je ne perds rien de l&rsquo;auguste c&eacute;r&eacute;monie de la journ&eacute;e&nbsp;: ivre de voir, je comprends tout.&nbsp;&raquo;</p> <p><a href="#lien_nbp_28" name="nbp_28">28</a>&nbsp;Le po&egrave;te relit mal, ult&eacute;rieurement, les &laquo;&nbsp;rares notes&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il prend, car &laquo;&nbsp;[s]on harnachement&nbsp;&raquo; ainsi que &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;tat second o&ugrave; [l]e jette le spectacle d&rsquo;une nature encore un peu sauvage, ne permettent pas la mise &agrave; jour r&eacute;guli&egrave;re d&rsquo;un carnet&nbsp;&raquo;. Il ne &laquo;&nbsp;griffonne&nbsp;&raquo; en effet que quelques &laquo;&nbsp;notes elliptiques&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;vagues croquis&nbsp;&raquo;, Jacques R&eacute;da,&nbsp;<em>Un voyage aux sources de la Seine</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;55 et p.&nbsp;72.</p> <p><a href="#lien_nbp_29" name="nbp_29">29</a>&nbsp;Cendrars dit l&rsquo;urgence de rattraper par l&rsquo;&eacute;criture le temps v&eacute;cu qui l&rsquo;entra&icirc;ne, bien qu&rsquo;il avoue ne pas vouloir s&rsquo;en d&eacute;fendre. Il confie&nbsp;: &laquo;&nbsp;[C]ette exp&eacute;rience m&ecirc;me, qui fait la mati&egrave;re de mes livres, m&rsquo;emp&ecirc;che le plus souvent de les &eacute;crire, soit que je n&rsquo;en ai pas le loisir, soit que je trouve que ce que je vais raconter a par trop de retard sur ce que je viens de vivre [&hellip;], soit que le temps que je mets &agrave; faire un livre m&rsquo;assomme&nbsp;&raquo;. Ce n&rsquo;est que pris par de &laquo;&nbsp;soudains scrupules litt&eacute;raires&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il court s&rsquo;enfermer, &laquo;&nbsp;faisant aller [s]a plume ou tapant &agrave; tour de bras sur [s]a machine &agrave; &eacute;crire pour en finir au plus vite avec cette triste corv&eacute;e d&rsquo;&eacute;crire&nbsp;&raquo;, Blaise Cendrars,<em>&nbsp;La Vie dangereuse</em>, Paris, Deno&euml;l, 1960.</p> <p><a href="#lien_nbp_30" name="nbp_30">30</a>&nbsp;Dans la pr&eacute;face qu&rsquo;il donne au livre d&rsquo;Andr&eacute; Velter&nbsp;<em>Passage en force</em>&nbsp;(Mont-de-Marsan, Les &Eacute;crits des Forges, 1994, p.&nbsp;7-8), Bernard No&euml;l forge le n&eacute;ologisme &laquo;&nbsp;vitesse velter&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#lien_nbp_31" name="nbp_31">31</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Tout le monde sait&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Les</i>&nbsp;<i>Ruines de Paris</i>&nbsp;[1977], Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1993, p.&nbsp;96.</p> <p><a href="#lien_nbp_32" name="nbp_32">32</a>&nbsp;[1] Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;La course (2)&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>La Course (nouvelles po&eacute;sies itin&eacute;rantes et famili&egrave;res 1993-1999)</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1999, p.&nbsp;139.</p> <p><a href="#lien_nbp_33" name="nbp_33">33</a>&nbsp;<em>Ibid.,</em>&nbsp;p.&nbsp;138.</p> <p><a href="#lien_nbp_34" name="nbp_34">34</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;140.</p> <p><a href="#lien_nbp_35" name="nbp_35">35</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;&Eacute;loge mod&eacute;r&eacute; de la lenteur&nbsp;&raquo;,<i>&nbsp;Recommandations aux promeneurs</i>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1988, p.&nbsp;85-94.</p> <p><a href="#lien_nbp_36" name="nbp_36">36</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da,&nbsp;<i>Le Sens de la marche</i>,&nbsp;<i>op. cit</i>., p.&nbsp;20.</p> <p><a href="#lien_nbp_37" name="nbp_37">37</a>&nbsp;<em>Cf</em>. Ce que rapporte R&eacute;da quant &agrave; Follain&nbsp;: &laquo;&nbsp;[L]e nez en l&rsquo;air sur un trottoir d&rsquo;o&ugrave; je l&rsquo;emp&ecirc;chais de descendre, il me confia sa haine pour toutes ces criminelles voitures qui obligent &agrave;&nbsp;<em>faire attention</em>. Or, disait-il, l&rsquo;attention tue la fl&acirc;nerie, et en d&eacute;finitive une pers&eacute;v&eacute;rance enfantine et lyrique dans la fl&acirc;nerie l&rsquo;aura tu&eacute;.&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Dimanche matin&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Les Ruines de Paris</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;68.</p> <p><a href="#lien_nbp_38" name="nbp_38">38</a>&nbsp;Paul Virilio constate que &laquo;&nbsp;l&rsquo;annihilation du temps et de l&rsquo;espace par les hautes vitesses substitue la vastitude du vide &agrave; celle de l&rsquo;exotisme du voyage&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Esth&eacute;tique de la disparition</em>&nbsp;[1980/1989] Paris, Le Livre de Poche, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;biblio essais&nbsp;&raquo;, 1994, p.&nbsp;122.</p> <p><a href="#lien_nbp_39" name="nbp_39">39</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da,&nbsp;<em>Ch&acirc;teaux des courants d&rsquo;air</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1986, p.&nbsp;111.</p> <p><a href="#lien_nbp_40" name="nbp_40">40</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;&Eacute;loge mod&eacute;r&eacute; de la lenteur&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;85. Hartmut Rosa analyse en termes socio-philosophiques cette &laquo;&nbsp;ali&eacute;nation par rapport au temps&nbsp;&raquo; et ce qu&rsquo;il appelle &laquo;&nbsp;le motif bref/bref&nbsp;&raquo; de l&rsquo;exp&eacute;rience temporelle contemporaine aux p.&nbsp;127-132 de&nbsp;<em>Ali&eacute;nation et acc&eacute;l&eacute;ration</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_41" name="nbp_41">41</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Les mains vides&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Retour au calme</i>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1989, p.&nbsp;25.</p> <p><a href="#lien_nbp_42" name="nbp_42">42</a>&nbsp;<i>Ibid.</i></p> <p><a href="#lien_nbp_43" name="nbp_43">43</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;La grande c&ocirc;te&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Ponts flottants</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 2006, p.&nbsp;142.</p> <p><a href="#lien_nbp_44" name="nbp_44">44</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;&Eacute;loge mod&eacute;r&eacute; de la lenteur&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;87.</p> <p><a href="#lien_nbp_45" name="nbp_45">45</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;89.</p> <p><a href="#lien_nbp_46" name="nbp_46">46</a>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_47" name="nbp_47">47</a>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_48" name="nbp_48">48</a>&nbsp;Le terme n&rsquo;est pas anodin&nbsp;: critique de jazz, R&eacute;da consacre de longs d&eacute;veloppements &agrave; la question de la syncope et du swing&nbsp;&ndash;&nbsp;autrement dit au ph&eacute;nom&egrave;ne du &laquo;&nbsp;Battement&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#lien_nbp_49" name="nbp_49">49</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;La fatigue est un bon moteur pour propulser dans le nulle-part un plus-personne [&hellip;].&nbsp;&raquo;, Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Fugue&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>D&eacute;m&ecirc;l&eacute;s</em>,&nbsp;<em>po&egrave;mes 2003-2007</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 2010, p.&nbsp;112.</p> <p><a href="#lien_nbp_50" name="nbp_50">50</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Une lettre de Vaugirard&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Ch&acirc;teaux des courants d&rsquo;air</i>,&nbsp;<i>op. cit</i>., p.&nbsp;28.</p> <p><a href="#lien_nbp_51" name="nbp_51">51</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;R&eacute;citatif, II&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>R&eacute;citatif</em>&nbsp;[1970], Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1988, p.&nbsp;134.</p> <p><a href="#lien_nbp_52" name="nbp_52">52</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;&Eacute;loge mod&eacute;r&eacute; de la lenteur&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;93.</p> <p><a href="#lien_nbp_53" name="nbp_53">53</a>&nbsp;Michel Sandras, &laquo;&nbsp;Jacques R&eacute;da et le prosim&egrave;tre moderne&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;:&nbsp;<em>Po&eacute;tique</em>, Paris, Le Seuil, n&deg;&nbsp;125, f&eacute;vrier 2001, p.&nbsp;51-61.</p> <p><a href="#lien_nbp_54" name="nbp_54">54</a>&nbsp;[1] On se reportera &agrave; &laquo;&nbsp;Les mots, la marche, la musique&nbsp;&raquo;, introduction &agrave;&nbsp;<em>Jacques R&eacute;da, &agrave; pied d&rsquo;&oelig;uvre</em>&nbsp;(Paris, Champion, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;tiques et esth&eacute;tiques xx-xxi<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cles&nbsp;&raquo;, 2015, p.&nbsp;11-25) et &agrave; l&rsquo;&eacute;tude &laquo;&nbsp;Jacques R&eacute;da&nbsp;: l&rsquo;imminence et l&rsquo;extravagance de danser&nbsp;&raquo;, dans les actes du colloque organis&eacute; &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Nice C&ocirc;te d&rsquo;Azur en octobre 2017,&nbsp;<em>Articuler danse et po&egrave;me&nbsp;: enjeux contemporains</em>, B&eacute;atrice Bonhomme, Alice Godfroy et R&eacute;gis Lefort &eacute;d., Paris, L&rsquo;Harmattan, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Thyrse&nbsp;&raquo;, n&deg;&nbsp;13, p.&nbsp;103-130.</p> <p><a href="#lien_nbp_55" name="nbp_55">55</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Charles-Albert Cingria&nbsp;&ndash;&nbsp;Moyens de transport&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>La Sauvette</em>, Lagrasse, Verdier, 1995, p.&nbsp;41-43.</p> <p><a href="#lien_nbp_56" name="nbp_56">56</a>&nbsp;Je renvoie &agrave; la section &laquo;&nbsp;Basse ambulante&nbsp;&raquo; des&nbsp;<em>Ruines de Paris</em>&nbsp;(<em>op. cit</em>.)&nbsp;; &agrave; l&rsquo;ouvrage&nbsp;<em>P.L.M. et autres textes</em>&nbsp;(Cognac, Le temps qu&rsquo;il fait, 1982&nbsp;; texte repris dans&nbsp;<em>L&rsquo;Herbe des talus,&nbsp;</em>section &laquo;&nbsp;Ballasts&nbsp;&raquo;, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Le chemin&nbsp;&raquo;, 1984)&nbsp;; au collectif<em>&nbsp;Chemin de fer de Petite Ceinture de Paris</em>&nbsp;<em>: 1851-1981</em>, photographies de Pierre Pitrou et Bernard Tardien, textes de Jacques R&eacute;da et Marc Soriano (P&eacute;rigueux, Pierre Fanlac, 1982&nbsp;; texte repris sous le titre &laquo;&nbsp;La Petite Ceinture&nbsp;&raquo; dans&nbsp;<em>Gares et trains</em>)&nbsp;; au volume&nbsp;<em>Gares et trains</em>, photographies de Marc Riboud, textes de Jacques R&eacute;da, (Paris, ACE &eacute;diteur, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Le Pi&eacute;ton de Paris&nbsp;&raquo;, 1983&nbsp;; textes repris dans&nbsp;<em>Ch&acirc;teaux des courants d&rsquo;air,&nbsp;</em>section &laquo;&nbsp;Les Terminus&nbsp;&raquo;)<em>.</em></p> <p><a href="#lien_nbp_57" name="nbp_57">57</a>&nbsp;R&eacute;da est contemporain de la r&eacute;volution du TGV&nbsp;: il est donc t&eacute;moin du passage du &laquo;&nbsp;tortillard&nbsp;&raquo; et des &laquo;&nbsp;lignes dites d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t local&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;&Eacute;loge mod&eacute;r&eacute; de la lenteur&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>op. cit</i>., p.&nbsp;86) au TGV.</p> <p><a href="#lien_nbp_58" name="nbp_58">58</a>&nbsp;Paul Verlaine, &laquo;&nbsp;Le paysage dans le cadre des porti&egrave;res&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>La Bonne chanson</i>&nbsp;[1870],&nbsp;<i>La Bonne Chanson</i>&nbsp;;&nbsp;<i>Jadis et nagu&egrave;re</i>&nbsp;;&nbsp;<i>Parall&egrave;lement</i>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, 1979/1999, p.&nbsp;32-33.</p> <p><a href="#lien_nbp_59" name="nbp_59">59</a>&nbsp;Hartmut Rosa,&nbsp;<i>Ali&eacute;nation et acc&eacute;l&eacute;ration</i>,&nbsp;<i>op. cit</i>., p.&nbsp;95.</p> <p><a href="#lien_nbp_60" name="nbp_60">60</a>&nbsp;Paul Virilio,&nbsp;<em>Esth&eacute;tique de la disparition</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;67-68.</p> <p><a href="#lien_nbp_61" name="nbp_61">61</a>&nbsp;<i>Ibid</i>.</p> <p><a href="#lien_nbp_62" name="nbp_62">62</a>&nbsp;L&rsquo;opposition entre ces deux types d&rsquo;exp&eacute;rience est rappel&eacute;e par Hartmut Rosa aux p.&nbsp;131-132 de&nbsp;<i>Ali&eacute;nation et acc&eacute;l&eacute;ration</i>,&nbsp;<i>op. cit</i>.</p> <p><a href="#lien_nbp_63" name="nbp_63">63</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Le sens de la marche&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Le Sens de la marche</i>,&nbsp;<i>op. cit</i>., p.&nbsp;187-211.</p> <p><a href="#lien_nbp_64" name="nbp_64">64</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Prose du TGV 1, 2 &amp; 3&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Ponts flottants</i>,&nbsp;<i>op. cit</i>., p.&nbsp;109-119.</p> <p><a href="#lien_nbp_65" name="nbp_65">65</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Le sens de la marche&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;189.</p> <p><a href="#lien_nbp_66" name="nbp_66">66</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;196-198. Je souligne.</p> <p><a href="#lien_nbp_67" name="nbp_67">67</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;206-207 et p.&nbsp;211.</p> <p><a href="#lien_nbp_68" name="nbp_68">68</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Incorrigible&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>L&rsquo;Incorrigible, po&eacute;sies itin&eacute;rantes et famili&egrave;res (1988-1992)</i>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1995, p.&nbsp;105.</p> <p><a href="#lien_nbp_69" name="nbp_69">69</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Prose du TGV 1&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Ponts flottants</i>,&nbsp;<i>op. cit</i>., p.&nbsp;109 et p.&nbsp;110. Je souligne.</p> <p><a href="#lien_nbp_70" name="nbp_70">70</a>&nbsp;<i>Ibid.</i></p> <p><a href="#lien_nbp_71" name="nbp_71">71</a>&nbsp;Tous les paragraphes sont marqu&eacute;s par un alin&eacute;a.</p> <p><a href="#lien_nbp_72" name="nbp_72">72</a>&nbsp;Je me permets de renvoyer &agrave; deux chapitres de&nbsp;<em>Jacques R&eacute;da, &agrave; pied d&rsquo;&oelig;uvre</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>.&nbsp;: &laquo;&nbsp;&ldquo;P&eacute;trir l&rsquo;insurrection des formes&rdquo;&nbsp;: Claudel, R&eacute;da&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;197-210) et &laquo;&nbsp;La mesure d&rsquo;une ville&nbsp;: Claudel, R&eacute;da&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;377-392).</p> <p><a href="#lien_nbp_73" name="nbp_73">73</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Paul Claudel&nbsp;: un con&nbsp;?&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>La Sauvette</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;44-45.</p> <p><a href="#lien_nbp_74" name="nbp_74">74</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Prose du TGV 2&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>op. cit</i>., p.&nbsp;114-115. Chaque retour &agrave; la ligne est marqu&eacute; par un alin&eacute;a.</p> <p><a href="#lien_nbp_75" name="nbp_75">75</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;115.</p> <p><a href="#lien_nbp_76" name="nbp_76">76</a>&nbsp;<i>Ibid</i>. La th&eacute;matique est r&eacute;currente dans l&rsquo;&oelig;uvre&nbsp;: &laquo;&nbsp;Un instant, un tr&egrave;s court instant car le train va tr&egrave;s vite, / un instant on s&rsquo;arr&ecirc;te en esprit dans cette maison, / et toujours en esprit pendant un instant on l&rsquo;habite, / mais c&rsquo;est un instant aussi long et profond que toute une vie [&hellip;]&nbsp;&raquo;, Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Or et noir&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Moyens de transport</i>,&nbsp;<i>op.&nbsp;cit</i>., p.&nbsp;20.</p> <p><a href="#lien_nbp_77" name="nbp_77">77</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;&Eacute;loge mod&eacute;r&eacute; de la lenteur&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;87.</p> <p><a href="#lien_nbp_78" name="nbp_78">78</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Prose du TGV 3&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>op. cit</i>., p.&nbsp;118.</p> <p><a href="#lien_nbp_79" name="nbp_79">79</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Le grand muet, 2&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Celle qui vient &agrave; pas l&eacute;gers</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;75.</p> <p><a href="#lien_nbp_80" name="nbp_80">80</a>&nbsp;Gilles Deleuze, &laquo;&nbsp;La litt&eacute;rature et la vie&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Critique et clinique</em>, Paris, Les &eacute;ditions de Minuit, 1993, p.&nbsp;12.</p> <p><a href="#lien_nbp_81" name="nbp_81">81</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da,&nbsp;<em>Battement</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;42.</p> <p><a href="#lien_nbp_82" name="nbp_82">82</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;30.</p> <p><a href="#lien_nbp_83" name="nbp_83">83</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;39.</p> <p><a href="#lien_nbp_84" name="nbp_84">84</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;L&rsquo;appareil absolu&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Celle qui vient &agrave; pas l&eacute;gers</i>,&nbsp;<i>op. cit</i>., p.&nbsp;30.</p> <p><a href="#lien_nbp_85" name="nbp_85">85</a>&nbsp;Pour une approche de la &laquo;&nbsp;modernit&eacute; tardive&nbsp;&raquo;, je renvoie aux travaux de Hartmut Rosa.</p> <p><a href="#lien_nbp_86" name="nbp_86">86</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;43.</p> <p><a href="#lien_nbp_87" name="nbp_87">87</a>&nbsp;Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Fugue&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>op. cit</i>., p.&nbsp;114.</p> <p><a href="#lien_nbp_88" name="nbp_88">88</a>&nbsp;<i>I</i><i>bid.</i>, p.&nbsp;74.</p> <p><a href="#lien_nbp_89" name="nbp_89">89</a>&nbsp;<i>I</i><i>bid.</i>, p.&nbsp;76.</p> <p><a href="#lien_nbp_90" name="nbp_90">90</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;69.</p> <p><a href="#lien_nbp_91" name="nbp_91">91</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;70-71.</p> <p><a href="#lien_nbp_92" name="nbp_92">92</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;31.</p> <p><a href="#lien_nbp_93" name="nbp_93">93</a>&nbsp;<i>Ibid</i><i>.</i>, p.&nbsp;38.</p> <p><a href="#lien_nbp_94" name="nbp_94">94</a>&nbsp;Michel Gu&eacute;rin, &laquo;&nbsp;Danser&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Philosophie du geste</em>,<em>&nbsp;essai philosophique</em>&nbsp;[1995], Arles, Actes sud, nouvelle &eacute;dition augment&eacute;e 2011, p.&nbsp;75.</p> <p><a href="#lien_nbp_95" name="nbp_95">95</a>&nbsp;Arthur Rimbaud,&nbsp;<em>Une saison en enfer</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;129. On lit encore dans les&nbsp;<em>Illuminations</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai tendu des cordes de clocher &agrave; clocher ; des guirlandes de fen&ecirc;tre &agrave; fen&ecirc;tre&nbsp;; des cha&icirc;nes d&rsquo;or d&rsquo;&eacute;toile &agrave; &eacute;toile, et je danse.&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Phrases&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Illuminations</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;168.</p> <p><a href="#lien_nbp_96" name="nbp_96">96</a>&nbsp;<i>Cf</i>. Jacques R&eacute;da, &laquo;&nbsp;Note disjointe&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Battement</i>,&nbsp;<i>op. cit</i>., p.&nbsp;58.</p> <p><a href="#lien_nbp_97" name="nbp_97">97</a>&nbsp;Michel Gu&eacute;rin,&nbsp;<em>L&rsquo;Espace plastique</em>, Bruxelles, La Part de l&rsquo;&oelig;il, 2008, p.&nbsp;11.</p> <p><a href="#lien_nbp_98" name="nbp_98">98</a>&nbsp;Hartmut Rosa, quatri&egrave;me de couverture de&nbsp;<em>Ali&eacute;nation et acc&eacute;l&eacute;ration</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_99" name="nbp_99">99</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;140.</p> <p><a href="#lien_nbp_100" name="nbp_100">100</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;141. Hartmut Rosa fait ici r&eacute;f&eacute;rence aux analyses de Charles Taylor.</p>