<p>En France, la m&eacute;moire de Mai 68 est loin d&#39;&ecirc;tre uniforme. La multiplicit&eacute; des supports et la diversit&eacute; des voix qui la racontent n&#39;est pas &eacute;trang&egrave;re &agrave; cet &eacute;clatement. Chaque anniversaire d&eacute;cennal de l&#39;&eacute;v&eacute;nement est accompagn&eacute; d&#39;une pl&eacute;thore d&#39;&eacute;crits qui, entre t&eacute;moignages, synth&egrave;ses historiques et ouvrages pol&eacute;miques, tentent de saisir ce moment majeur de la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise, d&#39;en comprendre la nature et d&#39;en tirer les cons&eacute;quences. Les passions, les clivages id&eacute;ologiques et les souvenirs encore vivaces remod&egrave;lent sans cesse le profil de l&#39;&eacute;v&eacute;nement. Les travaux d&rsquo;historiens les plus s&eacute;rieux ne peuvent entraver les usages opportunistes et politiques du pass&eacute;. La &laquo;&nbsp;fr&eacute;n&eacute;sie de m&eacute;moire<a href="#nbp_1" id="footnoteref1_y9sqedw" name="lien_nbp_1" title="Daniel Lindenberg, «&amp;nbsp;Guerres de mémoire en France&amp;nbsp;», Vingtième siècle, n°42, avril-juin 1994, p. 94.">1</a>&nbsp;&raquo; agit durablement dans nos repr&eacute;sentations de cette p&eacute;riode. Jean-Pierre Rioux souligne &laquo;&nbsp;le r&ocirc;le de la m&eacute;moire dans la m&eacute;tamorphose de l&#39;&eacute;v&eacute;nement<a href="#nbp_2" id="footnoteref2_y8hq1g2" name="lien_nbp_2" title="Jean-Pierre Rioux, «&amp;nbsp;À propos des célébrations décennales du mai français&amp;nbsp;», Vingtième siècle, n°23, juillet-septembre 1989, p. 58.">2</a>&nbsp;&raquo;, rappelant ici la capacit&eacute; des actes comm&eacute;moratifs &agrave; po&eacute;tiser le pass&eacute;.</p> <p>Le cin&eacute;ma fran&ccedil;ais a toute sa part dans la fixation d&rsquo;un imaginaire autour de Mai 68. D&egrave;s les premiers soubresauts, des op&eacute;rateurs non-professionnels enregistrent les diff&eacute;rents combats et r&eacute;alisent &agrave; chaud des films militants, collectifs ou sign&eacute;s<a href="#nbp_3" id="footnoteref3_w0q5e0w" name="lien_nbp_3" title="Citons, entre autres, La CGT en Mai 68 (collectif, sous la direction de Paul Seban), Dassault, notre force (collectif Dynadia), La Société est une fleur carnivore (collectif, sous la direction de Guy Chalon, Bernard Gesbert et Gérard Gozlan), La Charnière d'Antoine Bonfanti.">3</a>, traces de leur action, r&eacute;assignant le cin&eacute;ma &agrave; un instrument de lutte<a href="#nbp_4" id="footnoteref4_80tclzy" name="lien_nbp_4" title="Voir l’ouvrage de Sébastien Layerle, Caméras en lutte en Mai 68, Paris, Nouveau monde, 2008.">4</a>. La d&eacute;marche documentaire se poursuit au cin&eacute;ma et &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision d&egrave;s les ann&eacute;es 1970<a href="#nbp_5" id="footnoteref5_a22mbhp" name="lien_nbp_5" title="Voir entre autres Mai 68 de Gudie Lawaetz (1974), Le Fond de l’air est rouge de Chris Marker (1977), Grands soirs et petits matins de William Klein (1978).">5</a>&nbsp;et jusqu&rsquo;&agrave; aujourd&rsquo;hui<a href="#nbp_6" id="footnoteref6_fa7qiol" name="lien_nbp_6" title="Voir entre autres Reprise d’Hervé Le Roux (1996), Mai 68, je me souviens… de Patrick Jeudy (2008), Mai 68, étrange mécanique de Jean-Luc Marino et Nicolas Poinsignon (2008), L’Autre Mai, Nantes mai 68 de Jacques Willemeont (2008), No Intenso Agora de João Moreira Salles (2017), Mai 68, un étrange printemps de Dominique Beaux (2018), Mai 68, les coulisses de la révolte d’Emmanuel Amara (2018), Filles de Mai – Voix de femmes, de 1968 au féminisme de Jorge Amat (2019).">6</a>&nbsp;par le montage d&#39;archives notamment, proc&eacute;d&eacute; qui semble ne jamais &eacute;puiser les images et les multiples facettes de Mai 68. La fiction n&#39;est pas en reste. Dans une tonalit&eacute; plut&ocirc;t grave, de nombreux longs-m&eacute;trages fran&ccedil;ais abordent cette p&eacute;riode au fil des d&eacute;cennies succ&eacute;dant &agrave; l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement<a href="#nbp_7" id="footnoteref7_f4ihdsq" name="lien_nbp_7" title="Citons, parmi d’autres, Le Lit de la Vierge de Philippe Garrel (1969), Mourir d’aimer d’André Cayatte (1971), Milou en Mai de Louis Malle (1990), Innocents: The Dreamers (2003) de Bernardo Bertolucci, Les Amants réguliers de Philippe Garrel (2005), Nés en 68 d'Olivier Ducastel (2008) et Le Redoutable de Michel Hazanavicius (2017).">7</a>, allant de la simple &eacute;vocation &agrave; la reconstitution minutieuse. La com&eacute;die a finalement peu investi cette p&eacute;riode. Si&nbsp;<em>La Libert&eacute; en croupe</em>&nbsp;(1970) d&#39;&Eacute;douard Molinaro et&nbsp;<em>Courage fuyons&nbsp;</em>(1979) d&#39;Yves Robert y font allusion, sans en faire le c&oelig;ur de leur propos,&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;(1978) de G&eacute;rard Oury est travers&eacute; par l&#39;&eacute;v&eacute;nement. Les renvois &agrave; certains faits historiques t&eacute;moignent de la volont&eacute; du cin&eacute;aste d&#39;inscrire son r&eacute;cit dans un cadre tr&egrave;s pr&eacute;cis. Les r&eacute;f&eacute;rences &agrave; la signature des accords de Grenelle, au d&eacute;but du long-m&eacute;trage, et au d&eacute;part du g&eacute;n&eacute;ral de Gaulle pour Baden-Baden, &agrave; la fin, permettent de situer avec exactitude la temporalit&eacute; du film&nbsp;: du 27 mai au 29 mai 1968. Dans une France chamboul&eacute;e, Jean-Philippe Duroc (Pierre Richard), avocat id&eacute;aliste et pataud, se rend &agrave; Lyon pour rencontrer son client Martial Gaulard (Victor Lanoux), brute &eacute;paisse condamn&eacute;e &agrave; mort alors qu&rsquo;il est innocent. Une mutinerie &eacute;clate &agrave; la prison et Martial saisit l&#39;occasion de s&#39;enfuir avant d&#39;&ecirc;tre rattrap&eacute; par son avocat, devenu ainsi complice de l&#39;&eacute;vasion aux yeux de la police. Tous les deux recherch&eacute;s, ils se dirigent vers Paris en qu&ecirc;te de la gr&acirc;ce pr&eacute;sidentielle qui seule sauvera Martial de la guillotine. Sur leur route, ils croisent Jacques et Gis&egrave;le Panivaux, bourgeois parisiens qui, affol&eacute;s par la situation dans la capitale, se pr&eacute;cipitent en Suisse pour y d&eacute;poser billets et lingots d&#39;or non-d&eacute;clar&eacute;s &agrave; l&#39;administration fiscale.</p> <p><em>La Carapate</em>&nbsp;intervient dans un moment d&eacute;licat de la carri&egrave;re de G&eacute;rard Oury. Port&eacute; par le triomphe des&nbsp;<em>Aventures de Rabbi Jacob</em>&nbsp;en 1973, le r&eacute;alisateur s&rsquo;attelle &agrave; l&#39;&eacute;laboration d&#39;un nouveau projet,&nbsp;<em>Le Crocodile</em>, avec Louis de Fun&egrave;s dans le premier r&ocirc;le. Mais le double infarctus de l&#39;acteur en mars 1975 oblige G&eacute;rard Oury &agrave; renoncer au film. Il se lance dans une aventure ambitieuse par la suite, une production franco-am&eacute;ricaine avec pour vedettes Lino Ventura et Sylvester Stallone. Une nouvelle fois, l&#39;entreprise &eacute;choue. Le cin&eacute;aste s&#39;essaye ensuite au th&eacute;&acirc;tre avec l&#39;&eacute;criture et la mise en sc&egrave;ne d&#39;<em>Arr&ecirc;te ton cin&eacute;ma</em>, d&eacute;convenue pour le public et &eacute;chec critique cuisante. Alors qu&#39;il n&#39;a pas tourn&eacute; depuis cinq ans, il revient &agrave; une formule de com&eacute;die qui avait fait son succ&egrave;s dans les ann&eacute;es 1960 avec<em>&nbsp;Le Corniaud</em>&nbsp;(1965) et&nbsp;<em>La Grande Vadrouille</em>&nbsp;(1966)&nbsp;: l&#39;adjonction forc&eacute;e de deux caract&egrave;res contraires qui finissent par se lier d&#39;amiti&eacute;, une vaste course-poursuite dans de grands espaces, le tout dans une dominante burlesque. Cependant, le cin&eacute;ma comique fran&ccedil;ais s&#39;est sensiblement renouvel&eacute; depuis 1973. &Agrave; l&#39;&eacute;cran, Pierre Richard est la vedette la plus importante depuis le triomphe du&nbsp;<em>Grand Blond avec une chaussure noire</em>&nbsp;(1972) d&#39;Yves Robert. Louis de Fun&egrave;s, remis de son accident cardiaque et sous haute surveillance des m&eacute;decins, reprend doucement le chemin des plateaux sans avoir la m&ecirc;me r&eacute;gularit&eacute; qu&#39;auparavant. &Agrave; c&ocirc;t&eacute;, si les Charlots marquent un coup d&#39;arr&ecirc;t apr&egrave;s leurs d&eacute;buts tonitruants sur grand &eacute;cran au d&eacute;but de la d&eacute;cennie, une nouvelle g&eacute;n&eacute;ration d&#39;acteurs s&#39;installe progressivement dans la com&eacute;die avec son humour travaill&eacute; au caf&eacute;-th&eacute;&acirc;tre (Coluche et la troupe du Splendid). Derri&egrave;re la cam&eacute;ra, Claude Zidi, accompagn&eacute; par le jeune producteur Christian Fechner, est une valeur s&ucirc;re, rassemblant plusieurs millions de spectateurs &agrave; chacun de ses films. D&#39;autres r&eacute;alisateurs rencontrent &eacute;galement le succ&egrave;s. Pascal Thomas et Michel Lang ouvrent la com&eacute;die &agrave; des tonalit&eacute;s plus sentimentales avec&nbsp;<em>Les Zozos</em>&nbsp;(1972) et&nbsp;<em>Pleure pas la bouche pleine</em>&nbsp;(1973) pour l&#39;un,&nbsp;<em>&Agrave; nous les petites Anglaises</em>&nbsp;(1976) et&nbsp;<em>L&#39;H&ocirc;tel de la plage</em>&nbsp;(1978) pour l&#39;autre. Jean Yanne fait flor&egrave;s avec son humour corrosif (<em>Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil</em>, 1972&nbsp;;&nbsp;<em>Moi y&#39;en a vouloir des sous</em>, 1973&nbsp;;&nbsp;<em>Les Chinois &agrave; Paris</em>, 1974). Robert Lamoureux revivifie le comique troupier avec la trilogie&nbsp;<em>La Septi&egrave;me compagnie&nbsp;</em>(1973, 1975, 1977). De son c&ocirc;t&eacute;, Yves Robert s&#39;essaie &agrave; une approche plus sociologique de la com&eacute;die (<em>Un &eacute;l&eacute;phant &ccedil;a trompe &eacute;norm&eacute;ment</em>, 1976&nbsp;;&nbsp;<em>Nous irons tous au paradis</em>, 1977). Dans ce contexte, le burlesque de G&eacute;rard Oury n&#39;est plus vraiment d&#39;actualit&eacute;. Mais en restant fid&egrave;le &agrave; son univers et en trouvant avec Pierre Richard et Victor Lanoux un &eacute;quilibre comique semblable &agrave; celui qui s&#39;&eacute;tablissait entre Louis de Fun&egrave;s et Bourvil, G&eacute;rard Oury rencontre un franc succ&egrave;s au box-office.&nbsp;<em>La Carapate</em>, sorti le 11 octobre 1978, attire 121 089 spectateurs en premi&egrave;re semaine dans les salles de premi&egrave;re exclusivit&eacute; &agrave; Paris et sa p&eacute;riph&eacute;rie et g&eacute;n&egrave;re plus de deux millions de francs de recettes dans le m&ecirc;me temps. Il arrive en t&ecirc;te dans les principales villes de province lors de sa sortie sur le reste du territoire. Le film termine sa course en salles avec 2 923 257 entr&eacute;es avant de conna&icirc;tre une belle carri&egrave;re &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision avec dix-neuf diffusions des ann&eacute;es 1980 &agrave; nos jours.</p> <p>Dix ans apr&egrave;s, Mai 68 fait rire au cin&eacute;ma. Le film est tourn&eacute; dans une p&eacute;riode d&#39;affaissement de la gauche politique fran&ccedil;aise<a href="#nbp_8" id="footnoteref8_g54kic8" name="lien_nbp_8" title="En 1972, la mise en place du Programme commun par le PS et le PCF est vécue pour beaucoup comme une gauche de compromis, loin des idéaux révolutionnaires de Mai 68. En 1974, la publication de l'édition française de L'Archipel du Goulag d'Alexandre Soljénitsyne porte un coup dur au courant communiste français. En 1976, la mort de Mao Tsé-Toung libère les langues. Le maoïsme est remis en cause et de plus en plus de témoignages dénoncent l'autoritarisme de la révolution chinoise. Enfin, en 1978, année de sortie de La Carapate, la gauche est battue aux élections législatives en France.">8</a>. La gestion de cet &eacute;v&eacute;nement sur le mode comique et la r&eacute;ponse favorable qu&#39;y donne le public t&eacute;moigne d&#39;une certaine d&eacute;contraction de la soci&eacute;t&eacute; par rapport &agrave; cette p&eacute;riode. &Agrave; moins que la repr&eacute;sentation qui en est donn&eacute;e ne d&eacute;samorce les tensions et n&#39;efface les souvenirs douloureux, tout comme&nbsp;<em>La Grande Vadrouille</em>&nbsp;pouvait occulter la collaboration en c&eacute;l&eacute;brant une France unanimement r&eacute;sistante. L&#39;enjeu n&#39;est pas seulement de savoir si&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;rit avec ou contre Mai 68 et s&#39;il satisfait un bord politique plus qu&#39;un autre, mais de comprendre quelle m&eacute;moire et quelle conscience de l&#39;&eacute;v&eacute;nement passent &agrave; travers ce film, et de se demander &laquo;&nbsp;si la dimension imaginaire ne l&#39;emporte pas sur la dimension discursive<a href="#nbp_9" id="footnoteref9_kx7tkjt" name="lien_nbp_9" title="Pascal Blanchard, Isabelle Veyrat-Masson, «&amp;nbsp;Les guerres de mémoires&amp;nbsp;: un objet, au carrefour de l'histoire et des processus de médiatisation&amp;nbsp;» dans Pascal Blanchard, Isabelle Veyrat-Masson (dir.), Les Guerres de mémoires. La France et son histoire, Paris, La Découverte, 2008, p. 30.">9</a>&nbsp;&raquo;. Aussi, l&#39;&eacute;tablissement des cadres de production et de l&#39;horizon d&#39;attente suscit&eacute; par l&rsquo;&oelig;uvre est un pr&eacute;alable indispensable avant d&#39;analyser le profil que celle-ci donne &agrave; Mai 68.</p> <p><strong>Un film &laquo;&nbsp;en mai 68&nbsp;&raquo;</strong></p> <p>G&eacute;rard Oury n&#39;a jamais cach&eacute; ses intentions quant &agrave; son film&nbsp;: Mai 68 y est un d&eacute;cor, rien de plus. En visite sur la pr&eacute;paration de&nbsp;<em>La Carapate</em>,&nbsp;<em>Le Figaro</em>&nbsp;rapporte ces propos du r&eacute;alisateur&nbsp;: &laquo;&nbsp;En fait nous utilisons un &eacute;v&eacute;nement historique pour conter une aventure qui n&#39;a rien &agrave; y voir, mais il sert de tremplin &agrave; une satire que j&#39;esp&egrave;re dr&ocirc;le<a href="#nbp_10" id="footnoteref10_jn4w097" name="lien_nbp_10" title="«&amp;nbsp;Une amitié à l'heure de la contestation&amp;nbsp;», Le Figaro, 11 mars 1978, p. 1.">10</a>&nbsp;&raquo;. Mai 68 est abord&eacute; de biais, envisag&eacute; comme une rampe de lancement, une mati&egrave;re o&ugrave; gisent des gags potentiels. Cependant, la &laquo;&nbsp;satire&nbsp;&raquo; &eacute;voqu&eacute;e, presque en lapsus, suffit &agrave; pond&eacute;rer ces intentions de neutralit&eacute;. Nous y reviendrons. Le cin&eacute;aste poursuit son id&eacute;e dans un entretien donn&eacute; &agrave;&nbsp;<em>France-soir</em>&nbsp;:</p> <p><q>Pour&nbsp;<em>La Carapate</em>, je suis parti d&#39;une double id&eacute;e qui me tenait &agrave; c&oelig;ur depuis longtemps. D&#39;abord parler de Mai 68, parce qu&#39;il y a eu dans ces moments, comme dans toutes les crises, une atmosph&egrave;re tout &agrave; fait particuli&egrave;re. Il ne se passait rien et brusquement tout arrivait. Les choses devenaient totalement diff&eacute;rentes, la France se r&eacute;veillait un beau matin sans se reconna&icirc;tre. La police, qui &eacute;tait occup&eacute;e partout ailleurs, l&#39;essence avait disparu aussi, tandis que les v&eacute;los, eux, &eacute;taient r&eacute;apparus et ne se g&ecirc;naient pas pour emprunter les sens interdits. Le deuxi&egrave;me th&egrave;me qui m&#39;int&eacute;ressait &eacute;tait de d&eacute;crire les relations de deux hommes oppos&eacute;s<a href="#nbp_11" id="footnoteref11_z686l1o" name="lien_nbp_11" title="Maurice Fabre, «&amp;nbsp;Pierre Richard sauve la tête de Victor Lanoux&amp;nbsp;», entretien avec Gérard Oury, France-soir, 5 mai 1978, p. 1.">11</a>.</q></p> <p>Ce qui int&eacute;resse G&eacute;rard Oury dans Mai 68, c&#39;est avant tout un climat, l&#39;impression de chambardement et de d&eacute;tournement de l&#39;ordre.&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;s&#39;affirme comme un film &laquo;&nbsp;&ldquo;en mai 68&rdquo; pas &ldquo;sur mai 68&rdquo;<a href="#nbp_12" id="footnoteref12_byzyimb" name="lien_nbp_12" title="Gérard Oury, «&amp;nbsp;Ma recette pour vous faire rire&amp;nbsp;», Le Figaro, 10 octobre 1978, p. 1.">12</a>&nbsp;&raquo; soutient le r&eacute;alisateur. Sans insister sur les origines, les intentions et les effets de l&#39;&eacute;v&eacute;nement, il n&#39;en retient que le factuel, le tableau d&#39;une France sans dessus dessous, d&eacute;sorient&eacute;e, propice &agrave; la com&eacute;die. Il s&#39;explique&nbsp;:</p> <p><q>Ai-je eu raison de situer l&#39;action de&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;en mai 1968 et pourquoi l&#39;ai-je fait&nbsp;? Parce que soudain, et pendant quelques jours &ndash;&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;commence le 27 mai &agrave; l&#39;aube, pour s&#39;achever le 29 au soir &ndash; rien n&#39;est pareil dans ce pays. La police est occup&eacute;e &agrave; d&#39;autres t&acirc;ches que celle de poursuivre les malfaiteurs, l&#39;essence manque, les chemins de fer s&#39;arr&ecirc;tent, et beaucoup de nantis &ndash; j&#39;en ai connu &ndash; filent vers la Suisse en emportant leur magot. [&hellip;] Nous voici donc en plein comique de situation, celui qui consiste &agrave; placer des gens dans des p&eacute;rip&eacute;ties &agrave; l&#39;int&eacute;rieur desquelles ils ne devraient pas se trouver (&agrave; cet &eacute;gard, Feydeau e&ucirc;t &eacute;t&eacute; un admirable sc&eacute;nariste)<a href="#nbp_13" id="footnoteref13_cxzpfaj" name="lien_nbp_13" title="Gérard Oury, «&amp;nbsp;Ma recette pour vous faire rire&amp;nbsp;», Le Figaro, 10 octobre 1978, p. 1.">13</a>.</q></p> <p>G&eacute;rard Oury est &agrave; la recherche d&#39;effets de d&eacute;calage, constitutifs de son cin&eacute;ma. Mai 68 se mue en th&eacute;&acirc;tre vaudevillesque, choix qui peut questionner l&#39;&eacute;thique de cette reconstitution. Ce serait oublier que tout discours historique est une construction et qu&#39;il ne peut &ecirc;tre la description d&#39;une r&eacute;alit&eacute; qui la pr&eacute;c&eacute;derait. En nommant et en circonscrivant les faits, il est d&eacute;j&agrave; une cat&eacute;gorie de l&#39;interpr&eacute;tation selon S&eacute;bastien F&eacute;vry :</p> <p><q>[&hellip;] L&rsquo;&eacute;v&eacute;nement appartient autant &agrave; l&#39;ordre du discours qu&#39;&agrave; celui du r&eacute;el. Son existence d&eacute;pend toujours d&#39;une interpr&eacute;tation pr&eacute;alable. Pour qu&#39;il y ait &eacute;v&eacute;nement, il ne suffit pas que le fait pass&eacute; ait eu lieu. Il faut encore que ce fait soit nomm&eacute; et reconnu. [&hellip;] Repens&eacute; de la sorte, il appara&icirc;t que l&#39;&eacute;v&eacute;nement appara&icirc;t comme une sorte d&#39;objet interm&eacute;diaire, un objet entre monde et discours, un objet qui se trouve pr&eacute;lev&eacute; sur le vivant, mais qui ne &nbsp;peut acc&eacute;der &agrave; la reconnaissance et au sens qu&#39;en &eacute;tant nomm&eacute; et identifi&eacute; par le langage<a href="#nbp_14" id="footnoteref14_j838acj" name="lien_nbp_14" title="Sébastien Fevry, La Comédie cinématographique à l'épreuve de l'Histoire, Paris, L'Harmattan, coll. «&amp;nbsp;Champs visuels&amp;nbsp;», 2012, p. 37.">14</a>.</q></p> <p>Il n&#39;est pas question de dire ici que l&#39;histoire est relative et que les ex&eacute;g&egrave;ses se valent toutes. Mais simplement que le discours sur l&#39;&eacute;v&eacute;nement fait presque autant histoire que l&#39;&eacute;v&eacute;nement lui-m&ecirc;me, qu&#39;en cherchant &agrave; produire du sens, il informe sur un rapport. Aussi,&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;ne s&#39;annonce pas comme le d&eacute;tournement de faits mais plut&ocirc;t comme un jeu autour d&#39;une norme et de repr&eacute;sentations institu&eacute;es, s&#39;appuyant sur l&#39;imaginaire propre &agrave; cette p&eacute;riode et le savoir que le spectateur a pu emmagasiner sur celle-ci.</p> <p><strong>Signes, r&eacute;f&eacute;rents et imaginaires historiques</strong></p> <p>Le long-m&eacute;trage commence par une vue d&#39;ensemble sur une perspective parisienne avec le Panth&eacute;on en toile de fond, monument au c&oelig;ur du Quartier latin, l&agrave; o&ugrave; se sont concentr&eacute;es les r&eacute;voltes &eacute;tudiantes dans la capitale. Tandis que se d&eacute;roule le g&eacute;n&eacute;rique, la cam&eacute;ra d&eacute;zoome lentement et laisse d&eacute;couvrir une rue mise &agrave; sac, jonch&eacute;e de voitures accident&eacute;es et retourn&eacute;es, de poubelles et de cagettes en bois, vestiges d&#39;anciennes barricades. La cam&eacute;ra progresse jusqu&#39;&agrave; l&#39;entr&eacute;e de la rue o&ugrave;, sur le bitume, le fameux slogan &laquo;&nbsp;Sous les pav&eacute;s, la plage&nbsp;&raquo; est &eacute;crit en lettres blanches majuscules. Le plan se poursuit par un panoramique vers la droite et r&eacute;v&egrave;le un mur recouvert d&#39;affiches et de graffitis appelant &agrave; l&#39;insurrection, tandis que le trottoir d&eacute;borde de d&eacute;chets. En un seul plan, cette ouverture concentre les st&eacute;r&eacute;otypes les plus partag&eacute;s autour de Mai 68.</p> <p><img alt="C1.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="235" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/C1.png" width="420" /><img alt="c2.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="235" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/c2.png" width="420" /></p> <p><img alt="c3.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="236" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/c3.png" width="420" /><img alt="C4.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="241" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/C4.png" width="420" /></p> <p>Le g&eacute;n&eacute;rique se poursuit avec le voyage de Jean-Philippe Duroc vers Lyon qui, en cours de route, d&eacute;pose son p&egrave;re en garde chez les Buteau, des cousins d&#39;Auxerre. L&rsquo;exposition s&#39;ach&egrave;ve avec l&#39;arriv&eacute;e de l&#39;avocat dans la cit&eacute; des gones. Au passage de sa voiture, un autre graffiti est d&eacute;voil&eacute; sur les quais de Sa&ocirc;ne&nbsp;: &laquo;&nbsp;Lyon aussi&nbsp;&raquo;. Le g&eacute;n&eacute;rique se termine sur une vue d&#39;ensemble de la colline de Fourvi&egrave;re. Une indication s&#39;incruste &agrave; l&#39;&eacute;cran&nbsp;: &laquo;&nbsp;Lyon, 27 Mai 1968&nbsp;&raquo;. L&rsquo;expolition autour de la ville de Lyon contrebalance le caract&egrave;re suggestif de cette introduction o&ugrave; quelques &eacute;l&eacute;ments suffisent &agrave; sous-entendre Mai 68. G&eacute;rard Oury se sert de la connaissance du spectateur, de sa pr&eacute;sence &agrave; l&rsquo;esprit de quelques images fortes pour exposer tr&egrave;s synth&eacute;tiquement la situation du r&eacute;cit et, dans le m&ecirc;me temps, emmener son film ailleurs. Si le d&eacute;placement du r&eacute;cit vers Lyon permet de rappeler le caract&egrave;re national de Mai 68, ce pas de c&ocirc;t&eacute; en dehors de la capitale est une fa&ccedil;on pour le r&eacute;alisateur de prendre la tangente et de se d&eacute;tacher du centre n&eacute;vralgique de Mai 68, de se d&eacute;faire, dans un premier temps, de tout raccordement politique que la reconstitution de tels &eacute;v&eacute;nements auraient pu entra&icirc;ner. D&egrave;s ce plan d&rsquo;ouverture donnant sur une rue quasi-d&eacute;serte, le cin&eacute;aste filme un &eacute;tat des lieux, les cons&eacute;quences plus que la cause et circonscrit Mai 68 &agrave; une situation plus qu&rsquo;&agrave; une action. G&eacute;rard Oury pr&eacute;sente un moment d&eacute;j&agrave; archiv&eacute; et d&eacute;fini, historicis&eacute;, reconnaissable par quelques &eacute;l&eacute;ments, fig&eacute; comme un clich&eacute; photographique<a href="#nbp_15" id="footnoteref15_x9yzf7p" name="lien_nbp_15" title="En ce sens, nous pourrions reprendre l’expression de Pierre Maillot qui parle de «&amp;nbsp;tourisme&amp;nbsp;» pour qualifier la tendance de certains films historiques français des années 1990 à voir le passé comme un musée vivant, «&amp;nbsp;réduit à sa couleur locale&amp;nbsp;». Voir Pierre Maillot, Les fiancés de Marianne. La société française à travers ses grands acteurs, Paris, Cerf, coll. «&amp;nbsp;7e art&amp;nbsp;», 1996, p. 209.">15</a>. L&rsquo;intention dans cette introduction est de renvoyer suffisamment de signes de reconnaissances de Mai 68 plut&ocirc;t que de faire sentir l&rsquo;ind&eacute;termination d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement en train de se construire et qui ne sait pas encore quelle direction et quelle forme il prendra.</p> <p><img alt="c5.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="236" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/c5.png" width="420" /><img alt="c6.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="235" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/c6.png" width="420" /></p> <p>D&#39;autres vignettes apparaissent dans le film et renforcent son insertion dans un imaginaire de Mai 68. En pleine cavale sur les routes de la France campagnarde, Jean-Philippe et Martial se r&eacute;fugient dans une ferme avant d&rsquo;&ecirc;tre surpris par l&rsquo;arriv&eacute;e de la propri&eacute;taire des lieux. Ils se cachent dans des armoires avant que la jeune paysanne n&rsquo;entre dans la pi&egrave;ce. Elle allume la t&eacute;l&eacute;vision qui retransmet l&rsquo;allocution du 16 mai 1968 de Georges Pompidou, alors premier ministre, sur la r&eacute;ouverture de la Sorbonne. Ce discours n&rsquo;a aucune incidence sur la progression du r&eacute;cit et n&rsquo;&eacute;meut ni Jean-Philippe, occup&eacute; &agrave; terminer la tartine de beurre qu&rsquo;il vient de faucher dans la cuisine, ni Martial, plus int&eacute;ress&eacute; par le changement de tenue de la fermi&egrave;re. Ce moment ne sert qu&rsquo;&agrave; reconnecter la trame du film &agrave; l&rsquo;actualit&eacute; nationale de l&rsquo;&eacute;poque. Un autre instant historique est montr&eacute; avec le d&eacute;part secret de Charles de Gaulle pour Baden-Baden le 29 mai 1968, moment aussit&ocirc;t d&eacute;samorc&eacute; dans son s&eacute;rieux par la rencontre impromptue entre le g&eacute;n&eacute;ral et l&rsquo;avocat aux toilettes et le plaidoyer tr&egrave;s agit&eacute; de Jean-Philippe pour convaincre le pr&eacute;sident (jou&eacute; par un acteur aux allures de pantin d&eacute;sarticul&eacute;) de signer la gr&acirc;ce avant qu&rsquo;il ne prenne son h&eacute;licopt&egrave;re. Ce t&eacute;lescopage de la &laquo;&nbsp;petite histoire&nbsp;&raquo; avec la &laquo;&nbsp;grande&nbsp;&raquo; participe d&rsquo;un d&eacute;samor&ccedil;age des figures politiques. En croisant Pompidou et &eacute;rotisme, De Gaulle et burlesque, G&eacute;rard Oury signifie bien ici que le projet du film n&rsquo;est pas d&rsquo;&oelig;uvrer &agrave; une prise de conscience historique et politique autour de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement mais de d&eacute;tourner et amplifier les repr&eacute;sentations les plus partag&eacute;es de Mai 68. Le cin&eacute;aste pr&eacute;sente une galerie qui n&rsquo;accumule que les poncifs les plus usit&eacute;s autour de Mai 68 (barricades, slogans, Sorbonne, &eacute;tudiants, &eacute;meutes, &hellip;) pour recr&eacute;er une base commune et partag&eacute;e &agrave; partir de laquelle le spectateur pourra davantage mesurer les distances prises&nbsp;:</p> <p><q>Dans les cas les plus significatifs, la com&eacute;die introduit une anomalie qui &eacute;branle nos rep&egrave;res historiques traditionnels. Mais pour que le rire survienne, il faut aussi que cette anomalie soit reconnue comme telle. Si l&#39;&eacute;cart n&#39;est pas compris, la production risque de ne pas susciter le rire. D&#39;o&ugrave; l&#39;int&eacute;r&ecirc;t pour la com&eacute;die de se positionner par rapport &agrave; une norme identifiable. Plus cette norme sera connue, mieux l&#39;&eacute;cart sera per&ccedil;u<a href="#nbp_16" id="footnoteref16_x432tpd" name="lien_nbp_16" title="Sébastien Fevry, La Comédie cinématographique à l'épreuve de l'Histoire, op. cit., p. 32.">16</a>.</q></p> <p>Com&eacute;die &laquo;&nbsp;autour de&nbsp;&raquo; plut&ocirc;t que &laquo;&nbsp;sur&nbsp;&raquo; Mai 68 donc,&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;se sert d&rsquo;un imaginaire pour g&eacute;n&eacute;rer des effets comiques. Toutefois, la part corrosive du film ne se concentre pas uniquement sur cette distorsion et ce jeu autour des r&eacute;f&eacute;rences. La peinture des caract&egrave;res nous renseigne sur la digestion de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement en 1978.</p> <p><strong>Une France en &eacute;bullition</strong></p> <p>Loin de pr&eacute;senter une vision uniformis&eacute;e de la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise,&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;aborde tous les milieux ou presque sans en &eacute;pargner aucun. Martial est un voyou vivant de menus larcins, ayant eu une enfance d&eacute;favoris&eacute;e en Indochine, finalement rendu &agrave; des opinions r&eacute;actionnaires et populistes<a href="#nbp_17" id="footnoteref17_yro7obu" name="lien_nbp_17" title="À bord d’une camionnette volée, il déclare à Jean-Philippe&amp;nbsp;: «&amp;nbsp;Je suis pour la peine de mort. Je suis pour les règlements de compte, tous les règlements de compte, c’est le seul moyen de faire tenir les gens tranquilles. Tiens regarde ce qu’il se passe actuellement avec tous ces petits cons sur les barricades. Eh bien moi je leur enverrais les chars, tu verrais&amp;nbsp;!&amp;nbsp;»">17</a>. Face &agrave; ce &laquo;&nbsp;petit para facho&nbsp;&raquo; comme le d&eacute;signe son avocat, Jean-Philippe est p&eacute;tri de belles intentions et d&rsquo;id&eacute;aux humanistes, qualifi&eacute; de &laquo;&nbsp;gauchiste&nbsp;&raquo; tout au long du film, plut&ocirc;t ridicule par son id&eacute;alisme ben&ecirc;t. Il se retrouve plus obs&eacute;quieux qu&rsquo;il ne voudrait l&rsquo;&ecirc;tre, trop attach&eacute; au respect des proc&eacute;dures l&eacute;gales, tandis que Martial s&rsquo;affirme plus contestataire face &agrave; l&rsquo;autorit&eacute;. &Agrave; c&ocirc;t&eacute; de ces profils, les Buteau sont les tenants d&rsquo;une classe moyenne de province. Propres sur eux, ils n&#39;en restent pas moins pingres et sans c&oelig;ur en laissant le vieux p&egrave;re handicap&eacute; de Jean-Philippe sur le pas de la porte. Les &eacute;tudiants qui apparaissent &agrave; la fin du film sont ramen&eacute;s &agrave; de jeunes &eacute;cervel&eacute;s. Les Paniveau, caricatures bourgeoises parisiennes comme dessin&eacute;es par Daumier, sont empes&eacute;s dans les pr&eacute;ciosit&eacute;s, l&acirc;ches, suffisants, hautains et se font d&eacute;pouiller au fur et &agrave; mesure de leur voyage. G&eacute;rard Oury repr&eacute;sente un large spectre de la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise. &Agrave; cela il ajoute une compilation des paysages les plus divers&nbsp;: les grandes villes (Paris, Lyon), les agglom&eacute;rations moyennes (Auxerre, Dijon), les villages (Chiroubles dans le Rh&ocirc;ne), les fermes de campagne.&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;entend brosser un portrait large de la France de Mai 68 pour n&rsquo;&eacute;pargner aucun milieu.</p> <p><img alt="c7.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="237" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/c7.png" width="420" /><img alt="c8.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="237" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/c8.png" width="420" /></p> <p><img alt="c9.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="237" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/c9.png" width="420" /><img alt="c10.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="234" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/c10.png" width="420" /></p> <p>Cependant, au sein de cette galerie, les ouvriers et les &eacute;trangers restent absents. Le p&egrave;re de Jean-Philippe, Marcel Duroc, ancien ouvrier typographe, est pr&eacute;sent&eacute; comme un sympathisant socialiste<a href="#nbp_18" id="footnoteref18_80hr7nl" name="lien_nbp_18" title="En ce sens, engager Raymond Bussières pour ce rôle n’est pas un choix anodin de la part de Gérard Oury. L’acteur est connu pour ses positions politiques et son engagement public marqué à gauche. Cet ancien encarté communiste et membre fondateur du groupe Octobre, troupe de théâtre prolétarien, a également connu une importante activité syndicale.">18</a>&nbsp;(&laquo;&nbsp;Trente ans que j&rsquo;attends &ccedil;a&nbsp;&raquo; annonce-t-il au d&eacute;but du film &agrave; son fils, en r&eacute;f&eacute;rence au Front Populaire), encourageant les &eacute;tudiants lors des &eacute;meutes. Mais il n&rsquo;occupe qu&rsquo;un r&ocirc;le de second plan, renvoy&eacute; &agrave; un ancien monde, immobilis&eacute; par l&rsquo;&acirc;ge, enti&egrave;rement d&eacute;pendant de son fils pour tous ses d&eacute;placements. Cette discr&eacute;tion de la classe ouvri&egrave;re dans le film, qui s&rsquo;incarne dans l&rsquo;impotence du vieil homme, n&rsquo;est gu&egrave;re &eacute;tonnante dans le contexte de 1978. La m&eacute;moire ouvri&egrave;re concernant Mai 68 dans les ann&eacute;es 1970 est &eacute;clips&eacute;e par la parution de nombreuses autobiographies de leaders &eacute;tudiants<a href="#nbp_19" id="footnoteref19_o2t1dgf" name="lien_nbp_19" title="«&amp;nbsp;C'est aussi durant la décennie 1970 que commence le long silence de la mémoire ouvrière de Mai au profit de celle du mouvement étudiant, qui entre en commémoration. Ce processus de commémoration rampante a commencé en 1973 avec la vogue éditoriale, qui culmine en 1978, des autobiographies de leaders étudiants&amp;nbsp;», Philippe Artières, Michelle Zancarini-Fournel, «&amp;nbsp;De Mai, souviens-toi de ce qu'il te plaît&amp;nbsp;: mémoire des années 68&amp;nbsp;», art. cit., p. 130.">19</a>. Le film de G&eacute;rard Oury &eacute;pouse pleinement cette vision estudiantine des &eacute;v&eacute;nements de mai. Autre point sujet &agrave; invisibilisation, le r&ocirc;le et l&rsquo;action des &eacute;trangers et travailleurs immigr&eacute;s durant Mai 68<a href="#nbp_20" id="footnoteref20_rh0e7jh" name="lien_nbp_20" title="Voir l'article d'Yvan Gastaut, «&amp;nbsp;Quand Mai 1968 rencontre l'immigration&amp;nbsp;: un moment de l'opinion française&amp;nbsp;», Hommes &amp;amp; migrations, n°1321, 2018, p. 152-160.">20</a>. Leur int&eacute;gration aux luttes ouvri&egrave;res et &eacute;tudiantes a ouvert les manifestations aux in&eacute;galit&eacute;s de traitement dont ils sont les victimes, &agrave; la r&eacute;alit&eacute; des discriminations et des bidonvilles. Des slogans comme &laquo;&nbsp;La r&eacute;volution sera internationale ou ne sera pas&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Les &eacute;trangers ont droit &agrave; tout comme vous&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;Nous sommes tous des &eacute;trangers&nbsp;&raquo; t&eacute;moignent de la conscience intersectionnelle<a href="#nbp_21" id="footnoteref21_qdr08e3" name="lien_nbp_21" title="Nous utilisons ce terme pour montrer qu’il existe un croisement entre deux types d’oppression chez les travailleurs étrangers&amp;nbsp;: l’une liée à la classe sociale, l’autre à l’origine de la personne.">21</a>&nbsp;des contestations. Dans&nbsp;<em>La Carapate</em>, une seule &eacute;trang&egrave;re est pr&eacute;sente &agrave; l&rsquo;&eacute;cran, Bach Yen dite &laquo;&nbsp;Blanche Hirondelle&nbsp;&raquo;, la fianc&eacute;e vietnamienne de Martial. Son origine renvoie aux protestations contre la guerre du Vietnam, qui ont mobilis&eacute; les &eacute;tudiants en 1968 en France et dans le monde. Mais le personnage ne se d&eacute;partit pas d&rsquo;une vision st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;e de l&rsquo;Asie, ramen&eacute;e &agrave; l&rsquo;imaginaire folklorique le plus &eacute;cul&eacute; (effet comique sur la langue &eacute;trang&egrave;re, restaurant vietnamien, imagerie occidentale de la princesse orientale) et objectifi&eacute; sexuellement&nbsp;: Martial la reconna&icirc;t dans la foule en voyant ses fesses et elle n&rsquo;a jamais droit &agrave; la parole, r&eacute;duite &agrave; une simple pr&eacute;sence physique. Elle est ni&eacute;e dans les identit&eacute;s qui forment son individualit&eacute;.</p> <p>Plut&ocirc;t que de s&#39;attacher &agrave; la singularit&eacute; des parcours, le film est bien plus int&eacute;ress&eacute; par l&#39;atmosph&egrave;re chaotique provoqu&eacute;e par Mai 68.&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;suit un parcours en zig-zag, fait de trajectoires inabouties (nombreuses voitures &eacute;chang&eacute;es, en panne ou vol&eacute;es) ou contrari&eacute;es&nbsp;: quand Jean-Philippe et Martial remontent de Lyon vers Paris, arr&ecirc;t&eacute;s &ccedil;&agrave; et l&agrave; dans leur course par un vol d&#39;essence ou une gr&egrave;ve inopin&eacute;e de la SNCF, les Paniveau prennent la route oppos&eacute;e, essayant de se r&eacute;fugier en Suisse mais irr&eacute;m&eacute;diablement ramen&eacute;s vers la capitale, &agrave; la suite de plusieurs m&eacute;saventures, vers la capitale. La di&eacute;g&egrave;se se construit autour des d&eacute;placements des personnages, incessants, r&eacute;alis&eacute;s &agrave; bord d&#39;une tr&egrave;s grande vari&eacute;t&eacute; de v&eacute;hicules (voiture, camion, fourgonnette, motocyclette, h&eacute;licopt&egrave;re, barque). Cet aspect tr&egrave;s mouvement&eacute; de la di&eacute;g&egrave;se est une constante du cin&eacute;ma de G&eacute;rard Oury qui, dans&nbsp;<em>Le Corniaud</em>,&nbsp;<em>La Grande Vadrouille</em>, et plus tard dans<em>&nbsp;L&#39;As des as</em>, construit ses trames narratives autour d&#39;un itin&eacute;raire (Naples/Bordeaux, Paris/Zone libre, Paris/Berlin). Dans&nbsp;<em>La Carapate</em>, cette dynamique spatiale est renforc&eacute;e par l&#39;intense agitation qui secoue les s&eacute;quences du film. Les &eacute;meutes en prison qui pr&eacute;c&egrave;dent l&#39;&eacute;vasion de Martial, le num&eacute;ro d&#39;effeuilleuse d&#39;une femme aux abords d&#39;une station-service entra&icirc;nant des accidents en s&eacute;rie, les affrontements entre &eacute;tudiants et CRS &agrave; Dijon puis &agrave; Paris, tous ces &eacute;v&eacute;nements accentuent le sentiment de fi&egrave;vre, de confusion et de d&eacute;sordre recherch&eacute; par G&eacute;rard Oury. Cette r&eacute;duction de Mai 68 &agrave; un vaste d&eacute;cor tumultueux n&#39;est pas sans cons&eacute;quence sur le rapport politique du film &agrave; l&#39;&eacute;v&eacute;nement.</p> <p><strong>Ambigu&iuml;t&eacute;s politiques</strong></p> <p>Le geste que s&#39;autorise G&eacute;rard Oury et qu&rsquo;accr&eacute;dite le public &ndash; placer Mai 68 en toile de fond et d&eacute;velopper une histoire qui ne s&#39;y rattache que tr&egrave;s peu &ndash; est d&eacute;j&agrave; un indice de la position de la soci&eacute;t&eacute; sur ces &eacute;v&eacute;nements. Cette posture n&#39;est pas un cas isol&eacute;. Dans des registres autant dramatiques que comiques, de nombreuses fictions cin&eacute;matographiques fran&ccedil;aises post&eacute;rieures &agrave;&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;abordent Mai 68 de biais.<em>&nbsp;Les Amants r&eacute;guliers</em>&nbsp;(2005) de Philippe Garrel raconte une histoire d&#39;amour d&eacute;butant au milieu de l&rsquo;insurrection &eacute;tudiante.&nbsp;<em>N&eacute;s en 68</em>&nbsp;(2008) d&#39;Olivier Ducastel et Jacques Martineau dresse le portrait d&#39;un groupe d&#39;amis au fil des ann&eacute;es en prenant pour point de d&eacute;part Mai 68.&nbsp;<em>Le Redoutable</em>&nbsp;(2017) de Michel Hazanavicius met &agrave; profit Mai 68 pour relater la transition artistique d&#39;un cin&eacute;aste, Jean-Luc Godard. Ce qui int&eacute;resse ces r&eacute;alisateurs, ce sont les effets provoqu&eacute;s par Mai 68 plut&ocirc;t que la repr&eacute;sentation de l&#39;&eacute;v&eacute;nement en lui-m&ecirc;me. Des longs-m&eacute;trages comme&nbsp;<em>Apr&egrave;s mai</em>&nbsp;(2012) d&#39;Olivier Assayas ou&nbsp;<em>La Belle saison</em>&nbsp;(2015) de Catherine Corsini confirment cette tendance.&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;ob&eacute;it &agrave; ce m&ecirc;me programme de distanciation. En voulant s&#39;amuser de toutes les situations que peut provoquer Mai 68, le film &eacute;volue dans un certain flou politique. Cette ambigu&iuml;t&eacute; est tout &agrave; fait patente dans l&#39;avant-derni&egrave;re s&eacute;quence du film o&ugrave; des affrontements entre &eacute;tudiants et CRS servent de th&eacute;&acirc;tre au d&eacute;nouement de l&#39;intrigue. Les jeunes manifestants sont film&eacute;s, au pire comme des idiots dop&eacute;s aux slogans anti-capitalistes, au mieux comme de grands enfants dont le jeu reste sans grande cons&eacute;quence. Au milieu de ces &eacute;chauffour&eacute;es, la Rolls Royce des Paniveau contenant billets et lingots est br&ucirc;l&eacute;e en place publique, symbole d&#39;une bourgeoisie &agrave; la d&eacute;rive. Ce moment du film multiplie les interversions de classe sociale chez les personnages. Marcel Duroc, bloqu&eacute; dans la luxueuse voiture, est pris pour un nanti. Les Paniveau sont entra&icirc;n&eacute;s par les &eacute;tudiants dans une ronde autour de leur v&eacute;hicule en flamme. Les protestataires se servent des lingots entrepos&eacute;s dans la Rolls Royce comme projectiles, suscitant l&#39;indignation d&#39;un CRS qui s&#39;&eacute;crie &laquo;&nbsp;Gosses de riches&nbsp;!&nbsp;&raquo;. Au milieu de cette confusion, Martial et Jean-Philippe ne font que passer, l&#39;un pour retrouver sa fianc&eacute;e, l&#39;autre pour r&eacute;cup&eacute;rer la gr&acirc;ce pr&eacute;sidentielle, signe que la manifestation n&#39;est qu&#39;en arri&egrave;re-plan &agrave; la trame principale du film. Les pompiers interviennent &agrave; la fin de la s&eacute;quence et dressent des lances &agrave; eau pour disperser la foule, geste qui est &agrave; l&#39;image du film&nbsp;: &laquo;&nbsp;arroser&nbsp;&raquo; chacun, se moquer de tout le monde, quel que soit le milieu.</p> <p><img alt="a1.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="239" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/a1.png" width="420" /><img alt="a2.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="238" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/a2.png" width="420" /></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><img alt="a3.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="238" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/a3.png" width="420" /></p> <p><img alt="a4.png" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="239" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/a4.png" width="420" /></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>La r&eacute;ception critique du film &agrave; sa sortie refl&egrave;te cette ambivalence du traitement. Plut&ocirc;t bien accueilli par la presse qui loue son efficacit&eacute; comique malgr&eacute; quelques voix divergentes, le film prend des atours anarchistes ou r&eacute;actionnaires selon les journalistes. Ainsi, dans<em>&nbsp;Le Matin</em>, Michel Perez &eacute;crit&nbsp;:</p> <p><q><em>La Carapate&nbsp;</em>n&#39;&eacute;vite pas la vulgarit&eacute;, mais c&#39;est son humeur d&eacute;magogique qui est le plus insupportable. L&#39;auteur se flatte d&#39;avoir eu l&#39;audace de choisir Mai 68 pour toile de fond et d&#39;&eacute;voquer, en mettant en sc&egrave;ne les tribulations d&#39;un avocat &ldquo;gauchistes&rdquo; et de son client, les r&eacute;cents exploits de Mesrine. On devine que ces choix ne lui sugg&egrave;rent gu&egrave;re de r&eacute;flexions in&eacute;dites. Pour lui, les barricades de Mai 68 n&#39;ont &eacute;t&eacute; qu&#39;un joyeux chahut&nbsp;; les gauchistes ne sont que des farfelus g&eacute;n&eacute;reux mais naturellement irresponsables. On peut les consid&eacute;rer d&#39;un &oelig;il bienveillant tout en haussant les &eacute;paules. En revanche, il convient de casser du grand et du petit-bourgeois tant qu&#39;on veut. C&ocirc;t&eacute; avenue Foch et c&ocirc;t&eacute; pavillon de banlieue, c&#39;est le m&ecirc;me jeu de massacre. Partant, nos sympathies sont &eacute;videmment canalis&eacute;es vers le truand en cavale, Victor Lanoux, le baroudeur, ancien d&#39;Indochine qui n&#39;a pourtant rien d&#39;un Robin des bois mais qui repr&eacute;sente l&#39;essentiel de la pens&eacute;e libertaire de G&eacute;rard Oury, dangereux anarchiste. D&eacute;cid&eacute;ment&nbsp;<em>La Carapate&nbsp;</em>n&#39;est pas dr&ocirc;le<a href="#nbp_22" id="footnoteref22_iccetas" name="lien_nbp_22" title="Michel Perez, critique de La Carapate, Le Matin, 26 octobre 1978, p. 1.">22</a>.</q></p> <p>Avec moins de s&eacute;v&eacute;rit&eacute; quant &agrave; la qualit&eacute; du film,&nbsp;<em>Le Nouvel Observateur</em>&nbsp;rel&egrave;ve &eacute;galement cette tonalit&eacute; rebelle :</p> <p><q>Prisons en r&eacute;volte, barricades, de Gaulle sur le d&eacute;part pour Baden-Baden&nbsp;: faire rire de Mai-68 le public bourgeois auquel est destin&eacute; le film n&#39;est pas un des moindres m&eacute;rites de G&eacute;rard Oury. On criera au sacril&egrave;ge, &agrave; la caricature, &agrave; la d&eacute;magogie. Il n&#39;emp&ecirc;che que la jubilation dont fait preuve l&#39;auteur en br&ucirc;lant des Rolls a quelque chose d&#39;anar. Le drapeau noir flotte sur ce &ldquo;burlesque&rdquo;&nbsp;: qui l&#39;e&ucirc;t cru<a href="#nbp_23" id="footnoteref23_efpj7w0" name="lien_nbp_23" title="Critique de La Carapate, Le Nouvel Observateur, 23 octobre 1978, p. 1.">23</a>&nbsp;?</q></p> <p>Si le premier critique d&eacute;nonce cet aspect anarchiste, le deuxi&egrave;me le c&eacute;l&egrave;bre. Dans les deux cas, selon ces journalistes, la monstration de bourgeois sur le d&eacute;clin, d&#39;un pouvoir d&eacute;missionnaire et de gauchistes excentriques vouent toute la classe politique aux g&eacute;monies. Seul le condamn&eacute; est sauv&eacute;, per&ccedil;u comme anarchiste de droite ou libertaire de gauche. Dans ces deux extr&ecirc;mes, G&eacute;rard Oury est pr&eacute;sent&eacute; en saboteur de Mai 68 ou en digne h&eacute;ritier.&nbsp;<em>L&#39;Humanit&eacute;</em>&nbsp;voit dans le film un caract&egrave;re beaucoup plus r&eacute;trograde, qui serait la ligne politique de la filmographie du cin&eacute;aste&nbsp;:</p> <p><q>De<em>&nbsp;La Grande Vadrouille</em>&nbsp;&agrave;&nbsp;<em>La Carapate</em>, l&#39;inspiration de G&eacute;rard Oury n&#39;a gu&egrave;re &eacute;volu&eacute;. Elle rel&egrave;ve toujours du m&ecirc;me esprit &ldquo;poujadiste&rdquo;, quelles que soient les variantes intervenant aux plans du sc&eacute;nario, des lieux de l&#39;action, des personnages et des com&eacute;diens charg&eacute;s de les interpr&eacute;ter. [&hellip;] Lorsque l&#39;imagination s&#39;&eacute;puise, il suffit de les s&eacute;parer par un artifice, et l&#39;on voit alors le &ldquo;bon&rdquo; reprendre sa place parmi les &ldquo;bons&rdquo;, c&#39;est-&agrave;-dire r&eacute;int&eacute;grant la soci&eacute;t&eacute; des gens &ldquo;normaux&rdquo; et de l&#39;ordre, tandis que le &ldquo;m&eacute;chant&rdquo; (que l&#39;on ne peut plus d&eacute;sormais liquider, car il a cultiv&eacute; quelques c&ocirc;t&eacute;s sympathiques au contact du &ldquo;bon&rdquo;) s&#39;&eacute;loigne apr&egrave;s avoir accompli sa derni&egrave;re BA<a href="#nbp_24" id="footnoteref24_gt1ebiq" name="lien_nbp_24" title="«&amp;nbsp;La vie dure&amp;nbsp;», critique de La Carapate, L'Humanité, 18 octobre 1978, p. 1.">24</a>.</q></p> <p>Le journal accuse le ton moralisateur de<em>&nbsp;La Carapate</em>, d&eacute;celant, sous ses airs de pochade burlesque, la d&eacute;fense d&#39;un ordre public o&ugrave; le marginal est exclu de la norme sociale. Si ces critiques s&#39;attachent &agrave; traquer l&#39;inconscient politique du film, d&#39;autres d&eacute;samorcent toute possibilit&eacute; d&#39;id&eacute;ologie dans l&rsquo;&oelig;uvre, en pr&eacute;textant que le chahut de Mai 68 n&#39;est utilis&eacute; que dans une pure strat&eacute;gie comique&nbsp;: &laquo;&nbsp;si&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;se d&eacute;roule pendant la chienlit de mai 68, c&#39;est sans arri&egrave;re-pens&eacute;e politique. C&#39;est simplement parce que pendant cette p&eacute;riode, la pagaille &eacute;tait si grandiose que tout &eacute;tait possible<a href="#nbp_25" id="footnoteref25_6qas5ie" name="lien_nbp_25" title="«&amp;nbsp;Folle vadrouille&amp;nbsp;», critique de La Carapate, Minute, 18 octobre 1978, p. 1.">25</a>.&nbsp;&raquo;&nbsp; Pour Pierre Billard, ce pied de nez bon enfant &agrave; l&#39;histoire, la volont&eacute; du film de ne pas se m&ecirc;ler de s&eacute;rieux politique font toute la saveur de&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;:</p> <p><q>Une id&eacute;e tr&egrave;s forte de G&eacute;rard Oury consiste &agrave; installer ses gags aux confins de la trag&eacute;die. A chaque instant, il risque de sombrer dans le ridicule ou l&#39;odieux. Un effet rat&eacute;, et l&#39;on changerait de film&nbsp;: quand l&#39;effet est r&eacute;ussi, il est doublement efficace. [&hellip;]&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;se situe durant les &eacute;v&eacute;nements de Mai 68 et tourne autour de la gr&acirc;ce d&#39;un condamn&eacute; &agrave; mort. On rit donc, et d&#39;autant plus fort qu&#39;on fr&ocirc;le sans cesse le drame national et la p&eacute;rip&eacute;tie historique<a href="#nbp_26" id="footnoteref26_l3a66q3" name="lien_nbp_26" title="Pierre Billard, «&amp;nbsp;La folle vadrouille&amp;nbsp;», critique de La Carapate, Le Point, 17 octobre 1978, p. 1.">26</a>.</q></p> <p>Mais pour Jean-Paul Grousset, cette absence de positionnement constitue la faiblesse du film&nbsp;:</p> <p><q>Mai 68 peut inspirer un film dr&ocirc;le. Sans aller jusqu&#39;&agrave; faire rire aux larmes avec des grenades lacrymog&egrave;nes, un cin&eacute;aste intelligent et sensible peut opposer une charge f&eacute;roce aux assauts des CRS et montrer l&#39;humour-amer des barricades. G&eacute;rard Oury, lui, a voulu distraire sans arri&egrave;re-pens&eacute;e. Et m&ecirc;me sans pens&eacute;e du tout<a href="#nbp_27" id="footnoteref27_ayee33w" name="lien_nbp_27" title="Jean-Paul Grousset, critique de La Carapate, Le Canard enchaîné, 18 octobre 1978, p. 1.">27</a>.</q></p> <p>Ce ne sont donc pas seulement les ambigu&iuml;t&eacute;s du texte qui poussent &agrave; des critiques aussi diverses du film mais aussi les attentes de lecture. Certains ont le regard biais&eacute; par la nature politique de Mai 68 et attendent du film un positionnement id&eacute;ologique, tandis que des journalistes prennent davantage de distance avec l&#39;&eacute;v&eacute;nement et le consid&egrave;rent comme un &eacute;l&eacute;ment parmi d&#39;autres servant l&#39;&eacute;conomie d&#39;une com&eacute;die.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Consid&eacute;r&eacute; comme un simple d&eacute;cor, Mai 68 est rappel&eacute; dans ces &eacute;l&eacute;ments les plus saillants, qui prennent aussit&ocirc;t une valeur m&eacute;tonymique. La volont&eacute; du cin&eacute;aste de ne faire qu&#39;un film &laquo;&nbsp;en mai 68&nbsp;&raquo;, pr&eacute;texte &agrave; l&#39;&eacute;tablissement de quelques situations comiques, le d&eacute;gage des rigueurs de la reconstitution historique. En parlant des com&eacute;dies fran&ccedil;aises portant sur la Seconde Guerre mondiale, S&eacute;bastien Fevry souligne cette capacit&eacute; du ton comique &agrave; &eacute;tablir une distance avec le pass&eacute;&nbsp;:</p> <p><q>Alors que les reconstitutions s&eacute;rieuses dissimulent leur position id&eacute;ologique sous une pr&eacute;tention de dire le vrai, les com&eacute;dies ne se pr&eacute;occupent nullement d&#39;&ecirc;tre per&ccedil;ues comme des t&eacute;moins du pass&eacute;. D&egrave;s lors, elles peuvent proposer une vision de l&#39;histoire qui renvoie davantage &agrave; un positionnement par rapport &agrave; l&#39;&eacute;v&eacute;nement qu&#39;&agrave; l&#39;&eacute;v&eacute;nement lui-m&ecirc;me<a href="#nbp_28" id="footnoteref28_gtmkj33" name="lien_nbp_28" title="Sébastien Fevry, La Comédie cinématographique à l'épreuve de l'Histoire, op. cit., p. 136.">28</a>.</q></p> <p>La r&eacute;ception positive par une partie de la presse t&eacute;moigne d&#39;une d&eacute;contraction avec l&#39;&eacute;v&eacute;nement. Cependant, l&#39;intention du cin&eacute;aste de n&#39;&eacute;pargner personne et de rire de chacun a pu entra&icirc;ner une confusion dans l&#39;interpr&eacute;tation du film, certains y voyant un geste anarchiste, d&#39;autres une &oelig;uvre conservatrice. Tel est le sort du comique - d&#39;autant plus s&#39;il se rapporte &agrave; un moment historique - de troubler les diff&eacute;rents niveaux de lecture. C&#39;est aussi le risque inh&eacute;rent &agrave; toute repr&eacute;sentation de Mai 68 qui, en r&eacute;p&eacute;tant l&#39;&eacute;v&eacute;nement - et de ce fait essaye d&#39;en &eacute;tablir une synth&egrave;se - peut en compromettre la nature profonde&nbsp;:</p> <p><q>&Eacute;v&eacute;nements improvis&eacute;s, se faisant et se d&eacute;faisant, invention de formes de relations sociales nouvelles, rencontres inattendues des paroles les plus diverses. Mais en m&ecirc;me temps, impossibilit&eacute; de les r&eacute;p&eacute;ter&nbsp;: refaire Mai 68 ne peut avoir aucun sens, sinon d&#39;en &eacute;tablir une caricature lugubre. Car comment se conformer au mod&egrave;le dont le sens m&ecirc;me &eacute;tait l&#39;innovation continue<a href="#nbp_29" id="footnoteref29_9uk7rc5" name="lien_nbp_29" title="Eugène Enriquez, Les Jeux du pouvoir et du désir dans l'entreprise, Paris, Desclée de Brouwer, coll. «&amp;nbsp;Sociologie clinique&amp;nbsp;», 1997, p. 85.">29</a>.</q></p> <p><em>La Carapate</em>&nbsp;tend vers cette caricature assum&eacute;e et, en un sens, ne peut que d&eacute;cevoir sur la reconstitution de Mai 68 car par l&#39;acte de repr&eacute;sentation, il en nie la nature profonde. Mais plus que de renseigner sur Mai 68, le film met en exergue le rapport d&#39;une soci&eacute;t&eacute; avec son histoire, rapport &eacute;quivoque mais finalement d&eacute;complex&eacute;. L&#39;&eacute;v&eacute;nement devient une forme d&rsquo;&agrave;-plat narratif. Il est assimil&eacute;, d&eacute;tourn&eacute;, mis &agrave; distance par le rire, jusqu&#39;&agrave; se demander s&#39;il a vraiment eu lieu. Peu &eacute;tonnant alors que le premier titre envisag&eacute; pour&nbsp;<em>La Carapate&nbsp;</em>ait &eacute;t&eacute;&nbsp;<em>Y a pas de mai</em><a href="#nbp_30" id="footnoteref30_kna77oi" name="lien_nbp_30" title=" «&amp;nbsp;J’aime les chansons que Philippe-Gérard a composées pour Montand. Je fais appel à mon vieux copain d’exil afin qu’il écrive la musique de La Carapate. Son thème&amp;nbsp;: Joli mois de mai est ravissant. Surtout, il se réfère au premier titre que nous avions adopté&amp;nbsp;: Y a pas de mai&amp;nbsp;!, dont je persiste à croire qu’il était plus original, plus poétique que La Carapate. Mais toujours, distributeurs et exploitants se réfèrent aux succès passés et Carapate évoque Vadrouille. Il faut s’entêter, se bagarrer et comme il est nécessaire de se battre pour tout, on fatigue et on lâche.&amp;nbsp;», Gérard Oury, Mémoires d’éléphant, Paris, Olivier Orban, 1988, p. 280-281.">30</a>&nbsp;<em>!</em></p> <hr /> <p><strong>Bibliographie :</strong></p> <p>Atack, Margaret,&nbsp;<em>May 68 in French Fiction and Film. Rethinking Society. Rethinking Representation</em>, New York, Oxford University Press, 1999.</p> <p>Blanchard, Pascal et Isabelle Veyrat-Masson, &laquo; Les guerres de m&eacute;moires : un objet au carrefour de l&#39;histoire et des processus de m&eacute;diatisation &raquo;, dans Blanchard, Pascal et Isabelle Veyrat-Masson (dir.),&nbsp;<em>Les Guerres de m&eacute;moires. La France et son histoire</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2008, p. 15-49.</p> <p>Enriquez, Eug&egrave;ne,&nbsp;<em>Les Jeux du pouvoir et du d&eacute;sir dans l&#39;entreprise</em>, Paris, Descl&eacute;e de Brouwer, coll. &laquo; Sociologie clinique &raquo;, 1997, p. 85.</p> <p>Fevry, S&eacute;bastien,&nbsp;<em>La Com&eacute;die cin&eacute;matographique &agrave; l&#39;&eacute;preuve de l&#39;Histoire</em>, Paris, L&#39;Harmattan, coll. &laquo; Champs visuels &raquo;, 2012.</p> <p>Gastaut, Yvan, &laquo; Quand Mai 1968 rencontre l&#39;immigration : un moment de l&#39;opinion fran&ccedil;aise &raquo;,&nbsp;<em>Hommes &amp; migrations</em>, n&deg;1321, 2018, p. 152-160.</p> <p>Layerle, S&eacute;bastien,&nbsp;<em>Cam&eacute;ras en lutte en Mai 68</em>, Paris, Nouveau monde, 2008.</p> <p>Lindenberg, Daniel, &laquo; Guerres de m&eacute;moires en France &raquo;,&nbsp;<em>Vingti&egrave;me si&egrave;cle</em>, n&deg;42, avril-juin 1994, p. 77-96.</p> <p>Maillot, Pierre,&nbsp;<em>Les Fianc&eacute;s de Marianne. La Soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise &agrave; travers ses grands acteurs</em>, Paris, Cerf, coll. &laquo; 7e art &raquo;, 1996.</p> <p>Oury, G&eacute;rard,&nbsp;<em>M&eacute;moires d&#39;&eacute;l&eacute;phant</em>, Paris, Olivier Orban, 1988.</p> <p>Oury, G&eacute;rard,&nbsp;<em>Ma Grande vadrouille</em>, Paris, Plon, 2001.</p> <p>Richard, Pierre,&nbsp;<em>Comme un poisson sans eau. D&eacute;tournement de m&eacute;moire</em>, Paris, Cherche-Midi, 2003.</p> <p>Richard, Pierre et J&eacute;r&eacute;mie Imbert,&nbsp;<em>Je sais rien mais je dirai tout</em>, Paris, Flammarion, 2015.</p> <p>Rioux, Jean-Pierre, &laquo; A propos des c&eacute;l&eacute;brations d&eacute;cennales du mai fran&ccedil;ais &raquo;,&nbsp;<em>Vingti&egrave;me si&egrave;cle</em>, n&deg;23, juillet-septembre 1989, p. 49-58.<br /> &nbsp;</p> <p><strong>Revue de presse du film :</strong></p> <p>Non sign&eacute;, &laquo; Une amiti&eacute; &agrave; l&#39;heure de la contestation &raquo;,&nbsp;<em>Le Figaro</em>, 11 mars 1978, p. 1.</p> <p>Pierre Montagne, &laquo; La folle &eacute;quip&eacute;e Lanoux-Richard &raquo;,&nbsp;<em>Le Figaro</em>, 31 mars 1978, p. 1.</p> <p>Maurice Fabre, &laquo; Pierre Richard sauve la t&ecirc;te de Victor Lanoux &raquo;,&nbsp;<em>France-soir</em>, 5 mai 1978, p. 1.</p> <p>Ren&eacute; Quinson, &laquo; G&eacute;rard Oury filme la &quot;Carapate&quot; mouvement&eacute;e de Pierre Richard et Victor Lanoux &agrave; travers la France de mai 68 &raquo;,&nbsp;<em>La Voix du Nord</em>, 5 juillet 1978, p. 1.</p> <p>G&eacute;rard Oury, &laquo; Ma recette pour vous faire rire &raquo;,&nbsp;<em>Le Figaro</em>, 10 juillet 1978, p. 1.</p> <p>Non sign&eacute;, &laquo; G&eacute;rard Oury film&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;&agrave; travers la France de mai 68 &raquo;,&nbsp;<em>La D&eacute;p&ecirc;che du midi</em>, 10 ao&ucirc;t 1978, p. 1.</p> <p>Robert Monange, &laquo; Joli mois de mai &raquo;,&nbsp;<em>L&#39;Aurore</em>, 3 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Ariel Marinie, &laquo; Avec G&eacute;rard Oury&nbsp;<em>La Carapate&nbsp;</em>sous la pluie &raquo;,&nbsp;<em>Le Figaro</em>, 10 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Monique Pantel, &laquo; G&eacute;rard Oury : &quot;J&#39;adore rire et faire rire&quot; &raquo;,&nbsp;<em>France-soir</em>, 12 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Fran&ccedil;ois Chalais, &laquo; L&#39;humour &agrave; mille &agrave; l&#39;heure &raquo;,&nbsp;<em>Le Figaro magazine</em>, 14 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Robert Chazal, critique de&nbsp;<em>La Carapate</em>,&nbsp;<em>France-soir</em>, 14 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Henri Quiquer&eacute;, &laquo; G&eacute;rard Oury : anxieux de ne pas faire rire &raquo;,&nbsp;<em>Le Matin</em>, 14 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Jean de Baroncelli, critique de&nbsp;<em>La Carapate</em>,&nbsp;<em>Le Monde</em>, 17 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Pierre Billard, &laquo; La folle vadrouille &raquo;,&nbsp;<em>Le Point</em>, 17 octobre 1978, p. 1-2.</p> <p>Michel Marmin, &laquo; Des retrouvailles &raquo;,&nbsp;<em>Le Figaro</em>, 17 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Georges Charensol, critique de&nbsp;<em>La Carapate</em>,&nbsp;<em>Les Nouvelles litt&eacute;raires</em>, 18 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Annie Coppermann, critique de&nbsp;<em>La Carapate</em>,&nbsp;<em>Les Echos</em>, 18 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Jean-Paul Grousset, &laquo;&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;(sauvez-vous) &raquo;,&nbsp;<em>Le Canard encha&icirc;n&eacute;</em>, 18 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Non sign&eacute;, &laquo; La vie dure &raquo;,<em>&nbsp;L&#39;Humanit&eacute;</em>, 18 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Non sign&eacute;, &laquo; Folle vadrouille &raquo;,&nbsp;<em>Minute</em>, 18 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Non sign&eacute;, &laquo;&nbsp;<em>La Carapate</em>, une nouvelle &quot;grande vadrouille&quot;,&nbsp;<em>La Croix</em>, 19 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Didier Decoin, critique de&nbsp;<em>La Carapate</em>,&nbsp;<em>VSD</em>, 19 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Non sign&eacute;, critique de&nbsp;<em>La Carapate</em>,&nbsp;<em>Le Nouvel observateur</em>, 23 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Michel Perez, &laquo; Comique joufflu et comique de jambes &raquo;,&nbsp;<em>Le Matin</em>, 26 octobre 1978, p. 1.</p> <p>Jean-Luc Pouillaude, critique de&nbsp;<em>La Carapate</em>,&nbsp;<em>Positif</em>, d&eacute;cembre 1978, n&deg;213, p. 69.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1</a>&nbsp;Daniel Lindenberg, &laquo;&nbsp;Guerres de m&eacute;moire en France&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Vingti&egrave;me si&egrave;cle</em>, n&deg;42, avril-juin 1994, p. 94.</p> <p><a href="#lien_nbp_2" name="nbp_2">2</a>&nbsp;Jean-Pierre Rioux, &laquo;&nbsp;&Agrave; propos des c&eacute;l&eacute;brations d&eacute;cennales du mai fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Vingti&egrave;me si&egrave;cle</em>, n&deg;23, juillet-septembre 1989, p. 58.</p> <p><a href="#lien_nbp_3" name="nbp_3">3</a>&nbsp;Citons, entre autres,&nbsp;<em>La CGT en Mai 68 (</em>collectif, sous la direction de Paul Seban),&nbsp;<em>Dassault, notre force&nbsp;</em>(collectif Dynadia),&nbsp;<em>La Soci&eacute;t&eacute; est une fleur carnivore&nbsp;</em>(collectif, sous la direction de Guy Chalon, Bernard Gesbert et G&eacute;rard Gozlan),&nbsp;<em>La Charni&egrave;re</em>&nbsp;d&#39;Antoine Bonfanti.</p> <p><a href="#lien_nbp_4" name="nbp_4">4</a>&nbsp;Voir l&rsquo;ouvrage de S&eacute;bastien Layerle,&nbsp;<em>Cam&eacute;ras en lutte en Mai 68</em>, Paris, Nouveau monde, 2008.</p> <p><a href="#lien_nbp_5" name="nbp_5">5</a>&nbsp;Voir entre autres&nbsp;<em>Mai 68</em>&nbsp;de Gudie Lawaetz (1974),&nbsp;<em>Le Fond de l&rsquo;air est rouge</em>&nbsp;de Chris Marker (1977),&nbsp;<em>Grands soirs et petits matins</em>&nbsp;de William Klein (1978).</p> <p><a href="#lien_nbp_6" name="nbp_6">6</a>&nbsp;Voir entre autres&nbsp;<em>Reprise</em>&nbsp;d&rsquo;Herv&eacute; Le Roux (1996),&nbsp;<em>Mai 68, je me souviens&hellip;</em>&nbsp;de Patrick Jeudy (2008),&nbsp;<em>Mai 68, &eacute;trange m&eacute;canique</em>&nbsp;de Jean-Luc Marino et Nicolas Poinsignon (2008),&nbsp;<em>L&rsquo;Autre Mai, Nantes mai 68</em>&nbsp;de Jacques Willemeont (2008),&nbsp;<em>No Intenso Agora&nbsp;</em>de Jo&atilde;o Moreira Salles (2017),&nbsp;<em>Mai 68, un &eacute;trange printemps</em>&nbsp;de Dominique Beaux (2018),&nbsp;<em>Mai 68, les coulisses de la r&eacute;volte</em>&nbsp;d&rsquo;Emmanuel Amara (2018),&nbsp;<em>Filles de Mai &ndash; Voix de femmes, de 1968 au f&eacute;minisme</em>&nbsp;de Jorge Amat (2019).</p> <p><a href="#lien_nbp_7" name="nbp_7">7</a>&nbsp;Citons, parmi d&rsquo;autres,&nbsp;<em>Le Lit de la Vierge</em>&nbsp;de Philippe Garrel (1969),&nbsp;<em>Mourir d&rsquo;aimer</em>&nbsp;d&rsquo;Andr&eacute; Cayatte (1971),&nbsp;<em>Milou en Mai</em>&nbsp;de Louis Malle (1990),&nbsp;<em>Innocents: The Dreamers</em>&nbsp;(2003) de Bernardo Bertolucci,&nbsp;<em>Les Amants r&eacute;guliers</em>&nbsp;de Philippe Garrel (2005),&nbsp;<em>N&eacute;s en 68</em>&nbsp;d&#39;Olivier Ducastel (2008) et&nbsp;<em>Le Redoutable</em>&nbsp;de Michel Hazanavicius (2017).</p> <p><a href="#lien_nbp_8" name="nbp_8">8</a>&nbsp;En 1972, la mise en place du Programme commun par le PS et le PCF est v&eacute;cue pour beaucoup comme une gauche de compromis, loin des id&eacute;aux r&eacute;volutionnaires de Mai 68. En 1974, la publication de l&#39;&eacute;dition fran&ccedil;aise de&nbsp;<em>L&#39;Archipel du Goulag</em>&nbsp;d&#39;Alexandre Solj&eacute;nitsyne porte un coup dur au courant communiste fran&ccedil;ais. En 1976, la mort de Mao Ts&eacute;-Toung lib&egrave;re les langues. Le mao&iuml;sme est remis en cause et de plus en plus de t&eacute;moignages d&eacute;noncent l&#39;autoritarisme de la r&eacute;volution chinoise. Enfin, en 1978, ann&eacute;e de sortie de&nbsp;<em>La Carapate</em>, la gauche est battue aux &eacute;lections l&eacute;gislatives en France.</p> <p><a href="#lien_nbp_9" name="nbp_9">9</a>&nbsp;Pascal Blanchard, Isabelle Veyrat-Masson, &laquo;&nbsp;Les guerres de m&eacute;moires&nbsp;: un objet, au carrefour de l&#39;histoire et des processus de m&eacute;diatisation&nbsp;&raquo; dans Pascal Blanchard, Isabelle Veyrat-Masson (dir.),&nbsp;<em>Les Guerres de m&eacute;moires. La France et son histoire</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2008, p. 30.</p> <p><a href="#lien_nbp_10" name="nbp_10">10</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Une amiti&eacute; &agrave; l&#39;heure de la contestation&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le</em>&nbsp;<em>Figaro</em>, 11 mars 1978, p. 1.</p> <p><a href="#lien_nbp_11" name="nbp_11">11</a>&nbsp;Maurice Fabre, &laquo;&nbsp;Pierre Richard sauve la t&ecirc;te de Victor Lanoux&nbsp;&raquo;, entretien avec G&eacute;rard Oury,&nbsp;<em>France-soir</em>, 5 mai 1978, p. 1.</p> <p><a href="#lien_nbp_12" name="nbp_12">12</a>&nbsp;G&eacute;rard Oury, &laquo;&nbsp;Ma recette pour vous faire rire&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Figaro</em>, 10 octobre 1978, p. 1.</p> <p><a href="#lien_nbp_13" name="nbp_13">13</a>&nbsp;G&eacute;rard Oury, &laquo;&nbsp;Ma recette pour vous faire rire&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Figaro</em>, 10 octobre 1978, p. 1.</p> <p><a href="#lien_nbp_14" name="nbp_14">14</a>&nbsp;S&eacute;bastien Fevry,&nbsp;<em>La Com&eacute;die cin&eacute;matographique &agrave; l&#39;&eacute;preuve de l&#39;Histoire</em>, Paris, L&#39;Harmattan, coll. &laquo;&nbsp;Champs visuels&nbsp;&raquo;, 2012, p. 37.</p> <p><a href="#lien_nbp_15" name="nbp_15">15</a>&nbsp;En ce sens, nous pourrions reprendre l&rsquo;expression de Pierre Maillot qui parle de &laquo;&nbsp;tourisme&nbsp;&raquo; pour qualifier la tendance de certains films historiques fran&ccedil;ais des ann&eacute;es 1990 &agrave; voir le pass&eacute; comme un mus&eacute;e vivant, &laquo;&nbsp;r&eacute;duit &agrave; sa couleur locale&nbsp;&raquo;. Voir Pierre Maillot,&nbsp;<em>Les fianc&eacute;s de Marianne. La soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise &agrave; travers ses grands acteurs</em>, Paris, Cerf, coll. &laquo;&nbsp;7e art&nbsp;&raquo;, 1996, p. 209.</p> <p><a href="#lien_nbp_16" name="nbp_16">16</a>&nbsp;S&eacute;bastien Fevry,&nbsp;<em>La Com&eacute;die cin&eacute;matographique &agrave; l&#39;&eacute;preuve de l&#39;Histoire</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 32.</p> <p><a href="#lien_nbp_17" name="nbp_17">17</a>&nbsp;&Agrave; bord d&rsquo;une camionnette vol&eacute;e, il d&eacute;clare &agrave; Jean-Philippe&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je suis pour la peine de mort. Je suis pour les r&egrave;glements de compte, tous les r&egrave;glements de compte, c&rsquo;est le seul moyen de faire tenir les gens tranquilles. Tiens regarde ce qu&rsquo;il se passe actuellement avec tous ces petits cons sur les barricades. Eh bien moi je leur enverrais les chars, tu verrais&nbsp;!&nbsp;&raquo;</p> <p><a href="#lien_nbp_18" name="nbp_18">18</a>&nbsp;En ce sens, engager Raymond Bussi&egrave;res pour ce r&ocirc;le n&rsquo;est pas un choix anodin de la part de G&eacute;rard Oury. L&rsquo;acteur est connu pour ses positions politiques et son engagement public marqu&eacute; &agrave; gauche. Cet ancien encart&eacute; communiste et membre fondateur du groupe Octobre, troupe de th&eacute;&acirc;tre prol&eacute;tarien, a &eacute;galement connu une importante activit&eacute; syndicale.</p> <p><a href="#lien_nbp_19" name="nbp_19">19</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;C&#39;est aussi durant la d&eacute;cennie 1970 que commence le long silence de la m&eacute;moire ouvri&egrave;re de Mai au profit de celle du mouvement &eacute;tudiant, qui entre en comm&eacute;moration. Ce processus de comm&eacute;moration rampante a commenc&eacute; en 1973 avec la vogue &eacute;ditoriale, qui culmine en 1978, des autobiographies de leaders &eacute;tudiants&nbsp;&raquo;, Philippe Arti&egrave;res, Michelle Zancarini-Fournel, &laquo;&nbsp;De Mai, souviens-toi de ce qu&#39;il te pla&icirc;t&nbsp;: m&eacute;moire des ann&eacute;es 68&nbsp;&raquo;, art. cit., p. 130.</p> <p><a href="#lien_nbp_20" name="nbp_20">20</a>&nbsp;Voir l&#39;article d&#39;Yvan Gastaut, &laquo;&nbsp;Quand Mai 1968 rencontre l&#39;immigration&nbsp;: un moment de l&#39;opinion fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Hommes &amp; migrations</em>, n&deg;1321, 2018, p. 152-160.</p> <p><a href="#lien_nbp_21" name="nbp_21">21</a>&nbsp;Nous utilisons ce terme pour montrer qu&rsquo;il existe un croisement entre deux types d&rsquo;oppression chez les travailleurs &eacute;trangers&nbsp;: l&rsquo;une li&eacute;e &agrave; la classe sociale, l&rsquo;autre &agrave; l&rsquo;origine de la personne.</p> <p><a href="#lien_nbp_22" name="nbp_22">22</a>&nbsp;Michel Perez, critique de<em>&nbsp;La Carapate</em>,&nbsp;<em>Le Matin</em>, 26 octobre 1978, p. 1.</p> <p><a href="#lien_nbp_23" name="nbp_23">23</a>&nbsp;Critique de&nbsp;<em>La Carapate</em>,&nbsp;<em>Le Nouvel Observateur</em>, 23 octobre 1978, p. 1.</p> <p><a href="#lien_nbp_24" name="nbp_24">24</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;La vie dure&nbsp;&raquo;, critique de&nbsp;<em>La Carapate</em>,&nbsp;<em>L&#39;Humanit&eacute;</em>, 18 octobre 1978, p. 1.</p> <p><a href="#lien_nbp_25" name="nbp_25">25</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Folle vadrouille&nbsp;&raquo;, critique de&nbsp;<em>La Carapate</em>,&nbsp;<em>Minute</em>, 18 octobre 1978, p. 1.</p> <p><a href="#lien_nbp_26" name="nbp_26">26</a>&nbsp;Pierre Billard, &laquo;&nbsp;La folle vadrouille&nbsp;&raquo;, critique de&nbsp;<em>La Carapate</em>,&nbsp;<em>Le Point</em>, 17 octobre 1978, p. 1.</p> <p><a href="#lien_nbp_27" name="nbp_27">27</a>&nbsp;Jean-Paul Grousset, critique de<em>&nbsp;La Carapate</em>,&nbsp;<em>Le Canard encha&icirc;n&eacute;</em>, 18 octobre 1978, p. 1.</p> <p><a href="#lien_nbp_28" name="nbp_28">28</a>&nbsp;S&eacute;bastien Fevry,&nbsp;<em>La Com&eacute;die cin&eacute;matographique &agrave; l&#39;&eacute;preuve de l&#39;Histoire</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 136.</p> <p><a href="#lien_nbp_29" name="nbp_29">29</a>&nbsp;Eug&egrave;ne Enriquez,&nbsp;<em>Les Jeux du pouvoir et du d&eacute;sir dans l&#39;entreprise</em>, Paris, Descl&eacute;e de Brouwer, coll. &laquo;&nbsp;Sociologie clinique&nbsp;&raquo;, 1997, p. 85.</p> <p><a href="#lien_nbp_30" name="nbp_30">30</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;J&rsquo;aime les chansons que Philippe-G&eacute;rard a compos&eacute;es pour Montand. Je fais appel &agrave; mon vieux copain d&rsquo;exil afin qu&rsquo;il &eacute;crive la musique de&nbsp;<em>La Carapate</em>. Son th&egrave;me&nbsp;:&nbsp;<em>Joli mois de mai&nbsp;</em>est ravissant. Surtout, il se r&eacute;f&egrave;re au premier titre que nous avions adopt&eacute;&nbsp;:&nbsp;<em>Y a pas de mai&nbsp;!</em>, dont je persiste &agrave; croire qu&rsquo;il &eacute;tait plus original, plus po&eacute;tique que&nbsp;<em>La Carapate</em>. Mais toujours, distributeurs et exploitants se r&eacute;f&egrave;rent aux succ&egrave;s pass&eacute;s et&nbsp;<em>Carapate&nbsp;</em>&eacute;voque&nbsp;<em>Vadrouille</em>. Il faut s&rsquo;ent&ecirc;ter, se bagarrer et comme il est n&eacute;cessaire de se battre pour tout, on fatigue et on l&acirc;che.&nbsp;&raquo;, G&eacute;rard Oury,&nbsp;<em>M&eacute;moires d&rsquo;&eacute;l&eacute;phant</em>, Paris, Olivier Orban, 1988, p. 280-281.</p>